Conférence de Giuseppe Longo, CNRS, département Informatique – ENS et CREA, Polytechnique, Paris et Centre d’étude des systèmes complexes et de la cognition (CENECC).
Le 11 janvier 2011 à l'Espace Mendès France (https://emf.fr/ec3_event/une-breve-histoire-du-continu-du-discret-et-de-linfini/) , Poitiers, dans le cadre du cyle Jalons pour une histoire des sciences de l’homme.
Naissance de la monnaie frappée (Crésus, VIe siècle), de la philosophie, des mathématiques… économie, société et dialogue sur l’agora, qui en Grèce, démarrent une nouvelle pensée, un nouvel univers symbolique. Des rotations et des translations de lignes continues sans épaisseur, des gestes humains parfaits, dialogues avec les dieux, organisent la pensée géométrique et philosophique. Mais le nombre, itéré potentiellement à l’infini, n’atteint pas l’horizon, cette limite
actuelle du discret qui demandera une métaphysique différente. C’est dans la peinture italienne du 400 que l’on osera mettre, en premier, « l’infini dans le tableau » (la prospective, avec son point de fuite), dans les annonciations où un Dieu infini rencontre la Madonna, femme
d’un monde fini (Masaccio, Piero della Francesca, Beato Angelico…). Et, ensuite, Desargues en fera une science, Newton et Leibniz comprendront le mouvement au fini par des passages à la limite infinie (le calcul infinitésimal), dans un continu et un infini actuel que Cantor nous
enseignera à maîtriser par une arithmétique de l’infini (des nombres infinis, ordinaux et cardinaux).
La crise (le « délire ») des géométries non-euclidiennes, espaces courbes où temps et espace s’intègrent, réévalueront le rôle du nombre entier, concept sûr, « absolu » (Frege), lieu du calcul certain car « potentiellement mécanisable » (Hilbert). Et voila la Machine Logique à Calculer (Turing), machine numérique à état discret, qui est en train de changer le monde. Mises en réseau, ces machines permettent la circulation presque instantanée d’une nouvelle monnaie, notation électronique de la valeur, un nouvel univers symbolique. Et les divergences vers l’infini, sur l’écran, de sommes virtuelles, dues à des interactions non-linéaires d’agents formels, modifient l’économie du monde, enrichissent sans limites ceux qui gèrent ce nouveau discret
symbolique, monnaie non-frappée ni imprimée, sans friction avec le monde, instrument d’un prétendu équilibre de marchés parfaits. L’arnaque du siècle : la dette privée qui devient publique quand elle a trop enrichi les riches et casse la socialité démocratique de l’agora.
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