- Speaker #0
Le droit et la santé mentale, ça peut sembler un drôle de mélange, mais comme l'avocat sur le toast, ça match. Bienvenue dans Avocat de toast, le podcast qui aborde le droit sous un autre angle. Bonjour à tous, pour cet épisode, je reçois Maître Anissa Domi. Bonjour Maître.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #0
On va parler ensemble d'un sujet très important, celui de la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux. Pour commencer, est-ce que tu peux nous expliquer comment la loi française, elle aborde cette question ?
- Speaker #1
Oui, alors la loi, elle aborde cette question avec l'article 122-1 du Code pénal, qui prévoit deux cas. Elle prévoit l'abolition du discernement et l'altération du discernement. La loi vient nous dire que n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement. La loi prévoit également que la personne qui était atteinte au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes, en revanche, demeure punissable.
- Speaker #0
Est-ce que tu peux nous expliquer concrètement, en droit français, quelle est la différence entre l'altération et l'abolition du discernement ? Oui,
- Speaker #1
alors, l'abolition va s'appliquer quand la personne n'avait plus de discernement au moment des faits, quand son discernement a été entièrement aboli. Et la loi considère qu'on ne peut pas condamner une personne, qu'on ne peut pas juger une personne en raison de son trouble. L'altération du discernement, on considère que le trouble a pu avoir une influence dans la commission des faits, mais que la personne reste capable de discernement et capable de comprendre notamment la sanction que la juridiction va lui infliger.
- Speaker #0
Merci maître, c'est très clair. J'aimerais maintenant qu'on revienne sur l'affaire Halimi, une affaire qui a fait beaucoup de bruit.
- Speaker #1
Les faits de l'affaire Halimi sont les suivants.
- Speaker #0
En 2017 à Paris, Sarah Halimi, une femme juive, est tuée par son voisin. Les experts psychiatres vont estimer qu'au moment des faits, il avait totalement perdu son discernement à cause d'une consommation de cannabis. Résultat. Il a été déclaré pénalement irresponsable et n'a pas été condamné. Et c'est cela qui a choqué une grande partie de l'opinion publique. Donc suite à cette affaire Halimi, il y a eu une évolution législative avec l'entrée en vigueur de la loi du 24 janvier 2022. Est-ce que tu peux nous rappeler un peu les faits de cette affaire et nous dire quels ont été les changements qui ont été apportés par cette loi ?
- Speaker #1
C'est une affaire qui a fait du bruit entre guillemets dans l'opinion publique. On en a beaucoup parlé parce que... Il y avait la question de savoir si c'était un crime de nature antisémite et la question également était de savoir si cette personne-là était accessible à une sanction pénale compte tenu de son trouble psychiatrique. La question qui a été posée, c'était également de savoir si elle pouvait... Être accessible à une sanction pénale dès lors qu'elle avait consommé des substances dans un temps voisin de l'action. Dans cette affaire, l'auteur des faits a été déclaré irresponsable pénalement. Son discernement a été aboli à ce moment-là et il y a beaucoup d'experts qui se sont prononcés sur ce point. Donc il n'a pas pu être jugé. Il a été hospitalisé pour qu'il puisse recevoir des soins. En revanche, il y a une commission parlementaire qui a été créée pour émettre des propositions et pour changer la loi sur ce sujet. Et donc la loi a été changée, il y a deux articles qui ont été insérés, à savoir l'article 122-1-1 et l'article 122-1-2 du Code pénal. qui prévoit désormais que l'abolition et l'altération du discernement peuvent être écartées si la personne, au moment des faits, a consommé des substances et que cette consommation était volontaire et que cette consommation a été effectuée dans le but de commettre une infraction.
- Speaker #0
Donc en fait, la loi, elle a été modifiée, notamment suite à cette affaire, parce que ce qui avait choqué dans l'opinion publique, c'est que l'auteur des faits n'a finalement pas été jugé.
- Speaker #1
Tout à fait. Il avait dit à ce moment-là à la Ouagbar, par exemple, au moment de son crime, bon, c'est la violence, c'est effectivement du crime, c'est un crime qui est violent. Et malheureusement, dans les médias, systématiquement, quand on parle des personnes atteintes de schizophrénie, c'est pour parler de ces drames, de ces crimes. on ne parle pas suffisamment de leur souffrance, de leur vulnérabilité. C'est des personnes qu'on associe à des meurtriers, à des personnes dangereuses, alors qu'elles sont d'abord dangereuses pour elles-mêmes. Et il faut dire à quel point l'opinion publique peut influer sur ces questions-là, sur ces sujets-là, et qu'il ne faut pas oublier la vulnérabilité de ces personnes-là. D'accord, oui.
- Speaker #0
C'était une personne qui avait besoin de soins, en fait. avant tout. Pour revenir donc du coup sur la loi du 24 janvier 2022, sur ce que vous nous avez dit, si je résume bien, désormais, si une personne prend volontairement un produit psychoactif, comme de la drogue ou de l'alcool, et que cela trompe son discernement, elle ne peut plus être considérée comme irresponsable. Mais il faudra prouver qu'elle a pris ces substances dans le dessein de commettre un crime ou un délit. Mais moi, ce que je me demande, c'est comment on peut prouver cet élément intentionnel, cette préméditation en quelque sorte, alors même qu'au moment des faits, la personne n'avait pas tout son discernement.
- Speaker #1
Donc effectivement, c'est difficile à établir. Ça va se faire par le biais d'analyses toxicologiques. On va pouvoir voir la date de consommation des toxiques. Et après, pour établir que la personne a consommé dans le but de commettre une infraction, j'imagine que c'est sur la base des déclarations de l'auteur des faits. Et la comparaison entre les traitements habituels de la personne et les substances qui ne font pas partie de ces traitements.
- Speaker #0
On va parler maintenant un peu des conséquences juridiques de l'affectation du discernement. Donc si une personne a commis une infraction pénale mais que son discernement était altéré, c'est-à-dire diminué, qu'est-ce que ça change concrètement pour la peine qui sera prononcée par le juge ?
- Speaker #1
En cas d'altération du discernement, effectivement la peine va être réduite. Donc en matière correctionnelle, elle est réduite au tiers. Et en matière criminelle, la détention criminelle ou la réclusion criminelle va être réduite à 30 ans. Mais le tribunal... où la juridiction compétente peut tout à fait écarter cette atténuation de responsabilité en motivant son jugement. Mais en tout état de cause, le tribunal doit tenir compte de l'état de santé de la personne pour individualiser cette peine en fonction de cet état de santé.
- Speaker #0
Inversement, si l'abolition du discernement est retenue, donc si le juge estime que la personne, au moment des faits, n'était pas du tout dotée, De son discernement, elle sera déclarée irresponsable pénalement. Quelles sont alors les mesures qui peuvent être prises à son encontre ?
- Speaker #1
Alors, irresponsabilité pénale, ça ne veut pas dire impunité. Et ce n'est pas parce qu'une personne n'est pas en mesure d'être jugée qu'elle va être libre. Donc, si on est au stade de la garde à vue et qu'un expert se prononce sur une irresponsabilité pénale, le préfet... peut prendre une décision d'hospitalisation d'office pour que la personne puisse recevoir des soins. C'est pareil quand un tribunal déclare une personne irresponsable pénalement. Le tribunal peut ordonner l'hospitalisation de la personne pour qu'elle puisse recevoir des soins. Donc c'est important vraiment de comprendre que irresponsabilité pénale ne veut pas dire impunité. C'est juste un choix de société parce qu'on ne peut pas attendre une personne qui ne comprend pas, qui n'a pas son discernement, qui n'a pas pu recevoir des soins, qui n'est pas en capacité d'accepter son trouble, qu'elle puisse être jugée comme toute personne lambda.
- Speaker #0
Et concrètement, est-ce que c'est le cas la majorité du temps, si une personne est déclarée irresponsable pénalement, est-ce qu'elle a une obligation de soins ou est-ce qu'elle est internée ?
- Speaker #1
C'est une faculté pour le tribunal de décider de cette hospitalisation. Après, effectivement, dans la plupart des cas, c'est décidé parce que Merci. généralement si la personne n'est pas en capacité d'être jugée et pour autant qu'elle a commis des faits d'une certaine gravité, qu'elle a besoin de recevoir des soins.
- Speaker #0
Et si un prévenu ou un accusé est reconnu irresponsable pénalement, est-ce qu'il peut quand même être tenu responsable civilement pour les dommages qui ont été causés ?
- Speaker #1
Tout à fait. La personne qui est déclarée responsable pénalement reste responsable civilement des dommages à intérêt dû aux victimes. Ce serait assez incompréhensible, je pense, de faire l'inverse, puisque sinon ça reposerait sur la solidarité nationale. Donc, effectivement, il reste responsable civil.
- Speaker #0
Et un dernier cas de figure, si la personne qui est poursuivie n'a pas ses facultés mentales au moment du procès, est-ce qu'elle peut être jugée ?
- Speaker #1
Eh bien, ça c'est l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et du citoyen. Toute personne qui est jugée doit pouvoir comprendre ce qui se passe, à pouvoir... assurer sa défense, être en mesure de préparer sa défense et si la personne au moment des faits n'était pas atteinte d'un trouble mais qu'elle est atteinte d'un trouble au moment du procès, elle peut ne pas être dans l'état d'être jugée et c'est pour ça que En principe, le tribunal se doit dans ce cas de renvoyer l'affaire à une date ultérieure et de sursoir à statuer jusqu'à ce que la personne puisse être dans un état qui lui permette de bénéficier du droit à un procès équitable et d'être jugée équitablement. Il faudrait que le législateur puisse prévoir le cas où cette impossibilité temporaire d'être jugé devient définitive à ce moment-là. Qu'est-ce qui se passe ? Et la loi à ce sujet est silencieuse. Et il faudrait qu'on puisse se dire qu'à un moment, si la personne n'est toujours pas dans l'état psychique d'être jugée, eh bien que l'action publique puisse être éteinte par cette impossibilité constatée par un expert.
- Speaker #0
Mais ça, ce serait peut-être difficile à entendre pour les victimes, j'imagine.
- Speaker #1
Alors, la victime, elle conserve la possibilité d'agir avec la voix civile. Donc ça n'impacterait pas les victimes. qui pourrait agir selon la voie civile. Je pense que ce qui serait important d'écrire dans la loi, c'est que la personne n'est pas relaxée. Il ne s'agit pas de dire que les faits ne lui sont pas imputables ou que les faits n'ont pas existé, mais il s'agirait de dire que le procès ne peut pas avoir lieu avec une personne qui ne sera pas en mesure de faire des déclarations permettant d'aboutir à la manifestation de la vérité. Sachant qu'une personne qui est condamnée, a aussi le droit d'exercer des voies de recours. Mais si la personne n'est pas en mesure de comprendre le procès et ensuite de comprendre sa peine, même si elle est assistée par un avocat, ça n'a pas de sens de la juger.
- Speaker #0
On va parler maintenant de l'expertise judiciaire. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que c'est ? Qui est-ce qui la demande et à quel stade de la procédure pénale ?
- Speaker #1
Oui, alors l'expertise, elle vient venir éclairer les avocats, les membres du tribunal. sur l'accessibilité de la personne à la sanction pénale et l'influence éventuelle de ces troubles sur la commission des faits. Donc à différents stades de la procédure, l'expertise psychiatrique va pouvoir être sollicitée. Tout d'abord en garde à vue. En garde à vue, elle va pouvoir être sollicitée par l'avocat de la personne, par son curateur ou son tuteur, par le procureur. Et la personne gardée à vue peut solliciter un examen médical qui peut... peut aboutir à un examen psychiatrique si ce premier examen médical établit un sujet sur la psychiatrie. Ensuite, dans le cadre de l'instruction, si une instruction est ouverte, le juge d'instruction ou l'avocat de la personne peut également solliciter cette expertise psychiatrique. Au stade du jugement, la juridiction de jugement, le procureur et l'avocat de la personne peuvent solliciter cette expertise psychiatrique ou alors une... contre-expertise. Donc voilà, à beaucoup de stades de la procédure, c'est possible, même pour une personne détenue après condamnation. Une expertise psychiatrique peut également être sollicitée dans le cadre d'une demande d'aménagement de peine ou alors dans le cadre d'une demande de suspension de peine si l'état psychique est incompatible avec la détention.
- Speaker #0
D'accord. Et pour quels faits cette expertise psychiatrique, elle est obligatoire ?
- Speaker #1
Alors, l'expertise judiciaire, elle est obligatoire en matière criminelle, elle est obligatoire pour certains faits de nature sexuelle, elle est obligatoire pour les mineurs, pour les crimes et pour certains délits graves.
- Speaker #0
Dans quelle mesure cette expertise psychiatrique, elle est importante dans le procès et notamment dans la décision des juges ?
- Speaker #1
Alors, on est professionnel du droit, on n'est pas médecin, on n'a pas pu faire et la faculté de droit et la faculté de médecine malheureusement. Donc évidemment, on a besoin de l'avis de ces experts pour savoir quelle pathologie la personne a. C'est très important parce que toutes les personnes atteintes de troubles ne vont pas forcément verbaliser leurs troubles. Soit parce qu'elles n'ont pas accepté leurs troubles. trouble, soit parce qu'on n'a pas accès à la famille, par exemple, de la personne et que c'est des éléments qu'on a. Ces expertises sont importantes pour savoir ce dont la personne est atteinte et est-ce que la personne est en état d'être jugée ? Est-ce qu'elle est accessible à la sanction pénale ?
- Speaker #0
Est-ce que le juge est tenu de prendre en compte les expertises réalisées ?
- Speaker #1
Oui, effectivement, le juge est tenu de prendre en compte ces expertises. C'est notamment un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation du 15 mars 2023.
- Speaker #0
En cas d'expertise psychiatrique contradictoire, comment est-ce que les juges vont arbitrer ces situations ?
- Speaker #1
Alors, quand il y a deux experts qui ne sont pas d'accord, Dans ce cas, le juge nommera un autre expert qui va venir trancher. entre deux expertises contradictoires. Et vous,
- Speaker #0
à titre personnel, est-ce que vous avez déjà été en désaccord avec une expertise ? Par exemple, un expert qui estime que la personne n'est pas dangereuse, alors que vous, vous estimez l'inverse ?
- Speaker #1
Alors, sur la dangerosité, juste une précision. Souvent, les personnes atteintes de troubles psychiques ou psychiatriques sont dangereuses pour elles-mêmes. Et après, est-ce que j'ai déjà été en désaccord ? Alors... Les expertises qui sont réalisées en garde à vue, c'est un vrai sujet parce que les experts interviennent comme l'avocat dans la précipitation ou dans l'urgence. Donc ces expertises-là, elles sont souvent lacunaires et insuffisantes. Déjà, on ne sait pas combien de temps l'expert a vu la personne en garde à vue. Ensuite, l'expert n'a pas accès au dossier médical, donc il va passer à côté.
- Speaker #0
Et pourquoi est-ce qu'il n'y a pas accès ? Il ne peut pas le demander ?
- Speaker #1
Alors, je pense que c'est le temps de la garde à vue qui ne permet pas l'accès aux dossiers médicaux. Il y a certains dossiers médicaux qui ne sont pas dématérialisés. Même si en principe, le dossier suit la personne, ce n'est pas forcément toujours le cas. Donc, c'est une problématique pour ces expertises en garde à vue. C'est pour ça que je pense qu'en tant qu'avocat, on ne doit pas renoncer devant le tribunal correctionnel, devant la juridiction de jugement. à solliciter de nouvelles expertises psychiatriques, même si l'expert en garde à vue s'est prononcé sur une altération du discernement ou s'est prononcé sur l'absence d'atténuation de la responsabilité pénale. Donc voilà, je dirais que les expertises en garde à vue sont insuffisantes pour se prononcer.
- Speaker #0
D'accord, donc à titre personnel, même par exemple pour votre client, vous n'avez jamais été en désaccord ? Parce que ça peut aller dans le sens de sa défense, mais vous, vous n'êtes pas Dans le fond, à titre personnel, pas en qualité d'avocat, bien sûr.
- Speaker #1
C'est difficile parce que je ne suis pas médecin. Donc, j'essaye de faire confiance, moi, aux professionnels, aux médecins et aux psychiatres. Mais là, je n'ai pas forcément d'idée en tête parce que quand je ne suis pas d'accord, je le fais savoir et je demande une contre-expertise.
- Speaker #0
Ok, très bien. Et justement, est-ce qu'une contre-expertise peut être refusée ?
- Speaker #1
Alors, la... contre-expertise, elle peut être refusée, oui. En revanche, lorsque l'expertise conclue à l'irresponsabilité pénale, alors la contre-expertise est de droit. Et dans ce cas-là, elle est menée par deux experts.
- Speaker #0
J'aimerais désormais qu'on parle des différentes condamnations de la France en raison des conditions de détention indignes dans les prisons. Des rapports dénoncent l'état des prisons françaises. On a découvert une prison qui n'échappe à l'image qu'on s'en fait. Voix d'Arcy. A eu beau servir de décor pour une série de noms, c'est aussi une prison vieillissante, voire vétérine. En France, les conditions de détention sont loin d'être parfaites. Surpopulation carcérale, promiscuité, manque d'hygiène, insalubrité, non-respect de la dignité humaine, autant de raisons qui font que la Cour européenne des droits de l'homme a plusieurs fois condamné la France. Et la Cour l'a notamment déjà condamnée spécifiquement en raison des conditions de détention des personnes qui souffrent de troubles mentaux. A cet égard, on peut citer notamment une décision de la Cour européenne des droits de l'homme Rendu en 2012, G contre France. En l'espèce, le requérant était atteint de schizophrénie et se plaignait que les conditions de son maintien en détention sur une période assez longue constituaient un manquement à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme qui interdit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, ce que la Cour a retenu. En réalité, la Cour européenne des droits de l'homme n'interdit pas l'emprisonnement des personnes qui souffrent de troubles mentaux, mais elle impose que des soins médicaux appropriés doivent être apportés aux personnes qui en ont besoin. Quelles sont en fait les obligations des États s'agissant de la prise en charge de ces détenus qui souffrent de troubles mentaux ?
- Speaker #1
Alors, les États ont l'obligation de permettre à ces détenus d'accéder à leur traitement, d'accéder aux soins, d'accéder aux consultations avec un psychiatre, avec des psychologues. Leur dignité également doit être respectée. Malheureusement, on se rend compte que ce n'est pas toujours le cas. Les moyens ne sont pas suffisants en détention. que la détention en elle-même n'est pas adaptée au profil psychique, psychiatrique de ces personnes-là. Il y a des personnes aussi qui rentrent en détention sans avoir de troubles et qui en ressortent avec des troubles. Donc c'est qu'à l'heure actuelle, on a beaucoup de choses à faire pour prévoir une vraie prise en charge médicale. dans les lieux de détention, en matière psychiatrique, en matière d'addictologie, dans tous les domaines du droit. Mais en fait, comme dans la société, la psychiatrie, c'est la petite sœur pauvre de la médecine, en détention, c'est encore exacerbé. Et ça se retrouve dans ce milieu fermé.
- Speaker #0
Justement, en France, il y a environ deux tiers des détenus qui souffriraient de troubles mentaux en prison. Alors, vous avez déjà un peu répondu, mais... Selon vous, est-ce que le système judiciaire et carcéral français dans leur ensemble sont suffisamment adaptés aux personnes qui souffrent de troubles mentaux ? Et sinon, qu'est-ce qui pourrait être amélioré en fait ?
- Speaker #1
Non, ce n'est pas adapté. Oui. Je vais vous donner un exemple. Une personne, par exemple, qui compare en comparution immédiate. Donc dans l'urgence, qui est déférée et qui est prête à être jugée. S'il y a un sujet sur la psychiatrie... Son avocat sollicitera à ce moment-là une expertise psychiatrique. Mais si la personne n'a pas de garantie de représentation, la question qui va se poser c'est de savoir... Est-ce que cette personne va être placée en détention provisoire dans le temps de la réalisation de l'expertise psychiatrique ? Mais comment on peut accepter qu'une personne soit placée en détention provisoire quand il existe un doute sur son état de santé psychique ou psychiatrique ? C'est contradictoire. Donc bon, déjà ça c'est une situation.
- Speaker #0
Mais du coup dans cette situation, qu'est-ce qu'on pourrait faire à la place ?
- Speaker #1
Je pense qu'on pourrait prévoir un dispositif d'attente pour éviter l'incarcération, peut-être hospitaliser la personne dans l'attente, qu'elle puisse recevoir des soins avant qu'elle puisse ensuite comparaître dans le cadre d'un jugement. Et soit ensuite l'expert se prononcera sur une abolition ou une altération, soit indiquera qu'il n'y a pas de sujet. Et dans ce cas-là, on aura évité peut-être une aggravation des troubles. Donc je pense encore une fois qu'il y a un espace pour légiférer sur ce point et prévoir un espace d'attente. Mais on revient à la question des moyens. Et en réalité, il y a peu de place dans les hôpitaux psychiatriques, il y a peu de lits. Et donc ça ne m'étonne pas qu'en réalité, cette question n'ait pas encore parvenu dans la loi.
- Speaker #0
Très bien, donc beaucoup d'améliorations à prévoir.
- Speaker #1
Alors, je pense aussi, par exemple, en garde à vue, que les officiers de police judiciaire, les agents de police judiciaire ne sont pas suffisamment formés à cette question-là. Et il faudrait les former au premier soin en santé mentale pour qu'ils puissent proposer une prise en charge adaptée, non violente à l'égard de ces personnes. En garde à vue... la seule question qui est posée sur les troubles, c'est de savoir si la personne est placée sous tutelle ou sous curatel. On ne demande pas à une personne si elle est atteinte de troubles ou quel est son état de santé actuel. Et toutes les personnes atteintes de troubles ne sont pas placées sous régime de protection. Donc, il y a des personnes qui sont placées en garde à vue, qui ne bénéficient pas d'expertise psychiatrique et ce sujet passe à la traple. trappe en raison de la procédure actuelle.
- Speaker #0
Après, en garde à vue, les personnes qui sont en garde à vue ont le droit de solliciter un rendez-vous avec un médecin, non ? Ça fait partie de leur droit.
- Speaker #1
Tout à fait, mais c'est un examen médical. Général, oui. Voilà, la personne va se vivre par un médecin généraliste. Donc, ça me paraît quand même assez insuffisant. Après, ça me paraît aussi difficile d'inclure dans l'audition systématiquement la question de savoir si la personne est atteinte de troubles car il suffirait finalement de dire oui pour peut-être faire retarder la procédure donc bon je pense qu'en tout cas il faudrait que les agents soient formés à ces questions là pour que ce soit que la dignité de ces personnes soit respectée tout comme les magistrats doivent former à ces questions là et qu'on ait des magistrats ... Peut-être spécialiser sur ces questions-là un magistrat qui puisse savoir exactement ce que c'est la schizophrénie, l'autisme, le trouble borderline, ce que c'est la pérédance. Et qu'on puisse aussi adapter les peines pour ces personnes-là. Parce que, par exemple, la pérédance, ça pourrait un jour peut-être faire partie des peines.
- Speaker #0
Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu ce que c'est, justement ?
- Speaker #1
Alors la pérédance, c'est le fait d'être accompagné par une personne. qui a des troubles, mais qui est rétablie et qui va partager son expérience, son vécu avec la personne. Et ça complète en fait l'aspect médical et les traitements. Et c'est acté désormais que la paire aidance, ça a aidé beaucoup beaucoup de personnes parce qu'on est dans une relation d'égal à égal, ce qui n'est pas toujours le cas dans la relation patient. professionnel de santé. Et tout ça, si c'est intégré dans la loi, dans les peines, je pense qu'on pourrait encore plus individualiser les peines auxquelles ces personnes peuvent être condamnées.
- Speaker #0
Très bien. Puis ça pourrait que être bénéfique pour tout le monde, en fait. De façon générale. Pour terminer, tu as fondé une association sur ce sujet qui s'appelle Pénales et psychiatrie. Est-ce que tu peux nous en parler un peu, nous dire quels sont ses objectifs, ses actions principales ?
- Speaker #1
Tout à fait. Alors l'association pénale et psychiatrie, je l'ai créée en 2021. C'est une association qui a pour objet de défendre au pénal les personnes atteintes de troubles psychiques ou psychiatriques. Le but, c'est de construire des défenses adaptées à ces personnes-là, respectueuses de leurs troubles, pour que ces questions parviennent dans les tribunaux, qu'on ne renonce pas à solliciter des expertises quand il faut les solliciter. qu'on puisse aussi fournir de l'information juridique à ces personnes-là pour toutes les questions qui les concernent. On a des personnes notamment hospitalisées suite à des déclarations d'irresponsabilité pénale qui nous contactent et qu'on accompagne dans le cadre de leur hospitalisation. Le but, c'est également de former les professionnels sur ces questions de santé mentale, parce que comme je disais, on est avocat, on n'est pas professionnel de santé. Et pour autant, il y a beaucoup d'avocats, je le sais, qui sont curieux de ces questions-là, qui s'interrogent aussi quand ils voient leur client dans le box un peu agarre, qui ne comprend pas. Et voilà, je pense qu'il y a ce besoin de comprendre pour ensuite expliquer au magistrat. Et c'est aussi notre rôle en tant qu'avocat. Donc le but, c'est d'intervenir à l'aide juridictionnelle. dans tous les dossiers ou alors à titre pro bono quand ce n'est pas possible de solliciter l'aide juridictionnelle. Mais le but, c'est que la charge financière, elle ne repose plus sur les personnes ou sur leur famille. Et cette association, elle leur est dédiée pour qu'on rappelle que ce sont des personnes vulnérables, fragiles et dangereuses d'abord pour elles-mêmes.
- Speaker #0
Très bien. Donc votre association, elle s'adresse à la fois aux praticiens du droit, aux auteurs et aux victimes.
- Speaker #1
Tout à fait.
- Speaker #0
Très bien. Et j'ai une dernière petite question. Est-ce que vous auriez une œuvre, quelle qu'elle soit, en lien avec le droit et ou la santé mentale, à conseiller à ceux et celles qui nous écoutent ?
- Speaker #1
J'en ai plein.
- Speaker #0
Allez-y.
- Speaker #1
Alors, j'ai un film qui s'appelle « Qu'est-ce qu'on va faire de Jacques ? » C'est un film qui a été diffusé sur Arte et qui parle de la schizophrénie. D'accord. Et qui en parle très bien. Donc, on va suivre le parcours de Jacques. qui est atteinte de schizophrénie. Et je trouve que c'est assez fidèle à la réalité. Voilà, on suit... Enfin, ça retrace bien la fragilité et en même temps les épisodes de crise, la présence des substances toxiques dans la pathologie, la place de la famille, la place des parents, la place des frères et sœurs dans toute cette cellule familiale. Donc je trouve ça très intéressant. Et pour conseiller un livre, je pourrais conseiller le livre de Gringe, qui est un rappeur, qui a son frère atteint de schizophrénie et qui raconte aussi la relation avec son frère. Et son livre s'appelle On aboie en silence. Et c'est un très beau livre sur la fraternité. C'est un très beau livre sur deux frères.
- Speaker #0
Merci beaucoup pour ces recommandations, merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions.
- Speaker #1
Avec plaisir.
- Speaker #0
A très bientôt.
- Speaker #1
Merci à vous.