Speaker #0Nous sommes en Chinark, à l'an de grâce 1397 de notre ère. Les cloches de l'église de San Yuan y résonnent à travers toute la pierre. Sur les marches du castil de surplombant le golfe de la Liche, notables paysans se pressent pour apercevoir l'éminent visiteur dont les murmures enflamment les conversations. Un jeune seigneur, issu d'une des plus vulnérables lignées insulaires, parvient à cheffrer un chemin à travers la foule, jusqu'à ce qu'il distingue enfin le comte de... Corse, son oncle. Celui-ci l'invite d'un geste à le rejoindre, lui annonçant une rencontre imminente. Quelques instants plus tard, alors que l'assemblée se rejoint enfin dans la cour centrale du château, le comte Harry Godelarocque passe son bras autour de son neveu et le présente au roi d'Aragon en ces termes. Le voici, Seigneur, le neveu dont je vous ai inventé les mérites. Vincent Elodie serait son nom, et si vous cherchez un protégé en qui investir, je vous recommande de placer vos paris sur lui. S'il ne suit pas la voie de son ignoble père, il est destiné à un brillant avenir, et vous aurez l'heureuse opportunité de le compter parmi vos plus fidèles alliés. Le jeune Vincente, bien que surpris par les louanges de son oncle, s'éteint droit et digne face au roi d'Aragon. Son regard assuré témoignait de son désir ardent de se distinguer, non seulement pour sa famille et sa maison, mais aussi pour sa terre et sa lignée. Alors que les derniers rayons du soleil se glissaient à travers les créneaux de la forteresse, illuminant la scène d'une lueur dorée, Vincente sentit un frisson d'excitation parcourir son être. Il était conscient que ce moment marquerait un tournant dans sa vie. le propulsant vers un destin qu'il devrait forger de ses propres mains. Il est de ces rencontres qui façonnent l'avenir d'un homme. Celle que Vincente Loa fête alors qu'il n'était qu'un jeune adulte tout juste sorti de l'adolescence, l'aura marqué au plus profond de lui-même. A travers l'épisode d'aujourd'hui, je vous propose de découvrir qui était au fond, ce fameux Vincente Loa d'Istria, dont la statue équestre de 3 mètres de haut domine le rond-point de Bigulia depuis 2009. Mais aussi, et surtout, ce qu'il a accompli et ce par quoi il était animé. Sans minimiser l'énorme tâche accomplie par Colombani, nous pouvons affirmer que l'œuvre de Giovanni revêt ici une importance particulière. En effet, le notaire de Grosse a travaillé personnellement pour Vincente Illo, ce qui rend ses écrits des plus pertinents pour évoquer le seigneur d'Istria. Philippe Colombani lui-même l'admettra dans sa thèse. Comme souvent dans l'histoire insulaire, chaque siècle a son nom providentiel. Le treizième était celui du grand Jou de Chey-Chinark, père de Chinarkese. Le quatorzième, celui d'Arrigo de Arroca, l'ami des puissants. Et le quinzième sera celui de L'Inchentelo d'Israël. Tous ces hommes sont unis non seulement par leur vision politique commune d'indépendance vis-à-vis de la puissance génoise tutélaire, mais surtout par des liens familiaux. En effet, L'Inchentelo est le neveu germain d'Arrigo, lui-même arrière-petit-fils de Jouich. Selon cette tradition archaïque de transmission du pouvoir entre seigneurs corses, Le lien de sang est une condition essentielle pour obtenir le titre de comte, mais c'est loin d'être suffisant. Tous les prétendants à ce titre, aussi nombreux qu'ils puissent être, se doivent de conquérir la seigneurie de l'île par la force des armes tout en gagnant l'affection du peuple, ce qui ne s'avère que très rarement être une chose aisée. Afin d'être élu par acclamation lors d'une cérémonie qui semble tout droit sortie des temps les plus anciens. Visiblement en désaccord systématique avec son père Guelfucho d'Istria, qui s'était allié à la commune de Gênes par opportunisme comme d'autres seigneurs l'ont fait, mais aussi par opposition au dernier comte de Corse, Vincente le se rapprochera de son oncle, dont la volonté de puissance a marqué les jeunes années, et à l'aube de sa carrière militaire, il prendra exemple sur le comte Arrigo di Aroca, en gagnant le large et en préférant la... puissante mais lointaine couronne d'Aragon, à la si proche mais tyrannique République de Gênes. Afin de mieux comprendre ce qu'a été la vie de Vincente Ludistria, revenons rapidement sur le contexte général de la Méditerranée, puis plus précisément sur celui de la Corse en ce début du XVe siècle. Dans les mers orientales, les turcs intensifient leurs attaques en pillant les côtes byzantines et les possessions italiennes, perturbant ainsi les échanges commerciaux avec les riches régions d'Orient. Les puissances méditerranéennes se voient contraintes de se concentrer davantage sur la mer occidentale, entraînant une concentration excessive de pouvoirs maritimes dans une seule mer, ainsi qu'une accentuation de la concurrence et une augmentation du risque de conflits généralisés. D'ailleurs, dans les mers occidentales... Les différentes thalassocraties se disputent la suprématie en mer d'un bout à l'autre de la Méditerranée. La couronne d'Aragon, les républiques de Gênes et de Venise, mais aussi le royaume de France et les ducs de Milan sont autant de puissances qui se querellent parfois diplomatiquement, parfois de front, pour s'accaparer de la position de force la plus avantageuse. Ces rivalités incessantes entre les puissances maritimes de l'époque ont façonné l'histoire de la Méditerranée et ont laissé une empreinte indélébile sur les relations internationales. Les batailles diplomatiques et navales, les alliances changeantes et les trahisons politiques ont été monnaie courante dans cette lutte incessante pour le contrôle des routes maritimes et des précieuses ressources de l'Orient. L'un des conflits qui a duré le plus longtemps et qui a marqué le plus durablement les relations politiques dans cette partie du monde est sans aucun doute celui qui a opposé la République de Gênes au Royaume-Aragonais, de telle sorte que certains historiens comme Jean-Marie Arrigue et Philippe Colombagne parlent d'un conflit séculaire ou d'une guerre de cent ans méditerranéenne. En fait, depuis la donation du pape Boniface VIII du royaume de Corse et de Sardegne en 1297 au roi d'Aragon, les deux puissances n'ont cessé de se faire la guerre sur plusieurs fronts, faisant la paix quelques fois mais rarement en la respectant, allumant l'un chez l'autre des foyers d'agitation et des révoltes perpétuelles. De fait, avant la donation du Saint-Siège, Gênes avait déjà mis un pied en Corse et deux en Sardegne. Ayant perdu pourtant la Sardaigne au milieu du XIVe siècle sans pour autant y renoncer, la République met un point d'honneur en ce début du XVe siècle à ne pas laisser les Aragonais faire subir le même sort à la Corse. En Corse, justement, depuis les révoltes antiséneriales des Diuana à l'hiver 1310, puis celles de Sambogou Chouda à l'an d'eau qui ont mené à l'autodédition des peuples insulaires à la République de Gênes en 1358, l'île est partagée en deux camps bien distincts. Au nord, Dans le Deçà des Monts, on parle de la Terra del Comune, où les seigneurs ont laissé le pouvoir à une nouvelle sorte d'aristocratie, composée principalement de caporales ou gentilhommes dont la loyauté va à gêne. Plus au sud, dans le Deçà des Monts, on parle de la Tarra des Ignores, toujours aux mains de puissants seigneurs féodaux, nichés dans leurs inexpugnables forteresses, qui résistent encore et toujours à l'oppresseur et à la modernité, malgré la mort du comte Arrigodia Roca à l'aube de ce XVe siècle. suite à sa tentative d'unifier l'île sous une même seigneurie. Ces seigneurs sont les Chinarchési, cinq familles des noms de Boti, d'Ornano, de Lega, d'Istria et de la Roca, qui prétendent toutes descendre du mythique Ourocolone dont la gloire a visiblement traversé les siècles les plus sombres de l'histoire de Corse. Tous ces barons astucieux, nous dit très justement Philippe Colombagne, font naviguer leur loyauté entre les puissances extérieures, se soumettant en cas d'intervention armée d'envergure mais reprenant aussitôt leur liberté dès le sillage de ces galères disparues au large de l'île. De surcroît, les seigneurs insulaires entendent être traités en égaux par les princes étrangers, avec lesquels ils négocient, quelle que soit l'insignifiance de leur force face à de si grandes puissances, et ce, depuis qu'Arrigodia Roca a affiché aux yeux de tous ses relations étroites avec la monarchie aragonaises. Giovanni Della Grossa, dont les chroniques constituent encore aujourd'hui la source principale pour connaître le Moyen-Âge corse, a personnellement travaillé pour Bincente Lodis de 1419 à 1427 lorsque celui-ci était dans la fleur de l'âge et dominait la quasi-totalité de l'île. Comme à son habitude dans ses écrits, il établit une description physique et morale du héros dont il parle, celle qui nous a laissé de Bincente Lodis est pour le moins parlante. Vincente l'était d'une taille supérieure à la moyenne. Il avait des bras courts et arqués qu'il ne pouvait bien étendre et des doigts courts et gros à la pointe. Il avait le visage ridé comme celui d'une vieille femme et les yeux noirs et beaux. Sous l'œil droit, près du nez, il avait une verrue si grande que certaines fois on aurait dit que l'œil pendait de ce côté. Il avait les jambes grosses mais le reste de sa personne était bien fait et de belle allure. Il était très adonné aux femmes et là où il avait une seigneurie, parce qu'il voyait quelques jeunes femmes qui lui paraissaient gracieuses et belles, S'il ne pouvait pas les avoir de bon gré, il les prenait par la force. Et il prit les filles vierges ou les épouses de nombreux hommes. C'était un homme méchant, vindicatif, et lorsqu'il haïssait quelqu'un, s'il ne pouvait s'en emparer, il lui prenait ses biens et ses femmes pour l'humilier. Il se faisait craindre, aidait beaucoup ses favoris, et lorsqu'il emprisonnait quelqu'un, il était gardé durement et pendant longtemps. Mais c'était un guerrier très valeureux sur terre et sur mer. A des années-lumières donc du conte Arrigo et le Belmessère, ce fameux conte mort en l'an 1000 dont Joan et Diagros encensent la beauté, la raison et la vertu, et dont nous avons déjà parlé dans le deuxième épisode de cette collection. Mais revenons-en à Vincente, ou plutôt à ses débuts. Nous ne connaissons pas la date exacte de sa naissance, mais en croisant la chronique et les sources, nous pouvons la fixer aux alentours des années 1380, à l'heure où son parent Arrigo, le seigneur de la Roca, est lieutenant du roi d'Aragon et comte de Corse. Nous pouvons aisément imaginer que le petit Vincentello, alors encore enfant, entend parler de cet homme qui est censé être son oncle, qui écume les mers dans sa galère et cause des troubles irréversibles à tous les navires génois qu'il croise. En revanche, ce que l'on sait grâce à Dujuan et Diagrosa, c'est qu'il est le petit-fils de Salnez et d'Isria, l'un des fils bâtards de Dujuan et d'Isria, celui-là même qui avait livré son père aux génois. Cet état de fait ne cessera de se rappeler au bon souvenir de Vincentello, en quête d'une légitimité à laquelle certains secrets de famille... peuvent être un frein dans cette Corse du XVe siècle. En 1392, cinq ans avant la visite du roi Martin Ier en Chinarque, Vincente lo apparaît dans une liste des seigneurs fidèles à la couronne d'Aragon comme Nepos del Conde, ou Neveu du Comte en français. Mais c'est bien lors de cette visite royale du 18 février 1397, lors de laquelle le roi d'Aragon séjourne dans le Stade Chinarqueso, que Vincente lo se voit promis au destin qui sera le sien. Selon Philippe Colombani, il est plus que probable que Vincente lo et son frère Giovanni, rejetons prometteurs de la maison d'Istria, aient été présentés au roi pendant ce rassemblement. Mais l'événement déclencheur de la montée en puissance de Vincenzo reste bien évidemment la mort de son oncle, le comte Arrigo di Aroca, en 1401. A sa mort, en effet, tous les seigneurs de l'île se soumettent au nouveau gouverneur génois, tout en restant pour certains officieusement fidèles au roi d'Aragon. L'intrépide Vincente Lodis, raconte à lui, préfère prendre la mer pour la Sardaigne sur un navire de fortune et s'exiler avec détermination plutôt que de se soumettre à Gênes avec compromission. La suite appartient à l'histoire. En 1402, le gouverneur génois Bartholomé Ogrimaldi procède à l'exécution sommaire de notables qui sont restés fidèles au compte à Rive. Il pend au rempart de la jeune Basca, Bizarrello de Corsoli, un des plus influents notables de la terre adelcomune, et enferme dans un sac qu'il jette à la mer un gentilhomme du Rostigny. Ces deux meurtres particulièrement violents ont pour effet immédiat de renfermer les seigneurs chinarkaises sur eux-mêmes dans le sud de l'île, chacun s'isolant dans son nid d'aigle, reprenant ses droits sur sa région et méprisant la république génoise et ses pantins, tous décidés à aller au clash si l'occasion se présentait. Fait étonnant, c'est le fils bâtard d'Arrigo lui-même, du nom de Francesco di Arroca, qui, abandonné par tout le monde et surtout par le sort, se tourne vers Gênes à qui il vend ses terres en échange du titre de vicaire de la commune. C'est une aubaine pour la République qui tient alors dans ses rangs le fils de ce comte qui leur a causé tant de troubles. Et pendant ce temps, alors que Gênes et l'Aragon négocient une nouvelle paix qui ne deviendra qu'un statu quo inconfortable pour les deux puissances rivales, Vincente Louvogne aborde son esquif accompagné par quatre compagnons d'armes dans les eaux entre la Sardaigne et la Corse, passant quelquefois dans le détroit entre les deux îles, réduisant en poussière le moindre petit navire de Bonifacien, de Génois ou de Corse amis de Génois à sa portée, capturant les hommes, des ânes même selon la chronique. demandant des rançons pour les hommes et vendant les ânes pour se fabriquer un butin. Il maîtrise l'art de la course en mer si bien qu'en peu de temps, il vend son esquif et s'achète un brigantin. Alors les proies deviennent plus grosses et comme il excelle dans le domaine, les butins aussi. Dans les chroniques de Duani, on peut lire. Il exerça avec tant de bonheur la course avec son brigantin qu'il gagna suffisamment d'argent pour armer une galère. Et il fit si bien la guerre et la course contre les génois et ses ennemis que le bruit arriva aux oreilles du roi d'Aragon que Vincente Lodistria, neveu du comte Arrigo de la Roca, avait refusé de faire la paix et de passer sous le pouvoir des génois et qu'il menait une guerre acharnée aux ennemis du roi. Port de sa flottille d'une galère et d'un brigantin armé jusqu'aux dents, incontesté dans les mers et incontestable sur terre, il opère une ascension fulgurante et devient le nouveau bras armé de la couronne. En 1404, il fait le voyage en Catalogne pour réclamer sa juste récompense et hériter des titres de son oncle en profitant de la soumission de son cousin Francesco di Aroca à la République de Gênes. Selon Philippe Colombani, c'est un vigente le victorieux et sûr de sa force qui effectue un acte politique en se rendant à Barcelone pour y recevoir l'héritage de son mentor. Reçu à la cour où on l'aperçoit en passant avec deux esclaves comme il est de coutume en ces temps, Il en repart avec le titre de lieutenant du roi en Corse et de corsaire officiel de la couronne, mais aussi avec une nouvelle galiote armée et le droit de recruter dans les prisons catalanes tous les condamnés à mort et à l'exil. Je vous laisse imaginer les gens avec qui il traîne. Mais Gênes ne tarde pas à réagir et nomme cette même année de 1404, Léonel Loméline au poste de gouverneur en Corse pour remplacer Bartholomé Urimaldi qui avait en contrarié les seigneurs insulaires. et qui s'était fait une myriade d'ennemis parmi eux, tous prêts à l'abattre. L'Homéline possède Chinarka, où il a placé son frère au nom de Gênes, et réside à Bigoulia où, fait surprenant, il s'autoproclame comte de Corse. Cet événement paraît somme toute assez anodin, mais il a au moins le mérite d'avoir probablement amusé les seigneurs Chinarkaises, qui eux le considéraient alors plutôt comme le comte du vent. Les Loméline s'allient au bâtard Francesco di Aroca pour reprendre le contrôle terrestre de l'île, et envoie une galère armée patrouiller autour de ces rivages afin de chasser et de tuer Vincente Lodisria. L'hiver 1405 s'annonce plutôt rude, et c'est donc l'occasion pour les deux parties de rassembler leurs forces. Vincente Lodisria hiverne à Alghero, où il correspond avec le roi. C'est alors qu'une idée pour le moins novatrice germe dans sa tête. A l'heure où l'Europe surbanise, il conseille au roi de construire une forteresse à Ajaccio, afin que les nobles et le peuple s'y rassemblent pour y fonder une colonie, mais aussi et surtout pour mieux combattre la république. Pour le seigneur d'Istria, cette nouvelle forteresse serait la clé de toute l'île. En effet, contrairement à Gênes, l'Aragon ne dispose pas encore d'un véritable chef-lieu qui pourrait affirmer sa domination sur l'île de Corse, qui lui avait été donnée en fief par le pape quelques cent ans plus tôt. Le roi semble dans un premier temps très intéressé, mais les notables de Barcelone, craignant de devoir sortir une fois de plus de l'argent pour financer les projets de leur roi, estiment probablement le chantier trop risqué et jettent aux oubliettes ce projet pourtant visionnaire. En 1492, les génois poseront la première pierre du Castel Lombard, ce qui donnera naissance à la ville d'Ajaccio que l'on connaît aujourd'hui. Mais revenons au printemps 1406. Alors que les beaux jours reviennent, le parti corso-aragonais implanté en Sardaigne, dont Vincentello est le chef, se prépare visiblement à l'action. En effet... Le nouveau lieutenant du roi est rejoint cette année-là par des capitaines Castillan et Sicilien, mais aussi par son frère Giovanni. Avec eux, il constitue sous son commandement une flotte de quatre navires armés pour la course. Jamais une telle flotte n'avait été formée par un baron corse avant le seigneur d'Israël. Après avoir quasiment égalé son oncle, Vincente le est donc maintenant prêt à le surpasser. Le premier retour en Corse de Vincentello se fait en décembre 1406. Fort de sa flotte de quatre galères, il attaque Chinarca à l'improviste et met le siège devant le castellan. Il doit alors occuper par une gardison d'arbalétrier milanais. Constatant la force affichée par Vincentello, le castellan se soumet en lui laissant le château contre la vie sauve. Alors maître de Chinarca, le seigneur d'Istria fait parvenir la nouvelle de son retour dans toute l'île. Les seigneurs et le peuple, pensant à juste titre qu'il était venu récupérer l'île au nom du roi d'Aragon, se précipitèrent en Tchénaarka pour lui rendre hommage. Vicentil se présente alors comme le dernier héritier du comte Arrigo dont il est le neveu, et comme le garant du bon gouvernement à venir. De 1406 à 1407, il mène une guerre effrénée sur terre aux Génois et à leurs partisans, restés dans le stade Tchénaarkézo pendant que ses navires surveillent les pourtours de l'île. En 1407, Convaincu de ses forces, il franchit les monts par le Niholo et reprend Bigoud au Génouan. Là-bas, il convoque une Védoute. Il est élu comte de Corse par acclamation en juin de la même année. En février de l'année suivante, il prend au génois la jeune Bastille de Portocard, ce petit bourg marchand génois dominé par une modeste forteresse érigée 30 ans plus tôt. A partir de cet instant, nous dit Joan de la Grossa, le comte Vincente le gouverne à la Corse entière, mais il n'y rendait pas bien la justice pour autant. Il est donc temps pour Vincente de gouverner une première fois, mais apparemment, contrairement à ses aïeux, il ne montre pas les meilleures dispositions pour la politique. En fait... Sa position de force est incontestable et ce serait de la folie pour quiconque de s'y opposer. Le seigneur d'Istria est trop puissant. Il est déjà suivi par des centaines d'hommes et surtout par le roi d'Aragon Martin Ier et son fils, le roi de Sicile Martin le Jeune. Mais sa légitimité politique ne peut que faire débat au sein de la population, nobles et paysans confondus. Tous connaissent le lugubre passé de la seigneurie d'Istria, dont le patriarche n'est autre que Salnese, fils bâtard qui a vendu son père, Jouy chez le Grand, aux Génois pour des raisons obscures. Mais le nouveau comte de Corse n'est pas prêt de laisser un sombre dessein passé se dresser comme un obstacle sur le chemin de sa gloire future. Pendant ce temps-là, Francesco di Aroca, le bâtard d'Arrigo, complote avec les génois dans le dos de son cousin. Il s'allie avec tous les mécontents du gouvernement du comte, mobilise la commune et les Lomelini, rallume les feux de la révolte populaire, s'empare de tout le sud de l'île sauf de Chinarca qui était aux mains d'un des frères d'Istria, et part assiéger Bigulia où Vincente se trouve. C'est alors le début de la plus grande cousinade du Moyen-Âge corse. Les deux cousins germains s'opposent. Vincente, pour le parti comptal et royal sous l'égide aragonaise, Francesco, pour le parti du peuple sous la main ministre de Gênes. Cerné de toutes parts, le comte doit négocier sa reddition. Il accepte de laisser Bigulia pour Bastia où il se réfugie. D'autant que des renforts génois avec André à l'homéline à leur tête arrivent équipés d'une bombarde. C'est la première fois dans l'histoire de Corse qu'il est fait mention de cette nouvelle arme. La bombarde est une des premières pièces d'artillerie. Elle est apparue au 14e siècle en France et se composent essentiellement d'un canon à feu porté par des roues qui tirent des boulets de pierre assez imposants avec une portée considérable, ce qui permettait aux assaillants d'attaquer les enceintes fortifiées à distance sans engager l'assaut trop souvent et ainsi s'emparer de places fortes avec un minimum de pertes humaines. Les troupes corso-génoises de l'Homéline et du bâtard de la Roca décident de mettre Basquiat à feu et à sang. C'est dans cette bataille que Vincente le sera blessé à la jambe par un carreau d'arbalète, blessure qui le hantera toute sa vie. Porté physiquement et moralement, le tronc de Vincente le contraint à la fuite. Il quitte Bastia en juillet 1408, d'où il se rend en Sicile auprès du roi Martin le Jeune afin de guérir de ses blessures. La Sardaigne, plus proche, aurait été un choix plus pratique et plus habitué de Bénilcer, dominé par les Aragonais, et elle aussi en proie aux révoltes, et ne s'avère pas être un lieu sûr pour un ami de la couronne. Vincente Lodis revient tout juste de perdre une bataille, mais il n'a pas encore perdu la guerre. Le 6 octobre 1408, le roi Martin Ier débarque avec son hoste en Sardaigne pour mettre un terme aux incessantes révoltes financées par Gênes. Le 25 novembre, Vincente le débarque dans le golfe d'Ajaccio avec une force considérable. On parle d'une flotte d'environ dix navires avec un millier d'hommes à leur bord, sans compter les soutiens insulaires du comte. Deux opérations distinctes en un seul mois. une en Sardaigne, une en Corse, on a bien l'impression ici que c'est une opération coordonnée. Selon Colombagne, les Chinarkais témoins de la force affichée sont convaincus que le roi a enfin décidé de prendre possession de son royaume de Corse. Francesco di Aroca et ses amis génois, quant à eux, se réfugient à Bigulia, cité vers laquelle Vincente Elo est déterminé à envoyer toutes ses forces. Lors de cet énième siège de Bigulia, cette fois-ci avec le comte en position offensive, Francesco di Aroca est blessé d'une flèche dans le cou. La légende raconte que c'est Vincente lui-même qui lui aurait porté le coup de grâce. Mais, aidé par l'arrivée des seigneurs du Cap Corse, les génois parviennent à repousser le comte et à le refouler dans son pays de Chinarc. En 1409, le seigneur d'Istria règne essentiellement sur la terre des seigneurs, la terre de la commune restant aux mains de Gênes, sous l'autorité de l'Homéline. Une chintelle où paraît aider le roi d'Aragon en Sardaigne dans la bataille de Saint-Louré, où il tue une énième rébellion sarde dans l'œuf et s'en rentre en chénarque avec un apport de nouvelles troupes, dont 60 arbalétriers catalans. Mais la mort du roi de Sicile, héritier du trône d'Aragon et de son père, le roi Martin Ier le Vieux, un an plus tard, plonge la couronne dans une crise de succession sans précédent, ce qui contraint les Aragonais à l'inaction jusqu'en 1412 et la nomination de Ferdinand Ier lors du compromis de Caspes. Vincente l'eau doit se débrouiller seul en Corse pour un temps alors que certains de ses voisins turbulents commencent à défier son autorité dont un certain Renu Chudalega qui suspecte de vouloir lui causer des troubles. En 1414, le doge Tomasino de Campofregoso envoie son propre frère Abraham en Corse en tant que gouverneur pour remplacer les Loméline en perte d'influence. Déterminé, le nouveau gouverneur parvient à s'emparer de la quasi-totalité de l'île. Vincente Lodistria se retrouve assiégé dans Chinarca face à une armée de 200 hommes et de 3 bombardes qui endommagent sérieusement les remparts du Castillo, le plus important de toute nuit. Son frère Giovanni, qui était parti chercher du soutien en Sardaigne, revient à Attan pour retourner la situation avec deux autres galères commandées par des catalans. Ils parviennent ensemble à détruire les 3 bombardes génoises, ce qui laisse le temps au comte de Corse s'échapper. En 1417, le roi Ferdinand est parvenu à stabiliser à peu près son royaume d'Aragon quand il meurt. Son fils Alphonse V est réduit du trône. Quelques semaines plus tard, Vincente Ilo se présente à la cour du nouveau roi en Catalogne pour se faire confirmer dans ses titres. Pendant ce temps, en Corse, le fils de Francesco di Aroca, Paolo, décide de prendre exemple sur Vincente Ilo en allant contre son père. Il se révolte contre les génois en tentant de reprendre sa seigneurie et parvient à récupérer le castil de Barici en faisant égorger au passage... un vicaire de la commune de Gênes. Le 10 février 1498, Vincente L'ont énommé vice-roi de Corse et chevalier de la cour d'Aragon par le roi Alphonse V. Ce titre de vice-roi n'est pas anodin. C'est une manière pour Alphonse Magnanim, qui n'a alors que 22 ans, de contester la possession de la Corse à ses opposants génois. Le vice-roi repart de Catalogne avec deux galères flambant neuves, une nave et une galiote, ce qui fait une flotte de 600 hommes. Il débarque à Ajaccio, reprend Chinarc à sans grande difficulté et reçoit l'hommage de ses cousins Chinarques. Même les Lèglas, qui s'étaient rebellés contre lui quelques années plus tôt, ploient le genou. Paolo de la Roca, quant à lui, se cantonne à sa seigneurie dans l'extrême sud et observe. Pendant qu'Agenne et les Adornes, soutenus par les ducs de Milan, se révoltent contre les Campofregos, dans le nord de la Corse, les Cortinques appellent le comte en soutien dans leur conflit contre des caporales alliés à la république de Gênes. Vincente, l'eau ne manque pas l'occasion. Il franchit les monts et parvient à repousser les assaillants dans les plaines d'Alériens. Et puis, en 1419, il construit une forteresse sur un piton rocheux qui surplombe le confluent du Tavignano et de la Restorniga à Corti.
Speaker #0Selon Philippe Colombagne, le comte se ménage ainsi d'un point fortifié dans une zone ultra-stratégique de l'île, mais il le fait surtout pour matérialiser le changement de pouvoir en Corse par un acte symbolique fort en plein milieu de la terre censée être communale. A partir de cette nouvelle forteresse et à quelques pas des vestiges du palais de son ancêtre au Vaux-Cologne, le seigneur d'Istria peut enfin régner sur l'intérieur de l'île. Certains des grands hommes qui lui succéderont, comme par exemple un certain Pascal Paoli, s'inspireront de lui 300 ans plus tard en s'implantant au même endroit pour y établir leur gouvernement. Mais pour l'heure, nous ne sommes qu'en 1420 et cette année s'annonce pour le moins déterminante. Le roi Alphonse V d'Aragon désigne la République de Gênes comme son premier ennemi, se dit bien décidé à réaliser la grande politique méditerranéenne de ses prédécesseurs et à favoriser ses fidèles serviteurs corses face aux persécutions incessantes des Génois et de leurs partisans. A la mi-juin, le roi d'Aragon parvient à faire ce que les anciens rois n'avaient jamais su concrétiser. Philippe Colombane nous dit que le jeune roi vient achever la conquête de la Sardaigne qu'aucun de ses prédécesseurs, fustiles les plus glorieux, n'avait pu mener à bien. Un peu plus au nord, à Bigoulia, le comte Vincente lois siège la forteresse génoise avec la totalité de ses troupes, et un trébuchet construit pour l'occasion. Cette bataille, à laquelle Giovanni della Grossa participe personnellement en tant que vicaire du comte, est une des plus épiques de toutes les batailles de l'histoire insulaire, et se solde par la victoire tonitruante des armées corses du comte Vincente l'Odiestrian. Abraham au Frégoz, frère du Doge, les blessés et capturés, Andrii à l'Omelino, gouverneur, celui de Moncia, la Sardegne est soumise, Vincente le tient bigoule, Bastia se soumet, et toute l'île suit le pas. Même les seigneurs du Cap, pourtant génois d'origine et très attachés à leur mère patrie, se résignent. Seuls Calvi et Bonifacio résistent, mais tous les feux sont au vert. Le 13 septembre, le roi Alphonse V d'Aragon se présente devant Calvi avec 23 galères et 13 galiotes, une armada impressionnante. Le 4 octobre, dans une lettre rapportée par Philippe Colombagne dans son livre sur les relations entre les Corses et la couronne d'Aragon, Alphonse explique à son cousin le roi Jean de Castille. Après avoir soumis à notre allégeance le royaume de Sardaigne, nous sommes passés dans le royaume de Corse. Et nous sommes ainsi arrivés devant la citadelle et la ville de Calvi, qui est une place forte d'importance, dotée d'un port remarquable qui entoure la plus grande partie de la dite place. Et de fait, nous l'avons assiégée par mer et par terre pendant trois jours, à tel point que, tant par crainte de nos bombardes qui à chaque coup emperçaient les murailles, que par épuisement, voyant s'annoncer sa destruction en quatre ou cinq jours, la dite place nous proposa de leur accorder un délai de grâce de quinze jours, afin qu'ils puissent informer le Doge de Gênes de notre présence. et lui demander de leur envoyer des secours. Dans le cas contraire, passés les quinze jours, ils se rendraient à nous, ce que nous leur concédâmes fort libéralement, après qu'ils nous eussent remis trente personnes en otage. En accord avec ce pacte, le délai passé, la dite ville et la citadelle de Calvi se soumise à notre seigneurie et allégeance. Après avoir doté la place d'officier et de gendarme pour la défense de sa garde, nous l'avons quittée et nous sommes arrivés à bon port devant la ville de Bonifacio, du dit royaume de Corse, pour la soumettre de la même façon à notre allégeance. Le 21 octobre 1420 donc, Alphonse installe le siège devant l'inexplugnable cité de Bonifacio, dernier rempart avant la conquête intégrale de l'île de Corse. Le comte Vincente, Paolo della Rocca et même les seigneurs du Cap et leur suite respective sont présents, bien installés sur les plateaux qui font face à la ville, équipés de trébuchets et d'autres engins de siège. Les bombards aragonais détruisent la marine, mais les bénéficiens défendent admirablement bien la haute ville des assauts différents ordonnés par le roi. A la fin du mois de décembre, Jeanne réagit par une opération coordonnée et parvient à approvisionner la ville à ses jours. Mais comme on le sait, il est impossible de réécrire l'histoire même lorsqu'elle fait marche arrière. Début janvier 1421, après avoir pris Calvi, après avoir harcelé la ville de Bonifacio qui était sur le point de tomber, affaiblissant ses remparts et démoralisant ses habitants pendant un long siège de trois mois, le roi Alphonse part avec son hoste vers Naples où il est appelé par la reine Jeanne qui fait de lui son héritier. Électrisé par l'occasion maintes fois rêvée par les rois d'Aragon depuis 200 ans d'unifier les royaumes de Naples et de Sicile, il abandonne et le compte et tous ses vassaux corses en leur ordonnant de maintenir la pression sur Bonifacio. Sous les remparts, Pourtant, la situation se dégrade. Le siège est complètement levé le 7 janvier. Probablement la plus grande occasion manquée de l'histoire de Corse. Vincente, le délaissé par son roi, doit composer dans les années 1420 pour assurer l'unité politique d'une île où le clanisme et le clientélisme font loin. Il passe le plus clair de son temps dans sa nouvelle résidence cortenaise, passe de part et d'autre des monts afin d'éteindre les moindres petits foyers de révolte populaire, renforce ses alliances et rend la justice comme il peut. Au nord de l'état de Chénarquais, les seigneurs de Lega, avec Rinouche en tête, reconstruisent les rocs d'Isilla et se dressent contre le comte. Au sud, Paolo della Rocca, du haut de son castil de Baric, fait de même. Ses frères Orlando et Antone se barricadent à Cucurpura, dans l'Alta Rocca, et refusent eux aussi de payer le tribut comptal. Mais le vice-roi de Corse, fort des impôts qu'il lève dans le reste de l'île, et de son nouveau mariage avec la fille d'un des seigneurs du Cap, parvient à mettre tout le monde au pas. Il pousse les frères de la Rocca à l'exil, et enferme le seigneur de Lega sous les verrous, du donjon de Chinark.
Speaker #0la République de Gênes réactive ses rouages et déclare Vincente l'ennemi de la patrie. Il est recherché, mort ou vif, probablement avec une prime dite irambique à la clé. Néanmoins, pendant cinq ans, il gouverne l'île sans trop de problèmes. En effet, ayant appris de ses erreurs passées, il nomme des vicaires auxquels il ordonne de rendre bonne justice tout autour de l'île. Pour ce qui est de l'impôt, le comte le laisse à hauteur de 20 soldes par foyer, le même prélèvement que les géants effectuant. A partir de 1429, Giovanni della Grossa commence peu à peu à dresser un portrait de Vincente, le beaucoup moins reluisant qu'à ses débuts. Selon le chroniqueur, le vice-roi devient un tyran qui n'hésite pas à enfermer, sans aucune raison valable, les seigneurs rivaux en les humiliant et en prenant leurs femmes. D'autant que les hommes de la nation corse, peut-on lire, sont terribles et excessivement jaloux pour ce qui est de leurs femmes. Incidemment, les siècles ont passé, mais on est toujours pareil. Le comte fait donc de plus en plus de mécontents qui n'attendent que de pouvoir se défaire de son autorité par tous les moyens. Il faut dire que le chroniqueur lui-même, alors au service du comte, s'est brouillé avec lui au point d'être chassé de ses propres terres. En 1431, Vincente Elodisria décide de faire construire deux galères, une en Chinarque et l'autre à Bastia, afin de se rendre en Italie et aider le roi Alphonse dans la conquête de son nouveau royaume de Naples. Pour ce faire, il double l'impôt et impose aux populations locales la corvée du transport de bois. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Ses ennemis sont alors nombreux et n'en attendent pas moins pour soulever les peuples en 1433 et pour marcher sur le compte. Paolo della Rocca, pour qui la situation est du pain béni, enflamme le sud. Rino Cio d'Alega, qui vient de s'enfuir des prisons de Chinarca, s'allie à Simone d'Amar, prend Migulia et assiège Bastia. Vincente il est contraint de se réfugier au castil de Chinarca, d'où, comme à son habitude, il prend la mer. Mais cette fois-ci, cette escapade sera sa dernière. Il passe quelque temps en mer, il réfléchit à ce qu'il va faire, il compte ses forces, et se décide à rejoindre son frère Giovanni en Sardaigne, sur une galère loin d'être terminée. Il passe à Florence pour récupérer de l'équipement pour ses navires et se rend à Bastia pour ravitailler la ville. Sur le chemin, il est abordé par le navire génois de garde qui patrouille dans les eaux ligures à la recherche des ennemis de la République. Le combat est inégal et malgré sa résistance farouche, le 21 avril 1434, Vincentello est capturé et emmené prisonnier à Gênes. Le lendemain... Il est présenté, enchaîné, en comparution plus qu'immédiate, devant le conseil de la commune, dans un de ses nombreux procès équitables de l'histoire, qui n'ont d'équitable que le nom. Il est accusé d'avoir perpétuellement mené la guerre contre la nation génoise, sur terre et sur mer, en usant de la plus vile barbarie, et est condamné à mort sur la place publique. Alors âgé d'une cinquantaine d'années, le comte Vincente Lodis ria premier du nom, vice-roi de Corse et prince d'Aragon. est exécuté par décapitation le 27 avril 1434 sur les marches du Palazzo d'Occale à Gênes. La rapidité de la mise à mort du comte par les autorités génoises témoigne de la dangerosité du personnage. La commune, décidée à ne plus se faire marcher dessus par la couronne d'Aragon, ne peut se permettre de laisser en vie un homme pareil, capable de s'enfuir à la moindre occasion et de réunir une nouvelle fois une troupe conséquente qui mettrait la république en déroute. C'est pour cause d'une Chanteloudis qui a probablement été le seigneur insulaire le plus proche de l'histoire, à faire rompre les chaînes de l'oppression génoise en course. Il a d'ailleurs été le chunarchézo qui s'est maintenu le plus longtemps en tant que seigneur de toute l'île, c'est-à-dire 15 ans de 1419 à 1434. Mais après la prise de Calvi et trois mois d'un long siège de Bonifacio, les deux forteresses génoises dans l'île, les seigneurs fidèles à l'Aragon ne peuvent que se résigner. En fait, il faut rejoindre l'analyse de Philippe Colombagne quand il écrit dans les Corses et la Courante d'Aragon Qu'au-delà des rivages de Corse, les choses bougent dans des enjeux sur lesquels les Corses ou leurs vicerois n'ont que peu de prise, si ce n'est comme outil ou comme arme. dans les mains des princes qui les gouvernent. Gênes, à défaut de posséder assez de terres cultivables sur ses propres rivages, doit s'accrocher avec force à l'île de Corse comme une arapède à son rocher afin de pouvoir subvenir aux besoins alimentaires de ses populations. La couronne d'Aragon, quant à elle, ne souhaite posséder l'île que pour la soustraire à la domination de sa rivale génoise. Éternellement balottée entre les puissances méditerranéennes, la Corse n'est donc qu'un grenier à blé pour l'une, un objectif secondaire de conquête pour l'autre, mais aussi et surtout un port stratégique qui favorise géopolitiquement la puissance qui le tient. Jovan de la Grosse a écrit dans ses chroniques que Le roi ne fait pas plus de cas de ceux qui ont pris les armes en sa faveur qu'il n'en fait de ses ennemis, et il les abandonne dans le pire moment de la guerre, de la même manière que s'il les avait jetés en haute mer.