Ecoutez l'introduction d'Anne Besson sur le genre de la fantasy ! L'universitaire et spécialiste nous présente cette littérature pas comme les autres. 

Il était une fois ... La Fantasy ! 

La fantasy a le vent en poupe sur les plateformes de streaming. Entre La Roue du Temps, Le Seigneur des Anneaux, The Witcher et House of Dragon, une nouvelle vague d’elfes, de dragons et de nains risque bien de tout submerger dans les prochaines années. Une destinée interessante pour un genre qui débute modestement dans la seconde moitié du XIXe siècle anglais. La redécouverte du Moyen Âge grâce à la popularité des romans historiques de Walter Scott influence une génération d’auteurs. Alors que L’Anneau du Nibelung retentit à l’opéra grâce à Richard Wagner en 1869, les Anglais ouvrent la voie de la littérature avec William Morris (La Source au bout du monde, 1896), E. R. Eddison (Le Serpent Ouroboros, 1922) ou encore Lord Dunsany (La Fille des Rois des Elfes, 1924). La poésie se mêle à des quêtes épiques proches des légendes arthuriennes. Le genre traverse ensuite l’Atlantique pour se nicher dans les pulps américains. En 1932, Conan le Cimmérien invente les codes de la fantasy moderne. Robert E. Howard est le premier à présenter des cartes et des articles de son univers dans le magazine Weird Tales. Les méchants sont déjà intéressés par l’argent, le pouvoir, le sexe ou la vengeance. Le suicide d’Howard en 1936, et l’oubli progressif de son guerrier, laisse un vide. Heureusement, un nouveau maître de l’imaginaire arrive en 1954. Avec son Seigneur des Anneaux, John Ronald Reuel Tolkien se transforme en père fondateur du genre. La force de son monde, sa qualité littéraire, la puissance de son travail sur la langue et la calligraphie propulse sa saga au plus haut. La fantasy tient son chef-d’œuvre.  

L’engouement autour de La Terre du Milieu imaginée par Tolkien, survient dans les années 60, en pleine contre-culture sur les campus américains. Son bestiaire, avec ses elfes, ses nains et ses orques, ainsi que la renaissance de Conan par Lin Carter et Lyon Sprague de Camp inspirent Dave Arneson et Gary Gygax pour inventer, en 1974, un jeu de rôle nommé Donjons et Dragons. Poussé par ce nouveau divertissement, le genre établit des codes bien à lui. Cartes, chronologies historiques et descriptions détaillées des mondes deviennent la norme. En 1977, Elric Le Nécromancien de l’Anglais Michael Moorcock lance un pavé dans la marre avec sa « dark fantasy ». Adieu braves chevaliers et nobles princes, les héros tourmentés et ténébreux font le plaisir des lecteurs. Quelques années après, La Compagnie noire impose ce nouveau sous-genre. Traumatisé par la guerre du Vietnam, l’écrivain américain Glen Cook y présente une galerie de salopards bien loin de la Communauté de l’Anneau et de sa « high fantasy »... Le genre connaitre son apogée au début des années 2000 avec les succès mondiaux d'Harry Potter, des adaptations du Seigneur des Anneaux au cinéma puis quelques années plus tard de l'adaptation de Game of Thrones par HBO. 

Anne Besson est professeur en Littérature Générale et Comparée à l’Université d’Artois (Arras). Spécialiste des ensembles romanesques, particulièrement en science-fiction, fantasy et littérature de jeunesse, elle est l’auteur de plusieurs ouvrages dont le plus récent est Les Pouvoirs de l’enchantement. Usages politiques de la science-fiction et de la fantasy (2021). Impliquée dans l’organisation et la diffusion des activités de recherche, présidente de l’association Modernités médiévales, elle a également coordonné plus de vingt ouvrages collectifs dont le Dictionnaire de la fantasy (2018). Elle est membre de l’équipe d’animation du Festival des Imaginales, où elle coorganise tous les ans le colloque universitaire.