- Speaker #0
Bonjour à tous et bienvenue dans ce quatrième épisode d'Islam politique, le podcast où on discute sereinement de ce sujet incandescent. En effet, dépendant de l'Assemblée nationale au plateau de CNews, le débat sur l'islam est saturé d'une part par les élus identitaires et d'autre part par les polémistes. Dans l'islam politique, je donne la parole à la fois aux universitaires et aux professionnels de terrain, qui peuvent parfois être une et même personne, dans un environnement médiatique un peu plus détendu, comme l'évoquait Alexandre Jubelin, que j'ai écouté hier soir, qui lui veut donner un espace, des bases, qui sont dévancées stratégiques. Je reprends cette idée d'un environnement médiatique un peu plus détendu, qui fait défaut à la question de l'islam politique. Donc dans ce podcast, ils vous font, ils nous font un retour d'expérience, partagent leurs bonnes pratiques et d'ici blaboum. Bienvenue dans IslamPolitique. Bonjour Marc Ecker.
- Speaker #1
Bonjour Sidney, bonjour à tous.
- Speaker #0
Donc Marc Ecker, vous êtes actuellement directeur adjoint de l'Ishri. Vous êtes également rédacteur en chef de la revue Politique étrangère. pour brosser à grands traits votre parcours vous êtes docteur en sciences politiques de l'université Panthéon-Sorbonne votre thèse portait sur les militantismes des deux camps du conflit israélo-palestinien et leur dimension transnationale Elle a donné lieu à la publication de Intifada française ? de l'importation du conflit israélo-palestinien qui est sorti en 2012. Et vous avez aussi publié avec Elie Tenenbaum La guerre de 20 ans, djihadisme et contre-terrorisme au XXIe siècle qui est sorti en 2021. Est-ce que pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore ou pas bien, vous pourriez nous éclairer un peu sur votre parcours personnel et professionnel qui vous a amené à étudier la thématique de ce podcast, le fait musulman, à travers votre parcours ?
- Speaker #1
Oui, merci de votre accueil pour cet épisode, pour ce podcast. Alors moi, je ne suis pas très à l'aise avec l'idée de fait musulman. Je ne suis pas un islamologue, je n'ai pas fait des études dans ce domaine. J'ai fait des études de sciences politiques, orientées relations internationales, mais toujours aussi avec une dimension plus sociologique qui concerne la France. Donc l'idée étant qu'il existe une porosité entre l'espace international et l'espace national. Aujourd'hui, c'est devenu une évidence de dire ça, mais ça n'était pas forcément... au moment où j'ai débuté mes travaux. Et donc j'ai fait une thèse de doctorat, comme ça a été dit, à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sur la question de l'importation du conflit israélo-palestinien en France. Cette thématique de l'importation était déjà très présente dans les médias. Moi je l'avais vécue pendant mes études, parce qu'il se trouve que j'étais étudiant au début de la deuxième intifada. et que j'ai pu mesurer les répercussions qu'il y avait déjà à l'époque en France, mais aussi qu'on pouvait constater déjà sur les campus.
- Speaker #0
J'imagine des blocus de campus, des grosses manifestations, comme on peut le voir aux Etats-Unis aujourd'hui.
- Speaker #1
Des manifestations, mais surtout ce qui avait été frappant à l'époque, donc au tout début du XXIe siècle en France, ça avait été une apparition très forte de violences et de faits antisémites. Alors on l'a revu beaucoup plus récemment, avec la hausse des actes antisémites depuis le 7 octobre 2023 en France, mais en fait on avait déjà eu un phénomène de ce type-là, de moindre ampleur en ce qui concerne le volume des faits, mais enfin il y avait quand même eu des événements très marquants, et notamment j'ai le souvenir de plusieurs cocktails Molotov qui avaient été jetés sur des synagogues, en banlieue parisienne notamment, et j'avais été interpellé à la fois par... ces faits, mais aussi par l'ambiance plus générale qu'il y avait autour de ce conflit, qui a occupé pendant des mois la une de l'actualité, et j'ai voulu mieux comprendre les ressorts de ces résonances du conflit sur le territoire français. Alors, l'appellation importation du conflit israélo-palestinien est discutée, et évidemment j'en débat dans cette thèse. D'ailleurs, je précise l'ouvrage que vous avez mentionné, là, de 2012, Intifada française ? est épuisé. Et donc avec l'autorisation de l'éditeur, on l'a mis en ligne. Donc il est intégralement disponible gratuitement sur le site de l'Institut français des relations internationales. Le meilleur moyen de se faire une idée sur son contenu, c'est encore d'aller le lire.
- Speaker #0
Un bouquin de chercheur victime de son succès, ça se salue.
- Speaker #1
Oui, je ne sais pas si c'est victime de son succès ou qu'à la longue, il a fini par ne pas se vendre et donc l'éditeur a arrêté de le produire, ça je n'en sais rien. Mais en tout cas, il est disponible sur Internet, donc j'encourage vos auditeurs à aller se faire une idée par eux-mêmes et à le lire. Alors évidemment... C'est une perspective qui aujourd'hui n'est plus à jour puisque ça date de 2012, mais ça donne je pense un bon arrière fond pour comprendre les questions qui taraudent aujourd'hui la société française sur l'impact de ce conflit.
- Speaker #0
Et donc comme vous l'avez mentionné, vous n'êtes pas islamologue, mais l'intérêt des sociologues et des politistes c'est de pouvoir aborder des champs assez vastes, des thématiques très larges. Et là en l'occurrence, vos deux grands axes, on pourrait dire le conflit israélo-baïstinien et l'action du terrorisme, sont assez tangents, ont beaucoup de faces communiquantes avec les questions. avec les questions religieuses et identitaires. Comme vous l'avez mentionné, un conflit qui a priori territorial, politique, a des répercussions en France sur l'antisémitisme, donc sur des catégories religieuses. Et donc, c'est dans ce sens-là que votre éclairage me paraît intéressant, dans ce champ plus large de l'islam politique et du fait religieux et politique.
- Speaker #1
Alors un point intéressant, je travaille dans un institut de relations internationales, donc souvent on est contacté par des acteurs étrangers qui veulent aussi comprendre ce qui se passe en France. Et pendant toute cette période de la deuxième intifada, et même au-delà, puisqu'il y a eu des pics de violence au Proche-Orient assez régulièrement qui se sont traduits aussi, par des tensions récurrentes en France, et donc assez régulièrement des acteurs internationaux venaient en disant mais dans le fond, est-ce que ce lien particulier entre la France et le conflit israélo-palestinien est lié au fait que la France héberge la plus importante communauté juive en Europe ?
- Speaker #0
À la fois juive et musulmane, vous l'avez dit dans votre interview.
- Speaker #1
Exactement, et puis les plus importantes communautés musulmanes également. Et ma thèse par rapport à ça... Prenez quand même un peu de recul, un peu de distance, parce que, notamment pour ce qui est de la mouvance pro-palestinienne en France, elle s'est constituée à partir, dans le fond, de la guerre des six jours, essentiellement, en 1967, autour de quatre sphères qui n'étaient pas des sphères religieuses. En tout cas, ce n'était pas pour ces acteurs-là la motivation religieuse qui était principale.
- Speaker #0
Nationalisme arabe était plus important, j'imagine.
- Speaker #1
Alors oui, si vous voulez, on peut les détailler maintenant. Effectivement, la première sphère, c'était des travailleurs et des étudiants immigrés vivant en France, mais qui n'étaient pas nécessairement des Palestiniens. Il y avait quelques étudiants palestiniens, mais pour l'essentiel, il y avait cette idée de solidarité pan-arabe. Et donc, on avait des travailleurs, notamment du Maghreb, qui se sont mobilisés pour la cause palestinienne dès les années 60. La deuxième sphère, c'était des gaullistes impliqués dans la société civile. Il faut se rappeler qu'en 67, c'est la grande rupture avec le général de Gaulle qui rompt la coopération militaire avec Israël et les relations qui se tendent d'un point de vue diplomatique de manière très conséquente et se développe ce qu'on a appelé par la suite la politique arabe de la France. Et en fait, il y a eu un versant de cette politique arabe dans la société civile. avec notamment une association qui a été créée à l'époque, l'Association de Solidarité Franco-Arabe, qui a promu la cause palestinienne dans la société civile française. Et puis, troisième sphère, c'était ce qu'on appelle les cathos de gauche, autour de l'hebdomadaire Témoignages Chrétiens, Témoignages Chrétiens qui a fait plusieurs unes sur la cause palestinienne, qui a organisé des voyages de solidarité sur place, et qui a vraiment contribué à faire connaître cette cause en France. Et puis, quatrième et dernière sphère à l'époque, Ce qui reste très présent aujourd'hui, c'est l'extrême-gauche dans toute sa diversité qui a appliqué une grille de lecture anticolonialiste, anti-impérialiste sur le conflit israélo-palestinien et a donc pris fatigose pour les Palestiniens. C'est par la suite que d'autres acteurs se sont rajoutés et notamment des acteurs plus impliqués dans les questions religieuses et notamment pendant ma thèse, j'ai pu assister à un événement qui était sans doute une première ou en tout cas une des premières qui était une prière de rue dans une manifestation pro-palestinienne qui était faite par quelques acteurs présents. Et ce qui a vraiment surpris très fortement les militants traditionnels, notamment ceux de l'extrême gauche qui défendent toujours une Palestine laïque et démocratique, et tout à coup ils ont vu que cette cause attirait aussi des acteurs religieux. et puis ces acteurs-là aussi se sont mis à un moment donné à scander des slogans en arabe alors que la plupart des militants traditionnels ne sont pas arabophones donc on a vu cette diversification de la cause palestinienne là aussi à partir de la deuxième intifada donc ça c'est pour le côté importation du conflit israélo-palestinien en France mais il y a aussi la question du terrorisme alors comment est-ce qu'on arrive de l'un à l'autre ? alors d'abord dans le conflit israélo-palestinien il y a quand même une dimension terrorisme parce qu'avant d'avoir cette importation au début du XXIe siècle, il y a quand même eu toute une phase d'exportation de violences, où on avait des acteurs qui venaient du Proche-Orient en France pour commettre des actions violentes. ça a pris la forme de terrorisme avec des groupes armés palestiniens, des détournements d'avions notamment, et puis ça a pris la forme d'élimination ciblée, d'assassinat ciblé de responsables palestiniens par les services secrets israéliens. Il y a aussi eu d'autres responsables palestiniens qui ont été tués sur le sol français dans le cadre d'affrontements interpalestiniens. Là on parle de quelques individus, mais on a eu cette importation de violence qui a duré.
- Speaker #0
Ce qui est incarné dans le film Munich, par exemple.
- Speaker #1
Oui, alors il se trouve que là, en plus, on est à proximité des Jeux Olympiques de Paris 2024. La question sécuritaire est très présente dans le débat public et qu'on rappelle fréquemment qu'il y a eu des précédents de terrorisme et de violence politique lors de Jeux Olympiques. Le précédent le plus connu, c'est Munich 1972, où il y a eu une prise d'otage d'athlètes israéliens qui s'est terminée dans le sang. Et puis, il y a eu d'autres précédents, mais qui ne sont pas liés à ça, notamment 96 à Atlanta. Il y a une bombe qui a explosé dans le public et qui a tué une personne.
- Speaker #0
Espérons que l'histoire ne se renouvelle pas pour aller jouer au jeu de Paris.
- Speaker #1
Espérons, effectivement, en tout cas, les autorités font le maximum pour que ça n'arrive pas. Sur le terrorisme, quand même, pour embrayer là-dessus, il y a cette dimension du conflit israélo-palestinien. Mais en fait, ce qui s'est passé, c'est que quand j'ai commencé ma thèse, j'ai aussi, en parallèle, été recruté à l'IFRI, l'Institut français des relations internationales, dans le cadre d'un contrat... que je mentionne parce que je pense que ça peut intéresser certains de vos auditeurs, étudiants et qui sont tentés par la recherche, qui s'appelle un contrat CIFRE et qui permet à des doctorants d'être insérés dans une structure soit privée, soit publique, pour faire une thèse tout en ayant un pied à l'université.
- Speaker #0
pour que nos auditeurs comprennent, donc c'est convention industrielle, quelque chose, en tout cas c'est un peu partenariat université-entreprise dans l'idée.
- Speaker #1
C'est ça, au départ c'est ça, c'est convention industrielle pour la formation et la recherche en entreprise. Donc au départ c'était ça, c'est-à-dire que c'était des doctorants, surtout dans les sciences dures, qui allaient travailler pour des entreprises. Je donne un exemple très théorique, où quelqu'un, un chimiste qui irait travailler dans une entreprise pharmaceutique par exemple, et puis ça s'est ouvert petit à petit aux sciences humaines et sociales. Et c'est dans ce cadre là que j'ai pu venir à l'IFRI. Et donc j'ai signé mon contrat en 2005, j'avais été stagiaire avant dans l'institut. Et étonnamment, il y avait des personnes qui travaillaient sur le terrorisme, mais il n'y avait pas une personne qui était dédiée à temps plein au terrorisme à l'IFRI, alors qu'on était quand même... quelques années après le 11 septembre 2001. Et puis, il y avait surtout eu les attentats de Madrid d'abord. Ensuite, il y a eu Londres. Là, j'étais déjà arrivé à l'IFRI au moment des attentats de Londres.
- Speaker #0
Encore un sujet, un champ de recherche, c'était plus connexe avec tout un tas d'autres sujets.
- Speaker #1
C'est ça. C'est-à-dire qu'au sein de notre centre des études de sécurité, il y avait des personnes qui travaillaient sur le terrorisme, mais c'était un sujet parmi d'autres. Et donc, il y a eu la volonté de l'Institut de recruter quelqu'un pour travailler vraiment là-dessus à temps plein. et j'ai eu la chance d'être sélectionné pour être cette personne. Donc je me suis mis à travailler sur le terrorisme en tant que tel, et à l'époque la menace principale c'était Al-Qaïda. Et donc à partir de là, j'ai été amené à étudier les évolutions de la mouvance djihadiste internationale, Al-Qaïda d'abord, Daesh ensuite, d'abord du point de vue international, et puis ensuite quand la menace s'est vraiment rapprochée du territoire français, je me suis beaucoup concentré sur l'évolution de la menace en France.
- Speaker #0
Ah oui, d'où la profondeur. le recul historique de votre ouvrage La guerre de 20 ans, où au final vous avez passé quasiment 15 ans sur le sujet c'est l'histoire de cette guerre mais c'est aussi l'histoire de votre vie professionnelle finalement
- Speaker #1
Oui, on peut le dire comme ça. Alors, ce n'est pas présenté comme ça dans le livre. Ce n'est pas une autobiographie. Non, pas du tout. On ne se met pas du tout en scène avec le co-auteur Elie Tenenbaum. Ce qu'on essaye de faire, c'est vraiment à la fois retracer l'histoire de cette période de 20 ans de guerre contre le terrorisme. Ensuite, on essaye de montrer les interactions qui existent entre les insurgés, les terroristes d'un côté, et puis de l'autre côté, tous les acteurs qui contribuent à la réponse. Donc, les policiers, les militaires. la justice, etc. Et puis, troisième point, on essaye de faire une sorte de retour d'expérience stratégique, c'est-à-dire essayer de voir ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné dans cette guerre globale contre le terrorisme.
- Speaker #0
Je comprends. Vous avez évoqué la thèse chiffre que vous avez faite, et du coup l'IFRI où nous sommes aujourd'hui. Est-ce que vous pourriez expliciter un peu votre métier, vos métiers, vos différentes casquettes, et puis ce que c'est concrètement un think tank, les relèches internationales pour ceux qui ne seraient pas familiers avec le sujet ?
- Speaker #1
Absolument, alors l'IFRI ça a été créé en 1979 par Thierry de Montbrial et ça a été en fait historiquement le premier think tank en France alors think tank c'est un terme anglo-saxon, on n'a pas vraiment d'équivalent en français C'est entre de recherche et de réflexion ce genre de choses C'est ça et en fait ce qu'on fait c'est à la fois de la recherche et du débat c'est à dire qu'on produit de la recherche donc là j'invite vraiment vos auditeurs à aller voir le site internet de l'IFRI parce que la... La grande majorité de nos publications sont gratuites, sont en ligne et sont disponibles sur le site de l'IFRI. Donc on a plus de 150 publications par an sur des sujets extrêmement variés.
- Speaker #0
Et comme première approche, il y a aussi très récemment votre podcast, le podcast de l'IFRI, Le Monde sur l'IFRI, qui peut être un premier pied pour comprendre ce que vous faites.
- Speaker #1
Voilà, il y a aussi ce podcast qu'on a lancé plus récemment et qui est peut-être plus simple en première approche. Mais l'idée, c'est aussi d'amener les auditeurs vers des sources écrites, car je ne désespère pas. Tout le monde me dit, oui, mais la nouvelle génération lit moins, s'informe beaucoup plus par des podcasts, des vidéos, etc. Je ne désespère pas de réussir à faire lire nos auditeurs parce que je pense que rien ne remplace en réalité la lecture.
- Speaker #0
Ce sera en recommandation de fin d'épisode, vous pourrez recommander autant de livres que vous voulez.
- Speaker #1
Voilà, et donc ça c'est pour l'aspect recherche et puis il y a un aspect débat. En fait, ce sont essentiellement des séminaires, des conférences qu'on organise. Il y en a plus de 100 par an à l'IFRI, certaines sont publiques, d'autres ne le sont pas. Et là encore, si les auditeurs veulent être informés, il faut aller voir sur le site de l'IFRI, parce qu'il y a l'annonce des prochaines conférences, et encore une fois, pour les conférences ouvertes, le public est bienvenu, peut s'inscrire sur le site.
- Speaker #0
Très bien. Merci pour cette introduction très éclairante qui pose un peu le cadre dans lequel on s'exprime et on peut échanger ce matin. Ce que je vous propose, c'est d'aborder deux points dans l'admire qui vient. Le premier est la question du massacre du 7 octobre 2023, il y a environ six mois, donc perpétré par le Hamas sur des civils israéliens, principalement. et donc la question de l'importation de ce conflit en France dans une continuité de ce que vous avez évoqué et des conséquences sur le terrorisme que ça a pu avoir et ce que ça aura en France. Et un autre élément qui sera connexe au cours de la discussion qui est un rapport collectif auquel vous avez récemment participé sur la question des femmes djihadistes face à la justice dans une approche comparative européenne. C'est un peu les deux points qu'on va aborder. Pour commencer, le premier, je replace un peu un élément de contexte par rapport à une interview que vous avez faite, que vous avez donnée plutôt. Donc c'était trois jours après le 7 octobre, donc le 10 octobre 2023, vous avez été invité dans la matinale de Guillaume Erner sur France Culture pour parler justement des répercussions, donc à chaud en l'occurrence, de cette attaque du Hamas en France. Pour poser un peu le cadre, vous avez donné des éléments de contexte qu'on a évoqués tout à l'heure. En France, plus grande communauté juive d'Europe, aussi plus grande communauté musulmane d'Europe, pour des éléments démographiques. Et à ce moment-là, vous évoquiez ce conflit des israélo-palestiniens, et vous précisiez que dans les sujets de politique étrangère, c'était vraiment celui qui était historiquement le plus mobilisateur en France. Tout d'abord, au-delà des éléments objectifs, est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi est-ce qu'il y a une importation si forte de ce conflit, au-delà des éléments, des chiffres, de la démographie, est-ce qu'il y a une spécificité française dans le lien émotionnel, je dirais, avec ce conflit ?
- Speaker #1
En fait, ce qui s'est passé au cours des derniers mois m'amène vraiment à relativiser cette idée d'une spécificité française. Comme je le disais pendant la deuxième Intifada, souvent des acteurs étrangers venaient en France voir ce qui se passait parce qu'il y avait des mobilisations très fortes. Ceci étant, on voyait aussi déjà des mobilisations importantes, par exemple au Royaume-Uni. Pour l'anecdote, je pense que c'est le seul endroit véritablement où j'ai été invité physiquement pour présenter la guerre de 20 ans, pardon, pas la guerre de 20 ans, Intifada française, justement ma thèse, à l'étranger. J'étais tout jeune chercheur à l'époque, ça a été à l'université de Manchester. Et ça les intéressait particulièrement cette thématique parce que sur le campus de l'université de Manchester, ils étaient déjà confrontés aussi à ce type de tensions liées au conflit israélo-palestinien. Mais ce qui m'a frappé là au cours des derniers mois, c'est qu'on a vu en réalité des tensions et des mobilisations importantes dans de nombreux pays. Et donc la France ne fait vraiment pas figure d'exception. Il y en a eu au Royaume-Uni, les manifestations au Royaume-Uni étaient en volume beaucoup plus importantes que ce qu'on a vu en France depuis le 7 octobre. On pourra revenir sur les manifestations en France parce que le contexte était aussi très spécifique. On a vu aussi qu'aux Etats-Unis, il y a eu des tensions incroyables sur les campus et qui se... poursuivent jusqu'à aujourd'hui. On s'est beaucoup d'ailleurs focalisé sur les campus, mais en réalité, ça ne s'est pas cantonné au campus. Il y a eu des manifestations aussi dans les villes, dans les rues, etc. On a vu en Allemagne aussi des tensions très fortes avec des acteurs qui sont sortis dans la rue pour manifester, y compris des acteurs de la sphère vraiment islamiste. Le Hezbollah est sorti dans la rue en Allemagne pour manifester à ce moment-là. Donc voilà, spécificité française, je nuancerai ce point-là. En revanche, il y a une histoire très ancienne en France. J'ai commencé à l'esquisser en vous expliquant la structuration de la sphère pro-palestinienne. à partir de la guerre des six jours. Là, pour ce qui est du 7 octobre et de ses suites, je pense qu'on était dans une configuration très particulière qui explique sans doute pourquoi les mobilisations n'ont peut-être pas été aussi importantes en volume que ce qu'elles avaient été parfois par le passé. Il y avait des manifestations en 2008-2009 où il y avait 50 000 personnes dans la rue et ces mobilisations étaient arrivées très rapidement. La première chose, c'est qu'il y a quand même eu un massacre abominable le 7 octobre. et que dans la sphère pro-palestinienne, dans toute sa diversité que je viens de décrire, on a quand même une bonne partie de cette sphère-là qui défend la solution à deux États, qui est sur des lignes très traditionnelles qui ressemblent à celles des accords d'Oslo, qui historiquement sont beaucoup plus liées à des mouvances laïques type Fatah que à des mouvances islamistes type Hamas. de manière très intéressante d'ailleurs quand le Hamas a remporté les élections en 2006 puis a pris le pouvoir par la forte dans la bande de Gaza l'année suivante ça a créé des tensions très très fortes dans la mouvance pro-palestinienne en France je ne rentre pas dans les détails on n'a pas le temps mais enfin c'est des éléments que j'explique justement dans le livre Intifada française et donc ce fait déclencheur du 7 octobre a quand même créé je pense, des très fortes réticences dans une partie de la mouance pro-palestinienne pour aller d'emblée, très rapidement après ces événements, se mobiliser en masse pour soutenir... En fait, à l'époque, il faut aussi remettre la chronologie en place. La mobilisation, elle a surtout commencé à monter quand le bilan a commencé à monter dans la bande de Gaza, c'est-à-dire à mesure que les... les représailles israéliennes augmentaient, et au fur et à mesure que les civils étaient tués dans la bande de Gaza. Ça c'est le premier élément, c'est qu'il y a ce massacre du 7 octobre qui quand même n'a pas été cautionné par une partie importante de la sphère pro-palestinienne.
- Speaker #0
On peut parler de différents acteurs que vous avez évoqués, les gaullistes, la gauche, témoignages chrétiens et les milieux maghrébins. C'était les quatre acteurs que vous avez évoqués pour...
- Speaker #1
C'était les acteurs historiques, la mouvance a très largement changé depuis. En réalité, sur ces quatre acteurs, il y a vraiment l'extrême gauche qui est restée très forte et dominante dans cette sphère-là. L'égalisme a été un peu déterminé ? Oui, très largement. L'association en question n'existe plus, à ma connaissance d'ailleurs. Ça correspondait vraiment à une génération particulière. Et puis, en tout cas, ils se mobilisent différemment. C'est-à-dire que ce ne sont pas des acteurs qui vont dans la rue, qui vont manifester, etc. Et puis... J'ai perdu le fil du coup, mais je vais le récupérer. Il y a d'autres acteurs qui sont arrivés, qui ont rejoint ces sphères pro-palestiniennes. Et qui sont plus des jeunes, par exemple, qui vont se sentir un lien d'affiliation qui est difficile à définir précisément. Parce que là, vraiment, on est dans les questions identitaires, mais qui vont se sentir mobilisés par cette cause palestinienne. Soit pour des raisons... de liens familiaux, de liens culturels, etc. Ou alors parce qu'ils vont être sensibilisés à la thématique de l'injustice, aux thématiques colonialistes. Il y a aussi des acteurs qui travaillent aussi un peu politiquement les quartiers, qui essayent de faire des parallèles entre ce qui serait une situation post-coloniale, voire néo-coloniale dans les quartiers, et puis la situation... dans les territoires palestiniens, et ça, ça peut avoir des résonances sur certains jeunes qui entendent ces discours-là. Donc bref, la mouvance s'est diversifiée, et en tout cas, après le 7 octobre, il y a eu, dans une partie de cette mouvance-là, je pense, une vraie gêne. Il y a eu des acteurs qui ont cautionné, on les a vus, ça a été mis en avant beaucoup dans les médias, il y a eu des poursuites aussi judiciaires qui ont été... Engagé contre certaines personnalités. mais il est difficile de mesurer à quel point ces acteurs-là qui ont cautionné étaient représentatifs de la mouvance ou pas. J'ai tendance à penser qu'ils ne l'étaient pas en réalité. Évidemment, c'est difficile de mettre des pourcentages sur combien cautionnent, combien condamnent, combien se taisent, mais on penche plutôt de l'un ou de l'autre côté.
- Speaker #0
On peut parler à minima en majorité-minorité non représentatif, un peu comme ce que vous évoquiez dans une autre... Oui, un autre travail. Une autre interview où vous disiez qu'une bonne partie des pro-palestiniens n'étaient pas antisionistes, que ce n'était pas quelque chose qui était automatique, et que, comme vous l'avez évoqué, on peut être pro-palestinien pour une solution à deux États, une solution pacifiste, qui n'implique pas... la disparition de l'État d'Israël, donc voilà, à un moment donné, avoir une complexité des catégories.
- Speaker #1
Si vous voulez, moi, quand je faisais ma thèse, par exemple, il y avait une plateforme des ONG pour la Palestine qui regroupait les grands acteurs, et une des associations les plus importantes, c'était l'association France-Palestine-Solidarité. Effectivement, cette plateforme, elle était sur une ligne de solution à deux États, et mécaniquement, ça faisait aussi que cette... plateforme était très éloignée des positions d'acteurs comme le Hamas. Donc oui, les choses sont souvent plus complexes et nuancées que ce qu'on peut lire ou entendre à droite à gauche et c'est bien d'avoir des podcasts de ce type-là pour pouvoir prendre le temps et expliquer les choses. Donc ça, c'était le premier point, c'était le 7 octobre. La deuxième chose, c'était qu'il y a eu quand même une position gouvernementale très ferme qui a expliqué d'emblée que le Hamas est considéré comme une organisation terroriste, figure sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne, et que donc soutenir cette organisation était de fait considéré comme de l'apologie du terrorisme, avec l'idée que les manifestations de soutien au Hamas devaient être interdites. Et dans un premier temps, le gouvernement, le ministère de l'Intérieur, a même décidé d'interdire toutes les manifestations pro-palestiniennes, alors que la mouvance pro-palestinienne, comme je l'expliquais, n'est pas une mouvance pro-Amas dans son intégralité.
- Speaker #0
Avec un argumentaire d'éviter les troubles à l'ordre public, quel que soit le mouvement qu'organisait la manifestation. Oui,
- Speaker #1
argument qui d'ailleurs n'est pas totalement sans fondement, parce qu'on a vu par le passé dans les épisodes que j'ai décrits, 2008-2009 ou même ultérieurement, 2014, il y a eu d'autres manifestations importantes, certaines manifestations parfois dégénéraient à la fin.
- Speaker #0
Oui, c'est un exclut de liberté, liberté de manifester, liberté de tranquillité, on dirait.
- Speaker #1
Et quand je dis qu'elles dégénéraient, c'était soit en violence urbaine assez classique après des grandes manifestations, soit en action à caractère antisémite. Donc on a vu des grosses manifestations pro-palestiniennes se poursuivre vers des synagogues et et avec des actions, on va dire, hostiles à l'égard du bâtiment et puis potentiellement des gens qui s'y trouvaient.
- Speaker #0
Les cocktails Molotov, vous l'évoquez ?
- Speaker #1
Alors ça c'était pas nécessairement après des manifestations, les cocktails Molotov, c'était plutôt pendant la deuxième intifada au début, et c'était des actions qui étaient plutôt commises la nuit, quand les bâtiments étaient inoccupés et par des acteurs qu'on a eu du mal à identifier, parce qu'ils n'appartenaient pas forcément à des associations, et c'était pas après des manifestations clairement identifiées, où les acteurs pouvaient être visibles, etc. Non, là, ce à quoi je pense, c'est plutôt de l'ordre du caillassage ou des insultes ou des tags ou ce genre de choses.
- Speaker #0
Oui, mais en plus, effectivement, je confonds parce que vous le précisez bien dans une autre interview, le fait que c'était souvent les actes antisémites étaient faits par des acteurs distincts, des militants pro-palestiniens. C'était à la fois des acteurs distincts, mais aussi des moments distincts et que souvent, c'était les actes les plus violents, les profanations de tombes, le cocktail mot-au-toffe étaient faits la nuit. donc vraiment par des acteurs et à un moment différent de la manifestation en elle-même. Vous voyez bien cette distinction.
- Speaker #1
Et puis alors pour une anecdote qui maintenant est assez ancienne mais ce serait intéressant de voir si ça pourrait encore se passer comme ça aujourd'hui mais dans une petite ville de province, le président de la section locale de l'association France-Palestine Solidarité m'avait raconté qu'à l'issue d'une manifestation il y a des jeunes de la banlieue locale qui était arrivé avec des drapeaux de pays du Maghreb, qui s'était mis en tête de cortège, et les militants pro-palestiniens étaient très gênés, parce que ce n'était pas l'image qu'ils voulaient en donner. Et puis certains de ces jeunes voulaient justement poursuivre la manifestation vers la synagogue, ce qui n'était absolument pas prévu, ce n'était pas ce qui avait été négocié avec la préfecture. Et donc là, les militants jouaient un rôle, en fait, apaisant.
- Speaker #0
C'est-à-dire qu'ils sont allés voir ces jeunes-là, qu'ils leur ont expliqué qu'il ne fallait pas tout mélanger, que la communauté juive locale ne devait pas être mélangée avec les acteurs du conflit israélo-palestinien. Et en l'occurrence, ils ont réussi à faire en sorte que cette manifestation ne dégénère pas et ne se poursuive pas vers la synagogue.
- Speaker #1
Donc un autocontrôle interne. Vous avez évoqué la question de... du Hamas, classé comme organisation terroriste au niveau de l'Union Européenne, ce qui implique assez logiquement que les juges condamnent le soutien direct au Hamas. Récemment, vous l'avez évoqué en filigrane, on a à la fois deux élus, ou en tout cas deux personnalités de la France Insoumise, qui sont Mathilde Panot et Rima Hassan, Mathilde Panot étant la chef de file du groupe Insoumis à l'Assemblée, qui ont été convoquées... Oui, convoqué pour apologie du terrorisme, ce qui a suscité beaucoup de réactions. Est-ce que, dans ce sens-là, la question que j'ai envie de vous poser, c'est est-ce que depuis le 7 octobre, débattre politiquement de ce conflit, est-ce que c'est devenu plus difficile ? Et est-ce que la fenêtre d'Overton, donc l'espace de ce qui est toléré, de ce qui est légal, de ce qui est dissible dans le débat politique, est-ce que cette fenêtre s'est déplacée ?
- Speaker #0
D'une part, on est dans une société qui a tendance à se polariser, et il est de plus en plus difficile, j'ai l'impression, de débattre sereinement de beaucoup de sujets. Je ne sais pas si vous avez vu ça, mais il y a un mois à peu près, donc là on enregistre vers la fin avril, donc c'était vers la fin mars, il y a eu une audition parlementaire sur l'antisémitisme dans l'enseignement supérieur. C'est la commission des affaires culturelles qui a organisé ça et l'audition est en ligne, je l'ai regardé sur internet et un professeur d'université qui est aussi président d'une université est interrogé et on lui pose justement cette question là. Et alors il dit le rôle de l'université c'est justement de pouvoir débattre et débattre sereinement. Donc il faut pouvoir le faire évidemment dans de bonnes conditions, dans certains cas ce n'est pas possible, mais c'est un peu un crève-cœur de devoir interdire des débats, des conférences, des séminaires dans une université. Et il expliquait qu'il avait été possible dans son université d'organiser un débat sur Gaza et que ça s'était très bien passé. Et ce qu'il expliquait par ailleurs c'est que... Quelques temps auparavant, ils avaient dû, au niveau de l'université, appeler la police pour sécuriser un débat sur la maladie de Lyme, parce que le professeur qui intervenait était menacé de mort par certains militants. Ses positions étaient considérées comme controversées. Ceci pour dire que la polarisation et la tension peuvent aussi apparaître sur d'autres sujets, et qu'on a un enjeu plus global, je pense, d'apaisement de la société pour pouvoir débattre. de sujets difficiles, de sujets sensibles, mais le fait d'avoir uniquement des positions très tranchées qui s'affrontent sans pouvoir discuter, échanger, à mon avis, est une pente très dangereuse pour toute société, et notamment pour la société française.
- Speaker #1
Mais du coup, sur cet aspect de judiciarisation, du fait d'être convocé en tant que responsable politique sur la base d'interventions dans les médias, sur la base d'un communiqué au lendemain du 7 octobre, le fait d'avoir cette judiciarisation, est-ce que c'était le cas à l'époque ? Est-ce qu'à l'époque où vous avez étudié sur l'importation de ce conflit, il pouvait y avoir des mécaniques similaires, ou est-ce qu'il y a eu une évolution ?
- Speaker #0
Il y a eu une évolution, effectivement. Un exemple très clair, c'est que dans les manifestations que j'avais pu observer, j'ai terminé mon terrain en 2009, c'était vraiment les dernières grandes manifestations. Après, j'ai soutenu ma thèse en 2010. Dans les manifestations, qui parfois regroupaient plusieurs dizaines de milliers de personnes, il y avait des drapeaux du Hamas, des drapeaux du Hezbollah. Ça permettait d'ailleurs de mesurer un peu la popularité de ces mouvements. Les drapeaux du Hamas et du Hezbollah, on en comptait, je dirais, quelques dizaines probablement sur des manifestations importantes de plusieurs milliers ou dizaines de milliers de personnes. Ça montre sans doute que ce n'était pas les mouvances dominantes dans les sphères pro-palestiniennes à l'époque. il faudrait refaire ce travail aujourd'hui pour pouvoir mesurer. La difficulté, c'est qu'aujourd'hui, effectivement, avoir un drapeau du Hamas dans une manifestation, ça ouvre la voie, possiblement, à des poursuites pour apologie du terrorisme. Donc, les militants se gardent bien de le faire. Aujourd'hui, dans les manifestations, ce qu'on peut constater, donc maintenant presque six mois ou plus de six mois d'ailleurs, après ces événements et après les interdictions des premières manifestations, c'est quand même que, d'une part... ces mouvances vraiment pro Hamas, pro Hezbollah font profil bas. On les voit très peu. Ça ne veut pas dire qu'elles ont disparu, mais on les voit très peu. On peut considérer ça peut-être d'un côté comme positif, en même temps, ce n'est pas non plus en cassant le thermomètre qu'on fait disparaître la fièvre. Et la deuxième chose, c'est qu'on voit qu'il n'y a pas eu de débordement après les manifestations, comme on avait pu l'observer auparavant avec ce que je décrivais des poursuites vers des synagogues, etc. Donc, en un sens, les mesures qui ont été prises ont... ont peut-être été efficaces. Alors, les mesures ont aussi évolué avec le temps, puisque finalement, les manifestations pro-palestiniennes ont fini par être autorisées. Il y a eu des décisions judiciaires allant dans ce sens. Et puis, il continue à y en avoir régulièrement. Donc, il y a eu un changement. Il y a eu un changement aussi plus général de contexte, évidemment, puisque la vague de terrorisme djihadiste en France est passée par là et que la loi a changé. Il faut rappeler que sur les questions d'apologie du terrorisme, il y a vraiment eu un changement majeur, puisque la loi du 13 novembre 2014 fait sortir l'apologie du terrorisme du droit de la presse, le fait rentrer dans le droit commun, dans le droit pénal, et augmente aussi les peines encourues. Donc c'est 5 ans pour de l'apologie du terrorisme classique sur la voie publique et c'est jusqu'à 7 ans pour de l'apologie du terrorisme en ligne. Ça ce sont des peines théoriques, en pratique elles sont généralement plus faibles. Pour l'anecdote, la dernière peine que j'ai vu passer pour apologie du terrorisme, c'était en Alsace. la semaine dernière, tribunal local qui a jugé l'apologie du terrorisme puisque contrairement au terrorisme en tant que tel qui est centralisé à Paris, l'apologie du terrorisme s'est décentralisée. Donc il y a des jugements dans toute la France, ce qui rend le contentieux plus difficile à suivre pour les chercheurs, pour les journalistes, pour tous les observateurs.
- Speaker #1
Est-ce que ça ne relève pas du parquet national antiterroriste du coup ?
- Speaker #0
Non, l'apologie non. En l'occurrence, c'était un Afghan qui était sur le territoire depuis six ans et qui relayait des contenus de Daesh en ligne et qui a pris une peine de deux ans de prison pour l'apologie du terrorisme. C'est une peine beaucoup plus classique que ce qui est prévu par la loi jusqu'à sept ans. Ce qui a changé aussi avec cette sortie de l'apologie du terrorisme du droit de la presse, c'est les questions de prescription, puisque la prescription apparemment était de trois mois. Et là aujourd'hui elle se compte en années. Donc c'est très différent et le fait est que le contentieux s'est vraiment massivement développé. Il n'y avait eu que quelques cas dans la décennie qui avaient précédé la loi du 13 novembre 2014 et puis en 2015-2016 en revanche on a eu plusieurs centaines de cas chaque année. donc oui le contentieux d'Apologie du Terrorisme s'est vraiment développé ça a suscité des critiques en janvier 2015 j'ai ce souvenir là, ce texte m'avait marqué il y a un blogueur judiciaire connu en France qui s'appelle Maître Eolas très actif sur Twitter qui avait publié un texte qu'on trouve sur le site d'Aloz qui s'appelait Le Juge et la Guêpe qui était une allégorie intéressante mais lui est donc penser que c'était une forme de surréaction de la société française par rapport aux attentats de janvier 2015, de poursuivre dans un tel volume des personnes pour apologie du terrorisme. Donc il y a eu cette évolution et effectivement là on constate le résultat en lien avec le conflit israélo-palestinien qui est que des personnes qui sont soupçonnées de soutenir d'une manière ou d'une autre verbalement, par de l'apologie, le Hamas, et bien effectivement peuvent être convoquées et éventuellement poursuivies pour ces faits-là.
- Speaker #1
Dans cette même idée, est-ce qu'on pourrait considérer qu'il y a un peu une sorte de nouveau point Godwin dans l'espace du débat, l'espace médiatique ? Un point Godwin, c'est un point à partir duquel, quand un débat sur Internet se prolonge immanquablement, selon la théorie de ce monsieur Godwin, les gens finissent par s'insulter d'Hitler ou de nazis, en gros. Est-ce qu'on peut considérer que... Il y a une sorte de nouveau point Godwin de notre époque par rapport à ces traumatismes répétés d'attentats en France sur la question du terrorisme, d'être taxé, d'être accusé de complicités du terrorisme, complaisance, ambiguïté et djihadisme d'atmosphère, comme j'ai pu l'entendre utilisé plutôt à torrer à travers, pas dans le sens originel de son concepteur. Est-ce qu'on peut considérer que c'est une sorte de nouveau point final, point de tension de discussion politique ?
- Speaker #0
Il y a une sensibilité clairement par rapport à ce sujet. Il y a sans doute, moi je ne suis pas psy, mais il y a sans doute des formes de traumatisme effectivement par rapport à ce qui s'est passé en 2015, 2016 et puis au-delà, même si les attentats les plus... les taux ont eu lieu en 2015-2016 on a quand même eu régulièrement depuis des attaques, des attaques létales et puis des projets d'attentats déjoués un point quand même sur l'apologie je veux le mentionner au passage c'est que quand même dans plusieurs cas l'apologie du terrorisme a été utile d'un point de vue judiciaire pour entraver des vrais projets d'attentats à venir alors évidemment si un projet est matérialisé on passe à l'association de malfaiteurs terroristes donc c'est plus en amont mais enfin sur des personnes par exemple qui avaient pu être, on a pu voir ça des personnes condamnées pour des faits de terrorisme qui ensuite sont sorties de prison et dès qu'elles ont commencé à avoir une activité en ligne qui était en lien avec du soutien, du relais de propagande ou ce genre de choses, ces lois sur l'apologie ont permis de passer à l'acte très vite et de les sanctionner à nouveau. Donc, j'allais dire, il faut aussi avoir... Il y a toujours des dimensions multiples et complexes à avoir en tête quand on regarde un sujet, mais c'est vrai qu'il peut y avoir des effets de bord. avec des convocations de personnel politique ou ce genre de choses, comme vous l'avez évoqué et comme c'est arrivé dernièrement. Donc cette sensibilité sur le terrorisme, clairement, elle est là. Il y a des tensions très claires, une polarisation. Et encore une fois, je pense qu'il est extrêmement important d'avoir ces espaces de dialogue, voir un peu refroidir le système et considérer... toute la complexité du phénomène et pouvoir encore une fois échanger, débattre et éventuellement au final faire évoluer des pratiques ou des législations si besoin apparaît.
- Speaker #1
Comme c'était prévisible, je pense que j'ai prévu un programme un peu trop extensif par rapport à l'ambition du temps. Mais pour les 10 minutes qui nous restent, j'aimerais bien faire ce lien sur la question de l'importation, faire le lien avec l'attentat du quai de Grenelle où... où en gros, l'auteur de l'attentat a fait référence à une solidarité avec ses frères, ses frères musulmans c'est une mauvaise expression, mais en tout cas une solidarité fraternelle avec les musulmans qui souffraient en Palestine. C'est comme ça qu'il a exprimé. Et du coup, là où je m'interroge, c'est est-ce que... par rapport à cette importation du conflit israélo-pestinien, est-ce que la bascule d'un nationalisme historique du Fatah vers ce que j'appellerais un fondamentalisme du Hamas, donc une évolution schématiquement d'un pan-arabisme vers un pan-islamisme en termes de solidarité, est-ce que ce conflit-là, dans son importation, devient un nouveau mobile d'attentats proprement djihadistes ? Et est-ce que c'est un motif qui pourrait avoir une dynamique dans l'avenir ?
- Speaker #0
Effectivement, là on arrive sur des sphères différentes qui sont les sphères djihadistes et en particulier le djihadisme qualifié d'international. Généralement quand on parle de djihadisme international, on pense essentiellement à Al-Qaïda et Daesh. Il y a plusieurs choses. D'abord, la cause palestinienne est présente dans la propagande de la mouvance djihadiste internationale quasiment depuis l'origine. C'est une cause mobilisatrice très forte. Les déclarations de djihad des années 90 de Ben Laden mentionnaient la cause palestinienne. Donc ça c'est une première chose. La deuxième chose c'est que le fait que les brigades des Eddine Al-Qassam liées au Hamas aient réussi cette opération, c'est quelque chose que Al-Qaïda et Daesh n'ont jamais réussi. Et donc on se demandait quelle allait être la réaction d'Al-Qaïda et de Daesh, sachant que idéologiquement, les mouvances d'une part entre guillemets islamo-nationalistes, comme le Hamas qui a une dimension islamiste claire mais qui a aussi une dimension nationaliste, et d'autre part les mouvances djihadistes internationales n'appartiennent pas à la même famille idéologique exactement. Pour les mouvances djihadistes internationales, le nationalisme... c'est quelque chose qui a été créé par les occidentaux pour diviser les musulmans. pour la mouvance djihadiste internationale, participer à des élections, comme le Hamas l'a fait par le passé, c'est reconnaître le fait que les hommes ont un pouvoir politique, pouvoir de voter des lois, etc., alors que pour la mouvance djihadiste internationale, le pouvoir il est d'essence divine. Donc,
- Speaker #1
s'associer à de la mécréance, c'est quelque chose qui n'est pas souhaitable.
- Speaker #0
Donc, il y a des oppositions idéologiques, mais ceci étant, vu ce qu'a réalisé le Hamas et vu ce qu'ont réalisé les brigades des Edin el-Kassam, et bien effectivement les observateurs se demandaient comment Al-Qaïda et Daesh allaient réagir. En fait dans la mouvance kaïdiste, on a très vite vu un soutien très fort, une forme d'exaltation par rapport à ces massacres du 7 octobre. Donc il y a différentes branches d'Al-Qaïda, et puis ensuite Al-Qaïda centrale qui ont félicité les brigades des Eddines Al-Qassam pour cette opération. et du côté de Daesh on a vu davantage de gêne, presque de la jalousie et la réaction ça a été plutôt de dire il faut nous aussi qu'on attaque des juifs et donc il y a eu des appels à attaquer les juifs qui ont été émis par différents canaux liés à Daesh, à l'état islamique Par ailleurs, ce qui a pu être observé, c'est une véritable ébullition dans la djihadosphère, c'est-à-dire que là, on n'est pas au niveau vraiment des appareils, des têtes pensantes des organisations, mais plus des sympathisants, et sur les applications chiffrées, notamment, où ces gens-là communiquent. Moi, je ne suis pas du tout ces sujets au quotidien, mais je connais différentes personnes qui le font, et notamment, en source ouverte, vous pouvez vous référer au compte Twitter djihadoscope, parce que c'est des... C'est un groupe qui suit ça précisément et c'est vrai que ce qui ressort de leur travail ça a été une vraie ébullition dans la djihadosphère avec la volonté d'une manière ou d'une autre de contribuer à ce qui était perçu comme un événement majeur, encore une fois dans cette mouvance-là, dans cette propagande, un événement majeur pour le monde musulman. Alors évidemment encore une fois il faut faire la part des choses et rappeler sans cesse que les mouvances djihadistes c'est une partie infinitésimale du monde musulman.
- Speaker #1
Tout à fait, c'est toujours utile de le rappeler. Et du coup, par rapport à cette évolution nationalisme-fondamentaliste que j'évoquais, même si, comme vous l'avez utilement précisé, l'imaginaire, la solidarité avec les Palestiniens est présente de façon très ancienne. J'avais pu lire sur la question de la Palestine que le développement de la logique djihadiste était souvent, dans plusieurs contextes régionaux, le fruit, la conséquence de l'échec du nationalisme, Panarab par exemple, mais aussi l'échec de la solution diplomatique. Et donc dans cette perspective-là, je m'interrogeais par rapport à cette... à cette notion du terrorisme, est-ce que c'est plutôt, dans votre perspective, un levier, un moyen, dans un répertoire d'action, ou plutôt une idéologie ? J'imagine que vous allez me répondre un peu des deux, mais comment le situer, plutôt l'outil ou plutôt la pensée ?
- Speaker #0
Le terrorisme d'abord c'est un mode opératoire et ce mode opératoire peut être utilisé par des mouvances idéologiques très différentes.
- Speaker #1
Pardon, je viens du terrorisme djihadiste spécifiquement.
- Speaker #0
Non mais c'est intéressant quand même de le rappeler parce que effectivement avant d'avoir des violences commises par des groupes disons islamo-nationalistes comme le Hamas d'une part. on a eu quand même des violences politiques perpétrées par des groupes qui n'étaient pas religieux, à priori, enfin en tout cas qui ne se revendiquaient pas en premier lieu de la religion, et qui parfois étaient d'ailleurs plutôt de tendance nationaliste, mais un peu marxisant. Et quand même, ce point historique me semble important. Alors, un des éléments, je pense, essentiels dans le développement de la violence politique par des groupes armés palestiniens, ça a été... Alors, évidemment, il y avait des choses avant, donc c'est un peu réducteur ce que je vais dire. Mais il y a eu quand même un vrai tournant qui a été la guerre des six jours. Parce que jusqu'à la guerre des six jours, les mouvances palestiniennes sur place pensaient vraiment que la solidarité arabe pourrait permettre, entre guillemets, de libérer la Palestine. C'est-à-dire que les armées arabes coalisées pourraient battre l'armée israélienne. Et la guerre des six jours a été un choc parce que, en quelques jours, six exactement, les armées coalisées ont été battues par l'armée israélienne.
- Speaker #1
Un camouflet militaire.
- Speaker #0
Démographiquement, encore une fois, Israël, c'était encore plus petit à l'époque que ça ne l'est aujourd'hui, face à des pays plus nombreux qui eux-mêmes avaient des populations plus nombreuses. et en fait à partir de là les stratèges palestiniens se sont dit qu'il fallait qu'ils optent pour une autre méthode et leur méthode ça a été des détournements d'avions, des prises d'otages des attentats pour en fait attirer l'attention de la communauté internationale et faire en sorte qu'une pression soit exercée sur Israël mais aussi sur les Etats-Unis pour prendre en compte véritablement cette question palestinienne et aboutir à une autodétermination du peuple palestinien qui pourrait conduire à un État palestinien.
- Speaker #1
Donc il y a quelque chose de stratégique, si je vous comprends bien. On quitte le champ de bataille, on a perdu la guerre sur le champ de bataille, on adopte une stratégie de guérilla, de guerre symétrique, aussi à une ère de l'information qui implique cette notion de terrorisme. J'ai l'impression que c'est un particulement pragmatique.
- Speaker #0
Il y a un penseur de la stratégie contemporaine qui est encore vivant et que je salue s'il nous écoute, qui est Gérard Chaliant. qui à l'époque parlait de terrorisme publicitaire. Il disait que l'objectif c'était vraiment d'attirer l'attention sur une cause et de rentrer dans des processus de négociation. et un des faits marquants avant l'attentat des Jeux Olympiques de Munich de 1972 c'était ces détournements d'avions et on se rappelle notamment des trois avions qui avaient été détournés et qui s'étaient posés en Jordanie par l'organisation Septembre Noir, FPLP, etc. C'était des mouvances un peu... je ne vais pas rentrer dans le détail mais chose intéressante, ces avions avaient fini par être... piégés et avaient explosé, mais les passagers avaient été évacués avant. Et les caméras du monde entier avaient été réunies sur place. Donc effectivement, l'idée, c'était de montrer la capacité à perturber le trafic international, à créer de la violence politique, mais en l'occurrence, les passagers n'avaient pas été tués. C'est une différence très très importante par rapport au 11 septembre 2001. On voit aussi qu'on a changé d'air.
- Speaker #1
Une opération à zéro mort, une opération publicitaire.
- Speaker #0
Oui, l'utilisation de la violence politique pour atteindre d'abord un but de communication et ensuite un but politique. Et on ne va pas rentrer dans les méandres des définitions du terrorisme, mais c'est vrai que ces éléments de violence politique, de communication, d'effets psychologiques sont importants dans la définition du terrorisme.
- Speaker #1
Eh bien, on aura l'occasion, pour ceux qui veulent approfondir, il y a votre livre papier, fait de mots, qui est évidemment disponible, comme vous l'avez dit, sur le site de l'IFRI. Je pense qu'on aura l'occasion, dans un épisode ultérieur, de développer, comme souvent on est plus bavard que prévu, d'aborder cette question essentielle de la réponse de la justice au niveau européen à la question du djihadisme, et plus spécifiquement des femmes de... et des femmes djihadistes. Je tease un peu, on pourra en parler dans un prochain enregistrement. Pour conclure en quelques minutes, ce que je vous propose, c'est d'abord des deux points. D'abord, une bonne pratique à partager, c'est une bonne pratique au sens large, un conseil pour être une lecture profane des conflits, reprendre un titre d'un ouvrage connu, et éventuellement une recommandation d'un autre média, donc ça peut être un documentaire, une lecture, ce qui nous permettrait un peu de boucler la boucle par rapport à cette discussion.
- Speaker #0
Bonne pratique, c'est compliqué parce que souvent c'est ce qu'on demande à des praticiens, surtout dans ce domaine-là. Alors il se trouve que ça n'a pas été évoqué, mais enfin j'ai quand même été amené à être pas mal au contact de praticiens. J'avais notamment été chargé de faire l'évaluation du principal programme de désengagement pour les djihadistes sortant de prison. Ça, si ça intéresse vos auditeurs, c'est aussi disponible sur le site de l'IFRI, ça s'appelle djihadisteunjour, djihadisteoujours.fr. Oui,
- Speaker #1
je l'avais lu avant de bosser au groupe SOS.
- Speaker #0
Et... Quand on parle de bonne pratique, souvent ce sont des praticiens qui se donnent des conseils. Donc moi comme chercheur, ce que je peux dire c'est que je pense qu'il est important d'essayer de regarder les choses aussi froidement et objectivement que possible, de croiser les sources, toujours. et de se garder à la fois de sous-évaluer et de sur-évaluer une menace, c'est-à-dire vraiment d'essayer d'avoir une vision la plus objective possible, ce qui est compliqué évidemment, parce que les menaces ne sont pas toujours faciles à analyser et à identifier, souvent elles sont sous les écrans radars, donc ça suppose là aussi non seulement de lire beaucoup, mais d'essayer d'interviewer des personnes, des praticiens, des acteurs de ces mouvances-là. ce qui n'est pas simple, mais je pense que c'est le meilleur moyen d'avoir une vision aussi claire et précise que possible des phénomènes complexes auxquels nous sommes confrontés. Pour ce qui est des recommandations... Alors, le dernier livre que j'ai lu vraiment lié à la thématique de votre podcast, c'est un livre qui est sorti récemment, qui est de Stéphane Lacroix sur l'histoire du salafisme en Égypte. Stéphane Lacroix qui est professeur associé à Sciences Po, l'ouvrage s'appelle Le crépuscule des saints, c'est tiré de sa thèse d'habilitation à diriger des recherches et j'ai trouvé que c'était un ouvrage très intéressant pour plusieurs raisons. D'abord il montre que le salafisme égyptien n'est pas un pur produit d'exportation d'Arabie Saoudite, il y a quelque chose quand même d'endémique qui s'est développé. Ensuite, il montre la complexité des rapports entre salafisme et frères musulmans. Ce sont deux mouvances qu'on oppose souvent de manière un peu caricaturale, mais en réalité, il y a pu y avoir jusqu'à des hybridations. Et puis, troisième point, il décrit bien les relations parfois ambiguës, là aussi, avec le pouvoir égyptien, qui, à un moment donné, a toléré le salafisme, avant de se rendre compte que le mouvement promenait de plus en plus l'ampleur et pouvait éventuellement basculer du puritanisme au politique. Et puis alors, il y a eu un resserrage de vice. bref, pour différentes raisons je conseille la lecture de cet ouvrage
- Speaker #1
Excellent merci pour ce partage de bonne pratique et cette recommandation c'était un échange passionnant bien que matinal merci pour l'accueil ici dans les groupes de l'île de Frié pour discuter plus amplement de l'autre suivi on prendra bien un épisode complet
- Speaker #0
Merci beaucoup