Speaker #0Bienvenue dans les minutes du crime, une série d'épisodes hebdomadaires qui fait partie du podcast Contre-Enquête. Aujourd'hui, nous allons découvrir l'affaire de Joseph Vaché, surnommé le Jack l'éventreur du Sud-Est. Un homme qui est considéré comme l'un des tout premiers tueurs en série en France. Son histoire est particulièrement intéressante à deux niveaux. Elle marque tout d'abord un moment tout à fait nouveau dans les méthodes d'enquête criminelle et elle pose aussi des questions toujours actuelles sur la mise en œuvre de la responsabilité pénale face à la folie. Le cas de Vaché, par ses actes extrêmes et sa personnalité énigmatique, devient alors un sujet de fascination médiatique et de débats publics intenses. Les journaux de l'époque, qui vont profiter de l'appétit grandissant du public pour les récits sensationnels, vont diffuser largement les détails de ces crimes, contribuant ainsi à la construction de l'image du monstre. Ce tueur monstrueux, que vont décrire plus tard les journaux, est né en novembre 1869 dans un petit village de l'Isère. Après une enfance difficile au cours de laquelle son frère jumeau décédera d'un accident et une jeunesse troublée, puis un passage déstabilisant dans l'armée, Vaché commence alors à voyager à travers le pays. Sa vie de vagabondage débute véritablement après un internement en asile psychiatrique d'où il ressort prétendument guéri. Soupçonné d'avoir assassiné un jeune garçon de 10 ans en 1884, Vaché se lancera en mai 1894 dans une sinistre série de meurtres commis à travers la France. Il commencera cette série criminelle par l'assassinat sauvage d'Eugénie Delhomme, une jeune femme âgée de 21 ans. Ce meurtre, caractérisé par une brutalité extrême, est suivi par une série d'attaques similaires entre 1894 et 1897. Vaché choisit principalement des victimes isolées, souvent des jeunes femmes ou des enfants, dans les régions rurales de France. Son mode opératoire inclut l'étranglement, la mutilation et des violences sexuelles post-mortem, créant évidemment un climat qui terrifie la population et défie les autorités. Les enquêteurs sont confrontés à un adversaire qui semble alors insaisissable et qui utilise son statut de vagabond pour se déplacer rapidement sans se faire remarquer. Chaque crime laisse derrière lui des communautés en état de choc et en profond désarroi, exacerbant la peur et l'urgence de capturer le criminel. Ce n'est qu'en 1897, après des années de terreur et une enquête minutieuse, que la police va parvenir enfin à faire le lien entre la série de crimes et Joseph Vaché, suite à son arrestation pour une tentative d'agression. Cette arrestation de Joseph Vaché intervient en août 1897 et elle est le résultat d'une convergence d'efforts de différents corps de police et surtout de l'acuité et de l'acharnement d'un juge d'instruction, Émile Fourquet, qui joue un rôle déterminant dans la résolution du cas. Après l'arrestation de Vaché, en effet, pour une tentative d'agression sur une fermière, Fourquet est intrigué par les similitudes entre cette affaire et d'autres meurtres non résolus dans la région. Il décide donc d'approfondir la chose. Il commence par rassembler toutes les informations disponibles sur les meurtres attribués à Vaché, recoupant les témoignages, les descriptions physiques, les lieux et les modes opératoires. Cette méthode, qu'on nommera bien plus tard le profilage criminel, permet à Fourquet de faire un lien entre Vaché et une série de crimes horribles tous commis à travers la France. La capacité de Fourquet à connecter des cas qui peuvent sembler disparates illustre alors l'évolution des techniques d'enquête de l'époque, marquant un profond changement dans la manière dont les crimes sériels étaient traités par les policiers et les juges. Ce sera ensuite l'interrogatoire de Vaché qui va se révéler tout aussi décisif. Face aux preuves accablantes et aux pressions constantes de Fourquet, Vachier va commencer à avouer ses crimes, détaillant ses actions avec une précision qui glace le sang. Ses aveux sont une percée majeure permettant non seulement de confirmer ses responsabilités dans les meurtres, mais aussi d'apporter un certain soulagement aux communautés éprouvées par des années de peur et d'incertitude. Au total, Vaché est suspecté d'avoir tué une trentaine de personnes, bien qu'il n'ait avoué que onze de ses meurtres. Sa signature brutale, son choix des victimes vulnérables, ajoute à l'horreur de ses crimes, La perspicacité et la détermination du juge Fourquet ont donc fait un lien essentiel entre les différents crimes en utilisant une méthode qui est considérée aujourd'hui comme la base de l'enquête criminelle moderne. Une fois le dossier du juge terminé, le procès de Joseph Vaché va s'ouvrir le 26 octobre 1898 devant la cour d'assises de Lens, attirant une attention médiatique considérable. Malgré les tentatives de la défense de plaider la folie, argant que Joseph Vaché souffrait de troubles mentaux qui le rendraient irresponsable de ses actes, les preuves accablantes présentées par l'accusation et les aveux détaillés du prévenu parviennent à convaincre le jury du contraire. Les délibérations sont extrêmement brèves et après seulement 15 minutes, Vaché est reconnu coupable de tous les crimes qui lui sont imputés et condamné à la peine de mort. L'exécution par guillotine a lieu le 31 décembre 1898, marquant ainsi la fin tragique de l'un des tueurs en série les plus notoires de l'histoire française. Le verdict soulève évidemment des questions toujours pertinentes sur la manière dont la justice traite les criminels présentant des troubles psychiatriques graves. Bien que Vaché ait été jugé pleinement responsable, le débat sur son état mental illustre les complexités de la relation entre la santé mentale, et la responsabilité pénale. Cette affaire a d'ailleurs contribué à des discussions juridiques et éthiques qui perdurent jusqu'à aujourd'hui sur les critères précis de la responsabilité pénale et la façon dont le système de justice doit gérer les accusés souffrant de troubles mentaux graves. Ce cas a également mis en lumière les limites et les connaissances médicales et psychiatriques de l'époque en matière de criminalité. Les experts, appelés à témoigner lors du procès, ont présenté des opinions très divergentes sur l'état de santé mentale de Vaché, reflétant l'état du débat scientifique de l'époque sur la définition de la folie criminelle. L'affaire Vaché, au-delà de l'horreur des crimes commis, reste un jalon important dans l'histoire de la justice pénale en France, soulignant la nécessité d'une approche nuancée et scientifiquement bien informée pour juger les actes criminels liés à des pathologies psychiatriques. Ce récit est maintenant terminé. Le traitement policier de ce dossier, sous-estimé dans les récits de l'affaire qui s'intéresse plutôt aux détails des sévices subis par les victimes, a été exemplaire et a posé, bien avant les profileurs américains du FBI, les premières grandes lignes de l'analyse criminelle en matière de crimes sériels. C'était les minutes du crime. Je vous dis à bientôt et surtout n'oubliez pas de vous abonner au podcast Contre-Enquête sur Spotify ou Apple Podcast pour ne rien manquer des prochains épisodes de cette série et des autres séries du podcast.