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#34 Code'Cast : L'affaire Le Scouarnec cover
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Code'Cast - Parlons droit !

#34 Code'Cast : L'affaire Le Scouarnec

#34 Code'Cast : L'affaire Le Scouarnec

11min |15/05/2025|

265

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#34 Code'Cast : L'affaire Le Scouarnec

#34 Code'Cast : L'affaire Le Scouarnec

11min |15/05/2025|

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Description

Comment un chirurgien, condamné dès 2005 pour détention d’images pédopornographiques, a-t-il pu continuer à exercer auprès de mineurs pendant des années ? Avec Madame Laura Pignatel, maître de conférences en droit privé et directrice du Master 2 Criminologie d’Aix-Marseille, nous revenons sur les principales qualifications pénales retenues dans l'affaire Le Scouarnec. Nous évoquons aussi la personnalité de l’auteur et les mécanismes juridiques au cœur de l’affaire. Prescription, amnésie médicamenteuse et responsabilité des proches et des institutions : un épisode essentiel pour comprendre les défis de la justice pénale face aux violences sexuelles.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codecast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous,

  • Speaker #1

    aujourd'hui Codecast est de retour pour un épisode consacré à l'affaire Le Scouarnec. Pour discuter de ce sujet, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Laura Pignatel, maître de conférence en droit privé et sciences criminelles, ainsi que directrice du Master 2 Criminologie.

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous rappeler les faits de l'affaire Joël Le Scouarnec, ainsi que le contexte dans lequel ces crimes ont été révélés ? Quelles infractions ont été retenues et quelles peines encourt-ils selon le droit pénal ?

  • Speaker #0

    Joël Le Scouarnec, c'est un ancien chirurgien qui est jugé depuis début du mois de février par la Cour criminelle du Morbihan à Vannes, un procès qui durera 4 mois. C'est un ancien chirurgien qui est jugé pour des viols. aggravés et des agressions sexuelles qu'il aurait commis pendant des décennies sur de nombreuses victimes, on parle de 300 victimes, qui la plupart étaient mineures au moment des faits et endormies puisqu'elles se trouvaient en salle de réveil. Les peines encourues sont particulièrement élevées en matière de viols aggravés, on est sur des peines de 20 ans de réclusion criminelle et en matière d'agressions sexuelles aggravées, plus de 10 ans d'emprisonnement également. Le contexte, il est vraiment particulier, puisque pendant des années, il a eu un comportement suspect à son travail, dans sa famille. Tout le monde savait ou ne savait pas, personne n'a rien dit. Et en réalité, il a fallu attendre qu'une petite voisine, âgée de 6 ans, dénonce un viol commis par Joël Le Squarnec. On est en mai 2017 et son domicile est alors perquisitionné. Les enquêteurs découvrent alors... sur son ordinateur des images à caractère pédopornographique, mais surtout une sorte de carnet noir ou un journal intime qu'il a tenu et qui détaillait le nom et l'âge de ses victimes, ainsi que les actes commis à l'occasion de son activité.

  • Speaker #1

    Comment la personnalité de l'auteur est-elle évaluée d'un point de vue criminologique ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que Joël Le Squarnec a l'air d'avoir une personnalité bien... particulière. Alors pour évaluer la personnalité, il y a plusieurs tests. Parmi le plus connu, le test de Rorschach qui est un diagnostic psychologique, un outil d'évaluation psychologique. On le connaît puisqu'on le présente généralement avec des planches avec des tâches noires et l'intéressé doit dire ce qu'il voit. Il est vrai que la personnalité de l'auteur elle est étudiée à la fois d'un point de vue criminologique et juridique. Puisque la criminologie s'est toujours intéressée à l'étude de la personnalité, il y a longtemps par les travaux de Lombroso sur la personnalité du délinquant, l'homme criminel, et puis ensuite certains auteurs spécialistes de criminologie ont tenté d'identifier une personnalité criminelle avec des traits particuliers de personnalité. Et la criminologie s'intéresse doublement à la personnalité. C'est la personnalité. dans la manière dont elle se forme, c'est-à-dire avant l'acte, avec la distinction entre ce qui est inné, ce qui est acquis, et aussi l'étude de la personnalité au moment de l'acte, c'est-à-dire la personnalité comme facteur déclenchant, cette fois-ci, de l'action criminelle, et pas comme un facteur prédisposant à l'action criminelle. De fait, on voit le lien et l'importance de la personnalité en criminologie et en droit pénal, puisqu'il faut bien comprendre que ... Quand on est à l'occasion d'un procès pénal, on juge des faits qui sont commis par une personne, mais on juge aussi de ce qu'elle est. Et donc, la personnalité et l'enquête de personnalité va avoir une importance considérable en droit.

  • Speaker #1

    Vous avez dit, cette affaire met en lumière le rôle du silence des témoins, notamment de la famille, dans la carrière des pédophiles. D'un point de vue juridique, comment ces personnes peuvent-elles être impliquées ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est la CIVIS, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, qui avait souligné à propos de l'affaire Le Squarnec, le fait que les silences de la famille étaient particulièrement importants, qu'ils avaient fabriqué la carrière de ce criminel, et soulignait que les carrières pédocriminelles sont construites non pas par des monstres en tant que tels, mais par les silences successifs des témoins. et de l'entourage. Et c'est vrai que lorsque l'on regarde avec attention l'affaire Le Squarnec, il apparaît que dès les années 1980, des premiers attouchements étaient évoqués par des nièces, par l'entourage, et donc se pose la question de savoir est-ce que son épouse, est-ce que ses enfants savaient, est-ce qu'ils peuvent se rendre complices ? par aide ou par assistance, est-ce qu'ils étaient au courant de crimes qu'ils auraient déjà commis et ils n'ont rien dit ? Donc là, c'est plus de la non-dénonciation de crimes commis sur mineurs. Et donc, c'est délicat, puisque dans tous les cas, il faut rapporter la preuve de l'intention, de cet élément intentionnel, de ces différentes infractions, aussi bien pour la complicité, puisqu'il y a un élément particulier intentionnel, ou pour d'autres choses. Et rapporter la preuve de cet élément intentionnel, c'est difficile puisque le simple doute ne suffit pas.

  • Speaker #1

    Qu'en est-il de la question de la prescription de l'amnésie médicamenteuse dans cette affaire ? Et comment ces éléments influencent-ils la procédure pénale et le mode opératoire de l'enquête ?

  • Speaker #0

    L'affaire Le Squarnec a donné lieu à un arrêt de la Chambre criminelle rendu le 21 juin 2023. Et dans cette affaire se posait véritablement la question de la prescription. et de l'amnésie médicamenteuse. À titre préliminaire, il faut préciser que là, il s'agit d'amnésie médicamenteuse et pas d'amnésie traumatique, qui est autre chose, qui est une amnésie du cerveau, qui fait que le souvenir va être enfoui dans le cerveau en raison du trauma et la mémoire traumatique va ressurgir des années après. Là, ce n'est pas le cas. On est sur de l'amnésie médicamenteuse, donc amnésie, c'est-à-dire les victimes ne s'en souviennent pas. mais médicamenteuse parce qu'elle est due à la prise de médicaments, puisqu'il faut rappeler que les victimes étaient endormies, c'est à la suite d'opérations, et alors qu'elles étaient en salle de réveil que l'intéressé a commis les faits. Juridiquement, la question se pose de savoir si cette amnésie médicamenteuse peut être assimilée à un obstacle insurmontable, assimilable à la force majeure, au sens du code de procédure. pénale qui fait que le délai de prescription va pouvoir être suspendu et c'était d'ailleurs un des moyens du pourvoi de Joël Le Squarnec qui lui contestait l'existence de cet obstacle puisque selon lui, l'absence de souvenir trouverait son origine dans le fait que l'infraction aurait été commise par une victime endormie ou anesthésiée mais que ça n'était pas un obstacle insurmontable au sens du droit. Heureusement. La Cour de cassation n'a pas retenu cet argument et effectivement, la plupart des faits ont pu ne pas être prescrits, non seulement parce qu'il y avait circonstances aggravantes d'autorité qui rend la peine et le délai plus long en matière d'infractions sexuelles commises sur les mineurs, mais aussi parce que la Cour a considéré qu'il y avait un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites.

  • Speaker #1

    Malgré la condamnation de Joël Le Scornec en 2005 pour détention d'images pédopornographiques, il a pu continuer à exercer auprès de mineurs, même après que le Conseil national de l'ordre des médecins ait été alerté et ait tenté d'obtenir le jugement en 2006. Suite à cela, l'association La Voix de l'Enfant a porté plainte contre X pour mise en danger d'autrui. Quelles pourraient être les conséquences de cette plainte ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que La Voix de l'Enfant... a déposé plainte pour mise en danger d'autrui, parce qu'elle considère qu'un nombre important de victimes se trouvaient concernées par les inactions, les infractions qui avaient été commises. Alors, c'est particulier, puisque, en réalité, l'Ordre a été informé des infractions qui avaient été commises par Joël Le Squarnec. Et le Code de la santé publique prévoit un principe que lorsqu'un médecin est condamné par une juridiction pénale, l'ordre peut prononcer des sanctions disciplinaires qui sont prévues dans le Code de la santé publique, qui peuvent aller de l'avertissement, première sanction, à l'interdiction temporaire d'exercice, qui peut ne pas être supérieure à trois ans, ou pire, la radiation. Sauf que... Pour que ces dispositions soient applicables, il faut que l'autorité judiciaire avise sans délai le Conseil national de l'ordre de cette condamnation devenue définitive. Et ensuite, le Conseil national de l'ordre a un certain délai, il semblerait six mois, pour engager une action disciplinaire. Or, si l'autorité judiciaire a tardé à informer le Conseil de l'ordre, ou si le délai finalement s'est écoulé, eh bien, aucune sanction disciplinaire n'a pu être prononcée. Et donc, je pense que c'est un moyen de contourner en réalité cette procédure par un dépôt de plainte pour mise en danger. Dans ce cadre-là, la peine encourue est de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, peine principale assortie de peine complémentaire ensuite.

  • Speaker #1

    D'accord, merci. Dernière question, concernant la demande de l'ordre des médecins de quitter le banc des parties civiles, comment cette décision pourrait-elle affecter le déroulement du procès ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a pu voir de nombreux articles publiés sur cette question qui peut choquer certains, puisque le Conseil de l'Ordre, en fait, s'est constitué partie civile, c'est-à-dire qu'il invoque un préjudice personnel et direct de l'infraction commise. Mais à côté de ça, des personnes ont manifesté, d'ailleurs devant la Cour criminelle de Vannes, considérant en réalité que c'était absurde, que c'était indécent, que le Conseil de l'Ordre alors même qu'il avait gardé le silence et qu'il apparemment n'avait rien fait pendant des années, ce qui pour certains s'apparente à de la complicité, même si c'est assez difficile de l'entendre. Et donc ils n'ont pas compris, et pour eux c'était impensable, que le Conseil de l'Ordre se constitue partie civile. C'était notamment un des avocats d'une autre partie civile qui avait déclaré que c'était vraiment indécent. Et il invitait le Conseil de l'Ordre à quitter le banc des parties civiles, c'est-à-dire à se désister. de la constitution de partie civile. Alors, a priori, la constitution de partie civile a été déclarée recevable. Il est vrai que le code de procédure pénale prévoit la possibilité de se désister, et même au temps de l'audience, parce que ça se fait oralement notamment. Mais là, il est difficile pour moi de vous répondre, puisqu'on n'est pas à l'audience, et donc on ne sait pas ce qui s'est passé ou ce qui ne se passera.

  • Speaker #1

    D'accord, merci beaucoup, madame Pignatel, pour ces précisions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé, n'hésitez pas à le partager et à nous faire part de vos retours. Nous vous retrouvons prochainement dans un nouvel épisode, merci à toutes et à tous, au revoir !

Description

Comment un chirurgien, condamné dès 2005 pour détention d’images pédopornographiques, a-t-il pu continuer à exercer auprès de mineurs pendant des années ? Avec Madame Laura Pignatel, maître de conférences en droit privé et directrice du Master 2 Criminologie d’Aix-Marseille, nous revenons sur les principales qualifications pénales retenues dans l'affaire Le Scouarnec. Nous évoquons aussi la personnalité de l’auteur et les mécanismes juridiques au cœur de l’affaire. Prescription, amnésie médicamenteuse et responsabilité des proches et des institutions : un épisode essentiel pour comprendre les défis de la justice pénale face aux violences sexuelles.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codecast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous,

  • Speaker #1

    aujourd'hui Codecast est de retour pour un épisode consacré à l'affaire Le Scouarnec. Pour discuter de ce sujet, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Laura Pignatel, maître de conférence en droit privé et sciences criminelles, ainsi que directrice du Master 2 Criminologie.

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous rappeler les faits de l'affaire Joël Le Scouarnec, ainsi que le contexte dans lequel ces crimes ont été révélés ? Quelles infractions ont été retenues et quelles peines encourt-ils selon le droit pénal ?

  • Speaker #0

    Joël Le Scouarnec, c'est un ancien chirurgien qui est jugé depuis début du mois de février par la Cour criminelle du Morbihan à Vannes, un procès qui durera 4 mois. C'est un ancien chirurgien qui est jugé pour des viols. aggravés et des agressions sexuelles qu'il aurait commis pendant des décennies sur de nombreuses victimes, on parle de 300 victimes, qui la plupart étaient mineures au moment des faits et endormies puisqu'elles se trouvaient en salle de réveil. Les peines encourues sont particulièrement élevées en matière de viols aggravés, on est sur des peines de 20 ans de réclusion criminelle et en matière d'agressions sexuelles aggravées, plus de 10 ans d'emprisonnement également. Le contexte, il est vraiment particulier, puisque pendant des années, il a eu un comportement suspect à son travail, dans sa famille. Tout le monde savait ou ne savait pas, personne n'a rien dit. Et en réalité, il a fallu attendre qu'une petite voisine, âgée de 6 ans, dénonce un viol commis par Joël Le Squarnec. On est en mai 2017 et son domicile est alors perquisitionné. Les enquêteurs découvrent alors... sur son ordinateur des images à caractère pédopornographique, mais surtout une sorte de carnet noir ou un journal intime qu'il a tenu et qui détaillait le nom et l'âge de ses victimes, ainsi que les actes commis à l'occasion de son activité.

  • Speaker #1

    Comment la personnalité de l'auteur est-elle évaluée d'un point de vue criminologique ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que Joël Le Squarnec a l'air d'avoir une personnalité bien... particulière. Alors pour évaluer la personnalité, il y a plusieurs tests. Parmi le plus connu, le test de Rorschach qui est un diagnostic psychologique, un outil d'évaluation psychologique. On le connaît puisqu'on le présente généralement avec des planches avec des tâches noires et l'intéressé doit dire ce qu'il voit. Il est vrai que la personnalité de l'auteur elle est étudiée à la fois d'un point de vue criminologique et juridique. Puisque la criminologie s'est toujours intéressée à l'étude de la personnalité, il y a longtemps par les travaux de Lombroso sur la personnalité du délinquant, l'homme criminel, et puis ensuite certains auteurs spécialistes de criminologie ont tenté d'identifier une personnalité criminelle avec des traits particuliers de personnalité. Et la criminologie s'intéresse doublement à la personnalité. C'est la personnalité. dans la manière dont elle se forme, c'est-à-dire avant l'acte, avec la distinction entre ce qui est inné, ce qui est acquis, et aussi l'étude de la personnalité au moment de l'acte, c'est-à-dire la personnalité comme facteur déclenchant, cette fois-ci, de l'action criminelle, et pas comme un facteur prédisposant à l'action criminelle. De fait, on voit le lien et l'importance de la personnalité en criminologie et en droit pénal, puisqu'il faut bien comprendre que ... Quand on est à l'occasion d'un procès pénal, on juge des faits qui sont commis par une personne, mais on juge aussi de ce qu'elle est. Et donc, la personnalité et l'enquête de personnalité va avoir une importance considérable en droit.

  • Speaker #1

    Vous avez dit, cette affaire met en lumière le rôle du silence des témoins, notamment de la famille, dans la carrière des pédophiles. D'un point de vue juridique, comment ces personnes peuvent-elles être impliquées ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est la CIVIS, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, qui avait souligné à propos de l'affaire Le Squarnec, le fait que les silences de la famille étaient particulièrement importants, qu'ils avaient fabriqué la carrière de ce criminel, et soulignait que les carrières pédocriminelles sont construites non pas par des monstres en tant que tels, mais par les silences successifs des témoins. et de l'entourage. Et c'est vrai que lorsque l'on regarde avec attention l'affaire Le Squarnec, il apparaît que dès les années 1980, des premiers attouchements étaient évoqués par des nièces, par l'entourage, et donc se pose la question de savoir est-ce que son épouse, est-ce que ses enfants savaient, est-ce qu'ils peuvent se rendre complices ? par aide ou par assistance, est-ce qu'ils étaient au courant de crimes qu'ils auraient déjà commis et ils n'ont rien dit ? Donc là, c'est plus de la non-dénonciation de crimes commis sur mineurs. Et donc, c'est délicat, puisque dans tous les cas, il faut rapporter la preuve de l'intention, de cet élément intentionnel, de ces différentes infractions, aussi bien pour la complicité, puisqu'il y a un élément particulier intentionnel, ou pour d'autres choses. Et rapporter la preuve de cet élément intentionnel, c'est difficile puisque le simple doute ne suffit pas.

  • Speaker #1

    Qu'en est-il de la question de la prescription de l'amnésie médicamenteuse dans cette affaire ? Et comment ces éléments influencent-ils la procédure pénale et le mode opératoire de l'enquête ?

  • Speaker #0

    L'affaire Le Squarnec a donné lieu à un arrêt de la Chambre criminelle rendu le 21 juin 2023. Et dans cette affaire se posait véritablement la question de la prescription. et de l'amnésie médicamenteuse. À titre préliminaire, il faut préciser que là, il s'agit d'amnésie médicamenteuse et pas d'amnésie traumatique, qui est autre chose, qui est une amnésie du cerveau, qui fait que le souvenir va être enfoui dans le cerveau en raison du trauma et la mémoire traumatique va ressurgir des années après. Là, ce n'est pas le cas. On est sur de l'amnésie médicamenteuse, donc amnésie, c'est-à-dire les victimes ne s'en souviennent pas. mais médicamenteuse parce qu'elle est due à la prise de médicaments, puisqu'il faut rappeler que les victimes étaient endormies, c'est à la suite d'opérations, et alors qu'elles étaient en salle de réveil que l'intéressé a commis les faits. Juridiquement, la question se pose de savoir si cette amnésie médicamenteuse peut être assimilée à un obstacle insurmontable, assimilable à la force majeure, au sens du code de procédure. pénale qui fait que le délai de prescription va pouvoir être suspendu et c'était d'ailleurs un des moyens du pourvoi de Joël Le Squarnec qui lui contestait l'existence de cet obstacle puisque selon lui, l'absence de souvenir trouverait son origine dans le fait que l'infraction aurait été commise par une victime endormie ou anesthésiée mais que ça n'était pas un obstacle insurmontable au sens du droit. Heureusement. La Cour de cassation n'a pas retenu cet argument et effectivement, la plupart des faits ont pu ne pas être prescrits, non seulement parce qu'il y avait circonstances aggravantes d'autorité qui rend la peine et le délai plus long en matière d'infractions sexuelles commises sur les mineurs, mais aussi parce que la Cour a considéré qu'il y avait un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites.

  • Speaker #1

    Malgré la condamnation de Joël Le Scornec en 2005 pour détention d'images pédopornographiques, il a pu continuer à exercer auprès de mineurs, même après que le Conseil national de l'ordre des médecins ait été alerté et ait tenté d'obtenir le jugement en 2006. Suite à cela, l'association La Voix de l'Enfant a porté plainte contre X pour mise en danger d'autrui. Quelles pourraient être les conséquences de cette plainte ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que La Voix de l'Enfant... a déposé plainte pour mise en danger d'autrui, parce qu'elle considère qu'un nombre important de victimes se trouvaient concernées par les inactions, les infractions qui avaient été commises. Alors, c'est particulier, puisque, en réalité, l'Ordre a été informé des infractions qui avaient été commises par Joël Le Squarnec. Et le Code de la santé publique prévoit un principe que lorsqu'un médecin est condamné par une juridiction pénale, l'ordre peut prononcer des sanctions disciplinaires qui sont prévues dans le Code de la santé publique, qui peuvent aller de l'avertissement, première sanction, à l'interdiction temporaire d'exercice, qui peut ne pas être supérieure à trois ans, ou pire, la radiation. Sauf que... Pour que ces dispositions soient applicables, il faut que l'autorité judiciaire avise sans délai le Conseil national de l'ordre de cette condamnation devenue définitive. Et ensuite, le Conseil national de l'ordre a un certain délai, il semblerait six mois, pour engager une action disciplinaire. Or, si l'autorité judiciaire a tardé à informer le Conseil de l'ordre, ou si le délai finalement s'est écoulé, eh bien, aucune sanction disciplinaire n'a pu être prononcée. Et donc, je pense que c'est un moyen de contourner en réalité cette procédure par un dépôt de plainte pour mise en danger. Dans ce cadre-là, la peine encourue est de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, peine principale assortie de peine complémentaire ensuite.

  • Speaker #1

    D'accord, merci. Dernière question, concernant la demande de l'ordre des médecins de quitter le banc des parties civiles, comment cette décision pourrait-elle affecter le déroulement du procès ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a pu voir de nombreux articles publiés sur cette question qui peut choquer certains, puisque le Conseil de l'Ordre, en fait, s'est constitué partie civile, c'est-à-dire qu'il invoque un préjudice personnel et direct de l'infraction commise. Mais à côté de ça, des personnes ont manifesté, d'ailleurs devant la Cour criminelle de Vannes, considérant en réalité que c'était absurde, que c'était indécent, que le Conseil de l'Ordre alors même qu'il avait gardé le silence et qu'il apparemment n'avait rien fait pendant des années, ce qui pour certains s'apparente à de la complicité, même si c'est assez difficile de l'entendre. Et donc ils n'ont pas compris, et pour eux c'était impensable, que le Conseil de l'Ordre se constitue partie civile. C'était notamment un des avocats d'une autre partie civile qui avait déclaré que c'était vraiment indécent. Et il invitait le Conseil de l'Ordre à quitter le banc des parties civiles, c'est-à-dire à se désister. de la constitution de partie civile. Alors, a priori, la constitution de partie civile a été déclarée recevable. Il est vrai que le code de procédure pénale prévoit la possibilité de se désister, et même au temps de l'audience, parce que ça se fait oralement notamment. Mais là, il est difficile pour moi de vous répondre, puisqu'on n'est pas à l'audience, et donc on ne sait pas ce qui s'est passé ou ce qui ne se passera.

  • Speaker #1

    D'accord, merci beaucoup, madame Pignatel, pour ces précisions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé, n'hésitez pas à le partager et à nous faire part de vos retours. Nous vous retrouvons prochainement dans un nouvel épisode, merci à toutes et à tous, au revoir !

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Comment un chirurgien, condamné dès 2005 pour détention d’images pédopornographiques, a-t-il pu continuer à exercer auprès de mineurs pendant des années ? Avec Madame Laura Pignatel, maître de conférences en droit privé et directrice du Master 2 Criminologie d’Aix-Marseille, nous revenons sur les principales qualifications pénales retenues dans l'affaire Le Scouarnec. Nous évoquons aussi la personnalité de l’auteur et les mécanismes juridiques au cœur de l’affaire. Prescription, amnésie médicamenteuse et responsabilité des proches et des institutions : un épisode essentiel pour comprendre les défis de la justice pénale face aux violences sexuelles.


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  • Speaker #0

    Codecast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous,

  • Speaker #1

    aujourd'hui Codecast est de retour pour un épisode consacré à l'affaire Le Scouarnec. Pour discuter de ce sujet, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Laura Pignatel, maître de conférence en droit privé et sciences criminelles, ainsi que directrice du Master 2 Criminologie.

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous rappeler les faits de l'affaire Joël Le Scouarnec, ainsi que le contexte dans lequel ces crimes ont été révélés ? Quelles infractions ont été retenues et quelles peines encourt-ils selon le droit pénal ?

  • Speaker #0

    Joël Le Scouarnec, c'est un ancien chirurgien qui est jugé depuis début du mois de février par la Cour criminelle du Morbihan à Vannes, un procès qui durera 4 mois. C'est un ancien chirurgien qui est jugé pour des viols. aggravés et des agressions sexuelles qu'il aurait commis pendant des décennies sur de nombreuses victimes, on parle de 300 victimes, qui la plupart étaient mineures au moment des faits et endormies puisqu'elles se trouvaient en salle de réveil. Les peines encourues sont particulièrement élevées en matière de viols aggravés, on est sur des peines de 20 ans de réclusion criminelle et en matière d'agressions sexuelles aggravées, plus de 10 ans d'emprisonnement également. Le contexte, il est vraiment particulier, puisque pendant des années, il a eu un comportement suspect à son travail, dans sa famille. Tout le monde savait ou ne savait pas, personne n'a rien dit. Et en réalité, il a fallu attendre qu'une petite voisine, âgée de 6 ans, dénonce un viol commis par Joël Le Squarnec. On est en mai 2017 et son domicile est alors perquisitionné. Les enquêteurs découvrent alors... sur son ordinateur des images à caractère pédopornographique, mais surtout une sorte de carnet noir ou un journal intime qu'il a tenu et qui détaillait le nom et l'âge de ses victimes, ainsi que les actes commis à l'occasion de son activité.

  • Speaker #1

    Comment la personnalité de l'auteur est-elle évaluée d'un point de vue criminologique ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que Joël Le Squarnec a l'air d'avoir une personnalité bien... particulière. Alors pour évaluer la personnalité, il y a plusieurs tests. Parmi le plus connu, le test de Rorschach qui est un diagnostic psychologique, un outil d'évaluation psychologique. On le connaît puisqu'on le présente généralement avec des planches avec des tâches noires et l'intéressé doit dire ce qu'il voit. Il est vrai que la personnalité de l'auteur elle est étudiée à la fois d'un point de vue criminologique et juridique. Puisque la criminologie s'est toujours intéressée à l'étude de la personnalité, il y a longtemps par les travaux de Lombroso sur la personnalité du délinquant, l'homme criminel, et puis ensuite certains auteurs spécialistes de criminologie ont tenté d'identifier une personnalité criminelle avec des traits particuliers de personnalité. Et la criminologie s'intéresse doublement à la personnalité. C'est la personnalité. dans la manière dont elle se forme, c'est-à-dire avant l'acte, avec la distinction entre ce qui est inné, ce qui est acquis, et aussi l'étude de la personnalité au moment de l'acte, c'est-à-dire la personnalité comme facteur déclenchant, cette fois-ci, de l'action criminelle, et pas comme un facteur prédisposant à l'action criminelle. De fait, on voit le lien et l'importance de la personnalité en criminologie et en droit pénal, puisqu'il faut bien comprendre que ... Quand on est à l'occasion d'un procès pénal, on juge des faits qui sont commis par une personne, mais on juge aussi de ce qu'elle est. Et donc, la personnalité et l'enquête de personnalité va avoir une importance considérable en droit.

  • Speaker #1

    Vous avez dit, cette affaire met en lumière le rôle du silence des témoins, notamment de la famille, dans la carrière des pédophiles. D'un point de vue juridique, comment ces personnes peuvent-elles être impliquées ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est la CIVIS, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, qui avait souligné à propos de l'affaire Le Squarnec, le fait que les silences de la famille étaient particulièrement importants, qu'ils avaient fabriqué la carrière de ce criminel, et soulignait que les carrières pédocriminelles sont construites non pas par des monstres en tant que tels, mais par les silences successifs des témoins. et de l'entourage. Et c'est vrai que lorsque l'on regarde avec attention l'affaire Le Squarnec, il apparaît que dès les années 1980, des premiers attouchements étaient évoqués par des nièces, par l'entourage, et donc se pose la question de savoir est-ce que son épouse, est-ce que ses enfants savaient, est-ce qu'ils peuvent se rendre complices ? par aide ou par assistance, est-ce qu'ils étaient au courant de crimes qu'ils auraient déjà commis et ils n'ont rien dit ? Donc là, c'est plus de la non-dénonciation de crimes commis sur mineurs. Et donc, c'est délicat, puisque dans tous les cas, il faut rapporter la preuve de l'intention, de cet élément intentionnel, de ces différentes infractions, aussi bien pour la complicité, puisqu'il y a un élément particulier intentionnel, ou pour d'autres choses. Et rapporter la preuve de cet élément intentionnel, c'est difficile puisque le simple doute ne suffit pas.

  • Speaker #1

    Qu'en est-il de la question de la prescription de l'amnésie médicamenteuse dans cette affaire ? Et comment ces éléments influencent-ils la procédure pénale et le mode opératoire de l'enquête ?

  • Speaker #0

    L'affaire Le Squarnec a donné lieu à un arrêt de la Chambre criminelle rendu le 21 juin 2023. Et dans cette affaire se posait véritablement la question de la prescription. et de l'amnésie médicamenteuse. À titre préliminaire, il faut préciser que là, il s'agit d'amnésie médicamenteuse et pas d'amnésie traumatique, qui est autre chose, qui est une amnésie du cerveau, qui fait que le souvenir va être enfoui dans le cerveau en raison du trauma et la mémoire traumatique va ressurgir des années après. Là, ce n'est pas le cas. On est sur de l'amnésie médicamenteuse, donc amnésie, c'est-à-dire les victimes ne s'en souviennent pas. mais médicamenteuse parce qu'elle est due à la prise de médicaments, puisqu'il faut rappeler que les victimes étaient endormies, c'est à la suite d'opérations, et alors qu'elles étaient en salle de réveil que l'intéressé a commis les faits. Juridiquement, la question se pose de savoir si cette amnésie médicamenteuse peut être assimilée à un obstacle insurmontable, assimilable à la force majeure, au sens du code de procédure. pénale qui fait que le délai de prescription va pouvoir être suspendu et c'était d'ailleurs un des moyens du pourvoi de Joël Le Squarnec qui lui contestait l'existence de cet obstacle puisque selon lui, l'absence de souvenir trouverait son origine dans le fait que l'infraction aurait été commise par une victime endormie ou anesthésiée mais que ça n'était pas un obstacle insurmontable au sens du droit. Heureusement. La Cour de cassation n'a pas retenu cet argument et effectivement, la plupart des faits ont pu ne pas être prescrits, non seulement parce qu'il y avait circonstances aggravantes d'autorité qui rend la peine et le délai plus long en matière d'infractions sexuelles commises sur les mineurs, mais aussi parce que la Cour a considéré qu'il y avait un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites.

  • Speaker #1

    Malgré la condamnation de Joël Le Scornec en 2005 pour détention d'images pédopornographiques, il a pu continuer à exercer auprès de mineurs, même après que le Conseil national de l'ordre des médecins ait été alerté et ait tenté d'obtenir le jugement en 2006. Suite à cela, l'association La Voix de l'Enfant a porté plainte contre X pour mise en danger d'autrui. Quelles pourraient être les conséquences de cette plainte ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que La Voix de l'Enfant... a déposé plainte pour mise en danger d'autrui, parce qu'elle considère qu'un nombre important de victimes se trouvaient concernées par les inactions, les infractions qui avaient été commises. Alors, c'est particulier, puisque, en réalité, l'Ordre a été informé des infractions qui avaient été commises par Joël Le Squarnec. Et le Code de la santé publique prévoit un principe que lorsqu'un médecin est condamné par une juridiction pénale, l'ordre peut prononcer des sanctions disciplinaires qui sont prévues dans le Code de la santé publique, qui peuvent aller de l'avertissement, première sanction, à l'interdiction temporaire d'exercice, qui peut ne pas être supérieure à trois ans, ou pire, la radiation. Sauf que... Pour que ces dispositions soient applicables, il faut que l'autorité judiciaire avise sans délai le Conseil national de l'ordre de cette condamnation devenue définitive. Et ensuite, le Conseil national de l'ordre a un certain délai, il semblerait six mois, pour engager une action disciplinaire. Or, si l'autorité judiciaire a tardé à informer le Conseil de l'ordre, ou si le délai finalement s'est écoulé, eh bien, aucune sanction disciplinaire n'a pu être prononcée. Et donc, je pense que c'est un moyen de contourner en réalité cette procédure par un dépôt de plainte pour mise en danger. Dans ce cadre-là, la peine encourue est de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, peine principale assortie de peine complémentaire ensuite.

  • Speaker #1

    D'accord, merci. Dernière question, concernant la demande de l'ordre des médecins de quitter le banc des parties civiles, comment cette décision pourrait-elle affecter le déroulement du procès ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a pu voir de nombreux articles publiés sur cette question qui peut choquer certains, puisque le Conseil de l'Ordre, en fait, s'est constitué partie civile, c'est-à-dire qu'il invoque un préjudice personnel et direct de l'infraction commise. Mais à côté de ça, des personnes ont manifesté, d'ailleurs devant la Cour criminelle de Vannes, considérant en réalité que c'était absurde, que c'était indécent, que le Conseil de l'Ordre alors même qu'il avait gardé le silence et qu'il apparemment n'avait rien fait pendant des années, ce qui pour certains s'apparente à de la complicité, même si c'est assez difficile de l'entendre. Et donc ils n'ont pas compris, et pour eux c'était impensable, que le Conseil de l'Ordre se constitue partie civile. C'était notamment un des avocats d'une autre partie civile qui avait déclaré que c'était vraiment indécent. Et il invitait le Conseil de l'Ordre à quitter le banc des parties civiles, c'est-à-dire à se désister. de la constitution de partie civile. Alors, a priori, la constitution de partie civile a été déclarée recevable. Il est vrai que le code de procédure pénale prévoit la possibilité de se désister, et même au temps de l'audience, parce que ça se fait oralement notamment. Mais là, il est difficile pour moi de vous répondre, puisqu'on n'est pas à l'audience, et donc on ne sait pas ce qui s'est passé ou ce qui ne se passera.

  • Speaker #1

    D'accord, merci beaucoup, madame Pignatel, pour ces précisions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé, n'hésitez pas à le partager et à nous faire part de vos retours. Nous vous retrouvons prochainement dans un nouvel épisode, merci à toutes et à tous, au revoir !

Description

Comment un chirurgien, condamné dès 2005 pour détention d’images pédopornographiques, a-t-il pu continuer à exercer auprès de mineurs pendant des années ? Avec Madame Laura Pignatel, maître de conférences en droit privé et directrice du Master 2 Criminologie d’Aix-Marseille, nous revenons sur les principales qualifications pénales retenues dans l'affaire Le Scouarnec. Nous évoquons aussi la personnalité de l’auteur et les mécanismes juridiques au cœur de l’affaire. Prescription, amnésie médicamenteuse et responsabilité des proches et des institutions : un épisode essentiel pour comprendre les défis de la justice pénale face aux violences sexuelles.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Codecast, podcast juridique de la Faculté de droit et de sciences politiques d'Aix-Marseille Université. Bonjour à toutes et à tous,

  • Speaker #1

    aujourd'hui Codecast est de retour pour un épisode consacré à l'affaire Le Scouarnec. Pour discuter de ce sujet, nous avons le plaisir d'accueillir Madame Laura Pignatel, maître de conférence en droit privé et sciences criminelles, ainsi que directrice du Master 2 Criminologie.

  • Speaker #0

    Bonjour à toutes et à tous.

  • Speaker #1

    Pouvez-vous nous rappeler les faits de l'affaire Joël Le Scouarnec, ainsi que le contexte dans lequel ces crimes ont été révélés ? Quelles infractions ont été retenues et quelles peines encourt-ils selon le droit pénal ?

  • Speaker #0

    Joël Le Scouarnec, c'est un ancien chirurgien qui est jugé depuis début du mois de février par la Cour criminelle du Morbihan à Vannes, un procès qui durera 4 mois. C'est un ancien chirurgien qui est jugé pour des viols. aggravés et des agressions sexuelles qu'il aurait commis pendant des décennies sur de nombreuses victimes, on parle de 300 victimes, qui la plupart étaient mineures au moment des faits et endormies puisqu'elles se trouvaient en salle de réveil. Les peines encourues sont particulièrement élevées en matière de viols aggravés, on est sur des peines de 20 ans de réclusion criminelle et en matière d'agressions sexuelles aggravées, plus de 10 ans d'emprisonnement également. Le contexte, il est vraiment particulier, puisque pendant des années, il a eu un comportement suspect à son travail, dans sa famille. Tout le monde savait ou ne savait pas, personne n'a rien dit. Et en réalité, il a fallu attendre qu'une petite voisine, âgée de 6 ans, dénonce un viol commis par Joël Le Squarnec. On est en mai 2017 et son domicile est alors perquisitionné. Les enquêteurs découvrent alors... sur son ordinateur des images à caractère pédopornographique, mais surtout une sorte de carnet noir ou un journal intime qu'il a tenu et qui détaillait le nom et l'âge de ses victimes, ainsi que les actes commis à l'occasion de son activité.

  • Speaker #1

    Comment la personnalité de l'auteur est-elle évaluée d'un point de vue criminologique ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que Joël Le Squarnec a l'air d'avoir une personnalité bien... particulière. Alors pour évaluer la personnalité, il y a plusieurs tests. Parmi le plus connu, le test de Rorschach qui est un diagnostic psychologique, un outil d'évaluation psychologique. On le connaît puisqu'on le présente généralement avec des planches avec des tâches noires et l'intéressé doit dire ce qu'il voit. Il est vrai que la personnalité de l'auteur elle est étudiée à la fois d'un point de vue criminologique et juridique. Puisque la criminologie s'est toujours intéressée à l'étude de la personnalité, il y a longtemps par les travaux de Lombroso sur la personnalité du délinquant, l'homme criminel, et puis ensuite certains auteurs spécialistes de criminologie ont tenté d'identifier une personnalité criminelle avec des traits particuliers de personnalité. Et la criminologie s'intéresse doublement à la personnalité. C'est la personnalité. dans la manière dont elle se forme, c'est-à-dire avant l'acte, avec la distinction entre ce qui est inné, ce qui est acquis, et aussi l'étude de la personnalité au moment de l'acte, c'est-à-dire la personnalité comme facteur déclenchant, cette fois-ci, de l'action criminelle, et pas comme un facteur prédisposant à l'action criminelle. De fait, on voit le lien et l'importance de la personnalité en criminologie et en droit pénal, puisqu'il faut bien comprendre que ... Quand on est à l'occasion d'un procès pénal, on juge des faits qui sont commis par une personne, mais on juge aussi de ce qu'elle est. Et donc, la personnalité et l'enquête de personnalité va avoir une importance considérable en droit.

  • Speaker #1

    Vous avez dit, cette affaire met en lumière le rôle du silence des témoins, notamment de la famille, dans la carrière des pédophiles. D'un point de vue juridique, comment ces personnes peuvent-elles être impliquées ?

  • Speaker #0

    Je crois que c'est la CIVIS, la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, qui avait souligné à propos de l'affaire Le Squarnec, le fait que les silences de la famille étaient particulièrement importants, qu'ils avaient fabriqué la carrière de ce criminel, et soulignait que les carrières pédocriminelles sont construites non pas par des monstres en tant que tels, mais par les silences successifs des témoins. et de l'entourage. Et c'est vrai que lorsque l'on regarde avec attention l'affaire Le Squarnec, il apparaît que dès les années 1980, des premiers attouchements étaient évoqués par des nièces, par l'entourage, et donc se pose la question de savoir est-ce que son épouse, est-ce que ses enfants savaient, est-ce qu'ils peuvent se rendre complices ? par aide ou par assistance, est-ce qu'ils étaient au courant de crimes qu'ils auraient déjà commis et ils n'ont rien dit ? Donc là, c'est plus de la non-dénonciation de crimes commis sur mineurs. Et donc, c'est délicat, puisque dans tous les cas, il faut rapporter la preuve de l'intention, de cet élément intentionnel, de ces différentes infractions, aussi bien pour la complicité, puisqu'il y a un élément particulier intentionnel, ou pour d'autres choses. Et rapporter la preuve de cet élément intentionnel, c'est difficile puisque le simple doute ne suffit pas.

  • Speaker #1

    Qu'en est-il de la question de la prescription de l'amnésie médicamenteuse dans cette affaire ? Et comment ces éléments influencent-ils la procédure pénale et le mode opératoire de l'enquête ?

  • Speaker #0

    L'affaire Le Squarnec a donné lieu à un arrêt de la Chambre criminelle rendu le 21 juin 2023. Et dans cette affaire se posait véritablement la question de la prescription. et de l'amnésie médicamenteuse. À titre préliminaire, il faut préciser que là, il s'agit d'amnésie médicamenteuse et pas d'amnésie traumatique, qui est autre chose, qui est une amnésie du cerveau, qui fait que le souvenir va être enfoui dans le cerveau en raison du trauma et la mémoire traumatique va ressurgir des années après. Là, ce n'est pas le cas. On est sur de l'amnésie médicamenteuse, donc amnésie, c'est-à-dire les victimes ne s'en souviennent pas. mais médicamenteuse parce qu'elle est due à la prise de médicaments, puisqu'il faut rappeler que les victimes étaient endormies, c'est à la suite d'opérations, et alors qu'elles étaient en salle de réveil que l'intéressé a commis les faits. Juridiquement, la question se pose de savoir si cette amnésie médicamenteuse peut être assimilée à un obstacle insurmontable, assimilable à la force majeure, au sens du code de procédure. pénale qui fait que le délai de prescription va pouvoir être suspendu et c'était d'ailleurs un des moyens du pourvoi de Joël Le Squarnec qui lui contestait l'existence de cet obstacle puisque selon lui, l'absence de souvenir trouverait son origine dans le fait que l'infraction aurait été commise par une victime endormie ou anesthésiée mais que ça n'était pas un obstacle insurmontable au sens du droit. Heureusement. La Cour de cassation n'a pas retenu cet argument et effectivement, la plupart des faits ont pu ne pas être prescrits, non seulement parce qu'il y avait circonstances aggravantes d'autorité qui rend la peine et le délai plus long en matière d'infractions sexuelles commises sur les mineurs, mais aussi parce que la Cour a considéré qu'il y avait un obstacle insurmontable à l'exercice des poursuites.

  • Speaker #1

    Malgré la condamnation de Joël Le Scornec en 2005 pour détention d'images pédopornographiques, il a pu continuer à exercer auprès de mineurs, même après que le Conseil national de l'ordre des médecins ait été alerté et ait tenté d'obtenir le jugement en 2006. Suite à cela, l'association La Voix de l'Enfant a porté plainte contre X pour mise en danger d'autrui. Quelles pourraient être les conséquences de cette plainte ?

  • Speaker #0

    C'est vrai que La Voix de l'Enfant... a déposé plainte pour mise en danger d'autrui, parce qu'elle considère qu'un nombre important de victimes se trouvaient concernées par les inactions, les infractions qui avaient été commises. Alors, c'est particulier, puisque, en réalité, l'Ordre a été informé des infractions qui avaient été commises par Joël Le Squarnec. Et le Code de la santé publique prévoit un principe que lorsqu'un médecin est condamné par une juridiction pénale, l'ordre peut prononcer des sanctions disciplinaires qui sont prévues dans le Code de la santé publique, qui peuvent aller de l'avertissement, première sanction, à l'interdiction temporaire d'exercice, qui peut ne pas être supérieure à trois ans, ou pire, la radiation. Sauf que... Pour que ces dispositions soient applicables, il faut que l'autorité judiciaire avise sans délai le Conseil national de l'ordre de cette condamnation devenue définitive. Et ensuite, le Conseil national de l'ordre a un certain délai, il semblerait six mois, pour engager une action disciplinaire. Or, si l'autorité judiciaire a tardé à informer le Conseil de l'ordre, ou si le délai finalement s'est écoulé, eh bien, aucune sanction disciplinaire n'a pu être prononcée. Et donc, je pense que c'est un moyen de contourner en réalité cette procédure par un dépôt de plainte pour mise en danger. Dans ce cadre-là, la peine encourue est de un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, peine principale assortie de peine complémentaire ensuite.

  • Speaker #1

    D'accord, merci. Dernière question, concernant la demande de l'ordre des médecins de quitter le banc des parties civiles, comment cette décision pourrait-elle affecter le déroulement du procès ?

  • Speaker #0

    C'est vrai qu'on a pu voir de nombreux articles publiés sur cette question qui peut choquer certains, puisque le Conseil de l'Ordre, en fait, s'est constitué partie civile, c'est-à-dire qu'il invoque un préjudice personnel et direct de l'infraction commise. Mais à côté de ça, des personnes ont manifesté, d'ailleurs devant la Cour criminelle de Vannes, considérant en réalité que c'était absurde, que c'était indécent, que le Conseil de l'Ordre alors même qu'il avait gardé le silence et qu'il apparemment n'avait rien fait pendant des années, ce qui pour certains s'apparente à de la complicité, même si c'est assez difficile de l'entendre. Et donc ils n'ont pas compris, et pour eux c'était impensable, que le Conseil de l'Ordre se constitue partie civile. C'était notamment un des avocats d'une autre partie civile qui avait déclaré que c'était vraiment indécent. Et il invitait le Conseil de l'Ordre à quitter le banc des parties civiles, c'est-à-dire à se désister. de la constitution de partie civile. Alors, a priori, la constitution de partie civile a été déclarée recevable. Il est vrai que le code de procédure pénale prévoit la possibilité de se désister, et même au temps de l'audience, parce que ça se fait oralement notamment. Mais là, il est difficile pour moi de vous répondre, puisqu'on n'est pas à l'audience, et donc on ne sait pas ce qui s'est passé ou ce qui ne se passera.

  • Speaker #1

    D'accord, merci beaucoup, madame Pignatel, pour ces précisions. Nous espérons que cet épisode vous a intéressé, n'hésitez pas à le partager et à nous faire part de vos retours. Nous vous retrouvons prochainement dans un nouvel épisode, merci à toutes et à tous, au revoir !

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