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Code'Cast - Parlons droit !

#17 Code'Cast : le droit face au défi de la transition énergétique

#17 Code'Cast : le droit face au défi de la transition énergétique

14min |23/01/2025
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#17 Code'Cast : le droit face au défi de la transition énergétique

#17 Code'Cast : le droit face au défi de la transition énergétique

14min |23/01/2025
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Description

Plongez dans les coulisses juridiques de la transition énergétique avec ce nouvel épisode de Code'Cast, enregistré à l’occasion du lancement cette année du Master 1 Droit de l’Environnement ! Avec Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l’énergie, et Sirine Boudjellal, présidente de l’association du Master, nous analysons les enjeux juridiques liés à la transition énergétique. Du rôle du juge dans les conflits autour des énergies renouvelables aux perspectives du nucléaire, cet échange captivant explore les tensions au cœur de la transition énergétique, où la décarbonation se confronte à la préservation des espèces et des écosystèmes.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode... consacrée à la notion de transition énergétique en collaboration avec l'association du Master droit de l'environnement. Nous avons le plaisir d'accueillir Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l'énergie et chargé TD du Master droit de l'environnement, ainsi que Sirine Boudjelal, présidente de l'association du Master droit de l'environnement. Aujourd'hui, nous aborderons notamment la question du nucléaire et son cadre juridique. Mais d'abord, revenons rapidement sur cette association du Master droit de l'environnement. En quoi consiste-t-elle ? Au sein de quel Master a-t-elle été créé, Sirine ?

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie, tout d'abord merci beaucoup pour l'invitation. Je m'appelle Sirine Boudjelal, je suis étudiante en Master 1 droit de l'environnement qui est un tout nouveau programme qui est co-dirigé par mes dames Estelle Brosset et Marie Lamoureux. Avant ça j'ai dirigé une association engagée pour la protection de l'environnement, Assas Environnement, et j'ai récemment co-fondé un club de débat, le club Le Mirabeau. Ces expériences m'ont conduit à fonder l'association de notre Master qui a pour objectif évidemment de promouvoir le droit de l'environnement et notre formation, puis sensibiliser les étudiants à la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Et vous, monsieur Nicolas Petrosino, est-ce que vous pourriez présenter rapidement en quelques mots le master droit de l'environnement et les thématiques abordées en cours ?

  • Speaker #2

    Alors effectivement, comme l'a dit Sirine, le début de cette année universitaire a été marqué par l'ouverture d'une nouvelle mention, une mention de droit de l'environnement au sein de la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Et l'intégration d'un tel parcours à notre offre de formation est bienvenue quand on sait que les secteurs publics et privés sont de plus en plus demandeurs de juristes sensibilisés aux enjeux environnementaux. Ce master et les TD qu'il propose visent à offrir à ses étudiants une formation pluridisciplinaire permettant d'aborder la question environnementale sous l'angle du droit public, privé, international et européen. Et j'attire donc l'attention des étudiants en troisième année qui nous écouteraient sur le fait que lorsque l'on veut faire du droit de l'environnement, il faut être ouvert à une approche transversale, en acceptant de dépasser les frontières traditionnelles entre le droit public et le droit privé, quelle que soit la spécialisation retenue à l'issue de la troisième année. En travaux dirigés, on a notamment étudié ce semestre les sources du droit de l'environnement, constitutionnelles, européennes, internationales, ce qui implique qu'on comprend bien d'avoir des bases en droit constitutionnel, notamment en s'agissant de la question de la constitutionnalité, puisque la charte de l'environnement est un gros morceau du programme. ou encore en droit de l'Union européenne pour être au fait de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres. Les grands concepts qu'ils ont étudiés précédemment seront mobilisés dans le cadre des travaux dirigés notamment. Par exemple, à partir de la notion de personnalité juridique étudiée dès le premier semestre de la L1, on a pu se demander dans le cadre du TD si la nature devait être considérée comme un sujet de droit et donc s'il était opportun de lui conférer une telle personnalité juridique. Pareil, dans la même logique, on a pu étudier la manière dont le recours pour excès de pouvoir qui lui est appréhendé dès la L2 si je ne me trompe pas, pouvait être utilisé pour servir la cause climatique. Et je fais référence ici évidemment au fameux arrêt Grande-Synthe du 19 novembre 2020. Donc chacun peut s'y retrouver dans ce programme très inclusif. Et je suis certain que mes étudiants passionnés par le droit des affaires ont hâte d'étudier le devoir de vigilance avec ma collègue Valentine Delcroix au prochain semestre en télé. Et il y a encore une étude qui respectera une approche multiscalaire, puisque seront étudiées aussi bien la loi de mars 2017 sur le devoir de vigilance que la récente directive adopte sur le sujet en milieu d'année 2024.

  • Speaker #0

    D'accord, merci beaucoup pour votre réponse. Donc j'imagine que parmi les thématiques abordées en cours, il y a celle de la transition énergétique. Est-ce que vous pourriez définir cette notion en droit ou tout du moins nous en dire un peu plus là-dessus ?

  • Speaker #2

    Bien sûr, dans l'OTD, on a été confrontés en filigrane à la notion de transition énergétique, je pense à travers chaque séance, qui est centrale dans les politiques publiques aujourd'hui, mais qui s'avère extrêmement difficile à définir, surtout juridiquement. La notion ne fait pas l'objet d'une définition légale, ce qui n'est pas une mauvaise chose, puisque une définition trop stricte viendrait figer une réalité qui se veut changeante et mouvante. Qu'est-ce qu'il faut entendre par là ? C'est qu'aujourd'hui, notre système énergétique est confronté à deux réalités. La première, c'est celle de la raréfaction des ressources fossiles, c'est-à-dire le pétrole, le charbon, le gaz naturel. On estimait en 2020 que les réserves de pétrole représentaient environ 1700 milliards de barils, ce qui équivaut à encore 50 ans de production mondiale. Et la seconde réalité, c'est bien évidemment le changement climatique, dont la cause principale résulte de l'utilisation d'énergie fossile. À l'échelle mondiale, rien que la production d'électricité constitue le secteur le plus émetteur de CO2 aujourd'hui, avec en 2020 41% des... des émissions totales qui étaient émises par le secteur de l'énergie. Si on calcule à partir de trois secteurs stratégiques, que sont la production d'électricité, le transport et l'industrie, ça représentait en 2020, selon l'Agence internationale de l'énergie, plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre, de CO2, liées aux activités humaines. Donc on comprend qu'il est nécessaire de décarboner le système énergétique et de le rendre durable, ce qui est donc tout l'objectif de cette transition énergétique. Mais malgré l'urgence climatique, cette décarbonation ne peut pas être brutale. Aujourd'hui, le mix énergétique mondial est composé en majorité de sources d'énergie fossiles. On en est encore trop dépendant et on imagine bien qu'on ne peut pas se passer de telles sources d'énergie du jour au lendemain sans mettre en péril la survie de l'espèce humaine, tout simplement. D'où l'emploi du terme transition qui se veut rassurant puisqu'on cherche ici à assurer une continuité entre un état A, c'est-à-dire un mix énergétique, énergétique carbonée et qui n'est pas soutenable, pas durable, vers un état B, c'est-à-dire un idéal de mix décarboné et durable. Alors je viens de parler des objectifs, maintenant quels sont les moyens ? Eh bien, il est nécessaire ici d'agir sur deux piliers fondamentaux que sont l'offre et la demande, en énergie bien sûr. Pour côté de l'offre, il s'agit de transformer la production d'énergie en favorisant les sources renouvelables telles que l'éolien, l'hydroélectricité ou le solaire, et de réduire progressivement notre dépendance envers les énergies fossiles. Parallèlement, la demande en énergie doit être maîtrisée en améliorant l'efficacité énergétique des appareils qu'on utilise tous les jours, comme nos téléphones, nos ordinateurs ou nos réfrigérateurs, afin de minimiser leur consommation d'énergie et en promouvant des comportements sobres.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre réponse. Vous parliez des moyens pour parvenir à l'objectif de décarbonation du système énergétique et je me demandais quelle est ici la place de nucléaire ?

  • Speaker #2

    C'est une question qui est avant tout politique. La place accordée au nucléaire dans la transition énergétique variera selon chaque État. Par exemple, pour prendre le cas d'un État voisin, l'Allemagne a arrêté ses derniers réacteurs nucléaires au printemps 2023, traduisant une volonté de cet État de réaliser sa transition énergétique en se passant de cette source d'énergie. Pour ce qui est de la France, la situation est différente, drastiquement différente même, puisque la souveraineté énergétique de notre pays est intrinsèquement liée au nucléaire. Je vais vous permettre un petit retour en arrière pour comprendre les enjeux actuels, avant de revenir sur le cadre juridique, si vous voulez bien. Petit retour en arrière qui nous amène au premier choc pétrolier en 1973. La France va se le prendre de plein fouet et les pouvoirs publics vont élaborer un ambitieux programme nucléaire. C'est le fameux plan Mesmer, du nom du premier ministre de l'époque, Pierre Mesmer, qui a permis de lancer entre 1973 et 1975 la construction de 13 réacteurs nucléaires. Ce programme a été progressivement étendu et ce sont plus de 50 réacteurs nucléaires qui ont été mis en service en France entre 1980 et 2002. Et en 2010, le nucléaire représentait plus de 75% de la production totale d'électricité en France. Le temps passe et l'accident de Fukushima en 2011 relance les débats sur l'utilisation de l'énergie nucléaire et de la place que cette source d'énergie doit occuper dans la transition. On sait que cette source d'énergie, cette énergie nucléaire, permet de produire d'importantes quantités d'électricité en émettant très peu de CO2. Mais le risque d'accident aux conséquences catastrophiques pour l'homme et son environnement est à prendre en compte. Par la suite, le mandat du président Hollande a été marqué par l'adoption d'une loi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte, laquelle a plafonné la production d'électricité d'origine nucléaire, ce qui a eu notamment pour conséquence de rendre impossible la création de nouveaux réacteurs. Et surtout, cette loi prévoyait de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité et de la porter à 50% en 2025.

  • Speaker #0

    D'accord. Et la position de la France sur le nucléaire a-t-elle évolué ces dernières années, Cyrine ?

  • Speaker #1

    Alors oui, bien sûr, elle a bien été obligée, puisque voyant que l'objectif de réduire à 50% la part du nucléaire, comme l'a dit M. Petrosino, donc dans le mix électrique, ne pourrait de toute évidence pas être atteint en 2025. On a une loi en 2019 qui repousse cette échéance à 2035. Mais c'est vraiment le discours du 10 février 2022, prononcé par le président Macron à Belfort, couplé au début du conflit russo-ukrainien, qui ont redessiné véritablement la place du nucléaire dans la transition énergétique française. Dans son discours, le président annonce la construction de six réacteurs nucléaires de nouvelle génération d'ici 2050. Et cette volonté politique a été concrétisée par une loi de juin 2023 qui est dite la loi pour la relance nucléaire. laquelle, en plus de simplifier les procédures de construction des nouvelles installations nucléaires, supprime l'objectif de réduction de la part de cette énergie dans la production d'électricité. Donc le nucléaire aujourd'hui s'impose vraiment comme un pilier dans la transition énergétique, aux côtés évidemment des énergies renouvelables. Il faut pourtant attirer l'attention sur le fait que, si le nucléaire permet à la France de bénéficier d'un mix électrique décarboné, la question des déchets nucléaires ne doit pas être occultée, puisqu'il existe une véritable question. quant au droit des générations futures. On voit donc ici que la question du nucléaire demeure avant tout politique, puisqu'il n'est pas exclu qu'elle connaisse d'autres évolutions en fonction de la couleur politique évidemment de nos prochains gouvernements.

  • Speaker #0

    D'accord, et quel type de contentieux la transition énergétique peut-elle entraîner devant le juge administratif ?

  • Speaker #2

    Il faut comprendre avant toute chose que la transition énergétique implique une décentralisation des moyens de production d'énergie. Les projets éoliens photovoltaïques ou désormais agrivoltaïques sont amenés à se multiplier sur le territoire. Et les riverains peuvent voir l'installation d'éoliennes d'un mauvais oeil, en ce qu'une telle infrastructure serait susceptible d'enlédir le... le paysage, ou encore de dévaluer la valeur de leur propriété. Ici, c'est la traduction du phénomène NIMBY, c'est-à-dire qu'on veut bien soutenir la transition énergétique tant qu'on ne supporte pas directement ces externalités négatives. Et ce phénomène NIMBY aboutira à la saisine du juge, en l'occurrence le juge administratif, pour contester les autorisations délivrées pour la concrétisation des projets. Ce ne sont pas les seules motivations qui guident les requérants vers le prétoire. puisque de plus en plus d'associations de protection de la biodiversité forment des recours contre ces mêmes autorisations, motif que, par exemple, une éolienne pourrait porter atteinte à une espèce d'oiseau protégé. Sans rentrer dans les détails trop techniques, à travers le contentieux dit de la dérogation espèce protégée, le juge administratif va apprécier si la création d'un parc éolien ou de tel parc photovoltaïque justifie à ce qu'il soit dérogé à la protection de... telle espèce protégée se trouvant sur la parcelle adjacente du projet ou à proximité de la parcelle du projet. La question n'est parfois pas facile à trancher et surtout, elle met en lumière une antinomie, alors qu'on a beaucoup étudié avec les étudiants ce semestre, c'est-à-dire une antinomie qui peut exister entre deux intérêts environnementaux, à savoir d'un côté l'impératif de décarboner les moyens de production d'énergie et de l'autre côté la protection de la biodiversité aujourd'hui fortement menacée.

  • Speaker #0

    Et pour ce qui est du juge judiciaire, qu'en est-il du contentieux ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, le juge judiciaire lui aussi connaît un contentieux résultant de la mise en œuvre de la transition énergétique. Pour rester sur le thème du procès relatif aux infrastructures de production d'énergie renouvelable, on peut évoquer les recours sur le fondement du trouble anormal du voisinage en matière d'éoliennes. Donc une fois l'infrastructure installée, celle-ci peut provoquer diverses nuisances, comme le bruit ou un effet stroboscopique résultant de la rotation des pales. et ainsi entraîner une perte de valeur vénale des biens qui sont situés à proximité. En la matière, on a un arrêt important qui a été rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2020, dans lequel elle précise que le trouble subi par les plaignants résultant du fonctionnement d'une éolienne voisine doit être mis en balance l'objectif d'intérêt public poursuivi par le développement de l'énergie éolienne. La solution est assez sévère et rend difficile la possibilité pour les riverains de telles installations d'être indemnisés sur ce fondement. Cette position, elle ouvre d'ailleurs un sujet intéressant qui est celui du caractère juste de la transition et de l'acceptabilité du processus à travers les décisions du juge. D'une certaine façon, les contentieux initiés sur le fondement de la loi du 27 mars 2017 relative aux devoirs de vigilance peuvent être intentés pour sévir la transition énergétique. On a des ONG qui se sont saisies de ce mécanisme, notamment pour assigner des banques françaises en justice pour tenter d'obtenir le prononcé d'une mesure. leur ordonnant de cesser d'accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers, ce qui augmente de futurs contentieux intéressants devant le tribunal judiciaire de Paris.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, on suivra ça. Merci beaucoup au Master droit de l'environnement, à M. Petrosino et à Sirine pour votre participation. N'hésitez pas, si vous êtes au sein d'un Master, que vous avez des idées de podcast ou que vous souhaitez participer à nous faire part de vos propositions, par exemple sur le compte Instagram de la faculté, quant à nous, auditeurs. auditrice. A très bientôt pour un nouvel épisode de Codecast.

Description

Plongez dans les coulisses juridiques de la transition énergétique avec ce nouvel épisode de Code'Cast, enregistré à l’occasion du lancement cette année du Master 1 Droit de l’Environnement ! Avec Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l’énergie, et Sirine Boudjellal, présidente de l’association du Master, nous analysons les enjeux juridiques liés à la transition énergétique. Du rôle du juge dans les conflits autour des énergies renouvelables aux perspectives du nucléaire, cet échange captivant explore les tensions au cœur de la transition énergétique, où la décarbonation se confronte à la préservation des espèces et des écosystèmes.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode... consacrée à la notion de transition énergétique en collaboration avec l'association du Master droit de l'environnement. Nous avons le plaisir d'accueillir Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l'énergie et chargé TD du Master droit de l'environnement, ainsi que Sirine Boudjelal, présidente de l'association du Master droit de l'environnement. Aujourd'hui, nous aborderons notamment la question du nucléaire et son cadre juridique. Mais d'abord, revenons rapidement sur cette association du Master droit de l'environnement. En quoi consiste-t-elle ? Au sein de quel Master a-t-elle été créé, Sirine ?

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie, tout d'abord merci beaucoup pour l'invitation. Je m'appelle Sirine Boudjelal, je suis étudiante en Master 1 droit de l'environnement qui est un tout nouveau programme qui est co-dirigé par mes dames Estelle Brosset et Marie Lamoureux. Avant ça j'ai dirigé une association engagée pour la protection de l'environnement, Assas Environnement, et j'ai récemment co-fondé un club de débat, le club Le Mirabeau. Ces expériences m'ont conduit à fonder l'association de notre Master qui a pour objectif évidemment de promouvoir le droit de l'environnement et notre formation, puis sensibiliser les étudiants à la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Et vous, monsieur Nicolas Petrosino, est-ce que vous pourriez présenter rapidement en quelques mots le master droit de l'environnement et les thématiques abordées en cours ?

  • Speaker #2

    Alors effectivement, comme l'a dit Sirine, le début de cette année universitaire a été marqué par l'ouverture d'une nouvelle mention, une mention de droit de l'environnement au sein de la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Et l'intégration d'un tel parcours à notre offre de formation est bienvenue quand on sait que les secteurs publics et privés sont de plus en plus demandeurs de juristes sensibilisés aux enjeux environnementaux. Ce master et les TD qu'il propose visent à offrir à ses étudiants une formation pluridisciplinaire permettant d'aborder la question environnementale sous l'angle du droit public, privé, international et européen. Et j'attire donc l'attention des étudiants en troisième année qui nous écouteraient sur le fait que lorsque l'on veut faire du droit de l'environnement, il faut être ouvert à une approche transversale, en acceptant de dépasser les frontières traditionnelles entre le droit public et le droit privé, quelle que soit la spécialisation retenue à l'issue de la troisième année. En travaux dirigés, on a notamment étudié ce semestre les sources du droit de l'environnement, constitutionnelles, européennes, internationales, ce qui implique qu'on comprend bien d'avoir des bases en droit constitutionnel, notamment en s'agissant de la question de la constitutionnalité, puisque la charte de l'environnement est un gros morceau du programme. ou encore en droit de l'Union européenne pour être au fait de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres. Les grands concepts qu'ils ont étudiés précédemment seront mobilisés dans le cadre des travaux dirigés notamment. Par exemple, à partir de la notion de personnalité juridique étudiée dès le premier semestre de la L1, on a pu se demander dans le cadre du TD si la nature devait être considérée comme un sujet de droit et donc s'il était opportun de lui conférer une telle personnalité juridique. Pareil, dans la même logique, on a pu étudier la manière dont le recours pour excès de pouvoir qui lui est appréhendé dès la L2 si je ne me trompe pas, pouvait être utilisé pour servir la cause climatique. Et je fais référence ici évidemment au fameux arrêt Grande-Synthe du 19 novembre 2020. Donc chacun peut s'y retrouver dans ce programme très inclusif. Et je suis certain que mes étudiants passionnés par le droit des affaires ont hâte d'étudier le devoir de vigilance avec ma collègue Valentine Delcroix au prochain semestre en télé. Et il y a encore une étude qui respectera une approche multiscalaire, puisque seront étudiées aussi bien la loi de mars 2017 sur le devoir de vigilance que la récente directive adopte sur le sujet en milieu d'année 2024.

  • Speaker #0

    D'accord, merci beaucoup pour votre réponse. Donc j'imagine que parmi les thématiques abordées en cours, il y a celle de la transition énergétique. Est-ce que vous pourriez définir cette notion en droit ou tout du moins nous en dire un peu plus là-dessus ?

  • Speaker #2

    Bien sûr, dans l'OTD, on a été confrontés en filigrane à la notion de transition énergétique, je pense à travers chaque séance, qui est centrale dans les politiques publiques aujourd'hui, mais qui s'avère extrêmement difficile à définir, surtout juridiquement. La notion ne fait pas l'objet d'une définition légale, ce qui n'est pas une mauvaise chose, puisque une définition trop stricte viendrait figer une réalité qui se veut changeante et mouvante. Qu'est-ce qu'il faut entendre par là ? C'est qu'aujourd'hui, notre système énergétique est confronté à deux réalités. La première, c'est celle de la raréfaction des ressources fossiles, c'est-à-dire le pétrole, le charbon, le gaz naturel. On estimait en 2020 que les réserves de pétrole représentaient environ 1700 milliards de barils, ce qui équivaut à encore 50 ans de production mondiale. Et la seconde réalité, c'est bien évidemment le changement climatique, dont la cause principale résulte de l'utilisation d'énergie fossile. À l'échelle mondiale, rien que la production d'électricité constitue le secteur le plus émetteur de CO2 aujourd'hui, avec en 2020 41% des... des émissions totales qui étaient émises par le secteur de l'énergie. Si on calcule à partir de trois secteurs stratégiques, que sont la production d'électricité, le transport et l'industrie, ça représentait en 2020, selon l'Agence internationale de l'énergie, plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre, de CO2, liées aux activités humaines. Donc on comprend qu'il est nécessaire de décarboner le système énergétique et de le rendre durable, ce qui est donc tout l'objectif de cette transition énergétique. Mais malgré l'urgence climatique, cette décarbonation ne peut pas être brutale. Aujourd'hui, le mix énergétique mondial est composé en majorité de sources d'énergie fossiles. On en est encore trop dépendant et on imagine bien qu'on ne peut pas se passer de telles sources d'énergie du jour au lendemain sans mettre en péril la survie de l'espèce humaine, tout simplement. D'où l'emploi du terme transition qui se veut rassurant puisqu'on cherche ici à assurer une continuité entre un état A, c'est-à-dire un mix énergétique, énergétique carbonée et qui n'est pas soutenable, pas durable, vers un état B, c'est-à-dire un idéal de mix décarboné et durable. Alors je viens de parler des objectifs, maintenant quels sont les moyens ? Eh bien, il est nécessaire ici d'agir sur deux piliers fondamentaux que sont l'offre et la demande, en énergie bien sûr. Pour côté de l'offre, il s'agit de transformer la production d'énergie en favorisant les sources renouvelables telles que l'éolien, l'hydroélectricité ou le solaire, et de réduire progressivement notre dépendance envers les énergies fossiles. Parallèlement, la demande en énergie doit être maîtrisée en améliorant l'efficacité énergétique des appareils qu'on utilise tous les jours, comme nos téléphones, nos ordinateurs ou nos réfrigérateurs, afin de minimiser leur consommation d'énergie et en promouvant des comportements sobres.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre réponse. Vous parliez des moyens pour parvenir à l'objectif de décarbonation du système énergétique et je me demandais quelle est ici la place de nucléaire ?

  • Speaker #2

    C'est une question qui est avant tout politique. La place accordée au nucléaire dans la transition énergétique variera selon chaque État. Par exemple, pour prendre le cas d'un État voisin, l'Allemagne a arrêté ses derniers réacteurs nucléaires au printemps 2023, traduisant une volonté de cet État de réaliser sa transition énergétique en se passant de cette source d'énergie. Pour ce qui est de la France, la situation est différente, drastiquement différente même, puisque la souveraineté énergétique de notre pays est intrinsèquement liée au nucléaire. Je vais vous permettre un petit retour en arrière pour comprendre les enjeux actuels, avant de revenir sur le cadre juridique, si vous voulez bien. Petit retour en arrière qui nous amène au premier choc pétrolier en 1973. La France va se le prendre de plein fouet et les pouvoirs publics vont élaborer un ambitieux programme nucléaire. C'est le fameux plan Mesmer, du nom du premier ministre de l'époque, Pierre Mesmer, qui a permis de lancer entre 1973 et 1975 la construction de 13 réacteurs nucléaires. Ce programme a été progressivement étendu et ce sont plus de 50 réacteurs nucléaires qui ont été mis en service en France entre 1980 et 2002. Et en 2010, le nucléaire représentait plus de 75% de la production totale d'électricité en France. Le temps passe et l'accident de Fukushima en 2011 relance les débats sur l'utilisation de l'énergie nucléaire et de la place que cette source d'énergie doit occuper dans la transition. On sait que cette source d'énergie, cette énergie nucléaire, permet de produire d'importantes quantités d'électricité en émettant très peu de CO2. Mais le risque d'accident aux conséquences catastrophiques pour l'homme et son environnement est à prendre en compte. Par la suite, le mandat du président Hollande a été marqué par l'adoption d'une loi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte, laquelle a plafonné la production d'électricité d'origine nucléaire, ce qui a eu notamment pour conséquence de rendre impossible la création de nouveaux réacteurs. Et surtout, cette loi prévoyait de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité et de la porter à 50% en 2025.

  • Speaker #0

    D'accord. Et la position de la France sur le nucléaire a-t-elle évolué ces dernières années, Cyrine ?

  • Speaker #1

    Alors oui, bien sûr, elle a bien été obligée, puisque voyant que l'objectif de réduire à 50% la part du nucléaire, comme l'a dit M. Petrosino, donc dans le mix électrique, ne pourrait de toute évidence pas être atteint en 2025. On a une loi en 2019 qui repousse cette échéance à 2035. Mais c'est vraiment le discours du 10 février 2022, prononcé par le président Macron à Belfort, couplé au début du conflit russo-ukrainien, qui ont redessiné véritablement la place du nucléaire dans la transition énergétique française. Dans son discours, le président annonce la construction de six réacteurs nucléaires de nouvelle génération d'ici 2050. Et cette volonté politique a été concrétisée par une loi de juin 2023 qui est dite la loi pour la relance nucléaire. laquelle, en plus de simplifier les procédures de construction des nouvelles installations nucléaires, supprime l'objectif de réduction de la part de cette énergie dans la production d'électricité. Donc le nucléaire aujourd'hui s'impose vraiment comme un pilier dans la transition énergétique, aux côtés évidemment des énergies renouvelables. Il faut pourtant attirer l'attention sur le fait que, si le nucléaire permet à la France de bénéficier d'un mix électrique décarboné, la question des déchets nucléaires ne doit pas être occultée, puisqu'il existe une véritable question. quant au droit des générations futures. On voit donc ici que la question du nucléaire demeure avant tout politique, puisqu'il n'est pas exclu qu'elle connaisse d'autres évolutions en fonction de la couleur politique évidemment de nos prochains gouvernements.

  • Speaker #0

    D'accord, et quel type de contentieux la transition énergétique peut-elle entraîner devant le juge administratif ?

  • Speaker #2

    Il faut comprendre avant toute chose que la transition énergétique implique une décentralisation des moyens de production d'énergie. Les projets éoliens photovoltaïques ou désormais agrivoltaïques sont amenés à se multiplier sur le territoire. Et les riverains peuvent voir l'installation d'éoliennes d'un mauvais oeil, en ce qu'une telle infrastructure serait susceptible d'enlédir le... le paysage, ou encore de dévaluer la valeur de leur propriété. Ici, c'est la traduction du phénomène NIMBY, c'est-à-dire qu'on veut bien soutenir la transition énergétique tant qu'on ne supporte pas directement ces externalités négatives. Et ce phénomène NIMBY aboutira à la saisine du juge, en l'occurrence le juge administratif, pour contester les autorisations délivrées pour la concrétisation des projets. Ce ne sont pas les seules motivations qui guident les requérants vers le prétoire. puisque de plus en plus d'associations de protection de la biodiversité forment des recours contre ces mêmes autorisations, motif que, par exemple, une éolienne pourrait porter atteinte à une espèce d'oiseau protégé. Sans rentrer dans les détails trop techniques, à travers le contentieux dit de la dérogation espèce protégée, le juge administratif va apprécier si la création d'un parc éolien ou de tel parc photovoltaïque justifie à ce qu'il soit dérogé à la protection de... telle espèce protégée se trouvant sur la parcelle adjacente du projet ou à proximité de la parcelle du projet. La question n'est parfois pas facile à trancher et surtout, elle met en lumière une antinomie, alors qu'on a beaucoup étudié avec les étudiants ce semestre, c'est-à-dire une antinomie qui peut exister entre deux intérêts environnementaux, à savoir d'un côté l'impératif de décarboner les moyens de production d'énergie et de l'autre côté la protection de la biodiversité aujourd'hui fortement menacée.

  • Speaker #0

    Et pour ce qui est du juge judiciaire, qu'en est-il du contentieux ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, le juge judiciaire lui aussi connaît un contentieux résultant de la mise en œuvre de la transition énergétique. Pour rester sur le thème du procès relatif aux infrastructures de production d'énergie renouvelable, on peut évoquer les recours sur le fondement du trouble anormal du voisinage en matière d'éoliennes. Donc une fois l'infrastructure installée, celle-ci peut provoquer diverses nuisances, comme le bruit ou un effet stroboscopique résultant de la rotation des pales. et ainsi entraîner une perte de valeur vénale des biens qui sont situés à proximité. En la matière, on a un arrêt important qui a été rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2020, dans lequel elle précise que le trouble subi par les plaignants résultant du fonctionnement d'une éolienne voisine doit être mis en balance l'objectif d'intérêt public poursuivi par le développement de l'énergie éolienne. La solution est assez sévère et rend difficile la possibilité pour les riverains de telles installations d'être indemnisés sur ce fondement. Cette position, elle ouvre d'ailleurs un sujet intéressant qui est celui du caractère juste de la transition et de l'acceptabilité du processus à travers les décisions du juge. D'une certaine façon, les contentieux initiés sur le fondement de la loi du 27 mars 2017 relative aux devoirs de vigilance peuvent être intentés pour sévir la transition énergétique. On a des ONG qui se sont saisies de ce mécanisme, notamment pour assigner des banques françaises en justice pour tenter d'obtenir le prononcé d'une mesure. leur ordonnant de cesser d'accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers, ce qui augmente de futurs contentieux intéressants devant le tribunal judiciaire de Paris.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, on suivra ça. Merci beaucoup au Master droit de l'environnement, à M. Petrosino et à Sirine pour votre participation. N'hésitez pas, si vous êtes au sein d'un Master, que vous avez des idées de podcast ou que vous souhaitez participer à nous faire part de vos propositions, par exemple sur le compte Instagram de la faculté, quant à nous, auditeurs. auditrice. A très bientôt pour un nouvel épisode de Codecast.

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Description

Plongez dans les coulisses juridiques de la transition énergétique avec ce nouvel épisode de Code'Cast, enregistré à l’occasion du lancement cette année du Master 1 Droit de l’Environnement ! Avec Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l’énergie, et Sirine Boudjellal, présidente de l’association du Master, nous analysons les enjeux juridiques liés à la transition énergétique. Du rôle du juge dans les conflits autour des énergies renouvelables aux perspectives du nucléaire, cet échange captivant explore les tensions au cœur de la transition énergétique, où la décarbonation se confronte à la préservation des espèces et des écosystèmes.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode... consacrée à la notion de transition énergétique en collaboration avec l'association du Master droit de l'environnement. Nous avons le plaisir d'accueillir Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l'énergie et chargé TD du Master droit de l'environnement, ainsi que Sirine Boudjelal, présidente de l'association du Master droit de l'environnement. Aujourd'hui, nous aborderons notamment la question du nucléaire et son cadre juridique. Mais d'abord, revenons rapidement sur cette association du Master droit de l'environnement. En quoi consiste-t-elle ? Au sein de quel Master a-t-elle été créé, Sirine ?

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie, tout d'abord merci beaucoup pour l'invitation. Je m'appelle Sirine Boudjelal, je suis étudiante en Master 1 droit de l'environnement qui est un tout nouveau programme qui est co-dirigé par mes dames Estelle Brosset et Marie Lamoureux. Avant ça j'ai dirigé une association engagée pour la protection de l'environnement, Assas Environnement, et j'ai récemment co-fondé un club de débat, le club Le Mirabeau. Ces expériences m'ont conduit à fonder l'association de notre Master qui a pour objectif évidemment de promouvoir le droit de l'environnement et notre formation, puis sensibiliser les étudiants à la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Et vous, monsieur Nicolas Petrosino, est-ce que vous pourriez présenter rapidement en quelques mots le master droit de l'environnement et les thématiques abordées en cours ?

  • Speaker #2

    Alors effectivement, comme l'a dit Sirine, le début de cette année universitaire a été marqué par l'ouverture d'une nouvelle mention, une mention de droit de l'environnement au sein de la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Et l'intégration d'un tel parcours à notre offre de formation est bienvenue quand on sait que les secteurs publics et privés sont de plus en plus demandeurs de juristes sensibilisés aux enjeux environnementaux. Ce master et les TD qu'il propose visent à offrir à ses étudiants une formation pluridisciplinaire permettant d'aborder la question environnementale sous l'angle du droit public, privé, international et européen. Et j'attire donc l'attention des étudiants en troisième année qui nous écouteraient sur le fait que lorsque l'on veut faire du droit de l'environnement, il faut être ouvert à une approche transversale, en acceptant de dépasser les frontières traditionnelles entre le droit public et le droit privé, quelle que soit la spécialisation retenue à l'issue de la troisième année. En travaux dirigés, on a notamment étudié ce semestre les sources du droit de l'environnement, constitutionnelles, européennes, internationales, ce qui implique qu'on comprend bien d'avoir des bases en droit constitutionnel, notamment en s'agissant de la question de la constitutionnalité, puisque la charte de l'environnement est un gros morceau du programme. ou encore en droit de l'Union européenne pour être au fait de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres. Les grands concepts qu'ils ont étudiés précédemment seront mobilisés dans le cadre des travaux dirigés notamment. Par exemple, à partir de la notion de personnalité juridique étudiée dès le premier semestre de la L1, on a pu se demander dans le cadre du TD si la nature devait être considérée comme un sujet de droit et donc s'il était opportun de lui conférer une telle personnalité juridique. Pareil, dans la même logique, on a pu étudier la manière dont le recours pour excès de pouvoir qui lui est appréhendé dès la L2 si je ne me trompe pas, pouvait être utilisé pour servir la cause climatique. Et je fais référence ici évidemment au fameux arrêt Grande-Synthe du 19 novembre 2020. Donc chacun peut s'y retrouver dans ce programme très inclusif. Et je suis certain que mes étudiants passionnés par le droit des affaires ont hâte d'étudier le devoir de vigilance avec ma collègue Valentine Delcroix au prochain semestre en télé. Et il y a encore une étude qui respectera une approche multiscalaire, puisque seront étudiées aussi bien la loi de mars 2017 sur le devoir de vigilance que la récente directive adopte sur le sujet en milieu d'année 2024.

  • Speaker #0

    D'accord, merci beaucoup pour votre réponse. Donc j'imagine que parmi les thématiques abordées en cours, il y a celle de la transition énergétique. Est-ce que vous pourriez définir cette notion en droit ou tout du moins nous en dire un peu plus là-dessus ?

  • Speaker #2

    Bien sûr, dans l'OTD, on a été confrontés en filigrane à la notion de transition énergétique, je pense à travers chaque séance, qui est centrale dans les politiques publiques aujourd'hui, mais qui s'avère extrêmement difficile à définir, surtout juridiquement. La notion ne fait pas l'objet d'une définition légale, ce qui n'est pas une mauvaise chose, puisque une définition trop stricte viendrait figer une réalité qui se veut changeante et mouvante. Qu'est-ce qu'il faut entendre par là ? C'est qu'aujourd'hui, notre système énergétique est confronté à deux réalités. La première, c'est celle de la raréfaction des ressources fossiles, c'est-à-dire le pétrole, le charbon, le gaz naturel. On estimait en 2020 que les réserves de pétrole représentaient environ 1700 milliards de barils, ce qui équivaut à encore 50 ans de production mondiale. Et la seconde réalité, c'est bien évidemment le changement climatique, dont la cause principale résulte de l'utilisation d'énergie fossile. À l'échelle mondiale, rien que la production d'électricité constitue le secteur le plus émetteur de CO2 aujourd'hui, avec en 2020 41% des... des émissions totales qui étaient émises par le secteur de l'énergie. Si on calcule à partir de trois secteurs stratégiques, que sont la production d'électricité, le transport et l'industrie, ça représentait en 2020, selon l'Agence internationale de l'énergie, plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre, de CO2, liées aux activités humaines. Donc on comprend qu'il est nécessaire de décarboner le système énergétique et de le rendre durable, ce qui est donc tout l'objectif de cette transition énergétique. Mais malgré l'urgence climatique, cette décarbonation ne peut pas être brutale. Aujourd'hui, le mix énergétique mondial est composé en majorité de sources d'énergie fossiles. On en est encore trop dépendant et on imagine bien qu'on ne peut pas se passer de telles sources d'énergie du jour au lendemain sans mettre en péril la survie de l'espèce humaine, tout simplement. D'où l'emploi du terme transition qui se veut rassurant puisqu'on cherche ici à assurer une continuité entre un état A, c'est-à-dire un mix énergétique, énergétique carbonée et qui n'est pas soutenable, pas durable, vers un état B, c'est-à-dire un idéal de mix décarboné et durable. Alors je viens de parler des objectifs, maintenant quels sont les moyens ? Eh bien, il est nécessaire ici d'agir sur deux piliers fondamentaux que sont l'offre et la demande, en énergie bien sûr. Pour côté de l'offre, il s'agit de transformer la production d'énergie en favorisant les sources renouvelables telles que l'éolien, l'hydroélectricité ou le solaire, et de réduire progressivement notre dépendance envers les énergies fossiles. Parallèlement, la demande en énergie doit être maîtrisée en améliorant l'efficacité énergétique des appareils qu'on utilise tous les jours, comme nos téléphones, nos ordinateurs ou nos réfrigérateurs, afin de minimiser leur consommation d'énergie et en promouvant des comportements sobres.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre réponse. Vous parliez des moyens pour parvenir à l'objectif de décarbonation du système énergétique et je me demandais quelle est ici la place de nucléaire ?

  • Speaker #2

    C'est une question qui est avant tout politique. La place accordée au nucléaire dans la transition énergétique variera selon chaque État. Par exemple, pour prendre le cas d'un État voisin, l'Allemagne a arrêté ses derniers réacteurs nucléaires au printemps 2023, traduisant une volonté de cet État de réaliser sa transition énergétique en se passant de cette source d'énergie. Pour ce qui est de la France, la situation est différente, drastiquement différente même, puisque la souveraineté énergétique de notre pays est intrinsèquement liée au nucléaire. Je vais vous permettre un petit retour en arrière pour comprendre les enjeux actuels, avant de revenir sur le cadre juridique, si vous voulez bien. Petit retour en arrière qui nous amène au premier choc pétrolier en 1973. La France va se le prendre de plein fouet et les pouvoirs publics vont élaborer un ambitieux programme nucléaire. C'est le fameux plan Mesmer, du nom du premier ministre de l'époque, Pierre Mesmer, qui a permis de lancer entre 1973 et 1975 la construction de 13 réacteurs nucléaires. Ce programme a été progressivement étendu et ce sont plus de 50 réacteurs nucléaires qui ont été mis en service en France entre 1980 et 2002. Et en 2010, le nucléaire représentait plus de 75% de la production totale d'électricité en France. Le temps passe et l'accident de Fukushima en 2011 relance les débats sur l'utilisation de l'énergie nucléaire et de la place que cette source d'énergie doit occuper dans la transition. On sait que cette source d'énergie, cette énergie nucléaire, permet de produire d'importantes quantités d'électricité en émettant très peu de CO2. Mais le risque d'accident aux conséquences catastrophiques pour l'homme et son environnement est à prendre en compte. Par la suite, le mandat du président Hollande a été marqué par l'adoption d'une loi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte, laquelle a plafonné la production d'électricité d'origine nucléaire, ce qui a eu notamment pour conséquence de rendre impossible la création de nouveaux réacteurs. Et surtout, cette loi prévoyait de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité et de la porter à 50% en 2025.

  • Speaker #0

    D'accord. Et la position de la France sur le nucléaire a-t-elle évolué ces dernières années, Cyrine ?

  • Speaker #1

    Alors oui, bien sûr, elle a bien été obligée, puisque voyant que l'objectif de réduire à 50% la part du nucléaire, comme l'a dit M. Petrosino, donc dans le mix électrique, ne pourrait de toute évidence pas être atteint en 2025. On a une loi en 2019 qui repousse cette échéance à 2035. Mais c'est vraiment le discours du 10 février 2022, prononcé par le président Macron à Belfort, couplé au début du conflit russo-ukrainien, qui ont redessiné véritablement la place du nucléaire dans la transition énergétique française. Dans son discours, le président annonce la construction de six réacteurs nucléaires de nouvelle génération d'ici 2050. Et cette volonté politique a été concrétisée par une loi de juin 2023 qui est dite la loi pour la relance nucléaire. laquelle, en plus de simplifier les procédures de construction des nouvelles installations nucléaires, supprime l'objectif de réduction de la part de cette énergie dans la production d'électricité. Donc le nucléaire aujourd'hui s'impose vraiment comme un pilier dans la transition énergétique, aux côtés évidemment des énergies renouvelables. Il faut pourtant attirer l'attention sur le fait que, si le nucléaire permet à la France de bénéficier d'un mix électrique décarboné, la question des déchets nucléaires ne doit pas être occultée, puisqu'il existe une véritable question. quant au droit des générations futures. On voit donc ici que la question du nucléaire demeure avant tout politique, puisqu'il n'est pas exclu qu'elle connaisse d'autres évolutions en fonction de la couleur politique évidemment de nos prochains gouvernements.

  • Speaker #0

    D'accord, et quel type de contentieux la transition énergétique peut-elle entraîner devant le juge administratif ?

  • Speaker #2

    Il faut comprendre avant toute chose que la transition énergétique implique une décentralisation des moyens de production d'énergie. Les projets éoliens photovoltaïques ou désormais agrivoltaïques sont amenés à se multiplier sur le territoire. Et les riverains peuvent voir l'installation d'éoliennes d'un mauvais oeil, en ce qu'une telle infrastructure serait susceptible d'enlédir le... le paysage, ou encore de dévaluer la valeur de leur propriété. Ici, c'est la traduction du phénomène NIMBY, c'est-à-dire qu'on veut bien soutenir la transition énergétique tant qu'on ne supporte pas directement ces externalités négatives. Et ce phénomène NIMBY aboutira à la saisine du juge, en l'occurrence le juge administratif, pour contester les autorisations délivrées pour la concrétisation des projets. Ce ne sont pas les seules motivations qui guident les requérants vers le prétoire. puisque de plus en plus d'associations de protection de la biodiversité forment des recours contre ces mêmes autorisations, motif que, par exemple, une éolienne pourrait porter atteinte à une espèce d'oiseau protégé. Sans rentrer dans les détails trop techniques, à travers le contentieux dit de la dérogation espèce protégée, le juge administratif va apprécier si la création d'un parc éolien ou de tel parc photovoltaïque justifie à ce qu'il soit dérogé à la protection de... telle espèce protégée se trouvant sur la parcelle adjacente du projet ou à proximité de la parcelle du projet. La question n'est parfois pas facile à trancher et surtout, elle met en lumière une antinomie, alors qu'on a beaucoup étudié avec les étudiants ce semestre, c'est-à-dire une antinomie qui peut exister entre deux intérêts environnementaux, à savoir d'un côté l'impératif de décarboner les moyens de production d'énergie et de l'autre côté la protection de la biodiversité aujourd'hui fortement menacée.

  • Speaker #0

    Et pour ce qui est du juge judiciaire, qu'en est-il du contentieux ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, le juge judiciaire lui aussi connaît un contentieux résultant de la mise en œuvre de la transition énergétique. Pour rester sur le thème du procès relatif aux infrastructures de production d'énergie renouvelable, on peut évoquer les recours sur le fondement du trouble anormal du voisinage en matière d'éoliennes. Donc une fois l'infrastructure installée, celle-ci peut provoquer diverses nuisances, comme le bruit ou un effet stroboscopique résultant de la rotation des pales. et ainsi entraîner une perte de valeur vénale des biens qui sont situés à proximité. En la matière, on a un arrêt important qui a été rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2020, dans lequel elle précise que le trouble subi par les plaignants résultant du fonctionnement d'une éolienne voisine doit être mis en balance l'objectif d'intérêt public poursuivi par le développement de l'énergie éolienne. La solution est assez sévère et rend difficile la possibilité pour les riverains de telles installations d'être indemnisés sur ce fondement. Cette position, elle ouvre d'ailleurs un sujet intéressant qui est celui du caractère juste de la transition et de l'acceptabilité du processus à travers les décisions du juge. D'une certaine façon, les contentieux initiés sur le fondement de la loi du 27 mars 2017 relative aux devoirs de vigilance peuvent être intentés pour sévir la transition énergétique. On a des ONG qui se sont saisies de ce mécanisme, notamment pour assigner des banques françaises en justice pour tenter d'obtenir le prononcé d'une mesure. leur ordonnant de cesser d'accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers, ce qui augmente de futurs contentieux intéressants devant le tribunal judiciaire de Paris.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, on suivra ça. Merci beaucoup au Master droit de l'environnement, à M. Petrosino et à Sirine pour votre participation. N'hésitez pas, si vous êtes au sein d'un Master, que vous avez des idées de podcast ou que vous souhaitez participer à nous faire part de vos propositions, par exemple sur le compte Instagram de la faculté, quant à nous, auditeurs. auditrice. A très bientôt pour un nouvel épisode de Codecast.

Description

Plongez dans les coulisses juridiques de la transition énergétique avec ce nouvel épisode de Code'Cast, enregistré à l’occasion du lancement cette année du Master 1 Droit de l’Environnement ! Avec Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l’énergie, et Sirine Boudjellal, présidente de l’association du Master, nous analysons les enjeux juridiques liés à la transition énergétique. Du rôle du juge dans les conflits autour des énergies renouvelables aux perspectives du nucléaire, cet échange captivant explore les tensions au cœur de la transition énergétique, où la décarbonation se confronte à la préservation des espèces et des écosystèmes.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codcast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous, Codcast est de retour pour un épisode... consacrée à la notion de transition énergétique en collaboration avec l'association du Master droit de l'environnement. Nous avons le plaisir d'accueillir Nicolas Petrosino, doctorant en droit de l'énergie et chargé TD du Master droit de l'environnement, ainsi que Sirine Boudjelal, présidente de l'association du Master droit de l'environnement. Aujourd'hui, nous aborderons notamment la question du nucléaire et son cadre juridique. Mais d'abord, revenons rapidement sur cette association du Master droit de l'environnement. En quoi consiste-t-elle ? Au sein de quel Master a-t-elle été créé, Sirine ?

  • Speaker #1

    Bonjour Virginie, tout d'abord merci beaucoup pour l'invitation. Je m'appelle Sirine Boudjelal, je suis étudiante en Master 1 droit de l'environnement qui est un tout nouveau programme qui est co-dirigé par mes dames Estelle Brosset et Marie Lamoureux. Avant ça j'ai dirigé une association engagée pour la protection de l'environnement, Assas Environnement, et j'ai récemment co-fondé un club de débat, le club Le Mirabeau. Ces expériences m'ont conduit à fonder l'association de notre Master qui a pour objectif évidemment de promouvoir le droit de l'environnement et notre formation, puis sensibiliser les étudiants à la protection de l'environnement.

  • Speaker #0

    Et vous, monsieur Nicolas Petrosino, est-ce que vous pourriez présenter rapidement en quelques mots le master droit de l'environnement et les thématiques abordées en cours ?

  • Speaker #2

    Alors effectivement, comme l'a dit Sirine, le début de cette année universitaire a été marqué par l'ouverture d'une nouvelle mention, une mention de droit de l'environnement au sein de la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Et l'intégration d'un tel parcours à notre offre de formation est bienvenue quand on sait que les secteurs publics et privés sont de plus en plus demandeurs de juristes sensibilisés aux enjeux environnementaux. Ce master et les TD qu'il propose visent à offrir à ses étudiants une formation pluridisciplinaire permettant d'aborder la question environnementale sous l'angle du droit public, privé, international et européen. Et j'attire donc l'attention des étudiants en troisième année qui nous écouteraient sur le fait que lorsque l'on veut faire du droit de l'environnement, il faut être ouvert à une approche transversale, en acceptant de dépasser les frontières traditionnelles entre le droit public et le droit privé, quelle que soit la spécialisation retenue à l'issue de la troisième année. En travaux dirigés, on a notamment étudié ce semestre les sources du droit de l'environnement, constitutionnelles, européennes, internationales, ce qui implique qu'on comprend bien d'avoir des bases en droit constitutionnel, notamment en s'agissant de la question de la constitutionnalité, puisque la charte de l'environnement est un gros morceau du programme. ou encore en droit de l'Union européenne pour être au fait de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres. Les grands concepts qu'ils ont étudiés précédemment seront mobilisés dans le cadre des travaux dirigés notamment. Par exemple, à partir de la notion de personnalité juridique étudiée dès le premier semestre de la L1, on a pu se demander dans le cadre du TD si la nature devait être considérée comme un sujet de droit et donc s'il était opportun de lui conférer une telle personnalité juridique. Pareil, dans la même logique, on a pu étudier la manière dont le recours pour excès de pouvoir qui lui est appréhendé dès la L2 si je ne me trompe pas, pouvait être utilisé pour servir la cause climatique. Et je fais référence ici évidemment au fameux arrêt Grande-Synthe du 19 novembre 2020. Donc chacun peut s'y retrouver dans ce programme très inclusif. Et je suis certain que mes étudiants passionnés par le droit des affaires ont hâte d'étudier le devoir de vigilance avec ma collègue Valentine Delcroix au prochain semestre en télé. Et il y a encore une étude qui respectera une approche multiscalaire, puisque seront étudiées aussi bien la loi de mars 2017 sur le devoir de vigilance que la récente directive adopte sur le sujet en milieu d'année 2024.

  • Speaker #0

    D'accord, merci beaucoup pour votre réponse. Donc j'imagine que parmi les thématiques abordées en cours, il y a celle de la transition énergétique. Est-ce que vous pourriez définir cette notion en droit ou tout du moins nous en dire un peu plus là-dessus ?

  • Speaker #2

    Bien sûr, dans l'OTD, on a été confrontés en filigrane à la notion de transition énergétique, je pense à travers chaque séance, qui est centrale dans les politiques publiques aujourd'hui, mais qui s'avère extrêmement difficile à définir, surtout juridiquement. La notion ne fait pas l'objet d'une définition légale, ce qui n'est pas une mauvaise chose, puisque une définition trop stricte viendrait figer une réalité qui se veut changeante et mouvante. Qu'est-ce qu'il faut entendre par là ? C'est qu'aujourd'hui, notre système énergétique est confronté à deux réalités. La première, c'est celle de la raréfaction des ressources fossiles, c'est-à-dire le pétrole, le charbon, le gaz naturel. On estimait en 2020 que les réserves de pétrole représentaient environ 1700 milliards de barils, ce qui équivaut à encore 50 ans de production mondiale. Et la seconde réalité, c'est bien évidemment le changement climatique, dont la cause principale résulte de l'utilisation d'énergie fossile. À l'échelle mondiale, rien que la production d'électricité constitue le secteur le plus émetteur de CO2 aujourd'hui, avec en 2020 41% des... des émissions totales qui étaient émises par le secteur de l'énergie. Si on calcule à partir de trois secteurs stratégiques, que sont la production d'électricité, le transport et l'industrie, ça représentait en 2020, selon l'Agence internationale de l'énergie, plus de 70% des émissions de gaz à effet de serre, de CO2, liées aux activités humaines. Donc on comprend qu'il est nécessaire de décarboner le système énergétique et de le rendre durable, ce qui est donc tout l'objectif de cette transition énergétique. Mais malgré l'urgence climatique, cette décarbonation ne peut pas être brutale. Aujourd'hui, le mix énergétique mondial est composé en majorité de sources d'énergie fossiles. On en est encore trop dépendant et on imagine bien qu'on ne peut pas se passer de telles sources d'énergie du jour au lendemain sans mettre en péril la survie de l'espèce humaine, tout simplement. D'où l'emploi du terme transition qui se veut rassurant puisqu'on cherche ici à assurer une continuité entre un état A, c'est-à-dire un mix énergétique, énergétique carbonée et qui n'est pas soutenable, pas durable, vers un état B, c'est-à-dire un idéal de mix décarboné et durable. Alors je viens de parler des objectifs, maintenant quels sont les moyens ? Eh bien, il est nécessaire ici d'agir sur deux piliers fondamentaux que sont l'offre et la demande, en énergie bien sûr. Pour côté de l'offre, il s'agit de transformer la production d'énergie en favorisant les sources renouvelables telles que l'éolien, l'hydroélectricité ou le solaire, et de réduire progressivement notre dépendance envers les énergies fossiles. Parallèlement, la demande en énergie doit être maîtrisée en améliorant l'efficacité énergétique des appareils qu'on utilise tous les jours, comme nos téléphones, nos ordinateurs ou nos réfrigérateurs, afin de minimiser leur consommation d'énergie et en promouvant des comportements sobres.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup pour votre réponse. Vous parliez des moyens pour parvenir à l'objectif de décarbonation du système énergétique et je me demandais quelle est ici la place de nucléaire ?

  • Speaker #2

    C'est une question qui est avant tout politique. La place accordée au nucléaire dans la transition énergétique variera selon chaque État. Par exemple, pour prendre le cas d'un État voisin, l'Allemagne a arrêté ses derniers réacteurs nucléaires au printemps 2023, traduisant une volonté de cet État de réaliser sa transition énergétique en se passant de cette source d'énergie. Pour ce qui est de la France, la situation est différente, drastiquement différente même, puisque la souveraineté énergétique de notre pays est intrinsèquement liée au nucléaire. Je vais vous permettre un petit retour en arrière pour comprendre les enjeux actuels, avant de revenir sur le cadre juridique, si vous voulez bien. Petit retour en arrière qui nous amène au premier choc pétrolier en 1973. La France va se le prendre de plein fouet et les pouvoirs publics vont élaborer un ambitieux programme nucléaire. C'est le fameux plan Mesmer, du nom du premier ministre de l'époque, Pierre Mesmer, qui a permis de lancer entre 1973 et 1975 la construction de 13 réacteurs nucléaires. Ce programme a été progressivement étendu et ce sont plus de 50 réacteurs nucléaires qui ont été mis en service en France entre 1980 et 2002. Et en 2010, le nucléaire représentait plus de 75% de la production totale d'électricité en France. Le temps passe et l'accident de Fukushima en 2011 relance les débats sur l'utilisation de l'énergie nucléaire et de la place que cette source d'énergie doit occuper dans la transition. On sait que cette source d'énergie, cette énergie nucléaire, permet de produire d'importantes quantités d'électricité en émettant très peu de CO2. Mais le risque d'accident aux conséquences catastrophiques pour l'homme et son environnement est à prendre en compte. Par la suite, le mandat du président Hollande a été marqué par l'adoption d'une loi, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte, laquelle a plafonné la production d'électricité d'origine nucléaire, ce qui a eu notamment pour conséquence de rendre impossible la création de nouveaux réacteurs. Et surtout, cette loi prévoyait de réduire la part du nucléaire dans la production d'électricité et de la porter à 50% en 2025.

  • Speaker #0

    D'accord. Et la position de la France sur le nucléaire a-t-elle évolué ces dernières années, Cyrine ?

  • Speaker #1

    Alors oui, bien sûr, elle a bien été obligée, puisque voyant que l'objectif de réduire à 50% la part du nucléaire, comme l'a dit M. Petrosino, donc dans le mix électrique, ne pourrait de toute évidence pas être atteint en 2025. On a une loi en 2019 qui repousse cette échéance à 2035. Mais c'est vraiment le discours du 10 février 2022, prononcé par le président Macron à Belfort, couplé au début du conflit russo-ukrainien, qui ont redessiné véritablement la place du nucléaire dans la transition énergétique française. Dans son discours, le président annonce la construction de six réacteurs nucléaires de nouvelle génération d'ici 2050. Et cette volonté politique a été concrétisée par une loi de juin 2023 qui est dite la loi pour la relance nucléaire. laquelle, en plus de simplifier les procédures de construction des nouvelles installations nucléaires, supprime l'objectif de réduction de la part de cette énergie dans la production d'électricité. Donc le nucléaire aujourd'hui s'impose vraiment comme un pilier dans la transition énergétique, aux côtés évidemment des énergies renouvelables. Il faut pourtant attirer l'attention sur le fait que, si le nucléaire permet à la France de bénéficier d'un mix électrique décarboné, la question des déchets nucléaires ne doit pas être occultée, puisqu'il existe une véritable question. quant au droit des générations futures. On voit donc ici que la question du nucléaire demeure avant tout politique, puisqu'il n'est pas exclu qu'elle connaisse d'autres évolutions en fonction de la couleur politique évidemment de nos prochains gouvernements.

  • Speaker #0

    D'accord, et quel type de contentieux la transition énergétique peut-elle entraîner devant le juge administratif ?

  • Speaker #2

    Il faut comprendre avant toute chose que la transition énergétique implique une décentralisation des moyens de production d'énergie. Les projets éoliens photovoltaïques ou désormais agrivoltaïques sont amenés à se multiplier sur le territoire. Et les riverains peuvent voir l'installation d'éoliennes d'un mauvais oeil, en ce qu'une telle infrastructure serait susceptible d'enlédir le... le paysage, ou encore de dévaluer la valeur de leur propriété. Ici, c'est la traduction du phénomène NIMBY, c'est-à-dire qu'on veut bien soutenir la transition énergétique tant qu'on ne supporte pas directement ces externalités négatives. Et ce phénomène NIMBY aboutira à la saisine du juge, en l'occurrence le juge administratif, pour contester les autorisations délivrées pour la concrétisation des projets. Ce ne sont pas les seules motivations qui guident les requérants vers le prétoire. puisque de plus en plus d'associations de protection de la biodiversité forment des recours contre ces mêmes autorisations, motif que, par exemple, une éolienne pourrait porter atteinte à une espèce d'oiseau protégé. Sans rentrer dans les détails trop techniques, à travers le contentieux dit de la dérogation espèce protégée, le juge administratif va apprécier si la création d'un parc éolien ou de tel parc photovoltaïque justifie à ce qu'il soit dérogé à la protection de... telle espèce protégée se trouvant sur la parcelle adjacente du projet ou à proximité de la parcelle du projet. La question n'est parfois pas facile à trancher et surtout, elle met en lumière une antinomie, alors qu'on a beaucoup étudié avec les étudiants ce semestre, c'est-à-dire une antinomie qui peut exister entre deux intérêts environnementaux, à savoir d'un côté l'impératif de décarboner les moyens de production d'énergie et de l'autre côté la protection de la biodiversité aujourd'hui fortement menacée.

  • Speaker #0

    Et pour ce qui est du juge judiciaire, qu'en est-il du contentieux ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr, le juge judiciaire lui aussi connaît un contentieux résultant de la mise en œuvre de la transition énergétique. Pour rester sur le thème du procès relatif aux infrastructures de production d'énergie renouvelable, on peut évoquer les recours sur le fondement du trouble anormal du voisinage en matière d'éoliennes. Donc une fois l'infrastructure installée, celle-ci peut provoquer diverses nuisances, comme le bruit ou un effet stroboscopique résultant de la rotation des pales. et ainsi entraîner une perte de valeur vénale des biens qui sont situés à proximité. En la matière, on a un arrêt important qui a été rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2020, dans lequel elle précise que le trouble subi par les plaignants résultant du fonctionnement d'une éolienne voisine doit être mis en balance l'objectif d'intérêt public poursuivi par le développement de l'énergie éolienne. La solution est assez sévère et rend difficile la possibilité pour les riverains de telles installations d'être indemnisés sur ce fondement. Cette position, elle ouvre d'ailleurs un sujet intéressant qui est celui du caractère juste de la transition et de l'acceptabilité du processus à travers les décisions du juge. D'une certaine façon, les contentieux initiés sur le fondement de la loi du 27 mars 2017 relative aux devoirs de vigilance peuvent être intentés pour sévir la transition énergétique. On a des ONG qui se sont saisies de ce mécanisme, notamment pour assigner des banques françaises en justice pour tenter d'obtenir le prononcé d'une mesure. leur ordonnant de cesser d'accorder de nouveaux soutiens financiers directs ou indirects au développement de projets pétroliers et gaziers, ce qui augmente de futurs contentieux intéressants devant le tribunal judiciaire de Paris.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup, on suivra ça. Merci beaucoup au Master droit de l'environnement, à M. Petrosino et à Sirine pour votre participation. N'hésitez pas, si vous êtes au sein d'un Master, que vous avez des idées de podcast ou que vous souhaitez participer à nous faire part de vos propositions, par exemple sur le compte Instagram de la faculté, quant à nous, auditeurs. auditrice. A très bientôt pour un nouvel épisode de Codecast.

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