Speaker #0Et si on tirait un fil ? Celui qui relie ce qu'on vit, ce qu'on ressent et ce qu'on peut encore transformer. Un fil discret mais solide. Bonjour et bienvenue dans Au fil des enjeux, un podcast qui prend le temps. Le temps d'écouter, de réfléchir, sans donner de leçons, sans tout simplifier. Moi c'est Manuel, et aujourd'hui on va revenir sur un rendez-vous mondial qui dit beaucoup de notre époque. La COP30, qui se tient à BLM au Brésil. 30 conférences, 30 ans de débats, de promesses d'avancer et parfois de désillusion. 30 années à chercher, collectivement, comment éviter le pire ou au moins en retarder l'arrivée. Mais que représente vraiment cette 30e COP ? Est-ce une étape parmi d'autres ou un moment charnière ? Et que révèlent ces grandes conférences de notre manière d'affronter la crise climatique entre ambitions politiques, espoirs citoyens et réalités économiques ? Aujourd'hui, on va remonter le fil, celui de l'histoire des COP, de leurs grandes heures et de leurs limites, pour comprendre ce que ces rendez-vous racontent, non seulement du climat, mais aussi de nous et du monde que nous essayons encore de construire. Il y a des mots qu'on entend sans jamais se demander ce qu'ils signifient réellement. COP30, par exemple, une conférence de plus, diront certains, un sommet où l'on parle beaucoup et où l'on agit peu. Mais derrière les discours, les images et les promesses, il y a une histoire. Une histoire longue, complexe et profondément humaine. Celle de notre rapport à la planète et de notre capacité à coopérer à l'échelle mondiale. Alors, à l'occasion de cette 30e conférence des partis, cette COP30, on va remonter un peu le fil. Pour comprendre comment tout cela a commencé, ce que ces conférences ont permis, ce qu'elles révèlent du monde d'aujourd'hui, et pourquoi celle qui se tient cette année au Brésil... pourrait marquer un tournant. L'histoire du climat, ce n'est pas une histoire récente, on pourrait même dire qu'elle commence bien avant que l'on parle de crise climatique. Dès la fin du 19e siècle, un chimiste suédois du nom de Svante Arrhenius, qui recevra plus tard le prix Nobel de chimie en 1903, s'interroge sur un phénomène étrange. Pourquoi la Terre reste-t-elle habitable alors qu'elle devrait être bien plus froide vu sa distance au soleil ? En 1896, il publie un article fondateur où il décrit ce qu'on appelle aujourd'hui l'effet de serre. Il y explique que certains gaz présents dans l'atmosphère, notamment le dioxyde de carbone, emprisonnent la chaleur, un peu comme les vitres d'une serre conservent la température à l'intérieur. Et il formule une hypothèse. Si l'humanité brûle davantage de combustible pour son industrie, à l'époque on parle majoritairement de charbon bien entendu, alors la concentration de CO2 augmentera. et la planète se réchauffera. Mais nous sommes en 1896. Dans les rues, les chevaux tirent encore les calèches, les locomotives à vapeur symbolisent la modernité et l'électricité commence tout juste à illuminer les villes. Le monde entre dans ce qu'on appellera plus tard l'âge industriel et le progrès technique fascine. De manière générale, personne ne voit encore dans la fumée des usines une menace. Au contraire, elle incarne la réussite, la puissance, la prospérité. Et pendant des décennies, ces idées restent confinées au cercle scientifique. Elles ne suscitent ni inquiétudes ni débats politiques. Mais au fil du XXe siècle, les instruments de mesure s'affinent, les observations s'accumulent et les premiers signaux d'alerte apparaissent. Dans les années 1950, le chercheur américain Charles David Keeling installe un appareil sur le volcan Mauna Loa à Hawaï pour mesurer en continu la concentration de dioxyde de carbone dans l'air. Et ses résultats sont clairs. Les niveaux de CO2 augmentent année après année. C'est la première preuve empirique d'un phénomène global, invisible mais mesurable. Ce qu'on appelle aujourd'hui la courbe de Keeling deviendra une icône de la science du climat. A partir de là, la conscience du problème commence à s'élargir. Dans les années 60, certains chercheurs parlent déjà de pollution de l'atmosphère à l'échelle planétaire. Mais c'est dans les années 70 que la question écologique entre véritablement sur la scène politique internationale. En 72, la conférence de Stockholm sur l'environnement humain marque un tournant, c'est la première fois que les états du monde entier se réunissent pour discuter de la dégradation de la planète. Le rapport préparatoire de cette conférence, aussi appelé rapport Meadows, soulève des questions fondamentales et toujours d'actualité sur notre modèle de développement. Que se passe-t-il si la croissance économique se heurte aux limites physiques de la planète ? Autrement dit… Il interroge la viabilité à long terme des modèles économiques basés sur une croissance infinie en mettant en lumière les contraintes environnementales et les risques associés à l'épuisement des ressources naturelles. Pour beaucoup, cette conférence est donc la naissance officielle de la diplomatie environnementale. Dès lors, les mots écologie, pollution, développement durable font timidement leur entrée dans le vocabulaire politique. Les années 80 voient se multiplier les recherches, les alertes, les rapports scientifiques. Des phénomènes comme le trou dans la couche d'ozone montrent que les activités humaines peuvent, concrètement, modifier la composition de l'atmosphère. Et le réchauffement climatique cesse peu à peu d'être une hypothèse lointaine. Il devient un sujet d'inquiétude mondiale. en 88 c'est un moment charnière. Les Nations Unies et l'Organisation Météorologique Mondiale créent le GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Pour la première fois, des centaines de scientifiques du monde entier travaillent ensemble pour évaluer, synthétiser et rendre compréhensible l'état des connaissances sur le climat. Leur mission ? Établir un diagnostic collectif au-dessus des intérêts nationaux ou économiques. Et le constat est sans appel. L'activité humaine modifie le climat de la Terre. Et cette modification aura des conséquences profondes sur les sociétés humaines, sur l'eau, les cultures, les migrations, les équilibres géopolitiques. Ce moment marque une véritable bascule, celle où la science ne se contente plus de comprendre mais où est l'appel à l'action. C'est le passage d'une prise de conscience scientifique à la nécessité d'une réponse politique. Et c'est précisément cette transition qui ouvrira, quelques années plus tard, la voie aux grandes négociations internationales sur le climat et à la naissance des COP. Cette réponse politique prend véritablement forme en 92, à Rio de Janeiro, lors de ce qu'on appelle encore aujourd'hui le sommet de la Terre. C'est un moment fondateur, à la fois symbolique et historique. Le monde vient de tourner la page de la guerre froide, les blocs s'effritent, l'optimisme renaît, on parle d'un nouvel ordre mondial, d'une ère de coopération et de paix. Et dans cet élan, un nouvel horizon s'impose, celui de la protection de la planète. A Rio, plus de 100 chefs d'état se réunissent, du jamais vu à l'époque. pour parler d'environnement, de développement et de solidarité entre les nations. C'est un moment où tout semble encore possible. Les dirigeants signent plusieurs textes majeurs. L'agenda 21, une feuille de route pour un développement durable. La convention sur la biodiversité et surtout la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Ce texte, sobrement rédigé, pose une idée simple, presque naïve, mais profondément révolutionnaire. Les États reconnaissent que l'humanité est en train de modifier le climat. Et il s'engage à stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre à un niveau qui empêche toute perturbation dangereuse du système climatique. Ce n'est pas encore un traité contraignant, il ne fixe pas de chiffres, pas de dates, mais il pose les bases d'une architecture politique mondiale pour le climat. C'est en quelque sorte la constitution du multilatéralisme climatique. A partir de là, chaque année, les pays signataires, qu'on appelle les partis, doivent se réunir pour évaluer les progrès accomplis et décider des nouvelles étapes. Trois ans plus tard, en 1995, cette première réunion a lieu à Berlin. C'est la COP1, la conférence des partis numéro 1. Une première tentative de traduction concrète de la Convention de Rio. A l'époque, c'est Angela Merkel, alors jeune ministre allemande de l'environnement, qui est chargée d'organiser la COP. Durant celle-ci, les délégations discutent de la manière de transformer les engagements généraux de 92 en objectifs mesurables. A la fin de cette conférence naît le mandat de Berlin qui ouvre la voie à ce qui deviendra, deux ans plus tard, le protocole de Kyoto. A partir de là, les COP s'installent dans le paysage politique mondial. Elles deviennent un rituel annuel, un rendez-vous planétaire où se joue en direct la diplomatie du climat. Des milliers de délégués, d'ONG, de scientifiques, de journalistes, de chefs d'état, mais aussi d'activistes et de citoyens s'y retrouvent. Certaines COP se tiennent dans l'euphorie, d'autres dans la tension ou la déception. mais tout témoignent de la même chose, la difficulté et la nécessité de construire un consensus mondial sur une question qui touche à tout. Peu à peu, les copes développent leur propre culture, presque leur propre langue, un langage fait de sigles, d'acronymes, de parenthèses et de virgules. Une virgule mal placée peut bloquer un accord, une phrase entrecrochée peut représenter des semaines de discussion. Les négociations s'étirent souvent jusque tard dans la nuit et il n'est pas rare que les accords finaux soient arrachés au petit matin après des heures de débats acharnés. Et derrière cette apparente lenteur, derrière les cérémonies et les communiqués, se cache quelque chose de plus profond. Les copes sont un miroir. Le miroir de nos rapports de force, de nos priorités, de nos contradictions. Elles révèlent ce que chaque époque considère comme possible, ce que chaque génération est prête à concéder, et ce qu'elle préfère encore remettre à plus tard. Car les COPs... Ce n'est pas qu'un forum technique, ce n'est pas seulement une affaire de tableau Excel et de courbe de température ou de pourcentage d'émission. C'est en un sens le seul espace au monde où l'humanité tente encore de se parler d'une même voix. Un lieu où l'on essaie pendant quelques jours de mettre entre parenthèses les frontières, les rivalités, et logiques économiques ou militaires, pour se concentrer sur une question commune. Quel avenir voulons-nous partager ? Dans les grandes salles de conférences, ce ne sont pas seulement les diplomates qui débattent. Ce sont des visions du monde qui s'affrontent des histoires qui se rencontrent. Un délégué d'un petit état insulaire explique que sa nation disparaît sous la montée des eaux. Un représentant d'un pays pétrolier défend son droit au développement. Une jeune militante interpelle les chefs d'État rappelant que leurs décisions ici dessinent les conditions de vie de sa génération. Et au milieu de ces voix, la COP devient un théâtre du monde, où s'expriment nos contradictions mais aussi notre capacité à chercher ensemble des solutions. Les COP ont aussi transformé notre langage collectif. Des mots nouveaux sont entrés dans notre vocabulaire. Neutralité carbone, justice climatique, transition juste. Ou encore cette expression un peu technique mais fondamentale. Les responsabilités communes mais différenciées. Derrière ces formules, il y a une idée essentielle. Nous n'avons pas tous la même responsabilité dans la crise climatique, mais nous partageons tous la même obligation d'agir. Les pays industrialisés ont bâti leur prospérité sur des décennies d'émissions massives, comme la France. Les pays les plus pauvres, eux, réclament le droit de se développer. Entre ces deux pôles, les COP cherchent l'équilibre en équilibre. Instable, mais nécessaire. C'est dans cet espace à la fois politique et symbolique que s'invente une diplomatie nouvelle, sans vainqueur ni vaincu. Une diplomatie du long terme, patiente, parfois frustrante, mais essentielle. Ici, la victoire ne se mesure pas à une signature en grande pompe, mais à la survie d'un dialogue, à la capacité de maintenir le fil malgré tout. Car chaque avancée, chaque accord n'est jamais qu'un fragile compromis entre espoir et concession. Et pourtant, ce sont ces compromis qui peu à peu dessinent les contours de notre avenir commun. Certaines de ces conférences ont marqué l'histoire comme des points de bascule dans la grande négociation du siècle. Elles racontent à elles seules l'évolution de notre rapport au climat, de la méfiance à l'espoir, de l'espoir à la désillusion, puis à la lente reconstruction d'un consensus mondial. A Kyoto en 1997, c'est la première fois que la communauté internationale se dote d'un accord juridiquement contraignant sur le climat. Le protocole de Kyoto impose à une quarantaine de pays industrialisés des objectifs chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'est une première mondiale, la science, la diplomatie et la politique convergent enfin autour d'un même objectif. Mais cette avancée historique a son revers, les États-Unis, à leur première émetteur mondiale, refusent de ratifier l'accord, estimant qu'ils pénalisent leur économie et épargnent les grands pays émergents comme la Chine ou l'Inde. Le protocole entre en vigueur en 2005. sans la première puissance mondiale. Kyoto restera donc à la fois une victoire symbolique et une occasion manquée, le début d'un cadre multilatéral, mais aussi la démonstration de sa fragilité. A Copenhague en 2009, 12 ans plus tard, le monde retient son souffle. Le climat s'est imposé comme un sujet de société, et beaucoup espèrent que la COP15 sera celle du grand tournant. Les attentes sont immenses, presque démesurées, un accord global universel qui succéderait à Kyoto. Mais la conférence tourne court. Entre pays développés et pays pauvres, les divisions ressurgissent. Les uns veulent fixer des objectifs contraignants, les autres réclament davantage de justice et de moyens financiers. Après deux semaines de négociations tendues, aucun accord global n'est adopté. Le monde découvre alors les limites de la diplomatie climatique. Pourtant, au milieu de ce désordre naît une idée nouvelle. Plutôt que d'imposer des objectifs, parlez-vous, chaque pays pourra désormais proposer ses propres engagements volontaires. selon ses capacités et ses priorités. Un modèle plus souple, mais aussi plus dépendant de la bonne volonté des États. À Paris, en 2015, six ans plus tard, une autre scène, un autre temps. La COP21 réunit 195 pays sous le toit du Bourget. Les dirigeants, les ONG, les médias, tous sont conscients de vivre un moment historique. Après deux semaines de négociations marathon, un texte est adopté, l'accord de Paris. Il engage la communauté internationale à maintenir la hausse des températures. bien en dessous des 2°C. C'est la première fois que tous les pays, sans exception, participent à un même accord climatique. Un triomphe diplomatique salué comme un tournant de l'histoire moderne, mais un triomphe fragile. L'accord repose sur la coopération, pas sur la contrainte. Chacun fixe ses propres objectifs, sans sanction, en cas d'échec. Le succès de Paris est donc celui du consensus, mais aussi le début d'un long chemin d'application. Depuis, les COP suivantes ont poursuivi cette trajectoire, entre avancées réelles et frustrations profondes. A Glasgow en 2021, la COP26 marque un tournant sémantique. Pour la première fois, un texte final appelle à réduire progressivement le charbon, principale source d'émissions mondiales. Le mot « phase out » , sorti, est remplacé au dernier moment par « phase down » , réduction progressive. Un simple changement de mot met un symbole immense de la difficulté à rompre avec les énergies fossiles. A Charm El Cheikh, en 2022, la COP27 crée un fonds pour les pertes et dommages, une revendication ancienne des pays les plus vulnérables enfin reconnus. Les nations riches admettent leur dette historique envers celles qui subissent déjà les impacts du réchauffement. Mais là encore, beaucoup restent flous. Combien ? Quand ? Qui paiera ? Enfin, à Dubaï en 2023... Une COP présidée par un pays pétrolier, les Émirats Arabes Unis. Un paradoxe absolu, presque une métaphore. Le sommet aussi entre avancée et inertie, des déclarations fortes, des engagements financiers, mais toujours ce même silence embarrassé sur la sortie des énergies fossiles. Dubaï, c'est la démonstration parfaite de l'ambivalence de cette diplomatie climatique, un monde conscient de l'urgence, mais encore prisonnier de ses dépendances. Les COP, comme tout processus politique, n'existent pas dans le vide. Elles ne sont pas des bulles isolées, de négociations. Elles vivent, elles respirent avec leur époque. Elles emportent les espoirs, les tensions, les fractures. Chaque COP est une photographie du monde à un instant T, un miroir de la géopolitique mondiale autant qu'un forum sur le climat. À Kyoto, en 1997, nous sommes dans l'après-guerre froide. Le mur de Berlin est tombé quelques années plus tôt et l'idée d'un monde unifié, gouverné par la coopération et le dialogue, semble à portée de main. C'est l'époque du triomphe du multilatéralisme des grandes conférences onusiennes, une fois renouvelée dans la diplomatie. Les nations croient encore que les institutions internationales peuvent résoudre les défis communs. Et le climat devient, dans ce contexte, le nouveau terrain d'un espoir collectif, celui d'un monde enfin capable d'agir ensemble. À Copenhague en 2009, 12 ans plus tard, le paysage a changé, le monde sort à peine d'une crise financière majeure, celle de 2008. Les priorités sont redevenues économiques, les gouvernements pensent relance, emploi, stabilité. L'urgence climatique, elle, semble s'effacer derrière les impératifs de croissance. A la COP15, les chefs d'État se retrouvent dans une atmosphère tendue, presque désabusée. Le rêve d'un grand accord mondial s'effondre sous le poids du réalisme économique. Copenhague symbolise alors la collision entre deux temporalités. Celle de la finance, rapide, immédiate, et celle du climat, lente, planétaire. Quelques années plus tard, à Paris en 2015, le monde connaît un moment d'unité rare. Les fractures de la crise ont laissé place à une volonté de réconciliation, de construction commune. C'est aussi une époque marquée par des mobilisations citoyennes sans précédent. La jeunesse descend dans la rue, les ONG multiplient les campagnes. Le mot « espérance » semble redevenir possible. Et c'est dans cette atmosphère de coopération retrouvée que naît l'accord de Paris. Un moment suspendu, presque symbolique, celui où la planète entière, l'espace d'un instant, se met d'accord sur un même horizon, limiter le réchauffement à 1,5°C. À Glasgow, en 2021, l'ambiance n'est plus la même. La pandémie vient de bouleverser le monde, les confinements, les frontières fermées, la peur du lendemain ont laissé une empreinte profonde. La COP26 se tient alors dans une atmosphère de vulnérabilité partagée. Chacun a pris conscience à quel point nos sociétés sont interconnectées mais aussi fragiles. Et cette prise de conscience traduit dans les discussions. Parler du climat, c'est aussi parler de résilience, de solidarité, de préparation aux crises futures. Pour la première fois, les mots santé, sécurité et environnement résonnent ensemble dans les couloirs des négociations. Et aujourd'hui, la COP30 s'ouvre dans un contexte bien différent. Un monde plus fragmenté, plus polarisé. Les guerres sont revenues sur le sol européen, avec l'invasion de l'Ukraine. Les tensions autour de Taïwan rappellent la fragilité de l'ordre international. Les fractures pays développés, pays émergents ou... pauvres, elles se creusent. Certains pays demandent réparation, d'autres exigent des engagements concrets, pendant que d'autres encore redoutent pour leur sécurité énergétique. Les crises alimentaires, migratoires et énergétiques se multiplient et pèsent lourdement sur les discussions. Mais ces crises ne font pas que fragiliser les négociations, elles rappellent aussi une chose essentielle, que la question climatique n'est pas un sujet à part. Elle touche à tout, à la sécurité, à la justice, à l'économie, à la paix. COP est une tentative souvent fragile de relier ces fils ensemble, de se rappeler que la stabilité du climat, au fond, est la condition même de la stabilité du monde. Mais aujourd'hui, tout le monde ne croit plus vraiment à ce processus. L'aura des COP s'est érodée lentement au fil des années. Ce qui était autrefois perçu comme le grand rendez-vous de l'humanité face à elle-même est devenu pour beaucoup un rituel épuisé, trop lent, trop politique, trop symbolique. Chaque année, les chiffres rappellent la même réalité. Les émissions mondiales continuent d'augmenter, les engagements pris à Paris ne suffisent pas. Et pendant que les promesses s'accumulent, les catastrophes s'enchaînent. Canicule, sécheresse, incendie, inondation. Sur le terrain, les populations voient déjà les effets concrets d'un dérèglement que les négociations, elles, peinent encore à rondiguer. Les ONG, les scientifiques, les jeunes générations répètent inlassablement le même message. Le temps du diagnostic est passé, celui de l'action tarde à venir. Et beaucoup pointent du doigt un double discours. Tandis que les États promettent des transitions vertes, les grandes puissances continuent à financer massivement les énergies fossiles. à subventionner le gaz et le charbon au nom de la sécurité énergétique. Pour les pays les moins développés, c'est une double injustice. Ils sont les moins responsables historiquement des émissions, mais les premiers à subir leurs conséquences. Cyclones plus violents, sécheresses prolongées, pertes agricoles, migrations forcées. Et trop souvent, leur voix pèse peu face aux intérêts des plus riches. Chaque année, les délégations du Pacifique ou d'Afrique rappellent que leur territoire disparaît, cependant que d'autres discutent encore de virgule dans un texte. Les coops sont aussi accusés d'être devenus des vitrines, des salons géants où se croisent dirigeants, industriels, lobbyistes et ONG, sous des slogans promettant l'innovation et la durabilité. Dans les halls, les stands d'entreprise rivalisent de technologies vertes, pendant que dans les salles de négociation, les désaccords s'éternisent. C'est cette dissonance qui alimente le scepticisme, celle du monde qui parle de transformation, tout en continuant à entretenir les causes du problème. L'exemple le plus frappant sans doute a été la COP 28 à Dubaï, présidée par le dirigeant d'une grande entreprise pétrolière, un symbole saisissant, presque provocateur pour beaucoup de militants, mais aussi le reflet d'un paradoxe profond. Le climat est un enjeu universel et il implique tout le monde, même ceux qui, historiquement, en sont les principaux responsables. Comment construire une transition juste si ceux-là même qui ont bâti le problème refusent d'en être exclus ? Et pourtant ces critiques ne sont pas qu'une expression de colère, elles sont aussi le signe d'une exigence démocratique, la preuve que la société civile, les jeunes, les chercheurs refusent de laisser ces conférences se vider de leur sens. Elles rappellent que la légitimité des copes dépend de leur capacité à évoluer, à entendre la rue autant que les chefs d'état, à ne pas devenir un rituel diplomatique mais à rester ce qu'elles ont toujours voulu être, un espace où l'humanité cherche encore malgré tout à travailler ensemble. Et c'est peut-être pour cela que la COP 30, à Belém, au Brésil, est si attendue. Parce qu'elle ne sera pas une COP comme les autres. Elle ne se tiendra pas dans une grande capitale, ni dans un centre de congrès ultra-moderne. Mais au cœur de l'Amazonie, cette région mythique qui résume à elle seule toutes les contradictions du climat. L'Amazonie, c'est le poumon vert de la planète, un écosystème gigantesque qui absorbe des milliards de tonnes de CO2 chaque année, qui régule les cycles de l'eau, influence les courants atmosphériques et abrite une biodiversité unique et remplaçable. Mais c'est aussi un territoire blessé et ravagé par la déforestation, miné par les feux, les trafics, les inégalités sociales, les conflits fonciers. C'est un lieu où se rencontrent parfois brutalement les intérêts économiques mondiaux et la survie des communautés locales. En organisant la COP au cœur de cette forêt, le Brésil envoie un message fort. Le climat ne se négocie pas dans les bureaux, mais là où il se joue, sur le terrain, au contact du vivant. Belém, c'est aussi une COP symbolique. Elle marque le dixième anniversaire de l'accord de Paris. 10 ans depuis ce moment d'unité rare où 195 pays avaient promis de contenir le réchauffement sous les 2°C. Depuis, les mots sont restés mais les actes peinent à suivre. Et cette fois, impossible d'esquiver le bilan. Où en sommes-nous ? Avons-nous tenu nos promesses ? Les politiques mises en place sont-elles à la hauteur des engagements de 2015 ? Et surtout, que reste-t-il de notre ambition collective ? Belem pourrait être une COP de vérité, celle où les États devront remettre leurs cartes sur table. Réviser leurs contributions nationales, renforcer leurs plans de transition. et affronter une question simple mais cruciale. Sommes-nous encore capables de respecter la limite de 1,5°C ? Non pas comme un symbole, mais comme une ligne de vie. Car au-delà de ce seuil, ce ne sont plus seulement les écosystèmes qui vacillent, ce sont nos sociétés, nos économies, nos équilibres humains. Mais cette COP aura aussi une autre portée, celle de la justice climatique. Le Brésil, redevenu un acteur majeur de la diplomatie environnementale, veut en faire une tribune pour l'Amérique du Sud. Pour les forêts tropicales, pour les peuples autochtones, pour toutes celles et ceux qui, depuis des générations, vivent au plus près de la nature et subissent déjà les bouleversements du climat. Ces voix longtemps marginalisées réclament d'être enfin entendues. Elles rappellent que la lutte contre le réchauffement ne se résume pas à des chiffres, mais qu'elle touche à des vies, à des territoires, à des cultures. Que défendre le climat, c'est aussi défendre la dignité, la mémoire et la souveraineté de ceux qui habitent les zones les plus vulnérables du monde. Alors Bélème... sera peut-être une copte décisive, non pas seulement pour ce qu'elle décidera, mais pour ce qu'elle représentera. La possibilité encore d'un sursaut collectif, un moment où la politique retrouve du sens, où la science et la société civile se rejoignent. 30 COP, 30 ans de discussion, de compromis, d'avancée, mais aussi de désillusion. Et pourtant, malgré les critiques, malgré la lenteur, les COP demeurent un espace unique. Le seul où la planète tente encore collectivement de parler d'avenir. Alors oui, cette COP30 ne sauvera sans doute pas le monde. Mais elle nous rappelle que le changement climatique n'est pas seulement une question de degrés Celsius, c'est une question de solidarité, de justice et de courage politique. Et c'est peut-être là, dans cette lente diplomatie du climat, que se joue encore une part de notre humanité. A bientôt, pour tirer ensemble un nouveau fil. Si ce podcast vous parle et que vous voulez le soutenir, vous pouvez le faire sur Ko-fi. Le lien est dans la description. Merci.