- Speaker #0
Décarbonons la culture, c'est le podcast qui donne la parole aux professionnels du secteur culturel qui ont expérimenté des actions pour rendre leurs activités plus résilientes face aux enjeux énergétiques et climatiques. Ce podcast est réalisé par les shifters, les bénévoles du Shift Project. Dans cet épisode, nous allons parler de l'initiative de l'association Avignon Festival & Compagnie, AFSC, qui est la structure qui coordonne le festival Off d'Avignon. Lors de l'édition 2024, le Festival a proposé aux compagnies de théâtre le transport de leurs décors par voie ferroviaire. Pour nous en parler, Jérémy Bourges, élu au conseil d'administration de AFSC et délégué à l'éco-responsabilité, et Antoine Radal, chargé de projet RSE chez AFSC, qui a rejoint l'équipe pour mettre en œuvre l'initiative dont on parle dans cet épisode. Bonne écoute !
- Speaker #1
Alors, l'initiative de ce projet, puisqu'il faut rendre à César ce qui lui appartient, vient de Samuel Valensi. Samuel Valensi est comédien, auteur, metteur en scène. Il dirige la compagnie qui s'appelle La Poursuite du Bleu et c'est un shifter. Samuel Valensi a participé à l'élaboration du rapport Décarbonons la culture, qui s'attelait aux réflexions de « et nous dans la culture, par où on peut commencer pour décarboner ? » À l'intérieur de cette réflexion, il y avait celle des grands festivals de ville, comme le festival d'Avignon In & Of Prix, pour exemple. Et donc... parmi les initiatives qu'il avait imaginées, il y avait celle de mutualiser le transport des scénographies, donc des œuvres des compagnies franciliennes, vers Avignon en juillet. C'est de là que tout est parti. Suite à la rédaction de ce rapport, en 2021, j'ai été présenté l'été 2022 à Samuel Valenci, qui m'a parlé plus en détail de son projet. Et on s'est très vite dit que c'était un projet qui rentrait complètement dans le cadre des volontés. de notre association par rapport aux initiatives qu'on peut avoir quant à notre éco-responsabilité et par rapport au message que ça véhiculait, à savoir l'intelligence collective et la mutualisation. Donc, suite à cette rencontre en 2022, on a fait une première tentative en 2023 qui a été infructueuse parce que faute de temps et faute de coordination, on est arrivé trop vite vers le mois d'avril-mai sans avoir eu le temps d'élaborer suffisamment en détail le projet. Donc on a botté en touche et on s'est dit, pour de vrai, l'année prochaine, on y arrive. Donc on s'y est pris plus tôt. Donc suite à un grand questionnaire qu'on a fait tourner au niveau de toutes les compagnies, pour savoir que le Festival Off d'Avignon, c'est environ 1200 compagnies chaque été qui y participent. Donc suite à un grand questionnaire qu'on avait, on avait un petit peu une idée du dimensionnement du projet dans une version embryonnaire. On s'y est pris beaucoup plus en avance. On a lancé ce projet, on a trouvé les bons partenaires, les bons soutiens et le recrutement d'Antoine pour entrer dans l'opérationnel du projet. au mois d'avril, à savoir trois mois avant l'exécution de la partie logistique, a été d'un grand soutien. Voilà comment ça s'est déroulé.
- Speaker #0
Comment vous vous y êtes pris pour cette première expérimentation ?
- Speaker #1
Pour cette première année, on avait fait le choix de dire que seulement les compagnies franciliennes seraient éligibles, c'est-à-dire qu'on n'avait qu'une seule destination et qu'une seule provenance, pour faire simple. On avait aussi une autre problématique qui était qu'on n'avait pas la capacité de s'adresser à toutes les compagnies, de lancer un... un appel à toutes les compagnies parce qu'on serait en incapacité de traiter toutes les demandes. Donc, en fait, on a décidé de prioriser les compagnies qui, premièrement, avaient répondu un an plus tôt à ce questionnaire qui les sondait sur la façon dont elles acheminaient leur scénographie vers Avignon au mois de juillet. Ensuite, on a fonctionné avec des compagnies qui s'intéressaient notamment aux actualités d'Avignon Festival et Compagnie à travers les webinaires et qui avaient pu en entendre parler. C'est donc à travers ce... Petit bouche à oreille, je dirais, qu'on a pu sélectionner, retenir en tout cas une vingtaine de compagnies qui souhaitaient participer au dispositif cette première année. Il faut savoir que certaines compagnies viennent au Festival of d'Avignon pour présenter plusieurs spectacles. Donc on parle de 20 compagnies pour 30 spectacles. Mais effectivement, ça a été un choix. On n'a pas pu s'adresser à tout le monde, vu que c'était une année expérimentale, avec une voilure très, très, très réduite.
- Speaker #0
Merci Jérémy. Du coup, Antoine, je me tourne vers vous. Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur la façon dont vous avez organisé l'opération ?
- Speaker #2
L'opération qu'on a co-construite avec les 20 compagnies dont parlait Jérémy, on a sélectionné ces compagnies aussi parce qu'elles étaient toutes localisées en Ile-de-France ou à proximité. Et donc ça a consisté à... coordonner ces compagnies pour connaître la volumétrie de leur décor, leurs besoins et leurs contraintes, on pourra y revenir, pour acheminer leur décor jusqu'à Avignon avant le festival, donc courant mois de juin, et ensuite renvoyer tous ces décors en Ile-de-France à la fin du mois de juillet, une fois le festival terminé. Dans la genèse du projet, AFC s'est rapprochée d'abord de Frette SNCF, qui nous a mis en contact ensuite avec Nova Trans. qui nous a mis en contact avec Ausha, qui est un transporteur qui opère du fret ferroviaire entre l'île de France et le sud de la France, et entre les Hauts-de-France et le sud de la France. Donc dans toute la construction du projet, on a eu aussi l'opérateur Ausha qui était dans la boucle et qui a transporté les décors pendant le projet.
- Speaker #1
Je pense que c'était assez important pour le transporteur Ausha, qui travaille dans le report modal et dans l'intermodalité. C'était important. Pourtant, pour eux, de montrer que décarboner et transporter sur le rail, transformer des camions en train, parce qu'il s'agit finalement un petit peu de ça, c'était possible en bougeant un peu plus les limites de ce qui sait se faire. Et donc, je pense qu'ils ont osé, le MAC a osé nous suivre dans un projet un petit peu fou et au départ un petit peu risqué. Concrètement, il y a quelque chose de très symbolique dans la collaboration qu'on a. qu'on a ensemble. Et je pense qu'ils ont été d'une utilité très grande pour répondre à toutes les questions qu'on se posait, parce qu'on n'est pas transporteur, on n'est pas logisticien. Donc, quand on se pose la question de quel type de conteneur existe, quelles sont leurs contraintes de temporalité, etc., ils ont été présents. Et je pense que, très concrètement, sans leur volonté et sans leur enthousiasme, ce projet serait resté à l'état d'ébauche.
- Speaker #2
Complètement. Donc, pour ce qui est de la... La chaîne logistique qu'on a mis en place, les compagnies avaient la responsabilité de transporter leur scénographie depuis leur lieu de stockage en Ile-de-France jusqu'à une plateforme logistique qui était située à Limey-Brévan, dans le sud-est parisien. À cette plateforme logistique, Ausha a amené des conteneurs vides. Les compagnies avaient la responsabilité de charger elles-mêmes leur scénographie dans le conteneur, suivant un ordre qu'on avait défini avec elles. Ensuite le transporteur, une fois le conteneur rempli, acheminait le conteneur jusqu'à Avignon, donc par train, au départ du terminal de Valenton en Ile-de-France, donc à 4 km de la plateforme de l'IMEI Brevan, qui est finalement le seul tronçon réalisé par la route par le transporteur. Ensuite le conteneur acheminait par le train jusqu'au terminal en Courtine à proximité d'Avignon. De là, Ausha récupérait ce container et l'amenait à une plateforme logistique située à proximité du centre-ville d'Avignon. Et les compagnies ensuite venaient toujours suivant un ordre défini qui était en fait l'ordre inverse de l'allée. Donc c'était une logique philo de remplissage des containers, first in, last out. Donc la compagnie-là déchargeait sa scénographie du container. Nous, Avignon Festival et compagnie, on avait loué des véhicules utilitaires avec chauffeur. Donc la compagnie mettait sa scénographie dans ce véhicule et ensuite c'est ces véhicules utilitaires qui réalisaient le dernier kilomètre sur Avignon, donc acheminait globalement la scénographie jusqu'au théâtre ou pour certaines compagnies, des lieux de stockage spécifiques dans Avignon. Voilà, et le retour s'est fait sur le même processus inversé. On est allé, nous, avec des véhicules utilitaires, avec chauffeurs, récupérer une fois les décors démontés, les scénographies dans les théâtres, acheminer jusqu'à cette même plateforme à Avignon. et ainsi de suite. Et ensuite, le décor était renvoyé en Île-de-France et récupéré par la compagnie.
- Speaker #0
D'accord. Et en termes de calendrier ou peut-être de temporalité de ce transport, est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?
- Speaker #2
Alors, en termes de calendrier, il faut savoir que la contrainte principale pour construire ce projet, c'est les dates de montage dans les théâtres, donc là où les compagnies doivent venir plusieurs jours. avant le début, leur première représentation, donc avant le démarrage du festival, pour pouvoir aider les théâtres à monter leur décor. Et donc c'est cette date-là qui est critique pour nous. Donc ces montages-là, le Festival d'Avignon commence début juillet, ces montages-là ont lieu entre mi-juin et fin juin, globalement. Donc les conteneurs devaient arriver avant ces dates-là. Donc globalement, ensuite, on a basé l'arrivée des containers en prenant une marge pour que les containers arrivent au moins un ou deux jours avant les dates de montage pour être sûr que le décor soit bien là. Le délai... qu'on a convenu avec le transporteur, c'est que quand le conteneur part du jour J en Ile-de-France, il est récupérable à J3 Avignon, pour au cas d'aléas liés au transport ferroviaire, il peut y avoir des travaux la nuit qui font que le conteneur n'arrive pas forcément le lendemain, mais plus tard. En général, le conteneur arrive en J1, parfois en J2, très rarement en J3, mais vu le caractère critique du montage, on a convenu cette marge de J3 avec le transporteur. On a eu cinq containers au global pour cette trentaine de spectacles. Le premier container est arrivé vers mi-juin, chargé trois jours avant en Ile-de-France. Le dernier container est arrivé autour du 28 ou 29 juin de mémoire. Et au retour... Là, on est sur une phase qui est plus critique parce qu'une fois le festival terminé, les compagnies souhaitent quitter Avignon-Eau plus vite pour ne pas payer des jours de logement en plus et parce qu'elles ont envie d'aller se reposer. Et donc, on a tous les démontages de tous les théâtres qui se font sur deux jours globalement. Et donc, on a dû évacuer ces cinq containers en deux jours, donc à fin juillet. Et là, au retour, les compagnies pouvaient venir récupérer leurs containers sur un délai, cette fois-ci, fixé à J2. Les compagnies... Habituellement, s'il n'y avait pas ce projet-là, elles viennent la veille de leur montage au plus tôt à Avignon avec leur décor, ce qui leur évite encore une fois la problématique de payer un logement qui est coûteux sur Avignon. Là, avec le transport ferroviaire, ça demande d'anticiper leur arrivée parce que sur un conteneur donné, en moyenne, on avait six spectacles par conteneur, donc plusieurs compagnies par conteneur. Ces compagnies-là, même si on a essayé de rapprocher au mieux la date d'arrivée du conteneur avec leur date de montage, on avait quand même... des écarts potentiellement, donc ça oblige certaines compagnies à venir un peu plus tôt sur Avignon. Pour gérer ça, on a le cas d'un conteneur par exemple, où les compagnies ne souhaitaient pas venir récupérer leur décor parce que ça leur faisait venir trop tôt, et donc elles ont dû contractualiser un manutentionnaire en local. Donc il y a plusieurs compagnies qui se sont coordonnées pour pouvoir contractualiser ce manutentionnaire en local, qui s'est chargée pour elles de décharger leur scénographie du conteneur Avignon et de la cheminer jusqu'au théâtre. Tout le système repose sur la ponctualité des compagnies parce qu'on leur donne des créneaux qui vont de une demi-heure à deux heures suivant la volume qu'elles ont à décharger pour venir charger ou décharger leur scénographie du container. S'il y a une compagnie qui est en retard alors qu'on a défini en plus un ordre, ça peut vraiment modifier toute l'organisation mise en place au chargement et puis aussi au déchargement. Et là, pour le coup, les compagnies ont bien respecté ce timing-là. Il faut espérer qu'encore une fois, si on a une montée en puissance du dispositif, ça reste le cas.
- Speaker #0
Et dans la pratique ? Comment vous faisiez le chargement et qui était en charge de réaliser les conditionnements ?
- Speaker #2
Pour ce qui est du chargement concret du container et du conditionnement des éléments de décor, les compagnies avaient en charge le conditionnement, l'étiquetage éventuel de leur décor. Par contre, on a proposé, nous, on a loué des rolls et des caisses de dimension palette. Notamment, initialement, c'était pour les projecteurs, parce que les compagnies, quand elles louent leurs projecteurs, elles n'ont pas forcément le conditionnement associé. On savait que c'était du matériel sensible, donc on ne voulait pas que ce soit rédhibitoire pour les compagnies. Donc, on a loué des Rolls et des caisses qu'on leur a mis à disposition au niveau des quais pour celles qui souhaitaient conditionner ces projecteurs, ce qui a plutôt bien fonctionné. Et c'est notamment les Rolls qu'on voudrait les reconduire. Il faut savoir que ces Rolls, au final, ont aussi beaucoup servi... pour des compagnies qui n'avaient pas forcément prévu les conditionnements nécessaires et notamment pour des compagnies qui avaient beaucoup d'éléments en vrac parce qu'il faut savoir que là, on transporte tout. Ça va de petits sacs à des écrans, à des instruments de musique, à du matériel son et de la télévision, etc. Et donc, ce n'est pas forcément conditionné. Du coup, pour optimiser les temps de chargement-déchargement, au final, les Rolls ont été assez utiles pour tous ces petits éléments en vrac.
- Speaker #1
Et on précise que ce ne sont pas des Rolls Royce, ce sont des armoires métalliques sur roulettes qui permettent de conditionner, de transporter facilement des objets sensibles.
- Speaker #2
Si on veut vraiment aller dans le détail opérationnel, sur les plateformes logistiques à l'E-Mail Brevan et à Avignon, il y a la nécessité d'avoir des équipements de protection individuelle dans les conditions de sécurité fixées par les sites. Or, les compagnies, encore une fois, n'en ont pas toujours. et donc nous aussi on a acheté des équipements de protection individuelle qu'on a mis à la disposition des compagnies. Ce n'est pas anecdotique parce que la plateforme notamment Avignon qui était très vigilante à ça et donc heureusement qu'on a eu ces équipements-là. Ça fait partie des petits détails opérationnels.
- Speaker #1
On a un peu inventé un métier entre guillemets parce qu'on n'est pas forcément logisticien et puis c'est un processus qui ne correspondait à rien d'autre qui soit fait parce qu'il faut savoir que dans le monde de la culture et du spectacle vivant, Il n'y a quasiment aucune œuvre qui a l'habitude de voyager dans des conteneurs de train, à part dans le monde de l'opéra et des expositions d'art. Quand vous transportez des palettes de carrelage, votre conteneur, il transporte vraiment beaucoup, beaucoup de carrelage. Nous, dans ce qu'on a fait cette année, on a beaucoup transporté de l'air. Mais on l'a bien fait, et sans le cas, c'est pour la première fois. Il faut imaginer qu'une compagnie qui a besoin de transporter 12 projecteurs, une table, trois chaises, des costumes, des instruments de musique, ce n'est absolument pas imaginé pour rentrer de façon optimale dans un volume cubique dédié. Donc ça fait vraiment partie de toute la réflexion et de toute la R&D qu'on est en train de faire.
- Speaker #0
Antoine et Jérémy nous ont expliqué comment cette initiative de fret a émergé et a été déployée. L'année 0, en 2023, a permis d'esquisser le projet et d'identifier les moyens à déployer. Ensuite, l'année 1, en 2024, a fait office d'expérimentation. Continuons cet entretien avec Jérémy et Antoine. Du côté du financement, quel a été le coût de l'opération ? Est-ce que cette opération est soutenable financièrement pour les compagnies ? Et si oui, dans quelles conditions ?
- Speaker #1
Pour qu'un projet comme ça puisse voir le jour dans une phase expérimentale, il faut convaincre des acteurs, donc des compagnies, d'en faire partie. Et pour les convaincre, il faut à minima que la solution qu'on va leur proposer coûte... moins cher, voire beaucoup moins cher que les solutions qu'elles auraient traditionnellement. Je rappelle que la plupart de ces compagnies, s'ils n'avaient pas bénéficié de ce dispositif, seraient descendues sur Avignon avec des véhicules thermiques individuels utilitaires. Le pari qu'on a fait, c'est que ce projet de tous partager des conteneurs qui voyagent par le train serait viable économiquement à partir du moment où il y aurait suffisamment de participants. À savoir qu'il y a ce qu'on appelle des économies d'échelle qui s'appliquent. Parce que 300 compagnies qui vont bénéficier de ce dispositif auront un coût individuel bien inférieur à une seule compagnie qui décide de le mobiliser. Donc pour cette première année, on ne va pas se mentir, on a demandé aux compagnies une somme très modique qui représentait environ, si je ne dis pas de bêtises, 10% du coût réel impliqué par leur participation au dispositif. Le projet qu'on a, c'est que les différents... coûts qu'on a eu cette année, on puisse les réduire, notamment parce qu'il y a toute une partie de recherche et de mise en place, d'implémentation qui va être de plus en plus fluide avec des outils qui vont devenir semi-automatisés. Et l'autre pari qu'on fait, c'est que notamment une grande partie du coût du dispositif cette année était liée à la recherche des plateformes. Ces plateformes, on les a trouvées, on a leurs contacts, donc on peut parier sur le fait qu'on ait un coût par compagnie qui aille en descendant dans les années qui viennent. Concrètement, cette année... Le projet FRET a coûté une cinquantaine de milliers d'euros. Sur ces 50 000 euros, les apports principaux ont été des fonds propres de notre association, la participation des compagnies, à savoir un montant d'environ 10% du temps total. Ensuite, nous avons eu des aides du CNM, Centre National de la Musique, de la région Île-de-France, de la région Sud. ainsi que du ministère de la Culture à travers la DGCA, Direction Générale de la Création Artistique. En ce qui concerne les postes de dépense au niveau de ce budget, un peu plus de la moitié du projet a été bien évidemment dépensé dans l'étude de faisabilité, les transports directement et les mises à caisse. Une petite parenthèse, il faut savoir qu'au final, le coût des mises à caisse, c'est-à-dire le coût de la mobilisation des plateformes de consolidation-déconsolidation, c'est-à-dire les hangars dans lesquels on charge et on décharge, reviennent... au final aussi cher que le transport même de la marchandise. C'est quelque chose qui n'est pas forcément intuitif, mais ça fait vraiment partie des coûts.
- Speaker #0
Et en termes de coûts humains, quel a été le temps de travail que vous avez dédié au projet ?
- Speaker #2
Pour ce qui est de la partie mise en œuvre opérationnelle, entre avril et juin concrètement, c'était un gros mi-temps pendant quatre mois. Avec toujours aussi un peu de temps de Jérémy, évidemment, en supervision. On a aussi l'équipe communication d'AFC qui a été un peu mobilisée ponctuellement. Mais voilà pour ce qui est du temps humain.
- Speaker #0
Donc, on comprend un peu de façon globale les coûts. Mais en ce qui concerne les compagnies, est-ce qu'elles, elles ont fait des économies ?
- Speaker #1
Supposons que je sois une compagnie francilienne. Je dois descendre mon spectacle à Avignon qui prend environ 6 mètres cubes. J'ai le choix entre louer un utilitaire, faire le transport, le péage, etc. Trouver un endroit pour stocker mon utilitaire sur tout le mois de juillet que je joue et faire la même chose sur le chemin du retour. On a estimé que ce coût est compris entre 1000 et 2000 euros, notamment en fonction de si la compagnie loue l'utilitaire ou si elle en est propriétaire et en fonction du fait de si la compagnie doit faire deux allers-retours ou un seul aller-retour. Parfois, des compagnies font deux allers-retours parce qu'elles doivent... rendent levé. Ce coût-là, quand on le compare à ce qui est demandé cette année, cette compagnie-là, cette année, on lui a transporté sa scénographie pour 100 euros. Qui dit moins ? Donc bien évidemment que ça représente une économie immense, sachant qu'on a même eu des structures de production un peu plus grandes qui se sont occupées de plusieurs spectacles, qui ont même carrément privatisé un conteneur entier pour les différents spectacles qu'elles produisaient. Donc là, on imagine que... Pour ces compagnies-là, ça a été une très bonne opération. Bien évidemment, cette première année est une année de test. Les années suivantes, on va sans doute transporter plus de décors, avoir plus de compagnies. Sans doute aussi qu'on risque d'avoir un peu moins de soutien pour la partie purement R&D. Donc il est probable qu'au fur et à mesure, la somme qu'on va demander aux compagnies converge vers le coût réel, qu'on espère rester compétitif. Mais ça va dépendre du prix du gasoil et ça va dépendre du prix du TGV, notamment.
- Speaker #2
Aux 100 euros, par contre, qu'elles payent pour le transport par le dispositif fret, elles doivent quand même... en plus payer les billets de train et payer, par exemple, la location et ou le trajet pour le pré- et post-acheminement en Ile-de-France. Donc, il y a quand même ces coûts-là qui s'ajoutent dans le cas du fret ferroviaire, ce qui n'est pas négligeable demain. Imaginons qu'on arrive à rendre égal le coût de notre transport par fret du transport boutier. Il y a quand même ces coûts additionnels-là qu'il faudra prendre en compte. C'est aussi des points à réfléchir pour les années suivantes, de trouver par exemple des partenariats avec des loueurs en Ile-de-France ou des transporteurs qui pourraient proposer des tarifs attractifs pour les compagnies, entre autres.
- Speaker #0
Dans ce podcast, nous avons souvent abordé la question de l'assurance, notamment dans le cas des transports d'œuvres d'art, car souvent le report modal est envisagé vers le ferroviaire, mais les assurances sont très réticentes. Comment vous vous avez traité le sujet de l'assurance et comment vous avez peut-être rassuré ? Les compagnies pour la prise en charge de leur décor.
- Speaker #1
Effectivement, le sujet des assurances, c'était le sujet épineux parmi les sujets épineux en amont du projet. À savoir, une compagnie qui descend faire le Festival Off d'Avignon avec son spectacle, sa scénographie, son bébé, elle y tient plus que tout. Et au-delà de la valeur des objets qui sont transportés, il y a la question de l'exploitation qui a lieu derrière. À savoir qu'un spectacle qui fait le Festival Off d'Avignon, c'est plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d'euros de... recettes et des perspectives de tourner derrière. Si jamais, pour une raison ou pour une autre, un transporteur est écrabouillé ou un objet très important est endommagé pendant le transport, les conséquences sont absolument cataclysmiques pour la production, pour la compagnie. C'est la raison pour laquelle il a fallu qu'on rassure grandement les compagnies. Par rapport à ça, il y avait deux arguments. Le premier, c'est que le transport ferroviaire est bien plus sûr que le transport routier. L'accidentologie n'a vraiment rien à voir. Le deuxième argument, c'est qu'un conteneur subit beaucoup moins de contraintes d'accélération, d'accélération et de virage dans son transport qu'un transport routier. Et enfin, le troisième argument, c'est qu'après avoir discuté avec notre assureur, il s'est avéré qu'il a décidé de nous suivre et d'assurer l'ensemble des biens transportés, donc la valeur des biens transportés et les conséquences de préjudices éventuels sur l'exploitation du Festival Hôte d'Avignon. En précisant que, encore une fois, dans une logique d'assurance, plus le volume transporté est gros, plus finalement les risques sont répartis. À savoir que la solution d'assurance qu'on peut proposer pour 20 compagnies, on peut proposer à minima la même pour 50, 100 ou 200 compagnies, peut-être même dans des conditions encore meilleures. Donc on s'attendait à ce que ce soit un vrai problème, voire même un empêchement. Et finalement, on a été assez rassuré par l'assureur auquel on a fait...
- Speaker #0
Est-ce que vous avez été en mesure de faire un bilan environnemental de cette initiative ?
- Speaker #2
Sur l'aspect bilan chiffré de l'opération, sur le volet environnemental, on a comparé notre projet, les 5 containers et les 20 compagnies, avec la situation de référence qui est chaque compagnie, comme c'est le cas à l'heure actuelle, transporte avec son propre véhicule utilitaire ses décors, depuis l'Île-de-France jusqu'à Avignon. Il faut savoir qu'il y a même une... Une partie des compagnies, parce qu'ils louent leur véhicule, ils partent d'Ile-de-France, ils amènent leur décor à Avignon, puis ils ramènent le véhicule. Et donc ensuite, ils font cette opération-là également au retour. Ils louent à Avignon, ils ramènent leur décor, ils ramènent le véhicule à Avignon. Donc on a une partie des compagnies qui fait même deux fois le trajet. Donc c'est avec cette situation de référence-là, on a un volume moyen par compagnie qui est de 11 m3. Donc on a considéré des véhicules utilitaires de 12 m3 pour ce bilan environnemental. Dans les résultats, en termes de... kilomètres économisés déjà. On a estimé qu'on économisait approximativement 50 000 kilomètres par la route grâce au train, vu que le pré- et post-acheminement, comme on l'a dit tout à l'heure, il y a très peu de kilomètres qui sont réalisés. Il y a simplement le pré-acheminement réalisé par les compagnies depuis leur dépôt jusqu'à la plateforme de l'Email Brevan, puis les quelques kilomètres effectués par le transporteur pour faire le lien entre les terminaux et les plateformes logistiques. En termes de bilan CO2, ça représente approximativement 20 tonnes de CO2 économisées. C'est à peu près l'empreinte annuelle de deux Français. L'empreinte annuelle moyenne de deux Français. Après, en termes, on a aussi des économies sur les... les particules fines et les nox, évidemment. Il faut savoir que dans le rapport des carbons dans la culture, dont a parlé Jérémy tout à l'heure, l'impact du transport des décors, ça représente 11 000 tonnes de CO2, si mes souvenirs sont bons. Donc ça, c'est ce qu'on vise grâce à ce projet.
- Speaker #0
Oui, donc 20 tonnes d'émissions évitées sur les 11 000 tonnes que représente effectivement le transport des décors selon le scénario de référence du rapport des carbons dans la culture. Avec le recul que vous avez aujourd'hui, quel est finalement le retour que vous font les compagnies sur l'initiative ?
- Speaker #1
Alors on va dire ça sans trop bomber le torse, mais les retours ont été tout de même unanimement positifs. Les compagnies ont été très très très satisfaites. Alors il y a plusieurs raisons à cela. La première c'est que les compagnies qui ont bénéficié de ce dispositif ont fait de grosses économies. On ne va pas se mentir, l'exercice Avignonnet pour une compagnie est un exercice. périlleux financièrement donc le fait de se sentir aidé est un premier motif de satisfaction le deuxième motif de satisfaction c'est qu'il n'y a pas eu de casse il n'y a pas eu de gros retard aucune compagnie n'a été empêchée de son exploitation par ce dispositif le troisième motif de satisfaction je crois c'est aussi la question du repos les compagnies qui voyagent dans le tgv pour l'aller et le retour ça coûte un peu plus cher mais c'est beaucoup plus reposant et ensuite je crois qu'il ya vraiment la satisfaction d'avoir de participer à une aventure, une expérience collective, innovante, de décarbonation et de mise en commun des énergies. Ça, je pense que ça a été un sens commun très gratifiant pour la plupart des compagnies qui y ont participé.
- Speaker #2
Il faut savoir qu'effectivement, il y a clairement l'argument économique qui justifie les intérêts des compagnies pour le service vu le tarif attractif qu'on leur a proposé. pas mal de contraintes pour elles. Toute la partie préparation d'avril à juin, ça nécessite quand même beaucoup d'aller-retour avec elles pour collecter leurs informations, convenir avec elles des créneaux, etc. Donc c'est quand même pas mal de contraintes. Au final, elles doivent quand même réaliser le fait qu'elles réalisent le pré-acheminement jusqu'à l'Île-de-France, puis ensuite le retour, c'est quand même pas du porte-à-porte pour elles. Donc il y a quand même plusieurs contraintes qui font que la satisfaction initiale n'était pas gagnée d'avance. Donc je pense que, comme le dit Jérémy, il y a effectivement quand même aussi un moteur de participer à un projet intéressant d'un point de vue... environnemental qui motive les compagnies à s'engager dans le dispositif et à souhaiter poursuivre pour les années à venir. Après, en termes d'autres avantages, je trouve qu'il y a aussi un bénéfice en termes de partenariat public-privé, c'est-à-dire que ça permet aux compagnies entre elles de collaborer, ça permet de mener des projets communs sur des sujets environnementaux entre nous, les théâtres et les compagnies. Et aussi avec les acteurs publics, il y a ceux qui nous ont octroyé les subventions, donc ça nous permet de créer des liens avec elles. Localement aussi, on travaille avec le Grand Avignon, qui est très intéressé et qui nous soutient sur le projet. Il y a des ponts en termes de collaboration qui sont créés par ce projet et qui sont intéressants.
- Speaker #0
Et en termes de valorisation par les compagnies ?
- Speaker #2
Une discussion qu'on a et qu'on envisage peut-être pour dès l'année prochaine, c'est que les compagnies et théâtres qui participent au dispositif puissent le valoriser elles auprès de leur public. Et donc, par exemple, de créer un petit certificat non officiel par Avignon Festival et compagnie qu'un théâtre, par exemple, peut afficher devant son théâtre, ou une compagnie peut mentionner sur ses affiches, si elle le souhaite, qui renvoie vers le projet et qui dit « je participe à ce dispositif » . Ça, c'est un point qu'on envisage. Mais peut-être que nous, en tout cas, Avignon Festival et compagnie, c'est moins dans notre intérêt. Mais par contre, que les compagnies et théâtres puissent le valoriser auprès de leur public, oui, c'est une réflexion.
- Speaker #0
On peut s'attendre à ce que le dispositif monte en puissance, comme vous nous l'avez indiqué. Mais du coup, plus précisément, quelles sont vos perspectives et peut-être votre ambition pour l'année prochaine et les années suivantes ?
- Speaker #1
Cette année, on a participé au transport de 30 spectacles franciliens. Il faut savoir qu'au total, sur une édition du Festival Off, sur les 1500 spectacles, il y en a environ 600 qui sont franciliens. D'ores et déjà, ne serait-ce que sur l'île de France. on a la capacité de monter en puissance assez rapidement, d'autant plus que le bouche-à-oreille autour du dispositif est extrêmement positif. Ensuite, l'autre question, c'est est-ce qu'on se cantonne à l'île de France ou est-ce qu'on essaie d'aller chercher plus loin ? Alors d'après nous, ça dépend de deux choses. Premièrement, il faut qu'il y ait suffisamment de compagnies installées dans la région de provenance pour que ça devienne intéressant de remplir à minima un ou plusieurs conteneurs. Mais la deuxième condition qui est moins évidente, c'est qu'il faut que... ce lieu de provenance soit suffisamment bien connecté à Avignon par le TGV pour que ça devienne intéressant. Concrètement, pour l'année prochaine, ce qu'on envisage, c'est de...
- Speaker #0
rester sur l'île de France en passant de 30 spectacles à 2, 3, 4 fois plus, et d'ouvrir également la région de provenance aux Hauts-de-France, qui sont facilement éligibles à ce dispositif, pour la simple et bonne raison qu'ils sont également très bien connectés à Avignon, avec des TGV, parfois même directs, première raison. La deuxième raison, c'est qu'il y a beaucoup de compagnies qui proviennent des Hauts-de-France. Et la troisième raison, c'est que peut-être même que les Hauts-de-France... étant situé assez proche de Bruxelles et de la Wallonie, on pourrait aussi envisager de faire transiter par les Hauts-de-France quelques compagnies candidates en provenance de la Belgique.
- Speaker #1
C'est parfaitement résumé. Du coup, je dirais que les défis par rapport à ça, il y en a plusieurs qu'on a identifiés. Il y a tout d'abord toute la préparation amont, à savoir que si demain, disons qu'on a effectivement, à l'EFWA 4, donc on a… À les 80 compagnies impliquées dans le dispositif, on va voir gros, ça fait qu'on doit un peu automatiser la collecte d'informations dont j'ai parlé tout à l'heure, le choix de date, etc. Donc là, ça demande peut-être juste un outil de type Doodle, mais par exemple, au-delà de, comme on a fait l'année dernière, on demandait aux compagnies toutes leurs contraintes, là, on va plutôt dire, entre mi-juin et fin juin, vous avez un conteneur qui part tous les jours ou tous les deux jours, et donc vous vous inscrivez. Et donc, on commence à avoir une offre de services un peu attractive sur lesquelles, cette fois-ci, c'est les compagnies qui viennent s'inscrire. au regard de leurs contraintes et en même temps via cet outil-là, ils peuvent nous partager leurs informations sur leur scénographie, etc. Ça, c'est un premier point, c'est la préparation à mon. Ensuite, il y a un enjeu, c'est le pré- et post-acheminement en Ile-de-France, d'essayer, vu qu'on a un volume de compagnies plus important, de négocier des tarifs intéressants en termes de location de véhicules, négociation avec les transporteurs, etc. On a un enjeu qui va se répéter, c'est certaines compagnies, quand elles ne peuvent pas être présentes sur Avignon, d'avoir un pool de manutentionnaires en local auquel elles peuvent faire appel si elles le souhaitent. Et donc là, c'était un seul cas l'année dernière. On va sans doute avoir le cas qui va se reproduire, donc d'accompagner les compagnies sur ce point-là. Il y a un point aussi qui est de travailler au maximum avec les théâtres en amont et anticiper beaucoup plus qu'avril pour que si les théâtres soient des relais pour nous auprès des compagnies, pour leur dire on a un conteneur qui va venir chez nous, on va adapter déjà nos dates de montage pour que ça corresponde aux dates du projet. Ensuite, on va essayer au maximum de... de demander à nos compagnies de passer par le dispositif pour pouvoir s'appuyer sur les théâtres pour remplir les containers finalement. Et puis il y a évidemment après tout l'aspect financier, de à la fois continuer à solliciter des subventions, et puis de proposer peut-être une tarification à tiroir, c'est-à-dire qu'on a identifié là qu'on a de toute façon un service de base, mais par exemple le dispositif de Rolls qu'on veut reconduire, peut-être que c'est un tarif additionnel pour certaines compagnies qui puissent... qui ne soit pas forcément désavantagée par rapport à d'autres parce qu'elle pourrait bénéficier de moins de services.
- Speaker #2
Et maintenant que vous avez mené cette première expérimentation, quelles sont les conditions que vous diriez nécessaires pour que d'autres acteurs puissent se lancer dans ce projet ?
- Speaker #1
Quelque chose qui me vient là, c'est d'abord d'être conscient du temps de préparation que ça nécessite. On a parlé déjà en amont même du projet, de toute la recherche de sites, la recherche d'un prestataire. Puis ensuite, la préparation opérationnelle, etc. Donc, je dirais que si c'est juste pour un one shot, ça ne vaut sans doute pas le coup. C'est plus pour quelque chose qui va se répéter idéalement dans l'année ou même comme c'est le cas pour nous d'une année sur l'autre. Je dirais que c'est un premier point. Après, évidemment, d'avoir des volumétries suffisamment importantes pour pouvoir massifier. Mais je dirais aussi que ça nécessite une analyse en amont des sillons des prestataires disponibles. Pour s'assurer que les lignes existent, que les connexions se font. Là, sur les lignes, par exemple, sur lesquelles nous, on s'est greffé, il y a 20 containers qui descendent tous les jours, que ce soit entre l'île de France et Avignon, ou demain, si on passe par la Haute-France, il y a aussi une vingtaine de containers qui transitent par la ligne Haute-France-Avignon qu'on voudrait emprunter. Donc voilà, s'assurer qu'il y a ces lignes-là qui existent et qui sont déjà opérantes, et qu'on ne vient pas juste créer quelque chose spécifiquement pour le projet.
- Speaker #0
Et la dernière petite parenthèse, c'est qu'il y a deux festivals de théâtre à Avignon, le OFF et le IN. On ne vous a que parlé du OFF, mais il est tout à fait fort à parier que dans les saisons qui viendront, on pourra travailler en synergie avec le IN, qui a également à faire transporter des œuvres de la région Île-de-France et d'autres régions vers Avignon dans des temporalités tout à fait similaires. Donc il est probable qu'on ait les mêmes problématiques. qu'on travaille ensemble sur ce sujet-là dans les saisons qui viennent.
- Speaker #2
Dans le fonctionnement actuel du Festival Off d'Avignon, chaque équipe artistique est chargée de préparer la logistique et la communication autour de ces spectacles. avec un investissement humain et financier souvent conséquent. Antoine et Jérémy le rappellent, les enjeux en termes de visibilité et de programmation sont majeurs pour les compagnies qui font le off d'Avignon. Au-delà de l'atténuation des impacts carbone induits par le fret des décors, cette initiative produit un effet d'entraînement vertueux auprès de l'ensemble des parties prenantes et des acteurs impliqués. Elle permet de défricher le terrain, d'ouvrir le champ des possibles, la... ou le ferroviaire est aujourd'hui loin d'être considéré. Le Festival Off d'Avignon est reconnu à l'échelle internationale et sa notoriété sert de caisse de résonance. Cette initiative est un véritable coup de projecteur sur les enjeux environnementaux et leur appropriation par le secteur culturel. La démarche se diffuse au sein de l'ensemble de l'écosystème, de l'association aux pouvoirs publics, aux transporteurs et aux équipes artistiques, en passant par les théâtres ou encore les publics. La possibilité évoquée par Antoine et Jérémy de valoriser l'engagement des compagnies sur les affiches des spectacles ou dans les théâtres pourrait venir renforcer la dimension pédagogique du projet. Le PTEF du Shift Project, dans sa déclinaison culture, insiste sur la notion de ralentissement nécessaire des rythmes, ceux des déplacements, de la mobilisation des équipes, des montages. A ce titre, il faut souligner les bénéfices associés au projet. La temporalité du train modifie de façon... intéressante le facteur temps de cette activité. Moins d'urgence, plus d'anticipation et plus de temps de repos pour les équipes. Ralentir signifie également contrôler et réduire le nombre de pièces et de prestations théâtrales. Or, évoquer Avignon ne peut se faire sans constater l'inflation constante du nombre de spectacles proposés dans le cadre du Festival OFF. En l'espace de 20 ans, ce chiffre a doublé pour culminer en 2024 avec plus de 1600 spectacles. Une telle initiative n'est possible qu'à deux conditions, celle de réunir beaucoup de compagnies sur un même axe ferroviaire et celle de concentrer tous les spectacles sur un temps donné. Et c'est bien, ce qui rend le contexte d'Avignon propice à l'expérimentation. Ceci dit, on peut s'interroger sur ce modèle de développement sans limite. Est-ce soutenable d'un point de vue de la contrainte énergie-climat ? Ces réflexions rejoignent les conclusions du rapport Décarbonons la culture, qui questionne l'augmentation continue des jauges des grands festivals et qui enjoint le secteur à sortir de la course au gigantisme. Après tout, est-ce que les manifestations culturelles peuvent encore se penser sans prendre en compte les limites planétaires, alors qu'elles subiront à leur tour les conséquences du dérèglement climatique ? Le podcast Décarbonons la culture est réalisé par les shifters, les bénévoles du SHIFT Project. Ce think tank a un objectif, faire progresser le débat et les actions pour une économie post-carbone. Un monde moins dépendant des énergies fossiles et préservé du dérèglement climatique. Décarboner la culture, c'est lui permettre de garder la place qu'elle a dans nos vies. Vous pouvez retrouver l'ensemble des témoignages sur le site décarbononslaculture.fr N'hésitez pas à partager et à très bientôt pour d'autres initiatives inspirantes.