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Chroniques occidentales

Richesse et pauvreté des nations, par un historien d'Harvard

Richesse et pauvreté des nations, par un historien d'Harvard

53min |10/11/2024
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Description

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Pour ce 3ème épisode du podcast de Chroniques occidentales, j’ai le plaisir de recevoir Richard Landes, historien américain francophone et spécialiste de l’Europe médiévale.

Nous avons échangé sur "Richesse et pauvreté des nations", le best-seller de son père David Landes, historien américain et professeur à Harvard disparu en 2013.

Ce livre, publié en 1998, répond à cette question : pourquoi l'Occident a-t-il dominé le monde, et non l'inverse ?


Au menu de cet épisode :

  • La chute de l’empire romain, finalement une bonne chose pour l’Europe ?

  • Le Moyen Âge européen, grande période d’innovation ! L’exemple de l’invention des lunettes ;

  • L’importance des règles de mariage dans le décollage économique de l’Occident ;

  • Le décollage de l’Occident : culture ou géographie ? Le débat avec Jared Diamond ;

  • L’Occident n’a pas le monopole de la colonisation ;

  • Le rôle des moines dans le décollage économique de l’Europe ;

  • La conception chrétienne d’un Dieu organisateur a-t-elle favorisé l’apparition de la science moderne ?

  • Pourquoi la révolution industrielle aurait-elle pu avoir lieu en Chine ?

  • L’invention de l’invention au Moyen Âge occidental.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ?

  • Speaker #1

    Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #0

    L'Occident n'a pas le monopole de la colonisation. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis.

  • Speaker #1

    Oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture. Ça se trouve pas beaucoup dans l'Occident.

  • Speaker #0

    Oui, si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Et donc,

  • Speaker #1

    on a ce phénomène qui est surtout... Tout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire.

  • Speaker #0

    Il voit la chute de l'Empire romain, mais plutôt une chose positive.

  • Speaker #1

    Ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute.

  • Speaker #0

    Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne. Richard Landis, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes universitaire américain, vous avez enseigné à l'université de Boston et vous êtes spécialiste de l'Europe médiévale. Aujourd'hui vous continuez à travailler sur l'histoire de l'Europe au Moyen-Âge et en particulier la période autour de l'an 1000. Si on discute aujourd'hui, c'est grâce à un livre. Ce livre, donc Richesse et pauvreté des nations, un livre qui a été écrit par David Landis, qui est votre père. qui est mort en 2013 et qui a écrit ce livre en 98. Donc on s'est rencontrés parce que j'avais fait un article sur ce livre que j'avais adoré. Et on s'est rencontrés, on a commencé à en discuter sur Twitter. Depuis, on a continué à discuter, on s'est rencontrés plusieurs fois. Et aujourd'hui, on va parler de ce livre qui est un livre vraiment passionnant, qui répond à la question pourquoi l'Europe a créé le monde moderne. Pourquoi ? Pourquoi l'Occident ? Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ? C'est un livre qui explique, qui essaie de comprendre les raisons derrière le décollage occidental à partir du XVIe siècle. Et il montre justement que ce décollage a des racines beaucoup plus centrales. Deux questions pour commencer. Vous parlez français. Pour un Américain, c'est assez rare. Donc pourquoi parlez-vous français ? Et deuxième question, pourquoi vous avez dédié votre vie à étudier l'histoire médiévale ?

  • Speaker #1

    Alors d'abord, je parle français parce que mon père faisait des années d'études et d'enseignement en France. Et donc, je suis même né en France, mais reparti un mois plus tard. Mais à l'âge de 3 ans, j'étais là un an entier. Et puis ensuite, en 6e, à l'âge de 10-11 ans, à l'école alsacienne. Et puis finalement, et je crois que c'est là où mon français s'est développé le plus, j'étais à l'école Normale Sup pour une année 71-72, et puis dans les Pyrénées, une métairie pendant un an et demi à peu près. Et ce qui m'a permis de parler le français. C'est au début, quand j'avais 18 ans, j'étais là, je voulais parler très vite parce que tous les Français parlent très vite. Et puis, je me suis ralenti et là, j'ai trouvé mon propre idiome en français.

  • Speaker #0

    Une métairie dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Vous avez passé un an dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était les années hippies. Retour à la nature. D'accord. Mais la raison pour laquelle je... Je me suis penché sur les Moyens-Âge, c'est un peu le prequel du livre de mon père. C'est que, à un moment, j'étais aux Indes et on étudiait, j'étais avec 30 étudiants, on faisait le tour du monde en passant un mois dans plusieurs pays pour étudier le développement. D'accord. Et là, Romila Thapar a expliqué que la raison que les hindous n'ont pas vraiment la volonté de changer, c'est que pour eux, le monde était juste. Si tu es né pauvre, misérable, etc., c'est à cause de quelque chose que tu as fait dans ta dernière incarnation. Et donc, tu le mérites. Tandis que je pensais, tiens, c'est exactement l'opposé en l'Occident. La France, c'est... messianique, c'est le monde est rempli de mal, de mauvais, d'oppression, et on attend un moment dans le futur où ça va se balancer, et les derniers seraient les premiers, les premiers seraient les derniers. Alors ça, ça m'a fait penser, j'avais lu le livre de Jacques Le Goff, où il parle du millénarisme et de ce rêve qui... qui jaillissait pendant les Moyens-Âges. Et finalement, je suis tombé, enfin tombé, j'ai cerné la grande mutation culturelle qui s'est produite autour de l'an 1000. D'accord. Et en fait, j'ai découvert toute la tradition qui ciblait l'an 1000 pour l'arrivée du millénium.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Pour l'arrivée des temps messianiques.

  • Speaker #0

    Donc. Pour bien comprendre, vous avez découvert que, par exemple, dans notre civilisation, la vision du temps est cyclique. Donc c'est le temps qui revient sur lui-même. Oui. Donc comme en Inde, par exemple, il y a la réincarnation.

  • Speaker #1

    Et il n'y a rien à faire.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que vous dites, c'est qu'en Occident, on a une vision du temps plus linéaire. Oui. Donc, ce qu'elle veut dire ? On peut progresser, on peut améliorer la situation.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, je dirais que ce qui s'est passé quand le millénium ne s'est pas produit, Jésus...

  • Speaker #0

    Le millénium, c'est Jésus.

  • Speaker #1

    C'était le temps messianique, le temps paradis sur Terre. Et quand ça ne s'est pas produit, quand Jésus n'est pas revenu, en fait, l'historien sur lequel j'ai fait ma thèse a eu... une vision en 1010 du Christ sur la croix, vraiment au daliesque, dans les cieux, qui pleurait. Alors ça, c'est l'image de l'impuissance. Il devrait revenir sur les nuages, etc. Ce qui s'est produit au passage de l'an 1000, c'est ce que j'appellerais une forme de... de millénarisme actif transformateur, c'est-à-dire c'est à nous de transformer le monde.

  • Speaker #0

    Transformer le monde pour être digne du retour du...

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et donc ça a mis dans la tête des Européens l'idée qu'il fallait progresser, améliorer pour être...

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est du XIe siècle qu'on a révolution agricole, révolution urbaine, révolution commerciale. Révolution à l'intérieur de l'Église, la Réforme qui est vraiment révolutionnaire, les débuts des universités, c'est vraiment un siècle qui foissonne de créativité.

  • Speaker #0

    Donc c'est pour ça que vous avez dédié... C'est pour ça que je m'intéresse. Et ça vient compléter aussi le travail de votre père qui s'intéresse au siècle postérieur. Oui. Donc pour parler concrètement de ce livre, il y a une phrase dans le livre qui dit que si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Oui.

  • Speaker #1

    Culture counts.

  • Speaker #0

    Pardon ? Ça compte. Oui, culture counts. La culture compte. Exactement. Et donc c'est un livre qui est assez peu politiquement correct, qui dit que certaines cultures ont permis de favoriser la science par exemple. Mais c'est un livre très ressourcé qui n'est pas... qui ne parle pas que de l'Europe, qui parle de la Chine, du monde entier. Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne et pas d'autres civilisations. Durant notre entretien, on va revenir sur les principales raisons que repère votre père. La première, c'est justement qu'il parle du Moyen-Âge européen. Et donc on a souvent une image assez sombre. du Moyen-Âge européen, donc même l'appellation Moyen-Âge n'est pas très flatteuse. Et votre père explique justement que cette période est sûrement une des plus inventives de l'histoire. Il cite notamment des inventions qui ont eu un impact énorme, par exemple l'invention des lunettes par les Italiens, qui a permis par exemple de prolonger de 10 à 20 ans la vie productive d'un intellectuel et également d'artisans, d'artisans qui fabriquaient des outils.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Précision extraordinaire.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc il parle de ces inventions. Une autre invention qu'il repère, c'est l'horloge.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant des deux points de vue, c'est qu'il y a des inventions qui se font, mais qui ne s'étalent pas. Par exemple, c'est à la fin de l'Empire romain qu'on a développé le moulin à eau.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Mais ça ne s'est pas produit parce que c'était une culture d'esclavage. Et on n'avait pas besoin de trucs qui vous gagneraient du temps. On avait des esclaves à l'époque.

  • Speaker #0

    Des esclaves sans disposition, pas besoin d'innover, d'accord.

  • Speaker #1

    Tandis qu'au XIe siècle, à partir du XIe siècle, on a, quelqu'un fait le calcul, on a un essor extraordinaire de moulins à eau partout, en Catalogne surtout, et au vent. dans les Pays-Bas. Et lui, il a estimé que l'énergie que produisait l'Occident s'est multipliée parfois par trois pendant ce siècle. Alors c'est petit en comparaison avec les usines, etc. Mais c'est énorme dans le sens que ça coûte beaucoup. Comment une société peut se payer ? quelque chose comme ça. On ne va pas poursuivre ça, mais même chose avec les lunettes. Les lunettes sont tout de suite devenues quelque chose que tout le monde, enfin pas tout le monde, mais surtout les gens qui travaillaient avec leurs yeux, les écrivains, comme tu dis, les... Les faiseurs de...

  • Speaker #0

    Les artisans.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    les faiseurs de petits.

  • Speaker #1

    Alors, et ça a eu un effet énorme sur la société parce que normalement on s'attend, si on est bureaucrate disons, on s'attend à ce que les gens qui sont là quand on commence vont finir à l'âge de 40 ans et il y aura une place. Mais tout d'un coup, ils résistent, ils sont là jusqu'à 60 ans. Il y a toute une génération qui se trouve un peu... Ses attentes sont frustrées et qui mettent leurs énergies par ailleurs. Et il y a même un argument que ça a déclenché déjà au XIVe siècle les courants qui vont amener à la Renaissance. C'est-à-dire une intelligentsia qui est... en quelque sorte indépendante des chemins normaux pour avancer dans la vie et qui se créent des opportunités.

  • Speaker #0

    Oui, donc ce que je dis, c'est la productivité. Donc par exemple, les lunettes font augmenter la productivité et la longévité de la vie active d'artisan. Oui. Et donc ce qui fait que les jeunes artisans doivent innover, doivent faire autre chose, puisque...

  • Speaker #1

    Et alors, une des choses qu'ils ont fait, c'est l'horloge. Et l'horloge, mon père a écrit tout un livre là-dessus, je crois que ça s'appelle, en anglais, c'est Revolution in Time. Et là, on a cet effet extraordinaire. Il y a les villes qui se payent une horloge. Petit à petit, ça se miniaturise. Et finalement, une personne peut avoir un horloge. qui prend dans sa poche. Et finalement, ça a rendu le travail beaucoup plus efficace parce qu'on pouvait rencontrer des gens à une telle heure, tandis qu'auparavant, on les rencontrait, et si on a un rendez-vous, on le fait dans la matinée d'eux. Et donc, ça a beaucoup changé la mentalité des gens et surtout, ça a changé la vie des gens. la mentalité il ya l'expression time is money le temps et l'argent et en fait il s'est beaucoup changé la façon dont les gens pensaient au sujet du temps et préciser les réunions le travail etc ce qui explique votre père dans son âme c'est que la mention l'eau

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a l'habitude, c'est naturel, de mesurer le temps, c'est-à-dire une heure, une heure, et on va se voir à 18 heures, donc c'est assez précis. Ce qu'il explique, c'est que l'invention de l'horloge, c'est aussi inventer le concept de productivité. On savait, on s'est dit, voilà, une heure de travail, je sais faire ça, comme je peux mesurer, je peux mesurer la productivité, donc je peux me dire, je vais essayer d'augmenter la productivité, puisque je peux mesurer le temps. Et donc il explique, voilà, l'introduction de l'horloge dans les villes européennes a permis déjà d'être plus efficace dans les affaires, les rendez-vous précis, mais aussi augmenter la productivité du travail parce qu'on peut le mesurer et donc progresser.

  • Speaker #1

    Et donc on a ce phénomène qui est surtout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire. Et on le voit dans le monde moderne par exemple. Avec l'internet. Arbanet, c'était l'armée américaine qui l'a produit. Au Moyen-Âge, ce serait la réserve du roi. Et ils ont tout de suite fait ça. Ils ont rendu ça public et ils ont changé vraiment, pas forcément pour le mieux, mais ils ont changé la culture occidentale et mondiale en faisant cette... cette innovation extraordinaire et le rendant à la portée de tous.

  • Speaker #0

    Parce que ça,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait occidental.

  • Speaker #0

    Donc oui, Paris, par exemple, a eu sa première horloge sur l'île de la Cité, quelques jours là d'ailleurs. Oui, oui. Au début, c'était des horloges publiques.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et pour continuer sur le Moyen-Âge, j'ai découvert récemment l'importance des cisterciens. ou des moines. Par exemple, sur les cisterciens, ils ont eu un rôle fondamental dans le développement de l'Europe, parce qu'au XIe, XIIe siècle, il y avait environ 500 monastères cisterciens. XIIe, XIIIe. Et les cisterciens recherchaient vraiment la productivité, avoir produit plus, pour être plus efficace dans le travail, pour dédier plus de temps aussi à la prière. Ce qui était intéressant, c'est que c'est aussi un universitaire américain qui l'explique. Il explique que les cisterciens étaient à la recherche de la productivité dans le travail, dans la fabrication des outils. Il y avait des usines, des premières usines sont dans les monastères cisterciens, en Bourgogne particulièrement. Et il montre que ces monastères se sont construits dans toute l'Europe et donc dès qu'un monastère trouvait une innovation... Il l'a dispatché dans toute l'Europe, dans tous les monastères, et donc au contact des populations locales. Par exemple, le marteau de forge hydraulique s'est répandu dans toute l'Europe. Et donc, il y a eu des changements de mentalité dans la population, la mesure du temps. Mais il y a aussi, au sein des ordres monastiques catholiques, des habitudes qui ont propagé des innovations technologiques dans toute l'Europe.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a un élément absolument essentiel et culturel, c'est que les cisterciens, enfin ça remonte à la règle de Benoît, mais les cisterciens voyaient le travail manuel comme digne, comme quelque chose que l'homme devrait faire.

  • Speaker #0

    Ce qui n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Ce qui n'est pas le cas. Par exemple, les clunisiens, ils avaient des cerfs qui faisaient le travail. Mais pour les cisterciens... C'est les moines qui doivent faire le travail, c'est laboro, c'est orare.

  • Speaker #0

    Ora et laborer, prier et travailler, c'était leur nom.

  • Speaker #1

    Et en fait, travailler c'est prier, c'est une forme de prière. Et dès qu'on met des gens intelligents au travail, plutôt que des esclaves qui n'ont aucune raison d'innover, les innovations commencent. Et c'est surtout, et c'est pourquoi j'ai dit que c'est les puritains, proto-puritains, parce que c'est exactement ce que Max Weber a argumenté, c'est que c'était parmi les sectes les plus, moi j'appelle ça démotiques, populaires, mais pas populaires dans le sens normal, c'est dans les sectes, les méthodistes, les puritains, les quakers.

  • Speaker #0

    Les premiers mouvements protestants.

  • Speaker #1

    Les premiers mouvements protestants que s'est produit le capitalisme. Parce qu'au lieu de dépenser l'argent qu'ils faisaient en s'achetant des titres et des beaux vêtements, etc., ils étaient très rigoristes et donc ils avaient tout cet argent. à remettre dans le développement économique.

  • Speaker #0

    Donc l'argent a été réinvesti en capital pour développer... C'est ça,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et alors, toute cette échappatoire du... Enfin, l'achat de positions plus grandes dans l'aristocratie est coupée et donc on a un foissonnement au niveau du travail extraordinaire. Et les cisterciens, c'est vraiment les premiers à faire ça.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc oui, les cisterciens catholiques, mais ensuite les protestants, peut-être plus tard, qui auront cette même mentalité. Il y a aussi un élément qui est intéressant dans le livre de votre père, c'est qu'il voit la chute de l'Empire romain. Il dit plutôt une chose positive à la fin de l'Épistère. Ce qu'il explique, la chute de l'Empire romain a permis une Europe totalement divisée, entre petits royaumes. sans jamais retrouver d'unité impériale. Et cette division politique de l'Europe durant tout le Moyen-Âge, donc voilà, le royaume de France, l'Espagne, le Saint-Empire, l'Angleterre, ça a créé de l'innovation puisque les royaumes étaient en concurrence entre eux, et la concurrence était assez positive. Les rois ont encouragé l'innovation dans les sciences pour avoir des meilleures armes, pour pouvoir faire de meilleures guerres contre les autres royaumes. Et donc, C'est contre-intuitif de dire, heureusement que l'Empire romain s'est effondré, ce qui doit donner une Europe divisée en concurrence.

  • Speaker #1

    Oui, bien que ça nous a donné 500 ans de misère, avec des petites exceptions comme Charlemagne, mais en fait oui, mon père parle beaucoup du fait que cette compétition a permis à des gens qui ne pouvaient pas s'avancer dans leur propre culture, de trouver un autre pays d'accueil, comme Descartes est allé au Danemark. Et en fait, cette concurrence positive a joué un rôle très important, surtout dans la diffusion du savoir. Il y a une très belle histoire de Galilée. Il était au début à Venise, qui était une république, mais il ne voulait pas les fardeaux du citoyen. D'accord. Alors il est allé à Florence. Et à Florence, on lui a donné son endroit de travail. Il était très content, mais maintenant il se trouvait sous les gilets de la papauté. Et c'est comme ça que les papes l'ont eu. S'il était resté à Venise, il n'aurait pas été condamné en hérétique.

  • Speaker #0

    D'accord. Parce qu'il était plus libre.

  • Speaker #1

    Plus libre, mais il y a un fardeau pour la liberté qu'il n'était pas content de payer. Mais en fait, la possibilité de se rendre... et d'avoir une réception positive a joué énormément dans, par exemple, les Hollandais. C'est un petit pays où on ne s'attend pas, mais parce que c'était un pays beaucoup plus libre que beaucoup d'autres endroits, où même les villes au Moyen-Âge, on pouvait se déplacer. Et donc ça faisait une échappatoire pour la créativité, à la fois intellectuelle et économique, technicienne, qui a changé le monde.

  • Speaker #0

    Et pour revenir sur les marchands, vous pouvez quitter un royaume s'ils étaient opprimés, ce qu'a fait la France en chassant les protestants, les protestants qui étaient très entreprenants. en son parti et ont apporté la richesse en Suisse. Donc, le fait de ne pas avoir un seul empire unifié a permis d'avoir des pays en concurrence qui devaient faire attention à ne pas trop... à ne pas se polier les marchands.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et donc là, vous parlez justement du rôle de la ville, de la ville européenne, en disant qu'aussi le fait de ne pas avoir, par exemple comme en Chine, un empire... ultra puissant qui domine toute l'Europe. Ça a permis l'apparition de villes, parce qu'aujourd'hui, on a peut-être du mal à l'imaginer, surtout en France. Aujourd'hui, il y a l'État, nation et puissant. Les villes ont des petits pouvoirs communaux. Mais au Moyen-Âge, il y avait des villes qui étaient quasiment des villes indépendantes, libres. Et ce que dit votre père, c'est que c'est... Ces villes franches européennes, il y en avait dans toute l'Europe, c'était vraiment des espaces de liberté, indépendants du roi, souvent indépendants du pape, où on pouvait créer, innover, et ils ont eu un rôle fondamental dans l'histoire de l'Europe.

  • Speaker #1

    Et un des détails importants dans ce procès, c'est que pour la plupart dans l'ancien monde, les villes étaient des centres administratifs. Alors, il y avait une grande ville et beaucoup de campagnes qui les donnaient... les impôts.

  • Speaker #0

    Prelever les impôts dans la campagne envers l'Antille.

  • Speaker #1

    C'est plutôt une relation, on pourrait dire, prédateur de la grande ville sur la petite campagne.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Ce qui s'est passé en Europe à partir du 11e siècle, c'est le renouveau des villes, mais cette fois-ci, c'était des petites villes. C'était des villes de 10 000 personnes, pas des villes de 1 million comme Rome. C'était des petites villes qui étaient intégrées dans l'économie en tout rang.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et qui en fait, pas mal de sa population venait des paysages en tout rang. Et il s'est développé cette idée que si un cerf s'échappe à une ville, et il reste un jour, un an et une journée... libre dans la ville, il peut rester dans la ville, il est libéré. Alors l'expression, l'air de la ville, c'est l'air de la liberté.

  • Speaker #0

    L'air de la ville le rend libre.

  • Speaker #1

    Oui, et ça c'est absolument extraordinaire, ça se trouve même pas dans le haut Moyen-Âge occidental où pour la plupart les gens dans la ville... protéger leur privilège et ne laisser pas n'importe qui venir. Et là, on ouvre les portes aux plus pauvres. Et le taux d'immigration des endroits rurals dans les villes est très grand. Il y a trois siècles de développement. pré-industriel mais très important en Europe de 11e, 12e, 13e siècle, c'est un phénomène extraordinaire où le plafond malthusien continue à s'élever.

  • Speaker #0

    Le plafond malthusien, c'est-à-dire, la discussion vient de Malthus, et qui, je résume, la croissance démographique contient en elle-même, au premier chèque, plus de gens à nourrir. Oui, il y a une limite,

  • Speaker #1

    mais... Avec la technologie, on peut... Et c'est ce qu'on a fait dans le monde aujourd'hui, à 8 billions de personnes. C'est impensable avec la technologie pré-industrielle.

  • Speaker #0

    Un historien français qui utilise, en parlant du XIIe siècle, qui parle de première révolution industrielle.

  • Speaker #1

    C'est Gimpel ?

  • Speaker #0

    Gimpel, oui.

  • Speaker #1

    Ouais, fantastique.

  • Speaker #0

    Jean Gimpel. Exactement. On en arrive à notre deuxième point. Donc on a vu, on a parlé de tous ces bouleversements... économique, culturel, des mentalités. Et donc ça, votre père montre que ça arrive, on en arrive au XVe siècle, où on a ce qu'il appelle l'invention de l'invention. C'est-à-dire une culture, l'Europe se distingue par une culture tendue vers le progrès, l'innovation, et plus de liberté que par rapport à d'autres civilisations, ce qui va permettre dans les siècles suivants de pouvoir avoir des industriels plus libres qui vont innover, qui vont créer la révolution industrielle.

  • Speaker #1

    Et aussi, il ne faut pas oublier qu'ils vont développer les armes de guerre. Et donc un petit pays comme la Portugal peut aller en Chine et dominer la situation de façon assez extraordinaire. Et ça s'est continué, cette domination. Alors d'un côté, il y a cet aspect démotique, mais d'un autre côté, il y a cet aspect impérialiste de l'Occident qui a produit sur le champ idéologique des contradictions qui finalement, après la Deuxième Guerre mondiale, a produit ce phénomène extraordinaire qui ne s'est fait... Pas fait.

  • Speaker #0

    À part que dans l'Occident, c'est la désimpérialisation, décolonialisation de leur empire. Volontairement. Volontairement, ça ne s'est jamais produit auparavant. C'est la même chose aux États-Unis avec l'esclavage. Les États-Unis, c'est le premier pays à... à bannir l'esclavage, bien que ça faisait une partie intégrale de son économie. Et donc, ce qui se passe aujourd'hui, c'est quand même extraordinaire, c'est que les progressistes, entre guillemets, qui n'aiment pas l'Occident, ne comprennent pas qu'ils sont dans la suite d'une évolution.

  • Speaker #1

    culturel et moral qui est tout à fait exceptionnel et ils veulent croire que tout le monde c'est comme ça et c'est nous qui sont le problème donc pour revenir à la à la vie donc on parlait cet espace de liberté on a parlé de la vision du temps au début un temps qui est linéaire qui est un temps qui n'est pas circulaire donc qui ne revient pas sur lui même J'ai récemment lu aussi un auteur américain qui s'appelle Rodney Stark et qui montre aussi que dans le christianisme, il y a une conception qu'on a un dieu organisateur du monde, chose qui n'est pas forcément évidente. Et Rodney Stark explique que cette conception du monde de dieu comme organisateur du monde et dans lequel il y aurait des lois qu'il faudrait déchiffrer, ont encouragé les scientifiques européens. Donc là, un peu plus tard, 7e, 13e. à chercher, à chercher, à chercher la science. Et par exemple, il prend l'exemple de Newton. Donc Newton... Un vrai croyant. Exactement, il était quelqu'un de très pieux. Et c'est en cherchant les lois de Dieu qu'il a trouvé des lois scientifiques. C'est ça. Mais justement, le fond de sa motivation, c'était de comprendre comment Dieu avait organisé l'univers. Et en se faisant, il a trouvé des grandes lois scientifiques. Et donc ça aussi, c'est un aspect... culturelle liée au christianisme qui explique que paradoxalement cette religion a aussi involontairement aidé la science avec cette vision d'un dieu organisateur.

  • Speaker #0

    La pensée scientifique joue un très grand rôle, enfin le millénarisme joue un très grand rôle dans la pensée scientifique et technologique parce que déjà à partir de Roger Bacon au XIVe siècle, la recherche... scientifique permet à construire le millenium sur terre c'est une forme d'activisme millénariste on n'attend pas que dieu vienne et commence les temps messianiques c'est à nous de le construire c'est à dire dans l'église on se dit faire

  • Speaker #1

    progresser la science est positif parce que ça va améliorer la situation pour faire revenir le messie alors c'est ce que j'appelle un projet préapocalypse

  • Speaker #0

    Alors, c'est quelque chose qu'on doit faire avant que viennent. Il y a un tas de tels projets. Par exemple, je crois que les croisés, surtout les premiers, pensaient que pour que Jésus vienne, revienne par Ouzia, pour qu'il revienne, il faut que nous prenons Jérusalem, nous la libérons. Tandis que c'est au main des incroyants, Jésus ne va pas revenir. Alors, ça n'a pas produit la parousie de Jésus, mais ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Oui, c'est ça. Alors c'est toujours, dans les mouvements millénaristes, ils n'ont jamais le succès qu'ils attendent, c'est-à-dire le temps messianique. Mais par contre, les... les, comment on dit,

  • Speaker #1

    les conséquences involontaires ont un effet énorme.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'est la même chose, l'analyse de Weber des protestants, c'est que ce n'est pas pour créer un monde capitaliste qui se sont penchés sur leur travail, mais c'était l'effet.

  • Speaker #1

    Oui, ce que dit Weber, c'est qu'il dit que le travail et la richesse sont un signe d'élection par Dieu.

  • Speaker #0

    Donc il faut le suivre. Et donc il y a ce développement extraordinaire de l'Occident qui ne s'est produit nulle part ailleurs. Et même quand moi j'étais jeune et mon père travaillait cette question dans les années 50 et 60, à part la Japon, il n'y avait pas d'autres pays qui ont pu imiter. imiter, même imiter ce que l'Europe a pu, ou l'Occident a pu générer. Alors c'est vraiment une double question. Comment ça se fait que l'Occident a pu générer cette révolution économique et pourquoi des pays, même quand ils le veulent, ont tant de mal à l'imiter ?

  • Speaker #1

    Il y a une partie culturelle qui est très importante. Par contre, ce qui est intéressant dans le livre, c'est que... Il parle beaucoup de la Chine. Oui. Et il dit concrètement, au XVe siècle, la Chine, donc l'Europe, a quand même vécu la grande peste. L'Europe est très affaiblie au XIVe. Au XIVe. Après s'être développée pendant deux grands siècles. Oui. Et donc votre père écrit qu'au XVe, XVIe siècle, la Chine est sûrement la civilisation la plus riche et la plus puissante. Oui. Elle a inventé la poudre, elle a inventé plein de...

  • Speaker #0

    L'imprimerie.

  • Speaker #1

    L'imprimerie, exactement. Et donc, il explique qu'au XVe siècle, rien ne suppose, si on devait faire un pari à cette époque-là, rien ne suppose que c'est l'Europe qui va se développer. On pourrait plutôt penser que c'est la Chine, un riche empire très innovant. Et donc, il explique pourquoi la révolution industrielle n'est pas apparue en Chine. Et c'est assez passionnant. Et justement, il voit plusieurs raisons. Une des premières, c'est justement la toute-puissance de... Paradoxalement, l'Empire est trop puissant et il étouffe la création de richesses, l'entrepreneuriat ou les innovations. Il prend par exemple l'exemple de l'amiral Zheng, qui est un explorateur chinois qui a fait des expéditions jusqu'en Afrique. Et donc à la fin du XVème siècle, l'Empereur interdit les explorations parce que ça pourrait déstabiliser tout ça. Et donc étouffe des potentiels innovations. Oui.

  • Speaker #0

    Alors d'abord, c'est important parce que, au point de vue culturel, ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute. On s'est disputé.

  • Speaker #1

    De confrontation d'idées.

  • Speaker #0

    De confrontation d'idées. Tandis qu'en Chine, c'est une culture de consensus.

  • Speaker #1

    Le confessionnisme... C'est ça.

  • Speaker #0

    Alors, surtout, pas trop de désordre. Exactement. Et c'est dans le désordre, surtout le désordre occidental, que tous ces développements se sont forgés. Alors, je me rappelle, il y a Ken Pomerantz, un chercheur américain, qui fait l'argument qu'en 1800... la Chine et l'Europe étaient à l'égalité et que c'est juste des petites choses qui ont fait que l'Occident s'est développé et que la Chine non.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a eu un débat à Harvard, au Fairbank Center, entre mon père et Ken Pomerantz. D'accord. C'était passionnant parce que, après... Tous les étudiants chinois se sont mis autour de mon père parce qu'ils voulaient apprendre pourquoi la Chine n'a pas eu un succès. Et tous les occidentaux se trouvaient autour de Ken Pomerantz parce qu'ils disaient « bof, la culture occidentale, c'est pas tellement bien, c'est juste la chance que ça a pu se produire » . Et c'était vraiment… la différence… Je crois que mon père parle du fait qu'en Chine, et c'est vrai aujourd'hui aussi bien qu'au 18e, 19e siècle, les renseignements que recevait l'empereur étaient beaucoup colorés par ce qu'on se disait l'empereur voulait entendre.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui, tandis que...

  • Speaker #1

    La formation était moins libre, circulait moins.

  • Speaker #0

    Exactement. Tandis que dans une culture de dispute, les renseignements sont... viennent de partout et à la fin, les renseignements les plus, comment on dit, accurate,

  • Speaker #1

    les plus vrais, enfin les plus justes,

  • Speaker #0

    les plus justes, dominent. Et en fait, le livre est basé, le titre du livre est basé sur Adam Smith, La richesse des nations. Et un des éléments qui a permis à Adam Smith de dire qu'il y a un main visible qui contrôle les prix, c'est qu'il y avait de bonnes renseignements. au sujet des prix. Dans les bonnes renseignements, il n'y a pas de main invisible.

  • Speaker #1

    Donc oui, pour expliquer, Adam Smith, à la fin du 19e siècle, écrit La richesse des navigants. Oui,

  • Speaker #0

    en 1767.

  • Speaker #1

    Et il explique qu'il y a une main invisible du marché, le marché s'autorégule, donc les prix, le libre partage des informations, de l'information, des actualités, permet de faire varier les prix de façon juste, ce qui permet une allocation... Meilleur des richesses et donc une économie qui fonctionne mieux.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et en fait, c'est ça le problème avec l'Empire romain. C'est ça le problème avec beaucoup des cultures de tiers monde et du deuxième monde, les Russes, les Soviétiques, etc. C'est l'effort d'imposer des prix, l'effort d'imposer les règles de commerce d'en haut. plutôt que de les laisser, de les régulariser, mais quand même de les laisser libres de se faire par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    Oui, l'économie libérale est plus efficace.

  • Speaker #0

    Oui, mais moins ordonnée.

  • Speaker #1

    Moins ordonnée, mais le désordre est créatif. Exact. Et sur la Chine et la différence entre la Chine et l'Occident, votre père insiste aussi sur l'importance des droits de propriété. Aujourd'hui, c'est quelque chose qui est naturel pour nous, on est propriétaire d'une aisance, c'est à nous. Mais ce concept d'avoir une propriété de quelque chose ne tombe pas du ciel. Et donc, il parle déjà du droit romain, qui est le premier qui a défini ça, et donc qui est redécouvert à la Renaissance. Et il explique que le droit de propriété et le fait qu'il soit plus ou moins respecté en Europe, mais en tout cas plus que dans d'autres civilisations, c'est un élément décidé. Parce que quand... On est sûr que quand on a quelque chose, qu'on a des chances de le garder, on peut se projeter vers l'avenir. On peut investir en se disant, ce que je vais gagner, je vais le garder, et ça ne va pas forcément être pillé par l'empereur, pillé par un roi. Et donc comme en Europe, à partir du XVe siècle, ce droit de propriété devient plus ou moins, bien sûr, ce n'est pas parfait, mais respecté, donc c'est une incitation. à produire, investir, projetter, des choses inventées. Je crée le concept de brevet aussi. On peut breveter une invention, ce qui permet ensuite de toucher de l'argent.

  • Speaker #0

    Et c'est précisément ce qui ne s'est pas passé dans les pays soviétiques et la Chine maoïste, etc.

  • Speaker #1

    Et il y a aussi, ça complète très bien ce livre. C'est un livre très récent d'un anthropologue d'Harvard qui s'appelle ... Joseph Henrich, où il explique justement que ce qui a créé aussi cette mentalité, à partir du XVe siècle, de mentalité plus individualiste, entreprenante, non clanique, c'est l'importance des règles de mariage qu'a imposées l'Église catholique. Donc à partir du Xe siècle justement, cet anthropologue explique que l'Église a commencé à interdire les mariages entre cousins. du premier, deuxième, petit à petit, jusqu'au septième degré. Et donc cette interdiction a eu des conséquences énormes dans l'histoire de l'Occident parce que, d'après lui, ça détruit l'esprit clanique. L'esprit clanique qui est l'organisation naturelle de l'homme. C'est-à-dire clan, coudée. Et donc en empêchant de créer des clans, parce qu'on interdit les mariages entre cousins, On habitue les hommes à penser de manière individuelle et aussi de s'associer de manière non familiale. Par exemple, on crée une entreprise. Parce que créer une entreprise, c'est on s'associe avec quelqu'un d'autre pour créer une entreprise. Mais ça n'a rien de naturel. Dans l'histoire de l'homme, c'était plutôt on s'associe dans la famille. Pour finir, vous avez récemment écrit un texte qui s'appelle « My father would be heretic today » .

  • Speaker #0

    « Mon père serait herétique aujourd'hui » .

  • Speaker #1

    Exactement. où vous expliquez que justement cette idée, donc aujourd'hui avec par exemple le mouvement, le wokisme, qui pour résumer l'Occident est la cause de tous les malheurs du monde, une société horrible.

  • Speaker #0

    Et si on le détruit, ce sera le paradis.

  • Speaker #1

    Exactement, il suffit d'abattre le continent et sa culture, sa tradition. Dans ce texte, vous expliquez que... Il faut faire attention. Bien sûr, c'est très bien d'avoir une critique sur sa propre civilisation. C'est une force. Mais attention à ne pas tout détruire non plus, parce que notre civilisation a créé des choses, des concepts, des droits de l'homme, des choses qui ont une valeur. Le mouvement wokiste, par exemple, pourrait s'autodétruire parce qu'en détruisant les libertés permises par l'Occident, qu'il critique autant. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui. Alors, il y a un Anglais, son nom m'échappe. présent, mais je m'en souviendrai, qui a produit une expression oikophobie. Oiko, c'est le foyer.

  • Speaker #1

    En grec, la maison.

  • Speaker #0

    La maison, et donc oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça se trouve pas beaucoup dans l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est très large.

  • Speaker #0

    Ce rejet de sa propre culture. fait que le travail de mon père a été en quelque sorte banni de tous les bons cercles où on parlait du développement. Alors la même année que ce livre est sorti, il y a Jared Diamond qui a écrit un livre qui s'appelle « Guns, Germs and Steel » sur les fusils, l'acier. Et légèrement.

  • Speaker #1

    En français, il est connu pour ses deux l'inégalité des sociétés. Et Jared Diamond a aussi écrit l'effondrement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Ensuite, il a écrit l'effondrement. Mais ce qui est intéressant, c'est que lui, anthropologue qu'il était, a écarté la question de culture qu'il a traité. Il n'a pas dit mon père, mais en parlant de... L'école où mon père se trouvait avec d'autres, il appelait ça raciste. C'est raciste de dire qu'il y a quelque chose de fondamental en l'Occident qui explique pourquoi ça a eu tant de succès. Et donc lui, il dit que c'est uniquement à cause des... des éléments évolutionnaires, naturels, géographiques, etc. Et que si les gens du Samoa se trouvaient en Europe, c'est eux qui seraient...

  • Speaker #1

    Oui, ils refusent tout aspect culturel dans son édition.

  • Speaker #0

    Enfin, lui, en tout cas. Ce qui est intéressant dans tout ça, c'est que son livre a eu un succès parce que c'était, j'appelle ça... L'histoire thérapeutique, c'est uniquement par la chance que les Occidents ont le dessus. Alors ça a été beaucoup accepté, ma fille était à l'université dans les débuts des années 2000 et on enseignait Jared Diamond, on n'enseignait pas mon père, et elle a proposé à son prof que... son grand-père pourrait venir s'adresser, il a dit absolument pas.

  • Speaker #1

    On ne s'intéresse pas. D'ailleurs, votre père, justement, il a un livre assez mesuré, il ne dit pas que c'est que la culture, il explique aussi la géographie, le fait d'avoir par exemple le Gulf Stream en Europe, qui donne un climat tempéré, qui développe l'agriculture.

  • Speaker #0

    Et les forêts, les montagnes qui séparent les pays, et donc produisent des contenants.

  • Speaker #1

    Il ne dit pas que c'est que la culture, mais la culture, il ne faut pas la nier. Oui,

  • Speaker #0

    surtout parce que pendant... Jules César a conquis les Gaules en, disons, l'an zéro. Un millénaire, mille ans, entre Jules César et le XIe siècle, cette situation géographique n'a produit rien. En fait, c'était un... une culture qui était toujours en train de se faire envahir. Et donc tout d'un coup, le changement brusque du 11e, où l'Europe commence à s'épanouir, la réconquête de l'Espagne, le Drang nach Osten des Allemands et les croisades, c'est un retournement absolument extraordinaire. Même si on a les avantages, sans la culture, les avantages ne jouent pas.

  • Speaker #1

    Et ce que joue de votre père aussi, je suis assez d'accord, il explique aussi que l'Occident n'a pas le monopole de la colonisation, de l'impérial, de tous les empires. Oui, exactement. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis les Aztèques.

  • Speaker #0

    Quand on le faisait, on le faisait.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est juste une question de pouvoir, de le faire. Et en fait, si l'Occident... a conquis le monde dans les années 18e siècle, c'est qu'en fait, il en avait surtout les moyens de pouvoir le faire. Mais voilà, il montre que toutes les civilisations qui en avaient les moyens l'ont fait, le faisaient. Ce n'est pas un monopole occidental de coloniser. Oui,

  • Speaker #0

    exactement. En fait, je dirais même plus, et je crois que mon père dirait la même chose, c'est que finalement, l'hégémonie américaine et la plus légère de tous les hégémonies d'impérialistes dans le monde. Oui, les États-Unis auraient pu occuper l'Europe. Et c'est ce qu'auraient fait les Romains, c'est ce qu'auraient fait... Oui,

  • Speaker #1

    occuper militairement jusqu'à aujourd'hui l'Europe, après la Seconde Guerre mondiale.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, même l'Allemagne, ils sont, aussitôt que possible, quittés.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Même chose avec Japon. Et l'idée du Marshall Plan, c'est-à-dire d'aider les économies à se remettre, c'est l'opposé de ce qu'on fait avec les gens qu'on a conquis.

  • Speaker #1

    Après, c'était aussi dans leur intérêt bien compris de ne pas tomber dans le commun.

  • Speaker #0

    Mais comme le livre dont tu m'as cité le titre, tout le monde ne pense pas comme nous.

  • Speaker #1

    Oui, les hommes ne pensent pas exactement. Écoutez, je pense qu'on a bien parlé de ce livre, qu'on en a saisi les principales idées. Donc voilà, si l'Occident a créé cette révolution industrielle, c'est en partie parce qu'elle a eu une culture spéciale qui a favorisé ça. Est-ce que, en conclusion, vous auriez peut-être un livre à recommander ou un film ou quelque chose à nous dire pour terminer ce livre ?

  • Speaker #0

    C'est encore cette question de culture, cette question... Je me souviens, j'étais avec mon père, je ne sais pas exactement où, mais c'était un endroit où il y avait beaucoup de magasins et tout foissonné. Et mon père a dit, ça c'est fantastique. Et je me suis rendu compte que la capacité de voir le succès d'autrui, et de se réjouir du succès d'autrui plutôt que de penser « zut, lui, il a, et moi, je suis jaloux, je veux le détruire » . Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #1

    D'accord, oui. C'est de prendre le meilleur de ce que notre civilisation offre pour se développer.

  • Speaker #0

    Oui. Et ça remonte aussi à la curiosité. Il fait beaucoup... parle beaucoup de la curiosité de l'Occident. On le voit par exemple quand Napoléon va en Égypte. Il apporte avec lui toute une légion d'érudits qui se fascinent de cette civilisation. Tandis que les gens qui y habitaient ne s'intéressaient pas du tout. Ils ne s'intéressaient même pas à leur propre passé. Et nous, on est intéressés par tout.

  • Speaker #1

    C'est sûrement un des réjetages de la Grèce antique, qui a été vraiment une des premières civilisations à beaucoup s'intéresser aux autres. C'est ça. Écoutez, merci Richard Allende pour cet échange.

  • Speaker #0

    C'est des sujets passionnants.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Ok, merci beaucoup.

Description

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Pour ce 3ème épisode du podcast de Chroniques occidentales, j’ai le plaisir de recevoir Richard Landes, historien américain francophone et spécialiste de l’Europe médiévale.

Nous avons échangé sur "Richesse et pauvreté des nations", le best-seller de son père David Landes, historien américain et professeur à Harvard disparu en 2013.

Ce livre, publié en 1998, répond à cette question : pourquoi l'Occident a-t-il dominé le monde, et non l'inverse ?


Au menu de cet épisode :

  • La chute de l’empire romain, finalement une bonne chose pour l’Europe ?

  • Le Moyen Âge européen, grande période d’innovation ! L’exemple de l’invention des lunettes ;

  • L’importance des règles de mariage dans le décollage économique de l’Occident ;

  • Le décollage de l’Occident : culture ou géographie ? Le débat avec Jared Diamond ;

  • L’Occident n’a pas le monopole de la colonisation ;

  • Le rôle des moines dans le décollage économique de l’Europe ;

  • La conception chrétienne d’un Dieu organisateur a-t-elle favorisé l’apparition de la science moderne ?

  • Pourquoi la révolution industrielle aurait-elle pu avoir lieu en Chine ?

  • L’invention de l’invention au Moyen Âge occidental.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ?

  • Speaker #1

    Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #0

    L'Occident n'a pas le monopole de la colonisation. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis.

  • Speaker #1

    Oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture. Ça se trouve pas beaucoup dans l'Occident.

  • Speaker #0

    Oui, si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Et donc,

  • Speaker #1

    on a ce phénomène qui est surtout... Tout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire.

  • Speaker #0

    Il voit la chute de l'Empire romain, mais plutôt une chose positive.

  • Speaker #1

    Ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute.

  • Speaker #0

    Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne. Richard Landis, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes universitaire américain, vous avez enseigné à l'université de Boston et vous êtes spécialiste de l'Europe médiévale. Aujourd'hui vous continuez à travailler sur l'histoire de l'Europe au Moyen-Âge et en particulier la période autour de l'an 1000. Si on discute aujourd'hui, c'est grâce à un livre. Ce livre, donc Richesse et pauvreté des nations, un livre qui a été écrit par David Landis, qui est votre père. qui est mort en 2013 et qui a écrit ce livre en 98. Donc on s'est rencontrés parce que j'avais fait un article sur ce livre que j'avais adoré. Et on s'est rencontrés, on a commencé à en discuter sur Twitter. Depuis, on a continué à discuter, on s'est rencontrés plusieurs fois. Et aujourd'hui, on va parler de ce livre qui est un livre vraiment passionnant, qui répond à la question pourquoi l'Europe a créé le monde moderne. Pourquoi ? Pourquoi l'Occident ? Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ? C'est un livre qui explique, qui essaie de comprendre les raisons derrière le décollage occidental à partir du XVIe siècle. Et il montre justement que ce décollage a des racines beaucoup plus centrales. Deux questions pour commencer. Vous parlez français. Pour un Américain, c'est assez rare. Donc pourquoi parlez-vous français ? Et deuxième question, pourquoi vous avez dédié votre vie à étudier l'histoire médiévale ?

  • Speaker #1

    Alors d'abord, je parle français parce que mon père faisait des années d'études et d'enseignement en France. Et donc, je suis même né en France, mais reparti un mois plus tard. Mais à l'âge de 3 ans, j'étais là un an entier. Et puis ensuite, en 6e, à l'âge de 10-11 ans, à l'école alsacienne. Et puis finalement, et je crois que c'est là où mon français s'est développé le plus, j'étais à l'école Normale Sup pour une année 71-72, et puis dans les Pyrénées, une métairie pendant un an et demi à peu près. Et ce qui m'a permis de parler le français. C'est au début, quand j'avais 18 ans, j'étais là, je voulais parler très vite parce que tous les Français parlent très vite. Et puis, je me suis ralenti et là, j'ai trouvé mon propre idiome en français.

  • Speaker #0

    Une métairie dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Vous avez passé un an dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était les années hippies. Retour à la nature. D'accord. Mais la raison pour laquelle je... Je me suis penché sur les Moyens-Âge, c'est un peu le prequel du livre de mon père. C'est que, à un moment, j'étais aux Indes et on étudiait, j'étais avec 30 étudiants, on faisait le tour du monde en passant un mois dans plusieurs pays pour étudier le développement. D'accord. Et là, Romila Thapar a expliqué que la raison que les hindous n'ont pas vraiment la volonté de changer, c'est que pour eux, le monde était juste. Si tu es né pauvre, misérable, etc., c'est à cause de quelque chose que tu as fait dans ta dernière incarnation. Et donc, tu le mérites. Tandis que je pensais, tiens, c'est exactement l'opposé en l'Occident. La France, c'est... messianique, c'est le monde est rempli de mal, de mauvais, d'oppression, et on attend un moment dans le futur où ça va se balancer, et les derniers seraient les premiers, les premiers seraient les derniers. Alors ça, ça m'a fait penser, j'avais lu le livre de Jacques Le Goff, où il parle du millénarisme et de ce rêve qui... qui jaillissait pendant les Moyens-Âges. Et finalement, je suis tombé, enfin tombé, j'ai cerné la grande mutation culturelle qui s'est produite autour de l'an 1000. D'accord. Et en fait, j'ai découvert toute la tradition qui ciblait l'an 1000 pour l'arrivée du millénium.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Pour l'arrivée des temps messianiques.

  • Speaker #0

    Donc. Pour bien comprendre, vous avez découvert que, par exemple, dans notre civilisation, la vision du temps est cyclique. Donc c'est le temps qui revient sur lui-même. Oui. Donc comme en Inde, par exemple, il y a la réincarnation.

  • Speaker #1

    Et il n'y a rien à faire.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que vous dites, c'est qu'en Occident, on a une vision du temps plus linéaire. Oui. Donc, ce qu'elle veut dire ? On peut progresser, on peut améliorer la situation.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, je dirais que ce qui s'est passé quand le millénium ne s'est pas produit, Jésus...

  • Speaker #0

    Le millénium, c'est Jésus.

  • Speaker #1

    C'était le temps messianique, le temps paradis sur Terre. Et quand ça ne s'est pas produit, quand Jésus n'est pas revenu, en fait, l'historien sur lequel j'ai fait ma thèse a eu... une vision en 1010 du Christ sur la croix, vraiment au daliesque, dans les cieux, qui pleurait. Alors ça, c'est l'image de l'impuissance. Il devrait revenir sur les nuages, etc. Ce qui s'est produit au passage de l'an 1000, c'est ce que j'appellerais une forme de... de millénarisme actif transformateur, c'est-à-dire c'est à nous de transformer le monde.

  • Speaker #0

    Transformer le monde pour être digne du retour du...

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et donc ça a mis dans la tête des Européens l'idée qu'il fallait progresser, améliorer pour être...

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est du XIe siècle qu'on a révolution agricole, révolution urbaine, révolution commerciale. Révolution à l'intérieur de l'Église, la Réforme qui est vraiment révolutionnaire, les débuts des universités, c'est vraiment un siècle qui foissonne de créativité.

  • Speaker #0

    Donc c'est pour ça que vous avez dédié... C'est pour ça que je m'intéresse. Et ça vient compléter aussi le travail de votre père qui s'intéresse au siècle postérieur. Oui. Donc pour parler concrètement de ce livre, il y a une phrase dans le livre qui dit que si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Oui.

  • Speaker #1

    Culture counts.

  • Speaker #0

    Pardon ? Ça compte. Oui, culture counts. La culture compte. Exactement. Et donc c'est un livre qui est assez peu politiquement correct, qui dit que certaines cultures ont permis de favoriser la science par exemple. Mais c'est un livre très ressourcé qui n'est pas... qui ne parle pas que de l'Europe, qui parle de la Chine, du monde entier. Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne et pas d'autres civilisations. Durant notre entretien, on va revenir sur les principales raisons que repère votre père. La première, c'est justement qu'il parle du Moyen-Âge européen. Et donc on a souvent une image assez sombre. du Moyen-Âge européen, donc même l'appellation Moyen-Âge n'est pas très flatteuse. Et votre père explique justement que cette période est sûrement une des plus inventives de l'histoire. Il cite notamment des inventions qui ont eu un impact énorme, par exemple l'invention des lunettes par les Italiens, qui a permis par exemple de prolonger de 10 à 20 ans la vie productive d'un intellectuel et également d'artisans, d'artisans qui fabriquaient des outils.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Précision extraordinaire.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc il parle de ces inventions. Une autre invention qu'il repère, c'est l'horloge.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant des deux points de vue, c'est qu'il y a des inventions qui se font, mais qui ne s'étalent pas. Par exemple, c'est à la fin de l'Empire romain qu'on a développé le moulin à eau.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Mais ça ne s'est pas produit parce que c'était une culture d'esclavage. Et on n'avait pas besoin de trucs qui vous gagneraient du temps. On avait des esclaves à l'époque.

  • Speaker #0

    Des esclaves sans disposition, pas besoin d'innover, d'accord.

  • Speaker #1

    Tandis qu'au XIe siècle, à partir du XIe siècle, on a, quelqu'un fait le calcul, on a un essor extraordinaire de moulins à eau partout, en Catalogne surtout, et au vent. dans les Pays-Bas. Et lui, il a estimé que l'énergie que produisait l'Occident s'est multipliée parfois par trois pendant ce siècle. Alors c'est petit en comparaison avec les usines, etc. Mais c'est énorme dans le sens que ça coûte beaucoup. Comment une société peut se payer ? quelque chose comme ça. On ne va pas poursuivre ça, mais même chose avec les lunettes. Les lunettes sont tout de suite devenues quelque chose que tout le monde, enfin pas tout le monde, mais surtout les gens qui travaillaient avec leurs yeux, les écrivains, comme tu dis, les... Les faiseurs de...

  • Speaker #0

    Les artisans.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    les faiseurs de petits.

  • Speaker #1

    Alors, et ça a eu un effet énorme sur la société parce que normalement on s'attend, si on est bureaucrate disons, on s'attend à ce que les gens qui sont là quand on commence vont finir à l'âge de 40 ans et il y aura une place. Mais tout d'un coup, ils résistent, ils sont là jusqu'à 60 ans. Il y a toute une génération qui se trouve un peu... Ses attentes sont frustrées et qui mettent leurs énergies par ailleurs. Et il y a même un argument que ça a déclenché déjà au XIVe siècle les courants qui vont amener à la Renaissance. C'est-à-dire une intelligentsia qui est... en quelque sorte indépendante des chemins normaux pour avancer dans la vie et qui se créent des opportunités.

  • Speaker #0

    Oui, donc ce que je dis, c'est la productivité. Donc par exemple, les lunettes font augmenter la productivité et la longévité de la vie active d'artisan. Oui. Et donc ce qui fait que les jeunes artisans doivent innover, doivent faire autre chose, puisque...

  • Speaker #1

    Et alors, une des choses qu'ils ont fait, c'est l'horloge. Et l'horloge, mon père a écrit tout un livre là-dessus, je crois que ça s'appelle, en anglais, c'est Revolution in Time. Et là, on a cet effet extraordinaire. Il y a les villes qui se payent une horloge. Petit à petit, ça se miniaturise. Et finalement, une personne peut avoir un horloge. qui prend dans sa poche. Et finalement, ça a rendu le travail beaucoup plus efficace parce qu'on pouvait rencontrer des gens à une telle heure, tandis qu'auparavant, on les rencontrait, et si on a un rendez-vous, on le fait dans la matinée d'eux. Et donc, ça a beaucoup changé la mentalité des gens et surtout, ça a changé la vie des gens. la mentalité il ya l'expression time is money le temps et l'argent et en fait il s'est beaucoup changé la façon dont les gens pensaient au sujet du temps et préciser les réunions le travail etc ce qui explique votre père dans son âme c'est que la mention l'eau

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a l'habitude, c'est naturel, de mesurer le temps, c'est-à-dire une heure, une heure, et on va se voir à 18 heures, donc c'est assez précis. Ce qu'il explique, c'est que l'invention de l'horloge, c'est aussi inventer le concept de productivité. On savait, on s'est dit, voilà, une heure de travail, je sais faire ça, comme je peux mesurer, je peux mesurer la productivité, donc je peux me dire, je vais essayer d'augmenter la productivité, puisque je peux mesurer le temps. Et donc il explique, voilà, l'introduction de l'horloge dans les villes européennes a permis déjà d'être plus efficace dans les affaires, les rendez-vous précis, mais aussi augmenter la productivité du travail parce qu'on peut le mesurer et donc progresser.

  • Speaker #1

    Et donc on a ce phénomène qui est surtout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire. Et on le voit dans le monde moderne par exemple. Avec l'internet. Arbanet, c'était l'armée américaine qui l'a produit. Au Moyen-Âge, ce serait la réserve du roi. Et ils ont tout de suite fait ça. Ils ont rendu ça public et ils ont changé vraiment, pas forcément pour le mieux, mais ils ont changé la culture occidentale et mondiale en faisant cette... cette innovation extraordinaire et le rendant à la portée de tous.

  • Speaker #0

    Parce que ça,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait occidental.

  • Speaker #0

    Donc oui, Paris, par exemple, a eu sa première horloge sur l'île de la Cité, quelques jours là d'ailleurs. Oui, oui. Au début, c'était des horloges publiques.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et pour continuer sur le Moyen-Âge, j'ai découvert récemment l'importance des cisterciens. ou des moines. Par exemple, sur les cisterciens, ils ont eu un rôle fondamental dans le développement de l'Europe, parce qu'au XIe, XIIe siècle, il y avait environ 500 monastères cisterciens. XIIe, XIIIe. Et les cisterciens recherchaient vraiment la productivité, avoir produit plus, pour être plus efficace dans le travail, pour dédier plus de temps aussi à la prière. Ce qui était intéressant, c'est que c'est aussi un universitaire américain qui l'explique. Il explique que les cisterciens étaient à la recherche de la productivité dans le travail, dans la fabrication des outils. Il y avait des usines, des premières usines sont dans les monastères cisterciens, en Bourgogne particulièrement. Et il montre que ces monastères se sont construits dans toute l'Europe et donc dès qu'un monastère trouvait une innovation... Il l'a dispatché dans toute l'Europe, dans tous les monastères, et donc au contact des populations locales. Par exemple, le marteau de forge hydraulique s'est répandu dans toute l'Europe. Et donc, il y a eu des changements de mentalité dans la population, la mesure du temps. Mais il y a aussi, au sein des ordres monastiques catholiques, des habitudes qui ont propagé des innovations technologiques dans toute l'Europe.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a un élément absolument essentiel et culturel, c'est que les cisterciens, enfin ça remonte à la règle de Benoît, mais les cisterciens voyaient le travail manuel comme digne, comme quelque chose que l'homme devrait faire.

  • Speaker #0

    Ce qui n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Ce qui n'est pas le cas. Par exemple, les clunisiens, ils avaient des cerfs qui faisaient le travail. Mais pour les cisterciens... C'est les moines qui doivent faire le travail, c'est laboro, c'est orare.

  • Speaker #0

    Ora et laborer, prier et travailler, c'était leur nom.

  • Speaker #1

    Et en fait, travailler c'est prier, c'est une forme de prière. Et dès qu'on met des gens intelligents au travail, plutôt que des esclaves qui n'ont aucune raison d'innover, les innovations commencent. Et c'est surtout, et c'est pourquoi j'ai dit que c'est les puritains, proto-puritains, parce que c'est exactement ce que Max Weber a argumenté, c'est que c'était parmi les sectes les plus, moi j'appelle ça démotiques, populaires, mais pas populaires dans le sens normal, c'est dans les sectes, les méthodistes, les puritains, les quakers.

  • Speaker #0

    Les premiers mouvements protestants.

  • Speaker #1

    Les premiers mouvements protestants que s'est produit le capitalisme. Parce qu'au lieu de dépenser l'argent qu'ils faisaient en s'achetant des titres et des beaux vêtements, etc., ils étaient très rigoristes et donc ils avaient tout cet argent. à remettre dans le développement économique.

  • Speaker #0

    Donc l'argent a été réinvesti en capital pour développer... C'est ça,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et alors, toute cette échappatoire du... Enfin, l'achat de positions plus grandes dans l'aristocratie est coupée et donc on a un foissonnement au niveau du travail extraordinaire. Et les cisterciens, c'est vraiment les premiers à faire ça.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc oui, les cisterciens catholiques, mais ensuite les protestants, peut-être plus tard, qui auront cette même mentalité. Il y a aussi un élément qui est intéressant dans le livre de votre père, c'est qu'il voit la chute de l'Empire romain. Il dit plutôt une chose positive à la fin de l'Épistère. Ce qu'il explique, la chute de l'Empire romain a permis une Europe totalement divisée, entre petits royaumes. sans jamais retrouver d'unité impériale. Et cette division politique de l'Europe durant tout le Moyen-Âge, donc voilà, le royaume de France, l'Espagne, le Saint-Empire, l'Angleterre, ça a créé de l'innovation puisque les royaumes étaient en concurrence entre eux, et la concurrence était assez positive. Les rois ont encouragé l'innovation dans les sciences pour avoir des meilleures armes, pour pouvoir faire de meilleures guerres contre les autres royaumes. Et donc, C'est contre-intuitif de dire, heureusement que l'Empire romain s'est effondré, ce qui doit donner une Europe divisée en concurrence.

  • Speaker #1

    Oui, bien que ça nous a donné 500 ans de misère, avec des petites exceptions comme Charlemagne, mais en fait oui, mon père parle beaucoup du fait que cette compétition a permis à des gens qui ne pouvaient pas s'avancer dans leur propre culture, de trouver un autre pays d'accueil, comme Descartes est allé au Danemark. Et en fait, cette concurrence positive a joué un rôle très important, surtout dans la diffusion du savoir. Il y a une très belle histoire de Galilée. Il était au début à Venise, qui était une république, mais il ne voulait pas les fardeaux du citoyen. D'accord. Alors il est allé à Florence. Et à Florence, on lui a donné son endroit de travail. Il était très content, mais maintenant il se trouvait sous les gilets de la papauté. Et c'est comme ça que les papes l'ont eu. S'il était resté à Venise, il n'aurait pas été condamné en hérétique.

  • Speaker #0

    D'accord. Parce qu'il était plus libre.

  • Speaker #1

    Plus libre, mais il y a un fardeau pour la liberté qu'il n'était pas content de payer. Mais en fait, la possibilité de se rendre... et d'avoir une réception positive a joué énormément dans, par exemple, les Hollandais. C'est un petit pays où on ne s'attend pas, mais parce que c'était un pays beaucoup plus libre que beaucoup d'autres endroits, où même les villes au Moyen-Âge, on pouvait se déplacer. Et donc ça faisait une échappatoire pour la créativité, à la fois intellectuelle et économique, technicienne, qui a changé le monde.

  • Speaker #0

    Et pour revenir sur les marchands, vous pouvez quitter un royaume s'ils étaient opprimés, ce qu'a fait la France en chassant les protestants, les protestants qui étaient très entreprenants. en son parti et ont apporté la richesse en Suisse. Donc, le fait de ne pas avoir un seul empire unifié a permis d'avoir des pays en concurrence qui devaient faire attention à ne pas trop... à ne pas se polier les marchands.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et donc là, vous parlez justement du rôle de la ville, de la ville européenne, en disant qu'aussi le fait de ne pas avoir, par exemple comme en Chine, un empire... ultra puissant qui domine toute l'Europe. Ça a permis l'apparition de villes, parce qu'aujourd'hui, on a peut-être du mal à l'imaginer, surtout en France. Aujourd'hui, il y a l'État, nation et puissant. Les villes ont des petits pouvoirs communaux. Mais au Moyen-Âge, il y avait des villes qui étaient quasiment des villes indépendantes, libres. Et ce que dit votre père, c'est que c'est... Ces villes franches européennes, il y en avait dans toute l'Europe, c'était vraiment des espaces de liberté, indépendants du roi, souvent indépendants du pape, où on pouvait créer, innover, et ils ont eu un rôle fondamental dans l'histoire de l'Europe.

  • Speaker #1

    Et un des détails importants dans ce procès, c'est que pour la plupart dans l'ancien monde, les villes étaient des centres administratifs. Alors, il y avait une grande ville et beaucoup de campagnes qui les donnaient... les impôts.

  • Speaker #0

    Prelever les impôts dans la campagne envers l'Antille.

  • Speaker #1

    C'est plutôt une relation, on pourrait dire, prédateur de la grande ville sur la petite campagne.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Ce qui s'est passé en Europe à partir du 11e siècle, c'est le renouveau des villes, mais cette fois-ci, c'était des petites villes. C'était des villes de 10 000 personnes, pas des villes de 1 million comme Rome. C'était des petites villes qui étaient intégrées dans l'économie en tout rang.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et qui en fait, pas mal de sa population venait des paysages en tout rang. Et il s'est développé cette idée que si un cerf s'échappe à une ville, et il reste un jour, un an et une journée... libre dans la ville, il peut rester dans la ville, il est libéré. Alors l'expression, l'air de la ville, c'est l'air de la liberté.

  • Speaker #0

    L'air de la ville le rend libre.

  • Speaker #1

    Oui, et ça c'est absolument extraordinaire, ça se trouve même pas dans le haut Moyen-Âge occidental où pour la plupart les gens dans la ville... protéger leur privilège et ne laisser pas n'importe qui venir. Et là, on ouvre les portes aux plus pauvres. Et le taux d'immigration des endroits rurals dans les villes est très grand. Il y a trois siècles de développement. pré-industriel mais très important en Europe de 11e, 12e, 13e siècle, c'est un phénomène extraordinaire où le plafond malthusien continue à s'élever.

  • Speaker #0

    Le plafond malthusien, c'est-à-dire, la discussion vient de Malthus, et qui, je résume, la croissance démographique contient en elle-même, au premier chèque, plus de gens à nourrir. Oui, il y a une limite,

  • Speaker #1

    mais... Avec la technologie, on peut... Et c'est ce qu'on a fait dans le monde aujourd'hui, à 8 billions de personnes. C'est impensable avec la technologie pré-industrielle.

  • Speaker #0

    Un historien français qui utilise, en parlant du XIIe siècle, qui parle de première révolution industrielle.

  • Speaker #1

    C'est Gimpel ?

  • Speaker #0

    Gimpel, oui.

  • Speaker #1

    Ouais, fantastique.

  • Speaker #0

    Jean Gimpel. Exactement. On en arrive à notre deuxième point. Donc on a vu, on a parlé de tous ces bouleversements... économique, culturel, des mentalités. Et donc ça, votre père montre que ça arrive, on en arrive au XVe siècle, où on a ce qu'il appelle l'invention de l'invention. C'est-à-dire une culture, l'Europe se distingue par une culture tendue vers le progrès, l'innovation, et plus de liberté que par rapport à d'autres civilisations, ce qui va permettre dans les siècles suivants de pouvoir avoir des industriels plus libres qui vont innover, qui vont créer la révolution industrielle.

  • Speaker #1

    Et aussi, il ne faut pas oublier qu'ils vont développer les armes de guerre. Et donc un petit pays comme la Portugal peut aller en Chine et dominer la situation de façon assez extraordinaire. Et ça s'est continué, cette domination. Alors d'un côté, il y a cet aspect démotique, mais d'un autre côté, il y a cet aspect impérialiste de l'Occident qui a produit sur le champ idéologique des contradictions qui finalement, après la Deuxième Guerre mondiale, a produit ce phénomène extraordinaire qui ne s'est fait... Pas fait.

  • Speaker #0

    À part que dans l'Occident, c'est la désimpérialisation, décolonialisation de leur empire. Volontairement. Volontairement, ça ne s'est jamais produit auparavant. C'est la même chose aux États-Unis avec l'esclavage. Les États-Unis, c'est le premier pays à... à bannir l'esclavage, bien que ça faisait une partie intégrale de son économie. Et donc, ce qui se passe aujourd'hui, c'est quand même extraordinaire, c'est que les progressistes, entre guillemets, qui n'aiment pas l'Occident, ne comprennent pas qu'ils sont dans la suite d'une évolution.

  • Speaker #1

    culturel et moral qui est tout à fait exceptionnel et ils veulent croire que tout le monde c'est comme ça et c'est nous qui sont le problème donc pour revenir à la à la vie donc on parlait cet espace de liberté on a parlé de la vision du temps au début un temps qui est linéaire qui est un temps qui n'est pas circulaire donc qui ne revient pas sur lui même J'ai récemment lu aussi un auteur américain qui s'appelle Rodney Stark et qui montre aussi que dans le christianisme, il y a une conception qu'on a un dieu organisateur du monde, chose qui n'est pas forcément évidente. Et Rodney Stark explique que cette conception du monde de dieu comme organisateur du monde et dans lequel il y aurait des lois qu'il faudrait déchiffrer, ont encouragé les scientifiques européens. Donc là, un peu plus tard, 7e, 13e. à chercher, à chercher, à chercher la science. Et par exemple, il prend l'exemple de Newton. Donc Newton... Un vrai croyant. Exactement, il était quelqu'un de très pieux. Et c'est en cherchant les lois de Dieu qu'il a trouvé des lois scientifiques. C'est ça. Mais justement, le fond de sa motivation, c'était de comprendre comment Dieu avait organisé l'univers. Et en se faisant, il a trouvé des grandes lois scientifiques. Et donc ça aussi, c'est un aspect... culturelle liée au christianisme qui explique que paradoxalement cette religion a aussi involontairement aidé la science avec cette vision d'un dieu organisateur.

  • Speaker #0

    La pensée scientifique joue un très grand rôle, enfin le millénarisme joue un très grand rôle dans la pensée scientifique et technologique parce que déjà à partir de Roger Bacon au XIVe siècle, la recherche... scientifique permet à construire le millenium sur terre c'est une forme d'activisme millénariste on n'attend pas que dieu vienne et commence les temps messianiques c'est à nous de le construire c'est à dire dans l'église on se dit faire

  • Speaker #1

    progresser la science est positif parce que ça va améliorer la situation pour faire revenir le messie alors c'est ce que j'appelle un projet préapocalypse

  • Speaker #0

    Alors, c'est quelque chose qu'on doit faire avant que viennent. Il y a un tas de tels projets. Par exemple, je crois que les croisés, surtout les premiers, pensaient que pour que Jésus vienne, revienne par Ouzia, pour qu'il revienne, il faut que nous prenons Jérusalem, nous la libérons. Tandis que c'est au main des incroyants, Jésus ne va pas revenir. Alors, ça n'a pas produit la parousie de Jésus, mais ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Oui, c'est ça. Alors c'est toujours, dans les mouvements millénaristes, ils n'ont jamais le succès qu'ils attendent, c'est-à-dire le temps messianique. Mais par contre, les... les, comment on dit,

  • Speaker #1

    les conséquences involontaires ont un effet énorme.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'est la même chose, l'analyse de Weber des protestants, c'est que ce n'est pas pour créer un monde capitaliste qui se sont penchés sur leur travail, mais c'était l'effet.

  • Speaker #1

    Oui, ce que dit Weber, c'est qu'il dit que le travail et la richesse sont un signe d'élection par Dieu.

  • Speaker #0

    Donc il faut le suivre. Et donc il y a ce développement extraordinaire de l'Occident qui ne s'est produit nulle part ailleurs. Et même quand moi j'étais jeune et mon père travaillait cette question dans les années 50 et 60, à part la Japon, il n'y avait pas d'autres pays qui ont pu imiter. imiter, même imiter ce que l'Europe a pu, ou l'Occident a pu générer. Alors c'est vraiment une double question. Comment ça se fait que l'Occident a pu générer cette révolution économique et pourquoi des pays, même quand ils le veulent, ont tant de mal à l'imiter ?

  • Speaker #1

    Il y a une partie culturelle qui est très importante. Par contre, ce qui est intéressant dans le livre, c'est que... Il parle beaucoup de la Chine. Oui. Et il dit concrètement, au XVe siècle, la Chine, donc l'Europe, a quand même vécu la grande peste. L'Europe est très affaiblie au XIVe. Au XIVe. Après s'être développée pendant deux grands siècles. Oui. Et donc votre père écrit qu'au XVe, XVIe siècle, la Chine est sûrement la civilisation la plus riche et la plus puissante. Oui. Elle a inventé la poudre, elle a inventé plein de...

  • Speaker #0

    L'imprimerie.

  • Speaker #1

    L'imprimerie, exactement. Et donc, il explique qu'au XVe siècle, rien ne suppose, si on devait faire un pari à cette époque-là, rien ne suppose que c'est l'Europe qui va se développer. On pourrait plutôt penser que c'est la Chine, un riche empire très innovant. Et donc, il explique pourquoi la révolution industrielle n'est pas apparue en Chine. Et c'est assez passionnant. Et justement, il voit plusieurs raisons. Une des premières, c'est justement la toute-puissance de... Paradoxalement, l'Empire est trop puissant et il étouffe la création de richesses, l'entrepreneuriat ou les innovations. Il prend par exemple l'exemple de l'amiral Zheng, qui est un explorateur chinois qui a fait des expéditions jusqu'en Afrique. Et donc à la fin du XVème siècle, l'Empereur interdit les explorations parce que ça pourrait déstabiliser tout ça. Et donc étouffe des potentiels innovations. Oui.

  • Speaker #0

    Alors d'abord, c'est important parce que, au point de vue culturel, ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute. On s'est disputé.

  • Speaker #1

    De confrontation d'idées.

  • Speaker #0

    De confrontation d'idées. Tandis qu'en Chine, c'est une culture de consensus.

  • Speaker #1

    Le confessionnisme... C'est ça.

  • Speaker #0

    Alors, surtout, pas trop de désordre. Exactement. Et c'est dans le désordre, surtout le désordre occidental, que tous ces développements se sont forgés. Alors, je me rappelle, il y a Ken Pomerantz, un chercheur américain, qui fait l'argument qu'en 1800... la Chine et l'Europe étaient à l'égalité et que c'est juste des petites choses qui ont fait que l'Occident s'est développé et que la Chine non.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a eu un débat à Harvard, au Fairbank Center, entre mon père et Ken Pomerantz. D'accord. C'était passionnant parce que, après... Tous les étudiants chinois se sont mis autour de mon père parce qu'ils voulaient apprendre pourquoi la Chine n'a pas eu un succès. Et tous les occidentaux se trouvaient autour de Ken Pomerantz parce qu'ils disaient « bof, la culture occidentale, c'est pas tellement bien, c'est juste la chance que ça a pu se produire » . Et c'était vraiment… la différence… Je crois que mon père parle du fait qu'en Chine, et c'est vrai aujourd'hui aussi bien qu'au 18e, 19e siècle, les renseignements que recevait l'empereur étaient beaucoup colorés par ce qu'on se disait l'empereur voulait entendre.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui, tandis que...

  • Speaker #1

    La formation était moins libre, circulait moins.

  • Speaker #0

    Exactement. Tandis que dans une culture de dispute, les renseignements sont... viennent de partout et à la fin, les renseignements les plus, comment on dit, accurate,

  • Speaker #1

    les plus vrais, enfin les plus justes,

  • Speaker #0

    les plus justes, dominent. Et en fait, le livre est basé, le titre du livre est basé sur Adam Smith, La richesse des nations. Et un des éléments qui a permis à Adam Smith de dire qu'il y a un main visible qui contrôle les prix, c'est qu'il y avait de bonnes renseignements. au sujet des prix. Dans les bonnes renseignements, il n'y a pas de main invisible.

  • Speaker #1

    Donc oui, pour expliquer, Adam Smith, à la fin du 19e siècle, écrit La richesse des navigants. Oui,

  • Speaker #0

    en 1767.

  • Speaker #1

    Et il explique qu'il y a une main invisible du marché, le marché s'autorégule, donc les prix, le libre partage des informations, de l'information, des actualités, permet de faire varier les prix de façon juste, ce qui permet une allocation... Meilleur des richesses et donc une économie qui fonctionne mieux.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et en fait, c'est ça le problème avec l'Empire romain. C'est ça le problème avec beaucoup des cultures de tiers monde et du deuxième monde, les Russes, les Soviétiques, etc. C'est l'effort d'imposer des prix, l'effort d'imposer les règles de commerce d'en haut. plutôt que de les laisser, de les régulariser, mais quand même de les laisser libres de se faire par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    Oui, l'économie libérale est plus efficace.

  • Speaker #0

    Oui, mais moins ordonnée.

  • Speaker #1

    Moins ordonnée, mais le désordre est créatif. Exact. Et sur la Chine et la différence entre la Chine et l'Occident, votre père insiste aussi sur l'importance des droits de propriété. Aujourd'hui, c'est quelque chose qui est naturel pour nous, on est propriétaire d'une aisance, c'est à nous. Mais ce concept d'avoir une propriété de quelque chose ne tombe pas du ciel. Et donc, il parle déjà du droit romain, qui est le premier qui a défini ça, et donc qui est redécouvert à la Renaissance. Et il explique que le droit de propriété et le fait qu'il soit plus ou moins respecté en Europe, mais en tout cas plus que dans d'autres civilisations, c'est un élément décidé. Parce que quand... On est sûr que quand on a quelque chose, qu'on a des chances de le garder, on peut se projeter vers l'avenir. On peut investir en se disant, ce que je vais gagner, je vais le garder, et ça ne va pas forcément être pillé par l'empereur, pillé par un roi. Et donc comme en Europe, à partir du XVe siècle, ce droit de propriété devient plus ou moins, bien sûr, ce n'est pas parfait, mais respecté, donc c'est une incitation. à produire, investir, projetter, des choses inventées. Je crée le concept de brevet aussi. On peut breveter une invention, ce qui permet ensuite de toucher de l'argent.

  • Speaker #0

    Et c'est précisément ce qui ne s'est pas passé dans les pays soviétiques et la Chine maoïste, etc.

  • Speaker #1

    Et il y a aussi, ça complète très bien ce livre. C'est un livre très récent d'un anthropologue d'Harvard qui s'appelle ... Joseph Henrich, où il explique justement que ce qui a créé aussi cette mentalité, à partir du XVe siècle, de mentalité plus individualiste, entreprenante, non clanique, c'est l'importance des règles de mariage qu'a imposées l'Église catholique. Donc à partir du Xe siècle justement, cet anthropologue explique que l'Église a commencé à interdire les mariages entre cousins. du premier, deuxième, petit à petit, jusqu'au septième degré. Et donc cette interdiction a eu des conséquences énormes dans l'histoire de l'Occident parce que, d'après lui, ça détruit l'esprit clanique. L'esprit clanique qui est l'organisation naturelle de l'homme. C'est-à-dire clan, coudée. Et donc en empêchant de créer des clans, parce qu'on interdit les mariages entre cousins, On habitue les hommes à penser de manière individuelle et aussi de s'associer de manière non familiale. Par exemple, on crée une entreprise. Parce que créer une entreprise, c'est on s'associe avec quelqu'un d'autre pour créer une entreprise. Mais ça n'a rien de naturel. Dans l'histoire de l'homme, c'était plutôt on s'associe dans la famille. Pour finir, vous avez récemment écrit un texte qui s'appelle « My father would be heretic today » .

  • Speaker #0

    « Mon père serait herétique aujourd'hui » .

  • Speaker #1

    Exactement. où vous expliquez que justement cette idée, donc aujourd'hui avec par exemple le mouvement, le wokisme, qui pour résumer l'Occident est la cause de tous les malheurs du monde, une société horrible.

  • Speaker #0

    Et si on le détruit, ce sera le paradis.

  • Speaker #1

    Exactement, il suffit d'abattre le continent et sa culture, sa tradition. Dans ce texte, vous expliquez que... Il faut faire attention. Bien sûr, c'est très bien d'avoir une critique sur sa propre civilisation. C'est une force. Mais attention à ne pas tout détruire non plus, parce que notre civilisation a créé des choses, des concepts, des droits de l'homme, des choses qui ont une valeur. Le mouvement wokiste, par exemple, pourrait s'autodétruire parce qu'en détruisant les libertés permises par l'Occident, qu'il critique autant. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui. Alors, il y a un Anglais, son nom m'échappe. présent, mais je m'en souviendrai, qui a produit une expression oikophobie. Oiko, c'est le foyer.

  • Speaker #1

    En grec, la maison.

  • Speaker #0

    La maison, et donc oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça se trouve pas beaucoup dans l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est très large.

  • Speaker #0

    Ce rejet de sa propre culture. fait que le travail de mon père a été en quelque sorte banni de tous les bons cercles où on parlait du développement. Alors la même année que ce livre est sorti, il y a Jared Diamond qui a écrit un livre qui s'appelle « Guns, Germs and Steel » sur les fusils, l'acier. Et légèrement.

  • Speaker #1

    En français, il est connu pour ses deux l'inégalité des sociétés. Et Jared Diamond a aussi écrit l'effondrement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Ensuite, il a écrit l'effondrement. Mais ce qui est intéressant, c'est que lui, anthropologue qu'il était, a écarté la question de culture qu'il a traité. Il n'a pas dit mon père, mais en parlant de... L'école où mon père se trouvait avec d'autres, il appelait ça raciste. C'est raciste de dire qu'il y a quelque chose de fondamental en l'Occident qui explique pourquoi ça a eu tant de succès. Et donc lui, il dit que c'est uniquement à cause des... des éléments évolutionnaires, naturels, géographiques, etc. Et que si les gens du Samoa se trouvaient en Europe, c'est eux qui seraient...

  • Speaker #1

    Oui, ils refusent tout aspect culturel dans son édition.

  • Speaker #0

    Enfin, lui, en tout cas. Ce qui est intéressant dans tout ça, c'est que son livre a eu un succès parce que c'était, j'appelle ça... L'histoire thérapeutique, c'est uniquement par la chance que les Occidents ont le dessus. Alors ça a été beaucoup accepté, ma fille était à l'université dans les débuts des années 2000 et on enseignait Jared Diamond, on n'enseignait pas mon père, et elle a proposé à son prof que... son grand-père pourrait venir s'adresser, il a dit absolument pas.

  • Speaker #1

    On ne s'intéresse pas. D'ailleurs, votre père, justement, il a un livre assez mesuré, il ne dit pas que c'est que la culture, il explique aussi la géographie, le fait d'avoir par exemple le Gulf Stream en Europe, qui donne un climat tempéré, qui développe l'agriculture.

  • Speaker #0

    Et les forêts, les montagnes qui séparent les pays, et donc produisent des contenants.

  • Speaker #1

    Il ne dit pas que c'est que la culture, mais la culture, il ne faut pas la nier. Oui,

  • Speaker #0

    surtout parce que pendant... Jules César a conquis les Gaules en, disons, l'an zéro. Un millénaire, mille ans, entre Jules César et le XIe siècle, cette situation géographique n'a produit rien. En fait, c'était un... une culture qui était toujours en train de se faire envahir. Et donc tout d'un coup, le changement brusque du 11e, où l'Europe commence à s'épanouir, la réconquête de l'Espagne, le Drang nach Osten des Allemands et les croisades, c'est un retournement absolument extraordinaire. Même si on a les avantages, sans la culture, les avantages ne jouent pas.

  • Speaker #1

    Et ce que joue de votre père aussi, je suis assez d'accord, il explique aussi que l'Occident n'a pas le monopole de la colonisation, de l'impérial, de tous les empires. Oui, exactement. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis les Aztèques.

  • Speaker #0

    Quand on le faisait, on le faisait.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est juste une question de pouvoir, de le faire. Et en fait, si l'Occident... a conquis le monde dans les années 18e siècle, c'est qu'en fait, il en avait surtout les moyens de pouvoir le faire. Mais voilà, il montre que toutes les civilisations qui en avaient les moyens l'ont fait, le faisaient. Ce n'est pas un monopole occidental de coloniser. Oui,

  • Speaker #0

    exactement. En fait, je dirais même plus, et je crois que mon père dirait la même chose, c'est que finalement, l'hégémonie américaine et la plus légère de tous les hégémonies d'impérialistes dans le monde. Oui, les États-Unis auraient pu occuper l'Europe. Et c'est ce qu'auraient fait les Romains, c'est ce qu'auraient fait... Oui,

  • Speaker #1

    occuper militairement jusqu'à aujourd'hui l'Europe, après la Seconde Guerre mondiale.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, même l'Allemagne, ils sont, aussitôt que possible, quittés.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Même chose avec Japon. Et l'idée du Marshall Plan, c'est-à-dire d'aider les économies à se remettre, c'est l'opposé de ce qu'on fait avec les gens qu'on a conquis.

  • Speaker #1

    Après, c'était aussi dans leur intérêt bien compris de ne pas tomber dans le commun.

  • Speaker #0

    Mais comme le livre dont tu m'as cité le titre, tout le monde ne pense pas comme nous.

  • Speaker #1

    Oui, les hommes ne pensent pas exactement. Écoutez, je pense qu'on a bien parlé de ce livre, qu'on en a saisi les principales idées. Donc voilà, si l'Occident a créé cette révolution industrielle, c'est en partie parce qu'elle a eu une culture spéciale qui a favorisé ça. Est-ce que, en conclusion, vous auriez peut-être un livre à recommander ou un film ou quelque chose à nous dire pour terminer ce livre ?

  • Speaker #0

    C'est encore cette question de culture, cette question... Je me souviens, j'étais avec mon père, je ne sais pas exactement où, mais c'était un endroit où il y avait beaucoup de magasins et tout foissonné. Et mon père a dit, ça c'est fantastique. Et je me suis rendu compte que la capacité de voir le succès d'autrui, et de se réjouir du succès d'autrui plutôt que de penser « zut, lui, il a, et moi, je suis jaloux, je veux le détruire » . Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #1

    D'accord, oui. C'est de prendre le meilleur de ce que notre civilisation offre pour se développer.

  • Speaker #0

    Oui. Et ça remonte aussi à la curiosité. Il fait beaucoup... parle beaucoup de la curiosité de l'Occident. On le voit par exemple quand Napoléon va en Égypte. Il apporte avec lui toute une légion d'érudits qui se fascinent de cette civilisation. Tandis que les gens qui y habitaient ne s'intéressaient pas du tout. Ils ne s'intéressaient même pas à leur propre passé. Et nous, on est intéressés par tout.

  • Speaker #1

    C'est sûrement un des réjetages de la Grèce antique, qui a été vraiment une des premières civilisations à beaucoup s'intéresser aux autres. C'est ça. Écoutez, merci Richard Allende pour cet échange.

  • Speaker #0

    C'est des sujets passionnants.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Ok, merci beaucoup.

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Pour ce 3ème épisode du podcast de Chroniques occidentales, j’ai le plaisir de recevoir Richard Landes, historien américain francophone et spécialiste de l’Europe médiévale.

Nous avons échangé sur "Richesse et pauvreté des nations", le best-seller de son père David Landes, historien américain et professeur à Harvard disparu en 2013.

Ce livre, publié en 1998, répond à cette question : pourquoi l'Occident a-t-il dominé le monde, et non l'inverse ?


Au menu de cet épisode :

  • La chute de l’empire romain, finalement une bonne chose pour l’Europe ?

  • Le Moyen Âge européen, grande période d’innovation ! L’exemple de l’invention des lunettes ;

  • L’importance des règles de mariage dans le décollage économique de l’Occident ;

  • Le décollage de l’Occident : culture ou géographie ? Le débat avec Jared Diamond ;

  • L’Occident n’a pas le monopole de la colonisation ;

  • Le rôle des moines dans le décollage économique de l’Europe ;

  • La conception chrétienne d’un Dieu organisateur a-t-elle favorisé l’apparition de la science moderne ?

  • Pourquoi la révolution industrielle aurait-elle pu avoir lieu en Chine ?

  • L’invention de l’invention au Moyen Âge occidental.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ?

  • Speaker #1

    Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #0

    L'Occident n'a pas le monopole de la colonisation. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis.

  • Speaker #1

    Oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture. Ça se trouve pas beaucoup dans l'Occident.

  • Speaker #0

    Oui, si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Et donc,

  • Speaker #1

    on a ce phénomène qui est surtout... Tout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire.

  • Speaker #0

    Il voit la chute de l'Empire romain, mais plutôt une chose positive.

  • Speaker #1

    Ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute.

  • Speaker #0

    Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne. Richard Landis, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes universitaire américain, vous avez enseigné à l'université de Boston et vous êtes spécialiste de l'Europe médiévale. Aujourd'hui vous continuez à travailler sur l'histoire de l'Europe au Moyen-Âge et en particulier la période autour de l'an 1000. Si on discute aujourd'hui, c'est grâce à un livre. Ce livre, donc Richesse et pauvreté des nations, un livre qui a été écrit par David Landis, qui est votre père. qui est mort en 2013 et qui a écrit ce livre en 98. Donc on s'est rencontrés parce que j'avais fait un article sur ce livre que j'avais adoré. Et on s'est rencontrés, on a commencé à en discuter sur Twitter. Depuis, on a continué à discuter, on s'est rencontrés plusieurs fois. Et aujourd'hui, on va parler de ce livre qui est un livre vraiment passionnant, qui répond à la question pourquoi l'Europe a créé le monde moderne. Pourquoi ? Pourquoi l'Occident ? Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ? C'est un livre qui explique, qui essaie de comprendre les raisons derrière le décollage occidental à partir du XVIe siècle. Et il montre justement que ce décollage a des racines beaucoup plus centrales. Deux questions pour commencer. Vous parlez français. Pour un Américain, c'est assez rare. Donc pourquoi parlez-vous français ? Et deuxième question, pourquoi vous avez dédié votre vie à étudier l'histoire médiévale ?

  • Speaker #1

    Alors d'abord, je parle français parce que mon père faisait des années d'études et d'enseignement en France. Et donc, je suis même né en France, mais reparti un mois plus tard. Mais à l'âge de 3 ans, j'étais là un an entier. Et puis ensuite, en 6e, à l'âge de 10-11 ans, à l'école alsacienne. Et puis finalement, et je crois que c'est là où mon français s'est développé le plus, j'étais à l'école Normale Sup pour une année 71-72, et puis dans les Pyrénées, une métairie pendant un an et demi à peu près. Et ce qui m'a permis de parler le français. C'est au début, quand j'avais 18 ans, j'étais là, je voulais parler très vite parce que tous les Français parlent très vite. Et puis, je me suis ralenti et là, j'ai trouvé mon propre idiome en français.

  • Speaker #0

    Une métairie dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Vous avez passé un an dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était les années hippies. Retour à la nature. D'accord. Mais la raison pour laquelle je... Je me suis penché sur les Moyens-Âge, c'est un peu le prequel du livre de mon père. C'est que, à un moment, j'étais aux Indes et on étudiait, j'étais avec 30 étudiants, on faisait le tour du monde en passant un mois dans plusieurs pays pour étudier le développement. D'accord. Et là, Romila Thapar a expliqué que la raison que les hindous n'ont pas vraiment la volonté de changer, c'est que pour eux, le monde était juste. Si tu es né pauvre, misérable, etc., c'est à cause de quelque chose que tu as fait dans ta dernière incarnation. Et donc, tu le mérites. Tandis que je pensais, tiens, c'est exactement l'opposé en l'Occident. La France, c'est... messianique, c'est le monde est rempli de mal, de mauvais, d'oppression, et on attend un moment dans le futur où ça va se balancer, et les derniers seraient les premiers, les premiers seraient les derniers. Alors ça, ça m'a fait penser, j'avais lu le livre de Jacques Le Goff, où il parle du millénarisme et de ce rêve qui... qui jaillissait pendant les Moyens-Âges. Et finalement, je suis tombé, enfin tombé, j'ai cerné la grande mutation culturelle qui s'est produite autour de l'an 1000. D'accord. Et en fait, j'ai découvert toute la tradition qui ciblait l'an 1000 pour l'arrivée du millénium.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Pour l'arrivée des temps messianiques.

  • Speaker #0

    Donc. Pour bien comprendre, vous avez découvert que, par exemple, dans notre civilisation, la vision du temps est cyclique. Donc c'est le temps qui revient sur lui-même. Oui. Donc comme en Inde, par exemple, il y a la réincarnation.

  • Speaker #1

    Et il n'y a rien à faire.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que vous dites, c'est qu'en Occident, on a une vision du temps plus linéaire. Oui. Donc, ce qu'elle veut dire ? On peut progresser, on peut améliorer la situation.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, je dirais que ce qui s'est passé quand le millénium ne s'est pas produit, Jésus...

  • Speaker #0

    Le millénium, c'est Jésus.

  • Speaker #1

    C'était le temps messianique, le temps paradis sur Terre. Et quand ça ne s'est pas produit, quand Jésus n'est pas revenu, en fait, l'historien sur lequel j'ai fait ma thèse a eu... une vision en 1010 du Christ sur la croix, vraiment au daliesque, dans les cieux, qui pleurait. Alors ça, c'est l'image de l'impuissance. Il devrait revenir sur les nuages, etc. Ce qui s'est produit au passage de l'an 1000, c'est ce que j'appellerais une forme de... de millénarisme actif transformateur, c'est-à-dire c'est à nous de transformer le monde.

  • Speaker #0

    Transformer le monde pour être digne du retour du...

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et donc ça a mis dans la tête des Européens l'idée qu'il fallait progresser, améliorer pour être...

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est du XIe siècle qu'on a révolution agricole, révolution urbaine, révolution commerciale. Révolution à l'intérieur de l'Église, la Réforme qui est vraiment révolutionnaire, les débuts des universités, c'est vraiment un siècle qui foissonne de créativité.

  • Speaker #0

    Donc c'est pour ça que vous avez dédié... C'est pour ça que je m'intéresse. Et ça vient compléter aussi le travail de votre père qui s'intéresse au siècle postérieur. Oui. Donc pour parler concrètement de ce livre, il y a une phrase dans le livre qui dit que si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Oui.

  • Speaker #1

    Culture counts.

  • Speaker #0

    Pardon ? Ça compte. Oui, culture counts. La culture compte. Exactement. Et donc c'est un livre qui est assez peu politiquement correct, qui dit que certaines cultures ont permis de favoriser la science par exemple. Mais c'est un livre très ressourcé qui n'est pas... qui ne parle pas que de l'Europe, qui parle de la Chine, du monde entier. Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne et pas d'autres civilisations. Durant notre entretien, on va revenir sur les principales raisons que repère votre père. La première, c'est justement qu'il parle du Moyen-Âge européen. Et donc on a souvent une image assez sombre. du Moyen-Âge européen, donc même l'appellation Moyen-Âge n'est pas très flatteuse. Et votre père explique justement que cette période est sûrement une des plus inventives de l'histoire. Il cite notamment des inventions qui ont eu un impact énorme, par exemple l'invention des lunettes par les Italiens, qui a permis par exemple de prolonger de 10 à 20 ans la vie productive d'un intellectuel et également d'artisans, d'artisans qui fabriquaient des outils.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Précision extraordinaire.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc il parle de ces inventions. Une autre invention qu'il repère, c'est l'horloge.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant des deux points de vue, c'est qu'il y a des inventions qui se font, mais qui ne s'étalent pas. Par exemple, c'est à la fin de l'Empire romain qu'on a développé le moulin à eau.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Mais ça ne s'est pas produit parce que c'était une culture d'esclavage. Et on n'avait pas besoin de trucs qui vous gagneraient du temps. On avait des esclaves à l'époque.

  • Speaker #0

    Des esclaves sans disposition, pas besoin d'innover, d'accord.

  • Speaker #1

    Tandis qu'au XIe siècle, à partir du XIe siècle, on a, quelqu'un fait le calcul, on a un essor extraordinaire de moulins à eau partout, en Catalogne surtout, et au vent. dans les Pays-Bas. Et lui, il a estimé que l'énergie que produisait l'Occident s'est multipliée parfois par trois pendant ce siècle. Alors c'est petit en comparaison avec les usines, etc. Mais c'est énorme dans le sens que ça coûte beaucoup. Comment une société peut se payer ? quelque chose comme ça. On ne va pas poursuivre ça, mais même chose avec les lunettes. Les lunettes sont tout de suite devenues quelque chose que tout le monde, enfin pas tout le monde, mais surtout les gens qui travaillaient avec leurs yeux, les écrivains, comme tu dis, les... Les faiseurs de...

  • Speaker #0

    Les artisans.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    les faiseurs de petits.

  • Speaker #1

    Alors, et ça a eu un effet énorme sur la société parce que normalement on s'attend, si on est bureaucrate disons, on s'attend à ce que les gens qui sont là quand on commence vont finir à l'âge de 40 ans et il y aura une place. Mais tout d'un coup, ils résistent, ils sont là jusqu'à 60 ans. Il y a toute une génération qui se trouve un peu... Ses attentes sont frustrées et qui mettent leurs énergies par ailleurs. Et il y a même un argument que ça a déclenché déjà au XIVe siècle les courants qui vont amener à la Renaissance. C'est-à-dire une intelligentsia qui est... en quelque sorte indépendante des chemins normaux pour avancer dans la vie et qui se créent des opportunités.

  • Speaker #0

    Oui, donc ce que je dis, c'est la productivité. Donc par exemple, les lunettes font augmenter la productivité et la longévité de la vie active d'artisan. Oui. Et donc ce qui fait que les jeunes artisans doivent innover, doivent faire autre chose, puisque...

  • Speaker #1

    Et alors, une des choses qu'ils ont fait, c'est l'horloge. Et l'horloge, mon père a écrit tout un livre là-dessus, je crois que ça s'appelle, en anglais, c'est Revolution in Time. Et là, on a cet effet extraordinaire. Il y a les villes qui se payent une horloge. Petit à petit, ça se miniaturise. Et finalement, une personne peut avoir un horloge. qui prend dans sa poche. Et finalement, ça a rendu le travail beaucoup plus efficace parce qu'on pouvait rencontrer des gens à une telle heure, tandis qu'auparavant, on les rencontrait, et si on a un rendez-vous, on le fait dans la matinée d'eux. Et donc, ça a beaucoup changé la mentalité des gens et surtout, ça a changé la vie des gens. la mentalité il ya l'expression time is money le temps et l'argent et en fait il s'est beaucoup changé la façon dont les gens pensaient au sujet du temps et préciser les réunions le travail etc ce qui explique votre père dans son âme c'est que la mention l'eau

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a l'habitude, c'est naturel, de mesurer le temps, c'est-à-dire une heure, une heure, et on va se voir à 18 heures, donc c'est assez précis. Ce qu'il explique, c'est que l'invention de l'horloge, c'est aussi inventer le concept de productivité. On savait, on s'est dit, voilà, une heure de travail, je sais faire ça, comme je peux mesurer, je peux mesurer la productivité, donc je peux me dire, je vais essayer d'augmenter la productivité, puisque je peux mesurer le temps. Et donc il explique, voilà, l'introduction de l'horloge dans les villes européennes a permis déjà d'être plus efficace dans les affaires, les rendez-vous précis, mais aussi augmenter la productivité du travail parce qu'on peut le mesurer et donc progresser.

  • Speaker #1

    Et donc on a ce phénomène qui est surtout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire. Et on le voit dans le monde moderne par exemple. Avec l'internet. Arbanet, c'était l'armée américaine qui l'a produit. Au Moyen-Âge, ce serait la réserve du roi. Et ils ont tout de suite fait ça. Ils ont rendu ça public et ils ont changé vraiment, pas forcément pour le mieux, mais ils ont changé la culture occidentale et mondiale en faisant cette... cette innovation extraordinaire et le rendant à la portée de tous.

  • Speaker #0

    Parce que ça,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait occidental.

  • Speaker #0

    Donc oui, Paris, par exemple, a eu sa première horloge sur l'île de la Cité, quelques jours là d'ailleurs. Oui, oui. Au début, c'était des horloges publiques.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et pour continuer sur le Moyen-Âge, j'ai découvert récemment l'importance des cisterciens. ou des moines. Par exemple, sur les cisterciens, ils ont eu un rôle fondamental dans le développement de l'Europe, parce qu'au XIe, XIIe siècle, il y avait environ 500 monastères cisterciens. XIIe, XIIIe. Et les cisterciens recherchaient vraiment la productivité, avoir produit plus, pour être plus efficace dans le travail, pour dédier plus de temps aussi à la prière. Ce qui était intéressant, c'est que c'est aussi un universitaire américain qui l'explique. Il explique que les cisterciens étaient à la recherche de la productivité dans le travail, dans la fabrication des outils. Il y avait des usines, des premières usines sont dans les monastères cisterciens, en Bourgogne particulièrement. Et il montre que ces monastères se sont construits dans toute l'Europe et donc dès qu'un monastère trouvait une innovation... Il l'a dispatché dans toute l'Europe, dans tous les monastères, et donc au contact des populations locales. Par exemple, le marteau de forge hydraulique s'est répandu dans toute l'Europe. Et donc, il y a eu des changements de mentalité dans la population, la mesure du temps. Mais il y a aussi, au sein des ordres monastiques catholiques, des habitudes qui ont propagé des innovations technologiques dans toute l'Europe.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a un élément absolument essentiel et culturel, c'est que les cisterciens, enfin ça remonte à la règle de Benoît, mais les cisterciens voyaient le travail manuel comme digne, comme quelque chose que l'homme devrait faire.

  • Speaker #0

    Ce qui n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Ce qui n'est pas le cas. Par exemple, les clunisiens, ils avaient des cerfs qui faisaient le travail. Mais pour les cisterciens... C'est les moines qui doivent faire le travail, c'est laboro, c'est orare.

  • Speaker #0

    Ora et laborer, prier et travailler, c'était leur nom.

  • Speaker #1

    Et en fait, travailler c'est prier, c'est une forme de prière. Et dès qu'on met des gens intelligents au travail, plutôt que des esclaves qui n'ont aucune raison d'innover, les innovations commencent. Et c'est surtout, et c'est pourquoi j'ai dit que c'est les puritains, proto-puritains, parce que c'est exactement ce que Max Weber a argumenté, c'est que c'était parmi les sectes les plus, moi j'appelle ça démotiques, populaires, mais pas populaires dans le sens normal, c'est dans les sectes, les méthodistes, les puritains, les quakers.

  • Speaker #0

    Les premiers mouvements protestants.

  • Speaker #1

    Les premiers mouvements protestants que s'est produit le capitalisme. Parce qu'au lieu de dépenser l'argent qu'ils faisaient en s'achetant des titres et des beaux vêtements, etc., ils étaient très rigoristes et donc ils avaient tout cet argent. à remettre dans le développement économique.

  • Speaker #0

    Donc l'argent a été réinvesti en capital pour développer... C'est ça,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et alors, toute cette échappatoire du... Enfin, l'achat de positions plus grandes dans l'aristocratie est coupée et donc on a un foissonnement au niveau du travail extraordinaire. Et les cisterciens, c'est vraiment les premiers à faire ça.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc oui, les cisterciens catholiques, mais ensuite les protestants, peut-être plus tard, qui auront cette même mentalité. Il y a aussi un élément qui est intéressant dans le livre de votre père, c'est qu'il voit la chute de l'Empire romain. Il dit plutôt une chose positive à la fin de l'Épistère. Ce qu'il explique, la chute de l'Empire romain a permis une Europe totalement divisée, entre petits royaumes. sans jamais retrouver d'unité impériale. Et cette division politique de l'Europe durant tout le Moyen-Âge, donc voilà, le royaume de France, l'Espagne, le Saint-Empire, l'Angleterre, ça a créé de l'innovation puisque les royaumes étaient en concurrence entre eux, et la concurrence était assez positive. Les rois ont encouragé l'innovation dans les sciences pour avoir des meilleures armes, pour pouvoir faire de meilleures guerres contre les autres royaumes. Et donc, C'est contre-intuitif de dire, heureusement que l'Empire romain s'est effondré, ce qui doit donner une Europe divisée en concurrence.

  • Speaker #1

    Oui, bien que ça nous a donné 500 ans de misère, avec des petites exceptions comme Charlemagne, mais en fait oui, mon père parle beaucoup du fait que cette compétition a permis à des gens qui ne pouvaient pas s'avancer dans leur propre culture, de trouver un autre pays d'accueil, comme Descartes est allé au Danemark. Et en fait, cette concurrence positive a joué un rôle très important, surtout dans la diffusion du savoir. Il y a une très belle histoire de Galilée. Il était au début à Venise, qui était une république, mais il ne voulait pas les fardeaux du citoyen. D'accord. Alors il est allé à Florence. Et à Florence, on lui a donné son endroit de travail. Il était très content, mais maintenant il se trouvait sous les gilets de la papauté. Et c'est comme ça que les papes l'ont eu. S'il était resté à Venise, il n'aurait pas été condamné en hérétique.

  • Speaker #0

    D'accord. Parce qu'il était plus libre.

  • Speaker #1

    Plus libre, mais il y a un fardeau pour la liberté qu'il n'était pas content de payer. Mais en fait, la possibilité de se rendre... et d'avoir une réception positive a joué énormément dans, par exemple, les Hollandais. C'est un petit pays où on ne s'attend pas, mais parce que c'était un pays beaucoup plus libre que beaucoup d'autres endroits, où même les villes au Moyen-Âge, on pouvait se déplacer. Et donc ça faisait une échappatoire pour la créativité, à la fois intellectuelle et économique, technicienne, qui a changé le monde.

  • Speaker #0

    Et pour revenir sur les marchands, vous pouvez quitter un royaume s'ils étaient opprimés, ce qu'a fait la France en chassant les protestants, les protestants qui étaient très entreprenants. en son parti et ont apporté la richesse en Suisse. Donc, le fait de ne pas avoir un seul empire unifié a permis d'avoir des pays en concurrence qui devaient faire attention à ne pas trop... à ne pas se polier les marchands.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et donc là, vous parlez justement du rôle de la ville, de la ville européenne, en disant qu'aussi le fait de ne pas avoir, par exemple comme en Chine, un empire... ultra puissant qui domine toute l'Europe. Ça a permis l'apparition de villes, parce qu'aujourd'hui, on a peut-être du mal à l'imaginer, surtout en France. Aujourd'hui, il y a l'État, nation et puissant. Les villes ont des petits pouvoirs communaux. Mais au Moyen-Âge, il y avait des villes qui étaient quasiment des villes indépendantes, libres. Et ce que dit votre père, c'est que c'est... Ces villes franches européennes, il y en avait dans toute l'Europe, c'était vraiment des espaces de liberté, indépendants du roi, souvent indépendants du pape, où on pouvait créer, innover, et ils ont eu un rôle fondamental dans l'histoire de l'Europe.

  • Speaker #1

    Et un des détails importants dans ce procès, c'est que pour la plupart dans l'ancien monde, les villes étaient des centres administratifs. Alors, il y avait une grande ville et beaucoup de campagnes qui les donnaient... les impôts.

  • Speaker #0

    Prelever les impôts dans la campagne envers l'Antille.

  • Speaker #1

    C'est plutôt une relation, on pourrait dire, prédateur de la grande ville sur la petite campagne.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Ce qui s'est passé en Europe à partir du 11e siècle, c'est le renouveau des villes, mais cette fois-ci, c'était des petites villes. C'était des villes de 10 000 personnes, pas des villes de 1 million comme Rome. C'était des petites villes qui étaient intégrées dans l'économie en tout rang.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et qui en fait, pas mal de sa population venait des paysages en tout rang. Et il s'est développé cette idée que si un cerf s'échappe à une ville, et il reste un jour, un an et une journée... libre dans la ville, il peut rester dans la ville, il est libéré. Alors l'expression, l'air de la ville, c'est l'air de la liberté.

  • Speaker #0

    L'air de la ville le rend libre.

  • Speaker #1

    Oui, et ça c'est absolument extraordinaire, ça se trouve même pas dans le haut Moyen-Âge occidental où pour la plupart les gens dans la ville... protéger leur privilège et ne laisser pas n'importe qui venir. Et là, on ouvre les portes aux plus pauvres. Et le taux d'immigration des endroits rurals dans les villes est très grand. Il y a trois siècles de développement. pré-industriel mais très important en Europe de 11e, 12e, 13e siècle, c'est un phénomène extraordinaire où le plafond malthusien continue à s'élever.

  • Speaker #0

    Le plafond malthusien, c'est-à-dire, la discussion vient de Malthus, et qui, je résume, la croissance démographique contient en elle-même, au premier chèque, plus de gens à nourrir. Oui, il y a une limite,

  • Speaker #1

    mais... Avec la technologie, on peut... Et c'est ce qu'on a fait dans le monde aujourd'hui, à 8 billions de personnes. C'est impensable avec la technologie pré-industrielle.

  • Speaker #0

    Un historien français qui utilise, en parlant du XIIe siècle, qui parle de première révolution industrielle.

  • Speaker #1

    C'est Gimpel ?

  • Speaker #0

    Gimpel, oui.

  • Speaker #1

    Ouais, fantastique.

  • Speaker #0

    Jean Gimpel. Exactement. On en arrive à notre deuxième point. Donc on a vu, on a parlé de tous ces bouleversements... économique, culturel, des mentalités. Et donc ça, votre père montre que ça arrive, on en arrive au XVe siècle, où on a ce qu'il appelle l'invention de l'invention. C'est-à-dire une culture, l'Europe se distingue par une culture tendue vers le progrès, l'innovation, et plus de liberté que par rapport à d'autres civilisations, ce qui va permettre dans les siècles suivants de pouvoir avoir des industriels plus libres qui vont innover, qui vont créer la révolution industrielle.

  • Speaker #1

    Et aussi, il ne faut pas oublier qu'ils vont développer les armes de guerre. Et donc un petit pays comme la Portugal peut aller en Chine et dominer la situation de façon assez extraordinaire. Et ça s'est continué, cette domination. Alors d'un côté, il y a cet aspect démotique, mais d'un autre côté, il y a cet aspect impérialiste de l'Occident qui a produit sur le champ idéologique des contradictions qui finalement, après la Deuxième Guerre mondiale, a produit ce phénomène extraordinaire qui ne s'est fait... Pas fait.

  • Speaker #0

    À part que dans l'Occident, c'est la désimpérialisation, décolonialisation de leur empire. Volontairement. Volontairement, ça ne s'est jamais produit auparavant. C'est la même chose aux États-Unis avec l'esclavage. Les États-Unis, c'est le premier pays à... à bannir l'esclavage, bien que ça faisait une partie intégrale de son économie. Et donc, ce qui se passe aujourd'hui, c'est quand même extraordinaire, c'est que les progressistes, entre guillemets, qui n'aiment pas l'Occident, ne comprennent pas qu'ils sont dans la suite d'une évolution.

  • Speaker #1

    culturel et moral qui est tout à fait exceptionnel et ils veulent croire que tout le monde c'est comme ça et c'est nous qui sont le problème donc pour revenir à la à la vie donc on parlait cet espace de liberté on a parlé de la vision du temps au début un temps qui est linéaire qui est un temps qui n'est pas circulaire donc qui ne revient pas sur lui même J'ai récemment lu aussi un auteur américain qui s'appelle Rodney Stark et qui montre aussi que dans le christianisme, il y a une conception qu'on a un dieu organisateur du monde, chose qui n'est pas forcément évidente. Et Rodney Stark explique que cette conception du monde de dieu comme organisateur du monde et dans lequel il y aurait des lois qu'il faudrait déchiffrer, ont encouragé les scientifiques européens. Donc là, un peu plus tard, 7e, 13e. à chercher, à chercher, à chercher la science. Et par exemple, il prend l'exemple de Newton. Donc Newton... Un vrai croyant. Exactement, il était quelqu'un de très pieux. Et c'est en cherchant les lois de Dieu qu'il a trouvé des lois scientifiques. C'est ça. Mais justement, le fond de sa motivation, c'était de comprendre comment Dieu avait organisé l'univers. Et en se faisant, il a trouvé des grandes lois scientifiques. Et donc ça aussi, c'est un aspect... culturelle liée au christianisme qui explique que paradoxalement cette religion a aussi involontairement aidé la science avec cette vision d'un dieu organisateur.

  • Speaker #0

    La pensée scientifique joue un très grand rôle, enfin le millénarisme joue un très grand rôle dans la pensée scientifique et technologique parce que déjà à partir de Roger Bacon au XIVe siècle, la recherche... scientifique permet à construire le millenium sur terre c'est une forme d'activisme millénariste on n'attend pas que dieu vienne et commence les temps messianiques c'est à nous de le construire c'est à dire dans l'église on se dit faire

  • Speaker #1

    progresser la science est positif parce que ça va améliorer la situation pour faire revenir le messie alors c'est ce que j'appelle un projet préapocalypse

  • Speaker #0

    Alors, c'est quelque chose qu'on doit faire avant que viennent. Il y a un tas de tels projets. Par exemple, je crois que les croisés, surtout les premiers, pensaient que pour que Jésus vienne, revienne par Ouzia, pour qu'il revienne, il faut que nous prenons Jérusalem, nous la libérons. Tandis que c'est au main des incroyants, Jésus ne va pas revenir. Alors, ça n'a pas produit la parousie de Jésus, mais ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Oui, c'est ça. Alors c'est toujours, dans les mouvements millénaristes, ils n'ont jamais le succès qu'ils attendent, c'est-à-dire le temps messianique. Mais par contre, les... les, comment on dit,

  • Speaker #1

    les conséquences involontaires ont un effet énorme.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'est la même chose, l'analyse de Weber des protestants, c'est que ce n'est pas pour créer un monde capitaliste qui se sont penchés sur leur travail, mais c'était l'effet.

  • Speaker #1

    Oui, ce que dit Weber, c'est qu'il dit que le travail et la richesse sont un signe d'élection par Dieu.

  • Speaker #0

    Donc il faut le suivre. Et donc il y a ce développement extraordinaire de l'Occident qui ne s'est produit nulle part ailleurs. Et même quand moi j'étais jeune et mon père travaillait cette question dans les années 50 et 60, à part la Japon, il n'y avait pas d'autres pays qui ont pu imiter. imiter, même imiter ce que l'Europe a pu, ou l'Occident a pu générer. Alors c'est vraiment une double question. Comment ça se fait que l'Occident a pu générer cette révolution économique et pourquoi des pays, même quand ils le veulent, ont tant de mal à l'imiter ?

  • Speaker #1

    Il y a une partie culturelle qui est très importante. Par contre, ce qui est intéressant dans le livre, c'est que... Il parle beaucoup de la Chine. Oui. Et il dit concrètement, au XVe siècle, la Chine, donc l'Europe, a quand même vécu la grande peste. L'Europe est très affaiblie au XIVe. Au XIVe. Après s'être développée pendant deux grands siècles. Oui. Et donc votre père écrit qu'au XVe, XVIe siècle, la Chine est sûrement la civilisation la plus riche et la plus puissante. Oui. Elle a inventé la poudre, elle a inventé plein de...

  • Speaker #0

    L'imprimerie.

  • Speaker #1

    L'imprimerie, exactement. Et donc, il explique qu'au XVe siècle, rien ne suppose, si on devait faire un pari à cette époque-là, rien ne suppose que c'est l'Europe qui va se développer. On pourrait plutôt penser que c'est la Chine, un riche empire très innovant. Et donc, il explique pourquoi la révolution industrielle n'est pas apparue en Chine. Et c'est assez passionnant. Et justement, il voit plusieurs raisons. Une des premières, c'est justement la toute-puissance de... Paradoxalement, l'Empire est trop puissant et il étouffe la création de richesses, l'entrepreneuriat ou les innovations. Il prend par exemple l'exemple de l'amiral Zheng, qui est un explorateur chinois qui a fait des expéditions jusqu'en Afrique. Et donc à la fin du XVème siècle, l'Empereur interdit les explorations parce que ça pourrait déstabiliser tout ça. Et donc étouffe des potentiels innovations. Oui.

  • Speaker #0

    Alors d'abord, c'est important parce que, au point de vue culturel, ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute. On s'est disputé.

  • Speaker #1

    De confrontation d'idées.

  • Speaker #0

    De confrontation d'idées. Tandis qu'en Chine, c'est une culture de consensus.

  • Speaker #1

    Le confessionnisme... C'est ça.

  • Speaker #0

    Alors, surtout, pas trop de désordre. Exactement. Et c'est dans le désordre, surtout le désordre occidental, que tous ces développements se sont forgés. Alors, je me rappelle, il y a Ken Pomerantz, un chercheur américain, qui fait l'argument qu'en 1800... la Chine et l'Europe étaient à l'égalité et que c'est juste des petites choses qui ont fait que l'Occident s'est développé et que la Chine non.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a eu un débat à Harvard, au Fairbank Center, entre mon père et Ken Pomerantz. D'accord. C'était passionnant parce que, après... Tous les étudiants chinois se sont mis autour de mon père parce qu'ils voulaient apprendre pourquoi la Chine n'a pas eu un succès. Et tous les occidentaux se trouvaient autour de Ken Pomerantz parce qu'ils disaient « bof, la culture occidentale, c'est pas tellement bien, c'est juste la chance que ça a pu se produire » . Et c'était vraiment… la différence… Je crois que mon père parle du fait qu'en Chine, et c'est vrai aujourd'hui aussi bien qu'au 18e, 19e siècle, les renseignements que recevait l'empereur étaient beaucoup colorés par ce qu'on se disait l'empereur voulait entendre.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui, tandis que...

  • Speaker #1

    La formation était moins libre, circulait moins.

  • Speaker #0

    Exactement. Tandis que dans une culture de dispute, les renseignements sont... viennent de partout et à la fin, les renseignements les plus, comment on dit, accurate,

  • Speaker #1

    les plus vrais, enfin les plus justes,

  • Speaker #0

    les plus justes, dominent. Et en fait, le livre est basé, le titre du livre est basé sur Adam Smith, La richesse des nations. Et un des éléments qui a permis à Adam Smith de dire qu'il y a un main visible qui contrôle les prix, c'est qu'il y avait de bonnes renseignements. au sujet des prix. Dans les bonnes renseignements, il n'y a pas de main invisible.

  • Speaker #1

    Donc oui, pour expliquer, Adam Smith, à la fin du 19e siècle, écrit La richesse des navigants. Oui,

  • Speaker #0

    en 1767.

  • Speaker #1

    Et il explique qu'il y a une main invisible du marché, le marché s'autorégule, donc les prix, le libre partage des informations, de l'information, des actualités, permet de faire varier les prix de façon juste, ce qui permet une allocation... Meilleur des richesses et donc une économie qui fonctionne mieux.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et en fait, c'est ça le problème avec l'Empire romain. C'est ça le problème avec beaucoup des cultures de tiers monde et du deuxième monde, les Russes, les Soviétiques, etc. C'est l'effort d'imposer des prix, l'effort d'imposer les règles de commerce d'en haut. plutôt que de les laisser, de les régulariser, mais quand même de les laisser libres de se faire par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    Oui, l'économie libérale est plus efficace.

  • Speaker #0

    Oui, mais moins ordonnée.

  • Speaker #1

    Moins ordonnée, mais le désordre est créatif. Exact. Et sur la Chine et la différence entre la Chine et l'Occident, votre père insiste aussi sur l'importance des droits de propriété. Aujourd'hui, c'est quelque chose qui est naturel pour nous, on est propriétaire d'une aisance, c'est à nous. Mais ce concept d'avoir une propriété de quelque chose ne tombe pas du ciel. Et donc, il parle déjà du droit romain, qui est le premier qui a défini ça, et donc qui est redécouvert à la Renaissance. Et il explique que le droit de propriété et le fait qu'il soit plus ou moins respecté en Europe, mais en tout cas plus que dans d'autres civilisations, c'est un élément décidé. Parce que quand... On est sûr que quand on a quelque chose, qu'on a des chances de le garder, on peut se projeter vers l'avenir. On peut investir en se disant, ce que je vais gagner, je vais le garder, et ça ne va pas forcément être pillé par l'empereur, pillé par un roi. Et donc comme en Europe, à partir du XVe siècle, ce droit de propriété devient plus ou moins, bien sûr, ce n'est pas parfait, mais respecté, donc c'est une incitation. à produire, investir, projetter, des choses inventées. Je crée le concept de brevet aussi. On peut breveter une invention, ce qui permet ensuite de toucher de l'argent.

  • Speaker #0

    Et c'est précisément ce qui ne s'est pas passé dans les pays soviétiques et la Chine maoïste, etc.

  • Speaker #1

    Et il y a aussi, ça complète très bien ce livre. C'est un livre très récent d'un anthropologue d'Harvard qui s'appelle ... Joseph Henrich, où il explique justement que ce qui a créé aussi cette mentalité, à partir du XVe siècle, de mentalité plus individualiste, entreprenante, non clanique, c'est l'importance des règles de mariage qu'a imposées l'Église catholique. Donc à partir du Xe siècle justement, cet anthropologue explique que l'Église a commencé à interdire les mariages entre cousins. du premier, deuxième, petit à petit, jusqu'au septième degré. Et donc cette interdiction a eu des conséquences énormes dans l'histoire de l'Occident parce que, d'après lui, ça détruit l'esprit clanique. L'esprit clanique qui est l'organisation naturelle de l'homme. C'est-à-dire clan, coudée. Et donc en empêchant de créer des clans, parce qu'on interdit les mariages entre cousins, On habitue les hommes à penser de manière individuelle et aussi de s'associer de manière non familiale. Par exemple, on crée une entreprise. Parce que créer une entreprise, c'est on s'associe avec quelqu'un d'autre pour créer une entreprise. Mais ça n'a rien de naturel. Dans l'histoire de l'homme, c'était plutôt on s'associe dans la famille. Pour finir, vous avez récemment écrit un texte qui s'appelle « My father would be heretic today » .

  • Speaker #0

    « Mon père serait herétique aujourd'hui » .

  • Speaker #1

    Exactement. où vous expliquez que justement cette idée, donc aujourd'hui avec par exemple le mouvement, le wokisme, qui pour résumer l'Occident est la cause de tous les malheurs du monde, une société horrible.

  • Speaker #0

    Et si on le détruit, ce sera le paradis.

  • Speaker #1

    Exactement, il suffit d'abattre le continent et sa culture, sa tradition. Dans ce texte, vous expliquez que... Il faut faire attention. Bien sûr, c'est très bien d'avoir une critique sur sa propre civilisation. C'est une force. Mais attention à ne pas tout détruire non plus, parce que notre civilisation a créé des choses, des concepts, des droits de l'homme, des choses qui ont une valeur. Le mouvement wokiste, par exemple, pourrait s'autodétruire parce qu'en détruisant les libertés permises par l'Occident, qu'il critique autant. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui. Alors, il y a un Anglais, son nom m'échappe. présent, mais je m'en souviendrai, qui a produit une expression oikophobie. Oiko, c'est le foyer.

  • Speaker #1

    En grec, la maison.

  • Speaker #0

    La maison, et donc oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça se trouve pas beaucoup dans l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est très large.

  • Speaker #0

    Ce rejet de sa propre culture. fait que le travail de mon père a été en quelque sorte banni de tous les bons cercles où on parlait du développement. Alors la même année que ce livre est sorti, il y a Jared Diamond qui a écrit un livre qui s'appelle « Guns, Germs and Steel » sur les fusils, l'acier. Et légèrement.

  • Speaker #1

    En français, il est connu pour ses deux l'inégalité des sociétés. Et Jared Diamond a aussi écrit l'effondrement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Ensuite, il a écrit l'effondrement. Mais ce qui est intéressant, c'est que lui, anthropologue qu'il était, a écarté la question de culture qu'il a traité. Il n'a pas dit mon père, mais en parlant de... L'école où mon père se trouvait avec d'autres, il appelait ça raciste. C'est raciste de dire qu'il y a quelque chose de fondamental en l'Occident qui explique pourquoi ça a eu tant de succès. Et donc lui, il dit que c'est uniquement à cause des... des éléments évolutionnaires, naturels, géographiques, etc. Et que si les gens du Samoa se trouvaient en Europe, c'est eux qui seraient...

  • Speaker #1

    Oui, ils refusent tout aspect culturel dans son édition.

  • Speaker #0

    Enfin, lui, en tout cas. Ce qui est intéressant dans tout ça, c'est que son livre a eu un succès parce que c'était, j'appelle ça... L'histoire thérapeutique, c'est uniquement par la chance que les Occidents ont le dessus. Alors ça a été beaucoup accepté, ma fille était à l'université dans les débuts des années 2000 et on enseignait Jared Diamond, on n'enseignait pas mon père, et elle a proposé à son prof que... son grand-père pourrait venir s'adresser, il a dit absolument pas.

  • Speaker #1

    On ne s'intéresse pas. D'ailleurs, votre père, justement, il a un livre assez mesuré, il ne dit pas que c'est que la culture, il explique aussi la géographie, le fait d'avoir par exemple le Gulf Stream en Europe, qui donne un climat tempéré, qui développe l'agriculture.

  • Speaker #0

    Et les forêts, les montagnes qui séparent les pays, et donc produisent des contenants.

  • Speaker #1

    Il ne dit pas que c'est que la culture, mais la culture, il ne faut pas la nier. Oui,

  • Speaker #0

    surtout parce que pendant... Jules César a conquis les Gaules en, disons, l'an zéro. Un millénaire, mille ans, entre Jules César et le XIe siècle, cette situation géographique n'a produit rien. En fait, c'était un... une culture qui était toujours en train de se faire envahir. Et donc tout d'un coup, le changement brusque du 11e, où l'Europe commence à s'épanouir, la réconquête de l'Espagne, le Drang nach Osten des Allemands et les croisades, c'est un retournement absolument extraordinaire. Même si on a les avantages, sans la culture, les avantages ne jouent pas.

  • Speaker #1

    Et ce que joue de votre père aussi, je suis assez d'accord, il explique aussi que l'Occident n'a pas le monopole de la colonisation, de l'impérial, de tous les empires. Oui, exactement. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis les Aztèques.

  • Speaker #0

    Quand on le faisait, on le faisait.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est juste une question de pouvoir, de le faire. Et en fait, si l'Occident... a conquis le monde dans les années 18e siècle, c'est qu'en fait, il en avait surtout les moyens de pouvoir le faire. Mais voilà, il montre que toutes les civilisations qui en avaient les moyens l'ont fait, le faisaient. Ce n'est pas un monopole occidental de coloniser. Oui,

  • Speaker #0

    exactement. En fait, je dirais même plus, et je crois que mon père dirait la même chose, c'est que finalement, l'hégémonie américaine et la plus légère de tous les hégémonies d'impérialistes dans le monde. Oui, les États-Unis auraient pu occuper l'Europe. Et c'est ce qu'auraient fait les Romains, c'est ce qu'auraient fait... Oui,

  • Speaker #1

    occuper militairement jusqu'à aujourd'hui l'Europe, après la Seconde Guerre mondiale.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, même l'Allemagne, ils sont, aussitôt que possible, quittés.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Même chose avec Japon. Et l'idée du Marshall Plan, c'est-à-dire d'aider les économies à se remettre, c'est l'opposé de ce qu'on fait avec les gens qu'on a conquis.

  • Speaker #1

    Après, c'était aussi dans leur intérêt bien compris de ne pas tomber dans le commun.

  • Speaker #0

    Mais comme le livre dont tu m'as cité le titre, tout le monde ne pense pas comme nous.

  • Speaker #1

    Oui, les hommes ne pensent pas exactement. Écoutez, je pense qu'on a bien parlé de ce livre, qu'on en a saisi les principales idées. Donc voilà, si l'Occident a créé cette révolution industrielle, c'est en partie parce qu'elle a eu une culture spéciale qui a favorisé ça. Est-ce que, en conclusion, vous auriez peut-être un livre à recommander ou un film ou quelque chose à nous dire pour terminer ce livre ?

  • Speaker #0

    C'est encore cette question de culture, cette question... Je me souviens, j'étais avec mon père, je ne sais pas exactement où, mais c'était un endroit où il y avait beaucoup de magasins et tout foissonné. Et mon père a dit, ça c'est fantastique. Et je me suis rendu compte que la capacité de voir le succès d'autrui, et de se réjouir du succès d'autrui plutôt que de penser « zut, lui, il a, et moi, je suis jaloux, je veux le détruire » . Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #1

    D'accord, oui. C'est de prendre le meilleur de ce que notre civilisation offre pour se développer.

  • Speaker #0

    Oui. Et ça remonte aussi à la curiosité. Il fait beaucoup... parle beaucoup de la curiosité de l'Occident. On le voit par exemple quand Napoléon va en Égypte. Il apporte avec lui toute une légion d'érudits qui se fascinent de cette civilisation. Tandis que les gens qui y habitaient ne s'intéressaient pas du tout. Ils ne s'intéressaient même pas à leur propre passé. Et nous, on est intéressés par tout.

  • Speaker #1

    C'est sûrement un des réjetages de la Grèce antique, qui a été vraiment une des premières civilisations à beaucoup s'intéresser aux autres. C'est ça. Écoutez, merci Richard Allende pour cet échange.

  • Speaker #0

    C'est des sujets passionnants.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Ok, merci beaucoup.

Description

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Pour ce 3ème épisode du podcast de Chroniques occidentales, j’ai le plaisir de recevoir Richard Landes, historien américain francophone et spécialiste de l’Europe médiévale.

Nous avons échangé sur "Richesse et pauvreté des nations", le best-seller de son père David Landes, historien américain et professeur à Harvard disparu en 2013.

Ce livre, publié en 1998, répond à cette question : pourquoi l'Occident a-t-il dominé le monde, et non l'inverse ?


Au menu de cet épisode :

  • La chute de l’empire romain, finalement une bonne chose pour l’Europe ?

  • Le Moyen Âge européen, grande période d’innovation ! L’exemple de l’invention des lunettes ;

  • L’importance des règles de mariage dans le décollage économique de l’Occident ;

  • Le décollage de l’Occident : culture ou géographie ? Le débat avec Jared Diamond ;

  • L’Occident n’a pas le monopole de la colonisation ;

  • Le rôle des moines dans le décollage économique de l’Europe ;

  • La conception chrétienne d’un Dieu organisateur a-t-elle favorisé l’apparition de la science moderne ?

  • Pourquoi la révolution industrielle aurait-elle pu avoir lieu en Chine ?

  • L’invention de l’invention au Moyen Âge occidental.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ?

  • Speaker #1

    Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #0

    L'Occident n'a pas le monopole de la colonisation. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis.

  • Speaker #1

    Oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture. Ça se trouve pas beaucoup dans l'Occident.

  • Speaker #0

    Oui, si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Et donc,

  • Speaker #1

    on a ce phénomène qui est surtout... Tout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire.

  • Speaker #0

    Il voit la chute de l'Empire romain, mais plutôt une chose positive.

  • Speaker #1

    Ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute.

  • Speaker #0

    Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne. Richard Landis, bonjour.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Donc vous êtes universitaire américain, vous avez enseigné à l'université de Boston et vous êtes spécialiste de l'Europe médiévale. Aujourd'hui vous continuez à travailler sur l'histoire de l'Europe au Moyen-Âge et en particulier la période autour de l'an 1000. Si on discute aujourd'hui, c'est grâce à un livre. Ce livre, donc Richesse et pauvreté des nations, un livre qui a été écrit par David Landis, qui est votre père. qui est mort en 2013 et qui a écrit ce livre en 98. Donc on s'est rencontrés parce que j'avais fait un article sur ce livre que j'avais adoré. Et on s'est rencontrés, on a commencé à en discuter sur Twitter. Depuis, on a continué à discuter, on s'est rencontrés plusieurs fois. Et aujourd'hui, on va parler de ce livre qui est un livre vraiment passionnant, qui répond à la question pourquoi l'Europe a créé le monde moderne. Pourquoi ? Pourquoi l'Occident ? Pourquoi c'est l'Occident qui a conquis le monde et pas le reste du monde qui a conquis l'Occident ? C'est un livre qui explique, qui essaie de comprendre les raisons derrière le décollage occidental à partir du XVIe siècle. Et il montre justement que ce décollage a des racines beaucoup plus centrales. Deux questions pour commencer. Vous parlez français. Pour un Américain, c'est assez rare. Donc pourquoi parlez-vous français ? Et deuxième question, pourquoi vous avez dédié votre vie à étudier l'histoire médiévale ?

  • Speaker #1

    Alors d'abord, je parle français parce que mon père faisait des années d'études et d'enseignement en France. Et donc, je suis même né en France, mais reparti un mois plus tard. Mais à l'âge de 3 ans, j'étais là un an entier. Et puis ensuite, en 6e, à l'âge de 10-11 ans, à l'école alsacienne. Et puis finalement, et je crois que c'est là où mon français s'est développé le plus, j'étais à l'école Normale Sup pour une année 71-72, et puis dans les Pyrénées, une métairie pendant un an et demi à peu près. Et ce qui m'a permis de parler le français. C'est au début, quand j'avais 18 ans, j'étais là, je voulais parler très vite parce que tous les Français parlent très vite. Et puis, je me suis ralenti et là, j'ai trouvé mon propre idiome en français.

  • Speaker #0

    Une métairie dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui.

  • Speaker #0

    Vous avez passé un an dans les Pyrénées ?

  • Speaker #1

    Oui, c'était les années hippies. Retour à la nature. D'accord. Mais la raison pour laquelle je... Je me suis penché sur les Moyens-Âge, c'est un peu le prequel du livre de mon père. C'est que, à un moment, j'étais aux Indes et on étudiait, j'étais avec 30 étudiants, on faisait le tour du monde en passant un mois dans plusieurs pays pour étudier le développement. D'accord. Et là, Romila Thapar a expliqué que la raison que les hindous n'ont pas vraiment la volonté de changer, c'est que pour eux, le monde était juste. Si tu es né pauvre, misérable, etc., c'est à cause de quelque chose que tu as fait dans ta dernière incarnation. Et donc, tu le mérites. Tandis que je pensais, tiens, c'est exactement l'opposé en l'Occident. La France, c'est... messianique, c'est le monde est rempli de mal, de mauvais, d'oppression, et on attend un moment dans le futur où ça va se balancer, et les derniers seraient les premiers, les premiers seraient les derniers. Alors ça, ça m'a fait penser, j'avais lu le livre de Jacques Le Goff, où il parle du millénarisme et de ce rêve qui... qui jaillissait pendant les Moyens-Âges. Et finalement, je suis tombé, enfin tombé, j'ai cerné la grande mutation culturelle qui s'est produite autour de l'an 1000. D'accord. Et en fait, j'ai découvert toute la tradition qui ciblait l'an 1000 pour l'arrivée du millénium.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Pour l'arrivée des temps messianiques.

  • Speaker #0

    Donc. Pour bien comprendre, vous avez découvert que, par exemple, dans notre civilisation, la vision du temps est cyclique. Donc c'est le temps qui revient sur lui-même. Oui. Donc comme en Inde, par exemple, il y a la réincarnation.

  • Speaker #1

    Et il n'y a rien à faire.

  • Speaker #0

    Et donc, ce que vous dites, c'est qu'en Occident, on a une vision du temps plus linéaire. Oui. Donc, ce qu'elle veut dire ? On peut progresser, on peut améliorer la situation.

  • Speaker #1

    Oui, en fait, je dirais que ce qui s'est passé quand le millénium ne s'est pas produit, Jésus...

  • Speaker #0

    Le millénium, c'est Jésus.

  • Speaker #1

    C'était le temps messianique, le temps paradis sur Terre. Et quand ça ne s'est pas produit, quand Jésus n'est pas revenu, en fait, l'historien sur lequel j'ai fait ma thèse a eu... une vision en 1010 du Christ sur la croix, vraiment au daliesque, dans les cieux, qui pleurait. Alors ça, c'est l'image de l'impuissance. Il devrait revenir sur les nuages, etc. Ce qui s'est produit au passage de l'an 1000, c'est ce que j'appellerais une forme de... de millénarisme actif transformateur, c'est-à-dire c'est à nous de transformer le monde.

  • Speaker #0

    Transformer le monde pour être digne du retour du...

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    D'accord. Et donc ça a mis dans la tête des Européens l'idée qu'il fallait progresser, améliorer pour être...

  • Speaker #1

    Exactement. Et c'est du XIe siècle qu'on a révolution agricole, révolution urbaine, révolution commerciale. Révolution à l'intérieur de l'Église, la Réforme qui est vraiment révolutionnaire, les débuts des universités, c'est vraiment un siècle qui foissonne de créativité.

  • Speaker #0

    Donc c'est pour ça que vous avez dédié... C'est pour ça que je m'intéresse. Et ça vient compléter aussi le travail de votre père qui s'intéresse au siècle postérieur. Oui. Donc pour parler concrètement de ce livre, il y a une phrase dans le livre qui dit que si on doit retenir une chose du développement économique, c'est que la culture est l'explication principale. Oui.

  • Speaker #1

    Culture counts.

  • Speaker #0

    Pardon ? Ça compte. Oui, culture counts. La culture compte. Exactement. Et donc c'est un livre qui est assez peu politiquement correct, qui dit que certaines cultures ont permis de favoriser la science par exemple. Mais c'est un livre très ressourcé qui n'est pas... qui ne parle pas que de l'Europe, qui parle de la Chine, du monde entier. Ce livre répond à la question pourquoi l'Occident a fait la révolution industrielle, pourquoi l'Occident a inventé le monde moderne et pas d'autres civilisations. Durant notre entretien, on va revenir sur les principales raisons que repère votre père. La première, c'est justement qu'il parle du Moyen-Âge européen. Et donc on a souvent une image assez sombre. du Moyen-Âge européen, donc même l'appellation Moyen-Âge n'est pas très flatteuse. Et votre père explique justement que cette période est sûrement une des plus inventives de l'histoire. Il cite notamment des inventions qui ont eu un impact énorme, par exemple l'invention des lunettes par les Italiens, qui a permis par exemple de prolonger de 10 à 20 ans la vie productive d'un intellectuel et également d'artisans, d'artisans qui fabriquaient des outils.

  • Speaker #1

    Exactement, exactement. Précision extraordinaire.

  • Speaker #0

    Exactement. Donc il parle de ces inventions. Une autre invention qu'il repère, c'est l'horloge.

  • Speaker #1

    Ce qui est intéressant des deux points de vue, c'est qu'il y a des inventions qui se font, mais qui ne s'étalent pas. Par exemple, c'est à la fin de l'Empire romain qu'on a développé le moulin à eau.

  • Speaker #0

    Oui, d'accord.

  • Speaker #1

    Mais ça ne s'est pas produit parce que c'était une culture d'esclavage. Et on n'avait pas besoin de trucs qui vous gagneraient du temps. On avait des esclaves à l'époque.

  • Speaker #0

    Des esclaves sans disposition, pas besoin d'innover, d'accord.

  • Speaker #1

    Tandis qu'au XIe siècle, à partir du XIe siècle, on a, quelqu'un fait le calcul, on a un essor extraordinaire de moulins à eau partout, en Catalogne surtout, et au vent. dans les Pays-Bas. Et lui, il a estimé que l'énergie que produisait l'Occident s'est multipliée parfois par trois pendant ce siècle. Alors c'est petit en comparaison avec les usines, etc. Mais c'est énorme dans le sens que ça coûte beaucoup. Comment une société peut se payer ? quelque chose comme ça. On ne va pas poursuivre ça, mais même chose avec les lunettes. Les lunettes sont tout de suite devenues quelque chose que tout le monde, enfin pas tout le monde, mais surtout les gens qui travaillaient avec leurs yeux, les écrivains, comme tu dis, les... Les faiseurs de...

  • Speaker #0

    Les artisans.

  • Speaker #1

    Oui,

  • Speaker #0

    les faiseurs de petits.

  • Speaker #1

    Alors, et ça a eu un effet énorme sur la société parce que normalement on s'attend, si on est bureaucrate disons, on s'attend à ce que les gens qui sont là quand on commence vont finir à l'âge de 40 ans et il y aura une place. Mais tout d'un coup, ils résistent, ils sont là jusqu'à 60 ans. Il y a toute une génération qui se trouve un peu... Ses attentes sont frustrées et qui mettent leurs énergies par ailleurs. Et il y a même un argument que ça a déclenché déjà au XIVe siècle les courants qui vont amener à la Renaissance. C'est-à-dire une intelligentsia qui est... en quelque sorte indépendante des chemins normaux pour avancer dans la vie et qui se créent des opportunités.

  • Speaker #0

    Oui, donc ce que je dis, c'est la productivité. Donc par exemple, les lunettes font augmenter la productivité et la longévité de la vie active d'artisan. Oui. Et donc ce qui fait que les jeunes artisans doivent innover, doivent faire autre chose, puisque...

  • Speaker #1

    Et alors, une des choses qu'ils ont fait, c'est l'horloge. Et l'horloge, mon père a écrit tout un livre là-dessus, je crois que ça s'appelle, en anglais, c'est Revolution in Time. Et là, on a cet effet extraordinaire. Il y a les villes qui se payent une horloge. Petit à petit, ça se miniaturise. Et finalement, une personne peut avoir un horloge. qui prend dans sa poche. Et finalement, ça a rendu le travail beaucoup plus efficace parce qu'on pouvait rencontrer des gens à une telle heure, tandis qu'auparavant, on les rencontrait, et si on a un rendez-vous, on le fait dans la matinée d'eux. Et donc, ça a beaucoup changé la mentalité des gens et surtout, ça a changé la vie des gens. la mentalité il ya l'expression time is money le temps et l'argent et en fait il s'est beaucoup changé la façon dont les gens pensaient au sujet du temps et préciser les réunions le travail etc ce qui explique votre père dans son âme c'est que la mention l'eau

  • Speaker #0

    Aujourd'hui, on a l'habitude, c'est naturel, de mesurer le temps, c'est-à-dire une heure, une heure, et on va se voir à 18 heures, donc c'est assez précis. Ce qu'il explique, c'est que l'invention de l'horloge, c'est aussi inventer le concept de productivité. On savait, on s'est dit, voilà, une heure de travail, je sais faire ça, comme je peux mesurer, je peux mesurer la productivité, donc je peux me dire, je vais essayer d'augmenter la productivité, puisque je peux mesurer le temps. Et donc il explique, voilà, l'introduction de l'horloge dans les villes européennes a permis déjà d'être plus efficace dans les affaires, les rendez-vous précis, mais aussi augmenter la productivité du travail parce qu'on peut le mesurer et donc progresser.

  • Speaker #1

    Et donc on a ce phénomène qui est surtout occidental, c'est une invention qui s'étend dans la population de façon extraordinaire. Et on le voit dans le monde moderne par exemple. Avec l'internet. Arbanet, c'était l'armée américaine qui l'a produit. Au Moyen-Âge, ce serait la réserve du roi. Et ils ont tout de suite fait ça. Ils ont rendu ça public et ils ont changé vraiment, pas forcément pour le mieux, mais ils ont changé la culture occidentale et mondiale en faisant cette... cette innovation extraordinaire et le rendant à la portée de tous.

  • Speaker #0

    Parce que ça,

  • Speaker #1

    c'est tout à fait occidental.

  • Speaker #0

    Donc oui, Paris, par exemple, a eu sa première horloge sur l'île de la Cité, quelques jours là d'ailleurs. Oui, oui. Au début, c'était des horloges publiques.

  • Speaker #1

    C'est ça, c'est ça.

  • Speaker #0

    Et pour continuer sur le Moyen-Âge, j'ai découvert récemment l'importance des cisterciens. ou des moines. Par exemple, sur les cisterciens, ils ont eu un rôle fondamental dans le développement de l'Europe, parce qu'au XIe, XIIe siècle, il y avait environ 500 monastères cisterciens. XIIe, XIIIe. Et les cisterciens recherchaient vraiment la productivité, avoir produit plus, pour être plus efficace dans le travail, pour dédier plus de temps aussi à la prière. Ce qui était intéressant, c'est que c'est aussi un universitaire américain qui l'explique. Il explique que les cisterciens étaient à la recherche de la productivité dans le travail, dans la fabrication des outils. Il y avait des usines, des premières usines sont dans les monastères cisterciens, en Bourgogne particulièrement. Et il montre que ces monastères se sont construits dans toute l'Europe et donc dès qu'un monastère trouvait une innovation... Il l'a dispatché dans toute l'Europe, dans tous les monastères, et donc au contact des populations locales. Par exemple, le marteau de forge hydraulique s'est répandu dans toute l'Europe. Et donc, il y a eu des changements de mentalité dans la population, la mesure du temps. Mais il y a aussi, au sein des ordres monastiques catholiques, des habitudes qui ont propagé des innovations technologiques dans toute l'Europe.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a un élément absolument essentiel et culturel, c'est que les cisterciens, enfin ça remonte à la règle de Benoît, mais les cisterciens voyaient le travail manuel comme digne, comme quelque chose que l'homme devrait faire.

  • Speaker #0

    Ce qui n'est pas le cas.

  • Speaker #1

    Ce qui n'est pas le cas. Par exemple, les clunisiens, ils avaient des cerfs qui faisaient le travail. Mais pour les cisterciens... C'est les moines qui doivent faire le travail, c'est laboro, c'est orare.

  • Speaker #0

    Ora et laborer, prier et travailler, c'était leur nom.

  • Speaker #1

    Et en fait, travailler c'est prier, c'est une forme de prière. Et dès qu'on met des gens intelligents au travail, plutôt que des esclaves qui n'ont aucune raison d'innover, les innovations commencent. Et c'est surtout, et c'est pourquoi j'ai dit que c'est les puritains, proto-puritains, parce que c'est exactement ce que Max Weber a argumenté, c'est que c'était parmi les sectes les plus, moi j'appelle ça démotiques, populaires, mais pas populaires dans le sens normal, c'est dans les sectes, les méthodistes, les puritains, les quakers.

  • Speaker #0

    Les premiers mouvements protestants.

  • Speaker #1

    Les premiers mouvements protestants que s'est produit le capitalisme. Parce qu'au lieu de dépenser l'argent qu'ils faisaient en s'achetant des titres et des beaux vêtements, etc., ils étaient très rigoristes et donc ils avaient tout cet argent. à remettre dans le développement économique.

  • Speaker #0

    Donc l'argent a été réinvesti en capital pour développer... C'est ça,

  • Speaker #1

    c'est ça. Et alors, toute cette échappatoire du... Enfin, l'achat de positions plus grandes dans l'aristocratie est coupée et donc on a un foissonnement au niveau du travail extraordinaire. Et les cisterciens, c'est vraiment les premiers à faire ça.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Donc oui, les cisterciens catholiques, mais ensuite les protestants, peut-être plus tard, qui auront cette même mentalité. Il y a aussi un élément qui est intéressant dans le livre de votre père, c'est qu'il voit la chute de l'Empire romain. Il dit plutôt une chose positive à la fin de l'Épistère. Ce qu'il explique, la chute de l'Empire romain a permis une Europe totalement divisée, entre petits royaumes. sans jamais retrouver d'unité impériale. Et cette division politique de l'Europe durant tout le Moyen-Âge, donc voilà, le royaume de France, l'Espagne, le Saint-Empire, l'Angleterre, ça a créé de l'innovation puisque les royaumes étaient en concurrence entre eux, et la concurrence était assez positive. Les rois ont encouragé l'innovation dans les sciences pour avoir des meilleures armes, pour pouvoir faire de meilleures guerres contre les autres royaumes. Et donc, C'est contre-intuitif de dire, heureusement que l'Empire romain s'est effondré, ce qui doit donner une Europe divisée en concurrence.

  • Speaker #1

    Oui, bien que ça nous a donné 500 ans de misère, avec des petites exceptions comme Charlemagne, mais en fait oui, mon père parle beaucoup du fait que cette compétition a permis à des gens qui ne pouvaient pas s'avancer dans leur propre culture, de trouver un autre pays d'accueil, comme Descartes est allé au Danemark. Et en fait, cette concurrence positive a joué un rôle très important, surtout dans la diffusion du savoir. Il y a une très belle histoire de Galilée. Il était au début à Venise, qui était une république, mais il ne voulait pas les fardeaux du citoyen. D'accord. Alors il est allé à Florence. Et à Florence, on lui a donné son endroit de travail. Il était très content, mais maintenant il se trouvait sous les gilets de la papauté. Et c'est comme ça que les papes l'ont eu. S'il était resté à Venise, il n'aurait pas été condamné en hérétique.

  • Speaker #0

    D'accord. Parce qu'il était plus libre.

  • Speaker #1

    Plus libre, mais il y a un fardeau pour la liberté qu'il n'était pas content de payer. Mais en fait, la possibilité de se rendre... et d'avoir une réception positive a joué énormément dans, par exemple, les Hollandais. C'est un petit pays où on ne s'attend pas, mais parce que c'était un pays beaucoup plus libre que beaucoup d'autres endroits, où même les villes au Moyen-Âge, on pouvait se déplacer. Et donc ça faisait une échappatoire pour la créativité, à la fois intellectuelle et économique, technicienne, qui a changé le monde.

  • Speaker #0

    Et pour revenir sur les marchands, vous pouvez quitter un royaume s'ils étaient opprimés, ce qu'a fait la France en chassant les protestants, les protestants qui étaient très entreprenants. en son parti et ont apporté la richesse en Suisse. Donc, le fait de ne pas avoir un seul empire unifié a permis d'avoir des pays en concurrence qui devaient faire attention à ne pas trop... à ne pas se polier les marchands.

  • Speaker #1

    Exactement.

  • Speaker #0

    Et donc là, vous parlez justement du rôle de la ville, de la ville européenne, en disant qu'aussi le fait de ne pas avoir, par exemple comme en Chine, un empire... ultra puissant qui domine toute l'Europe. Ça a permis l'apparition de villes, parce qu'aujourd'hui, on a peut-être du mal à l'imaginer, surtout en France. Aujourd'hui, il y a l'État, nation et puissant. Les villes ont des petits pouvoirs communaux. Mais au Moyen-Âge, il y avait des villes qui étaient quasiment des villes indépendantes, libres. Et ce que dit votre père, c'est que c'est... Ces villes franches européennes, il y en avait dans toute l'Europe, c'était vraiment des espaces de liberté, indépendants du roi, souvent indépendants du pape, où on pouvait créer, innover, et ils ont eu un rôle fondamental dans l'histoire de l'Europe.

  • Speaker #1

    Et un des détails importants dans ce procès, c'est que pour la plupart dans l'ancien monde, les villes étaient des centres administratifs. Alors, il y avait une grande ville et beaucoup de campagnes qui les donnaient... les impôts.

  • Speaker #0

    Prelever les impôts dans la campagne envers l'Antille.

  • Speaker #1

    C'est plutôt une relation, on pourrait dire, prédateur de la grande ville sur la petite campagne.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Ce qui s'est passé en Europe à partir du 11e siècle, c'est le renouveau des villes, mais cette fois-ci, c'était des petites villes. C'était des villes de 10 000 personnes, pas des villes de 1 million comme Rome. C'était des petites villes qui étaient intégrées dans l'économie en tout rang.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Et qui en fait, pas mal de sa population venait des paysages en tout rang. Et il s'est développé cette idée que si un cerf s'échappe à une ville, et il reste un jour, un an et une journée... libre dans la ville, il peut rester dans la ville, il est libéré. Alors l'expression, l'air de la ville, c'est l'air de la liberté.

  • Speaker #0

    L'air de la ville le rend libre.

  • Speaker #1

    Oui, et ça c'est absolument extraordinaire, ça se trouve même pas dans le haut Moyen-Âge occidental où pour la plupart les gens dans la ville... protéger leur privilège et ne laisser pas n'importe qui venir. Et là, on ouvre les portes aux plus pauvres. Et le taux d'immigration des endroits rurals dans les villes est très grand. Il y a trois siècles de développement. pré-industriel mais très important en Europe de 11e, 12e, 13e siècle, c'est un phénomène extraordinaire où le plafond malthusien continue à s'élever.

  • Speaker #0

    Le plafond malthusien, c'est-à-dire, la discussion vient de Malthus, et qui, je résume, la croissance démographique contient en elle-même, au premier chèque, plus de gens à nourrir. Oui, il y a une limite,

  • Speaker #1

    mais... Avec la technologie, on peut... Et c'est ce qu'on a fait dans le monde aujourd'hui, à 8 billions de personnes. C'est impensable avec la technologie pré-industrielle.

  • Speaker #0

    Un historien français qui utilise, en parlant du XIIe siècle, qui parle de première révolution industrielle.

  • Speaker #1

    C'est Gimpel ?

  • Speaker #0

    Gimpel, oui.

  • Speaker #1

    Ouais, fantastique.

  • Speaker #0

    Jean Gimpel. Exactement. On en arrive à notre deuxième point. Donc on a vu, on a parlé de tous ces bouleversements... économique, culturel, des mentalités. Et donc ça, votre père montre que ça arrive, on en arrive au XVe siècle, où on a ce qu'il appelle l'invention de l'invention. C'est-à-dire une culture, l'Europe se distingue par une culture tendue vers le progrès, l'innovation, et plus de liberté que par rapport à d'autres civilisations, ce qui va permettre dans les siècles suivants de pouvoir avoir des industriels plus libres qui vont innover, qui vont créer la révolution industrielle.

  • Speaker #1

    Et aussi, il ne faut pas oublier qu'ils vont développer les armes de guerre. Et donc un petit pays comme la Portugal peut aller en Chine et dominer la situation de façon assez extraordinaire. Et ça s'est continué, cette domination. Alors d'un côté, il y a cet aspect démotique, mais d'un autre côté, il y a cet aspect impérialiste de l'Occident qui a produit sur le champ idéologique des contradictions qui finalement, après la Deuxième Guerre mondiale, a produit ce phénomène extraordinaire qui ne s'est fait... Pas fait.

  • Speaker #0

    À part que dans l'Occident, c'est la désimpérialisation, décolonialisation de leur empire. Volontairement. Volontairement, ça ne s'est jamais produit auparavant. C'est la même chose aux États-Unis avec l'esclavage. Les États-Unis, c'est le premier pays à... à bannir l'esclavage, bien que ça faisait une partie intégrale de son économie. Et donc, ce qui se passe aujourd'hui, c'est quand même extraordinaire, c'est que les progressistes, entre guillemets, qui n'aiment pas l'Occident, ne comprennent pas qu'ils sont dans la suite d'une évolution.

  • Speaker #1

    culturel et moral qui est tout à fait exceptionnel et ils veulent croire que tout le monde c'est comme ça et c'est nous qui sont le problème donc pour revenir à la à la vie donc on parlait cet espace de liberté on a parlé de la vision du temps au début un temps qui est linéaire qui est un temps qui n'est pas circulaire donc qui ne revient pas sur lui même J'ai récemment lu aussi un auteur américain qui s'appelle Rodney Stark et qui montre aussi que dans le christianisme, il y a une conception qu'on a un dieu organisateur du monde, chose qui n'est pas forcément évidente. Et Rodney Stark explique que cette conception du monde de dieu comme organisateur du monde et dans lequel il y aurait des lois qu'il faudrait déchiffrer, ont encouragé les scientifiques européens. Donc là, un peu plus tard, 7e, 13e. à chercher, à chercher, à chercher la science. Et par exemple, il prend l'exemple de Newton. Donc Newton... Un vrai croyant. Exactement, il était quelqu'un de très pieux. Et c'est en cherchant les lois de Dieu qu'il a trouvé des lois scientifiques. C'est ça. Mais justement, le fond de sa motivation, c'était de comprendre comment Dieu avait organisé l'univers. Et en se faisant, il a trouvé des grandes lois scientifiques. Et donc ça aussi, c'est un aspect... culturelle liée au christianisme qui explique que paradoxalement cette religion a aussi involontairement aidé la science avec cette vision d'un dieu organisateur.

  • Speaker #0

    La pensée scientifique joue un très grand rôle, enfin le millénarisme joue un très grand rôle dans la pensée scientifique et technologique parce que déjà à partir de Roger Bacon au XIVe siècle, la recherche... scientifique permet à construire le millenium sur terre c'est une forme d'activisme millénariste on n'attend pas que dieu vienne et commence les temps messianiques c'est à nous de le construire c'est à dire dans l'église on se dit faire

  • Speaker #1

    progresser la science est positif parce que ça va améliorer la situation pour faire revenir le messie alors c'est ce que j'appelle un projet préapocalypse

  • Speaker #0

    Alors, c'est quelque chose qu'on doit faire avant que viennent. Il y a un tas de tels projets. Par exemple, je crois que les croisés, surtout les premiers, pensaient que pour que Jésus vienne, revienne par Ouzia, pour qu'il revienne, il faut que nous prenons Jérusalem, nous la libérons. Tandis que c'est au main des incroyants, Jésus ne va pas revenir. Alors, ça n'a pas produit la parousie de Jésus, mais ça a eu un effet énorme sur la culture et l'économie de l'Occident. Oui, c'est ça. Alors c'est toujours, dans les mouvements millénaristes, ils n'ont jamais le succès qu'ils attendent, c'est-à-dire le temps messianique. Mais par contre, les... les, comment on dit,

  • Speaker #1

    les conséquences involontaires ont un effet énorme.

  • Speaker #0

    Et en fait, c'est la même chose, l'analyse de Weber des protestants, c'est que ce n'est pas pour créer un monde capitaliste qui se sont penchés sur leur travail, mais c'était l'effet.

  • Speaker #1

    Oui, ce que dit Weber, c'est qu'il dit que le travail et la richesse sont un signe d'élection par Dieu.

  • Speaker #0

    Donc il faut le suivre. Et donc il y a ce développement extraordinaire de l'Occident qui ne s'est produit nulle part ailleurs. Et même quand moi j'étais jeune et mon père travaillait cette question dans les années 50 et 60, à part la Japon, il n'y avait pas d'autres pays qui ont pu imiter. imiter, même imiter ce que l'Europe a pu, ou l'Occident a pu générer. Alors c'est vraiment une double question. Comment ça se fait que l'Occident a pu générer cette révolution économique et pourquoi des pays, même quand ils le veulent, ont tant de mal à l'imiter ?

  • Speaker #1

    Il y a une partie culturelle qui est très importante. Par contre, ce qui est intéressant dans le livre, c'est que... Il parle beaucoup de la Chine. Oui. Et il dit concrètement, au XVe siècle, la Chine, donc l'Europe, a quand même vécu la grande peste. L'Europe est très affaiblie au XIVe. Au XIVe. Après s'être développée pendant deux grands siècles. Oui. Et donc votre père écrit qu'au XVe, XVIe siècle, la Chine est sûrement la civilisation la plus riche et la plus puissante. Oui. Elle a inventé la poudre, elle a inventé plein de...

  • Speaker #0

    L'imprimerie.

  • Speaker #1

    L'imprimerie, exactement. Et donc, il explique qu'au XVe siècle, rien ne suppose, si on devait faire un pari à cette époque-là, rien ne suppose que c'est l'Europe qui va se développer. On pourrait plutôt penser que c'est la Chine, un riche empire très innovant. Et donc, il explique pourquoi la révolution industrielle n'est pas apparue en Chine. Et c'est assez passionnant. Et justement, il voit plusieurs raisons. Une des premières, c'est justement la toute-puissance de... Paradoxalement, l'Empire est trop puissant et il étouffe la création de richesses, l'entrepreneuriat ou les innovations. Il prend par exemple l'exemple de l'amiral Zheng, qui est un explorateur chinois qui a fait des expéditions jusqu'en Afrique. Et donc à la fin du XVème siècle, l'Empereur interdit les explorations parce que ça pourrait déstabiliser tout ça. Et donc étouffe des potentiels innovations. Oui.

  • Speaker #0

    Alors d'abord, c'est important parce que, au point de vue culturel, ce qui s'est passé en Occident et nulle part ailleurs, c'est le développement d'une culture de dispute. On s'est disputé.

  • Speaker #1

    De confrontation d'idées.

  • Speaker #0

    De confrontation d'idées. Tandis qu'en Chine, c'est une culture de consensus.

  • Speaker #1

    Le confessionnisme... C'est ça.

  • Speaker #0

    Alors, surtout, pas trop de désordre. Exactement. Et c'est dans le désordre, surtout le désordre occidental, que tous ces développements se sont forgés. Alors, je me rappelle, il y a Ken Pomerantz, un chercheur américain, qui fait l'argument qu'en 1800... la Chine et l'Europe étaient à l'égalité et que c'est juste des petites choses qui ont fait que l'Occident s'est développé et que la Chine non.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui. Alors, il y a eu un débat à Harvard, au Fairbank Center, entre mon père et Ken Pomerantz. D'accord. C'était passionnant parce que, après... Tous les étudiants chinois se sont mis autour de mon père parce qu'ils voulaient apprendre pourquoi la Chine n'a pas eu un succès. Et tous les occidentaux se trouvaient autour de Ken Pomerantz parce qu'ils disaient « bof, la culture occidentale, c'est pas tellement bien, c'est juste la chance que ça a pu se produire » . Et c'était vraiment… la différence… Je crois que mon père parle du fait qu'en Chine, et c'est vrai aujourd'hui aussi bien qu'au 18e, 19e siècle, les renseignements que recevait l'empereur étaient beaucoup colorés par ce qu'on se disait l'empereur voulait entendre.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Oui, tandis que...

  • Speaker #1

    La formation était moins libre, circulait moins.

  • Speaker #0

    Exactement. Tandis que dans une culture de dispute, les renseignements sont... viennent de partout et à la fin, les renseignements les plus, comment on dit, accurate,

  • Speaker #1

    les plus vrais, enfin les plus justes,

  • Speaker #0

    les plus justes, dominent. Et en fait, le livre est basé, le titre du livre est basé sur Adam Smith, La richesse des nations. Et un des éléments qui a permis à Adam Smith de dire qu'il y a un main visible qui contrôle les prix, c'est qu'il y avait de bonnes renseignements. au sujet des prix. Dans les bonnes renseignements, il n'y a pas de main invisible.

  • Speaker #1

    Donc oui, pour expliquer, Adam Smith, à la fin du 19e siècle, écrit La richesse des navigants. Oui,

  • Speaker #0

    en 1767.

  • Speaker #1

    Et il explique qu'il y a une main invisible du marché, le marché s'autorégule, donc les prix, le libre partage des informations, de l'information, des actualités, permet de faire varier les prix de façon juste, ce qui permet une allocation... Meilleur des richesses et donc une économie qui fonctionne mieux.

  • Speaker #0

    Oui, oui. Et en fait, c'est ça le problème avec l'Empire romain. C'est ça le problème avec beaucoup des cultures de tiers monde et du deuxième monde, les Russes, les Soviétiques, etc. C'est l'effort d'imposer des prix, l'effort d'imposer les règles de commerce d'en haut. plutôt que de les laisser, de les régulariser, mais quand même de les laisser libres de se faire par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    Oui, l'économie libérale est plus efficace.

  • Speaker #0

    Oui, mais moins ordonnée.

  • Speaker #1

    Moins ordonnée, mais le désordre est créatif. Exact. Et sur la Chine et la différence entre la Chine et l'Occident, votre père insiste aussi sur l'importance des droits de propriété. Aujourd'hui, c'est quelque chose qui est naturel pour nous, on est propriétaire d'une aisance, c'est à nous. Mais ce concept d'avoir une propriété de quelque chose ne tombe pas du ciel. Et donc, il parle déjà du droit romain, qui est le premier qui a défini ça, et donc qui est redécouvert à la Renaissance. Et il explique que le droit de propriété et le fait qu'il soit plus ou moins respecté en Europe, mais en tout cas plus que dans d'autres civilisations, c'est un élément décidé. Parce que quand... On est sûr que quand on a quelque chose, qu'on a des chances de le garder, on peut se projeter vers l'avenir. On peut investir en se disant, ce que je vais gagner, je vais le garder, et ça ne va pas forcément être pillé par l'empereur, pillé par un roi. Et donc comme en Europe, à partir du XVe siècle, ce droit de propriété devient plus ou moins, bien sûr, ce n'est pas parfait, mais respecté, donc c'est une incitation. à produire, investir, projetter, des choses inventées. Je crée le concept de brevet aussi. On peut breveter une invention, ce qui permet ensuite de toucher de l'argent.

  • Speaker #0

    Et c'est précisément ce qui ne s'est pas passé dans les pays soviétiques et la Chine maoïste, etc.

  • Speaker #1

    Et il y a aussi, ça complète très bien ce livre. C'est un livre très récent d'un anthropologue d'Harvard qui s'appelle ... Joseph Henrich, où il explique justement que ce qui a créé aussi cette mentalité, à partir du XVe siècle, de mentalité plus individualiste, entreprenante, non clanique, c'est l'importance des règles de mariage qu'a imposées l'Église catholique. Donc à partir du Xe siècle justement, cet anthropologue explique que l'Église a commencé à interdire les mariages entre cousins. du premier, deuxième, petit à petit, jusqu'au septième degré. Et donc cette interdiction a eu des conséquences énormes dans l'histoire de l'Occident parce que, d'après lui, ça détruit l'esprit clanique. L'esprit clanique qui est l'organisation naturelle de l'homme. C'est-à-dire clan, coudée. Et donc en empêchant de créer des clans, parce qu'on interdit les mariages entre cousins, On habitue les hommes à penser de manière individuelle et aussi de s'associer de manière non familiale. Par exemple, on crée une entreprise. Parce que créer une entreprise, c'est on s'associe avec quelqu'un d'autre pour créer une entreprise. Mais ça n'a rien de naturel. Dans l'histoire de l'homme, c'était plutôt on s'associe dans la famille. Pour finir, vous avez récemment écrit un texte qui s'appelle « My father would be heretic today » .

  • Speaker #0

    « Mon père serait herétique aujourd'hui » .

  • Speaker #1

    Exactement. où vous expliquez que justement cette idée, donc aujourd'hui avec par exemple le mouvement, le wokisme, qui pour résumer l'Occident est la cause de tous les malheurs du monde, une société horrible.

  • Speaker #0

    Et si on le détruit, ce sera le paradis.

  • Speaker #1

    Exactement, il suffit d'abattre le continent et sa culture, sa tradition. Dans ce texte, vous expliquez que... Il faut faire attention. Bien sûr, c'est très bien d'avoir une critique sur sa propre civilisation. C'est une force. Mais attention à ne pas tout détruire non plus, parce que notre civilisation a créé des choses, des concepts, des droits de l'homme, des choses qui ont une valeur. Le mouvement wokiste, par exemple, pourrait s'autodétruire parce qu'en détruisant les libertés permises par l'Occident, qu'il critique autant. Oui,

  • Speaker #0

    oui, oui. Alors, il y a un Anglais, son nom m'échappe. présent, mais je m'en souviendrai, qui a produit une expression oikophobie. Oiko, c'est le foyer.

  • Speaker #1

    En grec, la maison.

  • Speaker #0

    La maison, et donc oikophobie, c'est le dégoût et la peur de sa propre culture.

  • Speaker #1

    D'accord.

  • Speaker #0

    Et ça se trouve pas beaucoup dans l'histoire.

  • Speaker #1

    Oui, c'est très large.

  • Speaker #0

    Ce rejet de sa propre culture. fait que le travail de mon père a été en quelque sorte banni de tous les bons cercles où on parlait du développement. Alors la même année que ce livre est sorti, il y a Jared Diamond qui a écrit un livre qui s'appelle « Guns, Germs and Steel » sur les fusils, l'acier. Et légèrement.

  • Speaker #1

    En français, il est connu pour ses deux l'inégalité des sociétés. Et Jared Diamond a aussi écrit l'effondrement. Oui,

  • Speaker #0

    oui. Ensuite, il a écrit l'effondrement. Mais ce qui est intéressant, c'est que lui, anthropologue qu'il était, a écarté la question de culture qu'il a traité. Il n'a pas dit mon père, mais en parlant de... L'école où mon père se trouvait avec d'autres, il appelait ça raciste. C'est raciste de dire qu'il y a quelque chose de fondamental en l'Occident qui explique pourquoi ça a eu tant de succès. Et donc lui, il dit que c'est uniquement à cause des... des éléments évolutionnaires, naturels, géographiques, etc. Et que si les gens du Samoa se trouvaient en Europe, c'est eux qui seraient...

  • Speaker #1

    Oui, ils refusent tout aspect culturel dans son édition.

  • Speaker #0

    Enfin, lui, en tout cas. Ce qui est intéressant dans tout ça, c'est que son livre a eu un succès parce que c'était, j'appelle ça... L'histoire thérapeutique, c'est uniquement par la chance que les Occidents ont le dessus. Alors ça a été beaucoup accepté, ma fille était à l'université dans les débuts des années 2000 et on enseignait Jared Diamond, on n'enseignait pas mon père, et elle a proposé à son prof que... son grand-père pourrait venir s'adresser, il a dit absolument pas.

  • Speaker #1

    On ne s'intéresse pas. D'ailleurs, votre père, justement, il a un livre assez mesuré, il ne dit pas que c'est que la culture, il explique aussi la géographie, le fait d'avoir par exemple le Gulf Stream en Europe, qui donne un climat tempéré, qui développe l'agriculture.

  • Speaker #0

    Et les forêts, les montagnes qui séparent les pays, et donc produisent des contenants.

  • Speaker #1

    Il ne dit pas que c'est que la culture, mais la culture, il ne faut pas la nier. Oui,

  • Speaker #0

    surtout parce que pendant... Jules César a conquis les Gaules en, disons, l'an zéro. Un millénaire, mille ans, entre Jules César et le XIe siècle, cette situation géographique n'a produit rien. En fait, c'était un... une culture qui était toujours en train de se faire envahir. Et donc tout d'un coup, le changement brusque du 11e, où l'Europe commence à s'épanouir, la réconquête de l'Espagne, le Drang nach Osten des Allemands et les croisades, c'est un retournement absolument extraordinaire. Même si on a les avantages, sans la culture, les avantages ne jouent pas.

  • Speaker #1

    Et ce que joue de votre père aussi, je suis assez d'accord, il explique aussi que l'Occident n'a pas le monopole de la colonisation, de l'impérial, de tous les empires. Oui, exactement. Toutes les civilisations ont colonisé, conquis les Aztèques.

  • Speaker #0

    Quand on le faisait, on le faisait.

  • Speaker #1

    Exactement, c'est juste une question de pouvoir, de le faire. Et en fait, si l'Occident... a conquis le monde dans les années 18e siècle, c'est qu'en fait, il en avait surtout les moyens de pouvoir le faire. Mais voilà, il montre que toutes les civilisations qui en avaient les moyens l'ont fait, le faisaient. Ce n'est pas un monopole occidental de coloniser. Oui,

  • Speaker #0

    exactement. En fait, je dirais même plus, et je crois que mon père dirait la même chose, c'est que finalement, l'hégémonie américaine et la plus légère de tous les hégémonies d'impérialistes dans le monde. Oui, les États-Unis auraient pu occuper l'Europe. Et c'est ce qu'auraient fait les Romains, c'est ce qu'auraient fait... Oui,

  • Speaker #1

    occuper militairement jusqu'à aujourd'hui l'Europe, après la Seconde Guerre mondiale.

  • Speaker #0

    Exactement. Et en fait, même l'Allemagne, ils sont, aussitôt que possible, quittés.

  • Speaker #1

    C'est vrai.

  • Speaker #0

    Même chose avec Japon. Et l'idée du Marshall Plan, c'est-à-dire d'aider les économies à se remettre, c'est l'opposé de ce qu'on fait avec les gens qu'on a conquis.

  • Speaker #1

    Après, c'était aussi dans leur intérêt bien compris de ne pas tomber dans le commun.

  • Speaker #0

    Mais comme le livre dont tu m'as cité le titre, tout le monde ne pense pas comme nous.

  • Speaker #1

    Oui, les hommes ne pensent pas exactement. Écoutez, je pense qu'on a bien parlé de ce livre, qu'on en a saisi les principales idées. Donc voilà, si l'Occident a créé cette révolution industrielle, c'est en partie parce qu'elle a eu une culture spéciale qui a favorisé ça. Est-ce que, en conclusion, vous auriez peut-être un livre à recommander ou un film ou quelque chose à nous dire pour terminer ce livre ?

  • Speaker #0

    C'est encore cette question de culture, cette question... Je me souviens, j'étais avec mon père, je ne sais pas exactement où, mais c'était un endroit où il y avait beaucoup de magasins et tout foissonné. Et mon père a dit, ça c'est fantastique. Et je me suis rendu compte que la capacité de voir le succès d'autrui, et de se réjouir du succès d'autrui plutôt que de penser « zut, lui, il a, et moi, je suis jaloux, je veux le détruire » . Cette attitude est absolument essentielle dans la capacité d'une société de se développer.

  • Speaker #1

    D'accord, oui. C'est de prendre le meilleur de ce que notre civilisation offre pour se développer.

  • Speaker #0

    Oui. Et ça remonte aussi à la curiosité. Il fait beaucoup... parle beaucoup de la curiosité de l'Occident. On le voit par exemple quand Napoléon va en Égypte. Il apporte avec lui toute une légion d'érudits qui se fascinent de cette civilisation. Tandis que les gens qui y habitaient ne s'intéressaient pas du tout. Ils ne s'intéressaient même pas à leur propre passé. Et nous, on est intéressés par tout.

  • Speaker #1

    C'est sûrement un des réjetages de la Grèce antique, qui a été vraiment une des premières civilisations à beaucoup s'intéresser aux autres. C'est ça. Écoutez, merci Richard Allende pour cet échange.

  • Speaker #0

    C'est des sujets passionnants.

  • Speaker #1

    Merci.

  • Speaker #0

    Ok, merci beaucoup.

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