Speaker #0La vie, une grande partie de cache-cache, tout le monde compte, en même temps, chacun derrière son arbre. Les yeux pour rien, pour le silence, mais où est donc l'attente ? Évidemment, il y a ceux qui vont se cacher et que l'on ne retrouve jamais. Entrez ! Entrée, c'est la chasse à l'homme, le jeu du bal des voleurs. Le temps a revêtu son habille de prophète, rouge à gland doré comme au rideau de théâtre. Je t'aime un peu crient les insensés avec les lèvres qui remuent doucement. L'humanité entière chronomètre l'impatience. Je tuerai qui arrêtera de compter hurlant fou à la conscience tranquille. Tout le monde ment sur la beauté de son arbre, car dans le jeu les yeux sont toujours fermés. Elle m'a mordu, elle m'a mordu ! Qui ça ? Je ne sais, je n'ai jamais su. La vie. Rage éphémère. Un ange me regarde enfin après si longtemps à collaborer sagement à ce jeu stupide. Personne n'a le droit de se regarder en principe. Ces mots étaient difficiles comme adieu dans comme des pierres dont on fait les tombes Moi aussi je t'aime. Un jour, tu as arrêté de compter et tu étais beau. Et j'ai serré tes doigts dans le vide. Il y avait ton visage comme un écho dans ma tête, treize ans déjà que ton corps a quitté mon corps. Nous sommes seuls, chacun l'un dans l'autre. Un jour, je me suis mise à compter, pour faire semblant, pas davantage. Mais ils se sont aperçus que je récitais à l'envers. Tu as ri, moi aussi. Dis-moi une chose qui te ressemble. Je ne sais pas, je n'ai jamais su écrire des mots pareils à toi. Si, peut-être, deux seulement. La vie. Et j'ai beau essayer, j'ai beau me traîner dans ces mots-là, je ne les comprends pas. La vie, laver, lavoir, lavabo, lavande, lave, lavette, la vie, lave-glace, etc. Vie, vin, vice, ville. Alicia Galienne, l'autre moitié du songe m'appartient. Cette étoile merveilleuse fut bien plus que filante. Née en 1970 et décédée en 1990 d'une maladie aussi rare que terrible, Alicia, cette jeune poétesse, marathonna les dernières années de sa vie, jusqu'à ses 20 ans, avec classe. Faiblesse, je te hais de toi-même. Tu es la marque de l'insuffisance, tu es tout ce que je déteste le plus au monde. Vous l'aurez compris, seul le courage et la bravoure étaient invités à la fête. Vous avez mille fois raison si vous pensez qu'écrire me rassure. C'est l'unique soulagement et le plus subtil de tous. Qu'est-ce que la vie quand on se sait à dix minutes de la fin, alors qu'on vient à peine de débarquer ? À cette question, Alicia Galienne nous a laissé une centaine de poèmes en guise de réponse, dans L'autre moitié du songe m'appartient. Un ouvrage à dévorer. Elle nous livre avec charisme, tendresse, parfois déchirement et fracas, ses plus intimes pensées au sujet d'une mort qu'elle sait toute proche. Et pourtant, ses mots nous chuchotent une tornade de jeunesse, d'amour et donc de vie. Comète de talent, Alicia. Joyeux anniversaire.
