100 jours de Donald Trump, le président de la rupture - avec François Furstenberg cover
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C'est ça l'Amérique

100 jours de Donald Trump, le président de la rupture - avec François Furstenberg

100 jours de Donald Trump, le président de la rupture - avec François Furstenberg

24min |29/04/2025|

905

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Description

Difficile de croire que cela ne fait que cent jours que Donald Trump est de retour au pouvoir. Depuis son investiture le 20 janvier 2025, le président républicain impose un rythme soutenu en multipliant les décrets pour réformer l’État fédéral et « rendre à l’Amérique sa grandeur » (« Make America Great Again »). Chaque jour, ses opposants dénoncent une dérive autocratique et un danger pour la démocratie. Ses partisans, quant à eux, saluent ses actions visant à bouleverser le système : guerre commerciale, expulsions de sans-papiers, et coupes drastiques dans les dépenses fédérales orchestrées par Elon Musk.


Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces cent premiers jours sur la manière dont Donald Trump exercera son second mandat ? C’est l’une des questions qu’Alexis Buisson, correspondant de La Croix à New York, a posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l’université Johns Hopkins à Baltimore (Maryland). Furstenberg est l’auteur de deux ouvrages : In the Name of the Father (Éd. Penguin Books, 2006) sur le père fondateur George Washington, et When the United States Spoke French (Éd. Penguin Press, 2014), qui traite de la naissance des États-Unis à travers les yeux de cinq Français.


Dans ce premier épisode de la saison 4 du podcast "C'est ça l'Amérique", Alexis Buisson analyse la société américaine sous l'ère de Donald Trump avec l'aide d'experts francophones résidant aux États-Unis. Les invités discutent de l'impact de Trump sur la Maison Blanche et sur la politique américaine en général. Ils examinent comment ses décisions, en tant que président, ont influencé les débats sur l'immigration et l'économie. Les experts partagent leurs points de vue sur les changements significatifs apportés par l'administration Trump et comment ces changements continuent de façonner le paysage politique actuel.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Théo Boulenger. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - avril 2025.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    qui feront de l'Amérique une nouvelle fois puissante. Je vais vous dire, vous ne négociez pas comme je négocie. pour discuter des transformations de la société américaine en compagnie d'observateurs francophones.

  • Speaker #1

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Nous sommes fin avril dans la petite ville de Penn Argyle, en Pennsylvanie. Ici, c'est Trump Country, le territoire de Trump. Cette région était autrefois connue pour sa production d'ardoises, mais ses carrières ont été emportées par les crises économiques et la concurrence mondiale. Sa population est majoritairement blanche, ouvrière et en colère contre les démocrates, devenus trop woke et élitistes à son goût. J'ai voulu y faire un tour pour les 100 premiers jours de la seconde présidence Trump afin de prendre le pouls de ses partisans. J'ai fait la rencontre d'Aileen, une ex-démocrate devenue plus trumpiste que les trumpistes. Je lui ai demandé ce qu'elle pensait de l'action de Donald Trump jusqu'à présent. Je suis très content de ce qu'il fait. Vous êtes peut-être un démocrate essayant de soutirer des infos, mais je m'en fiche. J'aime bien ce qu'il fait sur la frontière, c'est le principal. L'économie, ça va prendre du temps, car elle a été détruite pendant 4 ans sous Joe Biden. Je reconnais que notre épargne retraite, qui est indexée sur la bourse, a pris un coup avec les annonces sur les droits de douane. Mais une fois que les tarifs douaniers s'installeront, et que nous serons sur un pied d'égalité avec les autres pays, ça s'arrangera. Biden ne savait pas ce qu'il faisait. Il n'était pas le président. Il y avait des personnes derrière lui qui tiraient les ficelles. Difficile de croire que cela ne fait que 100 jours que Donald Trump est de retour aux affaires tant le rythme imposé par le locataire de la Maison-Blanche est soutenu. Tous les jours, il alarme ses opposants, qui le considèrent comme un autocrate et un danger pour la démocratie. Ses soutiens quant à eux ? sont globalement contents des mesures prises pour renverser le système, la guerre commerciale, les expulsions de sans-papiers, les coupes drastiques aux dépenses fédérales sous la tronçonneuse d'Elon Musk. Quels indices nous donnent ces 100 premiers jours sur la manière dont il exercera son soutien ? second mandat, c'est l'une des questions que j'ai posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l'université Johns Hopkins à Baltimore. Il est l'auteur de deux livres, l'un sur le père fondateur, George Washington, et l'autre sur la naissance des Etats-Unis, raconté à travers cinq Français qui en ont été les témoins.

  • Speaker #2

    Bonjour François Furstenberg.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à Johns Hopkins University à Baltimore.

  • Speaker #0

    Alors bien sûr,

  • Speaker #2

    100 jours, ce n'est pas beaucoup à l'échelle d'une présidence aux États-Unis.

  • Speaker #0

    Mais selon vous,

  • Speaker #2

    qu'est-ce que ces trois premiers mois de Donald Trump au pouvoir donnent à voir sur le reste de sa présidence ? Et sur ce à quoi peut ressembler le reste de sa présidence ?

  • Speaker #1

    On voit très clairement, je pense, dans les 100 jours de Donald Trump, une très grande ambition. Une ambition de... Sur l'échelle nationale, une ambition de défaire beaucoup de choses qui ont été construites depuis au moins la présidence de Franklin Roosevelt. D'ailleurs, une présidence d'où vient cette idée de 100 jours ? C'était le premier président à avoir présenté une idée de « il faut accomplir quelque chose dans les 100 jours » . Donald Trump et son mouvement MAGA, un retour vers un passé imaginé, un passé antérieur, sont en train de tenter vraiment de défaire beaucoup de choses d'accomplissement de l'État central, de l'État fédéral. Sur l'échelle internationale, on voit aussi une ambition, je pense très importante, de défaire le monde, l'ordre mondial qui a été construit depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce fameux siècle américain. Que ce soit les échanges internationaux sur le système économique mondial ou le système de gouvernance mondiale à travers l'ONU, à travers les alliances internationales dans lesquelles les États-Unis étaient imprégnés. Une tentative vraiment de défaire cet ordre mondial qui existe depuis presque 80, 90 ans maintenant.

  • Speaker #2

    Je me demande aussi, en regardant ce qu'il a accompli pendant ses 100 premiers jours, il y a quand même... un certain nombre d'erreurs ou de rétropédalages, comme on peut le voir sur les droits de douane aujourd'hui, où il souffle un peu le chaud et le froid vis-à-vis de la Chine, ou même chose sur certains décrets. Est-ce qu'il est vraiment mieux rodé qu'en 2017, ou est-ce que ce n'est pas un peu une illusion ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si Donald Trump a vraiment changé. Il est impossible de rentrer dans la tête de Donald Trump, évidemment. Ce que je pense, la grande différence, c'est son entourage. C'est-à-dire... En 2016-2017, c'était des gens qui connaissaient la politique, qui connaissaient comment fonctionne le système politique et qui suivaient plus ou moins les règles de la politique et de la loi. Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le même profil dans son entourage. Et donc, Donald Trump, qui est toujours quelqu'un, je crois, impulsif, qui a des idées qui ne sont pas forcément attachées à la réalité, comme une idée que les tarifs vont établir une nage d'or. c'est pas très attaché à la réalité d'aujourd'hui, l'idée qu'on peut... Il retournait dans une période imaginée, d'ailleurs, parce que ce n'était pas du tout le cas, mais une période où il imagine que sous la présidence de McKinley, où les tarifs apportaient la richesse nationale.

  • Speaker #2

    C'est le président au début du XXe siècle qui a vraiment érigé les droits de douane en mode de gouvernance.

  • Speaker #1

    Oui, c'est curieux pour un historien parce que McKinley n'est pas considéré comme un grand président. Pourtant, ça vient de quelque part, je ne sais pas où, cette vénération, au moins en ce moment, pour l'administration de McKinley. Donc, Donald Trump, ce système de tarifs qu'il veut imposer, qui va à l'encontre de tous les accords de l'échange mondial qui ont été établis depuis des décennies maintenant, cette idée n'est pas très attachée à la réalité d'aujourd'hui. Alors, lorsqu'il n'y a personne pour restreindre les impulsions, ses rêves, ses fantaisies de Donald Trump, il peut les avancer, mais il rencontre la réalité qui est que Si on met effectivement des tarifs de 150, je ne sais pas où on est en ce moment, 150% disons sur les... sur les importations de la Chine, on va avoir des problèmes. Il y aura des pénuries assez extraordinaires dans les grandes surfaces à travers les États-Unis. Donc, il doit reculer. Il n'a pas le choix sauf de reculer. Ce qui est impressionnant pour moi, c'est à quel point ils vont de l'avant sans trop réfléchir, sans trop de stratégie. On dirait vraiment que c'est des impulsions qui gèrent tout en ce moment, j'ai l'impression. Et peut-être qu'il y a quelque part un désir pour le chaos. D'ailleurs, je le crois de plus en plus qu'il y a un désir. pour le chaos, un désir pour la destruction, un désir pour... Il y a une sorte d'impulsion nihiliste, je crois.

  • Speaker #2

    Quel avantage il y trouve à ce chaos, justement ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pour moi, ce sont des révolutionnaires dans le mode de la révolution culturelle en Chine, des gens qui vont défaire, qui vont déconstruire, qui vont démonter. Je ne sais pas s'ils ont véritablement une idée de ce qui pourrait remplacer. S'il y a une idée, ce sont plus des rêves ou des fantaisies. Je ne vois pas trop de réflexion stratégique dans les actions en ce moment.

  • Speaker #0

    Avant d'aller plus loin, faisons un point sur un aspect important de ces 100 jours, la bataille entre le gouvernement Trump et les juges fédéraux qui sont chargés de veiller à la constitutionnalité des actes de l'administration. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a signé plus de 200... sans décret sur des sujets divers, l'interdiction des politiques d'inclusion et de diversité au sein de l'État, l'établissement du département de l'efficacité gouvernementale d'Elon Musk, la sortie des accords de Paris ou encore le changement de nom du Golfe du Mexique en 2020. en golfe de l'Amérique. Près de la moitié de ces décrets ont été bloqués ou suspendus par des juges, comme sa tentative de remise en cause du droit du sol. On en reparlera plus tard dans ce podcast. Face à ce contre-pouvoir, sans doute le plus important de ce début de mandat, Donald Trump et ses alliés, comme Elon Musk, s'emploient à questionner la légitimité des juges. En plus de se livrer à des attaques... personnel sur eux et leur famille, il les accuse d'être des militants et appelle à leur renvoi. Vendredi 25 avril, les tensions sont montées d'un cran avec l'arrestation par le FBI d'une juge du Wisconsin accusée d'avoir entravé l'interpellation d'un immigré sans papier dans son tribunal.

  • Speaker #2

    Vous parlez de McKinley, je voulais parler d'un autre président que vous connaissez bien, George Washington, sur lequel vous avez écrit premier président des États-Unis, père fondateur des États-Unis. Qu'est-ce que, à votre sens, George Washington penserait de l'exercice du pouvoir par son lointain successeur Donald Trump ?

  • Speaker #1

    J'hésite beaucoup de parler pour George Washington, mais ce que je peux dire, c'est que George Washington était évidemment le premier président des États-Unis. Et c'était aussi lui qui a présidé sur la convention qui a rédigé la Constitution américaine. Cette constitution est fameusement basée sur une division de pouvoir entre trois branches. La première, c'est le Congrès, qui doit être le plus important, le plus puissant. Et c'est le Congrès qui établit les lois, c'est le Congrès qui décide comment dépenser l'argent de la trésorerie américaine. Ensuite, il y a l'exécutif, la branche exécutive, le président. Et le président est censé mettre en place les lois établies par le Congrès. y compris les dépenses. Et finalement, il y a le système judiciaire, il y a la Cour suprême. Ce qui est très frappant et marquant de l'administration de Donald Trump, c'est sa volonté d'aller au-delà de ce système constitutionnel. Avec le parti républicain dominé par Donald Trump comme il est aujourd'hui, et d'ailleurs, le système partisan n'était pas quelque chose qu'avaient imaginé les pères fondateurs, y compris George Washington. Avec le parti républicain dominé comme il est, par Donald Trump, le Congrès ne fait pas son travail. C'est-à-dire le Congrès qui doit normalement s'occuper des dépenses, établir les règles qui seraient en mesure de restreindre un exécutif qui va au-delà de ses pouvoirs légals, constitutionnels, ne fait pas ce travail. Donc, on voit en ce moment Donald Trump qui utilise le power of the purse, comme on dit aux États-Unis, qui est réservé au Congrès.

  • Speaker #2

    Le pouvoir du portefeuille, le pouvoir de l'argent.

  • Speaker #1

    Oui, pardon, le pouvoir du portefeuille, exactement, le pouvoir de dépenser de l'argent. Donald Trump qui est en train de s'accaparer de ce pouvoir qui est, selon la Constitution, le pouvoir du Congrès. Donc, quand Donald Trump dit « je ne vais pas dépenser de l'argent » qui a été établi par le Congrès, quand il dit « on va couper les dépenses de USAID » qui ont été établies par le Congrès, quand il dit « je vais ne pas donner de l'argent aux universités » tel qui est dans les lois établies par le Congrès, ça va à l'encontre de la Constitution, très clairement. Deuxièmement, avec le système judiciaire, Donald Trump de plus en plus commence à frôler l'illégalité totale. C'est-à-dire lorsque Donald Trump ou son administration fait quelque chose qui va à l'encontre des lois du Congrès ou de la Constitution, on porte procès. Il y a des groupes qui vont porter procès, qui vont porter plainte, qui vont se plaindre devant les juges. Les juges vont dire effectivement ça va à l'encontre de la loi. Donald Trump est en train de commencer petit à petit à ignorer ses décisions judiciaires. Et on voit ça le plus clairement, je pense, en ce moment, avec des décisions sur l'immigration. Donald Trump s'appuie sur une loi qui date de 1798, qui dit que lorsque le pays est en guerre, on a le droit de déporter, d'expulser des étrangers. Nous ne sommes pas dans une guerre en ce moment. Et donc même la Cour suprême a dit que c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Le suprême qui est dominé par des juges conservateurs, en plus, c'est ça aussi.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est une cour suprême qui est extrêmement conservatrice, qui croit dans, je pense, dans la politique, effectivement, de Donald Trump. Mais même cette cour suprême dit qu'il y a des choses qui vont trop loin. Normalement, quand on arrête quelqu'un, ils ont le droit à ce qu'on appelle ça du process, aller devant un juge et avoir les accusations proclamées contre cette personne. Ce n'est pas ce qui se passe en ce moment. Les gens sont expulsés sans... ces droits fondamentaux sous notre constitution, notre système légal. Alors, on ne sait pas où ça va mener, tout ça. Mais pour beaucoup de personnes, nous sommes déjà dans une crise constitutionnelle très profonde. Donc, pour revenir à la question « Qu'est-ce que penserait George Washington ? » Je pense qu'on peut dire, je ne sais pas ce qu'il dirait, George Washington, mais on peut dire que Donald Trump est en train de miner, de miner le système constitutionnel que George Washington avait aidé à mettre en place.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'on est dans une situation réellement inédite dans l'histoire des États-Unis ? Parce que dans le passé, il y a eu des... Il y a des présidents qui ont essayé d'affirmer le pouvoir exécutif par rapport aux autres pouvoirs. Pendant ses 100 premiers jours, il y a l'exemple d'Andrew Jackson qui a souvent été cité comme d'un président populiste qui n'hésitait pas à aller contre les juges. Est-ce que ce qu'on vit en ce moment aux États-Unis est réellement sans précédent dans l'histoire du pays ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que oui. Je crois que c'est différent des autres présidences. Je crois que, et je vois deux différences principales, mais sans doute d'autres. Premièrement, je crois qu'il y a une volonté d'aller à l'encontre des lois, une volonté très ouverte de dire que nous n'allons pas suivre les lois du Congrès, que ce soit sur les dépenses ou sur autre chose. Et on n'est pas encore arrivé très ouvertement à l'idée qu'on va ignorer les décisions judiciaires, mais on n'est pas très loin de ça. Et donc, dans cette idée qu'on va ignorer la loi, que nous sommes la loi, que si le président le fait, c'est quelque chose de légal, je pense que c'est inédit. Il y avait Nixon qui avait tenté de dire, c'est une phrase d'ailleurs qui vient de Nixon, si le président le fait, ça ne peut pas être illégal. À l'époque, c'était vu comme une absurdité et pourtant aujourd'hui, même la Cour suprême a décidé que ça, c'est acceptable. Donc, une idée que le président est au-delà de la loi, ça, c'est différent, je crois, pour moi. Je pense qu'il n'y a pas vraiment de président avant qui aurait imaginé ça. Et deuxièmement, ce qui rend la situation d'aujourd'hui différente, par exemple, de Andrew Jackson, c'est que c'est la puissance des États-Unis et c'est surtout la puissance de l'État national, avec des outils de sécurité, des outils de surveillance et un militaire qui n'a jamais existé dans l'histoire du monde, d'une puissance extraordinaire. D'avoir tout ça sous le contrôle d'un président qui dénigre les lois, ouvertement, ça c'est un cas je pense inédit et très dangereux. C'est vrai que Donald Trump était élu et que beaucoup de choses que fait Donald Trump en ce moment ce sont des choses qu'il avait promis de faire pendant la campagne. Donc dans ce sens-là, il fait ce qu'il a promis de faire. Le problème avec cet argument il me semble c'est qu'il y a des manières de faire dans notre système démocratique, dans notre système constitutionnel. Si par exemple on veut fermer une agence comme USAID, Agence de Développement International, normalement, et si le président veut le faire, normalement, il irait au congrès. Il dirait, un congrès qui est également élu par le peuple, ce n'est pas juste le président qui est élu par le peuple. Il irait au congrès, d'ailleurs, qui est majoritairement républicain. Il dirait, je veux fermer USAID, établissons une loi pour fermer USAID. C'est comme ça que ça fonctionnerait sous notre système constitutionnel. Pourtant, ce n'est pas comme ça qu'il a fait. Il l'a fermé unilatéralement. Même les juges ont dit que c'est illégal. Pourtant, il le fait. Donc, c'est dans ce sens-là qu'il y a un problème, il me semble. Ce n'est pas que Donald Trump veut faire ce qu'il a promis de faire, c'est qu'il le fait de manière qui va à l'encontre de la Constitution et à l'encontre des lois. Et je pourrais donner maintes exemples de ça. Et on le voit, on vient de parler des déportations, des expulsions. Ça aussi, c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Ça serait juste de dire que finalement, les Américains, ... sont plutôt d'accord dans l'ensemble avec les objectifs qu'il a, mais la méthode pose question ou pose problème.

  • Speaker #1

    Est-ce que les Américains sont d'accord ? Non, je pense que la base MAGA appuie fortement. C'est combien ? On parle de combien de personnes ? Je ne sais pas, je ne pourrais pas vous dire exactement. Peut-être un tiers du pays, peut-être 40%. Après, il y a sans doute à peu près la moitié, un peu moins de la moitié, au moins des électeurs, qui sont contre ce que fait... Donald Trump. Après, il y a ce, je ne sais pas, ce 10-15% entre les deux. Qu'est-ce qu'ils pensent, ces gens-là ? Est-ce qu'ils sont pour ce que fait Donald Trump ou est-ce qu'ils étaient mécontents avec la situation économique ? Est-ce qu'ils veulent vraiment voir des expulsions de manière qu'on voit ? Est-ce qu'ils veulent voir des gens envoyés dans des camps de concentration en El Salvador sans passer devant un juge ? À mon avis, non, mais il est possible que 50% plus une personne le veuille. Je ne pourrais pas vous dire, mais de toute manière, là n'est pas la question. La question, c'est est-ce que c'est légal ou pas ce qui est en train d'être fait ?

  • Speaker #2

    La méthode de Donald Trump, qui est très radicale, en effet, comme vous l'avez dit, ignorer la loi, ignorer la Constitution dans certains cas, est-ce que ça correspond tout de même à un désir de radicalité, de la part d'une partie de l'électorat, de la part de son électorat, qui explique notamment que les gens qui ont voté pour lui sont en grande partie contents de ce qu'ils voient ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a beaucoup de paradoxes en ce moment, je trouve. Alors, qui est la base MAGA ? Il y a des données là-dessus. Dans l'imaginaire, l'imaginaire médiatique, c'est souvent ces pauvres blancs, la fameuse classe ouvrière blanche. Pourtant, à l'intérieur de ce mouvement MAGA, il y a aussi beaucoup d'élites, que ce soit locales des gens, on va dire des gens... assez fortunés dans leur région, dans leur comté, dans leur ville. Il y a aussi des gens extrêmement fortunés à l'échelle nationale, y compris l'homme le plus riche du monde, Elon Musk. Alors, il y a quelque chose pour moi de profondément paradoxal de voir des gens qui sont devenus riches d'une manière presque inimaginable sous le système actuel. vouloir démonter le système qui leur a donné leur fortune. C'est assez extraordinaire à voir si c'était un cas d'un autre temps, dans un autre moment, dans un autre pays. Je serais fasciné en tant qu'historien. Comment est-ce qu'on peut expliquer cette antipathie des gens qui ont tellement bénéficié du système, leur antipathie pour ce même système ? C'est quelque chose de fascinant. Lorsqu'on est en train de vivre à l'intérieur de ce moment, ça reste fascinant, mais c'est aussi terrifiant.

  • Speaker #2

    Pour les uns, Donald Trump est un sauveur, pour ce soutien, c'est vraiment quelqu'un qui va effectivement changer le pays pour le mieux, revenir sur cet ordre dont ils ont été soi-disant perdants. Pour les autres, c'est vraiment un dictateur en puissance, un dictateur en herbe, un autocrate. Est-ce que la réalité est finalement un peu entre les deux ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la réalité paraît très claire. Quand Donald Trump va dire « je veux me présenter pour un troisième mandat » , Quelque chose qui est très clairement illégal sous la Constitution. On a un danger là, quand il dit que les gens nés aux États-Unis ne bénéficient pas de la citoyenneté américaine. Quelque chose qui est, encore une fois, dans la Constitution. C'est un amendement. Le 14e amendement à la Constitution a été bâti après la guerre civile. On pourrait dire qu'on a fait une grosse guerre sur cette question-là. Est-ce que tout le monde né sur le territoire américain est un citoyen ? Oui ou non ? À l'époque, la question se posait autour de l'esclavage et la question a été résolue par cette guerre. La réponse est oui. Quand Donald Trump dit unilatéralement qu'il ne veut pas respecter la Constitution, cette proclamation dans la Constitution, c'est quelque chose de dangereux. Donc, je pense que la question est autre qu'est-ce qu'on est pour ou contre les valeurs de Donald Trump. Ça, il y a un argument à faire et c'est une question d'opinion, je dirais. Mais est-ce qu'on est pour ou contre la manière de faire ? Là, il me semble qu'on est pour la loi et on est pour la Constitution ou on ne l'est pas. On ne peut pas avoir trop d'opinion là-dessus, il me semble. Moi, je pense qu'on est dans un système... Notre moment est un moment de danger, mais aussi de possibilité. Et je crois qu'on est dans une crise très profonde pour les deux partis politiques. Pour le parti républicain, c'est très clair, c'est devenu une culte de personnalité autour de Donald Trump. Il n'y a vraiment plus de parti politique dans sa façon traditionnelle de faire. Donc, qu'est-ce que va devenir le parti républicain après Donald Trump ? Parce qu'à un moment ou un autre, il va passer, même s'il fait un troisième mandat ou un quatrième mandat, il ne peut pas vivre dans l'infini. Il y aura une époque post-Donald Trump, ou dans un an, ou dans dix ans, je ne pourrais pas vous dire, mais cette période va arriver. Qu'est-ce que va devenir le parti républicain ? Je ne sais pas. C'est très difficile pour moi de répondre à cette question. Pour le Parti démocrate, c'est également un moment de crise, il me semble. Le Parti démocrate continue à ressembler à un parti politique dans notre système de politique traditionnel. Mais il y a une grosse tension à l'intérieur du Parti démocrate pour comment attirer une majorité. Et quel sera l'avenir du parti ? Dans le passé, il y a eu d'autres partis politiques. Il y a eu le parti Whig qui existait, le parti fédéraliste qui a existé pour disparaître. Il est possible, je sais que c'est très difficile d'imaginer parce que ça fait tellement de temps qu'on existe, qu'on vit avec ces deux partis politiques, mais il est possible d'imaginer un scénario dans lequel un de nos deux partis, ou même les deux partis, un des deux pourrait disparaître, pourrait être remplacé par autre chose. Quel sera ce nouveau cas de figure ? C'est impossible à dire, mais on est dans un moment flou et ouvert qu'on n'a pas vu depuis très longtemps, je pense.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, François, forcément.

  • Speaker #0

    100 jours après son investiture, une série de sondages montrent que les Américains sont de plus en plus défavorables aux actions de Donald Trump. C'est particulièrement vrai pour sa gestion de l'économie et de l'immigration, deux sujets pourtant considérés comme ses points forts pendant la campagne. Dans l'ensemble, 45% des Américains soutiennent son travail, contre 52% au moment de son investiture, selon une moyenne calculée par le New York Times. Face à cette tendance, Les électeurs que j'ai rencontrés depuis son retour ont une réponse, il faut lui donner du temps. Merci d'avoir écouté cet épisode de C'est ça l'Amérique. S'il vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner à la chaîne de l'émission sur votre plateforme de streaming favorite et à laisser un commentaire ou une étoile.

  • Speaker #2

    On se retrouve le mois prochain.

  • Speaker #1

    C'est une belle télévision, je dirais.

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Difficile de croire que cela ne fait que cent jours que Donald Trump est de retour au pouvoir. Depuis son investiture le 20 janvier 2025, le président républicain impose un rythme soutenu en multipliant les décrets pour réformer l’État fédéral et « rendre à l’Amérique sa grandeur » (« Make America Great Again »). Chaque jour, ses opposants dénoncent une dérive autocratique et un danger pour la démocratie. Ses partisans, quant à eux, saluent ses actions visant à bouleverser le système : guerre commerciale, expulsions de sans-papiers, et coupes drastiques dans les dépenses fédérales orchestrées par Elon Musk.


Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces cent premiers jours sur la manière dont Donald Trump exercera son second mandat ? C’est l’une des questions qu’Alexis Buisson, correspondant de La Croix à New York, a posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l’université Johns Hopkins à Baltimore (Maryland). Furstenberg est l’auteur de deux ouvrages : In the Name of the Father (Éd. Penguin Books, 2006) sur le père fondateur George Washington, et When the United States Spoke French (Éd. Penguin Press, 2014), qui traite de la naissance des États-Unis à travers les yeux de cinq Français.


Dans ce premier épisode de la saison 4 du podcast "C'est ça l'Amérique", Alexis Buisson analyse la société américaine sous l'ère de Donald Trump avec l'aide d'experts francophones résidant aux États-Unis. Les invités discutent de l'impact de Trump sur la Maison Blanche et sur la politique américaine en général. Ils examinent comment ses décisions, en tant que président, ont influencé les débats sur l'immigration et l'économie. Les experts partagent leurs points de vue sur les changements significatifs apportés par l'administration Trump et comment ces changements continuent de façonner le paysage politique actuel.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Théo Boulenger. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


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  • Speaker #0

    qui feront de l'Amérique une nouvelle fois puissante. Je vais vous dire, vous ne négociez pas comme je négocie. pour discuter des transformations de la société américaine en compagnie d'observateurs francophones.

  • Speaker #1

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Nous sommes fin avril dans la petite ville de Penn Argyle, en Pennsylvanie. Ici, c'est Trump Country, le territoire de Trump. Cette région était autrefois connue pour sa production d'ardoises, mais ses carrières ont été emportées par les crises économiques et la concurrence mondiale. Sa population est majoritairement blanche, ouvrière et en colère contre les démocrates, devenus trop woke et élitistes à son goût. J'ai voulu y faire un tour pour les 100 premiers jours de la seconde présidence Trump afin de prendre le pouls de ses partisans. J'ai fait la rencontre d'Aileen, une ex-démocrate devenue plus trumpiste que les trumpistes. Je lui ai demandé ce qu'elle pensait de l'action de Donald Trump jusqu'à présent. Je suis très content de ce qu'il fait. Vous êtes peut-être un démocrate essayant de soutirer des infos, mais je m'en fiche. J'aime bien ce qu'il fait sur la frontière, c'est le principal. L'économie, ça va prendre du temps, car elle a été détruite pendant 4 ans sous Joe Biden. Je reconnais que notre épargne retraite, qui est indexée sur la bourse, a pris un coup avec les annonces sur les droits de douane. Mais une fois que les tarifs douaniers s'installeront, et que nous serons sur un pied d'égalité avec les autres pays, ça s'arrangera. Biden ne savait pas ce qu'il faisait. Il n'était pas le président. Il y avait des personnes derrière lui qui tiraient les ficelles. Difficile de croire que cela ne fait que 100 jours que Donald Trump est de retour aux affaires tant le rythme imposé par le locataire de la Maison-Blanche est soutenu. Tous les jours, il alarme ses opposants, qui le considèrent comme un autocrate et un danger pour la démocratie. Ses soutiens quant à eux ? sont globalement contents des mesures prises pour renverser le système, la guerre commerciale, les expulsions de sans-papiers, les coupes drastiques aux dépenses fédérales sous la tronçonneuse d'Elon Musk. Quels indices nous donnent ces 100 premiers jours sur la manière dont il exercera son soutien ? second mandat, c'est l'une des questions que j'ai posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l'université Johns Hopkins à Baltimore. Il est l'auteur de deux livres, l'un sur le père fondateur, George Washington, et l'autre sur la naissance des Etats-Unis, raconté à travers cinq Français qui en ont été les témoins.

  • Speaker #2

    Bonjour François Furstenberg.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à Johns Hopkins University à Baltimore.

  • Speaker #0

    Alors bien sûr,

  • Speaker #2

    100 jours, ce n'est pas beaucoup à l'échelle d'une présidence aux États-Unis.

  • Speaker #0

    Mais selon vous,

  • Speaker #2

    qu'est-ce que ces trois premiers mois de Donald Trump au pouvoir donnent à voir sur le reste de sa présidence ? Et sur ce à quoi peut ressembler le reste de sa présidence ?

  • Speaker #1

    On voit très clairement, je pense, dans les 100 jours de Donald Trump, une très grande ambition. Une ambition de... Sur l'échelle nationale, une ambition de défaire beaucoup de choses qui ont été construites depuis au moins la présidence de Franklin Roosevelt. D'ailleurs, une présidence d'où vient cette idée de 100 jours ? C'était le premier président à avoir présenté une idée de « il faut accomplir quelque chose dans les 100 jours » . Donald Trump et son mouvement MAGA, un retour vers un passé imaginé, un passé antérieur, sont en train de tenter vraiment de défaire beaucoup de choses d'accomplissement de l'État central, de l'État fédéral. Sur l'échelle internationale, on voit aussi une ambition, je pense très importante, de défaire le monde, l'ordre mondial qui a été construit depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce fameux siècle américain. Que ce soit les échanges internationaux sur le système économique mondial ou le système de gouvernance mondiale à travers l'ONU, à travers les alliances internationales dans lesquelles les États-Unis étaient imprégnés. Une tentative vraiment de défaire cet ordre mondial qui existe depuis presque 80, 90 ans maintenant.

  • Speaker #2

    Je me demande aussi, en regardant ce qu'il a accompli pendant ses 100 premiers jours, il y a quand même... un certain nombre d'erreurs ou de rétropédalages, comme on peut le voir sur les droits de douane aujourd'hui, où il souffle un peu le chaud et le froid vis-à-vis de la Chine, ou même chose sur certains décrets. Est-ce qu'il est vraiment mieux rodé qu'en 2017, ou est-ce que ce n'est pas un peu une illusion ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si Donald Trump a vraiment changé. Il est impossible de rentrer dans la tête de Donald Trump, évidemment. Ce que je pense, la grande différence, c'est son entourage. C'est-à-dire... En 2016-2017, c'était des gens qui connaissaient la politique, qui connaissaient comment fonctionne le système politique et qui suivaient plus ou moins les règles de la politique et de la loi. Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le même profil dans son entourage. Et donc, Donald Trump, qui est toujours quelqu'un, je crois, impulsif, qui a des idées qui ne sont pas forcément attachées à la réalité, comme une idée que les tarifs vont établir une nage d'or. c'est pas très attaché à la réalité d'aujourd'hui, l'idée qu'on peut... Il retournait dans une période imaginée, d'ailleurs, parce que ce n'était pas du tout le cas, mais une période où il imagine que sous la présidence de McKinley, où les tarifs apportaient la richesse nationale.

  • Speaker #2

    C'est le président au début du XXe siècle qui a vraiment érigé les droits de douane en mode de gouvernance.

  • Speaker #1

    Oui, c'est curieux pour un historien parce que McKinley n'est pas considéré comme un grand président. Pourtant, ça vient de quelque part, je ne sais pas où, cette vénération, au moins en ce moment, pour l'administration de McKinley. Donc, Donald Trump, ce système de tarifs qu'il veut imposer, qui va à l'encontre de tous les accords de l'échange mondial qui ont été établis depuis des décennies maintenant, cette idée n'est pas très attachée à la réalité d'aujourd'hui. Alors, lorsqu'il n'y a personne pour restreindre les impulsions, ses rêves, ses fantaisies de Donald Trump, il peut les avancer, mais il rencontre la réalité qui est que Si on met effectivement des tarifs de 150, je ne sais pas où on est en ce moment, 150% disons sur les... sur les importations de la Chine, on va avoir des problèmes. Il y aura des pénuries assez extraordinaires dans les grandes surfaces à travers les États-Unis. Donc, il doit reculer. Il n'a pas le choix sauf de reculer. Ce qui est impressionnant pour moi, c'est à quel point ils vont de l'avant sans trop réfléchir, sans trop de stratégie. On dirait vraiment que c'est des impulsions qui gèrent tout en ce moment, j'ai l'impression. Et peut-être qu'il y a quelque part un désir pour le chaos. D'ailleurs, je le crois de plus en plus qu'il y a un désir. pour le chaos, un désir pour la destruction, un désir pour... Il y a une sorte d'impulsion nihiliste, je crois.

  • Speaker #2

    Quel avantage il y trouve à ce chaos, justement ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pour moi, ce sont des révolutionnaires dans le mode de la révolution culturelle en Chine, des gens qui vont défaire, qui vont déconstruire, qui vont démonter. Je ne sais pas s'ils ont véritablement une idée de ce qui pourrait remplacer. S'il y a une idée, ce sont plus des rêves ou des fantaisies. Je ne vois pas trop de réflexion stratégique dans les actions en ce moment.

  • Speaker #0

    Avant d'aller plus loin, faisons un point sur un aspect important de ces 100 jours, la bataille entre le gouvernement Trump et les juges fédéraux qui sont chargés de veiller à la constitutionnalité des actes de l'administration. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a signé plus de 200... sans décret sur des sujets divers, l'interdiction des politiques d'inclusion et de diversité au sein de l'État, l'établissement du département de l'efficacité gouvernementale d'Elon Musk, la sortie des accords de Paris ou encore le changement de nom du Golfe du Mexique en 2020. en golfe de l'Amérique. Près de la moitié de ces décrets ont été bloqués ou suspendus par des juges, comme sa tentative de remise en cause du droit du sol. On en reparlera plus tard dans ce podcast. Face à ce contre-pouvoir, sans doute le plus important de ce début de mandat, Donald Trump et ses alliés, comme Elon Musk, s'emploient à questionner la légitimité des juges. En plus de se livrer à des attaques... personnel sur eux et leur famille, il les accuse d'être des militants et appelle à leur renvoi. Vendredi 25 avril, les tensions sont montées d'un cran avec l'arrestation par le FBI d'une juge du Wisconsin accusée d'avoir entravé l'interpellation d'un immigré sans papier dans son tribunal.

  • Speaker #2

    Vous parlez de McKinley, je voulais parler d'un autre président que vous connaissez bien, George Washington, sur lequel vous avez écrit premier président des États-Unis, père fondateur des États-Unis. Qu'est-ce que, à votre sens, George Washington penserait de l'exercice du pouvoir par son lointain successeur Donald Trump ?

  • Speaker #1

    J'hésite beaucoup de parler pour George Washington, mais ce que je peux dire, c'est que George Washington était évidemment le premier président des États-Unis. Et c'était aussi lui qui a présidé sur la convention qui a rédigé la Constitution américaine. Cette constitution est fameusement basée sur une division de pouvoir entre trois branches. La première, c'est le Congrès, qui doit être le plus important, le plus puissant. Et c'est le Congrès qui établit les lois, c'est le Congrès qui décide comment dépenser l'argent de la trésorerie américaine. Ensuite, il y a l'exécutif, la branche exécutive, le président. Et le président est censé mettre en place les lois établies par le Congrès. y compris les dépenses. Et finalement, il y a le système judiciaire, il y a la Cour suprême. Ce qui est très frappant et marquant de l'administration de Donald Trump, c'est sa volonté d'aller au-delà de ce système constitutionnel. Avec le parti républicain dominé par Donald Trump comme il est aujourd'hui, et d'ailleurs, le système partisan n'était pas quelque chose qu'avaient imaginé les pères fondateurs, y compris George Washington. Avec le parti républicain dominé comme il est, par Donald Trump, le Congrès ne fait pas son travail. C'est-à-dire le Congrès qui doit normalement s'occuper des dépenses, établir les règles qui seraient en mesure de restreindre un exécutif qui va au-delà de ses pouvoirs légals, constitutionnels, ne fait pas ce travail. Donc, on voit en ce moment Donald Trump qui utilise le power of the purse, comme on dit aux États-Unis, qui est réservé au Congrès.

  • Speaker #2

    Le pouvoir du portefeuille, le pouvoir de l'argent.

  • Speaker #1

    Oui, pardon, le pouvoir du portefeuille, exactement, le pouvoir de dépenser de l'argent. Donald Trump qui est en train de s'accaparer de ce pouvoir qui est, selon la Constitution, le pouvoir du Congrès. Donc, quand Donald Trump dit « je ne vais pas dépenser de l'argent » qui a été établi par le Congrès, quand il dit « on va couper les dépenses de USAID » qui ont été établies par le Congrès, quand il dit « je vais ne pas donner de l'argent aux universités » tel qui est dans les lois établies par le Congrès, ça va à l'encontre de la Constitution, très clairement. Deuxièmement, avec le système judiciaire, Donald Trump de plus en plus commence à frôler l'illégalité totale. C'est-à-dire lorsque Donald Trump ou son administration fait quelque chose qui va à l'encontre des lois du Congrès ou de la Constitution, on porte procès. Il y a des groupes qui vont porter procès, qui vont porter plainte, qui vont se plaindre devant les juges. Les juges vont dire effectivement ça va à l'encontre de la loi. Donald Trump est en train de commencer petit à petit à ignorer ses décisions judiciaires. Et on voit ça le plus clairement, je pense, en ce moment, avec des décisions sur l'immigration. Donald Trump s'appuie sur une loi qui date de 1798, qui dit que lorsque le pays est en guerre, on a le droit de déporter, d'expulser des étrangers. Nous ne sommes pas dans une guerre en ce moment. Et donc même la Cour suprême a dit que c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Le suprême qui est dominé par des juges conservateurs, en plus, c'est ça aussi.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est une cour suprême qui est extrêmement conservatrice, qui croit dans, je pense, dans la politique, effectivement, de Donald Trump. Mais même cette cour suprême dit qu'il y a des choses qui vont trop loin. Normalement, quand on arrête quelqu'un, ils ont le droit à ce qu'on appelle ça du process, aller devant un juge et avoir les accusations proclamées contre cette personne. Ce n'est pas ce qui se passe en ce moment. Les gens sont expulsés sans... ces droits fondamentaux sous notre constitution, notre système légal. Alors, on ne sait pas où ça va mener, tout ça. Mais pour beaucoup de personnes, nous sommes déjà dans une crise constitutionnelle très profonde. Donc, pour revenir à la question « Qu'est-ce que penserait George Washington ? » Je pense qu'on peut dire, je ne sais pas ce qu'il dirait, George Washington, mais on peut dire que Donald Trump est en train de miner, de miner le système constitutionnel que George Washington avait aidé à mettre en place.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'on est dans une situation réellement inédite dans l'histoire des États-Unis ? Parce que dans le passé, il y a eu des... Il y a des présidents qui ont essayé d'affirmer le pouvoir exécutif par rapport aux autres pouvoirs. Pendant ses 100 premiers jours, il y a l'exemple d'Andrew Jackson qui a souvent été cité comme d'un président populiste qui n'hésitait pas à aller contre les juges. Est-ce que ce qu'on vit en ce moment aux États-Unis est réellement sans précédent dans l'histoire du pays ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que oui. Je crois que c'est différent des autres présidences. Je crois que, et je vois deux différences principales, mais sans doute d'autres. Premièrement, je crois qu'il y a une volonté d'aller à l'encontre des lois, une volonté très ouverte de dire que nous n'allons pas suivre les lois du Congrès, que ce soit sur les dépenses ou sur autre chose. Et on n'est pas encore arrivé très ouvertement à l'idée qu'on va ignorer les décisions judiciaires, mais on n'est pas très loin de ça. Et donc, dans cette idée qu'on va ignorer la loi, que nous sommes la loi, que si le président le fait, c'est quelque chose de légal, je pense que c'est inédit. Il y avait Nixon qui avait tenté de dire, c'est une phrase d'ailleurs qui vient de Nixon, si le président le fait, ça ne peut pas être illégal. À l'époque, c'était vu comme une absurdité et pourtant aujourd'hui, même la Cour suprême a décidé que ça, c'est acceptable. Donc, une idée que le président est au-delà de la loi, ça, c'est différent, je crois, pour moi. Je pense qu'il n'y a pas vraiment de président avant qui aurait imaginé ça. Et deuxièmement, ce qui rend la situation d'aujourd'hui différente, par exemple, de Andrew Jackson, c'est que c'est la puissance des États-Unis et c'est surtout la puissance de l'État national, avec des outils de sécurité, des outils de surveillance et un militaire qui n'a jamais existé dans l'histoire du monde, d'une puissance extraordinaire. D'avoir tout ça sous le contrôle d'un président qui dénigre les lois, ouvertement, ça c'est un cas je pense inédit et très dangereux. C'est vrai que Donald Trump était élu et que beaucoup de choses que fait Donald Trump en ce moment ce sont des choses qu'il avait promis de faire pendant la campagne. Donc dans ce sens-là, il fait ce qu'il a promis de faire. Le problème avec cet argument il me semble c'est qu'il y a des manières de faire dans notre système démocratique, dans notre système constitutionnel. Si par exemple on veut fermer une agence comme USAID, Agence de Développement International, normalement, et si le président veut le faire, normalement, il irait au congrès. Il dirait, un congrès qui est également élu par le peuple, ce n'est pas juste le président qui est élu par le peuple. Il irait au congrès, d'ailleurs, qui est majoritairement républicain. Il dirait, je veux fermer USAID, établissons une loi pour fermer USAID. C'est comme ça que ça fonctionnerait sous notre système constitutionnel. Pourtant, ce n'est pas comme ça qu'il a fait. Il l'a fermé unilatéralement. Même les juges ont dit que c'est illégal. Pourtant, il le fait. Donc, c'est dans ce sens-là qu'il y a un problème, il me semble. Ce n'est pas que Donald Trump veut faire ce qu'il a promis de faire, c'est qu'il le fait de manière qui va à l'encontre de la Constitution et à l'encontre des lois. Et je pourrais donner maintes exemples de ça. Et on le voit, on vient de parler des déportations, des expulsions. Ça aussi, c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Ça serait juste de dire que finalement, les Américains, ... sont plutôt d'accord dans l'ensemble avec les objectifs qu'il a, mais la méthode pose question ou pose problème.

  • Speaker #1

    Est-ce que les Américains sont d'accord ? Non, je pense que la base MAGA appuie fortement. C'est combien ? On parle de combien de personnes ? Je ne sais pas, je ne pourrais pas vous dire exactement. Peut-être un tiers du pays, peut-être 40%. Après, il y a sans doute à peu près la moitié, un peu moins de la moitié, au moins des électeurs, qui sont contre ce que fait... Donald Trump. Après, il y a ce, je ne sais pas, ce 10-15% entre les deux. Qu'est-ce qu'ils pensent, ces gens-là ? Est-ce qu'ils sont pour ce que fait Donald Trump ou est-ce qu'ils étaient mécontents avec la situation économique ? Est-ce qu'ils veulent vraiment voir des expulsions de manière qu'on voit ? Est-ce qu'ils veulent voir des gens envoyés dans des camps de concentration en El Salvador sans passer devant un juge ? À mon avis, non, mais il est possible que 50% plus une personne le veuille. Je ne pourrais pas vous dire, mais de toute manière, là n'est pas la question. La question, c'est est-ce que c'est légal ou pas ce qui est en train d'être fait ?

  • Speaker #2

    La méthode de Donald Trump, qui est très radicale, en effet, comme vous l'avez dit, ignorer la loi, ignorer la Constitution dans certains cas, est-ce que ça correspond tout de même à un désir de radicalité, de la part d'une partie de l'électorat, de la part de son électorat, qui explique notamment que les gens qui ont voté pour lui sont en grande partie contents de ce qu'ils voient ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a beaucoup de paradoxes en ce moment, je trouve. Alors, qui est la base MAGA ? Il y a des données là-dessus. Dans l'imaginaire, l'imaginaire médiatique, c'est souvent ces pauvres blancs, la fameuse classe ouvrière blanche. Pourtant, à l'intérieur de ce mouvement MAGA, il y a aussi beaucoup d'élites, que ce soit locales des gens, on va dire des gens... assez fortunés dans leur région, dans leur comté, dans leur ville. Il y a aussi des gens extrêmement fortunés à l'échelle nationale, y compris l'homme le plus riche du monde, Elon Musk. Alors, il y a quelque chose pour moi de profondément paradoxal de voir des gens qui sont devenus riches d'une manière presque inimaginable sous le système actuel. vouloir démonter le système qui leur a donné leur fortune. C'est assez extraordinaire à voir si c'était un cas d'un autre temps, dans un autre moment, dans un autre pays. Je serais fasciné en tant qu'historien. Comment est-ce qu'on peut expliquer cette antipathie des gens qui ont tellement bénéficié du système, leur antipathie pour ce même système ? C'est quelque chose de fascinant. Lorsqu'on est en train de vivre à l'intérieur de ce moment, ça reste fascinant, mais c'est aussi terrifiant.

  • Speaker #2

    Pour les uns, Donald Trump est un sauveur, pour ce soutien, c'est vraiment quelqu'un qui va effectivement changer le pays pour le mieux, revenir sur cet ordre dont ils ont été soi-disant perdants. Pour les autres, c'est vraiment un dictateur en puissance, un dictateur en herbe, un autocrate. Est-ce que la réalité est finalement un peu entre les deux ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la réalité paraît très claire. Quand Donald Trump va dire « je veux me présenter pour un troisième mandat » , Quelque chose qui est très clairement illégal sous la Constitution. On a un danger là, quand il dit que les gens nés aux États-Unis ne bénéficient pas de la citoyenneté américaine. Quelque chose qui est, encore une fois, dans la Constitution. C'est un amendement. Le 14e amendement à la Constitution a été bâti après la guerre civile. On pourrait dire qu'on a fait une grosse guerre sur cette question-là. Est-ce que tout le monde né sur le territoire américain est un citoyen ? Oui ou non ? À l'époque, la question se posait autour de l'esclavage et la question a été résolue par cette guerre. La réponse est oui. Quand Donald Trump dit unilatéralement qu'il ne veut pas respecter la Constitution, cette proclamation dans la Constitution, c'est quelque chose de dangereux. Donc, je pense que la question est autre qu'est-ce qu'on est pour ou contre les valeurs de Donald Trump. Ça, il y a un argument à faire et c'est une question d'opinion, je dirais. Mais est-ce qu'on est pour ou contre la manière de faire ? Là, il me semble qu'on est pour la loi et on est pour la Constitution ou on ne l'est pas. On ne peut pas avoir trop d'opinion là-dessus, il me semble. Moi, je pense qu'on est dans un système... Notre moment est un moment de danger, mais aussi de possibilité. Et je crois qu'on est dans une crise très profonde pour les deux partis politiques. Pour le parti républicain, c'est très clair, c'est devenu une culte de personnalité autour de Donald Trump. Il n'y a vraiment plus de parti politique dans sa façon traditionnelle de faire. Donc, qu'est-ce que va devenir le parti républicain après Donald Trump ? Parce qu'à un moment ou un autre, il va passer, même s'il fait un troisième mandat ou un quatrième mandat, il ne peut pas vivre dans l'infini. Il y aura une époque post-Donald Trump, ou dans un an, ou dans dix ans, je ne pourrais pas vous dire, mais cette période va arriver. Qu'est-ce que va devenir le parti républicain ? Je ne sais pas. C'est très difficile pour moi de répondre à cette question. Pour le Parti démocrate, c'est également un moment de crise, il me semble. Le Parti démocrate continue à ressembler à un parti politique dans notre système de politique traditionnel. Mais il y a une grosse tension à l'intérieur du Parti démocrate pour comment attirer une majorité. Et quel sera l'avenir du parti ? Dans le passé, il y a eu d'autres partis politiques. Il y a eu le parti Whig qui existait, le parti fédéraliste qui a existé pour disparaître. Il est possible, je sais que c'est très difficile d'imaginer parce que ça fait tellement de temps qu'on existe, qu'on vit avec ces deux partis politiques, mais il est possible d'imaginer un scénario dans lequel un de nos deux partis, ou même les deux partis, un des deux pourrait disparaître, pourrait être remplacé par autre chose. Quel sera ce nouveau cas de figure ? C'est impossible à dire, mais on est dans un moment flou et ouvert qu'on n'a pas vu depuis très longtemps, je pense.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, François, forcément.

  • Speaker #0

    100 jours après son investiture, une série de sondages montrent que les Américains sont de plus en plus défavorables aux actions de Donald Trump. C'est particulièrement vrai pour sa gestion de l'économie et de l'immigration, deux sujets pourtant considérés comme ses points forts pendant la campagne. Dans l'ensemble, 45% des Américains soutiennent son travail, contre 52% au moment de son investiture, selon une moyenne calculée par le New York Times. Face à cette tendance, Les électeurs que j'ai rencontrés depuis son retour ont une réponse, il faut lui donner du temps. Merci d'avoir écouté cet épisode de C'est ça l'Amérique. S'il vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner à la chaîne de l'émission sur votre plateforme de streaming favorite et à laisser un commentaire ou une étoile.

  • Speaker #2

    On se retrouve le mois prochain.

  • Speaker #1

    C'est une belle télévision, je dirais.

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Description

Difficile de croire que cela ne fait que cent jours que Donald Trump est de retour au pouvoir. Depuis son investiture le 20 janvier 2025, le président républicain impose un rythme soutenu en multipliant les décrets pour réformer l’État fédéral et « rendre à l’Amérique sa grandeur » (« Make America Great Again »). Chaque jour, ses opposants dénoncent une dérive autocratique et un danger pour la démocratie. Ses partisans, quant à eux, saluent ses actions visant à bouleverser le système : guerre commerciale, expulsions de sans-papiers, et coupes drastiques dans les dépenses fédérales orchestrées par Elon Musk.


Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces cent premiers jours sur la manière dont Donald Trump exercera son second mandat ? C’est l’une des questions qu’Alexis Buisson, correspondant de La Croix à New York, a posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l’université Johns Hopkins à Baltimore (Maryland). Furstenberg est l’auteur de deux ouvrages : In the Name of the Father (Éd. Penguin Books, 2006) sur le père fondateur George Washington, et When the United States Spoke French (Éd. Penguin Press, 2014), qui traite de la naissance des États-Unis à travers les yeux de cinq Français.


Dans ce premier épisode de la saison 4 du podcast "C'est ça l'Amérique", Alexis Buisson analyse la société américaine sous l'ère de Donald Trump avec l'aide d'experts francophones résidant aux États-Unis. Les invités discutent de l'impact de Trump sur la Maison Blanche et sur la politique américaine en général. Ils examinent comment ses décisions, en tant que président, ont influencé les débats sur l'immigration et l'économie. Les experts partagent leurs points de vue sur les changements significatifs apportés par l'administration Trump et comment ces changements continuent de façonner le paysage politique actuel.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Théo Boulenger. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - avril 2025.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    qui feront de l'Amérique une nouvelle fois puissante. Je vais vous dire, vous ne négociez pas comme je négocie. pour discuter des transformations de la société américaine en compagnie d'observateurs francophones.

  • Speaker #1

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Nous sommes fin avril dans la petite ville de Penn Argyle, en Pennsylvanie. Ici, c'est Trump Country, le territoire de Trump. Cette région était autrefois connue pour sa production d'ardoises, mais ses carrières ont été emportées par les crises économiques et la concurrence mondiale. Sa population est majoritairement blanche, ouvrière et en colère contre les démocrates, devenus trop woke et élitistes à son goût. J'ai voulu y faire un tour pour les 100 premiers jours de la seconde présidence Trump afin de prendre le pouls de ses partisans. J'ai fait la rencontre d'Aileen, une ex-démocrate devenue plus trumpiste que les trumpistes. Je lui ai demandé ce qu'elle pensait de l'action de Donald Trump jusqu'à présent. Je suis très content de ce qu'il fait. Vous êtes peut-être un démocrate essayant de soutirer des infos, mais je m'en fiche. J'aime bien ce qu'il fait sur la frontière, c'est le principal. L'économie, ça va prendre du temps, car elle a été détruite pendant 4 ans sous Joe Biden. Je reconnais que notre épargne retraite, qui est indexée sur la bourse, a pris un coup avec les annonces sur les droits de douane. Mais une fois que les tarifs douaniers s'installeront, et que nous serons sur un pied d'égalité avec les autres pays, ça s'arrangera. Biden ne savait pas ce qu'il faisait. Il n'était pas le président. Il y avait des personnes derrière lui qui tiraient les ficelles. Difficile de croire que cela ne fait que 100 jours que Donald Trump est de retour aux affaires tant le rythme imposé par le locataire de la Maison-Blanche est soutenu. Tous les jours, il alarme ses opposants, qui le considèrent comme un autocrate et un danger pour la démocratie. Ses soutiens quant à eux ? sont globalement contents des mesures prises pour renverser le système, la guerre commerciale, les expulsions de sans-papiers, les coupes drastiques aux dépenses fédérales sous la tronçonneuse d'Elon Musk. Quels indices nous donnent ces 100 premiers jours sur la manière dont il exercera son soutien ? second mandat, c'est l'une des questions que j'ai posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l'université Johns Hopkins à Baltimore. Il est l'auteur de deux livres, l'un sur le père fondateur, George Washington, et l'autre sur la naissance des Etats-Unis, raconté à travers cinq Français qui en ont été les témoins.

  • Speaker #2

    Bonjour François Furstenberg.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à Johns Hopkins University à Baltimore.

  • Speaker #0

    Alors bien sûr,

  • Speaker #2

    100 jours, ce n'est pas beaucoup à l'échelle d'une présidence aux États-Unis.

  • Speaker #0

    Mais selon vous,

  • Speaker #2

    qu'est-ce que ces trois premiers mois de Donald Trump au pouvoir donnent à voir sur le reste de sa présidence ? Et sur ce à quoi peut ressembler le reste de sa présidence ?

  • Speaker #1

    On voit très clairement, je pense, dans les 100 jours de Donald Trump, une très grande ambition. Une ambition de... Sur l'échelle nationale, une ambition de défaire beaucoup de choses qui ont été construites depuis au moins la présidence de Franklin Roosevelt. D'ailleurs, une présidence d'où vient cette idée de 100 jours ? C'était le premier président à avoir présenté une idée de « il faut accomplir quelque chose dans les 100 jours » . Donald Trump et son mouvement MAGA, un retour vers un passé imaginé, un passé antérieur, sont en train de tenter vraiment de défaire beaucoup de choses d'accomplissement de l'État central, de l'État fédéral. Sur l'échelle internationale, on voit aussi une ambition, je pense très importante, de défaire le monde, l'ordre mondial qui a été construit depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce fameux siècle américain. Que ce soit les échanges internationaux sur le système économique mondial ou le système de gouvernance mondiale à travers l'ONU, à travers les alliances internationales dans lesquelles les États-Unis étaient imprégnés. Une tentative vraiment de défaire cet ordre mondial qui existe depuis presque 80, 90 ans maintenant.

  • Speaker #2

    Je me demande aussi, en regardant ce qu'il a accompli pendant ses 100 premiers jours, il y a quand même... un certain nombre d'erreurs ou de rétropédalages, comme on peut le voir sur les droits de douane aujourd'hui, où il souffle un peu le chaud et le froid vis-à-vis de la Chine, ou même chose sur certains décrets. Est-ce qu'il est vraiment mieux rodé qu'en 2017, ou est-ce que ce n'est pas un peu une illusion ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si Donald Trump a vraiment changé. Il est impossible de rentrer dans la tête de Donald Trump, évidemment. Ce que je pense, la grande différence, c'est son entourage. C'est-à-dire... En 2016-2017, c'était des gens qui connaissaient la politique, qui connaissaient comment fonctionne le système politique et qui suivaient plus ou moins les règles de la politique et de la loi. Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le même profil dans son entourage. Et donc, Donald Trump, qui est toujours quelqu'un, je crois, impulsif, qui a des idées qui ne sont pas forcément attachées à la réalité, comme une idée que les tarifs vont établir une nage d'or. c'est pas très attaché à la réalité d'aujourd'hui, l'idée qu'on peut... Il retournait dans une période imaginée, d'ailleurs, parce que ce n'était pas du tout le cas, mais une période où il imagine que sous la présidence de McKinley, où les tarifs apportaient la richesse nationale.

  • Speaker #2

    C'est le président au début du XXe siècle qui a vraiment érigé les droits de douane en mode de gouvernance.

  • Speaker #1

    Oui, c'est curieux pour un historien parce que McKinley n'est pas considéré comme un grand président. Pourtant, ça vient de quelque part, je ne sais pas où, cette vénération, au moins en ce moment, pour l'administration de McKinley. Donc, Donald Trump, ce système de tarifs qu'il veut imposer, qui va à l'encontre de tous les accords de l'échange mondial qui ont été établis depuis des décennies maintenant, cette idée n'est pas très attachée à la réalité d'aujourd'hui. Alors, lorsqu'il n'y a personne pour restreindre les impulsions, ses rêves, ses fantaisies de Donald Trump, il peut les avancer, mais il rencontre la réalité qui est que Si on met effectivement des tarifs de 150, je ne sais pas où on est en ce moment, 150% disons sur les... sur les importations de la Chine, on va avoir des problèmes. Il y aura des pénuries assez extraordinaires dans les grandes surfaces à travers les États-Unis. Donc, il doit reculer. Il n'a pas le choix sauf de reculer. Ce qui est impressionnant pour moi, c'est à quel point ils vont de l'avant sans trop réfléchir, sans trop de stratégie. On dirait vraiment que c'est des impulsions qui gèrent tout en ce moment, j'ai l'impression. Et peut-être qu'il y a quelque part un désir pour le chaos. D'ailleurs, je le crois de plus en plus qu'il y a un désir. pour le chaos, un désir pour la destruction, un désir pour... Il y a une sorte d'impulsion nihiliste, je crois.

  • Speaker #2

    Quel avantage il y trouve à ce chaos, justement ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pour moi, ce sont des révolutionnaires dans le mode de la révolution culturelle en Chine, des gens qui vont défaire, qui vont déconstruire, qui vont démonter. Je ne sais pas s'ils ont véritablement une idée de ce qui pourrait remplacer. S'il y a une idée, ce sont plus des rêves ou des fantaisies. Je ne vois pas trop de réflexion stratégique dans les actions en ce moment.

  • Speaker #0

    Avant d'aller plus loin, faisons un point sur un aspect important de ces 100 jours, la bataille entre le gouvernement Trump et les juges fédéraux qui sont chargés de veiller à la constitutionnalité des actes de l'administration. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a signé plus de 200... sans décret sur des sujets divers, l'interdiction des politiques d'inclusion et de diversité au sein de l'État, l'établissement du département de l'efficacité gouvernementale d'Elon Musk, la sortie des accords de Paris ou encore le changement de nom du Golfe du Mexique en 2020. en golfe de l'Amérique. Près de la moitié de ces décrets ont été bloqués ou suspendus par des juges, comme sa tentative de remise en cause du droit du sol. On en reparlera plus tard dans ce podcast. Face à ce contre-pouvoir, sans doute le plus important de ce début de mandat, Donald Trump et ses alliés, comme Elon Musk, s'emploient à questionner la légitimité des juges. En plus de se livrer à des attaques... personnel sur eux et leur famille, il les accuse d'être des militants et appelle à leur renvoi. Vendredi 25 avril, les tensions sont montées d'un cran avec l'arrestation par le FBI d'une juge du Wisconsin accusée d'avoir entravé l'interpellation d'un immigré sans papier dans son tribunal.

  • Speaker #2

    Vous parlez de McKinley, je voulais parler d'un autre président que vous connaissez bien, George Washington, sur lequel vous avez écrit premier président des États-Unis, père fondateur des États-Unis. Qu'est-ce que, à votre sens, George Washington penserait de l'exercice du pouvoir par son lointain successeur Donald Trump ?

  • Speaker #1

    J'hésite beaucoup de parler pour George Washington, mais ce que je peux dire, c'est que George Washington était évidemment le premier président des États-Unis. Et c'était aussi lui qui a présidé sur la convention qui a rédigé la Constitution américaine. Cette constitution est fameusement basée sur une division de pouvoir entre trois branches. La première, c'est le Congrès, qui doit être le plus important, le plus puissant. Et c'est le Congrès qui établit les lois, c'est le Congrès qui décide comment dépenser l'argent de la trésorerie américaine. Ensuite, il y a l'exécutif, la branche exécutive, le président. Et le président est censé mettre en place les lois établies par le Congrès. y compris les dépenses. Et finalement, il y a le système judiciaire, il y a la Cour suprême. Ce qui est très frappant et marquant de l'administration de Donald Trump, c'est sa volonté d'aller au-delà de ce système constitutionnel. Avec le parti républicain dominé par Donald Trump comme il est aujourd'hui, et d'ailleurs, le système partisan n'était pas quelque chose qu'avaient imaginé les pères fondateurs, y compris George Washington. Avec le parti républicain dominé comme il est, par Donald Trump, le Congrès ne fait pas son travail. C'est-à-dire le Congrès qui doit normalement s'occuper des dépenses, établir les règles qui seraient en mesure de restreindre un exécutif qui va au-delà de ses pouvoirs légals, constitutionnels, ne fait pas ce travail. Donc, on voit en ce moment Donald Trump qui utilise le power of the purse, comme on dit aux États-Unis, qui est réservé au Congrès.

  • Speaker #2

    Le pouvoir du portefeuille, le pouvoir de l'argent.

  • Speaker #1

    Oui, pardon, le pouvoir du portefeuille, exactement, le pouvoir de dépenser de l'argent. Donald Trump qui est en train de s'accaparer de ce pouvoir qui est, selon la Constitution, le pouvoir du Congrès. Donc, quand Donald Trump dit « je ne vais pas dépenser de l'argent » qui a été établi par le Congrès, quand il dit « on va couper les dépenses de USAID » qui ont été établies par le Congrès, quand il dit « je vais ne pas donner de l'argent aux universités » tel qui est dans les lois établies par le Congrès, ça va à l'encontre de la Constitution, très clairement. Deuxièmement, avec le système judiciaire, Donald Trump de plus en plus commence à frôler l'illégalité totale. C'est-à-dire lorsque Donald Trump ou son administration fait quelque chose qui va à l'encontre des lois du Congrès ou de la Constitution, on porte procès. Il y a des groupes qui vont porter procès, qui vont porter plainte, qui vont se plaindre devant les juges. Les juges vont dire effectivement ça va à l'encontre de la loi. Donald Trump est en train de commencer petit à petit à ignorer ses décisions judiciaires. Et on voit ça le plus clairement, je pense, en ce moment, avec des décisions sur l'immigration. Donald Trump s'appuie sur une loi qui date de 1798, qui dit que lorsque le pays est en guerre, on a le droit de déporter, d'expulser des étrangers. Nous ne sommes pas dans une guerre en ce moment. Et donc même la Cour suprême a dit que c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Le suprême qui est dominé par des juges conservateurs, en plus, c'est ça aussi.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est une cour suprême qui est extrêmement conservatrice, qui croit dans, je pense, dans la politique, effectivement, de Donald Trump. Mais même cette cour suprême dit qu'il y a des choses qui vont trop loin. Normalement, quand on arrête quelqu'un, ils ont le droit à ce qu'on appelle ça du process, aller devant un juge et avoir les accusations proclamées contre cette personne. Ce n'est pas ce qui se passe en ce moment. Les gens sont expulsés sans... ces droits fondamentaux sous notre constitution, notre système légal. Alors, on ne sait pas où ça va mener, tout ça. Mais pour beaucoup de personnes, nous sommes déjà dans une crise constitutionnelle très profonde. Donc, pour revenir à la question « Qu'est-ce que penserait George Washington ? » Je pense qu'on peut dire, je ne sais pas ce qu'il dirait, George Washington, mais on peut dire que Donald Trump est en train de miner, de miner le système constitutionnel que George Washington avait aidé à mettre en place.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'on est dans une situation réellement inédite dans l'histoire des États-Unis ? Parce que dans le passé, il y a eu des... Il y a des présidents qui ont essayé d'affirmer le pouvoir exécutif par rapport aux autres pouvoirs. Pendant ses 100 premiers jours, il y a l'exemple d'Andrew Jackson qui a souvent été cité comme d'un président populiste qui n'hésitait pas à aller contre les juges. Est-ce que ce qu'on vit en ce moment aux États-Unis est réellement sans précédent dans l'histoire du pays ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que oui. Je crois que c'est différent des autres présidences. Je crois que, et je vois deux différences principales, mais sans doute d'autres. Premièrement, je crois qu'il y a une volonté d'aller à l'encontre des lois, une volonté très ouverte de dire que nous n'allons pas suivre les lois du Congrès, que ce soit sur les dépenses ou sur autre chose. Et on n'est pas encore arrivé très ouvertement à l'idée qu'on va ignorer les décisions judiciaires, mais on n'est pas très loin de ça. Et donc, dans cette idée qu'on va ignorer la loi, que nous sommes la loi, que si le président le fait, c'est quelque chose de légal, je pense que c'est inédit. Il y avait Nixon qui avait tenté de dire, c'est une phrase d'ailleurs qui vient de Nixon, si le président le fait, ça ne peut pas être illégal. À l'époque, c'était vu comme une absurdité et pourtant aujourd'hui, même la Cour suprême a décidé que ça, c'est acceptable. Donc, une idée que le président est au-delà de la loi, ça, c'est différent, je crois, pour moi. Je pense qu'il n'y a pas vraiment de président avant qui aurait imaginé ça. Et deuxièmement, ce qui rend la situation d'aujourd'hui différente, par exemple, de Andrew Jackson, c'est que c'est la puissance des États-Unis et c'est surtout la puissance de l'État national, avec des outils de sécurité, des outils de surveillance et un militaire qui n'a jamais existé dans l'histoire du monde, d'une puissance extraordinaire. D'avoir tout ça sous le contrôle d'un président qui dénigre les lois, ouvertement, ça c'est un cas je pense inédit et très dangereux. C'est vrai que Donald Trump était élu et que beaucoup de choses que fait Donald Trump en ce moment ce sont des choses qu'il avait promis de faire pendant la campagne. Donc dans ce sens-là, il fait ce qu'il a promis de faire. Le problème avec cet argument il me semble c'est qu'il y a des manières de faire dans notre système démocratique, dans notre système constitutionnel. Si par exemple on veut fermer une agence comme USAID, Agence de Développement International, normalement, et si le président veut le faire, normalement, il irait au congrès. Il dirait, un congrès qui est également élu par le peuple, ce n'est pas juste le président qui est élu par le peuple. Il irait au congrès, d'ailleurs, qui est majoritairement républicain. Il dirait, je veux fermer USAID, établissons une loi pour fermer USAID. C'est comme ça que ça fonctionnerait sous notre système constitutionnel. Pourtant, ce n'est pas comme ça qu'il a fait. Il l'a fermé unilatéralement. Même les juges ont dit que c'est illégal. Pourtant, il le fait. Donc, c'est dans ce sens-là qu'il y a un problème, il me semble. Ce n'est pas que Donald Trump veut faire ce qu'il a promis de faire, c'est qu'il le fait de manière qui va à l'encontre de la Constitution et à l'encontre des lois. Et je pourrais donner maintes exemples de ça. Et on le voit, on vient de parler des déportations, des expulsions. Ça aussi, c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Ça serait juste de dire que finalement, les Américains, ... sont plutôt d'accord dans l'ensemble avec les objectifs qu'il a, mais la méthode pose question ou pose problème.

  • Speaker #1

    Est-ce que les Américains sont d'accord ? Non, je pense que la base MAGA appuie fortement. C'est combien ? On parle de combien de personnes ? Je ne sais pas, je ne pourrais pas vous dire exactement. Peut-être un tiers du pays, peut-être 40%. Après, il y a sans doute à peu près la moitié, un peu moins de la moitié, au moins des électeurs, qui sont contre ce que fait... Donald Trump. Après, il y a ce, je ne sais pas, ce 10-15% entre les deux. Qu'est-ce qu'ils pensent, ces gens-là ? Est-ce qu'ils sont pour ce que fait Donald Trump ou est-ce qu'ils étaient mécontents avec la situation économique ? Est-ce qu'ils veulent vraiment voir des expulsions de manière qu'on voit ? Est-ce qu'ils veulent voir des gens envoyés dans des camps de concentration en El Salvador sans passer devant un juge ? À mon avis, non, mais il est possible que 50% plus une personne le veuille. Je ne pourrais pas vous dire, mais de toute manière, là n'est pas la question. La question, c'est est-ce que c'est légal ou pas ce qui est en train d'être fait ?

  • Speaker #2

    La méthode de Donald Trump, qui est très radicale, en effet, comme vous l'avez dit, ignorer la loi, ignorer la Constitution dans certains cas, est-ce que ça correspond tout de même à un désir de radicalité, de la part d'une partie de l'électorat, de la part de son électorat, qui explique notamment que les gens qui ont voté pour lui sont en grande partie contents de ce qu'ils voient ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a beaucoup de paradoxes en ce moment, je trouve. Alors, qui est la base MAGA ? Il y a des données là-dessus. Dans l'imaginaire, l'imaginaire médiatique, c'est souvent ces pauvres blancs, la fameuse classe ouvrière blanche. Pourtant, à l'intérieur de ce mouvement MAGA, il y a aussi beaucoup d'élites, que ce soit locales des gens, on va dire des gens... assez fortunés dans leur région, dans leur comté, dans leur ville. Il y a aussi des gens extrêmement fortunés à l'échelle nationale, y compris l'homme le plus riche du monde, Elon Musk. Alors, il y a quelque chose pour moi de profondément paradoxal de voir des gens qui sont devenus riches d'une manière presque inimaginable sous le système actuel. vouloir démonter le système qui leur a donné leur fortune. C'est assez extraordinaire à voir si c'était un cas d'un autre temps, dans un autre moment, dans un autre pays. Je serais fasciné en tant qu'historien. Comment est-ce qu'on peut expliquer cette antipathie des gens qui ont tellement bénéficié du système, leur antipathie pour ce même système ? C'est quelque chose de fascinant. Lorsqu'on est en train de vivre à l'intérieur de ce moment, ça reste fascinant, mais c'est aussi terrifiant.

  • Speaker #2

    Pour les uns, Donald Trump est un sauveur, pour ce soutien, c'est vraiment quelqu'un qui va effectivement changer le pays pour le mieux, revenir sur cet ordre dont ils ont été soi-disant perdants. Pour les autres, c'est vraiment un dictateur en puissance, un dictateur en herbe, un autocrate. Est-ce que la réalité est finalement un peu entre les deux ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la réalité paraît très claire. Quand Donald Trump va dire « je veux me présenter pour un troisième mandat » , Quelque chose qui est très clairement illégal sous la Constitution. On a un danger là, quand il dit que les gens nés aux États-Unis ne bénéficient pas de la citoyenneté américaine. Quelque chose qui est, encore une fois, dans la Constitution. C'est un amendement. Le 14e amendement à la Constitution a été bâti après la guerre civile. On pourrait dire qu'on a fait une grosse guerre sur cette question-là. Est-ce que tout le monde né sur le territoire américain est un citoyen ? Oui ou non ? À l'époque, la question se posait autour de l'esclavage et la question a été résolue par cette guerre. La réponse est oui. Quand Donald Trump dit unilatéralement qu'il ne veut pas respecter la Constitution, cette proclamation dans la Constitution, c'est quelque chose de dangereux. Donc, je pense que la question est autre qu'est-ce qu'on est pour ou contre les valeurs de Donald Trump. Ça, il y a un argument à faire et c'est une question d'opinion, je dirais. Mais est-ce qu'on est pour ou contre la manière de faire ? Là, il me semble qu'on est pour la loi et on est pour la Constitution ou on ne l'est pas. On ne peut pas avoir trop d'opinion là-dessus, il me semble. Moi, je pense qu'on est dans un système... Notre moment est un moment de danger, mais aussi de possibilité. Et je crois qu'on est dans une crise très profonde pour les deux partis politiques. Pour le parti républicain, c'est très clair, c'est devenu une culte de personnalité autour de Donald Trump. Il n'y a vraiment plus de parti politique dans sa façon traditionnelle de faire. Donc, qu'est-ce que va devenir le parti républicain après Donald Trump ? Parce qu'à un moment ou un autre, il va passer, même s'il fait un troisième mandat ou un quatrième mandat, il ne peut pas vivre dans l'infini. Il y aura une époque post-Donald Trump, ou dans un an, ou dans dix ans, je ne pourrais pas vous dire, mais cette période va arriver. Qu'est-ce que va devenir le parti républicain ? Je ne sais pas. C'est très difficile pour moi de répondre à cette question. Pour le Parti démocrate, c'est également un moment de crise, il me semble. Le Parti démocrate continue à ressembler à un parti politique dans notre système de politique traditionnel. Mais il y a une grosse tension à l'intérieur du Parti démocrate pour comment attirer une majorité. Et quel sera l'avenir du parti ? Dans le passé, il y a eu d'autres partis politiques. Il y a eu le parti Whig qui existait, le parti fédéraliste qui a existé pour disparaître. Il est possible, je sais que c'est très difficile d'imaginer parce que ça fait tellement de temps qu'on existe, qu'on vit avec ces deux partis politiques, mais il est possible d'imaginer un scénario dans lequel un de nos deux partis, ou même les deux partis, un des deux pourrait disparaître, pourrait être remplacé par autre chose. Quel sera ce nouveau cas de figure ? C'est impossible à dire, mais on est dans un moment flou et ouvert qu'on n'a pas vu depuis très longtemps, je pense.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, François, forcément.

  • Speaker #0

    100 jours après son investiture, une série de sondages montrent que les Américains sont de plus en plus défavorables aux actions de Donald Trump. C'est particulièrement vrai pour sa gestion de l'économie et de l'immigration, deux sujets pourtant considérés comme ses points forts pendant la campagne. Dans l'ensemble, 45% des Américains soutiennent son travail, contre 52% au moment de son investiture, selon une moyenne calculée par le New York Times. Face à cette tendance, Les électeurs que j'ai rencontrés depuis son retour ont une réponse, il faut lui donner du temps. Merci d'avoir écouté cet épisode de C'est ça l'Amérique. S'il vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner à la chaîne de l'émission sur votre plateforme de streaming favorite et à laisser un commentaire ou une étoile.

  • Speaker #2

    On se retrouve le mois prochain.

  • Speaker #1

    C'est une belle télévision, je dirais.

Description

Difficile de croire que cela ne fait que cent jours que Donald Trump est de retour au pouvoir. Depuis son investiture le 20 janvier 2025, le président républicain impose un rythme soutenu en multipliant les décrets pour réformer l’État fédéral et « rendre à l’Amérique sa grandeur » (« Make America Great Again »). Chaque jour, ses opposants dénoncent une dérive autocratique et un danger pour la démocratie. Ses partisans, quant à eux, saluent ses actions visant à bouleverser le système : guerre commerciale, expulsions de sans-papiers, et coupes drastiques dans les dépenses fédérales orchestrées par Elon Musk.


Quels enseignements pouvons-nous tirer de ces cent premiers jours sur la manière dont Donald Trump exercera son second mandat ? C’est l’une des questions qu’Alexis Buisson, correspondant de La Croix à New York, a posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l’université Johns Hopkins à Baltimore (Maryland). Furstenberg est l’auteur de deux ouvrages : In the Name of the Father (Éd. Penguin Books, 2006) sur le père fondateur George Washington, et When the United States Spoke French (Éd. Penguin Press, 2014), qui traite de la naissance des États-Unis à travers les yeux de cinq Français.


Dans ce premier épisode de la saison 4 du podcast "C'est ça l'Amérique", Alexis Buisson analyse la société américaine sous l'ère de Donald Trump avec l'aide d'experts francophones résidant aux États-Unis. Les invités discutent de l'impact de Trump sur la Maison Blanche et sur la politique américaine en général. Ils examinent comment ses décisions, en tant que président, ont influencé les débats sur l'immigration et l'économie. Les experts partagent leurs points de vue sur les changements significatifs apportés par l'administration Trump et comment ces changements continuent de façonner le paysage politique actuel.


CRÉDITS :


Écriture et réalisation : Alexis Buisson. Rédaction en chef : Paul De Coustin. Production : Célestine Albert-Steward. Mixage : Théo Boulenger. Musique : Emmanuel Viau. Illustration : Olivier Balez.


► Vous avez une question ou une remarque ? Écrivez-nous à cette adresse : podcast.lacroix@groupebayard.com


"C'est ça l'Amérique" est un podcast original de LA CROIX - avril 2025.


En partenariat avec le programme Alliance – Columbia et ses partenaires (Sciences-Po, Polytechnique, La Sorbonne), et French Morning, le premier web magazine des Français d’Amérique.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    qui feront de l'Amérique une nouvelle fois puissante. Je vais vous dire, vous ne négociez pas comme je négocie. pour discuter des transformations de la société américaine en compagnie d'observateurs francophones.

  • Speaker #1

    C'est ça l'Amérique, un podcast proposé par La Croix, le programme Alliance Columbia et le site d'information French Morning.

  • Speaker #0

    Nous sommes fin avril dans la petite ville de Penn Argyle, en Pennsylvanie. Ici, c'est Trump Country, le territoire de Trump. Cette région était autrefois connue pour sa production d'ardoises, mais ses carrières ont été emportées par les crises économiques et la concurrence mondiale. Sa population est majoritairement blanche, ouvrière et en colère contre les démocrates, devenus trop woke et élitistes à son goût. J'ai voulu y faire un tour pour les 100 premiers jours de la seconde présidence Trump afin de prendre le pouls de ses partisans. J'ai fait la rencontre d'Aileen, une ex-démocrate devenue plus trumpiste que les trumpistes. Je lui ai demandé ce qu'elle pensait de l'action de Donald Trump jusqu'à présent. Je suis très content de ce qu'il fait. Vous êtes peut-être un démocrate essayant de soutirer des infos, mais je m'en fiche. J'aime bien ce qu'il fait sur la frontière, c'est le principal. L'économie, ça va prendre du temps, car elle a été détruite pendant 4 ans sous Joe Biden. Je reconnais que notre épargne retraite, qui est indexée sur la bourse, a pris un coup avec les annonces sur les droits de douane. Mais une fois que les tarifs douaniers s'installeront, et que nous serons sur un pied d'égalité avec les autres pays, ça s'arrangera. Biden ne savait pas ce qu'il faisait. Il n'était pas le président. Il y avait des personnes derrière lui qui tiraient les ficelles. Difficile de croire que cela ne fait que 100 jours que Donald Trump est de retour aux affaires tant le rythme imposé par le locataire de la Maison-Blanche est soutenu. Tous les jours, il alarme ses opposants, qui le considèrent comme un autocrate et un danger pour la démocratie. Ses soutiens quant à eux ? sont globalement contents des mesures prises pour renverser le système, la guerre commerciale, les expulsions de sans-papiers, les coupes drastiques aux dépenses fédérales sous la tronçonneuse d'Elon Musk. Quels indices nous donnent ces 100 premiers jours sur la manière dont il exercera son soutien ? second mandat, c'est l'une des questions que j'ai posées à François Furstenberg, historien franco-américain à l'université Johns Hopkins à Baltimore. Il est l'auteur de deux livres, l'un sur le père fondateur, George Washington, et l'autre sur la naissance des Etats-Unis, raconté à travers cinq Français qui en ont été les témoins.

  • Speaker #2

    Bonjour François Furstenberg.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup de nous accueillir ici dans votre bureau à Johns Hopkins University à Baltimore.

  • Speaker #0

    Alors bien sûr,

  • Speaker #2

    100 jours, ce n'est pas beaucoup à l'échelle d'une présidence aux États-Unis.

  • Speaker #0

    Mais selon vous,

  • Speaker #2

    qu'est-ce que ces trois premiers mois de Donald Trump au pouvoir donnent à voir sur le reste de sa présidence ? Et sur ce à quoi peut ressembler le reste de sa présidence ?

  • Speaker #1

    On voit très clairement, je pense, dans les 100 jours de Donald Trump, une très grande ambition. Une ambition de... Sur l'échelle nationale, une ambition de défaire beaucoup de choses qui ont été construites depuis au moins la présidence de Franklin Roosevelt. D'ailleurs, une présidence d'où vient cette idée de 100 jours ? C'était le premier président à avoir présenté une idée de « il faut accomplir quelque chose dans les 100 jours » . Donald Trump et son mouvement MAGA, un retour vers un passé imaginé, un passé antérieur, sont en train de tenter vraiment de défaire beaucoup de choses d'accomplissement de l'État central, de l'État fédéral. Sur l'échelle internationale, on voit aussi une ambition, je pense très importante, de défaire le monde, l'ordre mondial qui a été construit depuis la Deuxième Guerre mondiale, ce fameux siècle américain. Que ce soit les échanges internationaux sur le système économique mondial ou le système de gouvernance mondiale à travers l'ONU, à travers les alliances internationales dans lesquelles les États-Unis étaient imprégnés. Une tentative vraiment de défaire cet ordre mondial qui existe depuis presque 80, 90 ans maintenant.

  • Speaker #2

    Je me demande aussi, en regardant ce qu'il a accompli pendant ses 100 premiers jours, il y a quand même... un certain nombre d'erreurs ou de rétropédalages, comme on peut le voir sur les droits de douane aujourd'hui, où il souffle un peu le chaud et le froid vis-à-vis de la Chine, ou même chose sur certains décrets. Est-ce qu'il est vraiment mieux rodé qu'en 2017, ou est-ce que ce n'est pas un peu une illusion ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si Donald Trump a vraiment changé. Il est impossible de rentrer dans la tête de Donald Trump, évidemment. Ce que je pense, la grande différence, c'est son entourage. C'est-à-dire... En 2016-2017, c'était des gens qui connaissaient la politique, qui connaissaient comment fonctionne le système politique et qui suivaient plus ou moins les règles de la politique et de la loi. Aujourd'hui, ce n'est pas du tout le même profil dans son entourage. Et donc, Donald Trump, qui est toujours quelqu'un, je crois, impulsif, qui a des idées qui ne sont pas forcément attachées à la réalité, comme une idée que les tarifs vont établir une nage d'or. c'est pas très attaché à la réalité d'aujourd'hui, l'idée qu'on peut... Il retournait dans une période imaginée, d'ailleurs, parce que ce n'était pas du tout le cas, mais une période où il imagine que sous la présidence de McKinley, où les tarifs apportaient la richesse nationale.

  • Speaker #2

    C'est le président au début du XXe siècle qui a vraiment érigé les droits de douane en mode de gouvernance.

  • Speaker #1

    Oui, c'est curieux pour un historien parce que McKinley n'est pas considéré comme un grand président. Pourtant, ça vient de quelque part, je ne sais pas où, cette vénération, au moins en ce moment, pour l'administration de McKinley. Donc, Donald Trump, ce système de tarifs qu'il veut imposer, qui va à l'encontre de tous les accords de l'échange mondial qui ont été établis depuis des décennies maintenant, cette idée n'est pas très attachée à la réalité d'aujourd'hui. Alors, lorsqu'il n'y a personne pour restreindre les impulsions, ses rêves, ses fantaisies de Donald Trump, il peut les avancer, mais il rencontre la réalité qui est que Si on met effectivement des tarifs de 150, je ne sais pas où on est en ce moment, 150% disons sur les... sur les importations de la Chine, on va avoir des problèmes. Il y aura des pénuries assez extraordinaires dans les grandes surfaces à travers les États-Unis. Donc, il doit reculer. Il n'a pas le choix sauf de reculer. Ce qui est impressionnant pour moi, c'est à quel point ils vont de l'avant sans trop réfléchir, sans trop de stratégie. On dirait vraiment que c'est des impulsions qui gèrent tout en ce moment, j'ai l'impression. Et peut-être qu'il y a quelque part un désir pour le chaos. D'ailleurs, je le crois de plus en plus qu'il y a un désir. pour le chaos, un désir pour la destruction, un désir pour... Il y a une sorte d'impulsion nihiliste, je crois.

  • Speaker #2

    Quel avantage il y trouve à ce chaos, justement ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas. Je ne sais pas. Pour moi, ce sont des révolutionnaires dans le mode de la révolution culturelle en Chine, des gens qui vont défaire, qui vont déconstruire, qui vont démonter. Je ne sais pas s'ils ont véritablement une idée de ce qui pourrait remplacer. S'il y a une idée, ce sont plus des rêves ou des fantaisies. Je ne vois pas trop de réflexion stratégique dans les actions en ce moment.

  • Speaker #0

    Avant d'aller plus loin, faisons un point sur un aspect important de ces 100 jours, la bataille entre le gouvernement Trump et les juges fédéraux qui sont chargés de veiller à la constitutionnalité des actes de l'administration. Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a signé plus de 200... sans décret sur des sujets divers, l'interdiction des politiques d'inclusion et de diversité au sein de l'État, l'établissement du département de l'efficacité gouvernementale d'Elon Musk, la sortie des accords de Paris ou encore le changement de nom du Golfe du Mexique en 2020. en golfe de l'Amérique. Près de la moitié de ces décrets ont été bloqués ou suspendus par des juges, comme sa tentative de remise en cause du droit du sol. On en reparlera plus tard dans ce podcast. Face à ce contre-pouvoir, sans doute le plus important de ce début de mandat, Donald Trump et ses alliés, comme Elon Musk, s'emploient à questionner la légitimité des juges. En plus de se livrer à des attaques... personnel sur eux et leur famille, il les accuse d'être des militants et appelle à leur renvoi. Vendredi 25 avril, les tensions sont montées d'un cran avec l'arrestation par le FBI d'une juge du Wisconsin accusée d'avoir entravé l'interpellation d'un immigré sans papier dans son tribunal.

  • Speaker #2

    Vous parlez de McKinley, je voulais parler d'un autre président que vous connaissez bien, George Washington, sur lequel vous avez écrit premier président des États-Unis, père fondateur des États-Unis. Qu'est-ce que, à votre sens, George Washington penserait de l'exercice du pouvoir par son lointain successeur Donald Trump ?

  • Speaker #1

    J'hésite beaucoup de parler pour George Washington, mais ce que je peux dire, c'est que George Washington était évidemment le premier président des États-Unis. Et c'était aussi lui qui a présidé sur la convention qui a rédigé la Constitution américaine. Cette constitution est fameusement basée sur une division de pouvoir entre trois branches. La première, c'est le Congrès, qui doit être le plus important, le plus puissant. Et c'est le Congrès qui établit les lois, c'est le Congrès qui décide comment dépenser l'argent de la trésorerie américaine. Ensuite, il y a l'exécutif, la branche exécutive, le président. Et le président est censé mettre en place les lois établies par le Congrès. y compris les dépenses. Et finalement, il y a le système judiciaire, il y a la Cour suprême. Ce qui est très frappant et marquant de l'administration de Donald Trump, c'est sa volonté d'aller au-delà de ce système constitutionnel. Avec le parti républicain dominé par Donald Trump comme il est aujourd'hui, et d'ailleurs, le système partisan n'était pas quelque chose qu'avaient imaginé les pères fondateurs, y compris George Washington. Avec le parti républicain dominé comme il est, par Donald Trump, le Congrès ne fait pas son travail. C'est-à-dire le Congrès qui doit normalement s'occuper des dépenses, établir les règles qui seraient en mesure de restreindre un exécutif qui va au-delà de ses pouvoirs légals, constitutionnels, ne fait pas ce travail. Donc, on voit en ce moment Donald Trump qui utilise le power of the purse, comme on dit aux États-Unis, qui est réservé au Congrès.

  • Speaker #2

    Le pouvoir du portefeuille, le pouvoir de l'argent.

  • Speaker #1

    Oui, pardon, le pouvoir du portefeuille, exactement, le pouvoir de dépenser de l'argent. Donald Trump qui est en train de s'accaparer de ce pouvoir qui est, selon la Constitution, le pouvoir du Congrès. Donc, quand Donald Trump dit « je ne vais pas dépenser de l'argent » qui a été établi par le Congrès, quand il dit « on va couper les dépenses de USAID » qui ont été établies par le Congrès, quand il dit « je vais ne pas donner de l'argent aux universités » tel qui est dans les lois établies par le Congrès, ça va à l'encontre de la Constitution, très clairement. Deuxièmement, avec le système judiciaire, Donald Trump de plus en plus commence à frôler l'illégalité totale. C'est-à-dire lorsque Donald Trump ou son administration fait quelque chose qui va à l'encontre des lois du Congrès ou de la Constitution, on porte procès. Il y a des groupes qui vont porter procès, qui vont porter plainte, qui vont se plaindre devant les juges. Les juges vont dire effectivement ça va à l'encontre de la loi. Donald Trump est en train de commencer petit à petit à ignorer ses décisions judiciaires. Et on voit ça le plus clairement, je pense, en ce moment, avec des décisions sur l'immigration. Donald Trump s'appuie sur une loi qui date de 1798, qui dit que lorsque le pays est en guerre, on a le droit de déporter, d'expulser des étrangers. Nous ne sommes pas dans une guerre en ce moment. Et donc même la Cour suprême a dit que c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Le suprême qui est dominé par des juges conservateurs, en plus, c'est ça aussi.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est une cour suprême qui est extrêmement conservatrice, qui croit dans, je pense, dans la politique, effectivement, de Donald Trump. Mais même cette cour suprême dit qu'il y a des choses qui vont trop loin. Normalement, quand on arrête quelqu'un, ils ont le droit à ce qu'on appelle ça du process, aller devant un juge et avoir les accusations proclamées contre cette personne. Ce n'est pas ce qui se passe en ce moment. Les gens sont expulsés sans... ces droits fondamentaux sous notre constitution, notre système légal. Alors, on ne sait pas où ça va mener, tout ça. Mais pour beaucoup de personnes, nous sommes déjà dans une crise constitutionnelle très profonde. Donc, pour revenir à la question « Qu'est-ce que penserait George Washington ? » Je pense qu'on peut dire, je ne sais pas ce qu'il dirait, George Washington, mais on peut dire que Donald Trump est en train de miner, de miner le système constitutionnel que George Washington avait aidé à mettre en place.

  • Speaker #2

    Est-ce qu'on est dans une situation réellement inédite dans l'histoire des États-Unis ? Parce que dans le passé, il y a eu des... Il y a des présidents qui ont essayé d'affirmer le pouvoir exécutif par rapport aux autres pouvoirs. Pendant ses 100 premiers jours, il y a l'exemple d'Andrew Jackson qui a souvent été cité comme d'un président populiste qui n'hésitait pas à aller contre les juges. Est-ce que ce qu'on vit en ce moment aux États-Unis est réellement sans précédent dans l'histoire du pays ?

  • Speaker #1

    Oui, je crois que oui. Je crois que c'est différent des autres présidences. Je crois que, et je vois deux différences principales, mais sans doute d'autres. Premièrement, je crois qu'il y a une volonté d'aller à l'encontre des lois, une volonté très ouverte de dire que nous n'allons pas suivre les lois du Congrès, que ce soit sur les dépenses ou sur autre chose. Et on n'est pas encore arrivé très ouvertement à l'idée qu'on va ignorer les décisions judiciaires, mais on n'est pas très loin de ça. Et donc, dans cette idée qu'on va ignorer la loi, que nous sommes la loi, que si le président le fait, c'est quelque chose de légal, je pense que c'est inédit. Il y avait Nixon qui avait tenté de dire, c'est une phrase d'ailleurs qui vient de Nixon, si le président le fait, ça ne peut pas être illégal. À l'époque, c'était vu comme une absurdité et pourtant aujourd'hui, même la Cour suprême a décidé que ça, c'est acceptable. Donc, une idée que le président est au-delà de la loi, ça, c'est différent, je crois, pour moi. Je pense qu'il n'y a pas vraiment de président avant qui aurait imaginé ça. Et deuxièmement, ce qui rend la situation d'aujourd'hui différente, par exemple, de Andrew Jackson, c'est que c'est la puissance des États-Unis et c'est surtout la puissance de l'État national, avec des outils de sécurité, des outils de surveillance et un militaire qui n'a jamais existé dans l'histoire du monde, d'une puissance extraordinaire. D'avoir tout ça sous le contrôle d'un président qui dénigre les lois, ouvertement, ça c'est un cas je pense inédit et très dangereux. C'est vrai que Donald Trump était élu et que beaucoup de choses que fait Donald Trump en ce moment ce sont des choses qu'il avait promis de faire pendant la campagne. Donc dans ce sens-là, il fait ce qu'il a promis de faire. Le problème avec cet argument il me semble c'est qu'il y a des manières de faire dans notre système démocratique, dans notre système constitutionnel. Si par exemple on veut fermer une agence comme USAID, Agence de Développement International, normalement, et si le président veut le faire, normalement, il irait au congrès. Il dirait, un congrès qui est également élu par le peuple, ce n'est pas juste le président qui est élu par le peuple. Il irait au congrès, d'ailleurs, qui est majoritairement républicain. Il dirait, je veux fermer USAID, établissons une loi pour fermer USAID. C'est comme ça que ça fonctionnerait sous notre système constitutionnel. Pourtant, ce n'est pas comme ça qu'il a fait. Il l'a fermé unilatéralement. Même les juges ont dit que c'est illégal. Pourtant, il le fait. Donc, c'est dans ce sens-là qu'il y a un problème, il me semble. Ce n'est pas que Donald Trump veut faire ce qu'il a promis de faire, c'est qu'il le fait de manière qui va à l'encontre de la Constitution et à l'encontre des lois. Et je pourrais donner maintes exemples de ça. Et on le voit, on vient de parler des déportations, des expulsions. Ça aussi, c'est illégal ce qui est en train d'être fait.

  • Speaker #2

    Ça serait juste de dire que finalement, les Américains, ... sont plutôt d'accord dans l'ensemble avec les objectifs qu'il a, mais la méthode pose question ou pose problème.

  • Speaker #1

    Est-ce que les Américains sont d'accord ? Non, je pense que la base MAGA appuie fortement. C'est combien ? On parle de combien de personnes ? Je ne sais pas, je ne pourrais pas vous dire exactement. Peut-être un tiers du pays, peut-être 40%. Après, il y a sans doute à peu près la moitié, un peu moins de la moitié, au moins des électeurs, qui sont contre ce que fait... Donald Trump. Après, il y a ce, je ne sais pas, ce 10-15% entre les deux. Qu'est-ce qu'ils pensent, ces gens-là ? Est-ce qu'ils sont pour ce que fait Donald Trump ou est-ce qu'ils étaient mécontents avec la situation économique ? Est-ce qu'ils veulent vraiment voir des expulsions de manière qu'on voit ? Est-ce qu'ils veulent voir des gens envoyés dans des camps de concentration en El Salvador sans passer devant un juge ? À mon avis, non, mais il est possible que 50% plus une personne le veuille. Je ne pourrais pas vous dire, mais de toute manière, là n'est pas la question. La question, c'est est-ce que c'est légal ou pas ce qui est en train d'être fait ?

  • Speaker #2

    La méthode de Donald Trump, qui est très radicale, en effet, comme vous l'avez dit, ignorer la loi, ignorer la Constitution dans certains cas, est-ce que ça correspond tout de même à un désir de radicalité, de la part d'une partie de l'électorat, de la part de son électorat, qui explique notamment que les gens qui ont voté pour lui sont en grande partie contents de ce qu'ils voient ?

  • Speaker #1

    Oui, alors, il y a beaucoup de paradoxes en ce moment, je trouve. Alors, qui est la base MAGA ? Il y a des données là-dessus. Dans l'imaginaire, l'imaginaire médiatique, c'est souvent ces pauvres blancs, la fameuse classe ouvrière blanche. Pourtant, à l'intérieur de ce mouvement MAGA, il y a aussi beaucoup d'élites, que ce soit locales des gens, on va dire des gens... assez fortunés dans leur région, dans leur comté, dans leur ville. Il y a aussi des gens extrêmement fortunés à l'échelle nationale, y compris l'homme le plus riche du monde, Elon Musk. Alors, il y a quelque chose pour moi de profondément paradoxal de voir des gens qui sont devenus riches d'une manière presque inimaginable sous le système actuel. vouloir démonter le système qui leur a donné leur fortune. C'est assez extraordinaire à voir si c'était un cas d'un autre temps, dans un autre moment, dans un autre pays. Je serais fasciné en tant qu'historien. Comment est-ce qu'on peut expliquer cette antipathie des gens qui ont tellement bénéficié du système, leur antipathie pour ce même système ? C'est quelque chose de fascinant. Lorsqu'on est en train de vivre à l'intérieur de ce moment, ça reste fascinant, mais c'est aussi terrifiant.

  • Speaker #2

    Pour les uns, Donald Trump est un sauveur, pour ce soutien, c'est vraiment quelqu'un qui va effectivement changer le pays pour le mieux, revenir sur cet ordre dont ils ont été soi-disant perdants. Pour les autres, c'est vraiment un dictateur en puissance, un dictateur en herbe, un autocrate. Est-ce que la réalité est finalement un peu entre les deux ?

  • Speaker #1

    Pour moi, la réalité paraît très claire. Quand Donald Trump va dire « je veux me présenter pour un troisième mandat » , Quelque chose qui est très clairement illégal sous la Constitution. On a un danger là, quand il dit que les gens nés aux États-Unis ne bénéficient pas de la citoyenneté américaine. Quelque chose qui est, encore une fois, dans la Constitution. C'est un amendement. Le 14e amendement à la Constitution a été bâti après la guerre civile. On pourrait dire qu'on a fait une grosse guerre sur cette question-là. Est-ce que tout le monde né sur le territoire américain est un citoyen ? Oui ou non ? À l'époque, la question se posait autour de l'esclavage et la question a été résolue par cette guerre. La réponse est oui. Quand Donald Trump dit unilatéralement qu'il ne veut pas respecter la Constitution, cette proclamation dans la Constitution, c'est quelque chose de dangereux. Donc, je pense que la question est autre qu'est-ce qu'on est pour ou contre les valeurs de Donald Trump. Ça, il y a un argument à faire et c'est une question d'opinion, je dirais. Mais est-ce qu'on est pour ou contre la manière de faire ? Là, il me semble qu'on est pour la loi et on est pour la Constitution ou on ne l'est pas. On ne peut pas avoir trop d'opinion là-dessus, il me semble. Moi, je pense qu'on est dans un système... Notre moment est un moment de danger, mais aussi de possibilité. Et je crois qu'on est dans une crise très profonde pour les deux partis politiques. Pour le parti républicain, c'est très clair, c'est devenu une culte de personnalité autour de Donald Trump. Il n'y a vraiment plus de parti politique dans sa façon traditionnelle de faire. Donc, qu'est-ce que va devenir le parti républicain après Donald Trump ? Parce qu'à un moment ou un autre, il va passer, même s'il fait un troisième mandat ou un quatrième mandat, il ne peut pas vivre dans l'infini. Il y aura une époque post-Donald Trump, ou dans un an, ou dans dix ans, je ne pourrais pas vous dire, mais cette période va arriver. Qu'est-ce que va devenir le parti républicain ? Je ne sais pas. C'est très difficile pour moi de répondre à cette question. Pour le Parti démocrate, c'est également un moment de crise, il me semble. Le Parti démocrate continue à ressembler à un parti politique dans notre système de politique traditionnel. Mais il y a une grosse tension à l'intérieur du Parti démocrate pour comment attirer une majorité. Et quel sera l'avenir du parti ? Dans le passé, il y a eu d'autres partis politiques. Il y a eu le parti Whig qui existait, le parti fédéraliste qui a existé pour disparaître. Il est possible, je sais que c'est très difficile d'imaginer parce que ça fait tellement de temps qu'on existe, qu'on vit avec ces deux partis politiques, mais il est possible d'imaginer un scénario dans lequel un de nos deux partis, ou même les deux partis, un des deux pourrait disparaître, pourrait être remplacé par autre chose. Quel sera ce nouveau cas de figure ? C'est impossible à dire, mais on est dans un moment flou et ouvert qu'on n'a pas vu depuis très longtemps, je pense.

  • Speaker #2

    Merci beaucoup, François, forcément.

  • Speaker #0

    100 jours après son investiture, une série de sondages montrent que les Américains sont de plus en plus défavorables aux actions de Donald Trump. C'est particulièrement vrai pour sa gestion de l'économie et de l'immigration, deux sujets pourtant considérés comme ses points forts pendant la campagne. Dans l'ensemble, 45% des Américains soutiennent son travail, contre 52% au moment de son investiture, selon une moyenne calculée par le New York Times. Face à cette tendance, Les électeurs que j'ai rencontrés depuis son retour ont une réponse, il faut lui donner du temps. Merci d'avoir écouté cet épisode de C'est ça l'Amérique. S'il vous a plu, n'hésitez pas à vous abonner à la chaîne de l'émission sur votre plateforme de streaming favorite et à laisser un commentaire ou une étoile.

  • Speaker #2

    On se retrouve le mois prochain.

  • Speaker #1

    C'est une belle télévision, je dirais.

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