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Code'Cast - Parlons droit !

#21 Code'Cast : viols de Mazan : qu'est-ce que le droit d'appel ?

#21 Code'Cast : viols de Mazan : qu'est-ce que le droit d'appel ?

16min |20/02/2025
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#21 Code'Cast : viols de Mazan : qu'est-ce que le droit d'appel ?

#21 Code'Cast : viols de Mazan : qu'est-ce que le droit d'appel ?

16min |20/02/2025
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Description

Si, dans l’épisode #6 de Code’Cast, nous avions évoqué les enjeux juridiques de l’affaire des viols de Mazan, ce 21ᵉ épisode se concentre plus particulièrement sur le procès en appel de cette affaire, qui se tiendra devant la cour d’assises du Gard, à Nîmes, du 6 octobre au 21 novembre 2025. Treize des cinquante accusés jugés en première instance ont en effet décidé d’interjeter appel, ouvrant ainsi un nouveau chapitre judiciaire. Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles décrypte les enjeux de cette procédure : qu’implique la présence d’un jury populaire ? Comment cette configuration influence-t-elle la stratégie des avocats ? Quels nouveaux arguments peuvent être soulevés ? Et quelles seraient les conséquences d’une décision divergente de celle rendue en première instance ? À écouter dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Code'cast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Codcast consacré au procès en appel de l'affaire dite des viols de Mazan. qui se tiendra devant la cour d'assises du Gard à Nîmes du 6 octobre au 21 novembre 2025. 11 des 51 accusés jugés en première instance ont en effet décidé d'interjeter appel. Pour en discuter, nous avons le plaisir de recevoir Mme Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et directrice de la mention droit pénal et sciences criminelles. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour, merci pour votre invitation.

  • Speaker #1

    Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie interjeter appel d'une décision de justice ?

  • Speaker #0

    Interjeter appel, c'est tout simplement le droit de contester une décision rendue par une juridiction du premier degré devant une juridiction d'appel, donc du second degré, qui sera saisie à la fois en fait et en droit, et qui sera donc amenée à rejuger de l'affaire. Cela implique de se demander qui peut frapper appel d'une décision, notamment en matière criminelle, globalement les accuser pour les dispositions pénales, mais également les dispositions civiles de la décision. Le parquet uniquement pour les dispositions pénales et la partie civile uniquement à l'égard des dispositions civiles en revanche. En réalité, cette question n'est pas si simple que ça, car ici il s'agit de l'affaire des viols de maison. Et la question porte plus particulièrement sur le droit d'interjeter appel d'une décision en matière criminelle et qui est épuisée d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. S'agissant d'abord du droit d'appel en matière criminelle, il me semble bon de rappeler que ce droit n'est pas si ancien que cela, puisque c'est la loi du 15 juin 2000 qui l'a rendu possible en portant l'appel devant une cour d'assises d'appel. Et pendant très longtemps, l'appel en matière criminelle n'existait pas, y compris à une époque, il faut le rappeler, où la peine de mort était encore en vigueur jusqu'en 1981. Seul recours en cassation était envisageable. Mais vous le savez, la cour de cassation ne rejuge pas l'affaire. Et puis ce qui est intéressant ici, je vous dirais, c'est même tout l'enjeu, c'est qu'il s'agit d'un appel d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. Et ça, c'est vraiment novateur, puisque ces cours ont été créés avec la loi du 23 mars 2019, dans un objectif, notamment de désengorgement des cours d'assises en matière criminelle, de rationalisation des moyens, on va dire, de bonne administration de la justice. Cours qui ont été au départ créés à titre expérimental, puis assez vite généralisés à la France entière en 2023. Après différents rapports réalisés également, me semble-t-il, assez rapidement. Et puis on s'était demandé à l'époque de leur création et de leur généralisation, si cette réforme allait non seulement enterrer les cours d'assises, mais également enterrer le droit d'appel en matière criminelle, un droit quand même assez fraîchement reconnu, ce qui aurait été un recul. C'est aussi la raison pour laquelle l'appel du procès d'affaires des viols de masons est à mon sens quelque chose d'attendu. Va-t-on contredire ici ce que les juges de la Cour criminelle départementale auront décidé ou pas ? C'est d'ailleurs une crainte qui avait été formée par certains auteurs en doctrine, qui se disaient qu'ici, un jury populaire serait certainement réticent, peu enclin à aller à l'encontre d'une décision rendue par des juges professionnels. Pour l'affaire des viols de Mazan, il faut rappeler que les personnes condamnées, 51, ont disposé de 10 jours. Pour frapper appel de la décision que seuls des 17 des accusés l'ont fait, Dominique Pellicot d'ailleurs n'a pas frappé appel de la décision. Le parquet lui a disposé de 5 jours supplémentaires pour faire ce qu'on appelle un appel incident et puis il a décidé de faire du cas par cas, c'est-à-dire de ne pas diriger son appel contre tous les accusés, ce qui aurait été un appel général. Voilà, il n'a pas fait ainsi, procédé ainsi, il a simplement fait appel à l'égard de ceux qui eux-mêmes avaient exercé ce droit. Aux dernières nouvelles, il y a eu des désistements, puisque en début février, la cour d'appel de Nîmes indiquait que seulement 11 accusés maintenaient leur appel.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Donc comme vous l'avez dit, le procès va se dérouler cette fois-ci en présence d'un jury populaire. Quel va être leur rôle ? Qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors on retombe ici sur la procédure classique de l'appel en matière criminelle avec une cour d'assises d'appel puisque la loi n'a pas fait le choix de créer de cour criminelle départementale d'appel. En appel donc les jurés sont au nombre de 9 contre 6 en première instance et il va falloir procéder à la composition de ce jury, sachant qu'ici le code de procédure pénale règle la question de cette composition en donnant la possibilité. à l'accusé ou à son avocat dans un premier temps, puis au ministère public de récuser des jurés sans avoir même à s'expliquer sur les raisons qui conduisent à les écarter. Lorsque la cour d'assises statue en appelle, l'accusé peut quand même récuser jusqu'à 5 jurés et le ministère public 4, 5 et 4 ça fait 9. Alors à mon sens c'est ici que la défense va avoir un vrai rôle à jouer. puisqu'il s'agit d'infractions de nature sexuelle et qui plus est commises dans un contexte tout particulier. Et on pourrait se dire que récuser par exemple des femmes serait quelque chose d'indispensable du côté de la défense parce qu'on pourrait craindre ici un parti pris et inversement, le ministère public ici pourrait être amené à récuser des hommes dont on pourrait penser qu'ils seraient plutôt du côté des accusés. Quoique, à mon sens, ce n'est pas aussi évident que cela et je ne pense pas qu'il soit aussi facile de sonder les âmes et les cœurs. Toujours est-il qu'en cas de co-accusés, ce qui est le cas ici, il aurait possible de se concerter entre eux pour procéder aux récusations. Dernier point que je voudrais préciser, la partie civile, là où les parties civiles n'ont pas ce droit de récusation. La composition du jury ne leur appartient pas. Après, il est évident que la présence du jury va avoir un impact sur le déroulé des débats, j'ai envie de dire par leur présence, tout simplement. La présence du jury donne nécessairement une autre dimension au débat. Non seulement il va falloir être pédagogue avec ce jury, notamment en cas de déposition d'experts, il va falloir expliquer les règles de l'art, comment est-ce qu'on fait telle et telle expertise, etc. Mais surtout, le jury, je pense, participe à cette théâtralité toute particulière des assises. Un avocat qui écrit souvent sur le sujet estime d'ailleurs qu'on assise bon nombre d'incidents d'audience soulevés par les avocats ont justement pour objectif d'impressionner le jury. Alors déjà qu'en première instance il était chargé d'émotion, imaginez un petit peu ce que ça va être en appel. Sinon de façon plus technique, il y a un vrai enjeu au niveau des décisions puisque pour prendre une décision défavorable à l'accusé, donc le déclaré coupable, Il faut devant la cour d'assises d'appel, lui, voir, alors que devant la cour criminelle départementale, c'est la majorité qui est requise. Ils sont cinq, il suffit que trois disent oui à la condamnation pour que la décision passe. Lui, personne, ça ne me semble quand même pas être la même chose que trois. Même si à l'inverse, on pourrait dire que les jurés peuvent être plus influencés par le président de la cour d'assises. C'est ce qu'on a très bien vu dans un film qui est sorti cet hiver avec Daniel Auteuil, Le Fil. Les rapports, évidemment, ne sont pas les mêmes dans une cour criminelle départementale. Toujours est-il que cette différence de traitement en termes de voix fait partie des arguments de la QPC qui a été portée au Conseil constitutionnel concernant les cours criminels départementales. Mais le Conseil, dans une décision du 24 novembre 2023, a estimé qu'il n'y avait pas d'atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi, ni même au principe d'égalité des citoyens devant la justice.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc, est-ce que la présence du jury populaire, c'est susceptible aussi d'entraîner un changement de stratégie de la part des avocats ? Est-ce qu'ils peuvent amener de nouveaux arguments de fait ?

  • Speaker #0

    Alors là, c'est très difficile à mon sens de se prononcer. J'imagine, en toute logique, que si l'on fait appel, c'est que l'on envisage pouvoir emporter la conviction du jury, autant sur la question de la peine et donc espérer pouvoir être condamné à une peine moins lourde. voire également tenter carrément de convaincre le jury quant à son innocence. Alors à ce sujet, depuis la loi du 23 mars 2019, il faut noter que l'appel qui est formé par l'accusé ou le ministère public peut indiquer qu'il ne conteste pas les réponses données par la Cour d'assises sur la culpabilité et qu'il est limité simplement à la décision sur la peine, sachant qu'il ne sera pas possible par la suite de revenir sur cette limitation, ce que la Cour de cassation vient d'affirmer. dans une décision rendue le 23 octobre 2024. Donc c'est une façon ici de limiter ce qu'on appelle l'effet dévolutif de l'appel, un effet qui est naturellement limité par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant. Néanmoins, il me semble qu'il y a une véritable volonté aujourd'hui de réglementer le jugement des crimes dans une optique de bonne administration de la justice et le fait qu'il soit permis de dire dès le départ Je limite mon appel à la peine, c'est à mon sens une manifestation évidente de cette volonté du législateur. Alors du coup, dans l'affaire qui nous concerne, il serait intéressant de savoir qui conteste quoi. On ne le sait pas. À mon sens, si changement de stratégie il y a, ce sera nécessairement sur la question de la peine, pour tenter de convaincre que les peines prononcées par la Cour criminale départementale ont été trop lourdes, compte tenu du profil, somme toute, tout à fait banal des accusés. Avec cette précision que dans la mesure où le parquet a fait un appel incident, ce que j'ai évoqué tout à l'heure, les peines prononcées en première instance pourront être tout à fait aggravées. Ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'y avait pas eu cet appel incident, puisque dans ce cas-là, c'est le principe de l'interdiction de la réformation INPEUS qui s'applique et qui interdit d'accraver les peines en appel. L'absence de l'appel du parquet, ce n'est pas le cas. Après, vraiment sur le fond, à proprement parler de cette affaire, oui, de nouveaux arguments de faits pourront être apportés, de nouvelles pièces d'ailleurs également pourront être versées au débat, à condition bien entendu qu'elles soient contradictoirement discutées entre toutes les parties. Et à ce sujet, on considère que le président de la Cour d'assises peut tout à fait refuser le versement d'une nouvelle pièce s'il estime qu'elle n'est pas utile. Et que cette formalité de nature a prolongé inutilement les débats. Alors on peut tout à fait imaginer que même s'il n'y a plus entre guillemets que 11 accusés qui forment appel, le président ne souhaite certainement pas que ce procès s'éternise, déjà qu'il a été particulièrement long en première instance. En dernier lieu, je pense qu'il faut également préciser qu'à la différence de la Cour criminale départementale, qui statue en possession du dossier de la procédure, Ce n'est pas le cas de la cour d'assises ni de la cour d'assises d'appel qui n'a pas, pendant les délibérés, la possession de ce dossier. On ne peut pas le consulter, sauf demande express qui doit être faite dans ce sens. Donc les débats, bien sûr, auront toute leur importance.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc Dominique Pellicot, condamnée à 20 ans de réclusion criminelle, n'a pas fait appel à cette décision, mais sera présent en tant que témoin. Donc qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, j'ai envie de vous dire, ça implique qu'il défère la convocation, sachant que s'il n'y défère pas, il est passible d'une amende de 3 750 euros. Et il peut même faire l'objet d'un mandat d'amené, c'est-à-dire qu'on est recours en force de l'ordre ici pour l'amené manu militari. Bon, s'il est, c'est le cas, incarcéré, ça règle la question, mais voilà, c'est le principe du mandat d'amené. Après, la question se pose de savoir si on peut l'obliger, par exemple, à prêter serment, est-ce qu'on peut l'obliger même à témoigner, à parler, parce que je crois qu'il a mentionné le fait qu'il n'avait plus vraiment envie d'évoquer cette affaire. Alors ici, il faut dire qu'il est condamné définitivement, donc il ne bénéficie plus de ce qu'on appelle le droit au silence. lequel est garanti par l'article préliminaire du code de procédure pénale, oui, il est garanti à toute personne qui est suspectée ou poursuivie, ce qui n'est manifestement plus le cas ici. En revanche, le code considère que le témoin qui refuse de prêter serment ou qui refuse également de faire sa déposition peut être condamné à la même peine d'amende que j'évoquais tout à l'heure de 3 750 euros par la Cour d'assises. Alors ça va quand même être une situation particulière dans la mesure où tout le monde, que ce soit le parquet ou les autres accusés, ont intérêt à ce qu'ils soient cités comme témoins, qu'ils répondent aux questions. Tout le monde a intérêt, alors peut-être pas dans le même sens, certainement pas, tout le monde sauf lui. Voilà, donc situation un peu particulière bien entendu avec cette précision que depuis la loi confiance du 22 décembre 2021, Et toujours dans une optique de bonne administration de la justice, est organisée en amont de la tenue des assises une réunion préparatoire criminelle qui a pour objectif ici de trouver un accord entre le ministère public et les avocats des partis sur la liste des témoins, la liste des experts qui seront cités à l'audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l'audience. Ce qui n'exclut pas par la suite de pouvoir citer d'autres témoins, bien entendu.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Si la cour d'assises de Nîmes rend une décision différente de celle rendue par la cour criminelle de Vaucluse, quelles en seraient les conséquences ?

  • Speaker #0

    Alors, à mon sens, ça serait une situation totalement inédite. On a même du mal à la concevoir. Totalement inédite, mais très intéressante. Je vais vous dire tout de suite pourquoi. Parce qu'on pourrait se demander si M. Piliquot ne serait pas... finalement, en droit de demander une révision de son procès. À partir du moment où sa décision est devenue définitive, il ne peut plus la contester, sauf s'il vient à se produire un fait nouveau ou que soit révélé un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité. Ce sont les dispositions du code de procédure pénale concernant les conditions de ce recours. en révision du procès. Parce que l'acquittement d'un co-accusé reviendrait à dire que, pour certains faits, du moins ceux dont il s'agit, le consentement de Mme Pélico n'aurait peut-être pas été outrepassé. Et lorsque M. Pélico a agi de concert, nécessairement, cet acquittement pourrait être regardé comme un élément nouveau. Mais moi, ça me paraît quand même difficile à concevoir, peut-être, éventuellement, pour ceux qui sont condamnés pour tentative de viol, arriver à démontrer que le commencement d'exécution n'est pas caractérisé. Mais là encore, ça me paraîtrait extrêmement inédit.

  • Speaker #1

    Merci Madame Gallardo de nous avoir éclairé sur ce sujet, d'avoir répondu à nos questions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours et à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

Description

Si, dans l’épisode #6 de Code’Cast, nous avions évoqué les enjeux juridiques de l’affaire des viols de Mazan, ce 21ᵉ épisode se concentre plus particulièrement sur le procès en appel de cette affaire, qui se tiendra devant la cour d’assises du Gard, à Nîmes, du 6 octobre au 21 novembre 2025. Treize des cinquante accusés jugés en première instance ont en effet décidé d’interjeter appel, ouvrant ainsi un nouveau chapitre judiciaire. Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles décrypte les enjeux de cette procédure : qu’implique la présence d’un jury populaire ? Comment cette configuration influence-t-elle la stratégie des avocats ? Quels nouveaux arguments peuvent être soulevés ? Et quelles seraient les conséquences d’une décision divergente de celle rendue en première instance ? À écouter dès maintenant !


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Transcription

  • Speaker #0

    Code'cast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Codcast consacré au procès en appel de l'affaire dite des viols de Mazan. qui se tiendra devant la cour d'assises du Gard à Nîmes du 6 octobre au 21 novembre 2025. 11 des 51 accusés jugés en première instance ont en effet décidé d'interjeter appel. Pour en discuter, nous avons le plaisir de recevoir Mme Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et directrice de la mention droit pénal et sciences criminelles. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour, merci pour votre invitation.

  • Speaker #1

    Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie interjeter appel d'une décision de justice ?

  • Speaker #0

    Interjeter appel, c'est tout simplement le droit de contester une décision rendue par une juridiction du premier degré devant une juridiction d'appel, donc du second degré, qui sera saisie à la fois en fait et en droit, et qui sera donc amenée à rejuger de l'affaire. Cela implique de se demander qui peut frapper appel d'une décision, notamment en matière criminelle, globalement les accuser pour les dispositions pénales, mais également les dispositions civiles de la décision. Le parquet uniquement pour les dispositions pénales et la partie civile uniquement à l'égard des dispositions civiles en revanche. En réalité, cette question n'est pas si simple que ça, car ici il s'agit de l'affaire des viols de maison. Et la question porte plus particulièrement sur le droit d'interjeter appel d'une décision en matière criminelle et qui est épuisée d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. S'agissant d'abord du droit d'appel en matière criminelle, il me semble bon de rappeler que ce droit n'est pas si ancien que cela, puisque c'est la loi du 15 juin 2000 qui l'a rendu possible en portant l'appel devant une cour d'assises d'appel. Et pendant très longtemps, l'appel en matière criminelle n'existait pas, y compris à une époque, il faut le rappeler, où la peine de mort était encore en vigueur jusqu'en 1981. Seul recours en cassation était envisageable. Mais vous le savez, la cour de cassation ne rejuge pas l'affaire. Et puis ce qui est intéressant ici, je vous dirais, c'est même tout l'enjeu, c'est qu'il s'agit d'un appel d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. Et ça, c'est vraiment novateur, puisque ces cours ont été créés avec la loi du 23 mars 2019, dans un objectif, notamment de désengorgement des cours d'assises en matière criminelle, de rationalisation des moyens, on va dire, de bonne administration de la justice. Cours qui ont été au départ créés à titre expérimental, puis assez vite généralisés à la France entière en 2023. Après différents rapports réalisés également, me semble-t-il, assez rapidement. Et puis on s'était demandé à l'époque de leur création et de leur généralisation, si cette réforme allait non seulement enterrer les cours d'assises, mais également enterrer le droit d'appel en matière criminelle, un droit quand même assez fraîchement reconnu, ce qui aurait été un recul. C'est aussi la raison pour laquelle l'appel du procès d'affaires des viols de masons est à mon sens quelque chose d'attendu. Va-t-on contredire ici ce que les juges de la Cour criminelle départementale auront décidé ou pas ? C'est d'ailleurs une crainte qui avait été formée par certains auteurs en doctrine, qui se disaient qu'ici, un jury populaire serait certainement réticent, peu enclin à aller à l'encontre d'une décision rendue par des juges professionnels. Pour l'affaire des viols de Mazan, il faut rappeler que les personnes condamnées, 51, ont disposé de 10 jours. Pour frapper appel de la décision que seuls des 17 des accusés l'ont fait, Dominique Pellicot d'ailleurs n'a pas frappé appel de la décision. Le parquet lui a disposé de 5 jours supplémentaires pour faire ce qu'on appelle un appel incident et puis il a décidé de faire du cas par cas, c'est-à-dire de ne pas diriger son appel contre tous les accusés, ce qui aurait été un appel général. Voilà, il n'a pas fait ainsi, procédé ainsi, il a simplement fait appel à l'égard de ceux qui eux-mêmes avaient exercé ce droit. Aux dernières nouvelles, il y a eu des désistements, puisque en début février, la cour d'appel de Nîmes indiquait que seulement 11 accusés maintenaient leur appel.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Donc comme vous l'avez dit, le procès va se dérouler cette fois-ci en présence d'un jury populaire. Quel va être leur rôle ? Qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors on retombe ici sur la procédure classique de l'appel en matière criminelle avec une cour d'assises d'appel puisque la loi n'a pas fait le choix de créer de cour criminelle départementale d'appel. En appel donc les jurés sont au nombre de 9 contre 6 en première instance et il va falloir procéder à la composition de ce jury, sachant qu'ici le code de procédure pénale règle la question de cette composition en donnant la possibilité. à l'accusé ou à son avocat dans un premier temps, puis au ministère public de récuser des jurés sans avoir même à s'expliquer sur les raisons qui conduisent à les écarter. Lorsque la cour d'assises statue en appelle, l'accusé peut quand même récuser jusqu'à 5 jurés et le ministère public 4, 5 et 4 ça fait 9. Alors à mon sens c'est ici que la défense va avoir un vrai rôle à jouer. puisqu'il s'agit d'infractions de nature sexuelle et qui plus est commises dans un contexte tout particulier. Et on pourrait se dire que récuser par exemple des femmes serait quelque chose d'indispensable du côté de la défense parce qu'on pourrait craindre ici un parti pris et inversement, le ministère public ici pourrait être amené à récuser des hommes dont on pourrait penser qu'ils seraient plutôt du côté des accusés. Quoique, à mon sens, ce n'est pas aussi évident que cela et je ne pense pas qu'il soit aussi facile de sonder les âmes et les cœurs. Toujours est-il qu'en cas de co-accusés, ce qui est le cas ici, il aurait possible de se concerter entre eux pour procéder aux récusations. Dernier point que je voudrais préciser, la partie civile, là où les parties civiles n'ont pas ce droit de récusation. La composition du jury ne leur appartient pas. Après, il est évident que la présence du jury va avoir un impact sur le déroulé des débats, j'ai envie de dire par leur présence, tout simplement. La présence du jury donne nécessairement une autre dimension au débat. Non seulement il va falloir être pédagogue avec ce jury, notamment en cas de déposition d'experts, il va falloir expliquer les règles de l'art, comment est-ce qu'on fait telle et telle expertise, etc. Mais surtout, le jury, je pense, participe à cette théâtralité toute particulière des assises. Un avocat qui écrit souvent sur le sujet estime d'ailleurs qu'on assise bon nombre d'incidents d'audience soulevés par les avocats ont justement pour objectif d'impressionner le jury. Alors déjà qu'en première instance il était chargé d'émotion, imaginez un petit peu ce que ça va être en appel. Sinon de façon plus technique, il y a un vrai enjeu au niveau des décisions puisque pour prendre une décision défavorable à l'accusé, donc le déclaré coupable, Il faut devant la cour d'assises d'appel, lui, voir, alors que devant la cour criminelle départementale, c'est la majorité qui est requise. Ils sont cinq, il suffit que trois disent oui à la condamnation pour que la décision passe. Lui, personne, ça ne me semble quand même pas être la même chose que trois. Même si à l'inverse, on pourrait dire que les jurés peuvent être plus influencés par le président de la cour d'assises. C'est ce qu'on a très bien vu dans un film qui est sorti cet hiver avec Daniel Auteuil, Le Fil. Les rapports, évidemment, ne sont pas les mêmes dans une cour criminelle départementale. Toujours est-il que cette différence de traitement en termes de voix fait partie des arguments de la QPC qui a été portée au Conseil constitutionnel concernant les cours criminels départementales. Mais le Conseil, dans une décision du 24 novembre 2023, a estimé qu'il n'y avait pas d'atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi, ni même au principe d'égalité des citoyens devant la justice.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc, est-ce que la présence du jury populaire, c'est susceptible aussi d'entraîner un changement de stratégie de la part des avocats ? Est-ce qu'ils peuvent amener de nouveaux arguments de fait ?

  • Speaker #0

    Alors là, c'est très difficile à mon sens de se prononcer. J'imagine, en toute logique, que si l'on fait appel, c'est que l'on envisage pouvoir emporter la conviction du jury, autant sur la question de la peine et donc espérer pouvoir être condamné à une peine moins lourde. voire également tenter carrément de convaincre le jury quant à son innocence. Alors à ce sujet, depuis la loi du 23 mars 2019, il faut noter que l'appel qui est formé par l'accusé ou le ministère public peut indiquer qu'il ne conteste pas les réponses données par la Cour d'assises sur la culpabilité et qu'il est limité simplement à la décision sur la peine, sachant qu'il ne sera pas possible par la suite de revenir sur cette limitation, ce que la Cour de cassation vient d'affirmer. dans une décision rendue le 23 octobre 2024. Donc c'est une façon ici de limiter ce qu'on appelle l'effet dévolutif de l'appel, un effet qui est naturellement limité par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant. Néanmoins, il me semble qu'il y a une véritable volonté aujourd'hui de réglementer le jugement des crimes dans une optique de bonne administration de la justice et le fait qu'il soit permis de dire dès le départ Je limite mon appel à la peine, c'est à mon sens une manifestation évidente de cette volonté du législateur. Alors du coup, dans l'affaire qui nous concerne, il serait intéressant de savoir qui conteste quoi. On ne le sait pas. À mon sens, si changement de stratégie il y a, ce sera nécessairement sur la question de la peine, pour tenter de convaincre que les peines prononcées par la Cour criminale départementale ont été trop lourdes, compte tenu du profil, somme toute, tout à fait banal des accusés. Avec cette précision que dans la mesure où le parquet a fait un appel incident, ce que j'ai évoqué tout à l'heure, les peines prononcées en première instance pourront être tout à fait aggravées. Ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'y avait pas eu cet appel incident, puisque dans ce cas-là, c'est le principe de l'interdiction de la réformation INPEUS qui s'applique et qui interdit d'accraver les peines en appel. L'absence de l'appel du parquet, ce n'est pas le cas. Après, vraiment sur le fond, à proprement parler de cette affaire, oui, de nouveaux arguments de faits pourront être apportés, de nouvelles pièces d'ailleurs également pourront être versées au débat, à condition bien entendu qu'elles soient contradictoirement discutées entre toutes les parties. Et à ce sujet, on considère que le président de la Cour d'assises peut tout à fait refuser le versement d'une nouvelle pièce s'il estime qu'elle n'est pas utile. Et que cette formalité de nature a prolongé inutilement les débats. Alors on peut tout à fait imaginer que même s'il n'y a plus entre guillemets que 11 accusés qui forment appel, le président ne souhaite certainement pas que ce procès s'éternise, déjà qu'il a été particulièrement long en première instance. En dernier lieu, je pense qu'il faut également préciser qu'à la différence de la Cour criminale départementale, qui statue en possession du dossier de la procédure, Ce n'est pas le cas de la cour d'assises ni de la cour d'assises d'appel qui n'a pas, pendant les délibérés, la possession de ce dossier. On ne peut pas le consulter, sauf demande express qui doit être faite dans ce sens. Donc les débats, bien sûr, auront toute leur importance.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc Dominique Pellicot, condamnée à 20 ans de réclusion criminelle, n'a pas fait appel à cette décision, mais sera présent en tant que témoin. Donc qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, j'ai envie de vous dire, ça implique qu'il défère la convocation, sachant que s'il n'y défère pas, il est passible d'une amende de 3 750 euros. Et il peut même faire l'objet d'un mandat d'amené, c'est-à-dire qu'on est recours en force de l'ordre ici pour l'amené manu militari. Bon, s'il est, c'est le cas, incarcéré, ça règle la question, mais voilà, c'est le principe du mandat d'amené. Après, la question se pose de savoir si on peut l'obliger, par exemple, à prêter serment, est-ce qu'on peut l'obliger même à témoigner, à parler, parce que je crois qu'il a mentionné le fait qu'il n'avait plus vraiment envie d'évoquer cette affaire. Alors ici, il faut dire qu'il est condamné définitivement, donc il ne bénéficie plus de ce qu'on appelle le droit au silence. lequel est garanti par l'article préliminaire du code de procédure pénale, oui, il est garanti à toute personne qui est suspectée ou poursuivie, ce qui n'est manifestement plus le cas ici. En revanche, le code considère que le témoin qui refuse de prêter serment ou qui refuse également de faire sa déposition peut être condamné à la même peine d'amende que j'évoquais tout à l'heure de 3 750 euros par la Cour d'assises. Alors ça va quand même être une situation particulière dans la mesure où tout le monde, que ce soit le parquet ou les autres accusés, ont intérêt à ce qu'ils soient cités comme témoins, qu'ils répondent aux questions. Tout le monde a intérêt, alors peut-être pas dans le même sens, certainement pas, tout le monde sauf lui. Voilà, donc situation un peu particulière bien entendu avec cette précision que depuis la loi confiance du 22 décembre 2021, Et toujours dans une optique de bonne administration de la justice, est organisée en amont de la tenue des assises une réunion préparatoire criminelle qui a pour objectif ici de trouver un accord entre le ministère public et les avocats des partis sur la liste des témoins, la liste des experts qui seront cités à l'audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l'audience. Ce qui n'exclut pas par la suite de pouvoir citer d'autres témoins, bien entendu.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Si la cour d'assises de Nîmes rend une décision différente de celle rendue par la cour criminelle de Vaucluse, quelles en seraient les conséquences ?

  • Speaker #0

    Alors, à mon sens, ça serait une situation totalement inédite. On a même du mal à la concevoir. Totalement inédite, mais très intéressante. Je vais vous dire tout de suite pourquoi. Parce qu'on pourrait se demander si M. Piliquot ne serait pas... finalement, en droit de demander une révision de son procès. À partir du moment où sa décision est devenue définitive, il ne peut plus la contester, sauf s'il vient à se produire un fait nouveau ou que soit révélé un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité. Ce sont les dispositions du code de procédure pénale concernant les conditions de ce recours. en révision du procès. Parce que l'acquittement d'un co-accusé reviendrait à dire que, pour certains faits, du moins ceux dont il s'agit, le consentement de Mme Pélico n'aurait peut-être pas été outrepassé. Et lorsque M. Pélico a agi de concert, nécessairement, cet acquittement pourrait être regardé comme un élément nouveau. Mais moi, ça me paraît quand même difficile à concevoir, peut-être, éventuellement, pour ceux qui sont condamnés pour tentative de viol, arriver à démontrer que le commencement d'exécution n'est pas caractérisé. Mais là encore, ça me paraîtrait extrêmement inédit.

  • Speaker #1

    Merci Madame Gallardo de nous avoir éclairé sur ce sujet, d'avoir répondu à nos questions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours et à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

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Description

Si, dans l’épisode #6 de Code’Cast, nous avions évoqué les enjeux juridiques de l’affaire des viols de Mazan, ce 21ᵉ épisode se concentre plus particulièrement sur le procès en appel de cette affaire, qui se tiendra devant la cour d’assises du Gard, à Nîmes, du 6 octobre au 21 novembre 2025. Treize des cinquante accusés jugés en première instance ont en effet décidé d’interjeter appel, ouvrant ainsi un nouveau chapitre judiciaire. Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles décrypte les enjeux de cette procédure : qu’implique la présence d’un jury populaire ? Comment cette configuration influence-t-elle la stratégie des avocats ? Quels nouveaux arguments peuvent être soulevés ? Et quelles seraient les conséquences d’une décision divergente de celle rendue en première instance ? À écouter dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Code'cast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Codcast consacré au procès en appel de l'affaire dite des viols de Mazan. qui se tiendra devant la cour d'assises du Gard à Nîmes du 6 octobre au 21 novembre 2025. 11 des 51 accusés jugés en première instance ont en effet décidé d'interjeter appel. Pour en discuter, nous avons le plaisir de recevoir Mme Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et directrice de la mention droit pénal et sciences criminelles. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour, merci pour votre invitation.

  • Speaker #1

    Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie interjeter appel d'une décision de justice ?

  • Speaker #0

    Interjeter appel, c'est tout simplement le droit de contester une décision rendue par une juridiction du premier degré devant une juridiction d'appel, donc du second degré, qui sera saisie à la fois en fait et en droit, et qui sera donc amenée à rejuger de l'affaire. Cela implique de se demander qui peut frapper appel d'une décision, notamment en matière criminelle, globalement les accuser pour les dispositions pénales, mais également les dispositions civiles de la décision. Le parquet uniquement pour les dispositions pénales et la partie civile uniquement à l'égard des dispositions civiles en revanche. En réalité, cette question n'est pas si simple que ça, car ici il s'agit de l'affaire des viols de maison. Et la question porte plus particulièrement sur le droit d'interjeter appel d'une décision en matière criminelle et qui est épuisée d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. S'agissant d'abord du droit d'appel en matière criminelle, il me semble bon de rappeler que ce droit n'est pas si ancien que cela, puisque c'est la loi du 15 juin 2000 qui l'a rendu possible en portant l'appel devant une cour d'assises d'appel. Et pendant très longtemps, l'appel en matière criminelle n'existait pas, y compris à une époque, il faut le rappeler, où la peine de mort était encore en vigueur jusqu'en 1981. Seul recours en cassation était envisageable. Mais vous le savez, la cour de cassation ne rejuge pas l'affaire. Et puis ce qui est intéressant ici, je vous dirais, c'est même tout l'enjeu, c'est qu'il s'agit d'un appel d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. Et ça, c'est vraiment novateur, puisque ces cours ont été créés avec la loi du 23 mars 2019, dans un objectif, notamment de désengorgement des cours d'assises en matière criminelle, de rationalisation des moyens, on va dire, de bonne administration de la justice. Cours qui ont été au départ créés à titre expérimental, puis assez vite généralisés à la France entière en 2023. Après différents rapports réalisés également, me semble-t-il, assez rapidement. Et puis on s'était demandé à l'époque de leur création et de leur généralisation, si cette réforme allait non seulement enterrer les cours d'assises, mais également enterrer le droit d'appel en matière criminelle, un droit quand même assez fraîchement reconnu, ce qui aurait été un recul. C'est aussi la raison pour laquelle l'appel du procès d'affaires des viols de masons est à mon sens quelque chose d'attendu. Va-t-on contredire ici ce que les juges de la Cour criminelle départementale auront décidé ou pas ? C'est d'ailleurs une crainte qui avait été formée par certains auteurs en doctrine, qui se disaient qu'ici, un jury populaire serait certainement réticent, peu enclin à aller à l'encontre d'une décision rendue par des juges professionnels. Pour l'affaire des viols de Mazan, il faut rappeler que les personnes condamnées, 51, ont disposé de 10 jours. Pour frapper appel de la décision que seuls des 17 des accusés l'ont fait, Dominique Pellicot d'ailleurs n'a pas frappé appel de la décision. Le parquet lui a disposé de 5 jours supplémentaires pour faire ce qu'on appelle un appel incident et puis il a décidé de faire du cas par cas, c'est-à-dire de ne pas diriger son appel contre tous les accusés, ce qui aurait été un appel général. Voilà, il n'a pas fait ainsi, procédé ainsi, il a simplement fait appel à l'égard de ceux qui eux-mêmes avaient exercé ce droit. Aux dernières nouvelles, il y a eu des désistements, puisque en début février, la cour d'appel de Nîmes indiquait que seulement 11 accusés maintenaient leur appel.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Donc comme vous l'avez dit, le procès va se dérouler cette fois-ci en présence d'un jury populaire. Quel va être leur rôle ? Qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors on retombe ici sur la procédure classique de l'appel en matière criminelle avec une cour d'assises d'appel puisque la loi n'a pas fait le choix de créer de cour criminelle départementale d'appel. En appel donc les jurés sont au nombre de 9 contre 6 en première instance et il va falloir procéder à la composition de ce jury, sachant qu'ici le code de procédure pénale règle la question de cette composition en donnant la possibilité. à l'accusé ou à son avocat dans un premier temps, puis au ministère public de récuser des jurés sans avoir même à s'expliquer sur les raisons qui conduisent à les écarter. Lorsque la cour d'assises statue en appelle, l'accusé peut quand même récuser jusqu'à 5 jurés et le ministère public 4, 5 et 4 ça fait 9. Alors à mon sens c'est ici que la défense va avoir un vrai rôle à jouer. puisqu'il s'agit d'infractions de nature sexuelle et qui plus est commises dans un contexte tout particulier. Et on pourrait se dire que récuser par exemple des femmes serait quelque chose d'indispensable du côté de la défense parce qu'on pourrait craindre ici un parti pris et inversement, le ministère public ici pourrait être amené à récuser des hommes dont on pourrait penser qu'ils seraient plutôt du côté des accusés. Quoique, à mon sens, ce n'est pas aussi évident que cela et je ne pense pas qu'il soit aussi facile de sonder les âmes et les cœurs. Toujours est-il qu'en cas de co-accusés, ce qui est le cas ici, il aurait possible de se concerter entre eux pour procéder aux récusations. Dernier point que je voudrais préciser, la partie civile, là où les parties civiles n'ont pas ce droit de récusation. La composition du jury ne leur appartient pas. Après, il est évident que la présence du jury va avoir un impact sur le déroulé des débats, j'ai envie de dire par leur présence, tout simplement. La présence du jury donne nécessairement une autre dimension au débat. Non seulement il va falloir être pédagogue avec ce jury, notamment en cas de déposition d'experts, il va falloir expliquer les règles de l'art, comment est-ce qu'on fait telle et telle expertise, etc. Mais surtout, le jury, je pense, participe à cette théâtralité toute particulière des assises. Un avocat qui écrit souvent sur le sujet estime d'ailleurs qu'on assise bon nombre d'incidents d'audience soulevés par les avocats ont justement pour objectif d'impressionner le jury. Alors déjà qu'en première instance il était chargé d'émotion, imaginez un petit peu ce que ça va être en appel. Sinon de façon plus technique, il y a un vrai enjeu au niveau des décisions puisque pour prendre une décision défavorable à l'accusé, donc le déclaré coupable, Il faut devant la cour d'assises d'appel, lui, voir, alors que devant la cour criminelle départementale, c'est la majorité qui est requise. Ils sont cinq, il suffit que trois disent oui à la condamnation pour que la décision passe. Lui, personne, ça ne me semble quand même pas être la même chose que trois. Même si à l'inverse, on pourrait dire que les jurés peuvent être plus influencés par le président de la cour d'assises. C'est ce qu'on a très bien vu dans un film qui est sorti cet hiver avec Daniel Auteuil, Le Fil. Les rapports, évidemment, ne sont pas les mêmes dans une cour criminelle départementale. Toujours est-il que cette différence de traitement en termes de voix fait partie des arguments de la QPC qui a été portée au Conseil constitutionnel concernant les cours criminels départementales. Mais le Conseil, dans une décision du 24 novembre 2023, a estimé qu'il n'y avait pas d'atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi, ni même au principe d'égalité des citoyens devant la justice.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc, est-ce que la présence du jury populaire, c'est susceptible aussi d'entraîner un changement de stratégie de la part des avocats ? Est-ce qu'ils peuvent amener de nouveaux arguments de fait ?

  • Speaker #0

    Alors là, c'est très difficile à mon sens de se prononcer. J'imagine, en toute logique, que si l'on fait appel, c'est que l'on envisage pouvoir emporter la conviction du jury, autant sur la question de la peine et donc espérer pouvoir être condamné à une peine moins lourde. voire également tenter carrément de convaincre le jury quant à son innocence. Alors à ce sujet, depuis la loi du 23 mars 2019, il faut noter que l'appel qui est formé par l'accusé ou le ministère public peut indiquer qu'il ne conteste pas les réponses données par la Cour d'assises sur la culpabilité et qu'il est limité simplement à la décision sur la peine, sachant qu'il ne sera pas possible par la suite de revenir sur cette limitation, ce que la Cour de cassation vient d'affirmer. dans une décision rendue le 23 octobre 2024. Donc c'est une façon ici de limiter ce qu'on appelle l'effet dévolutif de l'appel, un effet qui est naturellement limité par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant. Néanmoins, il me semble qu'il y a une véritable volonté aujourd'hui de réglementer le jugement des crimes dans une optique de bonne administration de la justice et le fait qu'il soit permis de dire dès le départ Je limite mon appel à la peine, c'est à mon sens une manifestation évidente de cette volonté du législateur. Alors du coup, dans l'affaire qui nous concerne, il serait intéressant de savoir qui conteste quoi. On ne le sait pas. À mon sens, si changement de stratégie il y a, ce sera nécessairement sur la question de la peine, pour tenter de convaincre que les peines prononcées par la Cour criminale départementale ont été trop lourdes, compte tenu du profil, somme toute, tout à fait banal des accusés. Avec cette précision que dans la mesure où le parquet a fait un appel incident, ce que j'ai évoqué tout à l'heure, les peines prononcées en première instance pourront être tout à fait aggravées. Ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'y avait pas eu cet appel incident, puisque dans ce cas-là, c'est le principe de l'interdiction de la réformation INPEUS qui s'applique et qui interdit d'accraver les peines en appel. L'absence de l'appel du parquet, ce n'est pas le cas. Après, vraiment sur le fond, à proprement parler de cette affaire, oui, de nouveaux arguments de faits pourront être apportés, de nouvelles pièces d'ailleurs également pourront être versées au débat, à condition bien entendu qu'elles soient contradictoirement discutées entre toutes les parties. Et à ce sujet, on considère que le président de la Cour d'assises peut tout à fait refuser le versement d'une nouvelle pièce s'il estime qu'elle n'est pas utile. Et que cette formalité de nature a prolongé inutilement les débats. Alors on peut tout à fait imaginer que même s'il n'y a plus entre guillemets que 11 accusés qui forment appel, le président ne souhaite certainement pas que ce procès s'éternise, déjà qu'il a été particulièrement long en première instance. En dernier lieu, je pense qu'il faut également préciser qu'à la différence de la Cour criminale départementale, qui statue en possession du dossier de la procédure, Ce n'est pas le cas de la cour d'assises ni de la cour d'assises d'appel qui n'a pas, pendant les délibérés, la possession de ce dossier. On ne peut pas le consulter, sauf demande express qui doit être faite dans ce sens. Donc les débats, bien sûr, auront toute leur importance.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc Dominique Pellicot, condamnée à 20 ans de réclusion criminelle, n'a pas fait appel à cette décision, mais sera présent en tant que témoin. Donc qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, j'ai envie de vous dire, ça implique qu'il défère la convocation, sachant que s'il n'y défère pas, il est passible d'une amende de 3 750 euros. Et il peut même faire l'objet d'un mandat d'amené, c'est-à-dire qu'on est recours en force de l'ordre ici pour l'amené manu militari. Bon, s'il est, c'est le cas, incarcéré, ça règle la question, mais voilà, c'est le principe du mandat d'amené. Après, la question se pose de savoir si on peut l'obliger, par exemple, à prêter serment, est-ce qu'on peut l'obliger même à témoigner, à parler, parce que je crois qu'il a mentionné le fait qu'il n'avait plus vraiment envie d'évoquer cette affaire. Alors ici, il faut dire qu'il est condamné définitivement, donc il ne bénéficie plus de ce qu'on appelle le droit au silence. lequel est garanti par l'article préliminaire du code de procédure pénale, oui, il est garanti à toute personne qui est suspectée ou poursuivie, ce qui n'est manifestement plus le cas ici. En revanche, le code considère que le témoin qui refuse de prêter serment ou qui refuse également de faire sa déposition peut être condamné à la même peine d'amende que j'évoquais tout à l'heure de 3 750 euros par la Cour d'assises. Alors ça va quand même être une situation particulière dans la mesure où tout le monde, que ce soit le parquet ou les autres accusés, ont intérêt à ce qu'ils soient cités comme témoins, qu'ils répondent aux questions. Tout le monde a intérêt, alors peut-être pas dans le même sens, certainement pas, tout le monde sauf lui. Voilà, donc situation un peu particulière bien entendu avec cette précision que depuis la loi confiance du 22 décembre 2021, Et toujours dans une optique de bonne administration de la justice, est organisée en amont de la tenue des assises une réunion préparatoire criminelle qui a pour objectif ici de trouver un accord entre le ministère public et les avocats des partis sur la liste des témoins, la liste des experts qui seront cités à l'audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l'audience. Ce qui n'exclut pas par la suite de pouvoir citer d'autres témoins, bien entendu.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Si la cour d'assises de Nîmes rend une décision différente de celle rendue par la cour criminelle de Vaucluse, quelles en seraient les conséquences ?

  • Speaker #0

    Alors, à mon sens, ça serait une situation totalement inédite. On a même du mal à la concevoir. Totalement inédite, mais très intéressante. Je vais vous dire tout de suite pourquoi. Parce qu'on pourrait se demander si M. Piliquot ne serait pas... finalement, en droit de demander une révision de son procès. À partir du moment où sa décision est devenue définitive, il ne peut plus la contester, sauf s'il vient à se produire un fait nouveau ou que soit révélé un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité. Ce sont les dispositions du code de procédure pénale concernant les conditions de ce recours. en révision du procès. Parce que l'acquittement d'un co-accusé reviendrait à dire que, pour certains faits, du moins ceux dont il s'agit, le consentement de Mme Pélico n'aurait peut-être pas été outrepassé. Et lorsque M. Pélico a agi de concert, nécessairement, cet acquittement pourrait être regardé comme un élément nouveau. Mais moi, ça me paraît quand même difficile à concevoir, peut-être, éventuellement, pour ceux qui sont condamnés pour tentative de viol, arriver à démontrer que le commencement d'exécution n'est pas caractérisé. Mais là encore, ça me paraîtrait extrêmement inédit.

  • Speaker #1

    Merci Madame Gallardo de nous avoir éclairé sur ce sujet, d'avoir répondu à nos questions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours et à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

Description

Si, dans l’épisode #6 de Code’Cast, nous avions évoqué les enjeux juridiques de l’affaire des viols de Mazan, ce 21ᵉ épisode se concentre plus particulièrement sur le procès en appel de cette affaire, qui se tiendra devant la cour d’assises du Gard, à Nîmes, du 6 octobre au 21 novembre 2025. Treize des cinquante accusés jugés en première instance ont en effet décidé d’interjeter appel, ouvrant ainsi un nouveau chapitre judiciaire. Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles décrypte les enjeux de cette procédure : qu’implique la présence d’un jury populaire ? Comment cette configuration influence-t-elle la stratégie des avocats ? Quels nouveaux arguments peuvent être soulevés ? Et quelles seraient les conséquences d’une décision divergente de celle rendue en première instance ? À écouter dès maintenant !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Code'cast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université.

  • Speaker #1

    Bonjour à toutes et à tous, bienvenue dans ce nouvel épisode de Codcast consacré au procès en appel de l'affaire dite des viols de Mazan. qui se tiendra devant la cour d'assises du Gard à Nîmes du 6 octobre au 21 novembre 2025. 11 des 51 accusés jugés en première instance ont en effet décidé d'interjeter appel. Pour en discuter, nous avons le plaisir de recevoir Mme Eudoxie Gallardo, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles et directrice de la mention droit pénal et sciences criminelles. Bonjour.

  • Speaker #0

    Bonjour, merci pour votre invitation.

  • Speaker #1

    Pourriez-vous nous expliquer ce que signifie interjeter appel d'une décision de justice ?

  • Speaker #0

    Interjeter appel, c'est tout simplement le droit de contester une décision rendue par une juridiction du premier degré devant une juridiction d'appel, donc du second degré, qui sera saisie à la fois en fait et en droit, et qui sera donc amenée à rejuger de l'affaire. Cela implique de se demander qui peut frapper appel d'une décision, notamment en matière criminelle, globalement les accuser pour les dispositions pénales, mais également les dispositions civiles de la décision. Le parquet uniquement pour les dispositions pénales et la partie civile uniquement à l'égard des dispositions civiles en revanche. En réalité, cette question n'est pas si simple que ça, car ici il s'agit de l'affaire des viols de maison. Et la question porte plus particulièrement sur le droit d'interjeter appel d'une décision en matière criminelle et qui est épuisée d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. S'agissant d'abord du droit d'appel en matière criminelle, il me semble bon de rappeler que ce droit n'est pas si ancien que cela, puisque c'est la loi du 15 juin 2000 qui l'a rendu possible en portant l'appel devant une cour d'assises d'appel. Et pendant très longtemps, l'appel en matière criminelle n'existait pas, y compris à une époque, il faut le rappeler, où la peine de mort était encore en vigueur jusqu'en 1981. Seul recours en cassation était envisageable. Mais vous le savez, la cour de cassation ne rejuge pas l'affaire. Et puis ce qui est intéressant ici, je vous dirais, c'est même tout l'enjeu, c'est qu'il s'agit d'un appel d'une décision rendue par une cour criminelle départementale. Et ça, c'est vraiment novateur, puisque ces cours ont été créés avec la loi du 23 mars 2019, dans un objectif, notamment de désengorgement des cours d'assises en matière criminelle, de rationalisation des moyens, on va dire, de bonne administration de la justice. Cours qui ont été au départ créés à titre expérimental, puis assez vite généralisés à la France entière en 2023. Après différents rapports réalisés également, me semble-t-il, assez rapidement. Et puis on s'était demandé à l'époque de leur création et de leur généralisation, si cette réforme allait non seulement enterrer les cours d'assises, mais également enterrer le droit d'appel en matière criminelle, un droit quand même assez fraîchement reconnu, ce qui aurait été un recul. C'est aussi la raison pour laquelle l'appel du procès d'affaires des viols de masons est à mon sens quelque chose d'attendu. Va-t-on contredire ici ce que les juges de la Cour criminelle départementale auront décidé ou pas ? C'est d'ailleurs une crainte qui avait été formée par certains auteurs en doctrine, qui se disaient qu'ici, un jury populaire serait certainement réticent, peu enclin à aller à l'encontre d'une décision rendue par des juges professionnels. Pour l'affaire des viols de Mazan, il faut rappeler que les personnes condamnées, 51, ont disposé de 10 jours. Pour frapper appel de la décision que seuls des 17 des accusés l'ont fait, Dominique Pellicot d'ailleurs n'a pas frappé appel de la décision. Le parquet lui a disposé de 5 jours supplémentaires pour faire ce qu'on appelle un appel incident et puis il a décidé de faire du cas par cas, c'est-à-dire de ne pas diriger son appel contre tous les accusés, ce qui aurait été un appel général. Voilà, il n'a pas fait ainsi, procédé ainsi, il a simplement fait appel à l'égard de ceux qui eux-mêmes avaient exercé ce droit. Aux dernières nouvelles, il y a eu des désistements, puisque en début février, la cour d'appel de Nîmes indiquait que seulement 11 accusés maintenaient leur appel.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Donc comme vous l'avez dit, le procès va se dérouler cette fois-ci en présence d'un jury populaire. Quel va être leur rôle ? Qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors on retombe ici sur la procédure classique de l'appel en matière criminelle avec une cour d'assises d'appel puisque la loi n'a pas fait le choix de créer de cour criminelle départementale d'appel. En appel donc les jurés sont au nombre de 9 contre 6 en première instance et il va falloir procéder à la composition de ce jury, sachant qu'ici le code de procédure pénale règle la question de cette composition en donnant la possibilité. à l'accusé ou à son avocat dans un premier temps, puis au ministère public de récuser des jurés sans avoir même à s'expliquer sur les raisons qui conduisent à les écarter. Lorsque la cour d'assises statue en appelle, l'accusé peut quand même récuser jusqu'à 5 jurés et le ministère public 4, 5 et 4 ça fait 9. Alors à mon sens c'est ici que la défense va avoir un vrai rôle à jouer. puisqu'il s'agit d'infractions de nature sexuelle et qui plus est commises dans un contexte tout particulier. Et on pourrait se dire que récuser par exemple des femmes serait quelque chose d'indispensable du côté de la défense parce qu'on pourrait craindre ici un parti pris et inversement, le ministère public ici pourrait être amené à récuser des hommes dont on pourrait penser qu'ils seraient plutôt du côté des accusés. Quoique, à mon sens, ce n'est pas aussi évident que cela et je ne pense pas qu'il soit aussi facile de sonder les âmes et les cœurs. Toujours est-il qu'en cas de co-accusés, ce qui est le cas ici, il aurait possible de se concerter entre eux pour procéder aux récusations. Dernier point que je voudrais préciser, la partie civile, là où les parties civiles n'ont pas ce droit de récusation. La composition du jury ne leur appartient pas. Après, il est évident que la présence du jury va avoir un impact sur le déroulé des débats, j'ai envie de dire par leur présence, tout simplement. La présence du jury donne nécessairement une autre dimension au débat. Non seulement il va falloir être pédagogue avec ce jury, notamment en cas de déposition d'experts, il va falloir expliquer les règles de l'art, comment est-ce qu'on fait telle et telle expertise, etc. Mais surtout, le jury, je pense, participe à cette théâtralité toute particulière des assises. Un avocat qui écrit souvent sur le sujet estime d'ailleurs qu'on assise bon nombre d'incidents d'audience soulevés par les avocats ont justement pour objectif d'impressionner le jury. Alors déjà qu'en première instance il était chargé d'émotion, imaginez un petit peu ce que ça va être en appel. Sinon de façon plus technique, il y a un vrai enjeu au niveau des décisions puisque pour prendre une décision défavorable à l'accusé, donc le déclaré coupable, Il faut devant la cour d'assises d'appel, lui, voir, alors que devant la cour criminelle départementale, c'est la majorité qui est requise. Ils sont cinq, il suffit que trois disent oui à la condamnation pour que la décision passe. Lui, personne, ça ne me semble quand même pas être la même chose que trois. Même si à l'inverse, on pourrait dire que les jurés peuvent être plus influencés par le président de la cour d'assises. C'est ce qu'on a très bien vu dans un film qui est sorti cet hiver avec Daniel Auteuil, Le Fil. Les rapports, évidemment, ne sont pas les mêmes dans une cour criminelle départementale. Toujours est-il que cette différence de traitement en termes de voix fait partie des arguments de la QPC qui a été portée au Conseil constitutionnel concernant les cours criminels départementales. Mais le Conseil, dans une décision du 24 novembre 2023, a estimé qu'il n'y avait pas d'atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi, ni même au principe d'égalité des citoyens devant la justice.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc, est-ce que la présence du jury populaire, c'est susceptible aussi d'entraîner un changement de stratégie de la part des avocats ? Est-ce qu'ils peuvent amener de nouveaux arguments de fait ?

  • Speaker #0

    Alors là, c'est très difficile à mon sens de se prononcer. J'imagine, en toute logique, que si l'on fait appel, c'est que l'on envisage pouvoir emporter la conviction du jury, autant sur la question de la peine et donc espérer pouvoir être condamné à une peine moins lourde. voire également tenter carrément de convaincre le jury quant à son innocence. Alors à ce sujet, depuis la loi du 23 mars 2019, il faut noter que l'appel qui est formé par l'accusé ou le ministère public peut indiquer qu'il ne conteste pas les réponses données par la Cour d'assises sur la culpabilité et qu'il est limité simplement à la décision sur la peine, sachant qu'il ne sera pas possible par la suite de revenir sur cette limitation, ce que la Cour de cassation vient d'affirmer. dans une décision rendue le 23 octobre 2024. Donc c'est une façon ici de limiter ce qu'on appelle l'effet dévolutif de l'appel, un effet qui est naturellement limité par l'acte d'appel et la qualité de l'appelant. Néanmoins, il me semble qu'il y a une véritable volonté aujourd'hui de réglementer le jugement des crimes dans une optique de bonne administration de la justice et le fait qu'il soit permis de dire dès le départ Je limite mon appel à la peine, c'est à mon sens une manifestation évidente de cette volonté du législateur. Alors du coup, dans l'affaire qui nous concerne, il serait intéressant de savoir qui conteste quoi. On ne le sait pas. À mon sens, si changement de stratégie il y a, ce sera nécessairement sur la question de la peine, pour tenter de convaincre que les peines prononcées par la Cour criminale départementale ont été trop lourdes, compte tenu du profil, somme toute, tout à fait banal des accusés. Avec cette précision que dans la mesure où le parquet a fait un appel incident, ce que j'ai évoqué tout à l'heure, les peines prononcées en première instance pourront être tout à fait aggravées. Ce qui n'aurait pas été le cas s'il n'y avait pas eu cet appel incident, puisque dans ce cas-là, c'est le principe de l'interdiction de la réformation INPEUS qui s'applique et qui interdit d'accraver les peines en appel. L'absence de l'appel du parquet, ce n'est pas le cas. Après, vraiment sur le fond, à proprement parler de cette affaire, oui, de nouveaux arguments de faits pourront être apportés, de nouvelles pièces d'ailleurs également pourront être versées au débat, à condition bien entendu qu'elles soient contradictoirement discutées entre toutes les parties. Et à ce sujet, on considère que le président de la Cour d'assises peut tout à fait refuser le versement d'une nouvelle pièce s'il estime qu'elle n'est pas utile. Et que cette formalité de nature a prolongé inutilement les débats. Alors on peut tout à fait imaginer que même s'il n'y a plus entre guillemets que 11 accusés qui forment appel, le président ne souhaite certainement pas que ce procès s'éternise, déjà qu'il a été particulièrement long en première instance. En dernier lieu, je pense qu'il faut également préciser qu'à la différence de la Cour criminale départementale, qui statue en possession du dossier de la procédure, Ce n'est pas le cas de la cour d'assises ni de la cour d'assises d'appel qui n'a pas, pendant les délibérés, la possession de ce dossier. On ne peut pas le consulter, sauf demande express qui doit être faite dans ce sens. Donc les débats, bien sûr, auront toute leur importance.

  • Speaker #1

    D'accord. Et donc Dominique Pellicot, condamnée à 20 ans de réclusion criminelle, n'a pas fait appel à cette décision, mais sera présent en tant que témoin. Donc qu'est-ce que cela implique ?

  • Speaker #0

    Alors déjà, j'ai envie de vous dire, ça implique qu'il défère la convocation, sachant que s'il n'y défère pas, il est passible d'une amende de 3 750 euros. Et il peut même faire l'objet d'un mandat d'amené, c'est-à-dire qu'on est recours en force de l'ordre ici pour l'amené manu militari. Bon, s'il est, c'est le cas, incarcéré, ça règle la question, mais voilà, c'est le principe du mandat d'amené. Après, la question se pose de savoir si on peut l'obliger, par exemple, à prêter serment, est-ce qu'on peut l'obliger même à témoigner, à parler, parce que je crois qu'il a mentionné le fait qu'il n'avait plus vraiment envie d'évoquer cette affaire. Alors ici, il faut dire qu'il est condamné définitivement, donc il ne bénéficie plus de ce qu'on appelle le droit au silence. lequel est garanti par l'article préliminaire du code de procédure pénale, oui, il est garanti à toute personne qui est suspectée ou poursuivie, ce qui n'est manifestement plus le cas ici. En revanche, le code considère que le témoin qui refuse de prêter serment ou qui refuse également de faire sa déposition peut être condamné à la même peine d'amende que j'évoquais tout à l'heure de 3 750 euros par la Cour d'assises. Alors ça va quand même être une situation particulière dans la mesure où tout le monde, que ce soit le parquet ou les autres accusés, ont intérêt à ce qu'ils soient cités comme témoins, qu'ils répondent aux questions. Tout le monde a intérêt, alors peut-être pas dans le même sens, certainement pas, tout le monde sauf lui. Voilà, donc situation un peu particulière bien entendu avec cette précision que depuis la loi confiance du 22 décembre 2021, Et toujours dans une optique de bonne administration de la justice, est organisée en amont de la tenue des assises une réunion préparatoire criminelle qui a pour objectif ici de trouver un accord entre le ministère public et les avocats des partis sur la liste des témoins, la liste des experts qui seront cités à l'audience, sur leur ordre de déposition et sur la durée de l'audience. Ce qui n'exclut pas par la suite de pouvoir citer d'autres témoins, bien entendu.

  • Speaker #1

    Merci pour votre réponse. Si la cour d'assises de Nîmes rend une décision différente de celle rendue par la cour criminelle de Vaucluse, quelles en seraient les conséquences ?

  • Speaker #0

    Alors, à mon sens, ça serait une situation totalement inédite. On a même du mal à la concevoir. Totalement inédite, mais très intéressante. Je vais vous dire tout de suite pourquoi. Parce qu'on pourrait se demander si M. Piliquot ne serait pas... finalement, en droit de demander une révision de son procès. À partir du moment où sa décision est devenue définitive, il ne peut plus la contester, sauf s'il vient à se produire un fait nouveau ou que soit révélé un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir l'innocence du condamné ou à faire naître un doute sur sa culpabilité. Ce sont les dispositions du code de procédure pénale concernant les conditions de ce recours. en révision du procès. Parce que l'acquittement d'un co-accusé reviendrait à dire que, pour certains faits, du moins ceux dont il s'agit, le consentement de Mme Pélico n'aurait peut-être pas été outrepassé. Et lorsque M. Pélico a agi de concert, nécessairement, cet acquittement pourrait être regardé comme un élément nouveau. Mais moi, ça me paraît quand même difficile à concevoir, peut-être, éventuellement, pour ceux qui sont condamnés pour tentative de viol, arriver à démontrer que le commencement d'exécution n'est pas caractérisé. Mais là encore, ça me paraîtrait extrêmement inédit.

  • Speaker #1

    Merci Madame Gallardo de nous avoir éclairé sur ce sujet, d'avoir répondu à nos questions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé. N'hésitez pas à le partager autour de vous, à nous faire part de vos retours et à nous suggérer des thématiques futures. A très bientôt pour un nouvel épisode de CodeCast. Merci à toutes et à tous. Au revoir.

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