Luc Boland - un parcours face au handicap cover
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Arrête ton cinéma!

Luc Boland - un parcours face au handicap

Luc Boland - un parcours face au handicap

37min |22/10/2025
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Luc Boland - un parcours face au handicap cover
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Arrête ton cinéma!

Luc Boland - un parcours face au handicap

Luc Boland - un parcours face au handicap

37min |22/10/2025
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Description

Comment un événement bouleversant peut-il transformer non seulement une vie, mais aussi une carrière entière ? Dans cet épisode d'Arrête ton cinéma! , Luc Boland, réalisateur,, nous plonge dans son parcours, marqué par la naissance de son fils, né avec un handicap. Ce moment décisif a été le catalyseur d'un changement profond, qui l'a mené entre autres à la création du TEFF - Extraordinary Film Festival, consacré aux films sur les situations de handicap. Prochaine édition: Novembre 2025.


Pour en savoir plus: le documentaire "Lettre à Lou" et le livre"La folle épopée de Lou B" (éditions Racine) et https://loub.be/


Dans cet épisode, vous découvrirez non seulement l'engagement indéfectible de Luc. Chaque mot résonne avec une passion palpable, et son histoire nous rappelle que derrière chaque défi se cache une opportunité de changement.


Merci: John Pirard pour le montage, Aurélien Lebourg pour le mix, Late Kiss pour la musique, Bruxelles nous appartient pour le studio

Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la FWB pour leur soutien.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de film. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents, la fondation avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival, et ensuite ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    Luc Bolland est le papa de Lou B, interprète et musicien que vous avez probablement vu ou entendu en radio, en télé et peut-être même en concert. La naissance de Lou en 98 et la découverte de son handicap ont bouleversé la trajectoire de vie de son père, alors réalisateur. Luc a raconté ce parcours dans le documentaire Lettre à Lou et plus récemment dans le livre La folle épopée de Lou B, paru en 2024. Mais aujourd'hui c'est de Luc dont on va parler. Aucune trace d'aigreur chez lui. Lui et sa femme Claire avancent, toujours en mouvement, déjà sur le prochain projet. On va parler de la vie avant, pendant et après le diagnostic. Du combat infatigable mené, pour Lou, mais aussi pour toutes les personnes en situation de handicap. Luc travaille à changer les regards, entre autres via le festival de films qu'il a créé, le TEF Extraordinary Film Festival. Allez, c'est parti !

  • Speaker #0

    Je ne suis pas un steak.

  • Speaker #1

    Au niveau de l'histoire coloniale, ils ne sont absolument pas conscients de reproduire des choses qui se sont passées pendant des générations.

  • Speaker #0

    Tu ne peux pas juste m'envoyer. L'industrie du cinéma est entre les mains des hommes. Ah bon ?

  • Speaker #2

    Je ne suis pas misogyne du tout.

  • Speaker #3

    Arrête, arrête, arrête, arrête, arrête ton cinéma. Arrête ton cinéma. Non mais vraiment, arrête. Un podcast réalisé par Véronique Jatin.

  • Speaker #1

    Luc, j'avais hyper envie de t'inviter, donc merci beaucoup d'avoir répondu présent, parce que je trouve que tu as un parcours quand même fascinant.

  • Speaker #4

    Merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    J'ai lu qu'en sortant de Réto, un peu comme ça, tu t'étais pointé à l'examen d'entrée de l'IAD.

  • Speaker #4

    Exact. Moi, j'avais envie de faire de l'artistique, c'est comme ça que la bouche en cœur, n'y connaissant rien à l'audiovisuel, j'ai présenté l'examen d'entrée, et je me suis fait jeter bien évidemment, et alors piqué par mon orgueil, Pendant un an, j'ai bouffé du cinéma pour me préparer à représenter Eliade.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est passé.

  • Speaker #4

    Ça s'est très bien passé. Mais sur ce chemin-là, en cours de seconde année, j'ai un élève de troisième qui m'a dit « Oh, on tourne un clip de Gottener, une nouvelle maison de production, le Mambo du Décalco, t'as pas envie de venir donner un coup de main ? » Puis je suis arrivé sur ce tournage, c'était la naissance de Dream Factory, c'était le deuxième clip qui tournait. Il n'y avait pas beaucoup d'expérience de production dans cette boîte à l'époque, et donc il n'y avait pas de script. Je me suis dit « Tiens, plutôt que de porter des caisses, est-ce que je ne proposerais pas d'être la script ? » On tournait avec du 2 pouces vidéo à l'époque. Donc c'était facile de vérifier les raccords. Et donc j'ai été script sur ce tournage. Ils ont gagné du temps au montage, donc ils m'ont rappelé. Et de fil en aiguille, en trois ou quatre tournages, je suis devenu le premier assistant réalisateur de Jean-Pierre Berckmans. Et j'ai travaillé tout l'été à la fin de ma deuxième année. Et à la fin de l'été, ils m'ont dit « on t'engage si tu veux » . Et là, c'était le choix cornelien. J'ai voulu poursuivre en élève libre, l'école n'a pas voulu. et donc j'ai commencé à enchaîner les boulots comme assistant réalisateur. Ce qui était difficile après, parce que comme je n'ai pas fait de fin d'études, en tant que réalisateur, je n'avais rien à vendre et à montrer. Et puis, ces deux métiers sont totalement différents. Premier assistant, tu es le grand organisateur. Il y a quelque chose de génial et de grisant, parce que tu es une des rares personnes à maîtriser absolument toutes les infos et de savoir tout sur un film. Mais tu es un grand organisateur, tu es un meneur de troupe, tu es tout ce que tu veux. Alors que bon, réalisateur, c'est quand même autre chose au niveau de la créativité. Mais maintenant, ce qui était génial, c'est que j'ai eu... J'ai découvert des techniques audiovisuelles à l'époque. La luma, personne ne l'utilisait en Belgique, ça coûtait trop cher. Des tas de choses, j'ai eu plein d'expériences techniques qui étaient très rares dans le cinéma belge. Mais à la longue, c'était du 7 jours sur 7, 18 heures sur 24. Surtout quand quelqu'un a pris ma place pour aller au Sénégal pour le tournage de la partie africaine de Balavoine. Là, je l'ai très mal pris. Je lui ai dit maintenant, mon tarif c'est autant. Et on m'a dit au revoir. Et j'ai... immédiatement, vu la notoriété de Dream Factory, j'ai immédiatement retrouvé du boulot dans toutes les prods de pubs et de clips et de tout ce qu'on veut de l'époque.

  • Speaker #1

    Ok, donc tu fais full assistana et comment est-ce que tu passes à la réale alors finalement ?

  • Speaker #4

    Compliqué, très compliqué. Je passe à la réale parce qu'à un moment donné, je donne des cours à Parlax et je propose un cours sur le casting. Là, on est au début des années 90, quand je suis toujours assistant. Et j'invente un exercice assez amusant qui était de mettre en scène un ballet. et de demander à un acteur de jouer avec un balai. Et ça m'a donné l'idée d'un court-métrage qui est une personne qui est dans le déni du décès d'un proche, on ne sait jamais qui c'est, si c'est un enfant, un époux, ce genre de choses, et qui a alité dans son lit un balai. Et tu as comme ça tout un déni intrafamilial où tout le monde fait semblant de rien, il y en a qui disent mais il faut l'arrêter, il faut arrêter cette mascarade, etc. Et ça me donne l'idée de ce court-métrage, je me dis ça ne coûte pas trop cher à faire. J'ai... J'ai eu plusieurs refus, parce que j'ai eu plusieurs projets. J'avais un projet de fiction complètement dingue sur le musée de la bande dessinée, qui a failli se faire. J'ai eu les autorisations de tous les auteurs de BD, jusqu'à Moebius, qui disait « Il faut faire ce film, il faut faire ce film. » Mais c'était un film qui coûtait cher, parce qu'il fallait faire du motion control, etc. C'était hors de prix. Et donc, il ne s'est jamais fait. Et puis, je me suis dit « Tiens, mais ça, ça ne coûte pas cher. » Et j'ai juste besoin d'une maison. Et là, remerciement éternel, toute la profession, tous les techniciens, bullet race, tout le bazar, tout le matos gratuit. J'ai eu des chutes de péloche de toutes les boîtes de production pour lesquelles j'avais travaillé. Et j'ai fait ce petit court-métrage qui était juste gentil. Et qui a permis justement à Catherine Burgnaud de me remarquer. Et de me dire, t'as pas un projet de long ou de téléfilm ou ce genre de choses ? Et j'ai sorti de la boîte un scénario que j'avais écrit en 87, donc quand j'étais encore assistant. J'avais lu une petite brève dans le soir, je crois, qui racontait l'histoire de quelqu'un qui était tombé de son lit, qui baignait dans son sang, qui était amnésique et qui appelait les secours, qui ne savait pas où il était. et qui repère un édifice public très connu et puis il retombe inanimé. Et le type du service des secours a l'idée, parce qu'il n'y avait pas encore les détections d'origine d'appel, d'envoyer tous les véhicules en urgence jusqu'à ce qu'on entende un véhicule dans le téléphone pour repérer la personne. Une idée mais instantanée de décliner ça et de raconter le sort d'une petite fille en babysitting chez une vieille nanou qui tombe dans les escaliers. Et la gamine appelle, pousse sur le bouton rappel et la nanou avait appelé un service de dépannage pour une toilette bouchée. Et seulement là aussi il n'y a pas de détection d'appel et tout. Et donc c'est toute la recherche de la gaming qui devient un peu thriller dans le sens où la Nanou, entre temps, elle avait fait à cuisiner, que ça commence à cramer dans la cuisine, donc il y a une certaine urgence, etc. Et c'est le téléfilm Une sirène dans la nuit que j'ai fait en 99 avec Catherine Brugnot et Banana Film, et qui a fait un carton de malade, 38% de parts de marché, souffrance 2. Et donc oui, 1 400 000 téléspectateurs, et avec Roland Magdan en contre-emploi complet à la façon de Coluche dans le Chopin. Et ça a été la curiosité des spectateurs sur Roland McDonagh qui avait disparu, qui a beaucoup contribué au succès du film, évidemment. Une série dans la nuit, c'est moi qui l'avais écrit, mais Luc m'a aidé à réécrire une partie du scénario parce que j'ai voulu changer le protagoniste du film. Au départ, c'était la gamine. Ça ne m'intéressait plus quand Catherine est venue me chercher. Et je voulais que ce soit le standardiste, et donc il fallait un obstacle. Et c'est là où c'est la folie de l'histoire, si tu veux. C'est complètement dingue si on revient à ce film-là. On se met au travail, Luc et moi, Luc Jabon et moi, et on énumère tous les obstacles que tu peux avoir dans la vie, le décès d'un proche, une perte d'emploi, la survenue du handicap d'un enfant, etc. Et on se focalise, on se dit immédiatement, mais oui, bien sûr, il a un fils autiste, c'est un brillant architecte, il n'assume pas, il plaque sa femme, il plaque son boulot, et il se réfugie comme standardiste de nuit pour avoir le moins de contact social possible. Ça, c'est écrit trois ans avant la conception de Lou. C'est un truc de fou. Et Lou naît entre-temps. On a l'attente de l'accord de France 2 et de GMT à Paris pour coproduire le film. Lou naît en août 98. On part en Vendée chez un ami machiniste qui a une baraque là-bas pour se reposer après l'accouchement. Là, on se dit qu'il y a des choses qui ne vont pas. On rentre, on est sur la bretelle de l'autoroute de Nantes. Coup de téléphone de Catherine qui me dit qu'on a le feuilletage de France 2, on tourne dans quatre mois. Je me retrouve dans la dualité de la pré-production, les premiers rôles, les décors, etc. à courir dans tous les sens, entre les rendez-vous dans les hôpitaux pour essayer d'avoir un diagnostic de mon bonhomme et la préparation du film. Pour que les gens qui ne connaîtraient pas le fils lourd, il est aveugle, il est né aveugle et avec une forme d'autisme de plus en plus légère, ça c'est le miracle de l'aventure, mais à l'époque qui était quand même sévère et c'est un enfant jugé perdu par les... par tous les professionnels du secteur. Mais le diagnostic tombe 15 jours avant le début de l'engagement de toute l'équipe, un mois de prépa. Donc je démarre la prépa du film avec ce diagnostic dans la figure, le tournage du film, et je me retrouve à faire jouer à des comédiens une scène où la femme du standardiste débarque pour lui dire « Écoute, qu'est-ce qu'on fait avec ton fils ? On le garde ou on le met dans une institution ? Parce qu'il faut que tu décides. » C'est complètement dingue. C'est une ironie dramatique, comme je dis, qui est folle. qui est complètement folle.

  • Speaker #1

    Tu avais déjà deux filles ?

  • Speaker #4

    J'avais deux grandes filles, oui.

  • Speaker #1

    Deux grandes filles. Et donc, pendant que toi, tu bossais, on s'est commencé dans ce métier, tu n'avais... Voilà. Donc, ta femme s'est occupée du gamin H24. Et pour toi, le travail, ça t'a fait du bien ? Ça t'a permis d'oublier ? Ou au contraire, c'était vraiment double charge ?

  • Speaker #4

    C'était d'une ambivalence absolue. J'ai foncé tête baissée dans le boulot parce que je sais que je jouais ma tête. Et d'un autre côté, j'étais tiraillé par un sentiment d'injustice absolu vis-à-vis de lui, en me disant pourquoi nous, pourquoi lui, qu'est-ce qu'on a fait au monde pour hériter de ça ? Et puis à côté de ça, j'avais une pression maximale. Et là, je dois rendre un hommage à Catherine Burgnaud en tant que productrice, parce que l'usage veut qu'en France, un scénariste ne soit jamais réalisateur d'un téléfilm. Or, dès le départ, Catherine m'a dit... de confier la réalisation du film et JMT voulait m'éjecter à tout prix. J'avais qu'un court-métrage derrière moi. C'est ça que je veux dire, c'était pas mal. Et puis alors, pire que ça, ils ont proposé à Molinaro, ils ont proposé à Jean Becker de réaliser et tous voulaient le faire. Et Catherine a tenu tête jusqu'au bout. Mais du coup, il y avait une certaine forme d'unimitié, nous dirions, entre JMT et moi. Et après dix jours de tournage, ils ont voulu arrêter le tournage parce qu'ils ne savaient pas lire les reches et qu'ils les trouvaient catastrophiques. Donc j'ai eu encore une double pression sous les épaules, sous le tournage. Et Catherine m'a protégé. Ils ont fait faire un montage des Raimondos pour voir si le film tenait le coup ou pas. Alors moi j'étais sous le plateau. En sachant tout ça, c'était une horreur absolue. Du coup, j'étais effectivement... Je crois que j'ai toujours été un réalisateur très calme et très doux. Je dis toujours que pour moi, réaliser un film, c'est le joueur de flûte d'Améline. Et je ne supporte pas ces réalisateurs tyranniques. qui vont jusqu'à détruire des gens pour leur objectif de film. Je ne comprends pas ça, ce n'est pas dans ma mentalité. Mais là, oui, effectivement, j'étais tendu, c'était compliqué à mort. D'autant qu'en plus, je tournais avec une gamine de 5 ans, qui n'avait jamais joué, évidemment, et qui, au début, regardait tout le temps la caméra malgré les instructions, qui regardait le rail de travelling sur lequel elle devait marcher. Et donc, heure sup, bobine en plus, etc. Et ça, heureusement. Le monteur, que je ne connaissais pas, parisien, a tout de suite compris le scénario, a tout de suite compris les rushs. Il y avait très peu de bonnes prises, mais elles étaient bien pointées par la script. Et donc, il a fait le montage. Et du coup, ils ont dit, OK, on va jusqu'au bout. Mais je suis passé par le chat de l'aiguille. C'était horrible.

  • Speaker #1

    Donc, un court-métrage et tu es passé du court-métrage directement au format téléfilm, qui, à l'époque, était peut-être plus facile à faire qu'un long-métrage ou se financer plus vite.

  • Speaker #4

    C'est-à-dire que le long-métrage, tu vois, j'étais assistant de la partie d'échec, j'étais assistant sur A Strange Love Affair d'Eric Dequeuil par en Hollande. Donc j'ai fait du long aussi en tant que premier assistant. Et j'ai toujours été sidéré de l'insuccès des longs-métrages au cinéma belge. Et de me dire, consacrer cinq ans de ma vie pour montrer un film à 20 000 personnes, alors oui, tu as l'ego de te dire, j'ai fait un long-métrage et tout ce qu'on veut. Mais moi, je ne m'en remettrai jamais. Je tomberai en dépression profonde. Surtout

  • Speaker #1

    20 000.

  • Speaker #4

    Quand tu vois parfois les chiffres de certains longs-métrages, c'est dramatique. Or, tu le sais aussi bien que moi, je dis quel investissement c'est. C'est ton bébé. Oui, j'ai choisi la voie du téléfilm en me disant au moins, je sais que ce que je fais sera regardé. Et à ce niveau-là, ça a été plus que regardé. J'ai eu de la chance sur tous les téléfilms que j'ai faits.

  • Speaker #1

    Donc du coup, après celui-là, forcément, on t'en demande un deuxième.

  • Speaker #4

    Exactement. J'ai la France à mes pieds. On me propose de faire du Navarro, des trucs dans le genre. Mais entre-temps, mon fils loup handicapé est né. Et je n'ai plus envie, je ne peux plus me permettre de partir trois mois à l'étranger, à Paris ou en France pour ce genre de choses. Donc je fais des choix difficiles. J'accepte un épisode de série qui s'appelle Les Monos. On n'est pas à Canin. C'est de la série Bon enfant, grand public et tout. C'est très amusant parce que c'est l'histoire de jeunes en difficulté. qui font un stage pour se remettre et c'est un stage de char à voile à la mer du nord et donc là j'ai le plaisir de pouvoir ressortir tous mes souvenirs d'enfance de la côte belge des décors de dingue ce genre de choses mais voilà et donc ça permet de rentrer au moins le week-end exactement exactement et j'ai beaucoup appris justement sur les monos grâce à Christian Roth et Daniel Rialet qui m'ont appris à mordre intelligemment Parce qu'ils ne me donnaient pas les conditions qui étaient prévues à la base pour le tournage. Et donc on se retrouve dans une scène de discothèque et puis j'ai le directeur de production qui me dit « Ah écoute, on n'a que 5 figurants, on va tourner comme ça. » Je dis « Mais attends, tu rigoles, il n'y a pas de question qu'on tourne là. » J'ai très calmement dit au directeur de production « Ecoute, tu vois le café là ? Je vais m'y installer avec les comédiens et tu viens me chercher quand il y a les 30 figurants qui sont prévus. » « Oh, tu ne peux pas faire ça ! » Je lui ai appelé France 2 pour dire que tu ne veux plus tourner et tout. Je dis, mais appelle-les, explique-leur. Les directeurs de production ont été fait les sorties d'école pendant une heure et demi pour amener les 30 figurants. Je les ai eus et on a tourné. De la même manière qu'à un moment donné, il y avait quatre jours, cinq jours de char à voile. Compliqués, il faut avoir les conditions, le vent, des jeunes comédiens qui n'ont jamais fait de char à voile. Donc j'ai un moniteur et au quatrième jour, on m'annonce que le moniteur, c'est bon, il s'est débrouillé, J'ai un plan de travail de 35 plans à tourner en travelling sur la plage, et même il était question qu'on ait un hélicoptère pour faire des prises aériennes et tout le bazar. Je dis, je ne signe pas le plan de travail de la journée. Oh, tu ne peux pas faire ça, etc. J'ai fait le cochon, j'ai dit, écoute, si je fais les 35 plans, tu m'offres 12 bouteilles de pouilles fouissées de ta cave, parce que je sais qu'il y a une cave à faire. Pas possible. On a fait les 35 plans, on en a même fait plus. Il a tenu parole et j'ai eu 12 bouteilles de pouilles fouissées. d'un grand cru pas possible. Voilà, c'est une anecdote.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré ça, tu as quand même réenchaîné pour une torpille avec lui, avec ce gars-là,

  • Speaker #4

    parce que tu le connaissais. Oui, parce que c'était un scénario génial. Moi, j'adore l'ironie dramatique dans un scénario. Je trouve ça... Une série dans la nuit, c'est déjà le cas. Le spectateur sait, mais le protagoniste, Magdan, ne sait pas ce qui se passe. Et là, dans la torpille, c'est très amusant. C'est une grande société d'audit qui... qui est une multinationale à se débarrasser d'une petite entreprise de chaussures de province qui est arrivée dans leur escarcelle et qui est complètement surannée, dépassée et tout. Et il se dit, de la même manière qu'on peut trouver la bonne personne à la mauvaise place, il suffit de trouver un mauvais directeur qui va couler l'entreprise. Et donc, ils vont chercher le pire profil, qui est Catherine Jacob. sauf que c'est une rebelle et qu'avec le personnel les choses vont se retourner. Et donc là de nouveau on est dans une éroïne dramatique, elle ne sait pas quelle est une torpille pour couler l'entreprise, surtout qu'elle n'y connaît rien, mais une série d'événements va faire que les choses vont se retourner. Et donc c'était jouissif, surtout qu'on a, j'ai travaillé avec Philippe Graff et qu'on a décidé de donner un côté très BD à la déco, aux accessoires et tout, on a trouvé un lieu de décor absolument génial. Et puis ça m'a permis de faire jouer plein de chouettes acteurs dans l'aventure.

  • Speaker #1

    Et donc c'est aussi un téléfilm France 2 ?

  • Speaker #4

    France 2, oui. Voilà,

  • Speaker #1

    France 2, ça cartonne de nouveau.

  • Speaker #4

    32%, il n'y a pas à se plaindre.

  • Speaker #1

    Après, si je ne dis pas de bêtises, en fiction, tu t'arrêtes là ?

  • Speaker #4

    C'est là où les choses se compliquent. Soyons clairs, le milieu n'est pas tendre. Et donc les succès que j'ai ne font pas plaisir à tout le monde. Et donc oui, j'entends des trucs pas agréables, que je suis quelqu'un d'ingérable sur un plateau, ce qui n'est pas le cas. Je ne suis pas un grand réalisateur, ça je l'ai toujours dit, je n'ai pas un génie en moi, je suis un gentil faiseur qui fait bien les choses. Mais ingérable non, au contraire, je te disais, j'essaie d'être le joueur de flûte d'Ameline pour emmener les gens avec ce qui est dans ma tête et je le vois à l'image. Et puis alors encore plus violent, c'est « Ah, tu fais encore des films, mais on m'a dit que tu n'étais plus disponible à cause de ton fils handicapé, ce genre de choses. » Donc voilà, et puis bon, il fait aussi que je tombe en dépression, deux fois. Une première fois après une tire dans la nuit, la descente après le film et l'expectative de la suite et tout, et surtout le diagnostic font que je pète une première fois un câble quand Lou a un an. Je replonge une deuxième fois quand Lou a 4-5 ans, parce que là, justement, la différence commence à se voir. Et Lou a des gestes de réassurance, il agite les mains dans tous les sens, tout le temps, en permanence, il se balance tout le temps, comme une personne autiste. Et les regards des gens dans la rue sont des coups de couteau pour moi. Et là, je replonge une deuxième fois et je suis une psychothérapie et j'ai envie de résilience, j'ai envie d'en faire quelque chose de cette aventure. Et j'ai envie de faire un documentaire. Et Claire me dit non, pas question, tu ne vas pas me mettre. notre vie privée sur la place publique et tout. Poum, je replonge encore un peu plus. Et je découvre, en 2003, c'était en 2003, et je découvre l'existence des blogs. Tout nouveau, tout frais, tout beau. Et donc, je dis à Claire, tu connais les blogs ? Elle me dit non. Mais tu vois, ce n'est pas connu, donc est-ce que je ne pourrais pas ouvrir un blog ? Il me dit oui, bien sûr, ok, ça va, si c'est discret, je veux bien que tu racontes. Et je commence à raconter l'aventure avec Lou, avec deux blogs en miroir. Mais ça devient un succès instantané, mais colossal au point de faire un sujet au JT de la RTVF. Donc la discrétion, bonjour. Ensuite, ça devient une chronique pendant 19 numéros dans Femmes d'aujourd'hui. C'est le truc qui est le plus lu dans Femmes d'aujourd'hui. Et donc à ce moment-là, je reçois des tas de messages de réaction de personnes concernées ou non concernées par le handicap qui apprécient ce que j'écris. Et du coup, Claire me dit, OK, je comprends l'utilité, OK pour le documentaire. Et donc je pars dans l'aventure de ce documentaire, et là de nouveau, boom, crack, je reçois, après la diffusion sur Grand Angle, sur RTL, je reçois 1200 courriels dans ma boîte de réception. Mais une folie, une folie furieuse. Et puis quand le film sera diffusé sur France 5, Télé-Québec, en Suisse, en Hollande, à chaque fois 1200 courriels. Et à ce moment-là, j'ai un ami avocat, Philippe Grelet, président du CAL, du Centre d'Action Laïque. qui m'appelle, qui me dit « je suis bouleversé par ton film, pourquoi est-ce que tu ne créerais pas une fondation privée pour ton bonhomme ? » Je dis « une quoi ? » Il me dit « attends, viens, je vais t'expliquer » . Et il m'explique ce qu'est une fondation privée, qui consiste effectivement à créer une fondation où l'objectif c'est l'avenir de ton bonhomme et qui garantit une pérennité au-delà de ta mort, parce que les statuts sont immuables, que donc tout ce que tu thésorises dans cette fondation va à la personne ou à l'objet de cette fondation. Et pour le financer, il me dit, il faudrait commercialiser ton documentaire en DVD. Et c'est là où ma vie bascule, mais complètement. En deux mois de temps, le DVD est vendu à 4500 exemplaires. Et aujourd'hui, on est à près de 9000. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de documentaires, mais ce qui a été vendu comme ça, c'est une folie. Et c'est génial pour la fondation aussi. Et donc voilà, et alors, c'est là où tout s'enchaîne. C'est que si tu veux, entre temps, petite parenthèse pour rester dans le cinéma, Catherine me propose de faire Melting Pot Café. Rosanne Van Azerbroek me propose de faire la série Septième Ciel. Mais les deux se chevauchent, donc je dois faire un choix. Melting Pot est en retard dans l'écriture. Septième Ciel est prêt. Je me dis, pourquoi pas relancer les séries et tout le bazar. Et moi, je me retrouve à faire Septième Ciel. C'est un ciel avec une production qui s'entre-déchire et qui essaie d'imposer sa patte à la série. On est quatre réalisateurs pour douze épisodes et on nous empêche de communiquer entre nous pour donner une unité à la série. Un cauchemar. Ça m'a dégoûté du métier, mais à jamais. Donc ça m'a aidé à quitter le métier quelque part. Or, j'en reviens à ce que je te disais, dans les statuts de la Fondation, on s'est déclaré, moi, que si on prêchait pour notre seule petite chapelle, c'était... C'est peut-être un petit peu égoïste. Et donc, on a rajouté un petit alinéa dans les statuts de la fondation en disant que si le DVD se vendrait bien, on consacrerait une partie à une cause commune autour du handicap. Pas de chance, donc, 4 500 exemplaires. Et je tiens mon serment de poivreau de me dire, je vais faire quelque chose. Et là, quand je relis tous les courriels que j'ai reçus de personnes concernées, tout se me fait part de l'immense solitude et souffrance liée au diagnostic. Et là je me dis tiens mais c'est peut-être un sujet intéressant, qu'est-ce qui se fait dans le domaine ? C'est le début d'une nouvelle vie, c'est le moment où il faut aider les gens à mettre le pied à l'étrier face à cette nouvelle réalité et je me rends compte qu'il n'y a rien. Qu'il n'y a rien et rien nulle part dans le monde à part des témoignages et deux bouquins écrits par deux professeurs d'université en France. Et ces bouquins sont des bouquins mais sans plus de structuration sur qu'est-ce qu'il faut faire par rapport à ça. Et donc je me dis, c'est pas compliqué, je fais une parenthèse d'un an sur mon métier, je convoque le secteur associatif, on met en place un colloque, des groupes de travail, dans un an on a trouvé la réponse. Ouais, très bien Moland, très bien. Sauf que ça prend pas un an, enfin si. J'ai dix associations qui se joignent au projet, on monte un colloque en quatre mois, un colloque absolument fabuleux avec 360 personnes, et où pour planter le décor, ça c'est mon côté un peu artistique qui revient au truc, je fais venir Eric de Star qui est plein de comédiens pour lire des témoignages en début de colloque. Autant te dire que, poum, ça pose l'enjeu. 60 personnes s'inscrivent dans des groupes de travail, mais le problème, c'est que ça ne se solutionne pas comme ça. C'est un travail au long cours. C'est devenu une association que j'ai présidée jusqu'en 2021. Et aujourd'hui encore, on a édité des livrets pour les professionnels, pour les parents, pour les frères et sœurs, pour les personnes en situation de handicap elles-mêmes, pour les aider à vivre le champ émotionnel qui est violent. Donc, à dépasser ça, on a fait un bouquin pour... Les médecins changent leur attitude par rapport à ça, parce que la souffrance, elle est dans les deux camps. Comment annoncer une mauvaise nouvelle dix fois par semaine quand tu es neuropédiatre, ce genre de choses, tout en restant en empathie, etc. Comment assurer un accompagnement, parce que souvent tu es lâché, voilà, le diagnostic est posé, c'est tout, on ne peut plus rien faire. Et donc, du coup, je me suis trouvé embarqué dans cette aventure, j'ai créé cette association qui ne me laissait plus beaucoup de temps pour faire des films. Et puis en parallèle, j'étais invité dans des festivals partout dans le monde avec les Traloux. jusqu'en Russie, des aventures de fous et j'ai découvert aussi parmi tous les festivals, il y en avait 2-3 qui étaient uniquement centrés sur le thème du handicap et j'étais époustouflé par la qualité des films et je me suis dit mais ces films on les voit jamais en Belgique et donc il y a un festival en Grèce où Lettre à l'eau a été primée où je lis d'amitié avec l'organisatrice et qui me dit mais tu devrais faire ça en Belgique et elle me dit écoute je te donne un conseil tu fais un pilote Merci. Une séance, je te prête les films, je demande les autorisations, je te prête les films qui te plaisent dans ma sélection. Tu invites les pouvoirs publics à cette séance, et le grand public, et tu leur dis « est-ce que vous êtes prêts à financer ça ? » Et c'est ce que je fais en 2010. Et les pouvoirs publics disent « oui ! » Et c'est comme ça que je me lance dans The Extraordinary Film Festival, que je m'adosse dans un premier temps au FIFA Namur, parce que c'est là où je peux le plus avoir de financement. Et où Nicole Gillet, très gentiment, ainsi que Barbara Firquet, m'aident pendant la première édition et m'apprennent le métier au pas de charge. Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de films. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents. La fondation, avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival. Et ensuite, ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    J'ai eu le plaisir et l'honneur de faire partie du jury du TEF en 2023. J'ai vraiment été épatée par la qualité des films, par tout ce que ça ouvre en étant professionnelle du cinéma et se dire mais enfin, il y a tellement d'autres manières de parler.

  • Speaker #4

    C'est ça qui est génial dans le festival. On reçoit à peu près 400 films. t'en sais quelque chose vu que t'en as visionné un paquet chaque fois chaque regard de réalisateur chaque situation t'ouvre une nouvelle facette sur la personne et de nouveau on est dans une situation monolithique le trisomique c'est Pascal Duquesne alors qu'il y a plein de trisomiques qui n'ont pas ces facultés de jeu d'acteur, etc. On est toujours dans les clichés, mais les clichés, les clichés, les clichés, dans tous les handicaps. Un aveugle à l'oreille absolue, c'est faux, c'est absolument faux. À l'école de mon fils, la chorale, c'était une casserole pas possible. Donc tu vois, on est dans ces clichés. Donc il y a tellement de variétés que c'est des sujets inépuisables. Moi, ce que je veux attirer, c'est le grand public. Le fait de le teff... tu y es venu, il n'y a que 5 à 7% de personnes handicapées, le reste c'est du grand public, et c'est ça qui est génial, parce que soudain, boum, tu bombardes les gens d'une ouverture d'esprit sur quelque chose qu'ils ne connaissent pas, qui est le handicap sous toutes ses formes, et c'est ça qui est génial. On est quand même à 8300 entrées en 2023, donc ça commence à devenir intéressant au niveau de la fréquentation.

  • Speaker #1

    Je trouve que votre festival est tellement important, d'abord parce qu'il est hyper intéressant, hyper drôle, et puis surtout sur le travail, sur les représentations, il y a tellement à faire. Je reprends tout ce qu'on entend dans le festival sans cesse, mais les personnes en situation de handicap en Belgique, c'est quoi ? C'est 15%, 10% ?

  • Speaker #4

    L'OMS prétend qu'on va sur 25%, ce qui me semble un peu exagéré. Mais oui, avec le vieillissement de la population, on y arrive un jour. Mais globalement, oui, il y a 15% de la population qui est porteuse de handicap. Dernier chiffre du CSA 2023, le handicap occupe 0,47% du contenu des médias. Alors que ça concerne 15% de la population. Alors qu'aujourd'hui on est en train de s'ouvrir sur les genres et tout, sur la différence, plein de choses. Le sujet qui reste encore au bord du chemin, c'est le handicap. Je ne dirais pas de secouer le centre du cinéma. Mais le handicap, il est où ? Il est où ? Et l'explication de tout ça, c'est que le handicap fait peur, tout simplement. Et c'est humain. Et c'est trois facteurs. D'abord, le handicap nous renvoie à notre fragilité. Ça nous pend tous au nez. Et de la même manière qu'on n'a pas envie de parler de la mort. Un jour, enfant, on réalise qu'on est mortel avec la mort de son chat, d'un proche ou ce genre de choses. On évacue ça de sa tête. On vit parce que sinon, on ne vivrait plus, justement. Et donc, de cette même manière-là, le handicap, on ne veut pas voir parce que ça nous pend au nez. Et ça explique les grands centres qui ont été créés après la guerre, dans les années 50, 60, loin des villes. Loin des villes, le village numéro 1, et je peux t'en citer. On va les parquer, ils seront bien là, on va faire un petit paradis pour eux là-bas. Donc voilà, on n'a pas envie de voir le handicap, première chose. Deuxième chose, ça renvoie à la différence. Ce qui n'est pas comme nous est potentiellement contre nous. Tu es dans la rue, tu as soudain quelqu'un qui pique une gueule en deux, comme ça dans la rue, tu vas te retourner. C'est ton cerveau reptilien qui instantanément va te dire, il y a quelque chose d'anormal, on ne gueule pas dans la rue, c'est un poivreux, c'est une personne handicapée, que sais-je. tu vas dire ok c'est rien de grave et tu vas continuer ton chemin. On a tous cette réaction là du cerveau reptilien qui nous dit attention danger et c'est les mêmes clés que le racisme et ce genre de choses. Donc quelque part il y a une stigmatisation, la personne handicapée c'est quelqu'un de différente, elle fait peur. Voilà donc on évacue ça. Et la troisième chose, le handicap c'est le miroir de nos valeurs et c'est très étrange. On a tous comme ça notre grille de valeurs dans notre vie. Le problème, c'est qu'avec le handicap, on ne regarde que le verre à moitié vide et jamais le verre à moitié plein. Ça part dès le moment du diagnostic, où on te dit, votre enfant, il a ça, ça, ça, ça, il ne pourra pas faire ça, ça, ça, ça, ça, et on ne parle jamais des potentialités. Jamais, jamais. Or, je veux dire, la personne la plus profondément handicapée, même presque à l'état végétatif, Je m'excuse de le dire comme ça parce que ça peut être violent pour les gens qui le vivent au quotidien. Même cette personne-là peut t'amener quelque chose. Et t'amener à te requestionner justement sur tes valeurs, sur le sens de la vie, sur ce genre de choses. Toute personne a quelque chose à t'apprendre.

  • Speaker #1

    L'année dernière, il y a eu un engouement autour des Jeux paralympiques pendant les JO.

  • Speaker #4

    T'en as pensé quoi ? J'ai vécu sur le terrain parce que l'eau a été fait une prestation à la Belgian Paralympic House à l'inauguration, le lendemain du truc. Donc oui, il faut des compétitions adaptées parce que tu ne peux pas courir de la même manière avec une jambe ou machin brol. Mais de la même manière qu'en judo, dans les Jeux Olympiques normaux, s'il y a une normalité, tu as des catégories de poids dans les arts martiaux, ce genre de choses. Tu as souvent comme ça des catégories. Moi je ne comprends pas, enfin si je sais historiquement pourquoi, c'est parce que ce sont deux institutions différentes, deux organismes différents, le comité olympique international et le comité paralympique, mais il est urgent pour moi de les fusionner, je trouve ça complètement lamentable de faire deux événements, et donc pourquoi pas quand il y a de l'athlétisme, il y a le 100 mètres, il y a le 400 mètres, et puis entre les deux, il y a le 100 mètres PMR, il y a le 100 mètres à l'aveugle, et ce genre de choses. et de mixer les deux. Maintenant c'est clair, oui, il y a une visibilité, mais dans les personnes concernées par le handicap, il y a quand même un petit goût amer, dans le sens où ça encense les performeurs, les personnes qui, elles, ont réussi à transcender leur handicap. Les personnes qui n'ont pas les capacités d'être un compétiteur en Jeux Paralympiques ou ce genre de choses, ce seront toutes des personnes qui resteront encore totalement invisibles. Admettons que tu sois philosophe handicapé. Eh bien, on ne te viendra pas chercher comme philosophe, mais on viendra te chercher comme handicapé, pour un sujet traitant du handicap. Et donc, les personnes handicapées dans les 0,47% du contenu des médias, c'est toujours par rapport à leur handicap. Ce n'est jamais par rapport à d'autres compétences qu'ils auraient, ou d'autres points de vue. Et là, tu te dis, il y a un problème.

  • Speaker #1

    Alors ça, si jamais la presse m'appelle, c'est pour que je témoigne en tant que femme dans le métier. alors j'ai dit ben techniquement, je suis réalisateur. En fait, ce qui est drôle, Luc, c'est que quand je t'ai appelé, je ne savais pas qu'il y avait sorti un livre qui s'appelle...

  • Speaker #4

    La folle épopée de Lou.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tu as écrit plus sur ton fils que sur toi. Oui, bien sûr. Mais donc tu parles de toi aussi.

  • Speaker #4

    Oui, c'est-à-dire que... Dès les blogs en 2003, j'ai eu envie d'écrire cette aventure. Et c'est vrai que c'est... C'est une épopée, c'est une aventure de fou. C'est vraiment une romance, ma vie, et c'est ça qui est incroyable, notre vie. Et donc oui, il se fait qu'il y a une éditrice qui est venue me chercher, il y a un peu plus de deux ans, et là j'ai été piqué par son art. Je me suis dit, c'est le moment, c'est maintenant qu'il faut le faire. D'une part aussi parce que justement j'aimerais qu'on tourne la page du handicap de loup, et qu'on le voit plus que comme un artiste. Et donc oui, j'ai tellement raconté, j'ai tellement communiqué sur lui depuis 25 ans. que je me suis dit, c'est le moment de tout rassembler, c'est là, maintenant on tourne la page.

  • Speaker #0

    Je m'éloigne nu parce que je raconte tous les obstacles, toutes les difficultés. Oui, ça a parfois été loin d'être simple. Il fallait que je sois aussi honnête, moi aussi, avec mes propres difficultés dans le parcours. J'ai eu dur à avaler la pilule, je te le disais tout à l'heure, de dépression. Et voilà, et qui n'était pas très belle parce que j'étais pas dans la violence physique, ni verbale, mais j'étais mutique, je m'enfermais, je fouillais. C'était compliqué, mais de notre côté, il fallait être honnête et pas nier les difficultés que ça a été. J'ai écrit certainement 15 fois, 17 fois, 20 fois certains chapitres, jusqu'à ce qu'il y ait une musicalité dans l'écriture qui est la mienne, et qui j'espère va rencontrer celle des lecteurs. Donc voilà, c'est plein de belles histoires comme ça. C'est une folie l'aventure avec Lou. C'est un truc de dingue quand on voit d'où on vient. et où on est aujourd'hui et avec des limites. C'est un peu la conclusion de mon livre. Quelle est la place de Lou dans le milieu musical ? Il est stigmatisé systématiquement.

  • Speaker #1

    Probable, que sans guide et sans compas, sans lumière je retourne sur mes pas Probable, que le succès me boude, que je ne sois pas dans le mood Probable, qu'au final au cadrage, on me retrouve pas sur l'image Probable, que je ne sois pas une

  • Speaker #0

    Et là, moi, je suis complètement révolté. De tous ces camarades d'infortune de l'enseignement spécialisé où ils étaient, ils sont tous, sauf un, en institution aujourd'hui. Et ils étaient, pour beaucoup, moins fortement handicapés que nous. Quel gâchis, mais quel gâchis, quelle honte, quel... Enfin, j'ai pas de mots.

  • Speaker #2

    Quand tu regardes dans le rétroviseur, qu'est-ce que tu changerais dans ta carrière professionnelle ?

  • Speaker #0

    Ouf ! Je ne sais pas parce que du nouveau, c'est tellement de concours des circonstances. Si je n'avais pas atterri par Azara Dream Factory, je n'aurais pas arrêté l'IAD, je n'aurais pas fait ci, je n'aurais pas fait ça. Je n'aurais pas fait de rencontres qui m'ont permis par la suite de... Je ne changerai rien. Je crois que je ne changerai rien. Les films que j'ai réalisés, je n'ai pas en rougir. Ce ne sont pas des chefs-d'oeuvre, mais je n'ai pas en rougir. J'aurais juste eu l'envie d'avoir une deuxième vie parce qu'il y a encore des films que j'aurais bien aimé faire et que je n'aurais plus jamais le temps de faire. Mais ce n'est pas grave, il y en a d'autres qui font ça très bien. Donc voilà, mais non, je ne changerai rien. Je ne changerai rien, ma vie est plus que romanesque. J'adore ce combat, j'adore ce combat parce qu'un des personnages que je préfère c'est Don Quichotte. Voilà, j'aime l'utopie, j'aime le rêve, j'aime les choses qui ne sont pas rangées dans les tiroirs des certitudes. J'aime remettre en question et donc voilà, je me plais beaucoup dans ce que je fais.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Luc. Merci de m'avoir invité. C'est un plaisir, merci et voilà, au plaisir de voir la suite et d'être au prochain TEF.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour leur soutien. Entretien enregistré chez Bruxelles nous appartient. Merci pour l'accueil. Merci à John Pirard. Merci à Aurélien Lebourg pour le mix et à Let's Kiss pour la musique. A bientôt !

  • Speaker #3

    Arrête ton cinéma !

Description

Comment un événement bouleversant peut-il transformer non seulement une vie, mais aussi une carrière entière ? Dans cet épisode d'Arrête ton cinéma! , Luc Boland, réalisateur,, nous plonge dans son parcours, marqué par la naissance de son fils, né avec un handicap. Ce moment décisif a été le catalyseur d'un changement profond, qui l'a mené entre autres à la création du TEFF - Extraordinary Film Festival, consacré aux films sur les situations de handicap. Prochaine édition: Novembre 2025.


Pour en savoir plus: le documentaire "Lettre à Lou" et le livre"La folle épopée de Lou B" (éditions Racine) et https://loub.be/


Dans cet épisode, vous découvrirez non seulement l'engagement indéfectible de Luc. Chaque mot résonne avec une passion palpable, et son histoire nous rappelle que derrière chaque défi se cache une opportunité de changement.


Merci: John Pirard pour le montage, Aurélien Lebourg pour le mix, Late Kiss pour la musique, Bruxelles nous appartient pour le studio

Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la FWB pour leur soutien.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de film. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents, la fondation avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival, et ensuite ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    Luc Bolland est le papa de Lou B, interprète et musicien que vous avez probablement vu ou entendu en radio, en télé et peut-être même en concert. La naissance de Lou en 98 et la découverte de son handicap ont bouleversé la trajectoire de vie de son père, alors réalisateur. Luc a raconté ce parcours dans le documentaire Lettre à Lou et plus récemment dans le livre La folle épopée de Lou B, paru en 2024. Mais aujourd'hui c'est de Luc dont on va parler. Aucune trace d'aigreur chez lui. Lui et sa femme Claire avancent, toujours en mouvement, déjà sur le prochain projet. On va parler de la vie avant, pendant et après le diagnostic. Du combat infatigable mené, pour Lou, mais aussi pour toutes les personnes en situation de handicap. Luc travaille à changer les regards, entre autres via le festival de films qu'il a créé, le TEF Extraordinary Film Festival. Allez, c'est parti !

  • Speaker #0

    Je ne suis pas un steak.

  • Speaker #1

    Au niveau de l'histoire coloniale, ils ne sont absolument pas conscients de reproduire des choses qui se sont passées pendant des générations.

  • Speaker #0

    Tu ne peux pas juste m'envoyer. L'industrie du cinéma est entre les mains des hommes. Ah bon ?

  • Speaker #2

    Je ne suis pas misogyne du tout.

  • Speaker #3

    Arrête, arrête, arrête, arrête, arrête ton cinéma. Arrête ton cinéma. Non mais vraiment, arrête. Un podcast réalisé par Véronique Jatin.

  • Speaker #1

    Luc, j'avais hyper envie de t'inviter, donc merci beaucoup d'avoir répondu présent, parce que je trouve que tu as un parcours quand même fascinant.

  • Speaker #4

    Merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    J'ai lu qu'en sortant de Réto, un peu comme ça, tu t'étais pointé à l'examen d'entrée de l'IAD.

  • Speaker #4

    Exact. Moi, j'avais envie de faire de l'artistique, c'est comme ça que la bouche en cœur, n'y connaissant rien à l'audiovisuel, j'ai présenté l'examen d'entrée, et je me suis fait jeter bien évidemment, et alors piqué par mon orgueil, Pendant un an, j'ai bouffé du cinéma pour me préparer à représenter Eliade.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est passé.

  • Speaker #4

    Ça s'est très bien passé. Mais sur ce chemin-là, en cours de seconde année, j'ai un élève de troisième qui m'a dit « Oh, on tourne un clip de Gottener, une nouvelle maison de production, le Mambo du Décalco, t'as pas envie de venir donner un coup de main ? » Puis je suis arrivé sur ce tournage, c'était la naissance de Dream Factory, c'était le deuxième clip qui tournait. Il n'y avait pas beaucoup d'expérience de production dans cette boîte à l'époque, et donc il n'y avait pas de script. Je me suis dit « Tiens, plutôt que de porter des caisses, est-ce que je ne proposerais pas d'être la script ? » On tournait avec du 2 pouces vidéo à l'époque. Donc c'était facile de vérifier les raccords. Et donc j'ai été script sur ce tournage. Ils ont gagné du temps au montage, donc ils m'ont rappelé. Et de fil en aiguille, en trois ou quatre tournages, je suis devenu le premier assistant réalisateur de Jean-Pierre Berckmans. Et j'ai travaillé tout l'été à la fin de ma deuxième année. Et à la fin de l'été, ils m'ont dit « on t'engage si tu veux » . Et là, c'était le choix cornelien. J'ai voulu poursuivre en élève libre, l'école n'a pas voulu. et donc j'ai commencé à enchaîner les boulots comme assistant réalisateur. Ce qui était difficile après, parce que comme je n'ai pas fait de fin d'études, en tant que réalisateur, je n'avais rien à vendre et à montrer. Et puis, ces deux métiers sont totalement différents. Premier assistant, tu es le grand organisateur. Il y a quelque chose de génial et de grisant, parce que tu es une des rares personnes à maîtriser absolument toutes les infos et de savoir tout sur un film. Mais tu es un grand organisateur, tu es un meneur de troupe, tu es tout ce que tu veux. Alors que bon, réalisateur, c'est quand même autre chose au niveau de la créativité. Mais maintenant, ce qui était génial, c'est que j'ai eu... J'ai découvert des techniques audiovisuelles à l'époque. La luma, personne ne l'utilisait en Belgique, ça coûtait trop cher. Des tas de choses, j'ai eu plein d'expériences techniques qui étaient très rares dans le cinéma belge. Mais à la longue, c'était du 7 jours sur 7, 18 heures sur 24. Surtout quand quelqu'un a pris ma place pour aller au Sénégal pour le tournage de la partie africaine de Balavoine. Là, je l'ai très mal pris. Je lui ai dit maintenant, mon tarif c'est autant. Et on m'a dit au revoir. Et j'ai... immédiatement, vu la notoriété de Dream Factory, j'ai immédiatement retrouvé du boulot dans toutes les prods de pubs et de clips et de tout ce qu'on veut de l'époque.

  • Speaker #1

    Ok, donc tu fais full assistana et comment est-ce que tu passes à la réale alors finalement ?

  • Speaker #4

    Compliqué, très compliqué. Je passe à la réale parce qu'à un moment donné, je donne des cours à Parlax et je propose un cours sur le casting. Là, on est au début des années 90, quand je suis toujours assistant. Et j'invente un exercice assez amusant qui était de mettre en scène un ballet. et de demander à un acteur de jouer avec un balai. Et ça m'a donné l'idée d'un court-métrage qui est une personne qui est dans le déni du décès d'un proche, on ne sait jamais qui c'est, si c'est un enfant, un époux, ce genre de choses, et qui a alité dans son lit un balai. Et tu as comme ça tout un déni intrafamilial où tout le monde fait semblant de rien, il y en a qui disent mais il faut l'arrêter, il faut arrêter cette mascarade, etc. Et ça me donne l'idée de ce court-métrage, je me dis ça ne coûte pas trop cher à faire. J'ai... J'ai eu plusieurs refus, parce que j'ai eu plusieurs projets. J'avais un projet de fiction complètement dingue sur le musée de la bande dessinée, qui a failli se faire. J'ai eu les autorisations de tous les auteurs de BD, jusqu'à Moebius, qui disait « Il faut faire ce film, il faut faire ce film. » Mais c'était un film qui coûtait cher, parce qu'il fallait faire du motion control, etc. C'était hors de prix. Et donc, il ne s'est jamais fait. Et puis, je me suis dit « Tiens, mais ça, ça ne coûte pas cher. » Et j'ai juste besoin d'une maison. Et là, remerciement éternel, toute la profession, tous les techniciens, bullet race, tout le bazar, tout le matos gratuit. J'ai eu des chutes de péloche de toutes les boîtes de production pour lesquelles j'avais travaillé. Et j'ai fait ce petit court-métrage qui était juste gentil. Et qui a permis justement à Catherine Burgnaud de me remarquer. Et de me dire, t'as pas un projet de long ou de téléfilm ou ce genre de choses ? Et j'ai sorti de la boîte un scénario que j'avais écrit en 87, donc quand j'étais encore assistant. J'avais lu une petite brève dans le soir, je crois, qui racontait l'histoire de quelqu'un qui était tombé de son lit, qui baignait dans son sang, qui était amnésique et qui appelait les secours, qui ne savait pas où il était. et qui repère un édifice public très connu et puis il retombe inanimé. Et le type du service des secours a l'idée, parce qu'il n'y avait pas encore les détections d'origine d'appel, d'envoyer tous les véhicules en urgence jusqu'à ce qu'on entende un véhicule dans le téléphone pour repérer la personne. Une idée mais instantanée de décliner ça et de raconter le sort d'une petite fille en babysitting chez une vieille nanou qui tombe dans les escaliers. Et la gamine appelle, pousse sur le bouton rappel et la nanou avait appelé un service de dépannage pour une toilette bouchée. Et seulement là aussi il n'y a pas de détection d'appel et tout. Et donc c'est toute la recherche de la gaming qui devient un peu thriller dans le sens où la Nanou, entre temps, elle avait fait à cuisiner, que ça commence à cramer dans la cuisine, donc il y a une certaine urgence, etc. Et c'est le téléfilm Une sirène dans la nuit que j'ai fait en 99 avec Catherine Brugnot et Banana Film, et qui a fait un carton de malade, 38% de parts de marché, souffrance 2. Et donc oui, 1 400 000 téléspectateurs, et avec Roland Magdan en contre-emploi complet à la façon de Coluche dans le Chopin. Et ça a été la curiosité des spectateurs sur Roland McDonagh qui avait disparu, qui a beaucoup contribué au succès du film, évidemment. Une série dans la nuit, c'est moi qui l'avais écrit, mais Luc m'a aidé à réécrire une partie du scénario parce que j'ai voulu changer le protagoniste du film. Au départ, c'était la gamine. Ça ne m'intéressait plus quand Catherine est venue me chercher. Et je voulais que ce soit le standardiste, et donc il fallait un obstacle. Et c'est là où c'est la folie de l'histoire, si tu veux. C'est complètement dingue si on revient à ce film-là. On se met au travail, Luc et moi, Luc Jabon et moi, et on énumère tous les obstacles que tu peux avoir dans la vie, le décès d'un proche, une perte d'emploi, la survenue du handicap d'un enfant, etc. Et on se focalise, on se dit immédiatement, mais oui, bien sûr, il a un fils autiste, c'est un brillant architecte, il n'assume pas, il plaque sa femme, il plaque son boulot, et il se réfugie comme standardiste de nuit pour avoir le moins de contact social possible. Ça, c'est écrit trois ans avant la conception de Lou. C'est un truc de fou. Et Lou naît entre-temps. On a l'attente de l'accord de France 2 et de GMT à Paris pour coproduire le film. Lou naît en août 98. On part en Vendée chez un ami machiniste qui a une baraque là-bas pour se reposer après l'accouchement. Là, on se dit qu'il y a des choses qui ne vont pas. On rentre, on est sur la bretelle de l'autoroute de Nantes. Coup de téléphone de Catherine qui me dit qu'on a le feuilletage de France 2, on tourne dans quatre mois. Je me retrouve dans la dualité de la pré-production, les premiers rôles, les décors, etc. à courir dans tous les sens, entre les rendez-vous dans les hôpitaux pour essayer d'avoir un diagnostic de mon bonhomme et la préparation du film. Pour que les gens qui ne connaîtraient pas le fils lourd, il est aveugle, il est né aveugle et avec une forme d'autisme de plus en plus légère, ça c'est le miracle de l'aventure, mais à l'époque qui était quand même sévère et c'est un enfant jugé perdu par les... par tous les professionnels du secteur. Mais le diagnostic tombe 15 jours avant le début de l'engagement de toute l'équipe, un mois de prépa. Donc je démarre la prépa du film avec ce diagnostic dans la figure, le tournage du film, et je me retrouve à faire jouer à des comédiens une scène où la femme du standardiste débarque pour lui dire « Écoute, qu'est-ce qu'on fait avec ton fils ? On le garde ou on le met dans une institution ? Parce qu'il faut que tu décides. » C'est complètement dingue. C'est une ironie dramatique, comme je dis, qui est folle. qui est complètement folle.

  • Speaker #1

    Tu avais déjà deux filles ?

  • Speaker #4

    J'avais deux grandes filles, oui.

  • Speaker #1

    Deux grandes filles. Et donc, pendant que toi, tu bossais, on s'est commencé dans ce métier, tu n'avais... Voilà. Donc, ta femme s'est occupée du gamin H24. Et pour toi, le travail, ça t'a fait du bien ? Ça t'a permis d'oublier ? Ou au contraire, c'était vraiment double charge ?

  • Speaker #4

    C'était d'une ambivalence absolue. J'ai foncé tête baissée dans le boulot parce que je sais que je jouais ma tête. Et d'un autre côté, j'étais tiraillé par un sentiment d'injustice absolu vis-à-vis de lui, en me disant pourquoi nous, pourquoi lui, qu'est-ce qu'on a fait au monde pour hériter de ça ? Et puis à côté de ça, j'avais une pression maximale. Et là, je dois rendre un hommage à Catherine Burgnaud en tant que productrice, parce que l'usage veut qu'en France, un scénariste ne soit jamais réalisateur d'un téléfilm. Or, dès le départ, Catherine m'a dit... de confier la réalisation du film et JMT voulait m'éjecter à tout prix. J'avais qu'un court-métrage derrière moi. C'est ça que je veux dire, c'était pas mal. Et puis alors, pire que ça, ils ont proposé à Molinaro, ils ont proposé à Jean Becker de réaliser et tous voulaient le faire. Et Catherine a tenu tête jusqu'au bout. Mais du coup, il y avait une certaine forme d'unimitié, nous dirions, entre JMT et moi. Et après dix jours de tournage, ils ont voulu arrêter le tournage parce qu'ils ne savaient pas lire les reches et qu'ils les trouvaient catastrophiques. Donc j'ai eu encore une double pression sous les épaules, sous le tournage. Et Catherine m'a protégé. Ils ont fait faire un montage des Raimondos pour voir si le film tenait le coup ou pas. Alors moi j'étais sous le plateau. En sachant tout ça, c'était une horreur absolue. Du coup, j'étais effectivement... Je crois que j'ai toujours été un réalisateur très calme et très doux. Je dis toujours que pour moi, réaliser un film, c'est le joueur de flûte d'Améline. Et je ne supporte pas ces réalisateurs tyranniques. qui vont jusqu'à détruire des gens pour leur objectif de film. Je ne comprends pas ça, ce n'est pas dans ma mentalité. Mais là, oui, effectivement, j'étais tendu, c'était compliqué à mort. D'autant qu'en plus, je tournais avec une gamine de 5 ans, qui n'avait jamais joué, évidemment, et qui, au début, regardait tout le temps la caméra malgré les instructions, qui regardait le rail de travelling sur lequel elle devait marcher. Et donc, heure sup, bobine en plus, etc. Et ça, heureusement. Le monteur, que je ne connaissais pas, parisien, a tout de suite compris le scénario, a tout de suite compris les rushs. Il y avait très peu de bonnes prises, mais elles étaient bien pointées par la script. Et donc, il a fait le montage. Et du coup, ils ont dit, OK, on va jusqu'au bout. Mais je suis passé par le chat de l'aiguille. C'était horrible.

  • Speaker #1

    Donc, un court-métrage et tu es passé du court-métrage directement au format téléfilm, qui, à l'époque, était peut-être plus facile à faire qu'un long-métrage ou se financer plus vite.

  • Speaker #4

    C'est-à-dire que le long-métrage, tu vois, j'étais assistant de la partie d'échec, j'étais assistant sur A Strange Love Affair d'Eric Dequeuil par en Hollande. Donc j'ai fait du long aussi en tant que premier assistant. Et j'ai toujours été sidéré de l'insuccès des longs-métrages au cinéma belge. Et de me dire, consacrer cinq ans de ma vie pour montrer un film à 20 000 personnes, alors oui, tu as l'ego de te dire, j'ai fait un long-métrage et tout ce qu'on veut. Mais moi, je ne m'en remettrai jamais. Je tomberai en dépression profonde. Surtout

  • Speaker #1

    20 000.

  • Speaker #4

    Quand tu vois parfois les chiffres de certains longs-métrages, c'est dramatique. Or, tu le sais aussi bien que moi, je dis quel investissement c'est. C'est ton bébé. Oui, j'ai choisi la voie du téléfilm en me disant au moins, je sais que ce que je fais sera regardé. Et à ce niveau-là, ça a été plus que regardé. J'ai eu de la chance sur tous les téléfilms que j'ai faits.

  • Speaker #1

    Donc du coup, après celui-là, forcément, on t'en demande un deuxième.

  • Speaker #4

    Exactement. J'ai la France à mes pieds. On me propose de faire du Navarro, des trucs dans le genre. Mais entre-temps, mon fils loup handicapé est né. Et je n'ai plus envie, je ne peux plus me permettre de partir trois mois à l'étranger, à Paris ou en France pour ce genre de choses. Donc je fais des choix difficiles. J'accepte un épisode de série qui s'appelle Les Monos. On n'est pas à Canin. C'est de la série Bon enfant, grand public et tout. C'est très amusant parce que c'est l'histoire de jeunes en difficulté. qui font un stage pour se remettre et c'est un stage de char à voile à la mer du nord et donc là j'ai le plaisir de pouvoir ressortir tous mes souvenirs d'enfance de la côte belge des décors de dingue ce genre de choses mais voilà et donc ça permet de rentrer au moins le week-end exactement exactement et j'ai beaucoup appris justement sur les monos grâce à Christian Roth et Daniel Rialet qui m'ont appris à mordre intelligemment Parce qu'ils ne me donnaient pas les conditions qui étaient prévues à la base pour le tournage. Et donc on se retrouve dans une scène de discothèque et puis j'ai le directeur de production qui me dit « Ah écoute, on n'a que 5 figurants, on va tourner comme ça. » Je dis « Mais attends, tu rigoles, il n'y a pas de question qu'on tourne là. » J'ai très calmement dit au directeur de production « Ecoute, tu vois le café là ? Je vais m'y installer avec les comédiens et tu viens me chercher quand il y a les 30 figurants qui sont prévus. » « Oh, tu ne peux pas faire ça ! » Je lui ai appelé France 2 pour dire que tu ne veux plus tourner et tout. Je dis, mais appelle-les, explique-leur. Les directeurs de production ont été fait les sorties d'école pendant une heure et demi pour amener les 30 figurants. Je les ai eus et on a tourné. De la même manière qu'à un moment donné, il y avait quatre jours, cinq jours de char à voile. Compliqués, il faut avoir les conditions, le vent, des jeunes comédiens qui n'ont jamais fait de char à voile. Donc j'ai un moniteur et au quatrième jour, on m'annonce que le moniteur, c'est bon, il s'est débrouillé, J'ai un plan de travail de 35 plans à tourner en travelling sur la plage, et même il était question qu'on ait un hélicoptère pour faire des prises aériennes et tout le bazar. Je dis, je ne signe pas le plan de travail de la journée. Oh, tu ne peux pas faire ça, etc. J'ai fait le cochon, j'ai dit, écoute, si je fais les 35 plans, tu m'offres 12 bouteilles de pouilles fouissées de ta cave, parce que je sais qu'il y a une cave à faire. Pas possible. On a fait les 35 plans, on en a même fait plus. Il a tenu parole et j'ai eu 12 bouteilles de pouilles fouissées. d'un grand cru pas possible. Voilà, c'est une anecdote.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré ça, tu as quand même réenchaîné pour une torpille avec lui, avec ce gars-là,

  • Speaker #4

    parce que tu le connaissais. Oui, parce que c'était un scénario génial. Moi, j'adore l'ironie dramatique dans un scénario. Je trouve ça... Une série dans la nuit, c'est déjà le cas. Le spectateur sait, mais le protagoniste, Magdan, ne sait pas ce qui se passe. Et là, dans la torpille, c'est très amusant. C'est une grande société d'audit qui... qui est une multinationale à se débarrasser d'une petite entreprise de chaussures de province qui est arrivée dans leur escarcelle et qui est complètement surannée, dépassée et tout. Et il se dit, de la même manière qu'on peut trouver la bonne personne à la mauvaise place, il suffit de trouver un mauvais directeur qui va couler l'entreprise. Et donc, ils vont chercher le pire profil, qui est Catherine Jacob. sauf que c'est une rebelle et qu'avec le personnel les choses vont se retourner. Et donc là de nouveau on est dans une éroïne dramatique, elle ne sait pas quelle est une torpille pour couler l'entreprise, surtout qu'elle n'y connaît rien, mais une série d'événements va faire que les choses vont se retourner. Et donc c'était jouissif, surtout qu'on a, j'ai travaillé avec Philippe Graff et qu'on a décidé de donner un côté très BD à la déco, aux accessoires et tout, on a trouvé un lieu de décor absolument génial. Et puis ça m'a permis de faire jouer plein de chouettes acteurs dans l'aventure.

  • Speaker #1

    Et donc c'est aussi un téléfilm France 2 ?

  • Speaker #4

    France 2, oui. Voilà,

  • Speaker #1

    France 2, ça cartonne de nouveau.

  • Speaker #4

    32%, il n'y a pas à se plaindre.

  • Speaker #1

    Après, si je ne dis pas de bêtises, en fiction, tu t'arrêtes là ?

  • Speaker #4

    C'est là où les choses se compliquent. Soyons clairs, le milieu n'est pas tendre. Et donc les succès que j'ai ne font pas plaisir à tout le monde. Et donc oui, j'entends des trucs pas agréables, que je suis quelqu'un d'ingérable sur un plateau, ce qui n'est pas le cas. Je ne suis pas un grand réalisateur, ça je l'ai toujours dit, je n'ai pas un génie en moi, je suis un gentil faiseur qui fait bien les choses. Mais ingérable non, au contraire, je te disais, j'essaie d'être le joueur de flûte d'Ameline pour emmener les gens avec ce qui est dans ma tête et je le vois à l'image. Et puis alors encore plus violent, c'est « Ah, tu fais encore des films, mais on m'a dit que tu n'étais plus disponible à cause de ton fils handicapé, ce genre de choses. » Donc voilà, et puis bon, il fait aussi que je tombe en dépression, deux fois. Une première fois après une tire dans la nuit, la descente après le film et l'expectative de la suite et tout, et surtout le diagnostic font que je pète une première fois un câble quand Lou a un an. Je replonge une deuxième fois quand Lou a 4-5 ans, parce que là, justement, la différence commence à se voir. Et Lou a des gestes de réassurance, il agite les mains dans tous les sens, tout le temps, en permanence, il se balance tout le temps, comme une personne autiste. Et les regards des gens dans la rue sont des coups de couteau pour moi. Et là, je replonge une deuxième fois et je suis une psychothérapie et j'ai envie de résilience, j'ai envie d'en faire quelque chose de cette aventure. Et j'ai envie de faire un documentaire. Et Claire me dit non, pas question, tu ne vas pas me mettre. notre vie privée sur la place publique et tout. Poum, je replonge encore un peu plus. Et je découvre, en 2003, c'était en 2003, et je découvre l'existence des blogs. Tout nouveau, tout frais, tout beau. Et donc, je dis à Claire, tu connais les blogs ? Elle me dit non. Mais tu vois, ce n'est pas connu, donc est-ce que je ne pourrais pas ouvrir un blog ? Il me dit oui, bien sûr, ok, ça va, si c'est discret, je veux bien que tu racontes. Et je commence à raconter l'aventure avec Lou, avec deux blogs en miroir. Mais ça devient un succès instantané, mais colossal au point de faire un sujet au JT de la RTVF. Donc la discrétion, bonjour. Ensuite, ça devient une chronique pendant 19 numéros dans Femmes d'aujourd'hui. C'est le truc qui est le plus lu dans Femmes d'aujourd'hui. Et donc à ce moment-là, je reçois des tas de messages de réaction de personnes concernées ou non concernées par le handicap qui apprécient ce que j'écris. Et du coup, Claire me dit, OK, je comprends l'utilité, OK pour le documentaire. Et donc je pars dans l'aventure de ce documentaire, et là de nouveau, boom, crack, je reçois, après la diffusion sur Grand Angle, sur RTL, je reçois 1200 courriels dans ma boîte de réception. Mais une folie, une folie furieuse. Et puis quand le film sera diffusé sur France 5, Télé-Québec, en Suisse, en Hollande, à chaque fois 1200 courriels. Et à ce moment-là, j'ai un ami avocat, Philippe Grelet, président du CAL, du Centre d'Action Laïque. qui m'appelle, qui me dit « je suis bouleversé par ton film, pourquoi est-ce que tu ne créerais pas une fondation privée pour ton bonhomme ? » Je dis « une quoi ? » Il me dit « attends, viens, je vais t'expliquer » . Et il m'explique ce qu'est une fondation privée, qui consiste effectivement à créer une fondation où l'objectif c'est l'avenir de ton bonhomme et qui garantit une pérennité au-delà de ta mort, parce que les statuts sont immuables, que donc tout ce que tu thésorises dans cette fondation va à la personne ou à l'objet de cette fondation. Et pour le financer, il me dit, il faudrait commercialiser ton documentaire en DVD. Et c'est là où ma vie bascule, mais complètement. En deux mois de temps, le DVD est vendu à 4500 exemplaires. Et aujourd'hui, on est à près de 9000. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de documentaires, mais ce qui a été vendu comme ça, c'est une folie. Et c'est génial pour la fondation aussi. Et donc voilà, et alors, c'est là où tout s'enchaîne. C'est que si tu veux, entre temps, petite parenthèse pour rester dans le cinéma, Catherine me propose de faire Melting Pot Café. Rosanne Van Azerbroek me propose de faire la série Septième Ciel. Mais les deux se chevauchent, donc je dois faire un choix. Melting Pot est en retard dans l'écriture. Septième Ciel est prêt. Je me dis, pourquoi pas relancer les séries et tout le bazar. Et moi, je me retrouve à faire Septième Ciel. C'est un ciel avec une production qui s'entre-déchire et qui essaie d'imposer sa patte à la série. On est quatre réalisateurs pour douze épisodes et on nous empêche de communiquer entre nous pour donner une unité à la série. Un cauchemar. Ça m'a dégoûté du métier, mais à jamais. Donc ça m'a aidé à quitter le métier quelque part. Or, j'en reviens à ce que je te disais, dans les statuts de la Fondation, on s'est déclaré, moi, que si on prêchait pour notre seule petite chapelle, c'était... C'est peut-être un petit peu égoïste. Et donc, on a rajouté un petit alinéa dans les statuts de la fondation en disant que si le DVD se vendrait bien, on consacrerait une partie à une cause commune autour du handicap. Pas de chance, donc, 4 500 exemplaires. Et je tiens mon serment de poivreau de me dire, je vais faire quelque chose. Et là, quand je relis tous les courriels que j'ai reçus de personnes concernées, tout se me fait part de l'immense solitude et souffrance liée au diagnostic. Et là je me dis tiens mais c'est peut-être un sujet intéressant, qu'est-ce qui se fait dans le domaine ? C'est le début d'une nouvelle vie, c'est le moment où il faut aider les gens à mettre le pied à l'étrier face à cette nouvelle réalité et je me rends compte qu'il n'y a rien. Qu'il n'y a rien et rien nulle part dans le monde à part des témoignages et deux bouquins écrits par deux professeurs d'université en France. Et ces bouquins sont des bouquins mais sans plus de structuration sur qu'est-ce qu'il faut faire par rapport à ça. Et donc je me dis, c'est pas compliqué, je fais une parenthèse d'un an sur mon métier, je convoque le secteur associatif, on met en place un colloque, des groupes de travail, dans un an on a trouvé la réponse. Ouais, très bien Moland, très bien. Sauf que ça prend pas un an, enfin si. J'ai dix associations qui se joignent au projet, on monte un colloque en quatre mois, un colloque absolument fabuleux avec 360 personnes, et où pour planter le décor, ça c'est mon côté un peu artistique qui revient au truc, je fais venir Eric de Star qui est plein de comédiens pour lire des témoignages en début de colloque. Autant te dire que, poum, ça pose l'enjeu. 60 personnes s'inscrivent dans des groupes de travail, mais le problème, c'est que ça ne se solutionne pas comme ça. C'est un travail au long cours. C'est devenu une association que j'ai présidée jusqu'en 2021. Et aujourd'hui encore, on a édité des livrets pour les professionnels, pour les parents, pour les frères et sœurs, pour les personnes en situation de handicap elles-mêmes, pour les aider à vivre le champ émotionnel qui est violent. Donc, à dépasser ça, on a fait un bouquin pour... Les médecins changent leur attitude par rapport à ça, parce que la souffrance, elle est dans les deux camps. Comment annoncer une mauvaise nouvelle dix fois par semaine quand tu es neuropédiatre, ce genre de choses, tout en restant en empathie, etc. Comment assurer un accompagnement, parce que souvent tu es lâché, voilà, le diagnostic est posé, c'est tout, on ne peut plus rien faire. Et donc, du coup, je me suis trouvé embarqué dans cette aventure, j'ai créé cette association qui ne me laissait plus beaucoup de temps pour faire des films. Et puis en parallèle, j'étais invité dans des festivals partout dans le monde avec les Traloux. jusqu'en Russie, des aventures de fous et j'ai découvert aussi parmi tous les festivals, il y en avait 2-3 qui étaient uniquement centrés sur le thème du handicap et j'étais époustouflé par la qualité des films et je me suis dit mais ces films on les voit jamais en Belgique et donc il y a un festival en Grèce où Lettre à l'eau a été primée où je lis d'amitié avec l'organisatrice et qui me dit mais tu devrais faire ça en Belgique et elle me dit écoute je te donne un conseil tu fais un pilote Merci. Une séance, je te prête les films, je demande les autorisations, je te prête les films qui te plaisent dans ma sélection. Tu invites les pouvoirs publics à cette séance, et le grand public, et tu leur dis « est-ce que vous êtes prêts à financer ça ? » Et c'est ce que je fais en 2010. Et les pouvoirs publics disent « oui ! » Et c'est comme ça que je me lance dans The Extraordinary Film Festival, que je m'adosse dans un premier temps au FIFA Namur, parce que c'est là où je peux le plus avoir de financement. Et où Nicole Gillet, très gentiment, ainsi que Barbara Firquet, m'aident pendant la première édition et m'apprennent le métier au pas de charge. Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de films. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents. La fondation, avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival. Et ensuite, ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    J'ai eu le plaisir et l'honneur de faire partie du jury du TEF en 2023. J'ai vraiment été épatée par la qualité des films, par tout ce que ça ouvre en étant professionnelle du cinéma et se dire mais enfin, il y a tellement d'autres manières de parler.

  • Speaker #4

    C'est ça qui est génial dans le festival. On reçoit à peu près 400 films. t'en sais quelque chose vu que t'en as visionné un paquet chaque fois chaque regard de réalisateur chaque situation t'ouvre une nouvelle facette sur la personne et de nouveau on est dans une situation monolithique le trisomique c'est Pascal Duquesne alors qu'il y a plein de trisomiques qui n'ont pas ces facultés de jeu d'acteur, etc. On est toujours dans les clichés, mais les clichés, les clichés, les clichés, dans tous les handicaps. Un aveugle à l'oreille absolue, c'est faux, c'est absolument faux. À l'école de mon fils, la chorale, c'était une casserole pas possible. Donc tu vois, on est dans ces clichés. Donc il y a tellement de variétés que c'est des sujets inépuisables. Moi, ce que je veux attirer, c'est le grand public. Le fait de le teff... tu y es venu, il n'y a que 5 à 7% de personnes handicapées, le reste c'est du grand public, et c'est ça qui est génial, parce que soudain, boum, tu bombardes les gens d'une ouverture d'esprit sur quelque chose qu'ils ne connaissent pas, qui est le handicap sous toutes ses formes, et c'est ça qui est génial. On est quand même à 8300 entrées en 2023, donc ça commence à devenir intéressant au niveau de la fréquentation.

  • Speaker #1

    Je trouve que votre festival est tellement important, d'abord parce qu'il est hyper intéressant, hyper drôle, et puis surtout sur le travail, sur les représentations, il y a tellement à faire. Je reprends tout ce qu'on entend dans le festival sans cesse, mais les personnes en situation de handicap en Belgique, c'est quoi ? C'est 15%, 10% ?

  • Speaker #4

    L'OMS prétend qu'on va sur 25%, ce qui me semble un peu exagéré. Mais oui, avec le vieillissement de la population, on y arrive un jour. Mais globalement, oui, il y a 15% de la population qui est porteuse de handicap. Dernier chiffre du CSA 2023, le handicap occupe 0,47% du contenu des médias. Alors que ça concerne 15% de la population. Alors qu'aujourd'hui on est en train de s'ouvrir sur les genres et tout, sur la différence, plein de choses. Le sujet qui reste encore au bord du chemin, c'est le handicap. Je ne dirais pas de secouer le centre du cinéma. Mais le handicap, il est où ? Il est où ? Et l'explication de tout ça, c'est que le handicap fait peur, tout simplement. Et c'est humain. Et c'est trois facteurs. D'abord, le handicap nous renvoie à notre fragilité. Ça nous pend tous au nez. Et de la même manière qu'on n'a pas envie de parler de la mort. Un jour, enfant, on réalise qu'on est mortel avec la mort de son chat, d'un proche ou ce genre de choses. On évacue ça de sa tête. On vit parce que sinon, on ne vivrait plus, justement. Et donc, de cette même manière-là, le handicap, on ne veut pas voir parce que ça nous pend au nez. Et ça explique les grands centres qui ont été créés après la guerre, dans les années 50, 60, loin des villes. Loin des villes, le village numéro 1, et je peux t'en citer. On va les parquer, ils seront bien là, on va faire un petit paradis pour eux là-bas. Donc voilà, on n'a pas envie de voir le handicap, première chose. Deuxième chose, ça renvoie à la différence. Ce qui n'est pas comme nous est potentiellement contre nous. Tu es dans la rue, tu as soudain quelqu'un qui pique une gueule en deux, comme ça dans la rue, tu vas te retourner. C'est ton cerveau reptilien qui instantanément va te dire, il y a quelque chose d'anormal, on ne gueule pas dans la rue, c'est un poivreux, c'est une personne handicapée, que sais-je. tu vas dire ok c'est rien de grave et tu vas continuer ton chemin. On a tous cette réaction là du cerveau reptilien qui nous dit attention danger et c'est les mêmes clés que le racisme et ce genre de choses. Donc quelque part il y a une stigmatisation, la personne handicapée c'est quelqu'un de différente, elle fait peur. Voilà donc on évacue ça. Et la troisième chose, le handicap c'est le miroir de nos valeurs et c'est très étrange. On a tous comme ça notre grille de valeurs dans notre vie. Le problème, c'est qu'avec le handicap, on ne regarde que le verre à moitié vide et jamais le verre à moitié plein. Ça part dès le moment du diagnostic, où on te dit, votre enfant, il a ça, ça, ça, ça, il ne pourra pas faire ça, ça, ça, ça, ça, et on ne parle jamais des potentialités. Jamais, jamais. Or, je veux dire, la personne la plus profondément handicapée, même presque à l'état végétatif, Je m'excuse de le dire comme ça parce que ça peut être violent pour les gens qui le vivent au quotidien. Même cette personne-là peut t'amener quelque chose. Et t'amener à te requestionner justement sur tes valeurs, sur le sens de la vie, sur ce genre de choses. Toute personne a quelque chose à t'apprendre.

  • Speaker #1

    L'année dernière, il y a eu un engouement autour des Jeux paralympiques pendant les JO.

  • Speaker #4

    T'en as pensé quoi ? J'ai vécu sur le terrain parce que l'eau a été fait une prestation à la Belgian Paralympic House à l'inauguration, le lendemain du truc. Donc oui, il faut des compétitions adaptées parce que tu ne peux pas courir de la même manière avec une jambe ou machin brol. Mais de la même manière qu'en judo, dans les Jeux Olympiques normaux, s'il y a une normalité, tu as des catégories de poids dans les arts martiaux, ce genre de choses. Tu as souvent comme ça des catégories. Moi je ne comprends pas, enfin si je sais historiquement pourquoi, c'est parce que ce sont deux institutions différentes, deux organismes différents, le comité olympique international et le comité paralympique, mais il est urgent pour moi de les fusionner, je trouve ça complètement lamentable de faire deux événements, et donc pourquoi pas quand il y a de l'athlétisme, il y a le 100 mètres, il y a le 400 mètres, et puis entre les deux, il y a le 100 mètres PMR, il y a le 100 mètres à l'aveugle, et ce genre de choses. et de mixer les deux. Maintenant c'est clair, oui, il y a une visibilité, mais dans les personnes concernées par le handicap, il y a quand même un petit goût amer, dans le sens où ça encense les performeurs, les personnes qui, elles, ont réussi à transcender leur handicap. Les personnes qui n'ont pas les capacités d'être un compétiteur en Jeux Paralympiques ou ce genre de choses, ce seront toutes des personnes qui resteront encore totalement invisibles. Admettons que tu sois philosophe handicapé. Eh bien, on ne te viendra pas chercher comme philosophe, mais on viendra te chercher comme handicapé, pour un sujet traitant du handicap. Et donc, les personnes handicapées dans les 0,47% du contenu des médias, c'est toujours par rapport à leur handicap. Ce n'est jamais par rapport à d'autres compétences qu'ils auraient, ou d'autres points de vue. Et là, tu te dis, il y a un problème.

  • Speaker #1

    Alors ça, si jamais la presse m'appelle, c'est pour que je témoigne en tant que femme dans le métier. alors j'ai dit ben techniquement, je suis réalisateur. En fait, ce qui est drôle, Luc, c'est que quand je t'ai appelé, je ne savais pas qu'il y avait sorti un livre qui s'appelle...

  • Speaker #4

    La folle épopée de Lou.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tu as écrit plus sur ton fils que sur toi. Oui, bien sûr. Mais donc tu parles de toi aussi.

  • Speaker #4

    Oui, c'est-à-dire que... Dès les blogs en 2003, j'ai eu envie d'écrire cette aventure. Et c'est vrai que c'est... C'est une épopée, c'est une aventure de fou. C'est vraiment une romance, ma vie, et c'est ça qui est incroyable, notre vie. Et donc oui, il se fait qu'il y a une éditrice qui est venue me chercher, il y a un peu plus de deux ans, et là j'ai été piqué par son art. Je me suis dit, c'est le moment, c'est maintenant qu'il faut le faire. D'une part aussi parce que justement j'aimerais qu'on tourne la page du handicap de loup, et qu'on le voit plus que comme un artiste. Et donc oui, j'ai tellement raconté, j'ai tellement communiqué sur lui depuis 25 ans. que je me suis dit, c'est le moment de tout rassembler, c'est là, maintenant on tourne la page.

  • Speaker #0

    Je m'éloigne nu parce que je raconte tous les obstacles, toutes les difficultés. Oui, ça a parfois été loin d'être simple. Il fallait que je sois aussi honnête, moi aussi, avec mes propres difficultés dans le parcours. J'ai eu dur à avaler la pilule, je te le disais tout à l'heure, de dépression. Et voilà, et qui n'était pas très belle parce que j'étais pas dans la violence physique, ni verbale, mais j'étais mutique, je m'enfermais, je fouillais. C'était compliqué, mais de notre côté, il fallait être honnête et pas nier les difficultés que ça a été. J'ai écrit certainement 15 fois, 17 fois, 20 fois certains chapitres, jusqu'à ce qu'il y ait une musicalité dans l'écriture qui est la mienne, et qui j'espère va rencontrer celle des lecteurs. Donc voilà, c'est plein de belles histoires comme ça. C'est une folie l'aventure avec Lou. C'est un truc de dingue quand on voit d'où on vient. et où on est aujourd'hui et avec des limites. C'est un peu la conclusion de mon livre. Quelle est la place de Lou dans le milieu musical ? Il est stigmatisé systématiquement.

  • Speaker #1

    Probable, que sans guide et sans compas, sans lumière je retourne sur mes pas Probable, que le succès me boude, que je ne sois pas dans le mood Probable, qu'au final au cadrage, on me retrouve pas sur l'image Probable, que je ne sois pas une

  • Speaker #0

    Et là, moi, je suis complètement révolté. De tous ces camarades d'infortune de l'enseignement spécialisé où ils étaient, ils sont tous, sauf un, en institution aujourd'hui. Et ils étaient, pour beaucoup, moins fortement handicapés que nous. Quel gâchis, mais quel gâchis, quelle honte, quel... Enfin, j'ai pas de mots.

  • Speaker #2

    Quand tu regardes dans le rétroviseur, qu'est-ce que tu changerais dans ta carrière professionnelle ?

  • Speaker #0

    Ouf ! Je ne sais pas parce que du nouveau, c'est tellement de concours des circonstances. Si je n'avais pas atterri par Azara Dream Factory, je n'aurais pas arrêté l'IAD, je n'aurais pas fait ci, je n'aurais pas fait ça. Je n'aurais pas fait de rencontres qui m'ont permis par la suite de... Je ne changerai rien. Je crois que je ne changerai rien. Les films que j'ai réalisés, je n'ai pas en rougir. Ce ne sont pas des chefs-d'oeuvre, mais je n'ai pas en rougir. J'aurais juste eu l'envie d'avoir une deuxième vie parce qu'il y a encore des films que j'aurais bien aimé faire et que je n'aurais plus jamais le temps de faire. Mais ce n'est pas grave, il y en a d'autres qui font ça très bien. Donc voilà, mais non, je ne changerai rien. Je ne changerai rien, ma vie est plus que romanesque. J'adore ce combat, j'adore ce combat parce qu'un des personnages que je préfère c'est Don Quichotte. Voilà, j'aime l'utopie, j'aime le rêve, j'aime les choses qui ne sont pas rangées dans les tiroirs des certitudes. J'aime remettre en question et donc voilà, je me plais beaucoup dans ce que je fais.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Luc. Merci de m'avoir invité. C'est un plaisir, merci et voilà, au plaisir de voir la suite et d'être au prochain TEF.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour leur soutien. Entretien enregistré chez Bruxelles nous appartient. Merci pour l'accueil. Merci à John Pirard. Merci à Aurélien Lebourg pour le mix et à Let's Kiss pour la musique. A bientôt !

  • Speaker #3

    Arrête ton cinéma !

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Comment un événement bouleversant peut-il transformer non seulement une vie, mais aussi une carrière entière ? Dans cet épisode d'Arrête ton cinéma! , Luc Boland, réalisateur,, nous plonge dans son parcours, marqué par la naissance de son fils, né avec un handicap. Ce moment décisif a été le catalyseur d'un changement profond, qui l'a mené entre autres à la création du TEFF - Extraordinary Film Festival, consacré aux films sur les situations de handicap. Prochaine édition: Novembre 2025.


Pour en savoir plus: le documentaire "Lettre à Lou" et le livre"La folle épopée de Lou B" (éditions Racine) et https://loub.be/


Dans cet épisode, vous découvrirez non seulement l'engagement indéfectible de Luc. Chaque mot résonne avec une passion palpable, et son histoire nous rappelle que derrière chaque défi se cache une opportunité de changement.


Merci: John Pirard pour le montage, Aurélien Lebourg pour le mix, Late Kiss pour la musique, Bruxelles nous appartient pour le studio

Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la FWB pour leur soutien.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de film. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents, la fondation avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival, et ensuite ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    Luc Bolland est le papa de Lou B, interprète et musicien que vous avez probablement vu ou entendu en radio, en télé et peut-être même en concert. La naissance de Lou en 98 et la découverte de son handicap ont bouleversé la trajectoire de vie de son père, alors réalisateur. Luc a raconté ce parcours dans le documentaire Lettre à Lou et plus récemment dans le livre La folle épopée de Lou B, paru en 2024. Mais aujourd'hui c'est de Luc dont on va parler. Aucune trace d'aigreur chez lui. Lui et sa femme Claire avancent, toujours en mouvement, déjà sur le prochain projet. On va parler de la vie avant, pendant et après le diagnostic. Du combat infatigable mené, pour Lou, mais aussi pour toutes les personnes en situation de handicap. Luc travaille à changer les regards, entre autres via le festival de films qu'il a créé, le TEF Extraordinary Film Festival. Allez, c'est parti !

  • Speaker #0

    Je ne suis pas un steak.

  • Speaker #1

    Au niveau de l'histoire coloniale, ils ne sont absolument pas conscients de reproduire des choses qui se sont passées pendant des générations.

  • Speaker #0

    Tu ne peux pas juste m'envoyer. L'industrie du cinéma est entre les mains des hommes. Ah bon ?

  • Speaker #2

    Je ne suis pas misogyne du tout.

  • Speaker #3

    Arrête, arrête, arrête, arrête, arrête ton cinéma. Arrête ton cinéma. Non mais vraiment, arrête. Un podcast réalisé par Véronique Jatin.

  • Speaker #1

    Luc, j'avais hyper envie de t'inviter, donc merci beaucoup d'avoir répondu présent, parce que je trouve que tu as un parcours quand même fascinant.

  • Speaker #4

    Merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    J'ai lu qu'en sortant de Réto, un peu comme ça, tu t'étais pointé à l'examen d'entrée de l'IAD.

  • Speaker #4

    Exact. Moi, j'avais envie de faire de l'artistique, c'est comme ça que la bouche en cœur, n'y connaissant rien à l'audiovisuel, j'ai présenté l'examen d'entrée, et je me suis fait jeter bien évidemment, et alors piqué par mon orgueil, Pendant un an, j'ai bouffé du cinéma pour me préparer à représenter Eliade.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est passé.

  • Speaker #4

    Ça s'est très bien passé. Mais sur ce chemin-là, en cours de seconde année, j'ai un élève de troisième qui m'a dit « Oh, on tourne un clip de Gottener, une nouvelle maison de production, le Mambo du Décalco, t'as pas envie de venir donner un coup de main ? » Puis je suis arrivé sur ce tournage, c'était la naissance de Dream Factory, c'était le deuxième clip qui tournait. Il n'y avait pas beaucoup d'expérience de production dans cette boîte à l'époque, et donc il n'y avait pas de script. Je me suis dit « Tiens, plutôt que de porter des caisses, est-ce que je ne proposerais pas d'être la script ? » On tournait avec du 2 pouces vidéo à l'époque. Donc c'était facile de vérifier les raccords. Et donc j'ai été script sur ce tournage. Ils ont gagné du temps au montage, donc ils m'ont rappelé. Et de fil en aiguille, en trois ou quatre tournages, je suis devenu le premier assistant réalisateur de Jean-Pierre Berckmans. Et j'ai travaillé tout l'été à la fin de ma deuxième année. Et à la fin de l'été, ils m'ont dit « on t'engage si tu veux » . Et là, c'était le choix cornelien. J'ai voulu poursuivre en élève libre, l'école n'a pas voulu. et donc j'ai commencé à enchaîner les boulots comme assistant réalisateur. Ce qui était difficile après, parce que comme je n'ai pas fait de fin d'études, en tant que réalisateur, je n'avais rien à vendre et à montrer. Et puis, ces deux métiers sont totalement différents. Premier assistant, tu es le grand organisateur. Il y a quelque chose de génial et de grisant, parce que tu es une des rares personnes à maîtriser absolument toutes les infos et de savoir tout sur un film. Mais tu es un grand organisateur, tu es un meneur de troupe, tu es tout ce que tu veux. Alors que bon, réalisateur, c'est quand même autre chose au niveau de la créativité. Mais maintenant, ce qui était génial, c'est que j'ai eu... J'ai découvert des techniques audiovisuelles à l'époque. La luma, personne ne l'utilisait en Belgique, ça coûtait trop cher. Des tas de choses, j'ai eu plein d'expériences techniques qui étaient très rares dans le cinéma belge. Mais à la longue, c'était du 7 jours sur 7, 18 heures sur 24. Surtout quand quelqu'un a pris ma place pour aller au Sénégal pour le tournage de la partie africaine de Balavoine. Là, je l'ai très mal pris. Je lui ai dit maintenant, mon tarif c'est autant. Et on m'a dit au revoir. Et j'ai... immédiatement, vu la notoriété de Dream Factory, j'ai immédiatement retrouvé du boulot dans toutes les prods de pubs et de clips et de tout ce qu'on veut de l'époque.

  • Speaker #1

    Ok, donc tu fais full assistana et comment est-ce que tu passes à la réale alors finalement ?

  • Speaker #4

    Compliqué, très compliqué. Je passe à la réale parce qu'à un moment donné, je donne des cours à Parlax et je propose un cours sur le casting. Là, on est au début des années 90, quand je suis toujours assistant. Et j'invente un exercice assez amusant qui était de mettre en scène un ballet. et de demander à un acteur de jouer avec un balai. Et ça m'a donné l'idée d'un court-métrage qui est une personne qui est dans le déni du décès d'un proche, on ne sait jamais qui c'est, si c'est un enfant, un époux, ce genre de choses, et qui a alité dans son lit un balai. Et tu as comme ça tout un déni intrafamilial où tout le monde fait semblant de rien, il y en a qui disent mais il faut l'arrêter, il faut arrêter cette mascarade, etc. Et ça me donne l'idée de ce court-métrage, je me dis ça ne coûte pas trop cher à faire. J'ai... J'ai eu plusieurs refus, parce que j'ai eu plusieurs projets. J'avais un projet de fiction complètement dingue sur le musée de la bande dessinée, qui a failli se faire. J'ai eu les autorisations de tous les auteurs de BD, jusqu'à Moebius, qui disait « Il faut faire ce film, il faut faire ce film. » Mais c'était un film qui coûtait cher, parce qu'il fallait faire du motion control, etc. C'était hors de prix. Et donc, il ne s'est jamais fait. Et puis, je me suis dit « Tiens, mais ça, ça ne coûte pas cher. » Et j'ai juste besoin d'une maison. Et là, remerciement éternel, toute la profession, tous les techniciens, bullet race, tout le bazar, tout le matos gratuit. J'ai eu des chutes de péloche de toutes les boîtes de production pour lesquelles j'avais travaillé. Et j'ai fait ce petit court-métrage qui était juste gentil. Et qui a permis justement à Catherine Burgnaud de me remarquer. Et de me dire, t'as pas un projet de long ou de téléfilm ou ce genre de choses ? Et j'ai sorti de la boîte un scénario que j'avais écrit en 87, donc quand j'étais encore assistant. J'avais lu une petite brève dans le soir, je crois, qui racontait l'histoire de quelqu'un qui était tombé de son lit, qui baignait dans son sang, qui était amnésique et qui appelait les secours, qui ne savait pas où il était. et qui repère un édifice public très connu et puis il retombe inanimé. Et le type du service des secours a l'idée, parce qu'il n'y avait pas encore les détections d'origine d'appel, d'envoyer tous les véhicules en urgence jusqu'à ce qu'on entende un véhicule dans le téléphone pour repérer la personne. Une idée mais instantanée de décliner ça et de raconter le sort d'une petite fille en babysitting chez une vieille nanou qui tombe dans les escaliers. Et la gamine appelle, pousse sur le bouton rappel et la nanou avait appelé un service de dépannage pour une toilette bouchée. Et seulement là aussi il n'y a pas de détection d'appel et tout. Et donc c'est toute la recherche de la gaming qui devient un peu thriller dans le sens où la Nanou, entre temps, elle avait fait à cuisiner, que ça commence à cramer dans la cuisine, donc il y a une certaine urgence, etc. Et c'est le téléfilm Une sirène dans la nuit que j'ai fait en 99 avec Catherine Brugnot et Banana Film, et qui a fait un carton de malade, 38% de parts de marché, souffrance 2. Et donc oui, 1 400 000 téléspectateurs, et avec Roland Magdan en contre-emploi complet à la façon de Coluche dans le Chopin. Et ça a été la curiosité des spectateurs sur Roland McDonagh qui avait disparu, qui a beaucoup contribué au succès du film, évidemment. Une série dans la nuit, c'est moi qui l'avais écrit, mais Luc m'a aidé à réécrire une partie du scénario parce que j'ai voulu changer le protagoniste du film. Au départ, c'était la gamine. Ça ne m'intéressait plus quand Catherine est venue me chercher. Et je voulais que ce soit le standardiste, et donc il fallait un obstacle. Et c'est là où c'est la folie de l'histoire, si tu veux. C'est complètement dingue si on revient à ce film-là. On se met au travail, Luc et moi, Luc Jabon et moi, et on énumère tous les obstacles que tu peux avoir dans la vie, le décès d'un proche, une perte d'emploi, la survenue du handicap d'un enfant, etc. Et on se focalise, on se dit immédiatement, mais oui, bien sûr, il a un fils autiste, c'est un brillant architecte, il n'assume pas, il plaque sa femme, il plaque son boulot, et il se réfugie comme standardiste de nuit pour avoir le moins de contact social possible. Ça, c'est écrit trois ans avant la conception de Lou. C'est un truc de fou. Et Lou naît entre-temps. On a l'attente de l'accord de France 2 et de GMT à Paris pour coproduire le film. Lou naît en août 98. On part en Vendée chez un ami machiniste qui a une baraque là-bas pour se reposer après l'accouchement. Là, on se dit qu'il y a des choses qui ne vont pas. On rentre, on est sur la bretelle de l'autoroute de Nantes. Coup de téléphone de Catherine qui me dit qu'on a le feuilletage de France 2, on tourne dans quatre mois. Je me retrouve dans la dualité de la pré-production, les premiers rôles, les décors, etc. à courir dans tous les sens, entre les rendez-vous dans les hôpitaux pour essayer d'avoir un diagnostic de mon bonhomme et la préparation du film. Pour que les gens qui ne connaîtraient pas le fils lourd, il est aveugle, il est né aveugle et avec une forme d'autisme de plus en plus légère, ça c'est le miracle de l'aventure, mais à l'époque qui était quand même sévère et c'est un enfant jugé perdu par les... par tous les professionnels du secteur. Mais le diagnostic tombe 15 jours avant le début de l'engagement de toute l'équipe, un mois de prépa. Donc je démarre la prépa du film avec ce diagnostic dans la figure, le tournage du film, et je me retrouve à faire jouer à des comédiens une scène où la femme du standardiste débarque pour lui dire « Écoute, qu'est-ce qu'on fait avec ton fils ? On le garde ou on le met dans une institution ? Parce qu'il faut que tu décides. » C'est complètement dingue. C'est une ironie dramatique, comme je dis, qui est folle. qui est complètement folle.

  • Speaker #1

    Tu avais déjà deux filles ?

  • Speaker #4

    J'avais deux grandes filles, oui.

  • Speaker #1

    Deux grandes filles. Et donc, pendant que toi, tu bossais, on s'est commencé dans ce métier, tu n'avais... Voilà. Donc, ta femme s'est occupée du gamin H24. Et pour toi, le travail, ça t'a fait du bien ? Ça t'a permis d'oublier ? Ou au contraire, c'était vraiment double charge ?

  • Speaker #4

    C'était d'une ambivalence absolue. J'ai foncé tête baissée dans le boulot parce que je sais que je jouais ma tête. Et d'un autre côté, j'étais tiraillé par un sentiment d'injustice absolu vis-à-vis de lui, en me disant pourquoi nous, pourquoi lui, qu'est-ce qu'on a fait au monde pour hériter de ça ? Et puis à côté de ça, j'avais une pression maximale. Et là, je dois rendre un hommage à Catherine Burgnaud en tant que productrice, parce que l'usage veut qu'en France, un scénariste ne soit jamais réalisateur d'un téléfilm. Or, dès le départ, Catherine m'a dit... de confier la réalisation du film et JMT voulait m'éjecter à tout prix. J'avais qu'un court-métrage derrière moi. C'est ça que je veux dire, c'était pas mal. Et puis alors, pire que ça, ils ont proposé à Molinaro, ils ont proposé à Jean Becker de réaliser et tous voulaient le faire. Et Catherine a tenu tête jusqu'au bout. Mais du coup, il y avait une certaine forme d'unimitié, nous dirions, entre JMT et moi. Et après dix jours de tournage, ils ont voulu arrêter le tournage parce qu'ils ne savaient pas lire les reches et qu'ils les trouvaient catastrophiques. Donc j'ai eu encore une double pression sous les épaules, sous le tournage. Et Catherine m'a protégé. Ils ont fait faire un montage des Raimondos pour voir si le film tenait le coup ou pas. Alors moi j'étais sous le plateau. En sachant tout ça, c'était une horreur absolue. Du coup, j'étais effectivement... Je crois que j'ai toujours été un réalisateur très calme et très doux. Je dis toujours que pour moi, réaliser un film, c'est le joueur de flûte d'Améline. Et je ne supporte pas ces réalisateurs tyranniques. qui vont jusqu'à détruire des gens pour leur objectif de film. Je ne comprends pas ça, ce n'est pas dans ma mentalité. Mais là, oui, effectivement, j'étais tendu, c'était compliqué à mort. D'autant qu'en plus, je tournais avec une gamine de 5 ans, qui n'avait jamais joué, évidemment, et qui, au début, regardait tout le temps la caméra malgré les instructions, qui regardait le rail de travelling sur lequel elle devait marcher. Et donc, heure sup, bobine en plus, etc. Et ça, heureusement. Le monteur, que je ne connaissais pas, parisien, a tout de suite compris le scénario, a tout de suite compris les rushs. Il y avait très peu de bonnes prises, mais elles étaient bien pointées par la script. Et donc, il a fait le montage. Et du coup, ils ont dit, OK, on va jusqu'au bout. Mais je suis passé par le chat de l'aiguille. C'était horrible.

  • Speaker #1

    Donc, un court-métrage et tu es passé du court-métrage directement au format téléfilm, qui, à l'époque, était peut-être plus facile à faire qu'un long-métrage ou se financer plus vite.

  • Speaker #4

    C'est-à-dire que le long-métrage, tu vois, j'étais assistant de la partie d'échec, j'étais assistant sur A Strange Love Affair d'Eric Dequeuil par en Hollande. Donc j'ai fait du long aussi en tant que premier assistant. Et j'ai toujours été sidéré de l'insuccès des longs-métrages au cinéma belge. Et de me dire, consacrer cinq ans de ma vie pour montrer un film à 20 000 personnes, alors oui, tu as l'ego de te dire, j'ai fait un long-métrage et tout ce qu'on veut. Mais moi, je ne m'en remettrai jamais. Je tomberai en dépression profonde. Surtout

  • Speaker #1

    20 000.

  • Speaker #4

    Quand tu vois parfois les chiffres de certains longs-métrages, c'est dramatique. Or, tu le sais aussi bien que moi, je dis quel investissement c'est. C'est ton bébé. Oui, j'ai choisi la voie du téléfilm en me disant au moins, je sais que ce que je fais sera regardé. Et à ce niveau-là, ça a été plus que regardé. J'ai eu de la chance sur tous les téléfilms que j'ai faits.

  • Speaker #1

    Donc du coup, après celui-là, forcément, on t'en demande un deuxième.

  • Speaker #4

    Exactement. J'ai la France à mes pieds. On me propose de faire du Navarro, des trucs dans le genre. Mais entre-temps, mon fils loup handicapé est né. Et je n'ai plus envie, je ne peux plus me permettre de partir trois mois à l'étranger, à Paris ou en France pour ce genre de choses. Donc je fais des choix difficiles. J'accepte un épisode de série qui s'appelle Les Monos. On n'est pas à Canin. C'est de la série Bon enfant, grand public et tout. C'est très amusant parce que c'est l'histoire de jeunes en difficulté. qui font un stage pour se remettre et c'est un stage de char à voile à la mer du nord et donc là j'ai le plaisir de pouvoir ressortir tous mes souvenirs d'enfance de la côte belge des décors de dingue ce genre de choses mais voilà et donc ça permet de rentrer au moins le week-end exactement exactement et j'ai beaucoup appris justement sur les monos grâce à Christian Roth et Daniel Rialet qui m'ont appris à mordre intelligemment Parce qu'ils ne me donnaient pas les conditions qui étaient prévues à la base pour le tournage. Et donc on se retrouve dans une scène de discothèque et puis j'ai le directeur de production qui me dit « Ah écoute, on n'a que 5 figurants, on va tourner comme ça. » Je dis « Mais attends, tu rigoles, il n'y a pas de question qu'on tourne là. » J'ai très calmement dit au directeur de production « Ecoute, tu vois le café là ? Je vais m'y installer avec les comédiens et tu viens me chercher quand il y a les 30 figurants qui sont prévus. » « Oh, tu ne peux pas faire ça ! » Je lui ai appelé France 2 pour dire que tu ne veux plus tourner et tout. Je dis, mais appelle-les, explique-leur. Les directeurs de production ont été fait les sorties d'école pendant une heure et demi pour amener les 30 figurants. Je les ai eus et on a tourné. De la même manière qu'à un moment donné, il y avait quatre jours, cinq jours de char à voile. Compliqués, il faut avoir les conditions, le vent, des jeunes comédiens qui n'ont jamais fait de char à voile. Donc j'ai un moniteur et au quatrième jour, on m'annonce que le moniteur, c'est bon, il s'est débrouillé, J'ai un plan de travail de 35 plans à tourner en travelling sur la plage, et même il était question qu'on ait un hélicoptère pour faire des prises aériennes et tout le bazar. Je dis, je ne signe pas le plan de travail de la journée. Oh, tu ne peux pas faire ça, etc. J'ai fait le cochon, j'ai dit, écoute, si je fais les 35 plans, tu m'offres 12 bouteilles de pouilles fouissées de ta cave, parce que je sais qu'il y a une cave à faire. Pas possible. On a fait les 35 plans, on en a même fait plus. Il a tenu parole et j'ai eu 12 bouteilles de pouilles fouissées. d'un grand cru pas possible. Voilà, c'est une anecdote.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré ça, tu as quand même réenchaîné pour une torpille avec lui, avec ce gars-là,

  • Speaker #4

    parce que tu le connaissais. Oui, parce que c'était un scénario génial. Moi, j'adore l'ironie dramatique dans un scénario. Je trouve ça... Une série dans la nuit, c'est déjà le cas. Le spectateur sait, mais le protagoniste, Magdan, ne sait pas ce qui se passe. Et là, dans la torpille, c'est très amusant. C'est une grande société d'audit qui... qui est une multinationale à se débarrasser d'une petite entreprise de chaussures de province qui est arrivée dans leur escarcelle et qui est complètement surannée, dépassée et tout. Et il se dit, de la même manière qu'on peut trouver la bonne personne à la mauvaise place, il suffit de trouver un mauvais directeur qui va couler l'entreprise. Et donc, ils vont chercher le pire profil, qui est Catherine Jacob. sauf que c'est une rebelle et qu'avec le personnel les choses vont se retourner. Et donc là de nouveau on est dans une éroïne dramatique, elle ne sait pas quelle est une torpille pour couler l'entreprise, surtout qu'elle n'y connaît rien, mais une série d'événements va faire que les choses vont se retourner. Et donc c'était jouissif, surtout qu'on a, j'ai travaillé avec Philippe Graff et qu'on a décidé de donner un côté très BD à la déco, aux accessoires et tout, on a trouvé un lieu de décor absolument génial. Et puis ça m'a permis de faire jouer plein de chouettes acteurs dans l'aventure.

  • Speaker #1

    Et donc c'est aussi un téléfilm France 2 ?

  • Speaker #4

    France 2, oui. Voilà,

  • Speaker #1

    France 2, ça cartonne de nouveau.

  • Speaker #4

    32%, il n'y a pas à se plaindre.

  • Speaker #1

    Après, si je ne dis pas de bêtises, en fiction, tu t'arrêtes là ?

  • Speaker #4

    C'est là où les choses se compliquent. Soyons clairs, le milieu n'est pas tendre. Et donc les succès que j'ai ne font pas plaisir à tout le monde. Et donc oui, j'entends des trucs pas agréables, que je suis quelqu'un d'ingérable sur un plateau, ce qui n'est pas le cas. Je ne suis pas un grand réalisateur, ça je l'ai toujours dit, je n'ai pas un génie en moi, je suis un gentil faiseur qui fait bien les choses. Mais ingérable non, au contraire, je te disais, j'essaie d'être le joueur de flûte d'Ameline pour emmener les gens avec ce qui est dans ma tête et je le vois à l'image. Et puis alors encore plus violent, c'est « Ah, tu fais encore des films, mais on m'a dit que tu n'étais plus disponible à cause de ton fils handicapé, ce genre de choses. » Donc voilà, et puis bon, il fait aussi que je tombe en dépression, deux fois. Une première fois après une tire dans la nuit, la descente après le film et l'expectative de la suite et tout, et surtout le diagnostic font que je pète une première fois un câble quand Lou a un an. Je replonge une deuxième fois quand Lou a 4-5 ans, parce que là, justement, la différence commence à se voir. Et Lou a des gestes de réassurance, il agite les mains dans tous les sens, tout le temps, en permanence, il se balance tout le temps, comme une personne autiste. Et les regards des gens dans la rue sont des coups de couteau pour moi. Et là, je replonge une deuxième fois et je suis une psychothérapie et j'ai envie de résilience, j'ai envie d'en faire quelque chose de cette aventure. Et j'ai envie de faire un documentaire. Et Claire me dit non, pas question, tu ne vas pas me mettre. notre vie privée sur la place publique et tout. Poum, je replonge encore un peu plus. Et je découvre, en 2003, c'était en 2003, et je découvre l'existence des blogs. Tout nouveau, tout frais, tout beau. Et donc, je dis à Claire, tu connais les blogs ? Elle me dit non. Mais tu vois, ce n'est pas connu, donc est-ce que je ne pourrais pas ouvrir un blog ? Il me dit oui, bien sûr, ok, ça va, si c'est discret, je veux bien que tu racontes. Et je commence à raconter l'aventure avec Lou, avec deux blogs en miroir. Mais ça devient un succès instantané, mais colossal au point de faire un sujet au JT de la RTVF. Donc la discrétion, bonjour. Ensuite, ça devient une chronique pendant 19 numéros dans Femmes d'aujourd'hui. C'est le truc qui est le plus lu dans Femmes d'aujourd'hui. Et donc à ce moment-là, je reçois des tas de messages de réaction de personnes concernées ou non concernées par le handicap qui apprécient ce que j'écris. Et du coup, Claire me dit, OK, je comprends l'utilité, OK pour le documentaire. Et donc je pars dans l'aventure de ce documentaire, et là de nouveau, boom, crack, je reçois, après la diffusion sur Grand Angle, sur RTL, je reçois 1200 courriels dans ma boîte de réception. Mais une folie, une folie furieuse. Et puis quand le film sera diffusé sur France 5, Télé-Québec, en Suisse, en Hollande, à chaque fois 1200 courriels. Et à ce moment-là, j'ai un ami avocat, Philippe Grelet, président du CAL, du Centre d'Action Laïque. qui m'appelle, qui me dit « je suis bouleversé par ton film, pourquoi est-ce que tu ne créerais pas une fondation privée pour ton bonhomme ? » Je dis « une quoi ? » Il me dit « attends, viens, je vais t'expliquer » . Et il m'explique ce qu'est une fondation privée, qui consiste effectivement à créer une fondation où l'objectif c'est l'avenir de ton bonhomme et qui garantit une pérennité au-delà de ta mort, parce que les statuts sont immuables, que donc tout ce que tu thésorises dans cette fondation va à la personne ou à l'objet de cette fondation. Et pour le financer, il me dit, il faudrait commercialiser ton documentaire en DVD. Et c'est là où ma vie bascule, mais complètement. En deux mois de temps, le DVD est vendu à 4500 exemplaires. Et aujourd'hui, on est à près de 9000. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de documentaires, mais ce qui a été vendu comme ça, c'est une folie. Et c'est génial pour la fondation aussi. Et donc voilà, et alors, c'est là où tout s'enchaîne. C'est que si tu veux, entre temps, petite parenthèse pour rester dans le cinéma, Catherine me propose de faire Melting Pot Café. Rosanne Van Azerbroek me propose de faire la série Septième Ciel. Mais les deux se chevauchent, donc je dois faire un choix. Melting Pot est en retard dans l'écriture. Septième Ciel est prêt. Je me dis, pourquoi pas relancer les séries et tout le bazar. Et moi, je me retrouve à faire Septième Ciel. C'est un ciel avec une production qui s'entre-déchire et qui essaie d'imposer sa patte à la série. On est quatre réalisateurs pour douze épisodes et on nous empêche de communiquer entre nous pour donner une unité à la série. Un cauchemar. Ça m'a dégoûté du métier, mais à jamais. Donc ça m'a aidé à quitter le métier quelque part. Or, j'en reviens à ce que je te disais, dans les statuts de la Fondation, on s'est déclaré, moi, que si on prêchait pour notre seule petite chapelle, c'était... C'est peut-être un petit peu égoïste. Et donc, on a rajouté un petit alinéa dans les statuts de la fondation en disant que si le DVD se vendrait bien, on consacrerait une partie à une cause commune autour du handicap. Pas de chance, donc, 4 500 exemplaires. Et je tiens mon serment de poivreau de me dire, je vais faire quelque chose. Et là, quand je relis tous les courriels que j'ai reçus de personnes concernées, tout se me fait part de l'immense solitude et souffrance liée au diagnostic. Et là je me dis tiens mais c'est peut-être un sujet intéressant, qu'est-ce qui se fait dans le domaine ? C'est le début d'une nouvelle vie, c'est le moment où il faut aider les gens à mettre le pied à l'étrier face à cette nouvelle réalité et je me rends compte qu'il n'y a rien. Qu'il n'y a rien et rien nulle part dans le monde à part des témoignages et deux bouquins écrits par deux professeurs d'université en France. Et ces bouquins sont des bouquins mais sans plus de structuration sur qu'est-ce qu'il faut faire par rapport à ça. Et donc je me dis, c'est pas compliqué, je fais une parenthèse d'un an sur mon métier, je convoque le secteur associatif, on met en place un colloque, des groupes de travail, dans un an on a trouvé la réponse. Ouais, très bien Moland, très bien. Sauf que ça prend pas un an, enfin si. J'ai dix associations qui se joignent au projet, on monte un colloque en quatre mois, un colloque absolument fabuleux avec 360 personnes, et où pour planter le décor, ça c'est mon côté un peu artistique qui revient au truc, je fais venir Eric de Star qui est plein de comédiens pour lire des témoignages en début de colloque. Autant te dire que, poum, ça pose l'enjeu. 60 personnes s'inscrivent dans des groupes de travail, mais le problème, c'est que ça ne se solutionne pas comme ça. C'est un travail au long cours. C'est devenu une association que j'ai présidée jusqu'en 2021. Et aujourd'hui encore, on a édité des livrets pour les professionnels, pour les parents, pour les frères et sœurs, pour les personnes en situation de handicap elles-mêmes, pour les aider à vivre le champ émotionnel qui est violent. Donc, à dépasser ça, on a fait un bouquin pour... Les médecins changent leur attitude par rapport à ça, parce que la souffrance, elle est dans les deux camps. Comment annoncer une mauvaise nouvelle dix fois par semaine quand tu es neuropédiatre, ce genre de choses, tout en restant en empathie, etc. Comment assurer un accompagnement, parce que souvent tu es lâché, voilà, le diagnostic est posé, c'est tout, on ne peut plus rien faire. Et donc, du coup, je me suis trouvé embarqué dans cette aventure, j'ai créé cette association qui ne me laissait plus beaucoup de temps pour faire des films. Et puis en parallèle, j'étais invité dans des festivals partout dans le monde avec les Traloux. jusqu'en Russie, des aventures de fous et j'ai découvert aussi parmi tous les festivals, il y en avait 2-3 qui étaient uniquement centrés sur le thème du handicap et j'étais époustouflé par la qualité des films et je me suis dit mais ces films on les voit jamais en Belgique et donc il y a un festival en Grèce où Lettre à l'eau a été primée où je lis d'amitié avec l'organisatrice et qui me dit mais tu devrais faire ça en Belgique et elle me dit écoute je te donne un conseil tu fais un pilote Merci. Une séance, je te prête les films, je demande les autorisations, je te prête les films qui te plaisent dans ma sélection. Tu invites les pouvoirs publics à cette séance, et le grand public, et tu leur dis « est-ce que vous êtes prêts à financer ça ? » Et c'est ce que je fais en 2010. Et les pouvoirs publics disent « oui ! » Et c'est comme ça que je me lance dans The Extraordinary Film Festival, que je m'adosse dans un premier temps au FIFA Namur, parce que c'est là où je peux le plus avoir de financement. Et où Nicole Gillet, très gentiment, ainsi que Barbara Firquet, m'aident pendant la première édition et m'apprennent le métier au pas de charge. Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de films. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents. La fondation, avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival. Et ensuite, ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    J'ai eu le plaisir et l'honneur de faire partie du jury du TEF en 2023. J'ai vraiment été épatée par la qualité des films, par tout ce que ça ouvre en étant professionnelle du cinéma et se dire mais enfin, il y a tellement d'autres manières de parler.

  • Speaker #4

    C'est ça qui est génial dans le festival. On reçoit à peu près 400 films. t'en sais quelque chose vu que t'en as visionné un paquet chaque fois chaque regard de réalisateur chaque situation t'ouvre une nouvelle facette sur la personne et de nouveau on est dans une situation monolithique le trisomique c'est Pascal Duquesne alors qu'il y a plein de trisomiques qui n'ont pas ces facultés de jeu d'acteur, etc. On est toujours dans les clichés, mais les clichés, les clichés, les clichés, dans tous les handicaps. Un aveugle à l'oreille absolue, c'est faux, c'est absolument faux. À l'école de mon fils, la chorale, c'était une casserole pas possible. Donc tu vois, on est dans ces clichés. Donc il y a tellement de variétés que c'est des sujets inépuisables. Moi, ce que je veux attirer, c'est le grand public. Le fait de le teff... tu y es venu, il n'y a que 5 à 7% de personnes handicapées, le reste c'est du grand public, et c'est ça qui est génial, parce que soudain, boum, tu bombardes les gens d'une ouverture d'esprit sur quelque chose qu'ils ne connaissent pas, qui est le handicap sous toutes ses formes, et c'est ça qui est génial. On est quand même à 8300 entrées en 2023, donc ça commence à devenir intéressant au niveau de la fréquentation.

  • Speaker #1

    Je trouve que votre festival est tellement important, d'abord parce qu'il est hyper intéressant, hyper drôle, et puis surtout sur le travail, sur les représentations, il y a tellement à faire. Je reprends tout ce qu'on entend dans le festival sans cesse, mais les personnes en situation de handicap en Belgique, c'est quoi ? C'est 15%, 10% ?

  • Speaker #4

    L'OMS prétend qu'on va sur 25%, ce qui me semble un peu exagéré. Mais oui, avec le vieillissement de la population, on y arrive un jour. Mais globalement, oui, il y a 15% de la population qui est porteuse de handicap. Dernier chiffre du CSA 2023, le handicap occupe 0,47% du contenu des médias. Alors que ça concerne 15% de la population. Alors qu'aujourd'hui on est en train de s'ouvrir sur les genres et tout, sur la différence, plein de choses. Le sujet qui reste encore au bord du chemin, c'est le handicap. Je ne dirais pas de secouer le centre du cinéma. Mais le handicap, il est où ? Il est où ? Et l'explication de tout ça, c'est que le handicap fait peur, tout simplement. Et c'est humain. Et c'est trois facteurs. D'abord, le handicap nous renvoie à notre fragilité. Ça nous pend tous au nez. Et de la même manière qu'on n'a pas envie de parler de la mort. Un jour, enfant, on réalise qu'on est mortel avec la mort de son chat, d'un proche ou ce genre de choses. On évacue ça de sa tête. On vit parce que sinon, on ne vivrait plus, justement. Et donc, de cette même manière-là, le handicap, on ne veut pas voir parce que ça nous pend au nez. Et ça explique les grands centres qui ont été créés après la guerre, dans les années 50, 60, loin des villes. Loin des villes, le village numéro 1, et je peux t'en citer. On va les parquer, ils seront bien là, on va faire un petit paradis pour eux là-bas. Donc voilà, on n'a pas envie de voir le handicap, première chose. Deuxième chose, ça renvoie à la différence. Ce qui n'est pas comme nous est potentiellement contre nous. Tu es dans la rue, tu as soudain quelqu'un qui pique une gueule en deux, comme ça dans la rue, tu vas te retourner. C'est ton cerveau reptilien qui instantanément va te dire, il y a quelque chose d'anormal, on ne gueule pas dans la rue, c'est un poivreux, c'est une personne handicapée, que sais-je. tu vas dire ok c'est rien de grave et tu vas continuer ton chemin. On a tous cette réaction là du cerveau reptilien qui nous dit attention danger et c'est les mêmes clés que le racisme et ce genre de choses. Donc quelque part il y a une stigmatisation, la personne handicapée c'est quelqu'un de différente, elle fait peur. Voilà donc on évacue ça. Et la troisième chose, le handicap c'est le miroir de nos valeurs et c'est très étrange. On a tous comme ça notre grille de valeurs dans notre vie. Le problème, c'est qu'avec le handicap, on ne regarde que le verre à moitié vide et jamais le verre à moitié plein. Ça part dès le moment du diagnostic, où on te dit, votre enfant, il a ça, ça, ça, ça, il ne pourra pas faire ça, ça, ça, ça, ça, et on ne parle jamais des potentialités. Jamais, jamais. Or, je veux dire, la personne la plus profondément handicapée, même presque à l'état végétatif, Je m'excuse de le dire comme ça parce que ça peut être violent pour les gens qui le vivent au quotidien. Même cette personne-là peut t'amener quelque chose. Et t'amener à te requestionner justement sur tes valeurs, sur le sens de la vie, sur ce genre de choses. Toute personne a quelque chose à t'apprendre.

  • Speaker #1

    L'année dernière, il y a eu un engouement autour des Jeux paralympiques pendant les JO.

  • Speaker #4

    T'en as pensé quoi ? J'ai vécu sur le terrain parce que l'eau a été fait une prestation à la Belgian Paralympic House à l'inauguration, le lendemain du truc. Donc oui, il faut des compétitions adaptées parce que tu ne peux pas courir de la même manière avec une jambe ou machin brol. Mais de la même manière qu'en judo, dans les Jeux Olympiques normaux, s'il y a une normalité, tu as des catégories de poids dans les arts martiaux, ce genre de choses. Tu as souvent comme ça des catégories. Moi je ne comprends pas, enfin si je sais historiquement pourquoi, c'est parce que ce sont deux institutions différentes, deux organismes différents, le comité olympique international et le comité paralympique, mais il est urgent pour moi de les fusionner, je trouve ça complètement lamentable de faire deux événements, et donc pourquoi pas quand il y a de l'athlétisme, il y a le 100 mètres, il y a le 400 mètres, et puis entre les deux, il y a le 100 mètres PMR, il y a le 100 mètres à l'aveugle, et ce genre de choses. et de mixer les deux. Maintenant c'est clair, oui, il y a une visibilité, mais dans les personnes concernées par le handicap, il y a quand même un petit goût amer, dans le sens où ça encense les performeurs, les personnes qui, elles, ont réussi à transcender leur handicap. Les personnes qui n'ont pas les capacités d'être un compétiteur en Jeux Paralympiques ou ce genre de choses, ce seront toutes des personnes qui resteront encore totalement invisibles. Admettons que tu sois philosophe handicapé. Eh bien, on ne te viendra pas chercher comme philosophe, mais on viendra te chercher comme handicapé, pour un sujet traitant du handicap. Et donc, les personnes handicapées dans les 0,47% du contenu des médias, c'est toujours par rapport à leur handicap. Ce n'est jamais par rapport à d'autres compétences qu'ils auraient, ou d'autres points de vue. Et là, tu te dis, il y a un problème.

  • Speaker #1

    Alors ça, si jamais la presse m'appelle, c'est pour que je témoigne en tant que femme dans le métier. alors j'ai dit ben techniquement, je suis réalisateur. En fait, ce qui est drôle, Luc, c'est que quand je t'ai appelé, je ne savais pas qu'il y avait sorti un livre qui s'appelle...

  • Speaker #4

    La folle épopée de Lou.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tu as écrit plus sur ton fils que sur toi. Oui, bien sûr. Mais donc tu parles de toi aussi.

  • Speaker #4

    Oui, c'est-à-dire que... Dès les blogs en 2003, j'ai eu envie d'écrire cette aventure. Et c'est vrai que c'est... C'est une épopée, c'est une aventure de fou. C'est vraiment une romance, ma vie, et c'est ça qui est incroyable, notre vie. Et donc oui, il se fait qu'il y a une éditrice qui est venue me chercher, il y a un peu plus de deux ans, et là j'ai été piqué par son art. Je me suis dit, c'est le moment, c'est maintenant qu'il faut le faire. D'une part aussi parce que justement j'aimerais qu'on tourne la page du handicap de loup, et qu'on le voit plus que comme un artiste. Et donc oui, j'ai tellement raconté, j'ai tellement communiqué sur lui depuis 25 ans. que je me suis dit, c'est le moment de tout rassembler, c'est là, maintenant on tourne la page.

  • Speaker #0

    Je m'éloigne nu parce que je raconte tous les obstacles, toutes les difficultés. Oui, ça a parfois été loin d'être simple. Il fallait que je sois aussi honnête, moi aussi, avec mes propres difficultés dans le parcours. J'ai eu dur à avaler la pilule, je te le disais tout à l'heure, de dépression. Et voilà, et qui n'était pas très belle parce que j'étais pas dans la violence physique, ni verbale, mais j'étais mutique, je m'enfermais, je fouillais. C'était compliqué, mais de notre côté, il fallait être honnête et pas nier les difficultés que ça a été. J'ai écrit certainement 15 fois, 17 fois, 20 fois certains chapitres, jusqu'à ce qu'il y ait une musicalité dans l'écriture qui est la mienne, et qui j'espère va rencontrer celle des lecteurs. Donc voilà, c'est plein de belles histoires comme ça. C'est une folie l'aventure avec Lou. C'est un truc de dingue quand on voit d'où on vient. et où on est aujourd'hui et avec des limites. C'est un peu la conclusion de mon livre. Quelle est la place de Lou dans le milieu musical ? Il est stigmatisé systématiquement.

  • Speaker #1

    Probable, que sans guide et sans compas, sans lumière je retourne sur mes pas Probable, que le succès me boude, que je ne sois pas dans le mood Probable, qu'au final au cadrage, on me retrouve pas sur l'image Probable, que je ne sois pas une

  • Speaker #0

    Et là, moi, je suis complètement révolté. De tous ces camarades d'infortune de l'enseignement spécialisé où ils étaient, ils sont tous, sauf un, en institution aujourd'hui. Et ils étaient, pour beaucoup, moins fortement handicapés que nous. Quel gâchis, mais quel gâchis, quelle honte, quel... Enfin, j'ai pas de mots.

  • Speaker #2

    Quand tu regardes dans le rétroviseur, qu'est-ce que tu changerais dans ta carrière professionnelle ?

  • Speaker #0

    Ouf ! Je ne sais pas parce que du nouveau, c'est tellement de concours des circonstances. Si je n'avais pas atterri par Azara Dream Factory, je n'aurais pas arrêté l'IAD, je n'aurais pas fait ci, je n'aurais pas fait ça. Je n'aurais pas fait de rencontres qui m'ont permis par la suite de... Je ne changerai rien. Je crois que je ne changerai rien. Les films que j'ai réalisés, je n'ai pas en rougir. Ce ne sont pas des chefs-d'oeuvre, mais je n'ai pas en rougir. J'aurais juste eu l'envie d'avoir une deuxième vie parce qu'il y a encore des films que j'aurais bien aimé faire et que je n'aurais plus jamais le temps de faire. Mais ce n'est pas grave, il y en a d'autres qui font ça très bien. Donc voilà, mais non, je ne changerai rien. Je ne changerai rien, ma vie est plus que romanesque. J'adore ce combat, j'adore ce combat parce qu'un des personnages que je préfère c'est Don Quichotte. Voilà, j'aime l'utopie, j'aime le rêve, j'aime les choses qui ne sont pas rangées dans les tiroirs des certitudes. J'aime remettre en question et donc voilà, je me plais beaucoup dans ce que je fais.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Luc. Merci de m'avoir invité. C'est un plaisir, merci et voilà, au plaisir de voir la suite et d'être au prochain TEF.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour leur soutien. Entretien enregistré chez Bruxelles nous appartient. Merci pour l'accueil. Merci à John Pirard. Merci à Aurélien Lebourg pour le mix et à Let's Kiss pour la musique. A bientôt !

  • Speaker #3

    Arrête ton cinéma !

Description

Comment un événement bouleversant peut-il transformer non seulement une vie, mais aussi une carrière entière ? Dans cet épisode d'Arrête ton cinéma! , Luc Boland, réalisateur,, nous plonge dans son parcours, marqué par la naissance de son fils, né avec un handicap. Ce moment décisif a été le catalyseur d'un changement profond, qui l'a mené entre autres à la création du TEFF - Extraordinary Film Festival, consacré aux films sur les situations de handicap. Prochaine édition: Novembre 2025.


Pour en savoir plus: le documentaire "Lettre à Lou" et le livre"La folle épopée de Lou B" (éditions Racine) et https://loub.be/


Dans cet épisode, vous découvrirez non seulement l'engagement indéfectible de Luc. Chaque mot résonne avec une passion palpable, et son histoire nous rappelle que derrière chaque défi se cache une opportunité de changement.


Merci: John Pirard pour le montage, Aurélien Lebourg pour le mix, Late Kiss pour la musique, Bruxelles nous appartient pour le studio

Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la FWB pour leur soutien.



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de film. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents, la fondation avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival, et ensuite ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    Luc Bolland est le papa de Lou B, interprète et musicien que vous avez probablement vu ou entendu en radio, en télé et peut-être même en concert. La naissance de Lou en 98 et la découverte de son handicap ont bouleversé la trajectoire de vie de son père, alors réalisateur. Luc a raconté ce parcours dans le documentaire Lettre à Lou et plus récemment dans le livre La folle épopée de Lou B, paru en 2024. Mais aujourd'hui c'est de Luc dont on va parler. Aucune trace d'aigreur chez lui. Lui et sa femme Claire avancent, toujours en mouvement, déjà sur le prochain projet. On va parler de la vie avant, pendant et après le diagnostic. Du combat infatigable mené, pour Lou, mais aussi pour toutes les personnes en situation de handicap. Luc travaille à changer les regards, entre autres via le festival de films qu'il a créé, le TEF Extraordinary Film Festival. Allez, c'est parti !

  • Speaker #0

    Je ne suis pas un steak.

  • Speaker #1

    Au niveau de l'histoire coloniale, ils ne sont absolument pas conscients de reproduire des choses qui se sont passées pendant des générations.

  • Speaker #0

    Tu ne peux pas juste m'envoyer. L'industrie du cinéma est entre les mains des hommes. Ah bon ?

  • Speaker #2

    Je ne suis pas misogyne du tout.

  • Speaker #3

    Arrête, arrête, arrête, arrête, arrête ton cinéma. Arrête ton cinéma. Non mais vraiment, arrête. Un podcast réalisé par Véronique Jatin.

  • Speaker #1

    Luc, j'avais hyper envie de t'inviter, donc merci beaucoup d'avoir répondu présent, parce que je trouve que tu as un parcours quand même fascinant.

  • Speaker #4

    Merci de m'avoir invité.

  • Speaker #1

    J'ai lu qu'en sortant de Réto, un peu comme ça, tu t'étais pointé à l'examen d'entrée de l'IAD.

  • Speaker #4

    Exact. Moi, j'avais envie de faire de l'artistique, c'est comme ça que la bouche en cœur, n'y connaissant rien à l'audiovisuel, j'ai présenté l'examen d'entrée, et je me suis fait jeter bien évidemment, et alors piqué par mon orgueil, Pendant un an, j'ai bouffé du cinéma pour me préparer à représenter Eliade.

  • Speaker #1

    Donc là, c'est passé.

  • Speaker #4

    Ça s'est très bien passé. Mais sur ce chemin-là, en cours de seconde année, j'ai un élève de troisième qui m'a dit « Oh, on tourne un clip de Gottener, une nouvelle maison de production, le Mambo du Décalco, t'as pas envie de venir donner un coup de main ? » Puis je suis arrivé sur ce tournage, c'était la naissance de Dream Factory, c'était le deuxième clip qui tournait. Il n'y avait pas beaucoup d'expérience de production dans cette boîte à l'époque, et donc il n'y avait pas de script. Je me suis dit « Tiens, plutôt que de porter des caisses, est-ce que je ne proposerais pas d'être la script ? » On tournait avec du 2 pouces vidéo à l'époque. Donc c'était facile de vérifier les raccords. Et donc j'ai été script sur ce tournage. Ils ont gagné du temps au montage, donc ils m'ont rappelé. Et de fil en aiguille, en trois ou quatre tournages, je suis devenu le premier assistant réalisateur de Jean-Pierre Berckmans. Et j'ai travaillé tout l'été à la fin de ma deuxième année. Et à la fin de l'été, ils m'ont dit « on t'engage si tu veux » . Et là, c'était le choix cornelien. J'ai voulu poursuivre en élève libre, l'école n'a pas voulu. et donc j'ai commencé à enchaîner les boulots comme assistant réalisateur. Ce qui était difficile après, parce que comme je n'ai pas fait de fin d'études, en tant que réalisateur, je n'avais rien à vendre et à montrer. Et puis, ces deux métiers sont totalement différents. Premier assistant, tu es le grand organisateur. Il y a quelque chose de génial et de grisant, parce que tu es une des rares personnes à maîtriser absolument toutes les infos et de savoir tout sur un film. Mais tu es un grand organisateur, tu es un meneur de troupe, tu es tout ce que tu veux. Alors que bon, réalisateur, c'est quand même autre chose au niveau de la créativité. Mais maintenant, ce qui était génial, c'est que j'ai eu... J'ai découvert des techniques audiovisuelles à l'époque. La luma, personne ne l'utilisait en Belgique, ça coûtait trop cher. Des tas de choses, j'ai eu plein d'expériences techniques qui étaient très rares dans le cinéma belge. Mais à la longue, c'était du 7 jours sur 7, 18 heures sur 24. Surtout quand quelqu'un a pris ma place pour aller au Sénégal pour le tournage de la partie africaine de Balavoine. Là, je l'ai très mal pris. Je lui ai dit maintenant, mon tarif c'est autant. Et on m'a dit au revoir. Et j'ai... immédiatement, vu la notoriété de Dream Factory, j'ai immédiatement retrouvé du boulot dans toutes les prods de pubs et de clips et de tout ce qu'on veut de l'époque.

  • Speaker #1

    Ok, donc tu fais full assistana et comment est-ce que tu passes à la réale alors finalement ?

  • Speaker #4

    Compliqué, très compliqué. Je passe à la réale parce qu'à un moment donné, je donne des cours à Parlax et je propose un cours sur le casting. Là, on est au début des années 90, quand je suis toujours assistant. Et j'invente un exercice assez amusant qui était de mettre en scène un ballet. et de demander à un acteur de jouer avec un balai. Et ça m'a donné l'idée d'un court-métrage qui est une personne qui est dans le déni du décès d'un proche, on ne sait jamais qui c'est, si c'est un enfant, un époux, ce genre de choses, et qui a alité dans son lit un balai. Et tu as comme ça tout un déni intrafamilial où tout le monde fait semblant de rien, il y en a qui disent mais il faut l'arrêter, il faut arrêter cette mascarade, etc. Et ça me donne l'idée de ce court-métrage, je me dis ça ne coûte pas trop cher à faire. J'ai... J'ai eu plusieurs refus, parce que j'ai eu plusieurs projets. J'avais un projet de fiction complètement dingue sur le musée de la bande dessinée, qui a failli se faire. J'ai eu les autorisations de tous les auteurs de BD, jusqu'à Moebius, qui disait « Il faut faire ce film, il faut faire ce film. » Mais c'était un film qui coûtait cher, parce qu'il fallait faire du motion control, etc. C'était hors de prix. Et donc, il ne s'est jamais fait. Et puis, je me suis dit « Tiens, mais ça, ça ne coûte pas cher. » Et j'ai juste besoin d'une maison. Et là, remerciement éternel, toute la profession, tous les techniciens, bullet race, tout le bazar, tout le matos gratuit. J'ai eu des chutes de péloche de toutes les boîtes de production pour lesquelles j'avais travaillé. Et j'ai fait ce petit court-métrage qui était juste gentil. Et qui a permis justement à Catherine Burgnaud de me remarquer. Et de me dire, t'as pas un projet de long ou de téléfilm ou ce genre de choses ? Et j'ai sorti de la boîte un scénario que j'avais écrit en 87, donc quand j'étais encore assistant. J'avais lu une petite brève dans le soir, je crois, qui racontait l'histoire de quelqu'un qui était tombé de son lit, qui baignait dans son sang, qui était amnésique et qui appelait les secours, qui ne savait pas où il était. et qui repère un édifice public très connu et puis il retombe inanimé. Et le type du service des secours a l'idée, parce qu'il n'y avait pas encore les détections d'origine d'appel, d'envoyer tous les véhicules en urgence jusqu'à ce qu'on entende un véhicule dans le téléphone pour repérer la personne. Une idée mais instantanée de décliner ça et de raconter le sort d'une petite fille en babysitting chez une vieille nanou qui tombe dans les escaliers. Et la gamine appelle, pousse sur le bouton rappel et la nanou avait appelé un service de dépannage pour une toilette bouchée. Et seulement là aussi il n'y a pas de détection d'appel et tout. Et donc c'est toute la recherche de la gaming qui devient un peu thriller dans le sens où la Nanou, entre temps, elle avait fait à cuisiner, que ça commence à cramer dans la cuisine, donc il y a une certaine urgence, etc. Et c'est le téléfilm Une sirène dans la nuit que j'ai fait en 99 avec Catherine Brugnot et Banana Film, et qui a fait un carton de malade, 38% de parts de marché, souffrance 2. Et donc oui, 1 400 000 téléspectateurs, et avec Roland Magdan en contre-emploi complet à la façon de Coluche dans le Chopin. Et ça a été la curiosité des spectateurs sur Roland McDonagh qui avait disparu, qui a beaucoup contribué au succès du film, évidemment. Une série dans la nuit, c'est moi qui l'avais écrit, mais Luc m'a aidé à réécrire une partie du scénario parce que j'ai voulu changer le protagoniste du film. Au départ, c'était la gamine. Ça ne m'intéressait plus quand Catherine est venue me chercher. Et je voulais que ce soit le standardiste, et donc il fallait un obstacle. Et c'est là où c'est la folie de l'histoire, si tu veux. C'est complètement dingue si on revient à ce film-là. On se met au travail, Luc et moi, Luc Jabon et moi, et on énumère tous les obstacles que tu peux avoir dans la vie, le décès d'un proche, une perte d'emploi, la survenue du handicap d'un enfant, etc. Et on se focalise, on se dit immédiatement, mais oui, bien sûr, il a un fils autiste, c'est un brillant architecte, il n'assume pas, il plaque sa femme, il plaque son boulot, et il se réfugie comme standardiste de nuit pour avoir le moins de contact social possible. Ça, c'est écrit trois ans avant la conception de Lou. C'est un truc de fou. Et Lou naît entre-temps. On a l'attente de l'accord de France 2 et de GMT à Paris pour coproduire le film. Lou naît en août 98. On part en Vendée chez un ami machiniste qui a une baraque là-bas pour se reposer après l'accouchement. Là, on se dit qu'il y a des choses qui ne vont pas. On rentre, on est sur la bretelle de l'autoroute de Nantes. Coup de téléphone de Catherine qui me dit qu'on a le feuilletage de France 2, on tourne dans quatre mois. Je me retrouve dans la dualité de la pré-production, les premiers rôles, les décors, etc. à courir dans tous les sens, entre les rendez-vous dans les hôpitaux pour essayer d'avoir un diagnostic de mon bonhomme et la préparation du film. Pour que les gens qui ne connaîtraient pas le fils lourd, il est aveugle, il est né aveugle et avec une forme d'autisme de plus en plus légère, ça c'est le miracle de l'aventure, mais à l'époque qui était quand même sévère et c'est un enfant jugé perdu par les... par tous les professionnels du secteur. Mais le diagnostic tombe 15 jours avant le début de l'engagement de toute l'équipe, un mois de prépa. Donc je démarre la prépa du film avec ce diagnostic dans la figure, le tournage du film, et je me retrouve à faire jouer à des comédiens une scène où la femme du standardiste débarque pour lui dire « Écoute, qu'est-ce qu'on fait avec ton fils ? On le garde ou on le met dans une institution ? Parce qu'il faut que tu décides. » C'est complètement dingue. C'est une ironie dramatique, comme je dis, qui est folle. qui est complètement folle.

  • Speaker #1

    Tu avais déjà deux filles ?

  • Speaker #4

    J'avais deux grandes filles, oui.

  • Speaker #1

    Deux grandes filles. Et donc, pendant que toi, tu bossais, on s'est commencé dans ce métier, tu n'avais... Voilà. Donc, ta femme s'est occupée du gamin H24. Et pour toi, le travail, ça t'a fait du bien ? Ça t'a permis d'oublier ? Ou au contraire, c'était vraiment double charge ?

  • Speaker #4

    C'était d'une ambivalence absolue. J'ai foncé tête baissée dans le boulot parce que je sais que je jouais ma tête. Et d'un autre côté, j'étais tiraillé par un sentiment d'injustice absolu vis-à-vis de lui, en me disant pourquoi nous, pourquoi lui, qu'est-ce qu'on a fait au monde pour hériter de ça ? Et puis à côté de ça, j'avais une pression maximale. Et là, je dois rendre un hommage à Catherine Burgnaud en tant que productrice, parce que l'usage veut qu'en France, un scénariste ne soit jamais réalisateur d'un téléfilm. Or, dès le départ, Catherine m'a dit... de confier la réalisation du film et JMT voulait m'éjecter à tout prix. J'avais qu'un court-métrage derrière moi. C'est ça que je veux dire, c'était pas mal. Et puis alors, pire que ça, ils ont proposé à Molinaro, ils ont proposé à Jean Becker de réaliser et tous voulaient le faire. Et Catherine a tenu tête jusqu'au bout. Mais du coup, il y avait une certaine forme d'unimitié, nous dirions, entre JMT et moi. Et après dix jours de tournage, ils ont voulu arrêter le tournage parce qu'ils ne savaient pas lire les reches et qu'ils les trouvaient catastrophiques. Donc j'ai eu encore une double pression sous les épaules, sous le tournage. Et Catherine m'a protégé. Ils ont fait faire un montage des Raimondos pour voir si le film tenait le coup ou pas. Alors moi j'étais sous le plateau. En sachant tout ça, c'était une horreur absolue. Du coup, j'étais effectivement... Je crois que j'ai toujours été un réalisateur très calme et très doux. Je dis toujours que pour moi, réaliser un film, c'est le joueur de flûte d'Améline. Et je ne supporte pas ces réalisateurs tyranniques. qui vont jusqu'à détruire des gens pour leur objectif de film. Je ne comprends pas ça, ce n'est pas dans ma mentalité. Mais là, oui, effectivement, j'étais tendu, c'était compliqué à mort. D'autant qu'en plus, je tournais avec une gamine de 5 ans, qui n'avait jamais joué, évidemment, et qui, au début, regardait tout le temps la caméra malgré les instructions, qui regardait le rail de travelling sur lequel elle devait marcher. Et donc, heure sup, bobine en plus, etc. Et ça, heureusement. Le monteur, que je ne connaissais pas, parisien, a tout de suite compris le scénario, a tout de suite compris les rushs. Il y avait très peu de bonnes prises, mais elles étaient bien pointées par la script. Et donc, il a fait le montage. Et du coup, ils ont dit, OK, on va jusqu'au bout. Mais je suis passé par le chat de l'aiguille. C'était horrible.

  • Speaker #1

    Donc, un court-métrage et tu es passé du court-métrage directement au format téléfilm, qui, à l'époque, était peut-être plus facile à faire qu'un long-métrage ou se financer plus vite.

  • Speaker #4

    C'est-à-dire que le long-métrage, tu vois, j'étais assistant de la partie d'échec, j'étais assistant sur A Strange Love Affair d'Eric Dequeuil par en Hollande. Donc j'ai fait du long aussi en tant que premier assistant. Et j'ai toujours été sidéré de l'insuccès des longs-métrages au cinéma belge. Et de me dire, consacrer cinq ans de ma vie pour montrer un film à 20 000 personnes, alors oui, tu as l'ego de te dire, j'ai fait un long-métrage et tout ce qu'on veut. Mais moi, je ne m'en remettrai jamais. Je tomberai en dépression profonde. Surtout

  • Speaker #1

    20 000.

  • Speaker #4

    Quand tu vois parfois les chiffres de certains longs-métrages, c'est dramatique. Or, tu le sais aussi bien que moi, je dis quel investissement c'est. C'est ton bébé. Oui, j'ai choisi la voie du téléfilm en me disant au moins, je sais que ce que je fais sera regardé. Et à ce niveau-là, ça a été plus que regardé. J'ai eu de la chance sur tous les téléfilms que j'ai faits.

  • Speaker #1

    Donc du coup, après celui-là, forcément, on t'en demande un deuxième.

  • Speaker #4

    Exactement. J'ai la France à mes pieds. On me propose de faire du Navarro, des trucs dans le genre. Mais entre-temps, mon fils loup handicapé est né. Et je n'ai plus envie, je ne peux plus me permettre de partir trois mois à l'étranger, à Paris ou en France pour ce genre de choses. Donc je fais des choix difficiles. J'accepte un épisode de série qui s'appelle Les Monos. On n'est pas à Canin. C'est de la série Bon enfant, grand public et tout. C'est très amusant parce que c'est l'histoire de jeunes en difficulté. qui font un stage pour se remettre et c'est un stage de char à voile à la mer du nord et donc là j'ai le plaisir de pouvoir ressortir tous mes souvenirs d'enfance de la côte belge des décors de dingue ce genre de choses mais voilà et donc ça permet de rentrer au moins le week-end exactement exactement et j'ai beaucoup appris justement sur les monos grâce à Christian Roth et Daniel Rialet qui m'ont appris à mordre intelligemment Parce qu'ils ne me donnaient pas les conditions qui étaient prévues à la base pour le tournage. Et donc on se retrouve dans une scène de discothèque et puis j'ai le directeur de production qui me dit « Ah écoute, on n'a que 5 figurants, on va tourner comme ça. » Je dis « Mais attends, tu rigoles, il n'y a pas de question qu'on tourne là. » J'ai très calmement dit au directeur de production « Ecoute, tu vois le café là ? Je vais m'y installer avec les comédiens et tu viens me chercher quand il y a les 30 figurants qui sont prévus. » « Oh, tu ne peux pas faire ça ! » Je lui ai appelé France 2 pour dire que tu ne veux plus tourner et tout. Je dis, mais appelle-les, explique-leur. Les directeurs de production ont été fait les sorties d'école pendant une heure et demi pour amener les 30 figurants. Je les ai eus et on a tourné. De la même manière qu'à un moment donné, il y avait quatre jours, cinq jours de char à voile. Compliqués, il faut avoir les conditions, le vent, des jeunes comédiens qui n'ont jamais fait de char à voile. Donc j'ai un moniteur et au quatrième jour, on m'annonce que le moniteur, c'est bon, il s'est débrouillé, J'ai un plan de travail de 35 plans à tourner en travelling sur la plage, et même il était question qu'on ait un hélicoptère pour faire des prises aériennes et tout le bazar. Je dis, je ne signe pas le plan de travail de la journée. Oh, tu ne peux pas faire ça, etc. J'ai fait le cochon, j'ai dit, écoute, si je fais les 35 plans, tu m'offres 12 bouteilles de pouilles fouissées de ta cave, parce que je sais qu'il y a une cave à faire. Pas possible. On a fait les 35 plans, on en a même fait plus. Il a tenu parole et j'ai eu 12 bouteilles de pouilles fouissées. d'un grand cru pas possible. Voilà, c'est une anecdote.

  • Speaker #1

    Et donc, malgré ça, tu as quand même réenchaîné pour une torpille avec lui, avec ce gars-là,

  • Speaker #4

    parce que tu le connaissais. Oui, parce que c'était un scénario génial. Moi, j'adore l'ironie dramatique dans un scénario. Je trouve ça... Une série dans la nuit, c'est déjà le cas. Le spectateur sait, mais le protagoniste, Magdan, ne sait pas ce qui se passe. Et là, dans la torpille, c'est très amusant. C'est une grande société d'audit qui... qui est une multinationale à se débarrasser d'une petite entreprise de chaussures de province qui est arrivée dans leur escarcelle et qui est complètement surannée, dépassée et tout. Et il se dit, de la même manière qu'on peut trouver la bonne personne à la mauvaise place, il suffit de trouver un mauvais directeur qui va couler l'entreprise. Et donc, ils vont chercher le pire profil, qui est Catherine Jacob. sauf que c'est une rebelle et qu'avec le personnel les choses vont se retourner. Et donc là de nouveau on est dans une éroïne dramatique, elle ne sait pas quelle est une torpille pour couler l'entreprise, surtout qu'elle n'y connaît rien, mais une série d'événements va faire que les choses vont se retourner. Et donc c'était jouissif, surtout qu'on a, j'ai travaillé avec Philippe Graff et qu'on a décidé de donner un côté très BD à la déco, aux accessoires et tout, on a trouvé un lieu de décor absolument génial. Et puis ça m'a permis de faire jouer plein de chouettes acteurs dans l'aventure.

  • Speaker #1

    Et donc c'est aussi un téléfilm France 2 ?

  • Speaker #4

    France 2, oui. Voilà,

  • Speaker #1

    France 2, ça cartonne de nouveau.

  • Speaker #4

    32%, il n'y a pas à se plaindre.

  • Speaker #1

    Après, si je ne dis pas de bêtises, en fiction, tu t'arrêtes là ?

  • Speaker #4

    C'est là où les choses se compliquent. Soyons clairs, le milieu n'est pas tendre. Et donc les succès que j'ai ne font pas plaisir à tout le monde. Et donc oui, j'entends des trucs pas agréables, que je suis quelqu'un d'ingérable sur un plateau, ce qui n'est pas le cas. Je ne suis pas un grand réalisateur, ça je l'ai toujours dit, je n'ai pas un génie en moi, je suis un gentil faiseur qui fait bien les choses. Mais ingérable non, au contraire, je te disais, j'essaie d'être le joueur de flûte d'Ameline pour emmener les gens avec ce qui est dans ma tête et je le vois à l'image. Et puis alors encore plus violent, c'est « Ah, tu fais encore des films, mais on m'a dit que tu n'étais plus disponible à cause de ton fils handicapé, ce genre de choses. » Donc voilà, et puis bon, il fait aussi que je tombe en dépression, deux fois. Une première fois après une tire dans la nuit, la descente après le film et l'expectative de la suite et tout, et surtout le diagnostic font que je pète une première fois un câble quand Lou a un an. Je replonge une deuxième fois quand Lou a 4-5 ans, parce que là, justement, la différence commence à se voir. Et Lou a des gestes de réassurance, il agite les mains dans tous les sens, tout le temps, en permanence, il se balance tout le temps, comme une personne autiste. Et les regards des gens dans la rue sont des coups de couteau pour moi. Et là, je replonge une deuxième fois et je suis une psychothérapie et j'ai envie de résilience, j'ai envie d'en faire quelque chose de cette aventure. Et j'ai envie de faire un documentaire. Et Claire me dit non, pas question, tu ne vas pas me mettre. notre vie privée sur la place publique et tout. Poum, je replonge encore un peu plus. Et je découvre, en 2003, c'était en 2003, et je découvre l'existence des blogs. Tout nouveau, tout frais, tout beau. Et donc, je dis à Claire, tu connais les blogs ? Elle me dit non. Mais tu vois, ce n'est pas connu, donc est-ce que je ne pourrais pas ouvrir un blog ? Il me dit oui, bien sûr, ok, ça va, si c'est discret, je veux bien que tu racontes. Et je commence à raconter l'aventure avec Lou, avec deux blogs en miroir. Mais ça devient un succès instantané, mais colossal au point de faire un sujet au JT de la RTVF. Donc la discrétion, bonjour. Ensuite, ça devient une chronique pendant 19 numéros dans Femmes d'aujourd'hui. C'est le truc qui est le plus lu dans Femmes d'aujourd'hui. Et donc à ce moment-là, je reçois des tas de messages de réaction de personnes concernées ou non concernées par le handicap qui apprécient ce que j'écris. Et du coup, Claire me dit, OK, je comprends l'utilité, OK pour le documentaire. Et donc je pars dans l'aventure de ce documentaire, et là de nouveau, boom, crack, je reçois, après la diffusion sur Grand Angle, sur RTL, je reçois 1200 courriels dans ma boîte de réception. Mais une folie, une folie furieuse. Et puis quand le film sera diffusé sur France 5, Télé-Québec, en Suisse, en Hollande, à chaque fois 1200 courriels. Et à ce moment-là, j'ai un ami avocat, Philippe Grelet, président du CAL, du Centre d'Action Laïque. qui m'appelle, qui me dit « je suis bouleversé par ton film, pourquoi est-ce que tu ne créerais pas une fondation privée pour ton bonhomme ? » Je dis « une quoi ? » Il me dit « attends, viens, je vais t'expliquer » . Et il m'explique ce qu'est une fondation privée, qui consiste effectivement à créer une fondation où l'objectif c'est l'avenir de ton bonhomme et qui garantit une pérennité au-delà de ta mort, parce que les statuts sont immuables, que donc tout ce que tu thésorises dans cette fondation va à la personne ou à l'objet de cette fondation. Et pour le financer, il me dit, il faudrait commercialiser ton documentaire en DVD. Et c'est là où ma vie bascule, mais complètement. En deux mois de temps, le DVD est vendu à 4500 exemplaires. Et aujourd'hui, on est à près de 9000. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de documentaires, mais ce qui a été vendu comme ça, c'est une folie. Et c'est génial pour la fondation aussi. Et donc voilà, et alors, c'est là où tout s'enchaîne. C'est que si tu veux, entre temps, petite parenthèse pour rester dans le cinéma, Catherine me propose de faire Melting Pot Café. Rosanne Van Azerbroek me propose de faire la série Septième Ciel. Mais les deux se chevauchent, donc je dois faire un choix. Melting Pot est en retard dans l'écriture. Septième Ciel est prêt. Je me dis, pourquoi pas relancer les séries et tout le bazar. Et moi, je me retrouve à faire Septième Ciel. C'est un ciel avec une production qui s'entre-déchire et qui essaie d'imposer sa patte à la série. On est quatre réalisateurs pour douze épisodes et on nous empêche de communiquer entre nous pour donner une unité à la série. Un cauchemar. Ça m'a dégoûté du métier, mais à jamais. Donc ça m'a aidé à quitter le métier quelque part. Or, j'en reviens à ce que je te disais, dans les statuts de la Fondation, on s'est déclaré, moi, que si on prêchait pour notre seule petite chapelle, c'était... C'est peut-être un petit peu égoïste. Et donc, on a rajouté un petit alinéa dans les statuts de la fondation en disant que si le DVD se vendrait bien, on consacrerait une partie à une cause commune autour du handicap. Pas de chance, donc, 4 500 exemplaires. Et je tiens mon serment de poivreau de me dire, je vais faire quelque chose. Et là, quand je relis tous les courriels que j'ai reçus de personnes concernées, tout se me fait part de l'immense solitude et souffrance liée au diagnostic. Et là je me dis tiens mais c'est peut-être un sujet intéressant, qu'est-ce qui se fait dans le domaine ? C'est le début d'une nouvelle vie, c'est le moment où il faut aider les gens à mettre le pied à l'étrier face à cette nouvelle réalité et je me rends compte qu'il n'y a rien. Qu'il n'y a rien et rien nulle part dans le monde à part des témoignages et deux bouquins écrits par deux professeurs d'université en France. Et ces bouquins sont des bouquins mais sans plus de structuration sur qu'est-ce qu'il faut faire par rapport à ça. Et donc je me dis, c'est pas compliqué, je fais une parenthèse d'un an sur mon métier, je convoque le secteur associatif, on met en place un colloque, des groupes de travail, dans un an on a trouvé la réponse. Ouais, très bien Moland, très bien. Sauf que ça prend pas un an, enfin si. J'ai dix associations qui se joignent au projet, on monte un colloque en quatre mois, un colloque absolument fabuleux avec 360 personnes, et où pour planter le décor, ça c'est mon côté un peu artistique qui revient au truc, je fais venir Eric de Star qui est plein de comédiens pour lire des témoignages en début de colloque. Autant te dire que, poum, ça pose l'enjeu. 60 personnes s'inscrivent dans des groupes de travail, mais le problème, c'est que ça ne se solutionne pas comme ça. C'est un travail au long cours. C'est devenu une association que j'ai présidée jusqu'en 2021. Et aujourd'hui encore, on a édité des livrets pour les professionnels, pour les parents, pour les frères et sœurs, pour les personnes en situation de handicap elles-mêmes, pour les aider à vivre le champ émotionnel qui est violent. Donc, à dépasser ça, on a fait un bouquin pour... Les médecins changent leur attitude par rapport à ça, parce que la souffrance, elle est dans les deux camps. Comment annoncer une mauvaise nouvelle dix fois par semaine quand tu es neuropédiatre, ce genre de choses, tout en restant en empathie, etc. Comment assurer un accompagnement, parce que souvent tu es lâché, voilà, le diagnostic est posé, c'est tout, on ne peut plus rien faire. Et donc, du coup, je me suis trouvé embarqué dans cette aventure, j'ai créé cette association qui ne me laissait plus beaucoup de temps pour faire des films. Et puis en parallèle, j'étais invité dans des festivals partout dans le monde avec les Traloux. jusqu'en Russie, des aventures de fous et j'ai découvert aussi parmi tous les festivals, il y en avait 2-3 qui étaient uniquement centrés sur le thème du handicap et j'étais époustouflé par la qualité des films et je me suis dit mais ces films on les voit jamais en Belgique et donc il y a un festival en Grèce où Lettre à l'eau a été primée où je lis d'amitié avec l'organisatrice et qui me dit mais tu devrais faire ça en Belgique et elle me dit écoute je te donne un conseil tu fais un pilote Merci. Une séance, je te prête les films, je demande les autorisations, je te prête les films qui te plaisent dans ma sélection. Tu invites les pouvoirs publics à cette séance, et le grand public, et tu leur dis « est-ce que vous êtes prêts à financer ça ? » Et c'est ce que je fais en 2010. Et les pouvoirs publics disent « oui ! » Et c'est comme ça que je me lance dans The Extraordinary Film Festival, que je m'adosse dans un premier temps au FIFA Namur, parce que c'est là où je peux le plus avoir de financement. Et où Nicole Gillet, très gentiment, ainsi que Barbara Firquet, m'aident pendant la première édition et m'apprennent le métier au pas de charge. Si tu fais le bilan de tout ça, c'est ce qui explique pourquoi je ne fais plus de films. Entre Lou, qu'il faut néanmoins accompagner, qui a besoin d'aide, qui a besoin de présence de ses parents. La fondation, avec toute la gestion, la vente des DVD, les trucs, les brôles, la plateforme annonce handicap, le festival. Et ensuite, ce qui est advenu, la carrière musicale de Lou, j'ai cinq temps pleins dans ma vie. Donc voilà, et je n'ai aucun regret. Je n'ai aucun regret.

  • Speaker #1

    J'ai eu le plaisir et l'honneur de faire partie du jury du TEF en 2023. J'ai vraiment été épatée par la qualité des films, par tout ce que ça ouvre en étant professionnelle du cinéma et se dire mais enfin, il y a tellement d'autres manières de parler.

  • Speaker #4

    C'est ça qui est génial dans le festival. On reçoit à peu près 400 films. t'en sais quelque chose vu que t'en as visionné un paquet chaque fois chaque regard de réalisateur chaque situation t'ouvre une nouvelle facette sur la personne et de nouveau on est dans une situation monolithique le trisomique c'est Pascal Duquesne alors qu'il y a plein de trisomiques qui n'ont pas ces facultés de jeu d'acteur, etc. On est toujours dans les clichés, mais les clichés, les clichés, les clichés, dans tous les handicaps. Un aveugle à l'oreille absolue, c'est faux, c'est absolument faux. À l'école de mon fils, la chorale, c'était une casserole pas possible. Donc tu vois, on est dans ces clichés. Donc il y a tellement de variétés que c'est des sujets inépuisables. Moi, ce que je veux attirer, c'est le grand public. Le fait de le teff... tu y es venu, il n'y a que 5 à 7% de personnes handicapées, le reste c'est du grand public, et c'est ça qui est génial, parce que soudain, boum, tu bombardes les gens d'une ouverture d'esprit sur quelque chose qu'ils ne connaissent pas, qui est le handicap sous toutes ses formes, et c'est ça qui est génial. On est quand même à 8300 entrées en 2023, donc ça commence à devenir intéressant au niveau de la fréquentation.

  • Speaker #1

    Je trouve que votre festival est tellement important, d'abord parce qu'il est hyper intéressant, hyper drôle, et puis surtout sur le travail, sur les représentations, il y a tellement à faire. Je reprends tout ce qu'on entend dans le festival sans cesse, mais les personnes en situation de handicap en Belgique, c'est quoi ? C'est 15%, 10% ?

  • Speaker #4

    L'OMS prétend qu'on va sur 25%, ce qui me semble un peu exagéré. Mais oui, avec le vieillissement de la population, on y arrive un jour. Mais globalement, oui, il y a 15% de la population qui est porteuse de handicap. Dernier chiffre du CSA 2023, le handicap occupe 0,47% du contenu des médias. Alors que ça concerne 15% de la population. Alors qu'aujourd'hui on est en train de s'ouvrir sur les genres et tout, sur la différence, plein de choses. Le sujet qui reste encore au bord du chemin, c'est le handicap. Je ne dirais pas de secouer le centre du cinéma. Mais le handicap, il est où ? Il est où ? Et l'explication de tout ça, c'est que le handicap fait peur, tout simplement. Et c'est humain. Et c'est trois facteurs. D'abord, le handicap nous renvoie à notre fragilité. Ça nous pend tous au nez. Et de la même manière qu'on n'a pas envie de parler de la mort. Un jour, enfant, on réalise qu'on est mortel avec la mort de son chat, d'un proche ou ce genre de choses. On évacue ça de sa tête. On vit parce que sinon, on ne vivrait plus, justement. Et donc, de cette même manière-là, le handicap, on ne veut pas voir parce que ça nous pend au nez. Et ça explique les grands centres qui ont été créés après la guerre, dans les années 50, 60, loin des villes. Loin des villes, le village numéro 1, et je peux t'en citer. On va les parquer, ils seront bien là, on va faire un petit paradis pour eux là-bas. Donc voilà, on n'a pas envie de voir le handicap, première chose. Deuxième chose, ça renvoie à la différence. Ce qui n'est pas comme nous est potentiellement contre nous. Tu es dans la rue, tu as soudain quelqu'un qui pique une gueule en deux, comme ça dans la rue, tu vas te retourner. C'est ton cerveau reptilien qui instantanément va te dire, il y a quelque chose d'anormal, on ne gueule pas dans la rue, c'est un poivreux, c'est une personne handicapée, que sais-je. tu vas dire ok c'est rien de grave et tu vas continuer ton chemin. On a tous cette réaction là du cerveau reptilien qui nous dit attention danger et c'est les mêmes clés que le racisme et ce genre de choses. Donc quelque part il y a une stigmatisation, la personne handicapée c'est quelqu'un de différente, elle fait peur. Voilà donc on évacue ça. Et la troisième chose, le handicap c'est le miroir de nos valeurs et c'est très étrange. On a tous comme ça notre grille de valeurs dans notre vie. Le problème, c'est qu'avec le handicap, on ne regarde que le verre à moitié vide et jamais le verre à moitié plein. Ça part dès le moment du diagnostic, où on te dit, votre enfant, il a ça, ça, ça, ça, il ne pourra pas faire ça, ça, ça, ça, ça, et on ne parle jamais des potentialités. Jamais, jamais. Or, je veux dire, la personne la plus profondément handicapée, même presque à l'état végétatif, Je m'excuse de le dire comme ça parce que ça peut être violent pour les gens qui le vivent au quotidien. Même cette personne-là peut t'amener quelque chose. Et t'amener à te requestionner justement sur tes valeurs, sur le sens de la vie, sur ce genre de choses. Toute personne a quelque chose à t'apprendre.

  • Speaker #1

    L'année dernière, il y a eu un engouement autour des Jeux paralympiques pendant les JO.

  • Speaker #4

    T'en as pensé quoi ? J'ai vécu sur le terrain parce que l'eau a été fait une prestation à la Belgian Paralympic House à l'inauguration, le lendemain du truc. Donc oui, il faut des compétitions adaptées parce que tu ne peux pas courir de la même manière avec une jambe ou machin brol. Mais de la même manière qu'en judo, dans les Jeux Olympiques normaux, s'il y a une normalité, tu as des catégories de poids dans les arts martiaux, ce genre de choses. Tu as souvent comme ça des catégories. Moi je ne comprends pas, enfin si je sais historiquement pourquoi, c'est parce que ce sont deux institutions différentes, deux organismes différents, le comité olympique international et le comité paralympique, mais il est urgent pour moi de les fusionner, je trouve ça complètement lamentable de faire deux événements, et donc pourquoi pas quand il y a de l'athlétisme, il y a le 100 mètres, il y a le 400 mètres, et puis entre les deux, il y a le 100 mètres PMR, il y a le 100 mètres à l'aveugle, et ce genre de choses. et de mixer les deux. Maintenant c'est clair, oui, il y a une visibilité, mais dans les personnes concernées par le handicap, il y a quand même un petit goût amer, dans le sens où ça encense les performeurs, les personnes qui, elles, ont réussi à transcender leur handicap. Les personnes qui n'ont pas les capacités d'être un compétiteur en Jeux Paralympiques ou ce genre de choses, ce seront toutes des personnes qui resteront encore totalement invisibles. Admettons que tu sois philosophe handicapé. Eh bien, on ne te viendra pas chercher comme philosophe, mais on viendra te chercher comme handicapé, pour un sujet traitant du handicap. Et donc, les personnes handicapées dans les 0,47% du contenu des médias, c'est toujours par rapport à leur handicap. Ce n'est jamais par rapport à d'autres compétences qu'ils auraient, ou d'autres points de vue. Et là, tu te dis, il y a un problème.

  • Speaker #1

    Alors ça, si jamais la presse m'appelle, c'est pour que je témoigne en tant que femme dans le métier. alors j'ai dit ben techniquement, je suis réalisateur. En fait, ce qui est drôle, Luc, c'est que quand je t'ai appelé, je ne savais pas qu'il y avait sorti un livre qui s'appelle...

  • Speaker #4

    La folle épopée de Lou.

  • Speaker #1

    Voilà, donc tu as écrit plus sur ton fils que sur toi. Oui, bien sûr. Mais donc tu parles de toi aussi.

  • Speaker #4

    Oui, c'est-à-dire que... Dès les blogs en 2003, j'ai eu envie d'écrire cette aventure. Et c'est vrai que c'est... C'est une épopée, c'est une aventure de fou. C'est vraiment une romance, ma vie, et c'est ça qui est incroyable, notre vie. Et donc oui, il se fait qu'il y a une éditrice qui est venue me chercher, il y a un peu plus de deux ans, et là j'ai été piqué par son art. Je me suis dit, c'est le moment, c'est maintenant qu'il faut le faire. D'une part aussi parce que justement j'aimerais qu'on tourne la page du handicap de loup, et qu'on le voit plus que comme un artiste. Et donc oui, j'ai tellement raconté, j'ai tellement communiqué sur lui depuis 25 ans. que je me suis dit, c'est le moment de tout rassembler, c'est là, maintenant on tourne la page.

  • Speaker #0

    Je m'éloigne nu parce que je raconte tous les obstacles, toutes les difficultés. Oui, ça a parfois été loin d'être simple. Il fallait que je sois aussi honnête, moi aussi, avec mes propres difficultés dans le parcours. J'ai eu dur à avaler la pilule, je te le disais tout à l'heure, de dépression. Et voilà, et qui n'était pas très belle parce que j'étais pas dans la violence physique, ni verbale, mais j'étais mutique, je m'enfermais, je fouillais. C'était compliqué, mais de notre côté, il fallait être honnête et pas nier les difficultés que ça a été. J'ai écrit certainement 15 fois, 17 fois, 20 fois certains chapitres, jusqu'à ce qu'il y ait une musicalité dans l'écriture qui est la mienne, et qui j'espère va rencontrer celle des lecteurs. Donc voilà, c'est plein de belles histoires comme ça. C'est une folie l'aventure avec Lou. C'est un truc de dingue quand on voit d'où on vient. et où on est aujourd'hui et avec des limites. C'est un peu la conclusion de mon livre. Quelle est la place de Lou dans le milieu musical ? Il est stigmatisé systématiquement.

  • Speaker #1

    Probable, que sans guide et sans compas, sans lumière je retourne sur mes pas Probable, que le succès me boude, que je ne sois pas dans le mood Probable, qu'au final au cadrage, on me retrouve pas sur l'image Probable, que je ne sois pas une

  • Speaker #0

    Et là, moi, je suis complètement révolté. De tous ces camarades d'infortune de l'enseignement spécialisé où ils étaient, ils sont tous, sauf un, en institution aujourd'hui. Et ils étaient, pour beaucoup, moins fortement handicapés que nous. Quel gâchis, mais quel gâchis, quelle honte, quel... Enfin, j'ai pas de mots.

  • Speaker #2

    Quand tu regardes dans le rétroviseur, qu'est-ce que tu changerais dans ta carrière professionnelle ?

  • Speaker #0

    Ouf ! Je ne sais pas parce que du nouveau, c'est tellement de concours des circonstances. Si je n'avais pas atterri par Azara Dream Factory, je n'aurais pas arrêté l'IAD, je n'aurais pas fait ci, je n'aurais pas fait ça. Je n'aurais pas fait de rencontres qui m'ont permis par la suite de... Je ne changerai rien. Je crois que je ne changerai rien. Les films que j'ai réalisés, je n'ai pas en rougir. Ce ne sont pas des chefs-d'oeuvre, mais je n'ai pas en rougir. J'aurais juste eu l'envie d'avoir une deuxième vie parce qu'il y a encore des films que j'aurais bien aimé faire et que je n'aurais plus jamais le temps de faire. Mais ce n'est pas grave, il y en a d'autres qui font ça très bien. Donc voilà, mais non, je ne changerai rien. Je ne changerai rien, ma vie est plus que romanesque. J'adore ce combat, j'adore ce combat parce qu'un des personnages que je préfère c'est Don Quichotte. Voilà, j'aime l'utopie, j'aime le rêve, j'aime les choses qui ne sont pas rangées dans les tiroirs des certitudes. J'aime remettre en question et donc voilà, je me plais beaucoup dans ce que je fais.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup Luc. Merci de m'avoir invité. C'est un plaisir, merci et voilà, au plaisir de voir la suite et d'être au prochain TEF.

  • Speaker #0

    À bientôt.

  • Speaker #2

    Merci à la Loterie Nationale et à l'Education Permanente de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour leur soutien. Entretien enregistré chez Bruxelles nous appartient. Merci pour l'accueil. Merci à John Pirard. Merci à Aurélien Lebourg pour le mix et à Let's Kiss pour la musique. A bientôt !

  • Speaker #3

    Arrête ton cinéma !

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