- Speaker #0
Ce que je mets aux parents, c'est une lave de rien en selle. Vous savez qu'ils disent aux parents d'en faire un autre.
- Speaker #1
On ne peut pas exagérer, on est quand même utile. Les élèves, on les aide. On les prépare.
- Speaker #2
Oui, on les prépare. On va voir si ils fonctionnent.
- Speaker #1
Et après,
- Speaker #2
ils vont voir ailleurs si ça marche.
- Speaker #0
Comment on s'arrête mes cours ?
- Speaker #2
Une heure de cours, je peux quand même tout m'en faire.
- Speaker #1
Ça vient de sonner. Les élèves se sont barrés et les profs ont du temps pour discuter. Après la sonnerie, c'est notre podcast de pédagogie. Nous nous retrouvons entre professeurs pour discuter du métier. De nos difficultés, comme de ses beaux aspects, nous recevons aujourd'hui Palo. Oui,
- Speaker #2
bonjour.
- Speaker #1
Salut Palo. Et Will.
- Speaker #2
Will est en plein mental breakdown.
- Speaker #1
Oula, ça grince du côté de Will.
- Speaker #0
Bonjour.
- Speaker #1
Bonjour Will.
- Speaker #2
Bonjour Will. Alors non, Will n'a pas mué parce qu'il a déjà atteint le grand âge pour muer. Il est juste très malade.
- Speaker #0
Non, en fait ce qui me fait rire c'est que juste avant le générique, Palo me demande... T'as de la fièvre ? J'ai juste une sale gueule. Passons à la suite.
- Speaker #2
Mais alors que je m'inquiète sincèrement pour lui, la dernière fois, c'était pareil. Je demande si vous allez bien et on me targue de... Ça se dit pas targue, non ? On dit que j'ai des mauvaises intentions et que je dis ça pour être désagréable.
- Speaker #1
Ce serait le cas si tu lui dis est-ce que tu vas bien ? Oui, mais dis t'as vraiment une sale gueule.
- Speaker #2
Je sais pas ce qu'elle a dit,
- Speaker #0
mais c'est comme ça. Mais non,
- Speaker #2
mais je lui ai demandé s'il avait de la chair. Vous savez quoi, la prochaine fois, vous n'avez qu'à crever avec vos maladies.
- Speaker #0
Non, je suis fatigué.
- Speaker #1
C'est vrai qu'on me l'a dit deux fois hier et ça m'a un peu perturbé. Quel de déterré. Une fois,
- Speaker #2
c'était moi.
- Speaker #1
Je ne sais pas quoi répondre à ça.
- Speaker #2
Je te l'ai dit ce matin quand on m'a monté.
- Speaker #1
Je l'ai dit ce matin et Thibaut me l'a dit aussi hier.
- Speaker #2
Non mais hier, quand t'es arrivé à la réunion. T'es vraiment une sale gueule.
- Speaker #1
Je vais passer l'après-midi à corriger des copies. Et justement, ça rejoint notre thème du jour. Wow, regardez comment je fais la transition.
- Speaker #2
Wow, quelle transition !
- Speaker #1
Parce que nous allons parler aujourd'hui des vacances scolaires et des week-ends des professeurs, ce qui se passe pendant le temps libre. Notamment, vous savez qu'en lien avec l'actualité, le temps des vacances, notamment des vacances d'été, est remis en question. Bon, ce n'est pas nouveau que ce soit remis en question. En effet, c'est vrai qu'on a deux mois. Ce qui n'est pas exactement de moi, parce qu'officiellement ça finit quasiment mi-juin.
- Speaker #2
Ouais, mi-juillet.
- Speaker #1
Mi-juillet, pardon. Quasiment mi-juillet.
- Speaker #2
Je vous en rajoute. Tu ne plaides pas la cause, là.
- Speaker #1
Quasiment mi-juillet, surtout quand on s'occupe des rappapages. Et qu'on est convoqués à la préfecture.
- Speaker #0
Qu'est-ce que t'as fait ? Qu'est-ce que t'as fait pour convoyer à la préfecture ? Qu'est-ce que t'as fait ? T'as connu ?
- Speaker #2
Il y a des choses à nous raconter.
- Speaker #0
Oui, c'est ça, on est inquiets.
- Speaker #1
Et voilà, il y a aussi les procès en lien avec l'enseignement qui prennent du temps sur l'été. C'est abusé. Et oui, je saisis la perche, la transition, parce que justement, en effet, hier soir, on a eu une longue réunion à un conseil d'enseignement. Ils n'en parlent pas. Les professeurs ont aussi des réunions qui peuvent se poursuivre le soir. Hier, c'était jusqu'à
- Speaker #2
20h. 20h, oui.
- Speaker #1
J'ai déjà connu jusqu'à 21h. Oui, moi aussi. Ça peut être vraiment très bon.
- Speaker #0
Ils avaient passé une règle il y a trois ans. pour que ça ne dure pas plus de deux heures. Déjà deux heures, je trouve ça épuisant pour une réunion. Surtout pour les réunions qui pourraient être un mail. Il y en a beaucoup comme ça. Le pire, c'est quand tu as fini ta réunion, au bout d'une heure vingt, une heure et quart, et que tu as ce prof qui lève la main.
- Speaker #2
Il y a eu ce prof. Il y a eu ce prof.
- Speaker #0
Il y a eu ce prof qui lève la main pour dire oui mais pour moi, en fait, ça ne sert à personne.
- Speaker #2
Non, à sa décharge, elle a commencé à me dire je suis désolée, je vais faire la prof relou, mais j'ai une question.
- Speaker #1
Mais justement, j'ai pu être ce prof hier soir, parce qu'on essayait de se convenir des dates des bacs blancs. Et on commençait à convenir d'une date en fin mai. Et je réalisais que ça ne me laisserait que deux semaines pour corriger deux bacs blancs, parce que moi je m'occupe des spécialités HLP et des philosophies tronc commun. Les philosophies tronc commun, c'est tous les élèves, donc c'est une centaine d'élèves.
- Speaker #2
Comme on est dans un petit lycée.
- Speaker #1
Et je leur ai dit, voilà, je ne peux pas corriger tout ça en deux semaines. Et ce qui est intéressant, c'est qu'à un moment lors des échanges, on me disait, mais tiens, si on avance deux ou trois jours, le vendredi, comme ça tu auras un week-end pour corriger. Et j'ai failli pleurer. J'ai failli pleurer parce que justement j'ai répondu de manière toute bête mais j'ai une vie. J'ai le droit d'avoir une vie. Non, j'aimerais avoir une vie. Et c'est tout bête parce que justement on ne le voit pas mais le temps privé du professeur est souvent dédié à son métier ou contaminé par son métier. Et c'est ce qu'on va aborder avec justement ce thème de nos week-ends, de nos soirées et de nos vacances qui ne sont pas forcément des vacances, des week-ends, des soirées. Pas tout le temps. Pas tout le temps. On va essayer de décrypter ça avec vous. Alors, on a plusieurs vacances scolaires dans l'année. Je tiens à le repréciser auprès des auditeurs, surtout si vous n'avez pas d'enfant et que vous n'êtes pas un jour avec le temps scolaire, avec le calendrier scolaire. On a des vacances à la Toussaint, deux semaines. On a deux semaines de vacances pour Noël. Deux semaines de vacances en hiver en février et deux semaines de vacances en avril pour la Pâques. Et ensuite, environ deux mois de vacances l'été, plutôt un mois et demi quand on est professeur. Il y a la pré-rentrée et on finit.
- Speaker #2
Il y a la pré-rentrée, il y a les examens qui finissent tard avec le rattrapage, etc. à condition de l'harmonisation. Donc il y en a qui finissent presque au 14 juillet.
- Speaker #1
C'est ça, en effet. Donc je vous laisse tout d'abord la parole si ça vous convient. Qu'est-ce que vous avez envie d'aborder au sujet de... Voilà, des vacances scolaires, comment ça se passe pour nous, comment ça se passe aussi pour les élèves, on peut parler des vacances des élèves, nos week-ends, et peut-être essayer de voir comment concrètement ça s'organise de notre part, comment on le vit, en rupture avec la vision que peut en avoir la société ou des personnes qui ne sont pas issues du métier.
- Speaker #2
Will, tu veux commencer ?
- Speaker #0
En fait, c'est un peu le problème, c'est que les trois quarts des gens qui sont passés par l'école... qui ont toujours une idée précise de ce qu'ils ont vu, imaginent qu'un prof ne travaille que lorsqu'il est devant sa classe. Et donc ça, on aurait beau expliquer, ça a toujours été le cas et ça sera toujours le cas, on aurait beau expliquer qu'on a des copies à corriger, on a des cours à préparer, si on a ça à faire, on a plein de projets, plein de choses, personne ne le voit. Et c'est ça en fait le vrai problème de cette situation, c'est qu'on est seul devant notre travail, à part pour parfois des projets où on est en équipe, et ça représente une minorité de ce qu'on fait sur notre temps libre. On est tout seul, donc ça veut dire que personne ne peut se rendre compte de la quantité de travail qu'on peut faire quand on est face à nos responsabilités, à nos engagements, face à nos élèves, à nos projets. Et ça peut aussi beaucoup varier d'un prof à l'autre. On ne va pas se cacher derrière ça, il y a certains profs qui effectivement utilisent beaucoup leur temps libre pour ne rien faire. On en a qui font le minimum et ne s'investissent pas plus que ça dans leur métier.
- Speaker #1
Comme dans tout le métier.
- Speaker #0
Comme dans tout le métier, partout. Personne n'est parfait, on a ça aussi dans... dans les enseignants et le problème c'est que quand ceux-là sont identifiés à l'extérieur, dont les voix, ils sont pris comme exemple pour caractériser l'ensemble des profs.
- Speaker #2
Du métier,
- Speaker #0
ouais. Moi j'ai mon voisin, il passe tous ses après-midi à tondre sa pelouse, il fait rien, c'est un prof, et après ça parle et ça crée cette idée que les profs quand ils rentrent chez eux, ils foutent rien. Et ça c'est très dur à vivre pour tous les autres qui sont une majorité silencieuse et qui travaillent beaucoup et qui font énormément de choses, de projets. des voyages, des ateliers, enfin plein de choses, et qui entendent ce discours qui est quand même assez terrible. Moi, je peux prendre comme exemple par rapport à des vacances. Quand j'ai mis en place, j'en ai déjà parlé, tous les cours que je fais actuellement, ça m'a pris beaucoup de temps à mettre en place pour essayer de suivre le nouveau programme qui déjà est caduque aujourd'hui. On en reviendra, parce que c'est aussi une forme de maltraitance qu'on subit assez fréquemment. En fait, pendant... Quasiment un an et demi, deux ans, je n'ai pas eu de vacances du tout. Je passais tout mon temps libre sur ces projets-là parce que j'avais envie de faire quelque chose de bien fini, de bien pour les élèves. J'avais de hautes attentes. Et donc, chaque moment libre que je pouvais avoir, quasiment, je l'intégrais à ça. Et je m'étais rendu compte, à la fin de toute cette période-là, que j'étais quasiment passé à rien d'un burn-out. Je me rendais compte que je me disais, attention, là, ça ne va pas. J'ai plus de temps libre pour moi, je fais plus rien, j'ai plus de loisirs. Alors certes mon projet avance, mais à quel prix ? Et c'est ça aussi que je pense qu'on va y revenir. Mais une question très compliquée, c'est quand on ne travaille pas, on se sent coupable. Moi c'est comme ça que je le vois. C'est le même problème que pour les étudiants qui ne vont pas bûcher leurs cours, parce qu'ils ne peuvent pas avoir aussi beaucoup de temps libre quand on fait ses études. Mais là je ne fais rien, alors qu'il y a la petite voix qui dit « Mais pourquoi tu ne bosses pas ? Pourquoi tu ne fais pas ça en plus ? » Parce qu'on a ce temps libre.
- Speaker #1
Et parce qu'on peut toujours faire plus.
- Speaker #0
Et qu'on peut toujours faire plus. Et on se dit, là, j'ai un paquet de copies à faire, j'ai tel projet que je pourrais avancer maintenant, j'ai des mails de parents ou d'administration, il faudrait que je les renvoie, il faudrait que je les ai mis. On a plein de trucs à faire tout le temps.
- Speaker #1
Il y a toujours le devoir un peu tacite de continuer à se former, d'apprendre, de lire. Il y a tellement de choses sur lesquelles il faut se renouveler.
- Speaker #0
C'est ce qu'ils appellent la veille culturelle. Il faut tout le temps être à la pointe de tout. Et c'est vrai que parfois quand on dit mais là je ne fais rien, je me mets en off vraiment et je coupe tout et j'ai le droit aussi à une vie privée et à faire des choses qui ne regardent que moi. Il y aura toujours cette petite voix qui te dira ouais mais tu ne bosses pas là. Et c'est ça qui est très compliqué à comprendre. Je pense que tant qu'on n'est pas devenu prof, ou en tout cas tant qu'on n'a pas fait un métier qui fonctionne comme ça, parce qu'il n'y a pas que prof, mais un métier qui fonctionne comme ça, c'est compliqué à comprendre. Il y a beaucoup de métiers où quand on rentre chez soi, on n'est plus au boulot, c'est terminé, on attend le lendemain pour y retourner, on aura sa journée de tendeur, il s'est fait et c'est terminé. Nous, on a tout le temps des réflexions à avoir, des choses à regarder, des livres à lire, de voir une certaine veille. continuelle et qui parfois nous prouvaient la vie.
- Speaker #2
Pour avoir travaillé dans le secteur privé dans une usine, c'était un travail, physiquement, c'était très difficile. Je faisais 3-8, physiquement, je portais du poids, on était constamment dans du bruit, etc. C'était un métier très difficile. En revanche, je savais que ma semaine allait commencer à telle heure que j'étais à l'usine de, admettons, 5h à 13h, que quand je sortais J'avais tout de mon après-midi, j'avais toute ma soirée, tous mes loisirs. Par contre, le lendemain, il fallait qu'à 5h, je sois à mon poste. J'avais tous mes week-ends. C'est ce que j'ai fait quand j'étais étudiante. Et vraiment, quand je suis devenue prof, j'ai vraiment vu la différence. Parce que déjà, à l'usine, c'était difficile physiquement. Effectivement, prof, je trouve que c'est quand même difficile psychologiquement. C'est de la fatigue psychologique à la fin de la journée. Donc c'est pas le même type de fatigue, et effectivement, c'est pas un métier physiquement qui va nous drainer. Psychologiquement, un peu plus. L'usine, psychologiquement, il n'y avait aucun souci. Je veux dire, c'était pas compliqué, on me demandait de faire un truc, je le faisais et puis basta, quoi. Physiquement, c'était très difficile, beaucoup plus que prof, ça oui. À choisir, bien évidemment que je préfère être prof parce que c'est ce que j'aime faire, plutôt que de travailler à l'usine. En revanche, par contre, sur la vie personnelle, non. Parce que j'avais plus de temps libre, plus de temps à moi quand je travaillais à l'usine, que depuis que je suis prof. Et même sur nos temps off, où on ne travaille pas, où on n'est pas au lycée et tout, moi je ressens, je ne sais pas pour vous, mais ce besoin du lundi et même le week-end, le week-end ça m'arrive, d'être totalement disponible. Il faut qu'à tout moment on soit disponible pour les élèves, pour l'administration. Si on nous envoie un mail, il faut y répondre rapidement. Les parents, quand ils ont des questions, il ne faut pas trop les laisser attendre. Donc ce truc que tu dis là où on a toujours quelque chose à faire, c'est oui. Et surtout, il faut toujours qu'on soit disponible pour le faire.
- Speaker #0
Parce qu'il y a cette idée que, comme justement, ce qu'il faut comprendre pour ceux qui ne connaissent pas forcément bien ce métier, c'est qu'en fonction de notre qualification, si on est agrégé, certifié, on a un nombre d'heures minimum qu'on doit passer devant les élèves. Donc c'est entre 15 et 18 heures. Il me semble que pour les profs de PS, c'est 20 heures. Donc on doit ce nombre d'heures effectives devant une classe. Et donc, en contrepartie, on imagine que derrière, et c'est vrai, il y a du travail à faire, mais là, pour le coup, qui n'est pas quantifié. On n'a pas à rendre de compte là-dessus. Et donc forcément, chacun qui va demander au professeur d'être disponible va se dire qu'il a ce temps, donc il est disponible. Sauf que lui ne se rend pas compte, comme il est de l'autre côté, qu'il a déjà donné du temps pour telle chose, telle chose, telle chose, qu'il arrive après en même temps que plein d'autres choses. Et c'est là où ça devient compliqué, c'est d'arriver à gérer ce flot ininterrompu d'informations à gérer, de projets à gérer, de travail à faire. d'avancer sur plein de choses en même temps. Et ça, ils ne peuvent pas le savoir. Donc chacun va venir nous solliciter dans son coin, dans son couloir, mais sans se rendre compte de la réalité qu'il y a derrière.
- Speaker #2
Plus ajouté à ça, le fait qu'on est quand même un emploi du temps, où on est obligé d'être sur notre lieu de travail, qui est plutôt flexible par rapport à d'autres métiers, ça c'est sûr. Ça rajoute aussi que nous, on a cette chance, on ne travaille pas le mardi après-midi, on a cette possibilité de pouvoir aller chez le médecin le mardi après-midi, si on a besoin et pas forcément. le mercredi ou le samedi matin. Donc c'est vrai qu'on peut se permettre de mettre des choses personnelles au milieu de nos journées, qui fait qu'en fait ça casse notre temps de travail. On ne fait pas un 8h-18h. Par exemple, des fois on fait 8h midi, on va rester, on va bosser jusqu'à 14h au lycée, ensuite on va aller faire nos courses. Comme toute personne normale qui a un travail. Sauf que, comme nous ça s'étale sur la journée, des fois après on se retrouve le soir chez nous à... 20 heures après avoir mangé, on se dit « Ah, mais il faut que je prépare ça pour demain, j'ai oublié de le faire. » Eh bien, à 20 heures, on va ouvrir notre ordinateur et on va se mettre à bosser. Alors que quand je bossais à l'usine, moi je rentrais et je n'avais pas travaillé. Je laissais le travail à l'usine. Et ça, sur les vacances scolaires, effectivement, moi je n'ai pas l'impression. Alors, je prends des moments off où je ne travaille pas parce que je me suis obligée à le faire depuis deux ans. Mais avant, j'étais tout le temps en mode travail. C'est-à-dire que... À tout moment, je pouvais bosser. À tout moment, pour moi, il y avait quelque chose à faire. Alors que oui, effectivement, à l'époque, j'étais avec un autre conjoint qui était dans le secteur privé et qui, du coup, travaillait. Il avait cinq semaines ou six semaines, ça dépend, de congés payés par an. Mais par contre... Il ne travaillait pas pendant ses congés payés. Il n'y avait pas de travail. C'est-à-dire qu'il y avait, mine de rien, cette sérénité d'esprit de se dire « je n'ai pas de boulot à faire » . Là, la culpabilité, elle est tout le temps présente.
- Speaker #0
On peut comprendre aussi, pour faire un peu l'avocat du diable, quand on est de l'autre côté.
- Speaker #2
Mais bien sûr !
- Speaker #0
Les profs, ils ont tant de semaines de vacances, etc. En gros, je me mets du point de vue de quelqu'un qui est dans le privé, mais ça fait s'organiser ou quoi ? Oui. C'est vrai, mais parfois, on ne sait pas s'organiser. Mais oui, il y a beaucoup de choses à faire. Comme on ne compte pas nos heures sur certains projets, on peut très bien s'épuiser, passer 3-4 semaines, voire plus, non-stop sur un projet, parce que ça nous tient à cœur ou parce que simplement il faut qu'il soit fini, il faut que ça avance vite.
- Speaker #2
Et laisser de côté d'autres trucs en appente.
- Speaker #0
Et donc oui, il y a peut-être une façon de gérer tout ça, en tout cas pour ma part, c'est vrai que ça a été longtemps le cas, ça l'est un petit peu moins aujourd'hui. Comment est-ce que je gère mon temps libre ? Est-ce que je m'astreinte ? Je dis là, tel jour je ne bosse pas, même si j'ai 200 copies à corriger, tel jour je ne bosse pas, c'est comme ça. Est-ce que je m'oblige aussi lorsque je rentre chez moi à 14h, jusqu'au soir, si je vais corriger mes copies maintenant, je m'oblige à le faire. En fait c'est ça, je pense qu'il y a cette gestion nécessaire du temps libre et c'est vrai que pour maintenir une vie de famille là-dedans, c'est là où c'est compliqué. La gestion est importante et c'est ça aussi qu'on n'apprend pas. On l'apprend en faisant et on fait beaucoup d'erreurs aussi là-dessus. En pensant qu'en en faisant beaucoup, ça nous aidera. Sauf que plus on travaille, plus ça amène encore plus de travail. Et le problème, c'est qu'on n'en sort jamais. Les copier, par exemple. Je sais que j'ai arrêté d'en corriger depuis longtemps. Je fonctionne autrement, mais ça me prend quand même du temps. Je l'avais expliqué dans une émission précédente. Je passe beaucoup maintenant en utilisant l'outil informatique. Alors ça aussi c'est limite mais ça fonctionne bien pour pas mal d'autres choses. Mais même ça, j'utilise pas un système totalement automatique. Il y a un système qui demande quand même...
- Speaker #2
Une vérification derrière.
- Speaker #0
Voilà, qui demande quand même que je vérifie la copie numérique que j'ai reçue. Donc je la relis rapidement. Tout ce qui est déjà validé je sais que c'est bon mais je vais devoir quand même relire.
- Speaker #2
Toutes les erreurs.
- Speaker #0
Pour vérifier quand même qu'il n'y ait pas une petite erreur qui soit passée. Donc je vais quand même avoir un regard. Donc c'est pas juste que je reçois une note et je la mets toute seule dans le bulletin. Ça marche pas aussi simplement pour le système que j'utilise. Donc ça prend quand même du temps. mais du point de vue de l'élève c'est bon bah il fait automatiquement ça va vite il bosse pas quoi c'est la machine qui bosse pour lui quoi alors que non alors qu'il y a un vrai travail derrière qui est fait pour vérifier pour préparer le truc en amont parce que ça prend beaucoup plus de temps à préparer réparer un contrôle sachant que je peux pas non plus forcément utiliser tout le temps le même parce que ça a pas marché non plus donc il faut systématiquement mettre à jour les outils donc tout ça je le fais seulement en temps libre et parfois c'est vrai que tu peux dire mais pour tel jour j'aurais dû faire ça donc tu t'y mets le soir hein Parfois très tard le soir. Ça je ne fais plus. Mais maintenant je me suis simplement dit, sauf dans de très rares cas, je ne bosse plus le soir. Après une centaine d'heures, j'arrête. Parce qu'avec l'âge aussi, on ne récupère pas de la même façon.
- Speaker #2
Mais t'inquiète, j'ai quelques années de moins, mais ce n'est pas pour autant que...
- Speaker #0
Mais je faisais cette erreur avant. Je me souviens d'années à bosser jusqu'à une heure du matin. Alors que j'avais cours le lendemain.
- Speaker #2
Et ça ne me choque pas.
- Speaker #0
Pour que les choses soient finies, pour que ce soit bien fini, pour que ce soit... nickel. Et ça, c'est pas sain, c'est pas bien de faire ça. Il ne faut pas faire ça.
- Speaker #2
Donc pareil, des paquets de copies où tu dis « Oui, je vous les rendrai tel jour. » Et puis tu n'as pas le temps, tu n'as pas le temps, tu n'as pas le temps. Et puis ce jour-là, il arrive. Sauf que quand tu dis un truc, il vaut mieux t'y tenir. Donc du coup, ça m'est déjà arrivé de passer des nuits entières à corriger des copies pour les finir. Alors que le lendemain, j'ai déjà fait des nuits blanches et j'ai enseigné après parce que je devais corriger des copies. Parce que je n'avais pas eu le temps de les faire avant.
- Speaker #0
En plus,
- Speaker #2
en termes de copie, je pense que Jamie peut nous donner son avis sur la chose parce que t'es en plein dedans.
- Speaker #1
Ouais, non, c'est pénible. C'est le côté laborieux du métier. Si je fais un seul devoir de tronc commun, dans la philosophie pour toutes les terminales, c'est tous les élèves. J'ai 100 élèves pour un devoir. Il me faut environ 20 minutes par copie, donc je suis un trentaine d'heures pour un devoir.
- Speaker #0
Un trentaine d'heures, si tu comptes que tu ne t'arrêtes jamais. et que tu es efficace sur chacune des copies.
- Speaker #1
Si je suis efficace, c'est ça.
- Speaker #0
Et c'est ça, et parfois on n'est pas efficace. Parfois, moi, ça m'arrive de calculer comme tu fais. Je me dis, si j'ai tant de copies, ça me prend à peu près tant de temps. Sauf qu'au bout de 25-30 copies, ton cerveau, il ne marche plus. Il faut t'arrêter ou revenir sur une copie que tu n'as pas bien corrigée. Ou tu te dis, mais là...
- Speaker #2
Mais là, il a dit un truc, mais je crois que j'ai accepté ça sur une autre copie.
- Speaker #0
Mais oui. En fait, tu ne passes pas 30, mais peut-être 40 heures.
- Speaker #1
Oui, mais en plus, c'est vrai que je fais une jurisprudence et je mets toujours une note provisoire. Et quand j'ai corrigé toutes les copies, je relis. pour que ça soit harmonisé. Et ça, ça me prend deux heures de plus.
- Speaker #0
En fait, il fait sa propre commission d'harmonisation.
- Speaker #1
C'est ça.
- Speaker #2
C'est le bon élève. Je vous l'ai mis, c'est le bon élève.
- Speaker #1
On est tous des bons élèves. C'est ça que vous décrivez depuis le début. C'est un métier qui nous force à avoir un vrai étos de travail. Les profs, c'est des travailleurs. La plupart des profs, ils bossent. Et ça nous oblige à être organisés, à avoir vraiment une gestion du temps, une logistique. Mais c'est ça le côté pervers. Il y a un philosophe français contemporain qui s'appelle Baudrillard qui explique qu'à tout le temps vouloir faire du temps de l'argent, c'est-à-dire à vouloir gérer notre temps, le rendre productif, l'exploiter. Mais ça contamine tout. C'est-à-dire que même dans nos loisirs, nos temps libres, on est toujours en train de calculer le temps. Donc on n'arrête pas de planifier nos week-ends. On se dit, ah mais tiens, j'aurai les vacances pour le faire. Les vacances sont déjà une outil, une ressource qu'on exploite. Le soir aussi. Le soir, qu'est-ce qui fait qu'on n'est pas là pour sa famille parfois ? C'est parce qu'on est en train de penser son temps. On ne peut pas s'empêcher de penser au boulot. On est là en train de se dire, putain, alors demain il y a ça. Comment je vais faire pour l'affronter ? C'est ça que je n'ai pas eu le temps de bien finir. Quand je suis organisé. Et la personne qui nous aime, elle est à côté de nous, elle nous parle, mais nous on n'est pas là. On n'est pas vraiment là.
- Speaker #2
Nombre de fois où ça m'arrive, il en a trop marre. En fait, des fois, il me parle et je suis dans ma tête. Et en fait, je réponds, le pire c'est que je dis « hum hum, hum hum » ou « d'accord » . Et deux secondes après, il me dit « t'en penses quoi ? » Je dis « tu m'as parlé ? » Et parce que j'étais en train de penser, mais c'est affreux. Vraiment, je vous le jure, des fois, il en a trop marre. À juste titre, parce que t'as pas du tout l'impression d'être écouté quand tu parles déjà. Et parce qu'il a l'impression que je suis tout le temps dans ma tête. Et parce que, effectivement, quand tu parles de la course à la productivité, on ne voit que ça sur les réseaux sociaux en ce moment. Moi, en tout cas, c'est ce que je vois que grâce à mon algorithme. Mais en tout cas, c'est que des gens qui... En fait, c'est hyper anxiogène, je trouve. C'est des gens qui te mettent les horaires à chaque truc qu'ils font. Et ils disent genre, ils te montrent une journée productive dans leur vie, et ils ont le temps d'aller au sport, ils ont le temps de prendre leur petit matcha, ils ont le temps de faire du sport, de faire du yoga, de lire un livre, d'écrire, etc. Moi déjà si le matin j'ai le temps de me maquiller et de boire mon café, et en ce moment de lire un chapitre de mon livre, je suis ravie. Et je m'oblige à lire un chapitre de mon livre, sinon je ne lis plus. J'ai été obligée de le mettre dans ma routine du matin, et je me lève plus tôt pour le faire.
- Speaker #0
C'est ça qui est compliqué à comprendre. Comment est-ce qu'on pourrait faire comprendre ? On est l'un des métiers avec le plus de temps libre, d'autant qu'on n'est pas dans notre lieu de travail, mais on arrive à cette situation. Comment c'est possible ?
- Speaker #2
Je pense qu'il faudrait qu'on soit filmé tout le temps. Parce qu'en plus, quand tu rajoutes dans la balance une vie de famille, ou comme c'est toi qui a l'emploi du temps le plus souple, donc... Des fois, la plupart du temps, c'est toi qui t'occupes aussi le plus des enfants, d'aller les chercher, d'aller les ceci, d'aller les cela. Alors après, tous les métiers, tous les gens qui travaillent dans d'autres corps de métier ont aussi des enfants et arrivent à gérer comme nous. Ce que je veux dire, c'est juste, quand tu rajoutes tout ça, moi je ne peux pas travailler à la maison si j'ai ma fille. Bébé de 15 mois, travailler avec un bébé de 15 mois à côté, c'est impossible. Donc quand on travaille, je le ramène à la maison, mais que des fois, mon lieu de vie... n'est pas propice au travail, le seul moment que j'ai c'est la nuit en fait. Du coup je ne dors pas, du coup je suis fatiguée. Du coup à mon prochain temps libre, qu'est-ce que je vais faire ? Je vais faire une petite sieste parce qu'au bout d'un moment sinon je tombe de fatigue ou alors je me plante en voiture en rentrant du taf. Je veux dire, il faut faire des choix. Donc oui, il y a des après-midi, je ne travaille pas et oui je vais faire une sieste. Et oui, je suis une prof fainéante qui fait la sieste l'après-midi mais en même temps si je ne le fais pas, après je ne peux pas tenir.
- Speaker #1
Justement, Baudrillard explique qu'en soi le temps libre c'est un temps qui est perdu. C'est un temps où on le perd. Mais nous on est toujours en train d'exploiter notre temps libre, c'est à dire que quand tu dis ah tiens j'aurai ce temps là où j'ai pas à me reposer, c'est du temps travaillé, parce que tu te reposes de quoi ? Du travail ! C'est à dire que justement souvent nos vacances sont dédiées à ça, c'est à dire vraiment on récupère parce que c'est, tu l'as dit tout à l'heure, c'est un métier qui est ultra énergivore, les gens s'en doutent pas mais moi j'ai beaucoup de collègues, d'anciens collègues qui ont fait une reconversion, qui sont arrêtés d'être profs, et c'est la première chose qu'ils disent quoi, ils ont tellement de temps et tellement d'énergie. C'est là qu'ils réalisent à quel point ça les épuisait ce boulot. Comme tu dis, ils finissent à 17h, mais c'est fini. Voilà, bye bye.
- Speaker #2
Voilà, c'est ça. Je ferme mon ordinateur au travail ou je pars du travail.
- Speaker #1
Mais nous, on n'est pas face à des ordi. On est face à des élèves et des groupes d'élèves. Et c'est hyper énergivore. On en a discuté plein de fois, mais on est attentif à plein de choses. On pense à plein de choses. On est à la fois dans le disciplinaire, dans la gestion de classe, mais aussi dans l'enseignement de matière. On est dans plein de projets. On est dans des interactions humaines avec des adolescents qui sont en train de grandir. Et tout ça, ça nous tue. C'est-à-dire qu'il suffit que quelqu'un qui n'est pas prof fasse deux heures de cours pour réaliser que... Waouh ! Comment vous vous tenez toute la semaine, quoi. On s'est comme... Quelqu'un qui fait 18h de Wattman Show dans une semaine.
- Speaker #2
Lui il est épuisé,
- Speaker #1
il dort après.
- Speaker #2
Moi je dis à n'importe qui de venir se taper ma journée du jeudi où je fais 8h-18h avec 7h de cours. Le lendemain j'arrive à 8h et pareil je fais 7h de cours dans la journée de 8h à 16h non-stop avec juste la pause méridienne. Mais venez le faire et vous allez voir à quel point le samedi, en fait c'est pas que je ne veux pas travailler, mais généralement le samedi c'est que je ne peux pas travailler. Pendant 48 heures, je me suis fait aspirer mon énergie tel des détraqueurs dans Harry Potter. Et après, quand je rentre chez moi, j'ai plus d'énergie. Mais même pour ma vie de famille.
- Speaker #1
C'est ça, ça vole nos familles parce qu'ils ne nous ont qu'épuisés. Ils ne nous ont pas pleinement. En fait, le pleinement, on les aime. C'est les personnes qu'on aime. On aimerait leur donner le pleinement. Mais nous, on est face à une urgence. Il y a ce cours et il y a ces élèves-là maintenant. C'est ça qui nous accapare, qui nous alienne, qui nous rend étrangers à notre vie. Ce qui fait que quand on retrouve nos proches, on pense à autre chose, on pense à la prochaine urgence du lendemain, et on n'a peut-être pas l'énergie qu'on devrait leur donner. Et ce qui fait mal au cœur, ça fait vraiment mal au cœur.
- Speaker #2
C'est injuste pour eux.
- Speaker #1
C'est injuste pour eux, et en un sens ils ont raison de le dire, qu'ils préféraient qu'on soit plus présents pour eux, qu'on est ailleurs, ou qu'on est toujours crevés, qu'on ne veut jamais faire de choses, ou qu'on est en train de courir après le repos ou le travail, ou qu'on pense au travail dans le week-end.
- Speaker #2
D'où le fait de trouver quelqu'un qui comprenne ce métier. qui en comprennent tous les aspects, qui comprennent que ça empiète sur notre vie personnelle et qui l'acceptent. Dans une certaine mesure. C'est-à-dire que moi, j'ai eu la chance d'avoir trouvé quelqu'un qui l'accepte, parce que lui aussi, son métier, c'est sa passion, mais qui parfois sait me dire, « Eh oh, t'en as beaucoup fait là. Repose-toi.
- Speaker #1
Tu le mérites. »
- Speaker #0
Parce qu'il faut dire aussi que c'est un métier assez particulier parce qu'on parle du principe que le prof de base va faire 18 heures, le prof certifié de base fait 18 heures, s'il n'a pas d'hors-sup.
- Speaker #2
Oui.
- Speaker #0
Maintenant, on peut nous donner à faire jusqu'à 2h sub, qu'on ne peut pas refuser si l'établissement en a besoin. Donc, c'est quelque chose qui peut nous rajouter encore un peu plus de temps à gérer. Mais comme on a cette illusion d'avoir du temps libre, on va nous proposer des projets dans notre établissement, nous proposer des remplacements, nous proposer plein de choses. Parce qu'on se dit, comme j'ai que ces 18h, j'ai l'impression, j'ai mon mardi après-midi, j'ai mon jeudi, je peux placer des choses sur ce temps-là. Donc on va se mettre dans des projets, dans l'organisation de voyages, de sorties, de ci, de ça. Sauf que c'est un métier en fait ça aussi, d'organiser des projets, gérer des projets, gérer des choses comme ça, gérer des équipes, c'est un vrai métier. Donc on prend ça en plus par-dessus et une fois qu'on est dedans, on se rend compte que c'est extrêmement énergivore, qu'on n'était pas prêt pour ça parfois et que ça prend encore plus de temps sur tout le reste qu'on a mentionné avant. Mais comme il y a ce côté justement trompeur de « je peux le faire parce que j'ai telle demi-journée et autre » , Il y a beaucoup de profs, et c'est parmi les plus épuisés qui font ça, qui vont se rajouter des gestions d'ateliers, de voyages, de remplacements et autres. Une fois qu'on s'est engagé, c'est trop tard, on ne peut pas revenir en arrière. Et même quand on se sent épuisé, il faut aller jusqu'au bout. Moi, je sais qu'en dernier, quand j'avais organisé un voyage scolaire, on en reparlera dans un épisode dédié, mais juste pour le côté travail et implication personnelle, je passais des soirées entières. à ne faire que ça.
- Speaker #2
Oui, mais la paperasse, les devis, les ceci, les autorisations.
- Speaker #0
Et je me disais, mais ce n'est pas possible en fait. Ça m'a pris des mois. Et puis des retournements de situation, parce que je ne sais pas, pour plein de raisons.
- Speaker #2
Des problèmes d'organisation.
- Speaker #0
Voilà. Et ça m'a pris une énergie folle quand je suis rentré de ce voyage. Mais j'étais vide.
- Speaker #2
Ah, mais rincé. Épuivé.
- Speaker #0
Épuivé. Vraiment épuisé. Mais physiquement, j'ai craqué. Je n'étais pas bien. Donc la première décision que j'ai prise... Lorsque je suis rentré de nouveau, pour moi les voyages c'est fini, en très longtemps. C'est pas parce que j'ai pas envie de proposer des projets aux gamins, c'est que je sais que là j'avais atteint une limite. Ça plus tout le reste, tout ce qu'il y avait à côté, je me suis dit non, ok. Et maintenant j'ai atteint ce niveau dans ma carrière, dans ma vie, je me dis quand ça me fait du mal j'arrête. Et j'ai compris ça. Pendant longtemps on me finit en disant c'est bon, ça va, t'as pas de quoi te plaindre. Non, si. Quand ça va pas, parce que quand c'est trop tard, quand on arrive au burnout, quand on passe très très proche, ça peut faire très peur.
- Speaker #2
Mais oui, mais je pense qu'il y a ce truc, moi ça fait que 5 ans, je sais que j'ai encore ce truc de, tu sais, je repousse les limites et je me dis jusqu'où ? Jusqu'où, jusqu'où, jusqu'où ? Et je me rappelle une année, j'avais donc mon temps plein au lycée, et bon, pour plein de raisons... X et Y, il y avait des heures à faire dans un collège à côté. Et je n'avais jamais fait de collège. Je m'étais dit, vas-y, je vais le faire. Donc, je suis allée voir la chef d'établissement de ce collège qui m'a proposé un certain nombre d'heures. Mais déjà, je ne m'attendais pas à ce que ça soit autant. C'est-à-dire que je faisais... 11 heures dans ce collège-là, en plus de mes 18.
- Speaker #0
Et c'est pas bien ce que j'ai fait, c'est pas bien ce que j'ai fait, je le sais. C'est typiquement le truc qui fait qu'on peut dire, ah oui mais les profs vous travaillez que 18 alors que vous pouvez en faire beaucoup plus. J'ai testé, j'ai testé la semaine à 33 heures du coup de cours. C'est ça 18 et 11 ? Non, les calculs sont pas bons. 18 et 11 ça fait 29 ? Oui, 29. 29, mais après voilà, il y avait des semaines A, des semaines B, et des fois avec mon emploi du temps je passais jusqu'à 33, c'était entre 29 et 33. devant les élèves En faisant du collège, chose que je n'avais jamais fait, ça veut dire créer des cours de zéro pour des collégiens que je ne connaissais pas. J'arrivais en cours d'année, donc ça veut dire faire toute la partie, tu t'imposes, nanani, nanana, voilà. J'ai fait ça pendant deux semaines, donc deux semaines juste. C'était juste avant les vacances de février, je me rappelle, mais vraiment, je finis ma dernière heure après ces deux semaines, c'était au lycée ici. Je sors sur le parking, j'étais la dernière à sortir du lycée, je vais dans ma voiture, j'appelle mon cher et tendre, et là je me mets à pleurer au lycée. Dans ma voiture sur le parking, je me mets à pleurer, à pleurer, à pleurer, je lui dis je ne sais même pas si je suis capable de conduire pour rentrer à la maison parce que je suis épuisée. Ça m'avait rincée, parce qu'en gros mon quotidien c'était je me lève à 6h, je me prépare, je vais travailler toute la journée, c'est-à-dire que je n'avais quasiment plus aucune heure. de trous dans mon emploi du temps du coup. Je rentrais à 18h chez moi, je bossais jusqu'à 20h, je mangeais, je bossais jusqu'à 22h, je dormais, je me levais à 6h. Et c'était ça pendant tout le temps. C'était horrible, mais vraiment. Et c'est simple, pendant les deux semaines qui ont suivi, j'ai été incapable de sortir une copie, un cours. J'ai pas allumé mon ordinateur pendant deux semaines. Ça m'a traumatisée du boulot. C'est quelque chose qui t'a fait mal. En fait, je pouvais plus Merci. regarder une copie sans me dire... Et en fait, quand je ne travaillais pas, je me disais « Mais là, tu es en train de prendre du retard. Toutes tes copies... Alors, c'était fini le collège, mais toutes tes copies de lycée, là, il faut que tu les corriges. Tout ce que tu as fait, enfin, comment tu vas faire, tu vas prendre du retard. » Donc en fait, j'ai repris les vacances, j'étais sous l'eau des copies, les conseils de classe arrivaient, et en fait, c'est un cercle vicieux. Typiquement, là, les vacances de décembre, alors là, les élèves en ce moment, ils ne sont pas dans leur bon petit papier, parce que les vacances de décembre, je me suis dit, c'est... Le premier vrai Noël que je peux passer avec ma fille, je me suis dit, bon vas-y, je profite à fond, tant pis. Donc je n'ai pas travaillé des vacances. J'ai travaillé ici et là, mais je pense que ça a dû être... Allez, je dirais si j'ai travaillé 5 heures dans toutes les vacances, c'est beaucoup. Eh bien je suis revenue là, et ça fait depuis qu'on est revenue en janvier que je n'en sors pas. J'ai toujours du retard. Toujours, toujours du retard.
- Speaker #1
C'est vrai qu'on est obligé de prendre sur les vacances pour s'épargner pendant les semaines de cours.
- Speaker #0
Mais c'est ça en fait. C'est fou. Et donc en fait... Je pense sincèrement qu'il y a sûrement... Peut-être que j'en fais trop. Peut-être qu'il y a un problème d'organisation. Peut-être qu'il y a plein de choses qui peuvent entrer en compte. Mais c'est sûr que les vacances, pour moi, c'est pas un moment off. La dernière fois, je parlais avec une copine. Je lui disais, pendant les vacances, déjà, si j'arrive à faire ça, ça, ça, ça, ça, c'est très bien. Et pendant les vacances, comme ça, je pourrais faire ça, ça, ça et ça. C'est-à-dire que je prévois déjà le travail que je vais faire pendant les vacances, alors que c'est censé être des vacances.
- Speaker #1
Je pense même déjà à mes vacances d'été Pour le boulot En fait c'est pas des vacances
- Speaker #2
C'est du temps qu'on ne passe pas devant les élèves, mais en fait il faudrait arrêter d'appeler ça les vacances. Parce que pour certains élèves qui ne travaillent pas, c'est les vacances. Ils ne vont pas effectivement passer tant de temps à ne rien faire, mais parce que c'est leur choix. Alors que beaucoup d'autres vont dire qu'on a plein de travail à faire parce qu'ils ne travaillent pas.
- Speaker #1
Il faut parler aussi des élèves qui bossent.
- Speaker #0
Oui, typiquement, après les vacances de février, nous les nôtres, ils vont avoir le bac blanc. Typiquement, on sait très bien que la plupart des élèves sérieux vont passer leurs vacances à bosser aussi.
- Speaker #2
C'est pour ça que je donne assez peu de devoirs pendant les vacances. de faire le plus possible en classe avec eux parce que je sais très bien que certains profs ne jouent pas le jeu et donnent un max de devoirs et de choses à faire à la maison les journées sont longues pour des lycéens qui ont parfois des options, des choses qui finissent tard il y a les transports, les journées sont épuisantes parce qu'eux ne peuvent pas rentrer forcément chez eux à 14h si ils ont fini peut-être qu'ils restent jusqu'au bout les journées sont épuisantes, alors là aussi il faut y penser, souvent je leur dis pendant les vacances je ne vous donne rien, ou très peu quand vraiment je n'ai pas le choix parce qu'il faut finir quelque chose je donne très très peu mais... C'est vrai qu'on n'y pense pas ça aussi, mais les périodes de vacances, c'est du temps à la fois de récupération, mais du temps aussi de récupération de travail. C'est-à-dire qu'on a besoin de ça pour se mettre à jour, pour avancer. Moi, chez les dernières vacances que j'ai passées, j'ai passé au moins la moitié du temps réveillé à fermer les cours que je vais faire en seconde, parce que je recrée totalement un nouveau programme.
- Speaker #0
Tu vas s'enflutant du cette année. Voilà,
- Speaker #2
j'avance au fur et à mesure. Mais là, parce qu'en fait, j'avais cette pression de... Comme c'était la première fois depuis la réforme que je reprends les classes de seconde, je n'ai pas de cours de seconde. Et donc j'avance au fur et à mesure. Je fais les cours, à la fois je me dis ça ça marche, ça marche pas, du coup l'année prochaine je changerais telle ou telle approche ou autre Mais en même temps, il faut préparer les prochains qui arriveront. Parce que si je ne travaillais pas, je n'aurais pas de cours, je n'utilise pas de manuel. Donc j'ai passé toutes mes vacances. Ça veut dire que tu n'as pas le choix. Il faut qu'à la fin des vacances, tu aies sorti les 40 pages d'activité. Est-ce que c'est ça ? Je fais tout d'un coup. 40 pages d'activité, que ce soit prêt à être imprimé en livret, que ce soit nickel pour la rentrée. Donc du coup, les vacances, en partie, c'était du travail, de mise en page, de recherche de documentaires et autres. avec la famille à côté parce que les enfants l'apprennent ils passent pas leur temps je les mets pas en centre en centre pour autre chose j'ai mes parents là-bas donc ils sont là et c'est aussi vous concilier la vie familiale avec ce que tu dois faire au niveau de ton travail, c'est pas facile et moi je me dis maintenant il faut en plus que je travaille pas le soir et je me force à me dire le soir à partir de telle heure, t'arrête et depuis que je fais ça, ça va mieux Ça va beaucoup mieux. Vraiment, parce qu'il y a eu un temps, je n'en sortais pas en fait. J'avais l'impression de ne rien faire pour moi. Je ne voyais plus de films, je ne lisais rien. Je faisais trop la tête dans le guidon.
- Speaker #0
Là, je me suis obligée le matin, je me réveille, je dirais, même si c'est 10 à 15 minutes plus tôt, parce que je veux pouvoir me poser le matin avec mon café, sur mon canapé et lire mon chapitre de la journée. Et le soir, j'essaye de le faire. Si j'ai le temps, si je ne suis pas trop fatiguée. Parce qu'il y a ça aussi le soir. Mais le matin, je me dis, Tu commences là, parce que je me suis rendu compte en fait aussi que le matin quand je me réveillais, la deuxième chose que je faisais après me lever et me préparer mon café, parce que je ne peux pas fonctionner sans café, c'est de regarder mes mails, de regarder l'ENT si j'avais pas reçu des messages et de regarder Pronote. Et là je me suis dit, c'est-à-dire que t'es encore chez toi, il est 6h15 du matin et t'es en train déjà... de regarder le travail. Et c'est-à-dire que le matin, le premier truc que je regardais sur mon téléphone, puisque mon réveil, c'est mon téléphone, c'était si je n'avais pas des notifications pendant la nuit du boulot. Des élèves qui m'avaient envoyé des messages, puisque les élèves envoient des messages à toute heure du jour et de la nuit. Et c'est ça. Et des fois, ça m'est déjà arrivé. Et je pense aussi que c'est à cause de ça que les élèves se permettent d'envoyer des messages aussi à pas d'heure, c'est que je répondais.
- Speaker #2
Pour les débutants. Eh oui,
- Speaker #0
parce que si je vois à 6h15 du matin qu'un élève va envoyer un message à 23h pendant que je dormais et je lui réponds à 6h15 du matin. Donc je renvoie à l'image que oui, je suis disponible pour toi H24 de ma vie.
- Speaker #2
C'est pour ça que j'ai arrêté de le faire aussi. Je faisais ça au début, à répondre aux messages dès que je les avais. Puis un jour, je me suis dit, non en fait. Et donc j'ai même retiré sur Insta l'option qui fait qu'on sait si je suis en ligne ou pas.
- Speaker #1
Ah oui.
- Speaker #2
J'ai retiré cette option pour que justement, on ne sache pas si je suis dispo. Parce que quand il y a le petit pastille vert, on sait qu'il y a un profil là-dedans qui va me répondre. et donc simplement pour ma sauvegarde mentale je me suis dit on va enlever ça Comme ça, je répondrai quand je serai disponible. C'est pas quand j'aurai envie, mais quand je serai disponible mentalement.
- Speaker #0
C'est ça, mais oui.
- Speaker #2
Des fois, je vais recevoir un message à 9h30, 10h. Je suis en train de faire un truc. Je dis non, en fait.
- Speaker #0
Tu ne peux pas tout arrêter. Moi, je suis en train de... Je ne sais pas, moi, il est 20h. Je suis en train de coucher ma fille. Je ne vais pas montrer à ma fille que c'est plus important de répondre à un message d'élève que de passer du temps avec elle pour l'endormir.
- Speaker #2
Et puis, la culture nécessaire. Mais on n'est plus au boulot.
- Speaker #0
Et puis c'est l'image que tu renvoies aussi à ta famille autour. Quand tu es avec tes amis, tu es à un repas le soir et tu as un élève qui t'envoie un message ou tu apprends un truc par rapport au travail et ça te chamboule un peu, tu ramènes ça au sein de la table, au sein de la soirée, alors que ça n'a pas lieu peut-être. Alors oui, c'est tes amis, ils peuvent écouter tous tes problèmes. Il y a des fois où j'ai l'impression d'être partout et nulle part à la fois.
- Speaker #2
C'est le droit à la déconnexion.
- Speaker #0
Oui, oui.
- Speaker #2
Au-delà d'un droit, c'est une obligation. Il faut absolument apprendre à se déconnecter.
- Speaker #0
Pour la santé mentale.
- Speaker #2
Oui, sinon ça revient à ça. C'est un boulot qui est épuisant parce qu'on est tout le temps sollicité. Ça, on l'a déjà expliqué avant. On est en classe, on est le centre de tout, le centre d'intérêt. On va donner l'énergie d'un cours, ça sort du prof. Il faut que le prof gère. On l'a entendu dans l'épisode précédent sur les cours qui peuvent parfois être un peu musclés, c'est au prof donner soit toute l'énergie pour qu'un cours avant soit d'utiliser son énergie pour canaliser les énergies parfois incontrôlables de tous les autres. Donc c'est épuisant, c'est épuisant mentalement et parfois même physiquement. Moi je transpire en classe des fois parce que finalement, donner de l'énergie, c'est épuisant. Donc on a besoin, et c'est ça en fait que je pense que les gens qui critiquent ce métier ne comprennent pas, c'est ça en fait. Et j'ai déjà eu beaucoup d'expériences. de soit des pseudo-stagiaires qui venaient pour essayer un peu le métier, pour voir un peu ce qui se passait. Lorsqu'ils sont dans la posture du prof pendant plus de 20 minutes, pas juste je viens faire un truc, coucou et je repars. Non, c'est vraiment tenir une classe pendant plusieurs heures, avoir un projet, etc. La première chose systématiquement qu'ils nous disent, c'est « Mais c'est épuisant ! » En général, le stagiaire, c'est ce qu'il va se dire au tout début, c'est « Mais qu'est-ce que c'est épuisant ! » On avait une stagiaire l'an dernier Oui, l'an dernier, oui. Oui. Qui t'avait remplacé, je sais que d'autres en passent vite.
- Speaker #0
Oui, oui, c'était l'an dernier.
- Speaker #2
Et justement, c'était l'une des premières choses qu'elle avait remarquées, c'est à quel point, pourtant, elle partait avec vraiment une vision réaliste du métier, mais c'est violent. Et donc, c'est en ça qu'on... C'est là où c'est trompeur. Quand on parle de vacances, on devrait intégrer quasiment dans une journée du temps de récupération. On devrait avoir automatiquement, parfois, des pauses. Moi, je sais que le lundi, par exemple, je fais de 8h à 18h. C'est épuisant, avec 4 heures de spécialité, avec deux groupes très différents, où il faut être très efficace parce qu'il y a beaucoup de demandes, et l'autre où au contraire il faut impulser beaucoup d'énergie. Donc c'est 4 heures différentes mais qui demandent beaucoup d'énergie. Puis après des groupes à 32, où là en fin de journée ils sont fatigués, donc il faut venir les canaliser, alors toi t'en peux plus. C'est pas facile, moi quand je rentre le lundi soir, c'est une épave. Et après on fait des réflexions, on dit mais... Ça va ? On te demande comment ça va ? Je ne comprenais pas ! Concrètement, tu renvoies l'image que tu n'en peux plus, que tu es épuisé. Mais c'est vrai en fait. Parce que des fois, c'est ça. Je me renvoie parfois à rentrer chez moi. Le seul truc que j'ai envie de faire, c'est de couper tout le bruit. Je passe sur mon canapé, sur mon lit, je me pose là et juste, on arrête.
- Speaker #0
Je me rends compte à quel point ce métier m'épouse. m'épuise mentalement parce qu'il y a des fois où je rentre le soir, notamment le jeudi où j'ai cette très grosse journée où je finis par un groupe classe de 17 à 18 qui est un peu compliqué à gérer, alors que moi, je n'ai plus d'énergie du tout, que j'ai la classe en face qui, elle, n'a pas d'énergie, mais que c'est un groupe qui, quand il n'a pas d'énergie, met le bazar.
- Speaker #2
Déborde d'énergie négative.
- Speaker #0
En fait, c'est ça, déborde d'énergie négative et pas d'énergie positive. Et du coup, c'est très difficile à gérer. Et quand je rentre le soir, pourtant j'ai 30 minutes de route pour rentrer chez moi, donc j'ai le temps de déconnecter du lycée, mais quand j'arrive, le moindre bruit va m'agacer. Et c'est déjà arrivé que ma pauvre petite chérie d'amour, ma fille, elle va avoir envie, c'est normal, elle vient de récupérer sa maman, elle a passé la journée chez la nounou toute la journée, elle va venir me voir, je suis en train de faire quelque chose, elle va absolument être dans mes bras, du coup je lui dis attends, et là elle se met à hurler, et les pleurs me font vriller. parce que je me dis mais j'ai pas assez de temps toute la journée dans du bruit, à être sursollicité mentalement et psychologiquement. Et le soir, il n'y a plus rien. On me posait une question, c'est la question de trop, parce que j'ai répondu toute la journée à un milliard de questions. Et parfois, 15 fois la même question, en plus. Et je me rends compte à quel point ce métier bouffe et aspire toute la patience qu'il y a dans mon corps. Parce que de la patience que j'en ai, sinon je ne ferais pas ce métier, ça c'est sûr. Mais qu'en fait, cette patience, je ne l'ai plus dans ma vie perso. Et je m'en suis encore. plus se rendre compte quand je suis devenue maman. Et je me rappelle avoir une discussion avec toi Will où je disais comment tu fais ? Ça t'arrive de perdre patience avec tes enfants parce que moi je n'ai pas de patience. Et du coup je culpabilise parce que je me dis on part sur un autre sujet mais je ne suis pas une bonne maman parce que mon métier prend toute mon énergie et toute ma patience. Mais ça peut être plein de choses. Je ne suis pas une bonne sœur avec mon frère parce que je n'ai pas le temps de lui demander comment ça se va son métier. Je ne suis pas une bonne fille avec ma maman parce que je n'ai pas le temps de l'appeler tous les jours ou de prendre des nouvelles régulièrement. Je ne suis pas une bonne petite fille avec mes grands-parents parce que je n'ai pas le temps de l'appeler tous les jours aussi. En fait, si on va par là, sur toutes nos relations sociales, amicales, etc., on peut se dire que je ne suis pas assez parce que ce métier nous prend beaucoup d'énergie. Et en fait, je me suis rendu compte que la bascule s'est faite l'année où je suis devenue maman et où je me suis dit qu'il fallait que je réorganise les choses.
- Speaker #2
C'est ce que j'avais dit aux collègues, quand ils s'apprêtent à devenir parents, souvent je leur dis, attendez, parce que avant d'être parent, vous aviez l'impression de ne pas avoir de temps, vous allez vraiment vivre ce que c'est que de ne pas avoir de temps. Même temps. Pour tout le reste, c'est ça en fait. Quand tu n'as pas d'enfant, tu te dis, parce que c'est ce que tu vis, tu fais, je n'ai pas le temps de faire ça, je n'ai pas le temps de faire ça. Quand tu as des enfants, les priorités changent complètement. Parfois, tu ne vis pas la même vie, tu n'as pas le même rythme, ce n'est pas du tout la même chose. Donc quand tu rajoutes ça dans l'équation, il faut apprendre à l'équilibrer, parce que sinon ça devient un gerbe. Ou alors soit tu fais l'un des deux très mal, tu peux être un super parent, mais dans ce cas au boulot,
- Speaker #0
c'est moins ouf.
- Speaker #2
Ou alors tu vas bosser à fond, mais comme le film dont tu avais parlé à l'épisode précédent, ça faisait partie de la problématique du film, elle était tellement...
- Speaker #0
Dans son métier.
- Speaker #2
Dans son métier, qu'elle a fini par divorcer parce que son mari ne la voyait plus. Oui. Mais ça, c'est une réalité. C'est-à-dire que réussir à conjuguer habilement les deux parties de sa vie privée, être épanoui dans sa vie privée, réussir à développer son côté professionnel. Il faut l'avoir vécu pour comprendre ce que c'est. Et ça, on n'arrivera pas à l'expliquer au grand nombre.
- Speaker #0
D'autant plus quand ton métier, c'est ta passion. Ici, tous les trois, on est comme ça. C'est-à-dire que notre métier, c'était une vocation, presque une vocation pour tout le monde. En tout cas, c'est quelque chose qui nous épanouit. C'est quelque chose qu'on aime faire. Être en contact avec les élèves, c'est quelque chose qu'on aime. Transmettre nos connaissances, c'est quelque chose qu'on aime. Moi je sais que ça a été ma priorité pendant trop longtemps. En fait c'était ma seule raison d'être. Mon identité était créée autour du fait que j'étais prof. Et ce qui fait qu'après c'est très difficile de trouver l'équilibre.
- Speaker #1
Dans l'identité en dehors.
- Speaker #0
Mais oui.
- Speaker #1
Je vois que le temps passe. Je souhaiterais ajouter des petites idées si je peux me permettre. C'est surtout autour des vacances d'été auxquelles on veut toucher. Non. Je sais pas pour vous. Mais pour moi, c'est les seules vacances où vraiment je récupère, enfin vraiment, je peux retrouver mon énergie. Ce qui fait qu'à la rentrée, généralement, on est très bien. On a beaucoup d'énergie, on est très efficace, les cours se passent bien, parce qu'on a vraiment récupéré. Et il n'y a que là où on peut se retrouver soi-même. Moi, je sais qu'en fin d'année dernière, ça a été hyper dur. J'avais beaucoup trop travaillé parce que j'avais maintenant tous les niveaux du lycée. Je ne sais pas ce que c'était, mais j'étais très très mal. J'ai eu un suivi psychologique à la fin. Et le psychologue a été surpris parce qu'au bout de trois séances il a dit mais vous allez super bien. Et je lui ai dit oui mais c'est parce que je suis en vacances là. Et en fait tous mes problèmes ont été réglés. Parce que j'avais en fin de temps, j'ai pu vraiment me reposer et dormir tout simplement. Dormir, dormir, dormir. Et se retrouver soi-même. Et bon ça c'est une idée un peu grave mais pour une idée moins grave et qui peut inviter à sourire. Moi je me suis fait cette réflexion. Alors je ne sais pas si vous avez eu cette réflexion déjà. Moi ça m'embête. C'est que nous on est forcément en vacances en même temps que tout le monde.
- Speaker #0
Oui, et du coup, on est au plus bas. On s'accoude le plus cher.
- Speaker #1
C'est tellement pénible. C'est le plus cher, il y aura plein de gens. Parfois, ce n'est pas les saisons que l'on veut. Moi, je sais que, par exemple, je ne verrai jamais le Japon à telle saison. Ça m'a rendu triste de réaliser ça. Et des parties du monde, je ne les verrai jamais à une bonne saison. Parce qu'on ne peut pas. Oui, on a beaucoup sur le papier, mais ce n'est pas modulable. Et on ne peut pas, à besoin, dire, tiens, je vais prendre ma journée là. Je vais prendre ma demi-journée, je serai là pour toi. Non, non, tout doit être justifié, tout est très rigide en fait.
- Speaker #0
Et juste, est-ce que vous vous rappelez quand, je crois que c'était l'été dernier, avant la rentrée, on a mangé ensemble ? Oui. Et quand on est arrivé, le premier truc qu'on a fait, c'est de 1, se demander si on avait travaillé pendant les vacances. Oui. Et on a tous répondu non. Je me suis reproché, j'ai pas pu travailler pendant les vacances d'été, non non non, j'ai déconnecté et tout. Et du coup on était tous en mode, ouais par contre je suis en retard, je suis en retard. C'est-à-dire qu'on savait, on était conscient qu'on n'avait pas travaillé, qu'on en avait eu besoin et on n'avait pas du tout travaillé, les trois on avait eu la même réponse. Mais qu'après c'était, oh par contre j'ai du taf pour la rentrer quand même.
- Speaker #1
C'est vrai que cette petite voix dans la tête peut gâcher parfois une partie du mois d'août.
- Speaker #0
Mais c'est vraiment la première chose qu'on s'est dit après bonjour.
- Speaker #1
Oui, c'est ça. C'est révélateur.
- Speaker #2
On ne peut pas vivre en culpabilisme de ne pas avoir travaillé.
- Speaker #1
C'est ça. Voilà, c'est sur cette parole d'aliénation de notre temps que je vous propose de nous quitter. Merci à nos auditeurs d'écouter Des profs qui râlent. Là, c'était une émission où on a râlé.
- Speaker #0
Ouais, ça fait du bien.
- Speaker #1
Mais oui, voilà.
- Speaker #0
On se reconnecte à nos racines principales.
- Speaker #1
On est devenus cette salle des pleurs dont parlait Rosa la dernière fois. C'était émission salle des pleurs. Merci d'avoir écouté nos pleurs. Bonne journée à tous et à la prochaine. Au revoir.
- Speaker #2
Salut.
- Speaker #1
Je voudrais commencer moins tôt. Je voudrais plus d'horaires du tout. Plus d'emmerdeurs. Plus de types qui font les flics. Je voudrais plus d'élèves.
- Speaker #2
Moi, plus de profs. Là, tu pousses. D'accord, c'est logique. Élèves, mais profs.
- Speaker #1
Alors, plus d'école.