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Entrepreneurs sans filtre by Atometrics

Le pouvoir des commerces de proximité - Aurélien Bertrand

Le pouvoir des commerces de proximité - Aurélien Bertrand

45min |09/04/2025
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Description

Si vous croyez au pouvoir des commerces de proximité, ce podcast est pour vous


Dans ce nouvel épisode d’Entrepreneurs sans filtre, @Aurélien Bertrand partage son quotidien d’épicier dans un village de 500 habitants, au cœur de l’Aude.


Un métier qu’il vit comme une mission : créer du lien, rendre service, et faire vivre son territoire.

Juriste de formation, fils de commerçants, Aurélien a repris une épicerie en difficulté. Aujourd’hui, ils sont trois à la faire vivre… et à redonner de la fierté au commerce rural.


❤️ Il nous parle avec passion des défis du métier, de son engagement au sein de la Fédération des Épiciers de France, et de ce qu’il faut, selon lui, pour réussir en ruralité : “Il faut aimer les gens”


Chez Atometrics, nous sommes heureux de lui donner la parole. Et fiers de soutenir celles et ceux qui, comme lui, maintiennent la vie dans nos villages.


Vous voulez en savoir plus ? Rendez-vous sur nos réseaux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'est pas vrai. Non, mais il y a un autre, un autre qui a fait un petit défi. Non, non, c'est ça. et leurs dirigeants sont absorbés par leur quotidien et leur métier, et n'ont pas forcément de formation en gestion ou en finance. Ici, nos invités partagent des témoignages, des conseils et des outils concrets pour vous permettre de gagner du temps dans votre apprentissage ou d'éviter certaines erreurs qu'ils ont eux-mêmes commises. Installez-vous, c'est parti ! Merci beaucoup de nous avoir accepté notre invitation. Est-ce que déjà comme première question, vous pourriez très simplement et de manière succincte vous présenter ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Aurélien Bertrand, j'ai 42 ans, je suis gérant d'une épicerie en ruralité sur la commune de La Roque de Fa, La Roque de Fa c'est dans le département de Lode, un village de 150 habitants. On parlera du village si vous voulez, je sais pas si... Ouais,

  • Speaker #0

    avec plaisir, on peut même commencer par ça.

  • Speaker #1

    C'est un village situé sur la route des châteaux cathares, donc c'est important de le préciser puisque c'est un... 150 habitants, c'est peu. Mais l'été, pendant les vacances scolaires, il y a un peu plus de population qui fréquente notre établissement puisque c'est une zone assez touristique. Très bien.

  • Speaker #0

    Et c'est à une heure environ ? de Narbonne,

  • Speaker #1

    c'est ça ? C'est ça. Vous faites un triangle entre Narbonne, Carcassonne et Perpignan, et vous allez juste au milieu. Voilà.

  • Speaker #0

    Ok. Très bien. Et alors, quelle est votre activité ? Du coup, vous avez une épicerie ?

  • Speaker #1

    Une épicerie, donc vous vous en doutez, c'est une épicerie en ruralité, donc il faut avoir tout un tas de produits, des produits de première nécessité, des produits frais, du pain, des fruits, des légumes, toute l'épicerie classique. également un rayon à la coupe important, fromage, viande, principalement des produits locaux. Et également, ce qu'on a développé depuis que j'ai repris l'épicerie en 2016, c'est un rayon d'épicerie fine, justement pour agrandir le cercle et pour ne pas se limiter à la population présente sur place, locale, et pour essayer d'attirer du monde. Et maintenant, même, on arrive à attirer du monde qui vient des plus grandes villes, puisqu'on a une offre qui n'est pas forcément présente en ville, avec des marques assez renommées. Et donc, ça permet d'attirer cet afflux supplémentaire. Et ça leur permet d'autant plus que ça leur permet de découvrir aussi la région, puisque même si on est à une heure de route à Narbonne, souvent les Narbonnais ou les Carcassonais ne s'aventurent pas dans l'arrière-pays. Quand on leur parlait de la roque de faille, ils disaient mais c'est très loin ça et ils ne s'aventuraient pas. Et donc là, en sachant qu'il y a une épicerie, qu'il y a des services, ça permet aussi de faire découvrir le territoire et ça nous permet aussi de rayonner sur le territoire.

  • Speaker #0

    D'accord, ok, donc aussi avec des visiteurs régionaux qui viennent du cadre de l'épicerie. Ok, alors peut-être avant de détailler un petit peu plus et de parler plus de votre épicerie et de sa gestion, ce qui est un peu aussi l'objet du podcast, Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous êtes arrivé là ? Comment est-ce que vous êtes devenu épicier ?

  • Speaker #1

    C'est compliqué. Moi, j'ai une formation de juriste. Mais par contre, ma famille a toujours été commerçante. Mes parents sont toujours en activité, ils ont toujours des commerces à Narbonne. Et donc moi je me rappelais quand j'étais plus jeune, faire les devoirs à l'arrière de la boutique. Et donc j'ai toujours vu comment ils procédaient. Et c'est vrai que ça m'a toujours plu le contact avec la clientèle. Et j'ai toujours baigné là-dedans en fait. Et pourquoi une épicerie ? J'ai toujours aimé les produits, les producteurs, les belles histoires. Pour maintenir ce... Et quand j'ai appris que cette épicerie allait fermer, puisque le précédent exploitant avait de graves difficultés, je m'y suis intéressé.

  • Speaker #0

    Alors du coup, cette entreprise, donc on a compris son positionnement, en tout cas les différents services qu'elle proposait. Si on parle en matière de taille, donc je ne sais pas par exemple le nombre de personnes qui travaillent dedans.

  • Speaker #1

    On est trois salariés, puisque je suis moi-même un salarié. Prise. OK. Une salariée qui est avec moi depuis le début, depuis la reprise de 8 ans et demi maintenant, c'est en 2016. et une jeune salariée en contrat de professionnalisation qu'on va confirmer à un CDI dès le mois prochain, puisqu'elle a fini sa formation. Elle a 19 ans et elle est très prometteuse dans le métier.

  • Speaker #0

    Ok. On va maintenant aborder une partie qui est un peu plus économique. Encore une fois, l'idée, c'est d'être simple, mais d'aborder des choses qui sont plutôt des choses de gestion.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Voilà, pour aider encore une fois ceux qui nous écoutent et qui auraient besoin de conseils ou simplement pour leur faire gagner du temps, éviter des erreurs comme j'ai évoqué tout à l'heure. Donc, si je résume ce que j'ai compris de la nature de l'activité de cette épicerie, il y a une partie en fait qui vise à servir la clientèle locale. Oui, avec des besoins. Exactement, avec du frais, un stand à découpe assez important, etc. Et puis il y a une partie qui est plus orientée touristes ou flux, enfin pas forcément des locaux, mais régionaux par exemple, avec là plutôt une partie épicerie chine, avec des produits plus haut de gamme pour mettre en avant des producteurs locaux ou même j'imagine des producteurs d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, et d'autant plus qu'on peut, j'ai un espace où on peut déguster les produits sur place. Et donc comme notre amplitude horaire est assez importante, on est d'une offre complémentaire à la restauration lorsque les restaurants sont fermés. Les gens peuvent s'arrêter et consommer sur place les produits qu'ils achètent dans l'épicerie, en toute convivialité.

  • Speaker #0

    D'accord, ok. Et ils vous voient comme des concurrents, les restaurants ?

  • Speaker #1

    Pas du tout, parce qu'à la fin du service, ils nous les envoient tous. Et nous, on ne peut plus servir, on va fermer. Mais allez à l'épicerie, là-bas, ils vous trouveront à manger et vous allez passer un bon moment.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est vraiment de la collaboration.

  • Speaker #1

    La collaboration, d'autant plus que moi, je ne prends pas de frais supplémentaires. Enfin, je ne facture rien en plus. Ils achètent simplement ce qui leur plaît à l'épicerie. Ils le consomment sur place. Je leur fournis simplement la vaisselle et tous les éléments pour passer un bon moment.

  • Speaker #0

    OK. Et est-ce que vous fournissez aussi des restaurants ?

  • Speaker #1

    C'est surtout du dépannage parce que les restaurants, soit ils travaillent avec des producteurs locaux qui sont les mêmes que les miens. Ils ont un accès direct. Ils ont un accès direct. Et ensuite, lorsqu'il leur manque... quelques fruits, quelques salades ou quelques matières sèches, ils viennent se dépanner, mais je ne les fournis pas.

  • Speaker #0

    Justement, on va maintenant un peu s'interroger sur la gestion. Ma première question, c'est qu'est-ce qui est difficile dans la gestion de cette entreprise ?

  • Speaker #1

    Moi, dans mon cas, je suis situé loin des centres de réapprovisionnement pour l'épicerie du quotidien. L'épicerie du quotidien... Comme le nombre d'épiceries en France a énormément baissé, les grossistes qui nous réapprovisionnaient ont fermé. Donc il n'en reste plus beaucoup de grossistes généralistes. Vous en avez deux dans notre région, c'est Métro et Promocache. Les Métro et Promocache sont situés soit à Narbonne, soit à Carcassonne, soit à Perpignan. Et donc tous les jours, pour aller me réapprovisionner un produit du quotidien, Je suis obligé de parcourir 100 km à des retours pour le faire. D'autant plus quand on fait également du dépôt de pain. Donc aussi, je dois aller trouver un boulanger pour me réapprovisionner puisque c'est moi qui remonte tout ça. Personne ne me livre au niveau des produits quotidiens. Donc je suis obligé de les récupérer et les ramener. Donc c'est vrai que ça fait beaucoup de kilomètres et je ne vous cache pas beaucoup de fatigue.

  • Speaker #0

    Alors je suis étonné en fait. Donc vous, vous faites cette distance tous les jours. Mais il faut aussi ouvrir à des horaires où il y a des clients. Donc, vous le faites quand la nuit ?

  • Speaker #1

    Je le fais le matin, très tôt. Ensuite, je demande aux salariés d'ouvrir. Et ensuite, je les rejoins une heure après. J'arrive entre 9h30 et 10h tous les jours. Je me lève à 6h tous les matins et je fais les courses avant de monter. Je remplis. J'ai deux camions, un camion frigo pour l'été. que je remplis tous les matins de denrées, des fruits, des légumes et tout ça. Et je monte pour avoir le maximum de fraîcheur. Et après, plus on a de produits, plus l'offre est développée, forcément, plus les réapprovisionnements sont compliqués puisqu'on est obligé d'acheter chaque fois des petites quantités de produits.

  • Speaker #0

    Et puis ça rallonge aussi, j'imagine, la route.

  • Speaker #1

    Et ça rallonge la route.

  • Speaker #0

    Pour aller voir plusieurs fournisseurs.

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs points de passage, tout à fait.

  • Speaker #0

    OK. Oui, effectivement, ça n'a pas l'air simple à gérer.

  • Speaker #1

    C'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Et il y a une... Qu'est-ce qui vous arrangerait, en fait ? Quelle évolution ferait que ça soit plus plein ? Alors, j'imagine un nouveau grossiste pas loin, mais ça...

  • Speaker #1

    Ce qui m'arrangerait, parce qu'en plus, les grossistes, il y a une autre difficulté, c'est que comme les épiceries ont beaucoup baissé... Donc forcément, l'offre destinée aux revendeurs est moindre. Et on l'a vu pendant le Covid. Et depuis le Covid, les restaurants étaient fermés pendant la période du Covid. Donc pour que ces entreprises qui travaillent principalement avec la restauration continuent à vivre, les grossistes dont je vous parle, ils avaient mis des produits pour les revendeurs, puisque les épiceries ont eu le droit de rester ouvertes pour continuer à servir la population. Pendant le Covid, on a eu des articles qui nous permettaient de travailler, mais depuis la fin du Covid, depuis la réouverture des restaurants, les rayons se sont vidés pour les revendeurs et avec des articles pour les restaurants. Donc c'est aussi de plus en plus compliqué. Ce qui pousse certains de mes confrères à aller en grande distribution, acheter des produits parce qu'ils ne les retrouvent plus dans ces gradades. C'est les grossistes. Avec tous les désagréments que cela implique. c'est-à-dire faire des courses comme vous faites vous avec un caddie alors que les quantités sont bien plus importantes, à la caisse se faire remarquer, souvent on nous pose des questions, on dit mais pourquoi, qu'est-ce que vous allez faire avec tout ça, etc. Et d'autant plus que je ne sais même pas si on a théoriquement le droit de passer par ce canal de distribution. Mais c'est la réalité de l'épicerie quotidienne, classique, en ruralité. Donc, c'est cette difficulté de réapprovisionnement.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est pas du tout, on ne suit pas le financement. Non,

  • Speaker #1

    on en parle parce que c'est intéressant. D'autant plus qu'on pourrait se poser la question des prix maintenant. Et on s'aperçoit que chez ces grossistes-là, le prix est plus élevé que si on va directement au supermarché. Donc, ce qui implique aussi pour le commerçant, pour le revendeur. Donc, forcément, il faut qu'il... qu'il applique une marge, même si elle est petite, il se retrouve forcément plus cher que lors de la grande distribution.

  • Speaker #0

    Et alors, pareil pour ma culture générale et celle des auditeurs, j'imagine, comment c'est possible que, alors j'imagine que c'est des volumes, que les grandes surfaces négocient sur des volumes beaucoup plus importants et donc ont des prix plus compétitifs que les anciens ? D'accord. Et le réseau des grossistes, est-ce que vous vous êtes déjà posé la question ? J'imagine que oui. D'internaliser, de développer votre propre réseau d'approvisionnement au final au sein de votre fédération ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être en... parce que notre fédération, c'est vrai, a plusieurs profils d'épiciers. Il y a des épiceries 100% fines, il y a des épiceries 100% produits locaux, et ensuite il y a des épiceries comme la mienne où l'offre est mixte. Mais après, il y a aussi des épiceries qui sont situées en ville. Donc ici à Paris, ils n'ont aucun problème, ils vont à Rungis, ils se font livrer, il n'y a aucune difficulté. Et ensuite il y a les épiceries de moyenne ville et les épiceries de ruralité. Et c'est vrai que les épiceries de ruralité, on n'est pas assez nombreux pour peser, si vous voulez, sur le territoire.

  • Speaker #0

    Et pour disperser aussi sur le territoire.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai, c'est un sujet, moi j'ai alerté plusieurs fois les grossistes. en leur disant qu'on ne pourrait plus continuer à travailler parce qu'on ne trouve plus tout l'assortiment nécessaire pour nous permettre de travailler.

  • Speaker #0

    Ok. Alors du coup, ça rejoint un des thèmes sur lequel je voulais vous interroger, c'est comment, si je ne connais pas le milieu de l'épicerie, ce qui n'est pas loin d'être le cas, comment est-ce que je peux comprendre le modèle économique, c'est-à-dire ce qu'il faut gérer à minima pour survivre dans une épicerie. vous achetez des choses, parfois vous les transformez en les découpant, en les présentant, vous les revendez. C'est quoi en gros ce que je dois comprendre pour ne pas me planter en gros ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, ça dépend de là où vous êtes situé. Déjà, il faut faire cette première étude-là, connaître ses clients. Mais ses clients, on ne les connaît que quand on les a vus. Oui, quand on les a pratiqués. Moi, je vais vous raconter une anecdote. Les six premiers mois d'installation, alors je ne sais pas si c'est particulier à ma région, mais c'est vrai qu'il a fallu que je me fasse adopter. Et souvent, c'était difficile parce que j'étais perçu comme, même si je suis au doigt, même si je suis de la région, j'étais perçu comme un étranger. Et je pense que c'est cela où ça se retrouve beaucoup en ruralité. dans un premier temps se faire accepter et ensuite beaucoup beaucoup écouter les besoins des clients mais en règle générale il ressort que ce sont les produits frais sur lesquels on marche le mieux pourquoi Parce que ça rejoint la discussion de tout à l'heure. Sur les produits frais, on arrive à être compétitif avec la grande surface et même on est moins cher. Pourquoi ? Parce qu'on part à égalité avec le producteur. On a une relation directe, il n'y a aucun intermédiaire. On achète pratiquement au même prix. Et même si on achète un peu plus cher puisqu'on a des volumes moins importants, comme nos marges sur ces produits-là sont plus faibles qu'en grande distribution, on se retrouve au final avec un prix beaucoup plus compétitif. Et ensuite, le client ne va pas faire 50 km pour acheter un produit frais avec tous les risques que cela comporte au niveau du transport et du maintien de la chaîne du froid. Donc pour les produits extra frais, fruits, légumes, viandes, charcuterie, fromage, glace et tout ça,

  • Speaker #0

    vous avez un avantage.

  • Speaker #1

    Ils viendront quoi qu'il arrive chez le commerçant de proximité.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des produits sur lesquels... Moi, je raisonne toujours en modèle économique. Ce que j'ai compris, c'est que si je traduis ça en chiffres, quand on s'installe dans un endroit où on n'est pas connu, on n'est pas exactement chez nous, dans votre cas, pas loin, mais pas chez vous, il faut prévoir de la trésorerie pour les premiers temps où vous n'allez pas tout de suite... rencontrer le succès mais ça va démarrer progressivement. Donc j'imagine que là il faut prévoir quand même de la trésorerie pour tenir pendant cette période, bien découvrir le besoin de ses clients et ce que je comprends c'est que dans ces cas là donc dans la ruralité notamment c'est à travers les produits frais que vous allez pouvoir démarrer, amorcer votre activité du fait que voilà vous êtes moins en concurrence au final en tout cas vous avez un avantage par rapport...

  • Speaker #1

    Tout à fait, dès qu'ils sont rentrés pour les produits frais ils pourront se permettre d'acheter un produit qu'ils retrouveraient ailleurs moins cher, mais comme ils sont sur place, ils ne vont pas aller faire 50 km pour acheter un produit, pour économiser très peu sur un produit. Donc cet achat additionnel, si vous voulez, ils vont le faire sans problème.

  • Speaker #0

    Ok. Et alors, comment ça se gère ? Donc moi, je raisonne en revenus. Donc les revenus, c'est des gens qui viennent consommer. Alors ça ne se prévoit pas. Vous n'avez pas un abonnement avec des gens qui s'engagent à payer tant chaque mois. Mais j'imagine que c'est quand même assez stable pour la partie locale. Donc ça, vous vendez des produits à une population, c'est là que vous pouvez à peu près prévoir. Vous gérez du coup votre prix d'achat. Et l'idée, c'est quoi ? Vous visez une marge type sur...

  • Speaker #1

    Non. Alors, je sais que les comptables aiment dire que... J'ai une adhérente, j'en discutais encore hier avec elle, elle me disait, moi, mon comptable, il m'a dit sur les... Parce qu'on a deux taux de TVA différents dans l'épicerie. On a tout ce qui est alimentaire à 5,5, tout ce qui est alcool et drogue à 20. Donc, il lui a dit très simplement, sur les produits à 5,5, il te faut faire au minimum un 7. Et sur les produits à 20, entre 9 et 2.

  • Speaker #0

    Et quand vous dites un 7, c'est des coefficients. C'est multiplier le prix par un 7.

  • Speaker #1

    On prend le prix hors-taxe, on le multiplie par un 7, on arrive au prix de vente TTC pour le consommateur final. Moi, je ne fais pas ça. Bien entendu, je respecte ces critères, mais je fais des différences entre les produits. Et là, c'est vrai que c'est la psychologie qui va rentrer en ligne de compte, c'est au feeling. Je vais estimer que le coefficient pourra être plus important parce qu'il sera accepté par le consommateur. et un autre, je vais le minimiser, soit pour le pousser à la vente, notamment pour les produits locaux, parce que je veux privilégier plutôt les produits locaux que les produits qui ne le sont pas. Je vais peut-être minimiser la marge sur les produits locaux pour les faire vendre, pour les faire découvrir, plutôt que des produits. Donc j'essaye de jouer comme ça. Ça me permet aussi d'inciter les gens à consommer plutôt un tel produit, souvent meilleur qu'un autre, pour leur faire découvrir aussi, pour qu'ensuite ils puissent avoir l'habitude de le... de le consommer et de l'acheter à nouveau. C'est un acte militant aussi.

  • Speaker #0

    Oui, militant, c'est aussi de la stratégie. C'est-à-dire que vous vous dites, j'ai envie que tel producteur local, qui m'arrange bien parce qu'il est à côté et que ça m'invite de faire des kilomètres aussi, survive, donc je vais essayer de pousser ces produits. Oui,

  • Speaker #1

    aussi. Mais c'est vrai que je préfère promouvoir le local.

  • Speaker #0

    Là-dessus, déjà, je vous le suis complètement. Et oui, c'est vrai que le prix, c'est ce qu'on oublie toujours en tant que consommateur. Non, mais... Le prix, c'est un signal qu'on donne aux consommateurs. Et c'est vrai qu'on peut un peu l'orienter en mettant tel produit en promo, tel autre un peu plus cher, etc.

  • Speaker #1

    Et après, au niveau du prix, il y a des types de produits aussi, ou les fédérations professionnelles donnent des indications aux producteurs. Je pense, nous, dans notre région, région viticole, la règle pour les vignerons, c'est de proposer un prix de revendeur où le revendeur puisse faire un taux de coefficient à 2. Mais ça, c'est une règle de l'interprofession qui donne cette indication. Les producteurs de la suive ne la suivent pas, mais comme elle est implicitement fixée, tout le monde la suit. Donc ça permet d'avoir un taux de marge. assez suffisable pour le revendre.

  • Speaker #0

    OK. Il y a une question que je me suis souvent posée sur ces fameux coefficients, parce que en fait, dans le monde comptable, un peu d'analyse économique, voilà, nous, on raisonne après. C'est-à-dire qu'on va regarder les comptes après, donc on ne voit pas du tout le détail de comment ça s'est construit, et on dit, voilà, la marge, c'était tant, par rapport au chiffre d'affaires. Vous, vous êtes obligés de raisonner avant, en amont. C'est-à-dire que vous vous dites... Si j'achète tel produit, comment est-ce que je pourrais le revendre ? Combien est-ce que je pourrais le revendre ? Et il faut que ça me permette de vivre, de payer mes charges. Comment est-ce que, justement, vous savez qu'un coefficient de 2 ou de 1,7 ou de 1,8, etc., ça va passer ? Est-ce que vous tenez une sorte de projection ? Est-ce que vous avez un, je ne sais pas, une sorte de... de seuil qu'il vous faut faire chaque jour en marge pour payer vos charges, comment est-ce que vous fonctionnez en fait ? Qu'est-ce que vous suivez ?

  • Speaker #1

    Non, moi je ne suis que la trésorerie, c'est-à-dire que l'argent disponible sur mon compte en banque. D'accord. Je ne suis que ça, mais ce n'est pas pour autant que si je vois que ça baisse, je vais augmenter les marges. D'accord. Je vais faire peut-être autre chose, des économies ailleurs ou quelque chose, mais je n'ai pas touché les marges en fonction de cela. D'accord. Pour moi, c'est l'indicateur. Je le regarde tous les matins. Et l'autre indicateur aussi, comme je paye mes factures comptant, il est très juste cet indicateur. C'est-à-dire que tout ce que j'ai en magasin, c'est déjà payé. Donc, je n'ai pas besoin de regarder les factures que j'aurais éventuellement à payer dans quelques jours ou dans quelques mois.

  • Speaker #0

    Ok, compris. Dernière question sur ces coefficients. Mais encore une fois, je pense qu'il y en a beaucoup qui ne comprennent pas exactement comment ça marche. On dit souvent... Il faut faire quatre en restauration. En restauration, c'est les ventes d'alcool, de boissons, en fait, qui font la marge. Ce n'est pas les ventes de produits, etc. On est d'accord si, par exemple, dans votre cas de l'épicerie fine, vous avez des produits qui vont être plus chers, du coup, par nature, parce qu'ils ne s'adressent pas forcément aux gens qui ont besoin de premières nécessités pour manger, mais plutôt aux gens qui sont là et qui veulent se faire plaisir, qui veulent un produit plus qualitatif, plus sympa. Là, si vous appliquez une marge sur un produit qui est plus cher, il va être... du coup d'autant plus profitable pour vous en fait. Tout à fait. D'accord. Et donc, en fait, on pourrait, j'imagine, baisser un peu le taux de marge sur des produits chers juste parce que, voilà, pour le même pourcentage.

  • Speaker #1

    Oui, parce que le prix pèse.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a une autre indication qui rentre en ligne de compte, c'est que le fournisseur, le producteur, nous indique un prix de vente conseillé qui est souvent indiqué sur Internet aussi, sur le site marchand. Et les consommateurs ont cette manie maintenant de vérifier le prix. Il faut connaître l'idée, il faut se rapprocher au maximum de ce prix, sinon les clients nous le font remarquer, ça ne passe pas.

  • Speaker #0

    Oui, et même potentiellement le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #1

    Voilà, le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Ok, très intéressant. Oui, lui il ne veut pas détruire son image non plus. Il ne faut pas qu'il y en ait un qui ne joue pas le jeu en vendant. Ok, très intéressant. Donc, on va maintenant passer sur les indicateurs que vous suivez. Donc, moi, ce que je comprends, c'est que celui que vous suivez principalement comme indicateur un peu financier ou économique, c'est la trésorerie. OK. Et donc là, vous regardez quoi sur votre compte en banque ? La trésorerie directement ?

  • Speaker #1

    Tous les matins, maintenant, c'est très facile avec l'application bancaire. Je regarde la trésorerie. J'essaye de suivre la gestion au plus juste. Je vous l'ai dit, les factures, je les paye dans la mesure du possible comptant. Je dépose, ça aussi c'est très important, les espèces, toutes les caisses à ma banque une fois par semaine. Mais c'est très régulier, il faut être très méticuleux dans ce cadre-là pour avoir la précision la plus juste. Et c'est vrai que je... Je remarque que tout le monde ne le fait pas et c'est pour ça que ça crée des différences entre la perception réelle des choses et ce qui se passe en réalité.

  • Speaker #0

    Ok, alors en effet c'est très clair. Oui, j'imagine que si vous tardez un peu pour remettre tout le produit des ventes en place... Vous allez avoir une vision faussée de votre chiffre d'affaires et en plus, votre réseau va être décliné.

  • Speaker #1

    Même si maintenant, vous avez remarqué aussi qu'avec le développement du paiement sans contact, il y a beaucoup plus de paiements par carte bancaire. Donc,

  • Speaker #0

    immédiatement pris en compte.

  • Speaker #1

    C'est moins vrai qu'avant, mais il faut quand même respecter cette discipline de déposer. Régulièrement, mais moi je le fais toutes les semaines, le fruit de la caisse.

  • Speaker #0

    Ok, et alors est-ce qu'il y a d'autres indicateurs que vous suivez ou c'est vraiment le seul ? Est-ce que par exemple vous regardez un petit peu quand on vous remet vos comptes votre marge ? Est-ce que, je ne sais pas, il y a d'autres choses que vous regardez ?

  • Speaker #1

    Je regarde au niveau des statistiques, je regarde d'une année sur l'autre, même si ça ne correspond pas forcément, mais on arrive à avoir des grandes tendances. Oui. notamment parce que moi c'est vrai que là, comme je suis dans une zone touristique, souvent les flux et les différences sont importantes entre une semaine et l'autre, surtout quand on arrive proche des vacances. Donc ça, le calendrier des vacances, je l'étudie avant le début d'année pour voir au niveau des commandes comment je vais pouvoir oeuvrer, pour avoir le produit quand il y aura du flux de la clientèle, plus important que lorsqu'il y en aura moins. Donc cette gestion des stocks, je la fais là parce qu'en épicerie aussi, et quand on fait beaucoup de produits frais, il faut éviter au maximum la perte. Et c'est vrai que cette difficulté-là, il faut regarder ce qui s'est fait les années précédentes. Et moi, pour la comptabilité, vous allez rire parce que ça ne se fait plus maintenant, je fais la comptabilité intégralement à la main sur un cahier 16 colonnes. D'un côté les dépenses et de l'autre les recettes. Et j'ai la vision globale du mois, puisqu'il y a une page par mois, instantanément. Donc je sais quel jour je travaillerai le mieux, etc. Et je m'aperçois qu'il y a une régularité qui s'opère. Le mardi, je sais qu'une journée est assez forte. Pourquoi aussi ? Parce que j'amène des produits réguliers, ça crée des rendez-vous, etc. Je sais que le mercredi et le jeudi sont faibles et qu'en fin de semaine, on repart à la hausse. Il faut gérer ses commandes de produits frais, de pain, etc. en fonction de ces éléments-là.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Et ce que j'entends aussi dans ce que vous dites, c'est que votre activité est saisonnière dans la semaine et dans l'année. Donc il y a des jours dans la semaine qui marchent mieux et dans l'année, il y a des périodes ou des semaines aussi qui fonctionnent mieux que les autres. Et ce que j'entends aussi, c'est que vous pouvez orienter là aussi un peu la saisonnalité, c'est-à-dire créer des rendez-vous avec vos clients en disant, le mardi ou le mercredi, il y a tel produit qui arrive, ou je propose telle spécialité que ce jour-là, pour un peu justement étaler aussi.

  • Speaker #1

    Tout à fait, et c'est là que la connaissance de son client est fondamentale. C'est pour ça qu'il faut être au maximum en magasin pour échanger avec eux, parce qu'on connaîtra leur goût, on sera plus près des réalités. Donc quand un fournisseur... Moi, il m'est arrivé des fournisseurs qui m'ont ramené des produits qu'on n'a pas tout le temps. J'appelle moi-même les clients ou je leur envoie un message. Voilà, le produit que tu aimes est rentré, tu peux passer à l'épicerie, il t'attend. Ça crée une fidélisation avec le client. Il est ravi parce qu'il sait qu'on pense à lui. Et ça permet d'écouler rapidement la marchandise et d'écouler au plus près des besoins.

  • Speaker #0

    Ok. Alors, dans la gestion de votre entreprise, quels sont vos principaux interlocuteurs ? On pense souvent à l'expert comptable, au banquier, l'avocat, etc.

  • Speaker #1

    Alors, moi, je n'ai pas d'expert comptable. Le banquier, alors, les banquiers, maintenant, sont de moins en moins présents. C'est-à-dire que quand je vais déposer toutes les semaines l'argent à la banque, il n'y a pas de banquier, il n'y a qu'une machine. Donc, je n'ai pas cet échange avec le banquier. Le banquier, en fait, on l'appelle soit quand on a une difficulté. soit quand tu en as besoin de lui pour obtenir un financement. Mais c'est vrai qu'au niveau des banques, c'est plus ce que c'était avant. Il n'y a pas ce suivi de l'évolution. Moi, je me rappelle, mes parents me racontaient que le banquier passait régulièrement au magasin, même au tout début, il passait récupérer les recettes de la semaine, et c'était le banquier lui-même qui le faisait. Maintenant, il n'y a plus ça. C'est dommage, mais c'est comme ça. le banquier reste un interlocuteur, mais en cas de besoin. Oui,

  • Speaker #0

    que de manière opportuniste, en bon sens du terme, mais transactionnelle. Voilà. Ok. Donc, vous gérez tout seul. Vous n'avez pas de... Alors, peut-être votre fédération, du coup ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais vous dire. La fédération aide beaucoup pour se tenir informé de l'évolution des législations, parce que ça aussi, ça bouge.

  • Speaker #0

    Ça bouge beaucoup. Et surtout aussi, le gros avantage d'une fédération, c'est qu'on peut échanger entre confrères. Quand on a un problème avec un fournisseur, quand on en cherche un autre, pour dénicher un meilleur tarif là, pour dénicher un meilleur produit, pour voir ce qui fonctionne chez un adhérent et pas chez un autre, c'est vrai qu'on échange beaucoup.

  • Speaker #1

    Des échanges de bonnes pratiques.

  • Speaker #0

    Des échanges de bonnes pratiques qui sont très utiles, même si parfois on ne peut pas dupliquer exactement ce qui fonctionne à l'autre bout de la France. Mais souvent, ça fonctionne très bien.

  • Speaker #1

    Oui, et puis peut-être que vous pouvez aussi soumettre votre problème à quelqu'un d'autre, vous apporter un point de vue,

  • Speaker #0

    une expérience. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc déjà, il y a un thème un peu spécifique que j'aimerais développer à la fin. Je reviendrai à la fin. Là, l'idée, ce serait de parler de vos difficultés. Est-ce que vous avez déjà... Alors, on n'est pas un podcast négatif. On parle de difficultés, qu'est-ce qui est dur, qu'est-ce qui est difficile. L'idée, c'est juste de parler de ça pour éviter aux gens... de faire des erreurs. Donc, ce n'est pas du tout qu'on est négatif. Est-ce que vous vous êtes déjà retrouvé en difficulté financière ? Est-ce qu'il y a un moment où vous vous êtes retrouvé un peu face à un mur ? Non,

  • Speaker #0

    je n'ai pas été en difficulté financière. Pourquoi ? Pour deux raisons. Comme je vous le disais, j'avais une activité salariée auparavant, donc ça m'a permis au lancement de mon activité entrepreneuriale, de bénéficier du chômage, des prestations de mon ancien métier pour lancer cette activité, c'est-à-dire que pendant les deux premières années, c'est-à-dire la durée d'indemnisation du chômage, je n'ai perçu même aucun revenu de l'entreprise, j'ai tout laissé dans l'entreprise. Donc ce qui m'a permis de constituer une trésorerie. de sécurité pour faire face à d'éventuelles difficultés si elles venaient à se présenter.

  • Speaker #1

    Alors là-dessus, juste, je ne me permets pas de vous interrompre, j'ai fait la même chose que vous pour créer mon entreprise, et c'est vrai que c'est une chance inestimable qu'on a en France de pouvoir faire ça, et qui favorise quand même très largement l'entreprenariat,

  • Speaker #0

    je trouve. Ah non, mais tout à fait, tout à fait. Ou alors il faut avoir un PQ qui vient d'ailleurs, mais ce n'est souvent pas le cas. Donc c'est vrai que ça, c'est fondamental. Même si, moi j'y mettrais quand même bémol parce que quand on se lance dans une nouvelle activité, il faut y croire dès le départ et ne pas se reposer sur cet éventuel pécule pour lancer une activité parce que souvent, c'est très casse-gueule. Donc il faut bien...

  • Speaker #1

    Oui, je suis d'accord. Donc ceux qui réussissent beaucoup ont bénéficié de ça, mais il y en a effectivement qui l'abandonnent un peu vite. Ok, et donc, pardon, je vous ai coupé, il y avait une deuxième raison pour laquelle vous n'aviez pas été en difficulté. Donc, vous avez pu mettre de l'argent de côté au départ parce que vous n'aviez pas besoin de vous rémunérer du fait que vous aviez été salarié. L'autre raison, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    C'est qu'on essaye d'être au plus juste au niveau des charges. Essayer de... Là aussi, il faut en parler. C'est que lorsqu'on installe une société, lorsqu'on y matricule... Moi, dans la première semaine, j'ai reçu au moins une trentaine de courriers d'arnaques. « Inscrivez-vous sur tel registre, inscrivez-vous sur tel registre. » J'ai cumulé tout ça, je crois qu'on est arrivé à 3 000 euros de frais. Certaines personnes qui ne font pas attention peuvent s'engouffrer là-dedans. C'est vrai que souvent, si on dépense cet argent à mauvais escient comme ça, il nous manque forcément à la fin, puisqu'au départ, on est très juste. Donc ça aussi, c'est important. C'est pour ça aussi qu'il faut se faire aider au départ, si on n'est pas du métier, par une fédération professionnelle ou par des CCI, etc. Mais vraiment, pour ne pas tomber dans le panneau. Donc, maîtriser au maximum les charges.

  • Speaker #1

    Ok, et ne pas se faire arnaquer, en fait. Mais c'est vrai qu'il y a tout un tas de services qui sont proposés, soi-disant officiels, et en fait, qui ne sont pas nécessaires du tout. Et puis, effectivement, dans le pire des cas, vous payez, vous n'avez pas de service.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, OK.

  • Speaker #0

    Alors, si la difficulté que j'ai dans les épiceries, j'ai même parlé à mes confrères qui sont dans les mêmes cas que moi, et surtout dans des départements comme le mien qui sont très, très pauvres, au bout du 15 du mois, il y a des clients qui arrivent et qui veulent faire marquer parce qu'ils ne peuvent plus payer. Et c'est souvent des clients qui ne viennent pas. qui ne viennent pas au début du mois parce que quand ils ont l'argent ils vont au moins cher s'il y a une grande surface et quand ils arrivent le 15 du mois c'est très embêtant parce que nous ça peut nous mettre potentiellement en difficulté Mais on est obligé de le faire parce que moi, je ne peux pas refuser à quelqu'un qui a faim de ne pas lui donner à manger. Mais c'est vrai que ça peut nous mettre en difficulté. Donc là, j'essaie tant bien que mal de limiter ça, mais ce n'est pas facile. C'est quelque chose qui potentiellement pourrait me mettre en difficulté.

  • Speaker #1

    Ok, je comprends. Alors justement, ça fait le lien avec le thème dont je voulais parler un peu spécifiquement sur votre activité. C'est l'aspect lien social en fait. Je pense que dans... Je vous l'évoquais avant le podcast, mais moi, la famille du côté de mon père vient de pas très loin, au final. Et je me rappelle, j'avais un oncle qui était épicier ambulant. Lui, en fait, il avait une camionnette. Et puis, il faisait un peu le tour des villages, parce qu'il y a plein de personnes âgées qui ne pouvaient pas se déplacer. Je me rappelle, c'était la réunion du village. Il klaxonnait en arrivant, il faisait un tour. Et puis après, tout le monde se regroupait. C'était un moment d'échange, il connaissait tout le monde. Et voilà, j'imagine, en fait, je le sais parce que j'avais lu un de vos articles, que dans votre activité, il y a aussi ce lien social. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ? Est-ce que, je ne sais pas, par exemple, vous venez de l'évoquer juste précédemment, en fait, il y a des gens qui viennent vers vous parce qu'ils sont en grande difficulté et qu'ils ne peuvent pas se nourrir. Voilà comment ça se matérialise ce lien social. Est-ce que vous faites un peu concierge des fois ? Est-ce qu'on vous demande ?

  • Speaker #0

    Ça se matérialise de plusieurs façons. D'abord, la première, c'est d'écouter les gens, d'écouter leurs difficultés. Ça, c'est déjà le premier point. Et en étant ouvert avec une amplitude horaire comme la nôtre, c'est vrai qu'on est souvent les seuls à être ouverts au temps. Donc, le premier réflexe, c'est de venir chez l'épicier raconter les difficultés que nous avons. Ensuite, on répond à tout un tas de services qui soient disparus de ces zones rurales, soit qui doivent être maintenus. Je pense notamment, il m'arrive très souvent de remonter des traitements médicaux. Je m'arrête à la pharmacie pour les clients. Je vends des fois des timbres. Je fais distributeur de billets parce que le distributeur de billets du village d'à côté ne fonctionne pas. Et souvent, l'été notamment, lorsque... Là, c'est plus la population locale, mais c'est les touristes. Lorsqu'ils veulent aller au marché du coin, il faut payer en cash. Ils n'ont plus de cash, donc le distributeur ne fonctionne pas. Donc je fais distributeur de billets aussi. Donc on a toute une panoplie de services. Ça, on ne l'a pas formalisé. On fait relé-colis aussi. Même si tous les organismes... Toutes les boîtes qui font les colis ne veulent pas me le donner parce qu'ils me disent qu'il n'y a pas assez de flux, qu'il n'y a pas assez de sécurité. Mais on le fait quand même parce que même les livreurs de colis me disent que je ne trouve pas la personne, ou elle habite trop loin, ou elle n'est pas là, etc. Est-ce que je peux te le laisser ? Bien entendu, ils le laissent avec tous les risques que cela comporte puisque je ne suis pas assuré pour ça.

  • Speaker #1

    Oui, ce que j'ai vu, il y a un distributeur de billets, il y a un risque important. Voilà,

  • Speaker #0

    mais on On fait ça et on est obligé de le faire parce que dans ces zones-là, on est en mission. On est en mission pour maintenir la vie dans ces zones-là. Et on est en mission aussi parce qu'on a une population qui a besoin de services et elle ne retrouve pas forcément les services sur place. Cette mission qu'on a retrouvée pendant le Covid aussi, lorsque tout a fermé. On a été obligé de faire des livraisons à droite à gauche, c'est là où on a fait le plus de livraisons, etc. C'était notre mission à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, super intéressant. Souvent, et moi c'est un peu mon défaut, moi je vois qu'il y a des choses qui pourraient mieux fonctionner, qui, voilà, on évoque... Le fait que vos grossistes sont de plus en plus loin, qu'on voit que l'écosystème, avec la disparition aussi des habitants dans certaines zones rurales, se raréfie. Et donc, quand je vois un problème, j'ai toujours envie de trouver des solutions. Peut-être qu'il n'y en a pas, mais voilà.

  • Speaker #0

    Des solutions, moi, j'ai... Des solutions, des pistes.

  • Speaker #1

    Des pistes,

  • Speaker #0

    oui. Peut-être...

  • Speaker #1

    S'adapter à la nouvelle réalité, en fait. S'adapter.

  • Speaker #0

    ou peut-être créant des conditions du renouveau. C'est quoi les conditions du renouveau pour ces zones ? Malheureusement, la courbe démographique est telle qu'on va perdre de la population, c'est inévitable. Donc la population d'origine de ces zones ne sera plus la même. Donc il faut en attirer une nouvelle. Comment on en attire une nouvelle ? C'est souvent avec le télétravail, on peut en attirer. Mais avec le télétravail, il y a une condition, c'est qu'il faut que les réseaux Internet soient suffisants pour la supporter. C'est souvent dans des zones... Nous on a eu la fibre il y a six mois, avant on n'avait pas la fibre. Donc là les conditions peuvent être réunies pour le faire. Mais ensuite, il faut qu'il y ait un médecin à côté aussi. Il faut qu'il y ait... Bon, là, la pharmacie, on arrive à dépanner, mais il faut qu'il y ait des services à côté en adéquation. Donc moi, je pense qu'il y a le potentiel pour le faire, puisque c'est vrai que dans ces zones-là, le prix de l'immobilier est encore raisonnable. Donc on peut attirer du monde, mais il faut que les infrastructures minimales suivent. Si on veut instaurer du télétravail, il faut que les réseaux soient bons. Mais aussi, il faut que quand les gens soient sur place, ils aient d'autres services.

  • Speaker #1

    Un écosystème, des magasins. Et alors, comment on amorce la pompe ? Parce qu'on en parlait tout à l'heure, c'est un peu la poule et l'œuf. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un premier qui s'installe pour potentiellement en attirer un second, etc. Comment on fait ?

  • Speaker #0

    Nous, on a amorcé la pompe à notre niveau. On a essayé de faire connaître davantage la région. C'est pour ça qu'on s'est présenté à tous ces concours nationaux. C'est pour ça qu'on a commercialisé tous ces produits. Parce qu'en dehors de la simple vente de ces produits, le fait de communiquer dessus nous amène une notoriété certaine pour parler de notre village et pour parler du territoire, pour attirer le maximum de monde. C'est des communications aussi que l'on fait sur les guides touristiques. Je pense notamment au petit Futé qui nous a bien aidés aussi. Mais il faut que toutes les synergies soient reliées, c'est-à-dire qu'il faut que les pouvoirs publics aussi nous soutiennent. Lorsque je vois par exemple que quand on fait des communications au niveau touristique, ça crée des tensions au niveau des offices du tourisme, je trouve que ce n'est pas normal alors qu'on œuvre tous dans le même sens. Il faut que chacun mette son égo de son côté. renonce à des considérations déraisoires, je pense notamment à des chartographies, à tout ça, pour se mettre tous dans le même sens et pour tirer tous dans le même sens. Et je vois que quand on se regroupe, on est vraiment plus fort. Alors soit au niveau local, quand on se regroupe avec des restaurants, quand on se regroupe, soit on s'envoie les clients entre nous, ou on communique bien, on peut... Ça profite à tout le monde, ça profite aux producteurs, aux hébergeurs et tout ça. Quand on se regroupe entre épiciers, ça fonctionne mieux aussi parce qu'on peut échanger, on peut se donner des bons tuyaux. Mais il faut que les pouvoirs publics communiquent entre eux parce que là, il y a beaucoup de strates. Chacun veut faire dans son couloir les choses, mais il faut qu'ils se regroupent pour les territoires. Alors c'est vrai qu'il y a des pistes intéressantes, il y a des développements intéressants qui s'opèrent, mais il faut aller plus loin et plus vite. Parce que là, vraiment, on est à la croisée des chemins entre cette population qui va disparaître en ces zones et le renouveau nécessaire et urgent maintenant, avant que tout disparaisse.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai qu'en plus, le patrimoine se dégrade quand il n'est pas maintenu. Et là, il y a encore une... Tout à fait. Parce que moi, je suis peut-être un peu trop optimiste, mais je vois une opportunité. La campagne française est magnifique. Il y a aussi une opportunité pour des gens qui ne sont plus forcément bien en ville de créer un environnement différent à des prix abordables. Moi, j'ai toujours cru que le télétravail, c'était une énorme opportunité pour des communes rurales pour se vendre, pour essayer de montrer ce que ça peut apporter à quelqu'un.

  • Speaker #0

    Je suis entièrement d'accord.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je suis d'accord avec vous qu'il y a des pistes pour améliorer tout ça.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Mais après, je suis incapable d'amorcer la pompe, comme vous l'avez fait dans votre région. Juste pour finir, quels seraient les conseils que vous donneriez à vous-même au moment où vous vous êtes lancé ? Les choses que vous auriez aimé savoir, qui vous auraient fait gagner du temps, aider dans le développement de votre activité ?

  • Speaker #0

    Alors, des conseils, là où j'aurais aimé en avoir, parce que... Vous savez que quand on se lance dans une activité, même quand on va voir le banquier pour ouvrir un compte, il nous demande des bilans prévisionnels, il nous demande trois bilans prévisionnels. Donc là, ça c'est une formalité, j'ai jamais rien compris, parce que souvent dans ces commerces-là, le bilan qui va être dans les années futures va correspondre à la personnalité du dirigeant. C'est pour ça que... en fonction de comment il va interagir avec les clients ou les services qu'il va proposer, le bilan sera plus ou moins bon. Donc peut-être j'aurais aimé avoir ces conseils-là au départ, mais moi le conseil que je peux donner aux gens qui veulent s'installer, en ruralité comme en ville et tout ça, et surtout qui veulent s'installer et tenir un commerce de proximité, c'est qu'il faut aimer profondément les gens. Au-delà de toutes les statistiques, au-delà de tout ça, au-delà de tous les indicateurs, il faut le faire avec le cœur. C'est primordial. Après, moi je dis toujours, avant de recevoir, il faut donner. Et donc, quand on donne, forcément on reçoit. Et c'est le principal pour moi.

  • Speaker #1

    Ok, c'est très clair. Je pense que ça ressort assez bien de tout votre témoignage, de manière générale. Parfait, merci beaucoup. Vous avez appris énormément de choses. Donc merci d'avoir partagé de manière aussi précise tous ces éléments sur votre activité.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Description

Si vous croyez au pouvoir des commerces de proximité, ce podcast est pour vous


Dans ce nouvel épisode d’Entrepreneurs sans filtre, @Aurélien Bertrand partage son quotidien d’épicier dans un village de 500 habitants, au cœur de l’Aude.


Un métier qu’il vit comme une mission : créer du lien, rendre service, et faire vivre son territoire.

Juriste de formation, fils de commerçants, Aurélien a repris une épicerie en difficulté. Aujourd’hui, ils sont trois à la faire vivre… et à redonner de la fierté au commerce rural.


❤️ Il nous parle avec passion des défis du métier, de son engagement au sein de la Fédération des Épiciers de France, et de ce qu’il faut, selon lui, pour réussir en ruralité : “Il faut aimer les gens”


Chez Atometrics, nous sommes heureux de lui donner la parole. Et fiers de soutenir celles et ceux qui, comme lui, maintiennent la vie dans nos villages.


Vous voulez en savoir plus ? Rendez-vous sur nos réseaux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'est pas vrai. Non, mais il y a un autre, un autre qui a fait un petit défi. Non, non, c'est ça. et leurs dirigeants sont absorbés par leur quotidien et leur métier, et n'ont pas forcément de formation en gestion ou en finance. Ici, nos invités partagent des témoignages, des conseils et des outils concrets pour vous permettre de gagner du temps dans votre apprentissage ou d'éviter certaines erreurs qu'ils ont eux-mêmes commises. Installez-vous, c'est parti ! Merci beaucoup de nous avoir accepté notre invitation. Est-ce que déjà comme première question, vous pourriez très simplement et de manière succincte vous présenter ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Aurélien Bertrand, j'ai 42 ans, je suis gérant d'une épicerie en ruralité sur la commune de La Roque de Fa, La Roque de Fa c'est dans le département de Lode, un village de 150 habitants. On parlera du village si vous voulez, je sais pas si... Ouais,

  • Speaker #0

    avec plaisir, on peut même commencer par ça.

  • Speaker #1

    C'est un village situé sur la route des châteaux cathares, donc c'est important de le préciser puisque c'est un... 150 habitants, c'est peu. Mais l'été, pendant les vacances scolaires, il y a un peu plus de population qui fréquente notre établissement puisque c'est une zone assez touristique. Très bien.

  • Speaker #0

    Et c'est à une heure environ ? de Narbonne,

  • Speaker #1

    c'est ça ? C'est ça. Vous faites un triangle entre Narbonne, Carcassonne et Perpignan, et vous allez juste au milieu. Voilà.

  • Speaker #0

    Ok. Très bien. Et alors, quelle est votre activité ? Du coup, vous avez une épicerie ?

  • Speaker #1

    Une épicerie, donc vous vous en doutez, c'est une épicerie en ruralité, donc il faut avoir tout un tas de produits, des produits de première nécessité, des produits frais, du pain, des fruits, des légumes, toute l'épicerie classique. également un rayon à la coupe important, fromage, viande, principalement des produits locaux. Et également, ce qu'on a développé depuis que j'ai repris l'épicerie en 2016, c'est un rayon d'épicerie fine, justement pour agrandir le cercle et pour ne pas se limiter à la population présente sur place, locale, et pour essayer d'attirer du monde. Et maintenant, même, on arrive à attirer du monde qui vient des plus grandes villes, puisqu'on a une offre qui n'est pas forcément présente en ville, avec des marques assez renommées. Et donc, ça permet d'attirer cet afflux supplémentaire. Et ça leur permet d'autant plus que ça leur permet de découvrir aussi la région, puisque même si on est à une heure de route à Narbonne, souvent les Narbonnais ou les Carcassonais ne s'aventurent pas dans l'arrière-pays. Quand on leur parlait de la roque de faille, ils disaient mais c'est très loin ça et ils ne s'aventuraient pas. Et donc là, en sachant qu'il y a une épicerie, qu'il y a des services, ça permet aussi de faire découvrir le territoire et ça nous permet aussi de rayonner sur le territoire.

  • Speaker #0

    D'accord, ok, donc aussi avec des visiteurs régionaux qui viennent du cadre de l'épicerie. Ok, alors peut-être avant de détailler un petit peu plus et de parler plus de votre épicerie et de sa gestion, ce qui est un peu aussi l'objet du podcast, Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous êtes arrivé là ? Comment est-ce que vous êtes devenu épicier ?

  • Speaker #1

    C'est compliqué. Moi, j'ai une formation de juriste. Mais par contre, ma famille a toujours été commerçante. Mes parents sont toujours en activité, ils ont toujours des commerces à Narbonne. Et donc moi je me rappelais quand j'étais plus jeune, faire les devoirs à l'arrière de la boutique. Et donc j'ai toujours vu comment ils procédaient. Et c'est vrai que ça m'a toujours plu le contact avec la clientèle. Et j'ai toujours baigné là-dedans en fait. Et pourquoi une épicerie ? J'ai toujours aimé les produits, les producteurs, les belles histoires. Pour maintenir ce... Et quand j'ai appris que cette épicerie allait fermer, puisque le précédent exploitant avait de graves difficultés, je m'y suis intéressé.

  • Speaker #0

    Alors du coup, cette entreprise, donc on a compris son positionnement, en tout cas les différents services qu'elle proposait. Si on parle en matière de taille, donc je ne sais pas par exemple le nombre de personnes qui travaillent dedans.

  • Speaker #1

    On est trois salariés, puisque je suis moi-même un salarié. Prise. OK. Une salariée qui est avec moi depuis le début, depuis la reprise de 8 ans et demi maintenant, c'est en 2016. et une jeune salariée en contrat de professionnalisation qu'on va confirmer à un CDI dès le mois prochain, puisqu'elle a fini sa formation. Elle a 19 ans et elle est très prometteuse dans le métier.

  • Speaker #0

    Ok. On va maintenant aborder une partie qui est un peu plus économique. Encore une fois, l'idée, c'est d'être simple, mais d'aborder des choses qui sont plutôt des choses de gestion.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Voilà, pour aider encore une fois ceux qui nous écoutent et qui auraient besoin de conseils ou simplement pour leur faire gagner du temps, éviter des erreurs comme j'ai évoqué tout à l'heure. Donc, si je résume ce que j'ai compris de la nature de l'activité de cette épicerie, il y a une partie en fait qui vise à servir la clientèle locale. Oui, avec des besoins. Exactement, avec du frais, un stand à découpe assez important, etc. Et puis il y a une partie qui est plus orientée touristes ou flux, enfin pas forcément des locaux, mais régionaux par exemple, avec là plutôt une partie épicerie chine, avec des produits plus haut de gamme pour mettre en avant des producteurs locaux ou même j'imagine des producteurs d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, et d'autant plus qu'on peut, j'ai un espace où on peut déguster les produits sur place. Et donc comme notre amplitude horaire est assez importante, on est d'une offre complémentaire à la restauration lorsque les restaurants sont fermés. Les gens peuvent s'arrêter et consommer sur place les produits qu'ils achètent dans l'épicerie, en toute convivialité.

  • Speaker #0

    D'accord, ok. Et ils vous voient comme des concurrents, les restaurants ?

  • Speaker #1

    Pas du tout, parce qu'à la fin du service, ils nous les envoient tous. Et nous, on ne peut plus servir, on va fermer. Mais allez à l'épicerie, là-bas, ils vous trouveront à manger et vous allez passer un bon moment.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est vraiment de la collaboration.

  • Speaker #1

    La collaboration, d'autant plus que moi, je ne prends pas de frais supplémentaires. Enfin, je ne facture rien en plus. Ils achètent simplement ce qui leur plaît à l'épicerie. Ils le consomment sur place. Je leur fournis simplement la vaisselle et tous les éléments pour passer un bon moment.

  • Speaker #0

    OK. Et est-ce que vous fournissez aussi des restaurants ?

  • Speaker #1

    C'est surtout du dépannage parce que les restaurants, soit ils travaillent avec des producteurs locaux qui sont les mêmes que les miens. Ils ont un accès direct. Ils ont un accès direct. Et ensuite, lorsqu'il leur manque... quelques fruits, quelques salades ou quelques matières sèches, ils viennent se dépanner, mais je ne les fournis pas.

  • Speaker #0

    Justement, on va maintenant un peu s'interroger sur la gestion. Ma première question, c'est qu'est-ce qui est difficile dans la gestion de cette entreprise ?

  • Speaker #1

    Moi, dans mon cas, je suis situé loin des centres de réapprovisionnement pour l'épicerie du quotidien. L'épicerie du quotidien... Comme le nombre d'épiceries en France a énormément baissé, les grossistes qui nous réapprovisionnaient ont fermé. Donc il n'en reste plus beaucoup de grossistes généralistes. Vous en avez deux dans notre région, c'est Métro et Promocache. Les Métro et Promocache sont situés soit à Narbonne, soit à Carcassonne, soit à Perpignan. Et donc tous les jours, pour aller me réapprovisionner un produit du quotidien, Je suis obligé de parcourir 100 km à des retours pour le faire. D'autant plus quand on fait également du dépôt de pain. Donc aussi, je dois aller trouver un boulanger pour me réapprovisionner puisque c'est moi qui remonte tout ça. Personne ne me livre au niveau des produits quotidiens. Donc je suis obligé de les récupérer et les ramener. Donc c'est vrai que ça fait beaucoup de kilomètres et je ne vous cache pas beaucoup de fatigue.

  • Speaker #0

    Alors je suis étonné en fait. Donc vous, vous faites cette distance tous les jours. Mais il faut aussi ouvrir à des horaires où il y a des clients. Donc, vous le faites quand la nuit ?

  • Speaker #1

    Je le fais le matin, très tôt. Ensuite, je demande aux salariés d'ouvrir. Et ensuite, je les rejoins une heure après. J'arrive entre 9h30 et 10h tous les jours. Je me lève à 6h tous les matins et je fais les courses avant de monter. Je remplis. J'ai deux camions, un camion frigo pour l'été. que je remplis tous les matins de denrées, des fruits, des légumes et tout ça. Et je monte pour avoir le maximum de fraîcheur. Et après, plus on a de produits, plus l'offre est développée, forcément, plus les réapprovisionnements sont compliqués puisqu'on est obligé d'acheter chaque fois des petites quantités de produits.

  • Speaker #0

    Et puis ça rallonge aussi, j'imagine, la route.

  • Speaker #1

    Et ça rallonge la route.

  • Speaker #0

    Pour aller voir plusieurs fournisseurs.

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs points de passage, tout à fait.

  • Speaker #0

    OK. Oui, effectivement, ça n'a pas l'air simple à gérer.

  • Speaker #1

    C'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Et il y a une... Qu'est-ce qui vous arrangerait, en fait ? Quelle évolution ferait que ça soit plus plein ? Alors, j'imagine un nouveau grossiste pas loin, mais ça...

  • Speaker #1

    Ce qui m'arrangerait, parce qu'en plus, les grossistes, il y a une autre difficulté, c'est que comme les épiceries ont beaucoup baissé... Donc forcément, l'offre destinée aux revendeurs est moindre. Et on l'a vu pendant le Covid. Et depuis le Covid, les restaurants étaient fermés pendant la période du Covid. Donc pour que ces entreprises qui travaillent principalement avec la restauration continuent à vivre, les grossistes dont je vous parle, ils avaient mis des produits pour les revendeurs, puisque les épiceries ont eu le droit de rester ouvertes pour continuer à servir la population. Pendant le Covid, on a eu des articles qui nous permettaient de travailler, mais depuis la fin du Covid, depuis la réouverture des restaurants, les rayons se sont vidés pour les revendeurs et avec des articles pour les restaurants. Donc c'est aussi de plus en plus compliqué. Ce qui pousse certains de mes confrères à aller en grande distribution, acheter des produits parce qu'ils ne les retrouvent plus dans ces gradades. C'est les grossistes. Avec tous les désagréments que cela implique. c'est-à-dire faire des courses comme vous faites vous avec un caddie alors que les quantités sont bien plus importantes, à la caisse se faire remarquer, souvent on nous pose des questions, on dit mais pourquoi, qu'est-ce que vous allez faire avec tout ça, etc. Et d'autant plus que je ne sais même pas si on a théoriquement le droit de passer par ce canal de distribution. Mais c'est la réalité de l'épicerie quotidienne, classique, en ruralité. Donc, c'est cette difficulté de réapprovisionnement.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est pas du tout, on ne suit pas le financement. Non,

  • Speaker #1

    on en parle parce que c'est intéressant. D'autant plus qu'on pourrait se poser la question des prix maintenant. Et on s'aperçoit que chez ces grossistes-là, le prix est plus élevé que si on va directement au supermarché. Donc, ce qui implique aussi pour le commerçant, pour le revendeur. Donc, forcément, il faut qu'il... qu'il applique une marge, même si elle est petite, il se retrouve forcément plus cher que lors de la grande distribution.

  • Speaker #0

    Et alors, pareil pour ma culture générale et celle des auditeurs, j'imagine, comment c'est possible que, alors j'imagine que c'est des volumes, que les grandes surfaces négocient sur des volumes beaucoup plus importants et donc ont des prix plus compétitifs que les anciens ? D'accord. Et le réseau des grossistes, est-ce que vous vous êtes déjà posé la question ? J'imagine que oui. D'internaliser, de développer votre propre réseau d'approvisionnement au final au sein de votre fédération ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être en... parce que notre fédération, c'est vrai, a plusieurs profils d'épiciers. Il y a des épiceries 100% fines, il y a des épiceries 100% produits locaux, et ensuite il y a des épiceries comme la mienne où l'offre est mixte. Mais après, il y a aussi des épiceries qui sont situées en ville. Donc ici à Paris, ils n'ont aucun problème, ils vont à Rungis, ils se font livrer, il n'y a aucune difficulté. Et ensuite il y a les épiceries de moyenne ville et les épiceries de ruralité. Et c'est vrai que les épiceries de ruralité, on n'est pas assez nombreux pour peser, si vous voulez, sur le territoire.

  • Speaker #0

    Et pour disperser aussi sur le territoire.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai, c'est un sujet, moi j'ai alerté plusieurs fois les grossistes. en leur disant qu'on ne pourrait plus continuer à travailler parce qu'on ne trouve plus tout l'assortiment nécessaire pour nous permettre de travailler.

  • Speaker #0

    Ok. Alors du coup, ça rejoint un des thèmes sur lequel je voulais vous interroger, c'est comment, si je ne connais pas le milieu de l'épicerie, ce qui n'est pas loin d'être le cas, comment est-ce que je peux comprendre le modèle économique, c'est-à-dire ce qu'il faut gérer à minima pour survivre dans une épicerie. vous achetez des choses, parfois vous les transformez en les découpant, en les présentant, vous les revendez. C'est quoi en gros ce que je dois comprendre pour ne pas me planter en gros ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, ça dépend de là où vous êtes situé. Déjà, il faut faire cette première étude-là, connaître ses clients. Mais ses clients, on ne les connaît que quand on les a vus. Oui, quand on les a pratiqués. Moi, je vais vous raconter une anecdote. Les six premiers mois d'installation, alors je ne sais pas si c'est particulier à ma région, mais c'est vrai qu'il a fallu que je me fasse adopter. Et souvent, c'était difficile parce que j'étais perçu comme, même si je suis au doigt, même si je suis de la région, j'étais perçu comme un étranger. Et je pense que c'est cela où ça se retrouve beaucoup en ruralité. dans un premier temps se faire accepter et ensuite beaucoup beaucoup écouter les besoins des clients mais en règle générale il ressort que ce sont les produits frais sur lesquels on marche le mieux pourquoi Parce que ça rejoint la discussion de tout à l'heure. Sur les produits frais, on arrive à être compétitif avec la grande surface et même on est moins cher. Pourquoi ? Parce qu'on part à égalité avec le producteur. On a une relation directe, il n'y a aucun intermédiaire. On achète pratiquement au même prix. Et même si on achète un peu plus cher puisqu'on a des volumes moins importants, comme nos marges sur ces produits-là sont plus faibles qu'en grande distribution, on se retrouve au final avec un prix beaucoup plus compétitif. Et ensuite, le client ne va pas faire 50 km pour acheter un produit frais avec tous les risques que cela comporte au niveau du transport et du maintien de la chaîne du froid. Donc pour les produits extra frais, fruits, légumes, viandes, charcuterie, fromage, glace et tout ça,

  • Speaker #0

    vous avez un avantage.

  • Speaker #1

    Ils viendront quoi qu'il arrive chez le commerçant de proximité.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des produits sur lesquels... Moi, je raisonne toujours en modèle économique. Ce que j'ai compris, c'est que si je traduis ça en chiffres, quand on s'installe dans un endroit où on n'est pas connu, on n'est pas exactement chez nous, dans votre cas, pas loin, mais pas chez vous, il faut prévoir de la trésorerie pour les premiers temps où vous n'allez pas tout de suite... rencontrer le succès mais ça va démarrer progressivement. Donc j'imagine que là il faut prévoir quand même de la trésorerie pour tenir pendant cette période, bien découvrir le besoin de ses clients et ce que je comprends c'est que dans ces cas là donc dans la ruralité notamment c'est à travers les produits frais que vous allez pouvoir démarrer, amorcer votre activité du fait que voilà vous êtes moins en concurrence au final en tout cas vous avez un avantage par rapport...

  • Speaker #1

    Tout à fait, dès qu'ils sont rentrés pour les produits frais ils pourront se permettre d'acheter un produit qu'ils retrouveraient ailleurs moins cher, mais comme ils sont sur place, ils ne vont pas aller faire 50 km pour acheter un produit, pour économiser très peu sur un produit. Donc cet achat additionnel, si vous voulez, ils vont le faire sans problème.

  • Speaker #0

    Ok. Et alors, comment ça se gère ? Donc moi, je raisonne en revenus. Donc les revenus, c'est des gens qui viennent consommer. Alors ça ne se prévoit pas. Vous n'avez pas un abonnement avec des gens qui s'engagent à payer tant chaque mois. Mais j'imagine que c'est quand même assez stable pour la partie locale. Donc ça, vous vendez des produits à une population, c'est là que vous pouvez à peu près prévoir. Vous gérez du coup votre prix d'achat. Et l'idée, c'est quoi ? Vous visez une marge type sur...

  • Speaker #1

    Non. Alors, je sais que les comptables aiment dire que... J'ai une adhérente, j'en discutais encore hier avec elle, elle me disait, moi, mon comptable, il m'a dit sur les... Parce qu'on a deux taux de TVA différents dans l'épicerie. On a tout ce qui est alimentaire à 5,5, tout ce qui est alcool et drogue à 20. Donc, il lui a dit très simplement, sur les produits à 5,5, il te faut faire au minimum un 7. Et sur les produits à 20, entre 9 et 2.

  • Speaker #0

    Et quand vous dites un 7, c'est des coefficients. C'est multiplier le prix par un 7.

  • Speaker #1

    On prend le prix hors-taxe, on le multiplie par un 7, on arrive au prix de vente TTC pour le consommateur final. Moi, je ne fais pas ça. Bien entendu, je respecte ces critères, mais je fais des différences entre les produits. Et là, c'est vrai que c'est la psychologie qui va rentrer en ligne de compte, c'est au feeling. Je vais estimer que le coefficient pourra être plus important parce qu'il sera accepté par le consommateur. et un autre, je vais le minimiser, soit pour le pousser à la vente, notamment pour les produits locaux, parce que je veux privilégier plutôt les produits locaux que les produits qui ne le sont pas. Je vais peut-être minimiser la marge sur les produits locaux pour les faire vendre, pour les faire découvrir, plutôt que des produits. Donc j'essaye de jouer comme ça. Ça me permet aussi d'inciter les gens à consommer plutôt un tel produit, souvent meilleur qu'un autre, pour leur faire découvrir aussi, pour qu'ensuite ils puissent avoir l'habitude de le... de le consommer et de l'acheter à nouveau. C'est un acte militant aussi.

  • Speaker #0

    Oui, militant, c'est aussi de la stratégie. C'est-à-dire que vous vous dites, j'ai envie que tel producteur local, qui m'arrange bien parce qu'il est à côté et que ça m'invite de faire des kilomètres aussi, survive, donc je vais essayer de pousser ces produits. Oui,

  • Speaker #1

    aussi. Mais c'est vrai que je préfère promouvoir le local.

  • Speaker #0

    Là-dessus, déjà, je vous le suis complètement. Et oui, c'est vrai que le prix, c'est ce qu'on oublie toujours en tant que consommateur. Non, mais... Le prix, c'est un signal qu'on donne aux consommateurs. Et c'est vrai qu'on peut un peu l'orienter en mettant tel produit en promo, tel autre un peu plus cher, etc.

  • Speaker #1

    Et après, au niveau du prix, il y a des types de produits aussi, ou les fédérations professionnelles donnent des indications aux producteurs. Je pense, nous, dans notre région, région viticole, la règle pour les vignerons, c'est de proposer un prix de revendeur où le revendeur puisse faire un taux de coefficient à 2. Mais ça, c'est une règle de l'interprofession qui donne cette indication. Les producteurs de la suive ne la suivent pas, mais comme elle est implicitement fixée, tout le monde la suit. Donc ça permet d'avoir un taux de marge. assez suffisable pour le revendre.

  • Speaker #0

    OK. Il y a une question que je me suis souvent posée sur ces fameux coefficients, parce que en fait, dans le monde comptable, un peu d'analyse économique, voilà, nous, on raisonne après. C'est-à-dire qu'on va regarder les comptes après, donc on ne voit pas du tout le détail de comment ça s'est construit, et on dit, voilà, la marge, c'était tant, par rapport au chiffre d'affaires. Vous, vous êtes obligés de raisonner avant, en amont. C'est-à-dire que vous vous dites... Si j'achète tel produit, comment est-ce que je pourrais le revendre ? Combien est-ce que je pourrais le revendre ? Et il faut que ça me permette de vivre, de payer mes charges. Comment est-ce que, justement, vous savez qu'un coefficient de 2 ou de 1,7 ou de 1,8, etc., ça va passer ? Est-ce que vous tenez une sorte de projection ? Est-ce que vous avez un, je ne sais pas, une sorte de... de seuil qu'il vous faut faire chaque jour en marge pour payer vos charges, comment est-ce que vous fonctionnez en fait ? Qu'est-ce que vous suivez ?

  • Speaker #1

    Non, moi je ne suis que la trésorerie, c'est-à-dire que l'argent disponible sur mon compte en banque. D'accord. Je ne suis que ça, mais ce n'est pas pour autant que si je vois que ça baisse, je vais augmenter les marges. D'accord. Je vais faire peut-être autre chose, des économies ailleurs ou quelque chose, mais je n'ai pas touché les marges en fonction de cela. D'accord. Pour moi, c'est l'indicateur. Je le regarde tous les matins. Et l'autre indicateur aussi, comme je paye mes factures comptant, il est très juste cet indicateur. C'est-à-dire que tout ce que j'ai en magasin, c'est déjà payé. Donc, je n'ai pas besoin de regarder les factures que j'aurais éventuellement à payer dans quelques jours ou dans quelques mois.

  • Speaker #0

    Ok, compris. Dernière question sur ces coefficients. Mais encore une fois, je pense qu'il y en a beaucoup qui ne comprennent pas exactement comment ça marche. On dit souvent... Il faut faire quatre en restauration. En restauration, c'est les ventes d'alcool, de boissons, en fait, qui font la marge. Ce n'est pas les ventes de produits, etc. On est d'accord si, par exemple, dans votre cas de l'épicerie fine, vous avez des produits qui vont être plus chers, du coup, par nature, parce qu'ils ne s'adressent pas forcément aux gens qui ont besoin de premières nécessités pour manger, mais plutôt aux gens qui sont là et qui veulent se faire plaisir, qui veulent un produit plus qualitatif, plus sympa. Là, si vous appliquez une marge sur un produit qui est plus cher, il va être... du coup d'autant plus profitable pour vous en fait. Tout à fait. D'accord. Et donc, en fait, on pourrait, j'imagine, baisser un peu le taux de marge sur des produits chers juste parce que, voilà, pour le même pourcentage.

  • Speaker #1

    Oui, parce que le prix pèse.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a une autre indication qui rentre en ligne de compte, c'est que le fournisseur, le producteur, nous indique un prix de vente conseillé qui est souvent indiqué sur Internet aussi, sur le site marchand. Et les consommateurs ont cette manie maintenant de vérifier le prix. Il faut connaître l'idée, il faut se rapprocher au maximum de ce prix, sinon les clients nous le font remarquer, ça ne passe pas.

  • Speaker #0

    Oui, et même potentiellement le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #1

    Voilà, le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Ok, très intéressant. Oui, lui il ne veut pas détruire son image non plus. Il ne faut pas qu'il y en ait un qui ne joue pas le jeu en vendant. Ok, très intéressant. Donc, on va maintenant passer sur les indicateurs que vous suivez. Donc, moi, ce que je comprends, c'est que celui que vous suivez principalement comme indicateur un peu financier ou économique, c'est la trésorerie. OK. Et donc là, vous regardez quoi sur votre compte en banque ? La trésorerie directement ?

  • Speaker #1

    Tous les matins, maintenant, c'est très facile avec l'application bancaire. Je regarde la trésorerie. J'essaye de suivre la gestion au plus juste. Je vous l'ai dit, les factures, je les paye dans la mesure du possible comptant. Je dépose, ça aussi c'est très important, les espèces, toutes les caisses à ma banque une fois par semaine. Mais c'est très régulier, il faut être très méticuleux dans ce cadre-là pour avoir la précision la plus juste. Et c'est vrai que je... Je remarque que tout le monde ne le fait pas et c'est pour ça que ça crée des différences entre la perception réelle des choses et ce qui se passe en réalité.

  • Speaker #0

    Ok, alors en effet c'est très clair. Oui, j'imagine que si vous tardez un peu pour remettre tout le produit des ventes en place... Vous allez avoir une vision faussée de votre chiffre d'affaires et en plus, votre réseau va être décliné.

  • Speaker #1

    Même si maintenant, vous avez remarqué aussi qu'avec le développement du paiement sans contact, il y a beaucoup plus de paiements par carte bancaire. Donc,

  • Speaker #0

    immédiatement pris en compte.

  • Speaker #1

    C'est moins vrai qu'avant, mais il faut quand même respecter cette discipline de déposer. Régulièrement, mais moi je le fais toutes les semaines, le fruit de la caisse.

  • Speaker #0

    Ok, et alors est-ce qu'il y a d'autres indicateurs que vous suivez ou c'est vraiment le seul ? Est-ce que par exemple vous regardez un petit peu quand on vous remet vos comptes votre marge ? Est-ce que, je ne sais pas, il y a d'autres choses que vous regardez ?

  • Speaker #1

    Je regarde au niveau des statistiques, je regarde d'une année sur l'autre, même si ça ne correspond pas forcément, mais on arrive à avoir des grandes tendances. Oui. notamment parce que moi c'est vrai que là, comme je suis dans une zone touristique, souvent les flux et les différences sont importantes entre une semaine et l'autre, surtout quand on arrive proche des vacances. Donc ça, le calendrier des vacances, je l'étudie avant le début d'année pour voir au niveau des commandes comment je vais pouvoir oeuvrer, pour avoir le produit quand il y aura du flux de la clientèle, plus important que lorsqu'il y en aura moins. Donc cette gestion des stocks, je la fais là parce qu'en épicerie aussi, et quand on fait beaucoup de produits frais, il faut éviter au maximum la perte. Et c'est vrai que cette difficulté-là, il faut regarder ce qui s'est fait les années précédentes. Et moi, pour la comptabilité, vous allez rire parce que ça ne se fait plus maintenant, je fais la comptabilité intégralement à la main sur un cahier 16 colonnes. D'un côté les dépenses et de l'autre les recettes. Et j'ai la vision globale du mois, puisqu'il y a une page par mois, instantanément. Donc je sais quel jour je travaillerai le mieux, etc. Et je m'aperçois qu'il y a une régularité qui s'opère. Le mardi, je sais qu'une journée est assez forte. Pourquoi aussi ? Parce que j'amène des produits réguliers, ça crée des rendez-vous, etc. Je sais que le mercredi et le jeudi sont faibles et qu'en fin de semaine, on repart à la hausse. Il faut gérer ses commandes de produits frais, de pain, etc. en fonction de ces éléments-là.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Et ce que j'entends aussi dans ce que vous dites, c'est que votre activité est saisonnière dans la semaine et dans l'année. Donc il y a des jours dans la semaine qui marchent mieux et dans l'année, il y a des périodes ou des semaines aussi qui fonctionnent mieux que les autres. Et ce que j'entends aussi, c'est que vous pouvez orienter là aussi un peu la saisonnalité, c'est-à-dire créer des rendez-vous avec vos clients en disant, le mardi ou le mercredi, il y a tel produit qui arrive, ou je propose telle spécialité que ce jour-là, pour un peu justement étaler aussi.

  • Speaker #1

    Tout à fait, et c'est là que la connaissance de son client est fondamentale. C'est pour ça qu'il faut être au maximum en magasin pour échanger avec eux, parce qu'on connaîtra leur goût, on sera plus près des réalités. Donc quand un fournisseur... Moi, il m'est arrivé des fournisseurs qui m'ont ramené des produits qu'on n'a pas tout le temps. J'appelle moi-même les clients ou je leur envoie un message. Voilà, le produit que tu aimes est rentré, tu peux passer à l'épicerie, il t'attend. Ça crée une fidélisation avec le client. Il est ravi parce qu'il sait qu'on pense à lui. Et ça permet d'écouler rapidement la marchandise et d'écouler au plus près des besoins.

  • Speaker #0

    Ok. Alors, dans la gestion de votre entreprise, quels sont vos principaux interlocuteurs ? On pense souvent à l'expert comptable, au banquier, l'avocat, etc.

  • Speaker #1

    Alors, moi, je n'ai pas d'expert comptable. Le banquier, alors, les banquiers, maintenant, sont de moins en moins présents. C'est-à-dire que quand je vais déposer toutes les semaines l'argent à la banque, il n'y a pas de banquier, il n'y a qu'une machine. Donc, je n'ai pas cet échange avec le banquier. Le banquier, en fait, on l'appelle soit quand on a une difficulté. soit quand tu en as besoin de lui pour obtenir un financement. Mais c'est vrai qu'au niveau des banques, c'est plus ce que c'était avant. Il n'y a pas ce suivi de l'évolution. Moi, je me rappelle, mes parents me racontaient que le banquier passait régulièrement au magasin, même au tout début, il passait récupérer les recettes de la semaine, et c'était le banquier lui-même qui le faisait. Maintenant, il n'y a plus ça. C'est dommage, mais c'est comme ça. le banquier reste un interlocuteur, mais en cas de besoin. Oui,

  • Speaker #0

    que de manière opportuniste, en bon sens du terme, mais transactionnelle. Voilà. Ok. Donc, vous gérez tout seul. Vous n'avez pas de... Alors, peut-être votre fédération, du coup ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais vous dire. La fédération aide beaucoup pour se tenir informé de l'évolution des législations, parce que ça aussi, ça bouge.

  • Speaker #0

    Ça bouge beaucoup. Et surtout aussi, le gros avantage d'une fédération, c'est qu'on peut échanger entre confrères. Quand on a un problème avec un fournisseur, quand on en cherche un autre, pour dénicher un meilleur tarif là, pour dénicher un meilleur produit, pour voir ce qui fonctionne chez un adhérent et pas chez un autre, c'est vrai qu'on échange beaucoup.

  • Speaker #1

    Des échanges de bonnes pratiques.

  • Speaker #0

    Des échanges de bonnes pratiques qui sont très utiles, même si parfois on ne peut pas dupliquer exactement ce qui fonctionne à l'autre bout de la France. Mais souvent, ça fonctionne très bien.

  • Speaker #1

    Oui, et puis peut-être que vous pouvez aussi soumettre votre problème à quelqu'un d'autre, vous apporter un point de vue,

  • Speaker #0

    une expérience. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc déjà, il y a un thème un peu spécifique que j'aimerais développer à la fin. Je reviendrai à la fin. Là, l'idée, ce serait de parler de vos difficultés. Est-ce que vous avez déjà... Alors, on n'est pas un podcast négatif. On parle de difficultés, qu'est-ce qui est dur, qu'est-ce qui est difficile. L'idée, c'est juste de parler de ça pour éviter aux gens... de faire des erreurs. Donc, ce n'est pas du tout qu'on est négatif. Est-ce que vous vous êtes déjà retrouvé en difficulté financière ? Est-ce qu'il y a un moment où vous vous êtes retrouvé un peu face à un mur ? Non,

  • Speaker #0

    je n'ai pas été en difficulté financière. Pourquoi ? Pour deux raisons. Comme je vous le disais, j'avais une activité salariée auparavant, donc ça m'a permis au lancement de mon activité entrepreneuriale, de bénéficier du chômage, des prestations de mon ancien métier pour lancer cette activité, c'est-à-dire que pendant les deux premières années, c'est-à-dire la durée d'indemnisation du chômage, je n'ai perçu même aucun revenu de l'entreprise, j'ai tout laissé dans l'entreprise. Donc ce qui m'a permis de constituer une trésorerie. de sécurité pour faire face à d'éventuelles difficultés si elles venaient à se présenter.

  • Speaker #1

    Alors là-dessus, juste, je ne me permets pas de vous interrompre, j'ai fait la même chose que vous pour créer mon entreprise, et c'est vrai que c'est une chance inestimable qu'on a en France de pouvoir faire ça, et qui favorise quand même très largement l'entreprenariat,

  • Speaker #0

    je trouve. Ah non, mais tout à fait, tout à fait. Ou alors il faut avoir un PQ qui vient d'ailleurs, mais ce n'est souvent pas le cas. Donc c'est vrai que ça, c'est fondamental. Même si, moi j'y mettrais quand même bémol parce que quand on se lance dans une nouvelle activité, il faut y croire dès le départ et ne pas se reposer sur cet éventuel pécule pour lancer une activité parce que souvent, c'est très casse-gueule. Donc il faut bien...

  • Speaker #1

    Oui, je suis d'accord. Donc ceux qui réussissent beaucoup ont bénéficié de ça, mais il y en a effectivement qui l'abandonnent un peu vite. Ok, et donc, pardon, je vous ai coupé, il y avait une deuxième raison pour laquelle vous n'aviez pas été en difficulté. Donc, vous avez pu mettre de l'argent de côté au départ parce que vous n'aviez pas besoin de vous rémunérer du fait que vous aviez été salarié. L'autre raison, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    C'est qu'on essaye d'être au plus juste au niveau des charges. Essayer de... Là aussi, il faut en parler. C'est que lorsqu'on installe une société, lorsqu'on y matricule... Moi, dans la première semaine, j'ai reçu au moins une trentaine de courriers d'arnaques. « Inscrivez-vous sur tel registre, inscrivez-vous sur tel registre. » J'ai cumulé tout ça, je crois qu'on est arrivé à 3 000 euros de frais. Certaines personnes qui ne font pas attention peuvent s'engouffrer là-dedans. C'est vrai que souvent, si on dépense cet argent à mauvais escient comme ça, il nous manque forcément à la fin, puisqu'au départ, on est très juste. Donc ça aussi, c'est important. C'est pour ça aussi qu'il faut se faire aider au départ, si on n'est pas du métier, par une fédération professionnelle ou par des CCI, etc. Mais vraiment, pour ne pas tomber dans le panneau. Donc, maîtriser au maximum les charges.

  • Speaker #1

    Ok, et ne pas se faire arnaquer, en fait. Mais c'est vrai qu'il y a tout un tas de services qui sont proposés, soi-disant officiels, et en fait, qui ne sont pas nécessaires du tout. Et puis, effectivement, dans le pire des cas, vous payez, vous n'avez pas de service.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, OK.

  • Speaker #0

    Alors, si la difficulté que j'ai dans les épiceries, j'ai même parlé à mes confrères qui sont dans les mêmes cas que moi, et surtout dans des départements comme le mien qui sont très, très pauvres, au bout du 15 du mois, il y a des clients qui arrivent et qui veulent faire marquer parce qu'ils ne peuvent plus payer. Et c'est souvent des clients qui ne viennent pas. qui ne viennent pas au début du mois parce que quand ils ont l'argent ils vont au moins cher s'il y a une grande surface et quand ils arrivent le 15 du mois c'est très embêtant parce que nous ça peut nous mettre potentiellement en difficulté Mais on est obligé de le faire parce que moi, je ne peux pas refuser à quelqu'un qui a faim de ne pas lui donner à manger. Mais c'est vrai que ça peut nous mettre en difficulté. Donc là, j'essaie tant bien que mal de limiter ça, mais ce n'est pas facile. C'est quelque chose qui potentiellement pourrait me mettre en difficulté.

  • Speaker #1

    Ok, je comprends. Alors justement, ça fait le lien avec le thème dont je voulais parler un peu spécifiquement sur votre activité. C'est l'aspect lien social en fait. Je pense que dans... Je vous l'évoquais avant le podcast, mais moi, la famille du côté de mon père vient de pas très loin, au final. Et je me rappelle, j'avais un oncle qui était épicier ambulant. Lui, en fait, il avait une camionnette. Et puis, il faisait un peu le tour des villages, parce qu'il y a plein de personnes âgées qui ne pouvaient pas se déplacer. Je me rappelle, c'était la réunion du village. Il klaxonnait en arrivant, il faisait un tour. Et puis après, tout le monde se regroupait. C'était un moment d'échange, il connaissait tout le monde. Et voilà, j'imagine, en fait, je le sais parce que j'avais lu un de vos articles, que dans votre activité, il y a aussi ce lien social. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ? Est-ce que, je ne sais pas, par exemple, vous venez de l'évoquer juste précédemment, en fait, il y a des gens qui viennent vers vous parce qu'ils sont en grande difficulté et qu'ils ne peuvent pas se nourrir. Voilà comment ça se matérialise ce lien social. Est-ce que vous faites un peu concierge des fois ? Est-ce qu'on vous demande ?

  • Speaker #0

    Ça se matérialise de plusieurs façons. D'abord, la première, c'est d'écouter les gens, d'écouter leurs difficultés. Ça, c'est déjà le premier point. Et en étant ouvert avec une amplitude horaire comme la nôtre, c'est vrai qu'on est souvent les seuls à être ouverts au temps. Donc, le premier réflexe, c'est de venir chez l'épicier raconter les difficultés que nous avons. Ensuite, on répond à tout un tas de services qui soient disparus de ces zones rurales, soit qui doivent être maintenus. Je pense notamment, il m'arrive très souvent de remonter des traitements médicaux. Je m'arrête à la pharmacie pour les clients. Je vends des fois des timbres. Je fais distributeur de billets parce que le distributeur de billets du village d'à côté ne fonctionne pas. Et souvent, l'été notamment, lorsque... Là, c'est plus la population locale, mais c'est les touristes. Lorsqu'ils veulent aller au marché du coin, il faut payer en cash. Ils n'ont plus de cash, donc le distributeur ne fonctionne pas. Donc je fais distributeur de billets aussi. Donc on a toute une panoplie de services. Ça, on ne l'a pas formalisé. On fait relé-colis aussi. Même si tous les organismes... Toutes les boîtes qui font les colis ne veulent pas me le donner parce qu'ils me disent qu'il n'y a pas assez de flux, qu'il n'y a pas assez de sécurité. Mais on le fait quand même parce que même les livreurs de colis me disent que je ne trouve pas la personne, ou elle habite trop loin, ou elle n'est pas là, etc. Est-ce que je peux te le laisser ? Bien entendu, ils le laissent avec tous les risques que cela comporte puisque je ne suis pas assuré pour ça.

  • Speaker #1

    Oui, ce que j'ai vu, il y a un distributeur de billets, il y a un risque important. Voilà,

  • Speaker #0

    mais on On fait ça et on est obligé de le faire parce que dans ces zones-là, on est en mission. On est en mission pour maintenir la vie dans ces zones-là. Et on est en mission aussi parce qu'on a une population qui a besoin de services et elle ne retrouve pas forcément les services sur place. Cette mission qu'on a retrouvée pendant le Covid aussi, lorsque tout a fermé. On a été obligé de faire des livraisons à droite à gauche, c'est là où on a fait le plus de livraisons, etc. C'était notre mission à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, super intéressant. Souvent, et moi c'est un peu mon défaut, moi je vois qu'il y a des choses qui pourraient mieux fonctionner, qui, voilà, on évoque... Le fait que vos grossistes sont de plus en plus loin, qu'on voit que l'écosystème, avec la disparition aussi des habitants dans certaines zones rurales, se raréfie. Et donc, quand je vois un problème, j'ai toujours envie de trouver des solutions. Peut-être qu'il n'y en a pas, mais voilà.

  • Speaker #0

    Des solutions, moi, j'ai... Des solutions, des pistes.

  • Speaker #1

    Des pistes,

  • Speaker #0

    oui. Peut-être...

  • Speaker #1

    S'adapter à la nouvelle réalité, en fait. S'adapter.

  • Speaker #0

    ou peut-être créant des conditions du renouveau. C'est quoi les conditions du renouveau pour ces zones ? Malheureusement, la courbe démographique est telle qu'on va perdre de la population, c'est inévitable. Donc la population d'origine de ces zones ne sera plus la même. Donc il faut en attirer une nouvelle. Comment on en attire une nouvelle ? C'est souvent avec le télétravail, on peut en attirer. Mais avec le télétravail, il y a une condition, c'est qu'il faut que les réseaux Internet soient suffisants pour la supporter. C'est souvent dans des zones... Nous on a eu la fibre il y a six mois, avant on n'avait pas la fibre. Donc là les conditions peuvent être réunies pour le faire. Mais ensuite, il faut qu'il y ait un médecin à côté aussi. Il faut qu'il y ait... Bon, là, la pharmacie, on arrive à dépanner, mais il faut qu'il y ait des services à côté en adéquation. Donc moi, je pense qu'il y a le potentiel pour le faire, puisque c'est vrai que dans ces zones-là, le prix de l'immobilier est encore raisonnable. Donc on peut attirer du monde, mais il faut que les infrastructures minimales suivent. Si on veut instaurer du télétravail, il faut que les réseaux soient bons. Mais aussi, il faut que quand les gens soient sur place, ils aient d'autres services.

  • Speaker #1

    Un écosystème, des magasins. Et alors, comment on amorce la pompe ? Parce qu'on en parlait tout à l'heure, c'est un peu la poule et l'œuf. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un premier qui s'installe pour potentiellement en attirer un second, etc. Comment on fait ?

  • Speaker #0

    Nous, on a amorcé la pompe à notre niveau. On a essayé de faire connaître davantage la région. C'est pour ça qu'on s'est présenté à tous ces concours nationaux. C'est pour ça qu'on a commercialisé tous ces produits. Parce qu'en dehors de la simple vente de ces produits, le fait de communiquer dessus nous amène une notoriété certaine pour parler de notre village et pour parler du territoire, pour attirer le maximum de monde. C'est des communications aussi que l'on fait sur les guides touristiques. Je pense notamment au petit Futé qui nous a bien aidés aussi. Mais il faut que toutes les synergies soient reliées, c'est-à-dire qu'il faut que les pouvoirs publics aussi nous soutiennent. Lorsque je vois par exemple que quand on fait des communications au niveau touristique, ça crée des tensions au niveau des offices du tourisme, je trouve que ce n'est pas normal alors qu'on œuvre tous dans le même sens. Il faut que chacun mette son égo de son côté. renonce à des considérations déraisoires, je pense notamment à des chartographies, à tout ça, pour se mettre tous dans le même sens et pour tirer tous dans le même sens. Et je vois que quand on se regroupe, on est vraiment plus fort. Alors soit au niveau local, quand on se regroupe avec des restaurants, quand on se regroupe, soit on s'envoie les clients entre nous, ou on communique bien, on peut... Ça profite à tout le monde, ça profite aux producteurs, aux hébergeurs et tout ça. Quand on se regroupe entre épiciers, ça fonctionne mieux aussi parce qu'on peut échanger, on peut se donner des bons tuyaux. Mais il faut que les pouvoirs publics communiquent entre eux parce que là, il y a beaucoup de strates. Chacun veut faire dans son couloir les choses, mais il faut qu'ils se regroupent pour les territoires. Alors c'est vrai qu'il y a des pistes intéressantes, il y a des développements intéressants qui s'opèrent, mais il faut aller plus loin et plus vite. Parce que là, vraiment, on est à la croisée des chemins entre cette population qui va disparaître en ces zones et le renouveau nécessaire et urgent maintenant, avant que tout disparaisse.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai qu'en plus, le patrimoine se dégrade quand il n'est pas maintenu. Et là, il y a encore une... Tout à fait. Parce que moi, je suis peut-être un peu trop optimiste, mais je vois une opportunité. La campagne française est magnifique. Il y a aussi une opportunité pour des gens qui ne sont plus forcément bien en ville de créer un environnement différent à des prix abordables. Moi, j'ai toujours cru que le télétravail, c'était une énorme opportunité pour des communes rurales pour se vendre, pour essayer de montrer ce que ça peut apporter à quelqu'un.

  • Speaker #0

    Je suis entièrement d'accord.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je suis d'accord avec vous qu'il y a des pistes pour améliorer tout ça.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Mais après, je suis incapable d'amorcer la pompe, comme vous l'avez fait dans votre région. Juste pour finir, quels seraient les conseils que vous donneriez à vous-même au moment où vous vous êtes lancé ? Les choses que vous auriez aimé savoir, qui vous auraient fait gagner du temps, aider dans le développement de votre activité ?

  • Speaker #0

    Alors, des conseils, là où j'aurais aimé en avoir, parce que... Vous savez que quand on se lance dans une activité, même quand on va voir le banquier pour ouvrir un compte, il nous demande des bilans prévisionnels, il nous demande trois bilans prévisionnels. Donc là, ça c'est une formalité, j'ai jamais rien compris, parce que souvent dans ces commerces-là, le bilan qui va être dans les années futures va correspondre à la personnalité du dirigeant. C'est pour ça que... en fonction de comment il va interagir avec les clients ou les services qu'il va proposer, le bilan sera plus ou moins bon. Donc peut-être j'aurais aimé avoir ces conseils-là au départ, mais moi le conseil que je peux donner aux gens qui veulent s'installer, en ruralité comme en ville et tout ça, et surtout qui veulent s'installer et tenir un commerce de proximité, c'est qu'il faut aimer profondément les gens. Au-delà de toutes les statistiques, au-delà de tout ça, au-delà de tous les indicateurs, il faut le faire avec le cœur. C'est primordial. Après, moi je dis toujours, avant de recevoir, il faut donner. Et donc, quand on donne, forcément on reçoit. Et c'est le principal pour moi.

  • Speaker #1

    Ok, c'est très clair. Je pense que ça ressort assez bien de tout votre témoignage, de manière générale. Parfait, merci beaucoup. Vous avez appris énormément de choses. Donc merci d'avoir partagé de manière aussi précise tous ces éléments sur votre activité.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

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Description

Si vous croyez au pouvoir des commerces de proximité, ce podcast est pour vous


Dans ce nouvel épisode d’Entrepreneurs sans filtre, @Aurélien Bertrand partage son quotidien d’épicier dans un village de 500 habitants, au cœur de l’Aude.


Un métier qu’il vit comme une mission : créer du lien, rendre service, et faire vivre son territoire.

Juriste de formation, fils de commerçants, Aurélien a repris une épicerie en difficulté. Aujourd’hui, ils sont trois à la faire vivre… et à redonner de la fierté au commerce rural.


❤️ Il nous parle avec passion des défis du métier, de son engagement au sein de la Fédération des Épiciers de France, et de ce qu’il faut, selon lui, pour réussir en ruralité : “Il faut aimer les gens”


Chez Atometrics, nous sommes heureux de lui donner la parole. Et fiers de soutenir celles et ceux qui, comme lui, maintiennent la vie dans nos villages.


Vous voulez en savoir plus ? Rendez-vous sur nos réseaux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'est pas vrai. Non, mais il y a un autre, un autre qui a fait un petit défi. Non, non, c'est ça. et leurs dirigeants sont absorbés par leur quotidien et leur métier, et n'ont pas forcément de formation en gestion ou en finance. Ici, nos invités partagent des témoignages, des conseils et des outils concrets pour vous permettre de gagner du temps dans votre apprentissage ou d'éviter certaines erreurs qu'ils ont eux-mêmes commises. Installez-vous, c'est parti ! Merci beaucoup de nous avoir accepté notre invitation. Est-ce que déjà comme première question, vous pourriez très simplement et de manière succincte vous présenter ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Aurélien Bertrand, j'ai 42 ans, je suis gérant d'une épicerie en ruralité sur la commune de La Roque de Fa, La Roque de Fa c'est dans le département de Lode, un village de 150 habitants. On parlera du village si vous voulez, je sais pas si... Ouais,

  • Speaker #0

    avec plaisir, on peut même commencer par ça.

  • Speaker #1

    C'est un village situé sur la route des châteaux cathares, donc c'est important de le préciser puisque c'est un... 150 habitants, c'est peu. Mais l'été, pendant les vacances scolaires, il y a un peu plus de population qui fréquente notre établissement puisque c'est une zone assez touristique. Très bien.

  • Speaker #0

    Et c'est à une heure environ ? de Narbonne,

  • Speaker #1

    c'est ça ? C'est ça. Vous faites un triangle entre Narbonne, Carcassonne et Perpignan, et vous allez juste au milieu. Voilà.

  • Speaker #0

    Ok. Très bien. Et alors, quelle est votre activité ? Du coup, vous avez une épicerie ?

  • Speaker #1

    Une épicerie, donc vous vous en doutez, c'est une épicerie en ruralité, donc il faut avoir tout un tas de produits, des produits de première nécessité, des produits frais, du pain, des fruits, des légumes, toute l'épicerie classique. également un rayon à la coupe important, fromage, viande, principalement des produits locaux. Et également, ce qu'on a développé depuis que j'ai repris l'épicerie en 2016, c'est un rayon d'épicerie fine, justement pour agrandir le cercle et pour ne pas se limiter à la population présente sur place, locale, et pour essayer d'attirer du monde. Et maintenant, même, on arrive à attirer du monde qui vient des plus grandes villes, puisqu'on a une offre qui n'est pas forcément présente en ville, avec des marques assez renommées. Et donc, ça permet d'attirer cet afflux supplémentaire. Et ça leur permet d'autant plus que ça leur permet de découvrir aussi la région, puisque même si on est à une heure de route à Narbonne, souvent les Narbonnais ou les Carcassonais ne s'aventurent pas dans l'arrière-pays. Quand on leur parlait de la roque de faille, ils disaient mais c'est très loin ça et ils ne s'aventuraient pas. Et donc là, en sachant qu'il y a une épicerie, qu'il y a des services, ça permet aussi de faire découvrir le territoire et ça nous permet aussi de rayonner sur le territoire.

  • Speaker #0

    D'accord, ok, donc aussi avec des visiteurs régionaux qui viennent du cadre de l'épicerie. Ok, alors peut-être avant de détailler un petit peu plus et de parler plus de votre épicerie et de sa gestion, ce qui est un peu aussi l'objet du podcast, Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous êtes arrivé là ? Comment est-ce que vous êtes devenu épicier ?

  • Speaker #1

    C'est compliqué. Moi, j'ai une formation de juriste. Mais par contre, ma famille a toujours été commerçante. Mes parents sont toujours en activité, ils ont toujours des commerces à Narbonne. Et donc moi je me rappelais quand j'étais plus jeune, faire les devoirs à l'arrière de la boutique. Et donc j'ai toujours vu comment ils procédaient. Et c'est vrai que ça m'a toujours plu le contact avec la clientèle. Et j'ai toujours baigné là-dedans en fait. Et pourquoi une épicerie ? J'ai toujours aimé les produits, les producteurs, les belles histoires. Pour maintenir ce... Et quand j'ai appris que cette épicerie allait fermer, puisque le précédent exploitant avait de graves difficultés, je m'y suis intéressé.

  • Speaker #0

    Alors du coup, cette entreprise, donc on a compris son positionnement, en tout cas les différents services qu'elle proposait. Si on parle en matière de taille, donc je ne sais pas par exemple le nombre de personnes qui travaillent dedans.

  • Speaker #1

    On est trois salariés, puisque je suis moi-même un salarié. Prise. OK. Une salariée qui est avec moi depuis le début, depuis la reprise de 8 ans et demi maintenant, c'est en 2016. et une jeune salariée en contrat de professionnalisation qu'on va confirmer à un CDI dès le mois prochain, puisqu'elle a fini sa formation. Elle a 19 ans et elle est très prometteuse dans le métier.

  • Speaker #0

    Ok. On va maintenant aborder une partie qui est un peu plus économique. Encore une fois, l'idée, c'est d'être simple, mais d'aborder des choses qui sont plutôt des choses de gestion.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Voilà, pour aider encore une fois ceux qui nous écoutent et qui auraient besoin de conseils ou simplement pour leur faire gagner du temps, éviter des erreurs comme j'ai évoqué tout à l'heure. Donc, si je résume ce que j'ai compris de la nature de l'activité de cette épicerie, il y a une partie en fait qui vise à servir la clientèle locale. Oui, avec des besoins. Exactement, avec du frais, un stand à découpe assez important, etc. Et puis il y a une partie qui est plus orientée touristes ou flux, enfin pas forcément des locaux, mais régionaux par exemple, avec là plutôt une partie épicerie chine, avec des produits plus haut de gamme pour mettre en avant des producteurs locaux ou même j'imagine des producteurs d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, et d'autant plus qu'on peut, j'ai un espace où on peut déguster les produits sur place. Et donc comme notre amplitude horaire est assez importante, on est d'une offre complémentaire à la restauration lorsque les restaurants sont fermés. Les gens peuvent s'arrêter et consommer sur place les produits qu'ils achètent dans l'épicerie, en toute convivialité.

  • Speaker #0

    D'accord, ok. Et ils vous voient comme des concurrents, les restaurants ?

  • Speaker #1

    Pas du tout, parce qu'à la fin du service, ils nous les envoient tous. Et nous, on ne peut plus servir, on va fermer. Mais allez à l'épicerie, là-bas, ils vous trouveront à manger et vous allez passer un bon moment.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est vraiment de la collaboration.

  • Speaker #1

    La collaboration, d'autant plus que moi, je ne prends pas de frais supplémentaires. Enfin, je ne facture rien en plus. Ils achètent simplement ce qui leur plaît à l'épicerie. Ils le consomment sur place. Je leur fournis simplement la vaisselle et tous les éléments pour passer un bon moment.

  • Speaker #0

    OK. Et est-ce que vous fournissez aussi des restaurants ?

  • Speaker #1

    C'est surtout du dépannage parce que les restaurants, soit ils travaillent avec des producteurs locaux qui sont les mêmes que les miens. Ils ont un accès direct. Ils ont un accès direct. Et ensuite, lorsqu'il leur manque... quelques fruits, quelques salades ou quelques matières sèches, ils viennent se dépanner, mais je ne les fournis pas.

  • Speaker #0

    Justement, on va maintenant un peu s'interroger sur la gestion. Ma première question, c'est qu'est-ce qui est difficile dans la gestion de cette entreprise ?

  • Speaker #1

    Moi, dans mon cas, je suis situé loin des centres de réapprovisionnement pour l'épicerie du quotidien. L'épicerie du quotidien... Comme le nombre d'épiceries en France a énormément baissé, les grossistes qui nous réapprovisionnaient ont fermé. Donc il n'en reste plus beaucoup de grossistes généralistes. Vous en avez deux dans notre région, c'est Métro et Promocache. Les Métro et Promocache sont situés soit à Narbonne, soit à Carcassonne, soit à Perpignan. Et donc tous les jours, pour aller me réapprovisionner un produit du quotidien, Je suis obligé de parcourir 100 km à des retours pour le faire. D'autant plus quand on fait également du dépôt de pain. Donc aussi, je dois aller trouver un boulanger pour me réapprovisionner puisque c'est moi qui remonte tout ça. Personne ne me livre au niveau des produits quotidiens. Donc je suis obligé de les récupérer et les ramener. Donc c'est vrai que ça fait beaucoup de kilomètres et je ne vous cache pas beaucoup de fatigue.

  • Speaker #0

    Alors je suis étonné en fait. Donc vous, vous faites cette distance tous les jours. Mais il faut aussi ouvrir à des horaires où il y a des clients. Donc, vous le faites quand la nuit ?

  • Speaker #1

    Je le fais le matin, très tôt. Ensuite, je demande aux salariés d'ouvrir. Et ensuite, je les rejoins une heure après. J'arrive entre 9h30 et 10h tous les jours. Je me lève à 6h tous les matins et je fais les courses avant de monter. Je remplis. J'ai deux camions, un camion frigo pour l'été. que je remplis tous les matins de denrées, des fruits, des légumes et tout ça. Et je monte pour avoir le maximum de fraîcheur. Et après, plus on a de produits, plus l'offre est développée, forcément, plus les réapprovisionnements sont compliqués puisqu'on est obligé d'acheter chaque fois des petites quantités de produits.

  • Speaker #0

    Et puis ça rallonge aussi, j'imagine, la route.

  • Speaker #1

    Et ça rallonge la route.

  • Speaker #0

    Pour aller voir plusieurs fournisseurs.

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs points de passage, tout à fait.

  • Speaker #0

    OK. Oui, effectivement, ça n'a pas l'air simple à gérer.

  • Speaker #1

    C'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Et il y a une... Qu'est-ce qui vous arrangerait, en fait ? Quelle évolution ferait que ça soit plus plein ? Alors, j'imagine un nouveau grossiste pas loin, mais ça...

  • Speaker #1

    Ce qui m'arrangerait, parce qu'en plus, les grossistes, il y a une autre difficulté, c'est que comme les épiceries ont beaucoup baissé... Donc forcément, l'offre destinée aux revendeurs est moindre. Et on l'a vu pendant le Covid. Et depuis le Covid, les restaurants étaient fermés pendant la période du Covid. Donc pour que ces entreprises qui travaillent principalement avec la restauration continuent à vivre, les grossistes dont je vous parle, ils avaient mis des produits pour les revendeurs, puisque les épiceries ont eu le droit de rester ouvertes pour continuer à servir la population. Pendant le Covid, on a eu des articles qui nous permettaient de travailler, mais depuis la fin du Covid, depuis la réouverture des restaurants, les rayons se sont vidés pour les revendeurs et avec des articles pour les restaurants. Donc c'est aussi de plus en plus compliqué. Ce qui pousse certains de mes confrères à aller en grande distribution, acheter des produits parce qu'ils ne les retrouvent plus dans ces gradades. C'est les grossistes. Avec tous les désagréments que cela implique. c'est-à-dire faire des courses comme vous faites vous avec un caddie alors que les quantités sont bien plus importantes, à la caisse se faire remarquer, souvent on nous pose des questions, on dit mais pourquoi, qu'est-ce que vous allez faire avec tout ça, etc. Et d'autant plus que je ne sais même pas si on a théoriquement le droit de passer par ce canal de distribution. Mais c'est la réalité de l'épicerie quotidienne, classique, en ruralité. Donc, c'est cette difficulté de réapprovisionnement.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est pas du tout, on ne suit pas le financement. Non,

  • Speaker #1

    on en parle parce que c'est intéressant. D'autant plus qu'on pourrait se poser la question des prix maintenant. Et on s'aperçoit que chez ces grossistes-là, le prix est plus élevé que si on va directement au supermarché. Donc, ce qui implique aussi pour le commerçant, pour le revendeur. Donc, forcément, il faut qu'il... qu'il applique une marge, même si elle est petite, il se retrouve forcément plus cher que lors de la grande distribution.

  • Speaker #0

    Et alors, pareil pour ma culture générale et celle des auditeurs, j'imagine, comment c'est possible que, alors j'imagine que c'est des volumes, que les grandes surfaces négocient sur des volumes beaucoup plus importants et donc ont des prix plus compétitifs que les anciens ? D'accord. Et le réseau des grossistes, est-ce que vous vous êtes déjà posé la question ? J'imagine que oui. D'internaliser, de développer votre propre réseau d'approvisionnement au final au sein de votre fédération ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être en... parce que notre fédération, c'est vrai, a plusieurs profils d'épiciers. Il y a des épiceries 100% fines, il y a des épiceries 100% produits locaux, et ensuite il y a des épiceries comme la mienne où l'offre est mixte. Mais après, il y a aussi des épiceries qui sont situées en ville. Donc ici à Paris, ils n'ont aucun problème, ils vont à Rungis, ils se font livrer, il n'y a aucune difficulté. Et ensuite il y a les épiceries de moyenne ville et les épiceries de ruralité. Et c'est vrai que les épiceries de ruralité, on n'est pas assez nombreux pour peser, si vous voulez, sur le territoire.

  • Speaker #0

    Et pour disperser aussi sur le territoire.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai, c'est un sujet, moi j'ai alerté plusieurs fois les grossistes. en leur disant qu'on ne pourrait plus continuer à travailler parce qu'on ne trouve plus tout l'assortiment nécessaire pour nous permettre de travailler.

  • Speaker #0

    Ok. Alors du coup, ça rejoint un des thèmes sur lequel je voulais vous interroger, c'est comment, si je ne connais pas le milieu de l'épicerie, ce qui n'est pas loin d'être le cas, comment est-ce que je peux comprendre le modèle économique, c'est-à-dire ce qu'il faut gérer à minima pour survivre dans une épicerie. vous achetez des choses, parfois vous les transformez en les découpant, en les présentant, vous les revendez. C'est quoi en gros ce que je dois comprendre pour ne pas me planter en gros ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, ça dépend de là où vous êtes situé. Déjà, il faut faire cette première étude-là, connaître ses clients. Mais ses clients, on ne les connaît que quand on les a vus. Oui, quand on les a pratiqués. Moi, je vais vous raconter une anecdote. Les six premiers mois d'installation, alors je ne sais pas si c'est particulier à ma région, mais c'est vrai qu'il a fallu que je me fasse adopter. Et souvent, c'était difficile parce que j'étais perçu comme, même si je suis au doigt, même si je suis de la région, j'étais perçu comme un étranger. Et je pense que c'est cela où ça se retrouve beaucoup en ruralité. dans un premier temps se faire accepter et ensuite beaucoup beaucoup écouter les besoins des clients mais en règle générale il ressort que ce sont les produits frais sur lesquels on marche le mieux pourquoi Parce que ça rejoint la discussion de tout à l'heure. Sur les produits frais, on arrive à être compétitif avec la grande surface et même on est moins cher. Pourquoi ? Parce qu'on part à égalité avec le producteur. On a une relation directe, il n'y a aucun intermédiaire. On achète pratiquement au même prix. Et même si on achète un peu plus cher puisqu'on a des volumes moins importants, comme nos marges sur ces produits-là sont plus faibles qu'en grande distribution, on se retrouve au final avec un prix beaucoup plus compétitif. Et ensuite, le client ne va pas faire 50 km pour acheter un produit frais avec tous les risques que cela comporte au niveau du transport et du maintien de la chaîne du froid. Donc pour les produits extra frais, fruits, légumes, viandes, charcuterie, fromage, glace et tout ça,

  • Speaker #0

    vous avez un avantage.

  • Speaker #1

    Ils viendront quoi qu'il arrive chez le commerçant de proximité.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des produits sur lesquels... Moi, je raisonne toujours en modèle économique. Ce que j'ai compris, c'est que si je traduis ça en chiffres, quand on s'installe dans un endroit où on n'est pas connu, on n'est pas exactement chez nous, dans votre cas, pas loin, mais pas chez vous, il faut prévoir de la trésorerie pour les premiers temps où vous n'allez pas tout de suite... rencontrer le succès mais ça va démarrer progressivement. Donc j'imagine que là il faut prévoir quand même de la trésorerie pour tenir pendant cette période, bien découvrir le besoin de ses clients et ce que je comprends c'est que dans ces cas là donc dans la ruralité notamment c'est à travers les produits frais que vous allez pouvoir démarrer, amorcer votre activité du fait que voilà vous êtes moins en concurrence au final en tout cas vous avez un avantage par rapport...

  • Speaker #1

    Tout à fait, dès qu'ils sont rentrés pour les produits frais ils pourront se permettre d'acheter un produit qu'ils retrouveraient ailleurs moins cher, mais comme ils sont sur place, ils ne vont pas aller faire 50 km pour acheter un produit, pour économiser très peu sur un produit. Donc cet achat additionnel, si vous voulez, ils vont le faire sans problème.

  • Speaker #0

    Ok. Et alors, comment ça se gère ? Donc moi, je raisonne en revenus. Donc les revenus, c'est des gens qui viennent consommer. Alors ça ne se prévoit pas. Vous n'avez pas un abonnement avec des gens qui s'engagent à payer tant chaque mois. Mais j'imagine que c'est quand même assez stable pour la partie locale. Donc ça, vous vendez des produits à une population, c'est là que vous pouvez à peu près prévoir. Vous gérez du coup votre prix d'achat. Et l'idée, c'est quoi ? Vous visez une marge type sur...

  • Speaker #1

    Non. Alors, je sais que les comptables aiment dire que... J'ai une adhérente, j'en discutais encore hier avec elle, elle me disait, moi, mon comptable, il m'a dit sur les... Parce qu'on a deux taux de TVA différents dans l'épicerie. On a tout ce qui est alimentaire à 5,5, tout ce qui est alcool et drogue à 20. Donc, il lui a dit très simplement, sur les produits à 5,5, il te faut faire au minimum un 7. Et sur les produits à 20, entre 9 et 2.

  • Speaker #0

    Et quand vous dites un 7, c'est des coefficients. C'est multiplier le prix par un 7.

  • Speaker #1

    On prend le prix hors-taxe, on le multiplie par un 7, on arrive au prix de vente TTC pour le consommateur final. Moi, je ne fais pas ça. Bien entendu, je respecte ces critères, mais je fais des différences entre les produits. Et là, c'est vrai que c'est la psychologie qui va rentrer en ligne de compte, c'est au feeling. Je vais estimer que le coefficient pourra être plus important parce qu'il sera accepté par le consommateur. et un autre, je vais le minimiser, soit pour le pousser à la vente, notamment pour les produits locaux, parce que je veux privilégier plutôt les produits locaux que les produits qui ne le sont pas. Je vais peut-être minimiser la marge sur les produits locaux pour les faire vendre, pour les faire découvrir, plutôt que des produits. Donc j'essaye de jouer comme ça. Ça me permet aussi d'inciter les gens à consommer plutôt un tel produit, souvent meilleur qu'un autre, pour leur faire découvrir aussi, pour qu'ensuite ils puissent avoir l'habitude de le... de le consommer et de l'acheter à nouveau. C'est un acte militant aussi.

  • Speaker #0

    Oui, militant, c'est aussi de la stratégie. C'est-à-dire que vous vous dites, j'ai envie que tel producteur local, qui m'arrange bien parce qu'il est à côté et que ça m'invite de faire des kilomètres aussi, survive, donc je vais essayer de pousser ces produits. Oui,

  • Speaker #1

    aussi. Mais c'est vrai que je préfère promouvoir le local.

  • Speaker #0

    Là-dessus, déjà, je vous le suis complètement. Et oui, c'est vrai que le prix, c'est ce qu'on oublie toujours en tant que consommateur. Non, mais... Le prix, c'est un signal qu'on donne aux consommateurs. Et c'est vrai qu'on peut un peu l'orienter en mettant tel produit en promo, tel autre un peu plus cher, etc.

  • Speaker #1

    Et après, au niveau du prix, il y a des types de produits aussi, ou les fédérations professionnelles donnent des indications aux producteurs. Je pense, nous, dans notre région, région viticole, la règle pour les vignerons, c'est de proposer un prix de revendeur où le revendeur puisse faire un taux de coefficient à 2. Mais ça, c'est une règle de l'interprofession qui donne cette indication. Les producteurs de la suive ne la suivent pas, mais comme elle est implicitement fixée, tout le monde la suit. Donc ça permet d'avoir un taux de marge. assez suffisable pour le revendre.

  • Speaker #0

    OK. Il y a une question que je me suis souvent posée sur ces fameux coefficients, parce que en fait, dans le monde comptable, un peu d'analyse économique, voilà, nous, on raisonne après. C'est-à-dire qu'on va regarder les comptes après, donc on ne voit pas du tout le détail de comment ça s'est construit, et on dit, voilà, la marge, c'était tant, par rapport au chiffre d'affaires. Vous, vous êtes obligés de raisonner avant, en amont. C'est-à-dire que vous vous dites... Si j'achète tel produit, comment est-ce que je pourrais le revendre ? Combien est-ce que je pourrais le revendre ? Et il faut que ça me permette de vivre, de payer mes charges. Comment est-ce que, justement, vous savez qu'un coefficient de 2 ou de 1,7 ou de 1,8, etc., ça va passer ? Est-ce que vous tenez une sorte de projection ? Est-ce que vous avez un, je ne sais pas, une sorte de... de seuil qu'il vous faut faire chaque jour en marge pour payer vos charges, comment est-ce que vous fonctionnez en fait ? Qu'est-ce que vous suivez ?

  • Speaker #1

    Non, moi je ne suis que la trésorerie, c'est-à-dire que l'argent disponible sur mon compte en banque. D'accord. Je ne suis que ça, mais ce n'est pas pour autant que si je vois que ça baisse, je vais augmenter les marges. D'accord. Je vais faire peut-être autre chose, des économies ailleurs ou quelque chose, mais je n'ai pas touché les marges en fonction de cela. D'accord. Pour moi, c'est l'indicateur. Je le regarde tous les matins. Et l'autre indicateur aussi, comme je paye mes factures comptant, il est très juste cet indicateur. C'est-à-dire que tout ce que j'ai en magasin, c'est déjà payé. Donc, je n'ai pas besoin de regarder les factures que j'aurais éventuellement à payer dans quelques jours ou dans quelques mois.

  • Speaker #0

    Ok, compris. Dernière question sur ces coefficients. Mais encore une fois, je pense qu'il y en a beaucoup qui ne comprennent pas exactement comment ça marche. On dit souvent... Il faut faire quatre en restauration. En restauration, c'est les ventes d'alcool, de boissons, en fait, qui font la marge. Ce n'est pas les ventes de produits, etc. On est d'accord si, par exemple, dans votre cas de l'épicerie fine, vous avez des produits qui vont être plus chers, du coup, par nature, parce qu'ils ne s'adressent pas forcément aux gens qui ont besoin de premières nécessités pour manger, mais plutôt aux gens qui sont là et qui veulent se faire plaisir, qui veulent un produit plus qualitatif, plus sympa. Là, si vous appliquez une marge sur un produit qui est plus cher, il va être... du coup d'autant plus profitable pour vous en fait. Tout à fait. D'accord. Et donc, en fait, on pourrait, j'imagine, baisser un peu le taux de marge sur des produits chers juste parce que, voilà, pour le même pourcentage.

  • Speaker #1

    Oui, parce que le prix pèse.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a une autre indication qui rentre en ligne de compte, c'est que le fournisseur, le producteur, nous indique un prix de vente conseillé qui est souvent indiqué sur Internet aussi, sur le site marchand. Et les consommateurs ont cette manie maintenant de vérifier le prix. Il faut connaître l'idée, il faut se rapprocher au maximum de ce prix, sinon les clients nous le font remarquer, ça ne passe pas.

  • Speaker #0

    Oui, et même potentiellement le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #1

    Voilà, le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Ok, très intéressant. Oui, lui il ne veut pas détruire son image non plus. Il ne faut pas qu'il y en ait un qui ne joue pas le jeu en vendant. Ok, très intéressant. Donc, on va maintenant passer sur les indicateurs que vous suivez. Donc, moi, ce que je comprends, c'est que celui que vous suivez principalement comme indicateur un peu financier ou économique, c'est la trésorerie. OK. Et donc là, vous regardez quoi sur votre compte en banque ? La trésorerie directement ?

  • Speaker #1

    Tous les matins, maintenant, c'est très facile avec l'application bancaire. Je regarde la trésorerie. J'essaye de suivre la gestion au plus juste. Je vous l'ai dit, les factures, je les paye dans la mesure du possible comptant. Je dépose, ça aussi c'est très important, les espèces, toutes les caisses à ma banque une fois par semaine. Mais c'est très régulier, il faut être très méticuleux dans ce cadre-là pour avoir la précision la plus juste. Et c'est vrai que je... Je remarque que tout le monde ne le fait pas et c'est pour ça que ça crée des différences entre la perception réelle des choses et ce qui se passe en réalité.

  • Speaker #0

    Ok, alors en effet c'est très clair. Oui, j'imagine que si vous tardez un peu pour remettre tout le produit des ventes en place... Vous allez avoir une vision faussée de votre chiffre d'affaires et en plus, votre réseau va être décliné.

  • Speaker #1

    Même si maintenant, vous avez remarqué aussi qu'avec le développement du paiement sans contact, il y a beaucoup plus de paiements par carte bancaire. Donc,

  • Speaker #0

    immédiatement pris en compte.

  • Speaker #1

    C'est moins vrai qu'avant, mais il faut quand même respecter cette discipline de déposer. Régulièrement, mais moi je le fais toutes les semaines, le fruit de la caisse.

  • Speaker #0

    Ok, et alors est-ce qu'il y a d'autres indicateurs que vous suivez ou c'est vraiment le seul ? Est-ce que par exemple vous regardez un petit peu quand on vous remet vos comptes votre marge ? Est-ce que, je ne sais pas, il y a d'autres choses que vous regardez ?

  • Speaker #1

    Je regarde au niveau des statistiques, je regarde d'une année sur l'autre, même si ça ne correspond pas forcément, mais on arrive à avoir des grandes tendances. Oui. notamment parce que moi c'est vrai que là, comme je suis dans une zone touristique, souvent les flux et les différences sont importantes entre une semaine et l'autre, surtout quand on arrive proche des vacances. Donc ça, le calendrier des vacances, je l'étudie avant le début d'année pour voir au niveau des commandes comment je vais pouvoir oeuvrer, pour avoir le produit quand il y aura du flux de la clientèle, plus important que lorsqu'il y en aura moins. Donc cette gestion des stocks, je la fais là parce qu'en épicerie aussi, et quand on fait beaucoup de produits frais, il faut éviter au maximum la perte. Et c'est vrai que cette difficulté-là, il faut regarder ce qui s'est fait les années précédentes. Et moi, pour la comptabilité, vous allez rire parce que ça ne se fait plus maintenant, je fais la comptabilité intégralement à la main sur un cahier 16 colonnes. D'un côté les dépenses et de l'autre les recettes. Et j'ai la vision globale du mois, puisqu'il y a une page par mois, instantanément. Donc je sais quel jour je travaillerai le mieux, etc. Et je m'aperçois qu'il y a une régularité qui s'opère. Le mardi, je sais qu'une journée est assez forte. Pourquoi aussi ? Parce que j'amène des produits réguliers, ça crée des rendez-vous, etc. Je sais que le mercredi et le jeudi sont faibles et qu'en fin de semaine, on repart à la hausse. Il faut gérer ses commandes de produits frais, de pain, etc. en fonction de ces éléments-là.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Et ce que j'entends aussi dans ce que vous dites, c'est que votre activité est saisonnière dans la semaine et dans l'année. Donc il y a des jours dans la semaine qui marchent mieux et dans l'année, il y a des périodes ou des semaines aussi qui fonctionnent mieux que les autres. Et ce que j'entends aussi, c'est que vous pouvez orienter là aussi un peu la saisonnalité, c'est-à-dire créer des rendez-vous avec vos clients en disant, le mardi ou le mercredi, il y a tel produit qui arrive, ou je propose telle spécialité que ce jour-là, pour un peu justement étaler aussi.

  • Speaker #1

    Tout à fait, et c'est là que la connaissance de son client est fondamentale. C'est pour ça qu'il faut être au maximum en magasin pour échanger avec eux, parce qu'on connaîtra leur goût, on sera plus près des réalités. Donc quand un fournisseur... Moi, il m'est arrivé des fournisseurs qui m'ont ramené des produits qu'on n'a pas tout le temps. J'appelle moi-même les clients ou je leur envoie un message. Voilà, le produit que tu aimes est rentré, tu peux passer à l'épicerie, il t'attend. Ça crée une fidélisation avec le client. Il est ravi parce qu'il sait qu'on pense à lui. Et ça permet d'écouler rapidement la marchandise et d'écouler au plus près des besoins.

  • Speaker #0

    Ok. Alors, dans la gestion de votre entreprise, quels sont vos principaux interlocuteurs ? On pense souvent à l'expert comptable, au banquier, l'avocat, etc.

  • Speaker #1

    Alors, moi, je n'ai pas d'expert comptable. Le banquier, alors, les banquiers, maintenant, sont de moins en moins présents. C'est-à-dire que quand je vais déposer toutes les semaines l'argent à la banque, il n'y a pas de banquier, il n'y a qu'une machine. Donc, je n'ai pas cet échange avec le banquier. Le banquier, en fait, on l'appelle soit quand on a une difficulté. soit quand tu en as besoin de lui pour obtenir un financement. Mais c'est vrai qu'au niveau des banques, c'est plus ce que c'était avant. Il n'y a pas ce suivi de l'évolution. Moi, je me rappelle, mes parents me racontaient que le banquier passait régulièrement au magasin, même au tout début, il passait récupérer les recettes de la semaine, et c'était le banquier lui-même qui le faisait. Maintenant, il n'y a plus ça. C'est dommage, mais c'est comme ça. le banquier reste un interlocuteur, mais en cas de besoin. Oui,

  • Speaker #0

    que de manière opportuniste, en bon sens du terme, mais transactionnelle. Voilà. Ok. Donc, vous gérez tout seul. Vous n'avez pas de... Alors, peut-être votre fédération, du coup ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais vous dire. La fédération aide beaucoup pour se tenir informé de l'évolution des législations, parce que ça aussi, ça bouge.

  • Speaker #0

    Ça bouge beaucoup. Et surtout aussi, le gros avantage d'une fédération, c'est qu'on peut échanger entre confrères. Quand on a un problème avec un fournisseur, quand on en cherche un autre, pour dénicher un meilleur tarif là, pour dénicher un meilleur produit, pour voir ce qui fonctionne chez un adhérent et pas chez un autre, c'est vrai qu'on échange beaucoup.

  • Speaker #1

    Des échanges de bonnes pratiques.

  • Speaker #0

    Des échanges de bonnes pratiques qui sont très utiles, même si parfois on ne peut pas dupliquer exactement ce qui fonctionne à l'autre bout de la France. Mais souvent, ça fonctionne très bien.

  • Speaker #1

    Oui, et puis peut-être que vous pouvez aussi soumettre votre problème à quelqu'un d'autre, vous apporter un point de vue,

  • Speaker #0

    une expérience. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc déjà, il y a un thème un peu spécifique que j'aimerais développer à la fin. Je reviendrai à la fin. Là, l'idée, ce serait de parler de vos difficultés. Est-ce que vous avez déjà... Alors, on n'est pas un podcast négatif. On parle de difficultés, qu'est-ce qui est dur, qu'est-ce qui est difficile. L'idée, c'est juste de parler de ça pour éviter aux gens... de faire des erreurs. Donc, ce n'est pas du tout qu'on est négatif. Est-ce que vous vous êtes déjà retrouvé en difficulté financière ? Est-ce qu'il y a un moment où vous vous êtes retrouvé un peu face à un mur ? Non,

  • Speaker #0

    je n'ai pas été en difficulté financière. Pourquoi ? Pour deux raisons. Comme je vous le disais, j'avais une activité salariée auparavant, donc ça m'a permis au lancement de mon activité entrepreneuriale, de bénéficier du chômage, des prestations de mon ancien métier pour lancer cette activité, c'est-à-dire que pendant les deux premières années, c'est-à-dire la durée d'indemnisation du chômage, je n'ai perçu même aucun revenu de l'entreprise, j'ai tout laissé dans l'entreprise. Donc ce qui m'a permis de constituer une trésorerie. de sécurité pour faire face à d'éventuelles difficultés si elles venaient à se présenter.

  • Speaker #1

    Alors là-dessus, juste, je ne me permets pas de vous interrompre, j'ai fait la même chose que vous pour créer mon entreprise, et c'est vrai que c'est une chance inestimable qu'on a en France de pouvoir faire ça, et qui favorise quand même très largement l'entreprenariat,

  • Speaker #0

    je trouve. Ah non, mais tout à fait, tout à fait. Ou alors il faut avoir un PQ qui vient d'ailleurs, mais ce n'est souvent pas le cas. Donc c'est vrai que ça, c'est fondamental. Même si, moi j'y mettrais quand même bémol parce que quand on se lance dans une nouvelle activité, il faut y croire dès le départ et ne pas se reposer sur cet éventuel pécule pour lancer une activité parce que souvent, c'est très casse-gueule. Donc il faut bien...

  • Speaker #1

    Oui, je suis d'accord. Donc ceux qui réussissent beaucoup ont bénéficié de ça, mais il y en a effectivement qui l'abandonnent un peu vite. Ok, et donc, pardon, je vous ai coupé, il y avait une deuxième raison pour laquelle vous n'aviez pas été en difficulté. Donc, vous avez pu mettre de l'argent de côté au départ parce que vous n'aviez pas besoin de vous rémunérer du fait que vous aviez été salarié. L'autre raison, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    C'est qu'on essaye d'être au plus juste au niveau des charges. Essayer de... Là aussi, il faut en parler. C'est que lorsqu'on installe une société, lorsqu'on y matricule... Moi, dans la première semaine, j'ai reçu au moins une trentaine de courriers d'arnaques. « Inscrivez-vous sur tel registre, inscrivez-vous sur tel registre. » J'ai cumulé tout ça, je crois qu'on est arrivé à 3 000 euros de frais. Certaines personnes qui ne font pas attention peuvent s'engouffrer là-dedans. C'est vrai que souvent, si on dépense cet argent à mauvais escient comme ça, il nous manque forcément à la fin, puisqu'au départ, on est très juste. Donc ça aussi, c'est important. C'est pour ça aussi qu'il faut se faire aider au départ, si on n'est pas du métier, par une fédération professionnelle ou par des CCI, etc. Mais vraiment, pour ne pas tomber dans le panneau. Donc, maîtriser au maximum les charges.

  • Speaker #1

    Ok, et ne pas se faire arnaquer, en fait. Mais c'est vrai qu'il y a tout un tas de services qui sont proposés, soi-disant officiels, et en fait, qui ne sont pas nécessaires du tout. Et puis, effectivement, dans le pire des cas, vous payez, vous n'avez pas de service.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, OK.

  • Speaker #0

    Alors, si la difficulté que j'ai dans les épiceries, j'ai même parlé à mes confrères qui sont dans les mêmes cas que moi, et surtout dans des départements comme le mien qui sont très, très pauvres, au bout du 15 du mois, il y a des clients qui arrivent et qui veulent faire marquer parce qu'ils ne peuvent plus payer. Et c'est souvent des clients qui ne viennent pas. qui ne viennent pas au début du mois parce que quand ils ont l'argent ils vont au moins cher s'il y a une grande surface et quand ils arrivent le 15 du mois c'est très embêtant parce que nous ça peut nous mettre potentiellement en difficulté Mais on est obligé de le faire parce que moi, je ne peux pas refuser à quelqu'un qui a faim de ne pas lui donner à manger. Mais c'est vrai que ça peut nous mettre en difficulté. Donc là, j'essaie tant bien que mal de limiter ça, mais ce n'est pas facile. C'est quelque chose qui potentiellement pourrait me mettre en difficulté.

  • Speaker #1

    Ok, je comprends. Alors justement, ça fait le lien avec le thème dont je voulais parler un peu spécifiquement sur votre activité. C'est l'aspect lien social en fait. Je pense que dans... Je vous l'évoquais avant le podcast, mais moi, la famille du côté de mon père vient de pas très loin, au final. Et je me rappelle, j'avais un oncle qui était épicier ambulant. Lui, en fait, il avait une camionnette. Et puis, il faisait un peu le tour des villages, parce qu'il y a plein de personnes âgées qui ne pouvaient pas se déplacer. Je me rappelle, c'était la réunion du village. Il klaxonnait en arrivant, il faisait un tour. Et puis après, tout le monde se regroupait. C'était un moment d'échange, il connaissait tout le monde. Et voilà, j'imagine, en fait, je le sais parce que j'avais lu un de vos articles, que dans votre activité, il y a aussi ce lien social. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ? Est-ce que, je ne sais pas, par exemple, vous venez de l'évoquer juste précédemment, en fait, il y a des gens qui viennent vers vous parce qu'ils sont en grande difficulté et qu'ils ne peuvent pas se nourrir. Voilà comment ça se matérialise ce lien social. Est-ce que vous faites un peu concierge des fois ? Est-ce qu'on vous demande ?

  • Speaker #0

    Ça se matérialise de plusieurs façons. D'abord, la première, c'est d'écouter les gens, d'écouter leurs difficultés. Ça, c'est déjà le premier point. Et en étant ouvert avec une amplitude horaire comme la nôtre, c'est vrai qu'on est souvent les seuls à être ouverts au temps. Donc, le premier réflexe, c'est de venir chez l'épicier raconter les difficultés que nous avons. Ensuite, on répond à tout un tas de services qui soient disparus de ces zones rurales, soit qui doivent être maintenus. Je pense notamment, il m'arrive très souvent de remonter des traitements médicaux. Je m'arrête à la pharmacie pour les clients. Je vends des fois des timbres. Je fais distributeur de billets parce que le distributeur de billets du village d'à côté ne fonctionne pas. Et souvent, l'été notamment, lorsque... Là, c'est plus la population locale, mais c'est les touristes. Lorsqu'ils veulent aller au marché du coin, il faut payer en cash. Ils n'ont plus de cash, donc le distributeur ne fonctionne pas. Donc je fais distributeur de billets aussi. Donc on a toute une panoplie de services. Ça, on ne l'a pas formalisé. On fait relé-colis aussi. Même si tous les organismes... Toutes les boîtes qui font les colis ne veulent pas me le donner parce qu'ils me disent qu'il n'y a pas assez de flux, qu'il n'y a pas assez de sécurité. Mais on le fait quand même parce que même les livreurs de colis me disent que je ne trouve pas la personne, ou elle habite trop loin, ou elle n'est pas là, etc. Est-ce que je peux te le laisser ? Bien entendu, ils le laissent avec tous les risques que cela comporte puisque je ne suis pas assuré pour ça.

  • Speaker #1

    Oui, ce que j'ai vu, il y a un distributeur de billets, il y a un risque important. Voilà,

  • Speaker #0

    mais on On fait ça et on est obligé de le faire parce que dans ces zones-là, on est en mission. On est en mission pour maintenir la vie dans ces zones-là. Et on est en mission aussi parce qu'on a une population qui a besoin de services et elle ne retrouve pas forcément les services sur place. Cette mission qu'on a retrouvée pendant le Covid aussi, lorsque tout a fermé. On a été obligé de faire des livraisons à droite à gauche, c'est là où on a fait le plus de livraisons, etc. C'était notre mission à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, super intéressant. Souvent, et moi c'est un peu mon défaut, moi je vois qu'il y a des choses qui pourraient mieux fonctionner, qui, voilà, on évoque... Le fait que vos grossistes sont de plus en plus loin, qu'on voit que l'écosystème, avec la disparition aussi des habitants dans certaines zones rurales, se raréfie. Et donc, quand je vois un problème, j'ai toujours envie de trouver des solutions. Peut-être qu'il n'y en a pas, mais voilà.

  • Speaker #0

    Des solutions, moi, j'ai... Des solutions, des pistes.

  • Speaker #1

    Des pistes,

  • Speaker #0

    oui. Peut-être...

  • Speaker #1

    S'adapter à la nouvelle réalité, en fait. S'adapter.

  • Speaker #0

    ou peut-être créant des conditions du renouveau. C'est quoi les conditions du renouveau pour ces zones ? Malheureusement, la courbe démographique est telle qu'on va perdre de la population, c'est inévitable. Donc la population d'origine de ces zones ne sera plus la même. Donc il faut en attirer une nouvelle. Comment on en attire une nouvelle ? C'est souvent avec le télétravail, on peut en attirer. Mais avec le télétravail, il y a une condition, c'est qu'il faut que les réseaux Internet soient suffisants pour la supporter. C'est souvent dans des zones... Nous on a eu la fibre il y a six mois, avant on n'avait pas la fibre. Donc là les conditions peuvent être réunies pour le faire. Mais ensuite, il faut qu'il y ait un médecin à côté aussi. Il faut qu'il y ait... Bon, là, la pharmacie, on arrive à dépanner, mais il faut qu'il y ait des services à côté en adéquation. Donc moi, je pense qu'il y a le potentiel pour le faire, puisque c'est vrai que dans ces zones-là, le prix de l'immobilier est encore raisonnable. Donc on peut attirer du monde, mais il faut que les infrastructures minimales suivent. Si on veut instaurer du télétravail, il faut que les réseaux soient bons. Mais aussi, il faut que quand les gens soient sur place, ils aient d'autres services.

  • Speaker #1

    Un écosystème, des magasins. Et alors, comment on amorce la pompe ? Parce qu'on en parlait tout à l'heure, c'est un peu la poule et l'œuf. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un premier qui s'installe pour potentiellement en attirer un second, etc. Comment on fait ?

  • Speaker #0

    Nous, on a amorcé la pompe à notre niveau. On a essayé de faire connaître davantage la région. C'est pour ça qu'on s'est présenté à tous ces concours nationaux. C'est pour ça qu'on a commercialisé tous ces produits. Parce qu'en dehors de la simple vente de ces produits, le fait de communiquer dessus nous amène une notoriété certaine pour parler de notre village et pour parler du territoire, pour attirer le maximum de monde. C'est des communications aussi que l'on fait sur les guides touristiques. Je pense notamment au petit Futé qui nous a bien aidés aussi. Mais il faut que toutes les synergies soient reliées, c'est-à-dire qu'il faut que les pouvoirs publics aussi nous soutiennent. Lorsque je vois par exemple que quand on fait des communications au niveau touristique, ça crée des tensions au niveau des offices du tourisme, je trouve que ce n'est pas normal alors qu'on œuvre tous dans le même sens. Il faut que chacun mette son égo de son côté. renonce à des considérations déraisoires, je pense notamment à des chartographies, à tout ça, pour se mettre tous dans le même sens et pour tirer tous dans le même sens. Et je vois que quand on se regroupe, on est vraiment plus fort. Alors soit au niveau local, quand on se regroupe avec des restaurants, quand on se regroupe, soit on s'envoie les clients entre nous, ou on communique bien, on peut... Ça profite à tout le monde, ça profite aux producteurs, aux hébergeurs et tout ça. Quand on se regroupe entre épiciers, ça fonctionne mieux aussi parce qu'on peut échanger, on peut se donner des bons tuyaux. Mais il faut que les pouvoirs publics communiquent entre eux parce que là, il y a beaucoup de strates. Chacun veut faire dans son couloir les choses, mais il faut qu'ils se regroupent pour les territoires. Alors c'est vrai qu'il y a des pistes intéressantes, il y a des développements intéressants qui s'opèrent, mais il faut aller plus loin et plus vite. Parce que là, vraiment, on est à la croisée des chemins entre cette population qui va disparaître en ces zones et le renouveau nécessaire et urgent maintenant, avant que tout disparaisse.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai qu'en plus, le patrimoine se dégrade quand il n'est pas maintenu. Et là, il y a encore une... Tout à fait. Parce que moi, je suis peut-être un peu trop optimiste, mais je vois une opportunité. La campagne française est magnifique. Il y a aussi une opportunité pour des gens qui ne sont plus forcément bien en ville de créer un environnement différent à des prix abordables. Moi, j'ai toujours cru que le télétravail, c'était une énorme opportunité pour des communes rurales pour se vendre, pour essayer de montrer ce que ça peut apporter à quelqu'un.

  • Speaker #0

    Je suis entièrement d'accord.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je suis d'accord avec vous qu'il y a des pistes pour améliorer tout ça.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Mais après, je suis incapable d'amorcer la pompe, comme vous l'avez fait dans votre région. Juste pour finir, quels seraient les conseils que vous donneriez à vous-même au moment où vous vous êtes lancé ? Les choses que vous auriez aimé savoir, qui vous auraient fait gagner du temps, aider dans le développement de votre activité ?

  • Speaker #0

    Alors, des conseils, là où j'aurais aimé en avoir, parce que... Vous savez que quand on se lance dans une activité, même quand on va voir le banquier pour ouvrir un compte, il nous demande des bilans prévisionnels, il nous demande trois bilans prévisionnels. Donc là, ça c'est une formalité, j'ai jamais rien compris, parce que souvent dans ces commerces-là, le bilan qui va être dans les années futures va correspondre à la personnalité du dirigeant. C'est pour ça que... en fonction de comment il va interagir avec les clients ou les services qu'il va proposer, le bilan sera plus ou moins bon. Donc peut-être j'aurais aimé avoir ces conseils-là au départ, mais moi le conseil que je peux donner aux gens qui veulent s'installer, en ruralité comme en ville et tout ça, et surtout qui veulent s'installer et tenir un commerce de proximité, c'est qu'il faut aimer profondément les gens. Au-delà de toutes les statistiques, au-delà de tout ça, au-delà de tous les indicateurs, il faut le faire avec le cœur. C'est primordial. Après, moi je dis toujours, avant de recevoir, il faut donner. Et donc, quand on donne, forcément on reçoit. Et c'est le principal pour moi.

  • Speaker #1

    Ok, c'est très clair. Je pense que ça ressort assez bien de tout votre témoignage, de manière générale. Parfait, merci beaucoup. Vous avez appris énormément de choses. Donc merci d'avoir partagé de manière aussi précise tous ces éléments sur votre activité.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

Description

Si vous croyez au pouvoir des commerces de proximité, ce podcast est pour vous


Dans ce nouvel épisode d’Entrepreneurs sans filtre, @Aurélien Bertrand partage son quotidien d’épicier dans un village de 500 habitants, au cœur de l’Aude.


Un métier qu’il vit comme une mission : créer du lien, rendre service, et faire vivre son territoire.

Juriste de formation, fils de commerçants, Aurélien a repris une épicerie en difficulté. Aujourd’hui, ils sont trois à la faire vivre… et à redonner de la fierté au commerce rural.


❤️ Il nous parle avec passion des défis du métier, de son engagement au sein de la Fédération des Épiciers de France, et de ce qu’il faut, selon lui, pour réussir en ruralité : “Il faut aimer les gens”


Chez Atometrics, nous sommes heureux de lui donner la parole. Et fiers de soutenir celles et ceux qui, comme lui, maintiennent la vie dans nos villages.


Vous voulez en savoir plus ? Rendez-vous sur nos réseaux


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    C'est pas vrai. Non, mais il y a un autre, un autre qui a fait un petit défi. Non, non, c'est ça. et leurs dirigeants sont absorbés par leur quotidien et leur métier, et n'ont pas forcément de formation en gestion ou en finance. Ici, nos invités partagent des témoignages, des conseils et des outils concrets pour vous permettre de gagner du temps dans votre apprentissage ou d'éviter certaines erreurs qu'ils ont eux-mêmes commises. Installez-vous, c'est parti ! Merci beaucoup de nous avoir accepté notre invitation. Est-ce que déjà comme première question, vous pourriez très simplement et de manière succincte vous présenter ?

  • Speaker #1

    Je m'appelle Aurélien Bertrand, j'ai 42 ans, je suis gérant d'une épicerie en ruralité sur la commune de La Roque de Fa, La Roque de Fa c'est dans le département de Lode, un village de 150 habitants. On parlera du village si vous voulez, je sais pas si... Ouais,

  • Speaker #0

    avec plaisir, on peut même commencer par ça.

  • Speaker #1

    C'est un village situé sur la route des châteaux cathares, donc c'est important de le préciser puisque c'est un... 150 habitants, c'est peu. Mais l'été, pendant les vacances scolaires, il y a un peu plus de population qui fréquente notre établissement puisque c'est une zone assez touristique. Très bien.

  • Speaker #0

    Et c'est à une heure environ ? de Narbonne,

  • Speaker #1

    c'est ça ? C'est ça. Vous faites un triangle entre Narbonne, Carcassonne et Perpignan, et vous allez juste au milieu. Voilà.

  • Speaker #0

    Ok. Très bien. Et alors, quelle est votre activité ? Du coup, vous avez une épicerie ?

  • Speaker #1

    Une épicerie, donc vous vous en doutez, c'est une épicerie en ruralité, donc il faut avoir tout un tas de produits, des produits de première nécessité, des produits frais, du pain, des fruits, des légumes, toute l'épicerie classique. également un rayon à la coupe important, fromage, viande, principalement des produits locaux. Et également, ce qu'on a développé depuis que j'ai repris l'épicerie en 2016, c'est un rayon d'épicerie fine, justement pour agrandir le cercle et pour ne pas se limiter à la population présente sur place, locale, et pour essayer d'attirer du monde. Et maintenant, même, on arrive à attirer du monde qui vient des plus grandes villes, puisqu'on a une offre qui n'est pas forcément présente en ville, avec des marques assez renommées. Et donc, ça permet d'attirer cet afflux supplémentaire. Et ça leur permet d'autant plus que ça leur permet de découvrir aussi la région, puisque même si on est à une heure de route à Narbonne, souvent les Narbonnais ou les Carcassonais ne s'aventurent pas dans l'arrière-pays. Quand on leur parlait de la roque de faille, ils disaient mais c'est très loin ça et ils ne s'aventuraient pas. Et donc là, en sachant qu'il y a une épicerie, qu'il y a des services, ça permet aussi de faire découvrir le territoire et ça nous permet aussi de rayonner sur le territoire.

  • Speaker #0

    D'accord, ok, donc aussi avec des visiteurs régionaux qui viennent du cadre de l'épicerie. Ok, alors peut-être avant de détailler un petit peu plus et de parler plus de votre épicerie et de sa gestion, ce qui est un peu aussi l'objet du podcast, Est-ce que vous pourriez nous expliquer comment vous êtes arrivé là ? Comment est-ce que vous êtes devenu épicier ?

  • Speaker #1

    C'est compliqué. Moi, j'ai une formation de juriste. Mais par contre, ma famille a toujours été commerçante. Mes parents sont toujours en activité, ils ont toujours des commerces à Narbonne. Et donc moi je me rappelais quand j'étais plus jeune, faire les devoirs à l'arrière de la boutique. Et donc j'ai toujours vu comment ils procédaient. Et c'est vrai que ça m'a toujours plu le contact avec la clientèle. Et j'ai toujours baigné là-dedans en fait. Et pourquoi une épicerie ? J'ai toujours aimé les produits, les producteurs, les belles histoires. Pour maintenir ce... Et quand j'ai appris que cette épicerie allait fermer, puisque le précédent exploitant avait de graves difficultés, je m'y suis intéressé.

  • Speaker #0

    Alors du coup, cette entreprise, donc on a compris son positionnement, en tout cas les différents services qu'elle proposait. Si on parle en matière de taille, donc je ne sais pas par exemple le nombre de personnes qui travaillent dedans.

  • Speaker #1

    On est trois salariés, puisque je suis moi-même un salarié. Prise. OK. Une salariée qui est avec moi depuis le début, depuis la reprise de 8 ans et demi maintenant, c'est en 2016. et une jeune salariée en contrat de professionnalisation qu'on va confirmer à un CDI dès le mois prochain, puisqu'elle a fini sa formation. Elle a 19 ans et elle est très prometteuse dans le métier.

  • Speaker #0

    Ok. On va maintenant aborder une partie qui est un peu plus économique. Encore une fois, l'idée, c'est d'être simple, mais d'aborder des choses qui sont plutôt des choses de gestion.

  • Speaker #1

    Oui, tout à fait.

  • Speaker #0

    Voilà, pour aider encore une fois ceux qui nous écoutent et qui auraient besoin de conseils ou simplement pour leur faire gagner du temps, éviter des erreurs comme j'ai évoqué tout à l'heure. Donc, si je résume ce que j'ai compris de la nature de l'activité de cette épicerie, il y a une partie en fait qui vise à servir la clientèle locale. Oui, avec des besoins. Exactement, avec du frais, un stand à découpe assez important, etc. Et puis il y a une partie qui est plus orientée touristes ou flux, enfin pas forcément des locaux, mais régionaux par exemple, avec là plutôt une partie épicerie chine, avec des produits plus haut de gamme pour mettre en avant des producteurs locaux ou même j'imagine des producteurs d'autres.

  • Speaker #1

    Voilà, et d'autant plus qu'on peut, j'ai un espace où on peut déguster les produits sur place. Et donc comme notre amplitude horaire est assez importante, on est d'une offre complémentaire à la restauration lorsque les restaurants sont fermés. Les gens peuvent s'arrêter et consommer sur place les produits qu'ils achètent dans l'épicerie, en toute convivialité.

  • Speaker #0

    D'accord, ok. Et ils vous voient comme des concurrents, les restaurants ?

  • Speaker #1

    Pas du tout, parce qu'à la fin du service, ils nous les envoient tous. Et nous, on ne peut plus servir, on va fermer. Mais allez à l'épicerie, là-bas, ils vous trouveront à manger et vous allez passer un bon moment.

  • Speaker #0

    Ok, donc c'est vraiment de la collaboration.

  • Speaker #1

    La collaboration, d'autant plus que moi, je ne prends pas de frais supplémentaires. Enfin, je ne facture rien en plus. Ils achètent simplement ce qui leur plaît à l'épicerie. Ils le consomment sur place. Je leur fournis simplement la vaisselle et tous les éléments pour passer un bon moment.

  • Speaker #0

    OK. Et est-ce que vous fournissez aussi des restaurants ?

  • Speaker #1

    C'est surtout du dépannage parce que les restaurants, soit ils travaillent avec des producteurs locaux qui sont les mêmes que les miens. Ils ont un accès direct. Ils ont un accès direct. Et ensuite, lorsqu'il leur manque... quelques fruits, quelques salades ou quelques matières sèches, ils viennent se dépanner, mais je ne les fournis pas.

  • Speaker #0

    Justement, on va maintenant un peu s'interroger sur la gestion. Ma première question, c'est qu'est-ce qui est difficile dans la gestion de cette entreprise ?

  • Speaker #1

    Moi, dans mon cas, je suis situé loin des centres de réapprovisionnement pour l'épicerie du quotidien. L'épicerie du quotidien... Comme le nombre d'épiceries en France a énormément baissé, les grossistes qui nous réapprovisionnaient ont fermé. Donc il n'en reste plus beaucoup de grossistes généralistes. Vous en avez deux dans notre région, c'est Métro et Promocache. Les Métro et Promocache sont situés soit à Narbonne, soit à Carcassonne, soit à Perpignan. Et donc tous les jours, pour aller me réapprovisionner un produit du quotidien, Je suis obligé de parcourir 100 km à des retours pour le faire. D'autant plus quand on fait également du dépôt de pain. Donc aussi, je dois aller trouver un boulanger pour me réapprovisionner puisque c'est moi qui remonte tout ça. Personne ne me livre au niveau des produits quotidiens. Donc je suis obligé de les récupérer et les ramener. Donc c'est vrai que ça fait beaucoup de kilomètres et je ne vous cache pas beaucoup de fatigue.

  • Speaker #0

    Alors je suis étonné en fait. Donc vous, vous faites cette distance tous les jours. Mais il faut aussi ouvrir à des horaires où il y a des clients. Donc, vous le faites quand la nuit ?

  • Speaker #1

    Je le fais le matin, très tôt. Ensuite, je demande aux salariés d'ouvrir. Et ensuite, je les rejoins une heure après. J'arrive entre 9h30 et 10h tous les jours. Je me lève à 6h tous les matins et je fais les courses avant de monter. Je remplis. J'ai deux camions, un camion frigo pour l'été. que je remplis tous les matins de denrées, des fruits, des légumes et tout ça. Et je monte pour avoir le maximum de fraîcheur. Et après, plus on a de produits, plus l'offre est développée, forcément, plus les réapprovisionnements sont compliqués puisqu'on est obligé d'acheter chaque fois des petites quantités de produits.

  • Speaker #0

    Et puis ça rallonge aussi, j'imagine, la route.

  • Speaker #1

    Et ça rallonge la route.

  • Speaker #0

    Pour aller voir plusieurs fournisseurs.

  • Speaker #1

    Il y a plusieurs points de passage, tout à fait.

  • Speaker #0

    OK. Oui, effectivement, ça n'a pas l'air simple à gérer.

  • Speaker #1

    C'est très compliqué.

  • Speaker #0

    Et il y a une... Qu'est-ce qui vous arrangerait, en fait ? Quelle évolution ferait que ça soit plus plein ? Alors, j'imagine un nouveau grossiste pas loin, mais ça...

  • Speaker #1

    Ce qui m'arrangerait, parce qu'en plus, les grossistes, il y a une autre difficulté, c'est que comme les épiceries ont beaucoup baissé... Donc forcément, l'offre destinée aux revendeurs est moindre. Et on l'a vu pendant le Covid. Et depuis le Covid, les restaurants étaient fermés pendant la période du Covid. Donc pour que ces entreprises qui travaillent principalement avec la restauration continuent à vivre, les grossistes dont je vous parle, ils avaient mis des produits pour les revendeurs, puisque les épiceries ont eu le droit de rester ouvertes pour continuer à servir la population. Pendant le Covid, on a eu des articles qui nous permettaient de travailler, mais depuis la fin du Covid, depuis la réouverture des restaurants, les rayons se sont vidés pour les revendeurs et avec des articles pour les restaurants. Donc c'est aussi de plus en plus compliqué. Ce qui pousse certains de mes confrères à aller en grande distribution, acheter des produits parce qu'ils ne les retrouvent plus dans ces gradades. C'est les grossistes. Avec tous les désagréments que cela implique. c'est-à-dire faire des courses comme vous faites vous avec un caddie alors que les quantités sont bien plus importantes, à la caisse se faire remarquer, souvent on nous pose des questions, on dit mais pourquoi, qu'est-ce que vous allez faire avec tout ça, etc. Et d'autant plus que je ne sais même pas si on a théoriquement le droit de passer par ce canal de distribution. Mais c'est la réalité de l'épicerie quotidienne, classique, en ruralité. Donc, c'est cette difficulté de réapprovisionnement.

  • Speaker #0

    Et alors, c'est pas du tout, on ne suit pas le financement. Non,

  • Speaker #1

    on en parle parce que c'est intéressant. D'autant plus qu'on pourrait se poser la question des prix maintenant. Et on s'aperçoit que chez ces grossistes-là, le prix est plus élevé que si on va directement au supermarché. Donc, ce qui implique aussi pour le commerçant, pour le revendeur. Donc, forcément, il faut qu'il... qu'il applique une marge, même si elle est petite, il se retrouve forcément plus cher que lors de la grande distribution.

  • Speaker #0

    Et alors, pareil pour ma culture générale et celle des auditeurs, j'imagine, comment c'est possible que, alors j'imagine que c'est des volumes, que les grandes surfaces négocient sur des volumes beaucoup plus importants et donc ont des prix plus compétitifs que les anciens ? D'accord. Et le réseau des grossistes, est-ce que vous vous êtes déjà posé la question ? J'imagine que oui. D'internaliser, de développer votre propre réseau d'approvisionnement au final au sein de votre fédération ?

  • Speaker #1

    Oui, mais il faut être en... parce que notre fédération, c'est vrai, a plusieurs profils d'épiciers. Il y a des épiceries 100% fines, il y a des épiceries 100% produits locaux, et ensuite il y a des épiceries comme la mienne où l'offre est mixte. Mais après, il y a aussi des épiceries qui sont situées en ville. Donc ici à Paris, ils n'ont aucun problème, ils vont à Rungis, ils se font livrer, il n'y a aucune difficulté. Et ensuite il y a les épiceries de moyenne ville et les épiceries de ruralité. Et c'est vrai que les épiceries de ruralité, on n'est pas assez nombreux pour peser, si vous voulez, sur le territoire.

  • Speaker #0

    Et pour disperser aussi sur le territoire.

  • Speaker #1

    Et c'est vrai, c'est un sujet, moi j'ai alerté plusieurs fois les grossistes. en leur disant qu'on ne pourrait plus continuer à travailler parce qu'on ne trouve plus tout l'assortiment nécessaire pour nous permettre de travailler.

  • Speaker #0

    Ok. Alors du coup, ça rejoint un des thèmes sur lequel je voulais vous interroger, c'est comment, si je ne connais pas le milieu de l'épicerie, ce qui n'est pas loin d'être le cas, comment est-ce que je peux comprendre le modèle économique, c'est-à-dire ce qu'il faut gérer à minima pour survivre dans une épicerie. vous achetez des choses, parfois vous les transformez en les découpant, en les présentant, vous les revendez. C'est quoi en gros ce que je dois comprendre pour ne pas me planter en gros ?

  • Speaker #1

    Alors déjà, ça dépend de là où vous êtes situé. Déjà, il faut faire cette première étude-là, connaître ses clients. Mais ses clients, on ne les connaît que quand on les a vus. Oui, quand on les a pratiqués. Moi, je vais vous raconter une anecdote. Les six premiers mois d'installation, alors je ne sais pas si c'est particulier à ma région, mais c'est vrai qu'il a fallu que je me fasse adopter. Et souvent, c'était difficile parce que j'étais perçu comme, même si je suis au doigt, même si je suis de la région, j'étais perçu comme un étranger. Et je pense que c'est cela où ça se retrouve beaucoup en ruralité. dans un premier temps se faire accepter et ensuite beaucoup beaucoup écouter les besoins des clients mais en règle générale il ressort que ce sont les produits frais sur lesquels on marche le mieux pourquoi Parce que ça rejoint la discussion de tout à l'heure. Sur les produits frais, on arrive à être compétitif avec la grande surface et même on est moins cher. Pourquoi ? Parce qu'on part à égalité avec le producteur. On a une relation directe, il n'y a aucun intermédiaire. On achète pratiquement au même prix. Et même si on achète un peu plus cher puisqu'on a des volumes moins importants, comme nos marges sur ces produits-là sont plus faibles qu'en grande distribution, on se retrouve au final avec un prix beaucoup plus compétitif. Et ensuite, le client ne va pas faire 50 km pour acheter un produit frais avec tous les risques que cela comporte au niveau du transport et du maintien de la chaîne du froid. Donc pour les produits extra frais, fruits, légumes, viandes, charcuterie, fromage, glace et tout ça,

  • Speaker #0

    vous avez un avantage.

  • Speaker #1

    Ils viendront quoi qu'il arrive chez le commerçant de proximité.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des produits sur lesquels... Moi, je raisonne toujours en modèle économique. Ce que j'ai compris, c'est que si je traduis ça en chiffres, quand on s'installe dans un endroit où on n'est pas connu, on n'est pas exactement chez nous, dans votre cas, pas loin, mais pas chez vous, il faut prévoir de la trésorerie pour les premiers temps où vous n'allez pas tout de suite... rencontrer le succès mais ça va démarrer progressivement. Donc j'imagine que là il faut prévoir quand même de la trésorerie pour tenir pendant cette période, bien découvrir le besoin de ses clients et ce que je comprends c'est que dans ces cas là donc dans la ruralité notamment c'est à travers les produits frais que vous allez pouvoir démarrer, amorcer votre activité du fait que voilà vous êtes moins en concurrence au final en tout cas vous avez un avantage par rapport...

  • Speaker #1

    Tout à fait, dès qu'ils sont rentrés pour les produits frais ils pourront se permettre d'acheter un produit qu'ils retrouveraient ailleurs moins cher, mais comme ils sont sur place, ils ne vont pas aller faire 50 km pour acheter un produit, pour économiser très peu sur un produit. Donc cet achat additionnel, si vous voulez, ils vont le faire sans problème.

  • Speaker #0

    Ok. Et alors, comment ça se gère ? Donc moi, je raisonne en revenus. Donc les revenus, c'est des gens qui viennent consommer. Alors ça ne se prévoit pas. Vous n'avez pas un abonnement avec des gens qui s'engagent à payer tant chaque mois. Mais j'imagine que c'est quand même assez stable pour la partie locale. Donc ça, vous vendez des produits à une population, c'est là que vous pouvez à peu près prévoir. Vous gérez du coup votre prix d'achat. Et l'idée, c'est quoi ? Vous visez une marge type sur...

  • Speaker #1

    Non. Alors, je sais que les comptables aiment dire que... J'ai une adhérente, j'en discutais encore hier avec elle, elle me disait, moi, mon comptable, il m'a dit sur les... Parce qu'on a deux taux de TVA différents dans l'épicerie. On a tout ce qui est alimentaire à 5,5, tout ce qui est alcool et drogue à 20. Donc, il lui a dit très simplement, sur les produits à 5,5, il te faut faire au minimum un 7. Et sur les produits à 20, entre 9 et 2.

  • Speaker #0

    Et quand vous dites un 7, c'est des coefficients. C'est multiplier le prix par un 7.

  • Speaker #1

    On prend le prix hors-taxe, on le multiplie par un 7, on arrive au prix de vente TTC pour le consommateur final. Moi, je ne fais pas ça. Bien entendu, je respecte ces critères, mais je fais des différences entre les produits. Et là, c'est vrai que c'est la psychologie qui va rentrer en ligne de compte, c'est au feeling. Je vais estimer que le coefficient pourra être plus important parce qu'il sera accepté par le consommateur. et un autre, je vais le minimiser, soit pour le pousser à la vente, notamment pour les produits locaux, parce que je veux privilégier plutôt les produits locaux que les produits qui ne le sont pas. Je vais peut-être minimiser la marge sur les produits locaux pour les faire vendre, pour les faire découvrir, plutôt que des produits. Donc j'essaye de jouer comme ça. Ça me permet aussi d'inciter les gens à consommer plutôt un tel produit, souvent meilleur qu'un autre, pour leur faire découvrir aussi, pour qu'ensuite ils puissent avoir l'habitude de le... de le consommer et de l'acheter à nouveau. C'est un acte militant aussi.

  • Speaker #0

    Oui, militant, c'est aussi de la stratégie. C'est-à-dire que vous vous dites, j'ai envie que tel producteur local, qui m'arrange bien parce qu'il est à côté et que ça m'invite de faire des kilomètres aussi, survive, donc je vais essayer de pousser ces produits. Oui,

  • Speaker #1

    aussi. Mais c'est vrai que je préfère promouvoir le local.

  • Speaker #0

    Là-dessus, déjà, je vous le suis complètement. Et oui, c'est vrai que le prix, c'est ce qu'on oublie toujours en tant que consommateur. Non, mais... Le prix, c'est un signal qu'on donne aux consommateurs. Et c'est vrai qu'on peut un peu l'orienter en mettant tel produit en promo, tel autre un peu plus cher, etc.

  • Speaker #1

    Et après, au niveau du prix, il y a des types de produits aussi, ou les fédérations professionnelles donnent des indications aux producteurs. Je pense, nous, dans notre région, région viticole, la règle pour les vignerons, c'est de proposer un prix de revendeur où le revendeur puisse faire un taux de coefficient à 2. Mais ça, c'est une règle de l'interprofession qui donne cette indication. Les producteurs de la suive ne la suivent pas, mais comme elle est implicitement fixée, tout le monde la suit. Donc ça permet d'avoir un taux de marge. assez suffisable pour le revendre.

  • Speaker #0

    OK. Il y a une question que je me suis souvent posée sur ces fameux coefficients, parce que en fait, dans le monde comptable, un peu d'analyse économique, voilà, nous, on raisonne après. C'est-à-dire qu'on va regarder les comptes après, donc on ne voit pas du tout le détail de comment ça s'est construit, et on dit, voilà, la marge, c'était tant, par rapport au chiffre d'affaires. Vous, vous êtes obligés de raisonner avant, en amont. C'est-à-dire que vous vous dites... Si j'achète tel produit, comment est-ce que je pourrais le revendre ? Combien est-ce que je pourrais le revendre ? Et il faut que ça me permette de vivre, de payer mes charges. Comment est-ce que, justement, vous savez qu'un coefficient de 2 ou de 1,7 ou de 1,8, etc., ça va passer ? Est-ce que vous tenez une sorte de projection ? Est-ce que vous avez un, je ne sais pas, une sorte de... de seuil qu'il vous faut faire chaque jour en marge pour payer vos charges, comment est-ce que vous fonctionnez en fait ? Qu'est-ce que vous suivez ?

  • Speaker #1

    Non, moi je ne suis que la trésorerie, c'est-à-dire que l'argent disponible sur mon compte en banque. D'accord. Je ne suis que ça, mais ce n'est pas pour autant que si je vois que ça baisse, je vais augmenter les marges. D'accord. Je vais faire peut-être autre chose, des économies ailleurs ou quelque chose, mais je n'ai pas touché les marges en fonction de cela. D'accord. Pour moi, c'est l'indicateur. Je le regarde tous les matins. Et l'autre indicateur aussi, comme je paye mes factures comptant, il est très juste cet indicateur. C'est-à-dire que tout ce que j'ai en magasin, c'est déjà payé. Donc, je n'ai pas besoin de regarder les factures que j'aurais éventuellement à payer dans quelques jours ou dans quelques mois.

  • Speaker #0

    Ok, compris. Dernière question sur ces coefficients. Mais encore une fois, je pense qu'il y en a beaucoup qui ne comprennent pas exactement comment ça marche. On dit souvent... Il faut faire quatre en restauration. En restauration, c'est les ventes d'alcool, de boissons, en fait, qui font la marge. Ce n'est pas les ventes de produits, etc. On est d'accord si, par exemple, dans votre cas de l'épicerie fine, vous avez des produits qui vont être plus chers, du coup, par nature, parce qu'ils ne s'adressent pas forcément aux gens qui ont besoin de premières nécessités pour manger, mais plutôt aux gens qui sont là et qui veulent se faire plaisir, qui veulent un produit plus qualitatif, plus sympa. Là, si vous appliquez une marge sur un produit qui est plus cher, il va être... du coup d'autant plus profitable pour vous en fait. Tout à fait. D'accord. Et donc, en fait, on pourrait, j'imagine, baisser un peu le taux de marge sur des produits chers juste parce que, voilà, pour le même pourcentage.

  • Speaker #1

    Oui, parce que le prix pèse.

  • Speaker #0

    Ok.

  • Speaker #1

    Alors là, il y a une autre indication qui rentre en ligne de compte, c'est que le fournisseur, le producteur, nous indique un prix de vente conseillé qui est souvent indiqué sur Internet aussi, sur le site marchand. Et les consommateurs ont cette manie maintenant de vérifier le prix. Il faut connaître l'idée, il faut se rapprocher au maximum de ce prix, sinon les clients nous le font remarquer, ça ne passe pas.

  • Speaker #0

    Oui, et même potentiellement le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #1

    Voilà, le fournisseur va arrêter de le fournir.

  • Speaker #0

    D'accord, je comprends. Ok, très intéressant. Oui, lui il ne veut pas détruire son image non plus. Il ne faut pas qu'il y en ait un qui ne joue pas le jeu en vendant. Ok, très intéressant. Donc, on va maintenant passer sur les indicateurs que vous suivez. Donc, moi, ce que je comprends, c'est que celui que vous suivez principalement comme indicateur un peu financier ou économique, c'est la trésorerie. OK. Et donc là, vous regardez quoi sur votre compte en banque ? La trésorerie directement ?

  • Speaker #1

    Tous les matins, maintenant, c'est très facile avec l'application bancaire. Je regarde la trésorerie. J'essaye de suivre la gestion au plus juste. Je vous l'ai dit, les factures, je les paye dans la mesure du possible comptant. Je dépose, ça aussi c'est très important, les espèces, toutes les caisses à ma banque une fois par semaine. Mais c'est très régulier, il faut être très méticuleux dans ce cadre-là pour avoir la précision la plus juste. Et c'est vrai que je... Je remarque que tout le monde ne le fait pas et c'est pour ça que ça crée des différences entre la perception réelle des choses et ce qui se passe en réalité.

  • Speaker #0

    Ok, alors en effet c'est très clair. Oui, j'imagine que si vous tardez un peu pour remettre tout le produit des ventes en place... Vous allez avoir une vision faussée de votre chiffre d'affaires et en plus, votre réseau va être décliné.

  • Speaker #1

    Même si maintenant, vous avez remarqué aussi qu'avec le développement du paiement sans contact, il y a beaucoup plus de paiements par carte bancaire. Donc,

  • Speaker #0

    immédiatement pris en compte.

  • Speaker #1

    C'est moins vrai qu'avant, mais il faut quand même respecter cette discipline de déposer. Régulièrement, mais moi je le fais toutes les semaines, le fruit de la caisse.

  • Speaker #0

    Ok, et alors est-ce qu'il y a d'autres indicateurs que vous suivez ou c'est vraiment le seul ? Est-ce que par exemple vous regardez un petit peu quand on vous remet vos comptes votre marge ? Est-ce que, je ne sais pas, il y a d'autres choses que vous regardez ?

  • Speaker #1

    Je regarde au niveau des statistiques, je regarde d'une année sur l'autre, même si ça ne correspond pas forcément, mais on arrive à avoir des grandes tendances. Oui. notamment parce que moi c'est vrai que là, comme je suis dans une zone touristique, souvent les flux et les différences sont importantes entre une semaine et l'autre, surtout quand on arrive proche des vacances. Donc ça, le calendrier des vacances, je l'étudie avant le début d'année pour voir au niveau des commandes comment je vais pouvoir oeuvrer, pour avoir le produit quand il y aura du flux de la clientèle, plus important que lorsqu'il y en aura moins. Donc cette gestion des stocks, je la fais là parce qu'en épicerie aussi, et quand on fait beaucoup de produits frais, il faut éviter au maximum la perte. Et c'est vrai que cette difficulté-là, il faut regarder ce qui s'est fait les années précédentes. Et moi, pour la comptabilité, vous allez rire parce que ça ne se fait plus maintenant, je fais la comptabilité intégralement à la main sur un cahier 16 colonnes. D'un côté les dépenses et de l'autre les recettes. Et j'ai la vision globale du mois, puisqu'il y a une page par mois, instantanément. Donc je sais quel jour je travaillerai le mieux, etc. Et je m'aperçois qu'il y a une régularité qui s'opère. Le mardi, je sais qu'une journée est assez forte. Pourquoi aussi ? Parce que j'amène des produits réguliers, ça crée des rendez-vous, etc. Je sais que le mercredi et le jeudi sont faibles et qu'en fin de semaine, on repart à la hausse. Il faut gérer ses commandes de produits frais, de pain, etc. en fonction de ces éléments-là.

  • Speaker #0

    Ok, très intéressant. Et ce que j'entends aussi dans ce que vous dites, c'est que votre activité est saisonnière dans la semaine et dans l'année. Donc il y a des jours dans la semaine qui marchent mieux et dans l'année, il y a des périodes ou des semaines aussi qui fonctionnent mieux que les autres. Et ce que j'entends aussi, c'est que vous pouvez orienter là aussi un peu la saisonnalité, c'est-à-dire créer des rendez-vous avec vos clients en disant, le mardi ou le mercredi, il y a tel produit qui arrive, ou je propose telle spécialité que ce jour-là, pour un peu justement étaler aussi.

  • Speaker #1

    Tout à fait, et c'est là que la connaissance de son client est fondamentale. C'est pour ça qu'il faut être au maximum en magasin pour échanger avec eux, parce qu'on connaîtra leur goût, on sera plus près des réalités. Donc quand un fournisseur... Moi, il m'est arrivé des fournisseurs qui m'ont ramené des produits qu'on n'a pas tout le temps. J'appelle moi-même les clients ou je leur envoie un message. Voilà, le produit que tu aimes est rentré, tu peux passer à l'épicerie, il t'attend. Ça crée une fidélisation avec le client. Il est ravi parce qu'il sait qu'on pense à lui. Et ça permet d'écouler rapidement la marchandise et d'écouler au plus près des besoins.

  • Speaker #0

    Ok. Alors, dans la gestion de votre entreprise, quels sont vos principaux interlocuteurs ? On pense souvent à l'expert comptable, au banquier, l'avocat, etc.

  • Speaker #1

    Alors, moi, je n'ai pas d'expert comptable. Le banquier, alors, les banquiers, maintenant, sont de moins en moins présents. C'est-à-dire que quand je vais déposer toutes les semaines l'argent à la banque, il n'y a pas de banquier, il n'y a qu'une machine. Donc, je n'ai pas cet échange avec le banquier. Le banquier, en fait, on l'appelle soit quand on a une difficulté. soit quand tu en as besoin de lui pour obtenir un financement. Mais c'est vrai qu'au niveau des banques, c'est plus ce que c'était avant. Il n'y a pas ce suivi de l'évolution. Moi, je me rappelle, mes parents me racontaient que le banquier passait régulièrement au magasin, même au tout début, il passait récupérer les recettes de la semaine, et c'était le banquier lui-même qui le faisait. Maintenant, il n'y a plus ça. C'est dommage, mais c'est comme ça. le banquier reste un interlocuteur, mais en cas de besoin. Oui,

  • Speaker #0

    que de manière opportuniste, en bon sens du terme, mais transactionnelle. Voilà. Ok. Donc, vous gérez tout seul. Vous n'avez pas de... Alors, peut-être votre fédération, du coup ?

  • Speaker #1

    Voilà, c'est ce que j'allais vous dire. La fédération aide beaucoup pour se tenir informé de l'évolution des législations, parce que ça aussi, ça bouge.

  • Speaker #0

    Ça bouge beaucoup. Et surtout aussi, le gros avantage d'une fédération, c'est qu'on peut échanger entre confrères. Quand on a un problème avec un fournisseur, quand on en cherche un autre, pour dénicher un meilleur tarif là, pour dénicher un meilleur produit, pour voir ce qui fonctionne chez un adhérent et pas chez un autre, c'est vrai qu'on échange beaucoup.

  • Speaker #1

    Des échanges de bonnes pratiques.

  • Speaker #0

    Des échanges de bonnes pratiques qui sont très utiles, même si parfois on ne peut pas dupliquer exactement ce qui fonctionne à l'autre bout de la France. Mais souvent, ça fonctionne très bien.

  • Speaker #1

    Oui, et puis peut-être que vous pouvez aussi soumettre votre problème à quelqu'un d'autre, vous apporter un point de vue,

  • Speaker #0

    une expérience. Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc déjà, il y a un thème un peu spécifique que j'aimerais développer à la fin. Je reviendrai à la fin. Là, l'idée, ce serait de parler de vos difficultés. Est-ce que vous avez déjà... Alors, on n'est pas un podcast négatif. On parle de difficultés, qu'est-ce qui est dur, qu'est-ce qui est difficile. L'idée, c'est juste de parler de ça pour éviter aux gens... de faire des erreurs. Donc, ce n'est pas du tout qu'on est négatif. Est-ce que vous vous êtes déjà retrouvé en difficulté financière ? Est-ce qu'il y a un moment où vous vous êtes retrouvé un peu face à un mur ? Non,

  • Speaker #0

    je n'ai pas été en difficulté financière. Pourquoi ? Pour deux raisons. Comme je vous le disais, j'avais une activité salariée auparavant, donc ça m'a permis au lancement de mon activité entrepreneuriale, de bénéficier du chômage, des prestations de mon ancien métier pour lancer cette activité, c'est-à-dire que pendant les deux premières années, c'est-à-dire la durée d'indemnisation du chômage, je n'ai perçu même aucun revenu de l'entreprise, j'ai tout laissé dans l'entreprise. Donc ce qui m'a permis de constituer une trésorerie. de sécurité pour faire face à d'éventuelles difficultés si elles venaient à se présenter.

  • Speaker #1

    Alors là-dessus, juste, je ne me permets pas de vous interrompre, j'ai fait la même chose que vous pour créer mon entreprise, et c'est vrai que c'est une chance inestimable qu'on a en France de pouvoir faire ça, et qui favorise quand même très largement l'entreprenariat,

  • Speaker #0

    je trouve. Ah non, mais tout à fait, tout à fait. Ou alors il faut avoir un PQ qui vient d'ailleurs, mais ce n'est souvent pas le cas. Donc c'est vrai que ça, c'est fondamental. Même si, moi j'y mettrais quand même bémol parce que quand on se lance dans une nouvelle activité, il faut y croire dès le départ et ne pas se reposer sur cet éventuel pécule pour lancer une activité parce que souvent, c'est très casse-gueule. Donc il faut bien...

  • Speaker #1

    Oui, je suis d'accord. Donc ceux qui réussissent beaucoup ont bénéficié de ça, mais il y en a effectivement qui l'abandonnent un peu vite. Ok, et donc, pardon, je vous ai coupé, il y avait une deuxième raison pour laquelle vous n'aviez pas été en difficulté. Donc, vous avez pu mettre de l'argent de côté au départ parce que vous n'aviez pas besoin de vous rémunérer du fait que vous aviez été salarié. L'autre raison, c'est quoi ?

  • Speaker #0

    C'est qu'on essaye d'être au plus juste au niveau des charges. Essayer de... Là aussi, il faut en parler. C'est que lorsqu'on installe une société, lorsqu'on y matricule... Moi, dans la première semaine, j'ai reçu au moins une trentaine de courriers d'arnaques. « Inscrivez-vous sur tel registre, inscrivez-vous sur tel registre. » J'ai cumulé tout ça, je crois qu'on est arrivé à 3 000 euros de frais. Certaines personnes qui ne font pas attention peuvent s'engouffrer là-dedans. C'est vrai que souvent, si on dépense cet argent à mauvais escient comme ça, il nous manque forcément à la fin, puisqu'au départ, on est très juste. Donc ça aussi, c'est important. C'est pour ça aussi qu'il faut se faire aider au départ, si on n'est pas du métier, par une fédération professionnelle ou par des CCI, etc. Mais vraiment, pour ne pas tomber dans le panneau. Donc, maîtriser au maximum les charges.

  • Speaker #1

    Ok, et ne pas se faire arnaquer, en fait. Mais c'est vrai qu'il y a tout un tas de services qui sont proposés, soi-disant officiels, et en fait, qui ne sont pas nécessaires du tout. Et puis, effectivement, dans le pire des cas, vous payez, vous n'avez pas de service.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Donc, OK.

  • Speaker #0

    Alors, si la difficulté que j'ai dans les épiceries, j'ai même parlé à mes confrères qui sont dans les mêmes cas que moi, et surtout dans des départements comme le mien qui sont très, très pauvres, au bout du 15 du mois, il y a des clients qui arrivent et qui veulent faire marquer parce qu'ils ne peuvent plus payer. Et c'est souvent des clients qui ne viennent pas. qui ne viennent pas au début du mois parce que quand ils ont l'argent ils vont au moins cher s'il y a une grande surface et quand ils arrivent le 15 du mois c'est très embêtant parce que nous ça peut nous mettre potentiellement en difficulté Mais on est obligé de le faire parce que moi, je ne peux pas refuser à quelqu'un qui a faim de ne pas lui donner à manger. Mais c'est vrai que ça peut nous mettre en difficulté. Donc là, j'essaie tant bien que mal de limiter ça, mais ce n'est pas facile. C'est quelque chose qui potentiellement pourrait me mettre en difficulté.

  • Speaker #1

    Ok, je comprends. Alors justement, ça fait le lien avec le thème dont je voulais parler un peu spécifiquement sur votre activité. C'est l'aspect lien social en fait. Je pense que dans... Je vous l'évoquais avant le podcast, mais moi, la famille du côté de mon père vient de pas très loin, au final. Et je me rappelle, j'avais un oncle qui était épicier ambulant. Lui, en fait, il avait une camionnette. Et puis, il faisait un peu le tour des villages, parce qu'il y a plein de personnes âgées qui ne pouvaient pas se déplacer. Je me rappelle, c'était la réunion du village. Il klaxonnait en arrivant, il faisait un tour. Et puis après, tout le monde se regroupait. C'était un moment d'échange, il connaissait tout le monde. Et voilà, j'imagine, en fait, je le sais parce que j'avais lu un de vos articles, que dans votre activité, il y a aussi ce lien social. Est-ce que vous pouvez nous en dire un petit peu plus ? Est-ce que, je ne sais pas, par exemple, vous venez de l'évoquer juste précédemment, en fait, il y a des gens qui viennent vers vous parce qu'ils sont en grande difficulté et qu'ils ne peuvent pas se nourrir. Voilà comment ça se matérialise ce lien social. Est-ce que vous faites un peu concierge des fois ? Est-ce qu'on vous demande ?

  • Speaker #0

    Ça se matérialise de plusieurs façons. D'abord, la première, c'est d'écouter les gens, d'écouter leurs difficultés. Ça, c'est déjà le premier point. Et en étant ouvert avec une amplitude horaire comme la nôtre, c'est vrai qu'on est souvent les seuls à être ouverts au temps. Donc, le premier réflexe, c'est de venir chez l'épicier raconter les difficultés que nous avons. Ensuite, on répond à tout un tas de services qui soient disparus de ces zones rurales, soit qui doivent être maintenus. Je pense notamment, il m'arrive très souvent de remonter des traitements médicaux. Je m'arrête à la pharmacie pour les clients. Je vends des fois des timbres. Je fais distributeur de billets parce que le distributeur de billets du village d'à côté ne fonctionne pas. Et souvent, l'été notamment, lorsque... Là, c'est plus la population locale, mais c'est les touristes. Lorsqu'ils veulent aller au marché du coin, il faut payer en cash. Ils n'ont plus de cash, donc le distributeur ne fonctionne pas. Donc je fais distributeur de billets aussi. Donc on a toute une panoplie de services. Ça, on ne l'a pas formalisé. On fait relé-colis aussi. Même si tous les organismes... Toutes les boîtes qui font les colis ne veulent pas me le donner parce qu'ils me disent qu'il n'y a pas assez de flux, qu'il n'y a pas assez de sécurité. Mais on le fait quand même parce que même les livreurs de colis me disent que je ne trouve pas la personne, ou elle habite trop loin, ou elle n'est pas là, etc. Est-ce que je peux te le laisser ? Bien entendu, ils le laissent avec tous les risques que cela comporte puisque je ne suis pas assuré pour ça.

  • Speaker #1

    Oui, ce que j'ai vu, il y a un distributeur de billets, il y a un risque important. Voilà,

  • Speaker #0

    mais on On fait ça et on est obligé de le faire parce que dans ces zones-là, on est en mission. On est en mission pour maintenir la vie dans ces zones-là. Et on est en mission aussi parce qu'on a une population qui a besoin de services et elle ne retrouve pas forcément les services sur place. Cette mission qu'on a retrouvée pendant le Covid aussi, lorsque tout a fermé. On a été obligé de faire des livraisons à droite à gauche, c'est là où on a fait le plus de livraisons, etc. C'était notre mission à ce moment-là.

  • Speaker #1

    Ok. Alors, super intéressant. Souvent, et moi c'est un peu mon défaut, moi je vois qu'il y a des choses qui pourraient mieux fonctionner, qui, voilà, on évoque... Le fait que vos grossistes sont de plus en plus loin, qu'on voit que l'écosystème, avec la disparition aussi des habitants dans certaines zones rurales, se raréfie. Et donc, quand je vois un problème, j'ai toujours envie de trouver des solutions. Peut-être qu'il n'y en a pas, mais voilà.

  • Speaker #0

    Des solutions, moi, j'ai... Des solutions, des pistes.

  • Speaker #1

    Des pistes,

  • Speaker #0

    oui. Peut-être...

  • Speaker #1

    S'adapter à la nouvelle réalité, en fait. S'adapter.

  • Speaker #0

    ou peut-être créant des conditions du renouveau. C'est quoi les conditions du renouveau pour ces zones ? Malheureusement, la courbe démographique est telle qu'on va perdre de la population, c'est inévitable. Donc la population d'origine de ces zones ne sera plus la même. Donc il faut en attirer une nouvelle. Comment on en attire une nouvelle ? C'est souvent avec le télétravail, on peut en attirer. Mais avec le télétravail, il y a une condition, c'est qu'il faut que les réseaux Internet soient suffisants pour la supporter. C'est souvent dans des zones... Nous on a eu la fibre il y a six mois, avant on n'avait pas la fibre. Donc là les conditions peuvent être réunies pour le faire. Mais ensuite, il faut qu'il y ait un médecin à côté aussi. Il faut qu'il y ait... Bon, là, la pharmacie, on arrive à dépanner, mais il faut qu'il y ait des services à côté en adéquation. Donc moi, je pense qu'il y a le potentiel pour le faire, puisque c'est vrai que dans ces zones-là, le prix de l'immobilier est encore raisonnable. Donc on peut attirer du monde, mais il faut que les infrastructures minimales suivent. Si on veut instaurer du télétravail, il faut que les réseaux soient bons. Mais aussi, il faut que quand les gens soient sur place, ils aient d'autres services.

  • Speaker #1

    Un écosystème, des magasins. Et alors, comment on amorce la pompe ? Parce qu'on en parlait tout à l'heure, c'est un peu la poule et l'œuf. C'est-à-dire qu'il faut qu'il y ait un premier qui s'installe pour potentiellement en attirer un second, etc. Comment on fait ?

  • Speaker #0

    Nous, on a amorcé la pompe à notre niveau. On a essayé de faire connaître davantage la région. C'est pour ça qu'on s'est présenté à tous ces concours nationaux. C'est pour ça qu'on a commercialisé tous ces produits. Parce qu'en dehors de la simple vente de ces produits, le fait de communiquer dessus nous amène une notoriété certaine pour parler de notre village et pour parler du territoire, pour attirer le maximum de monde. C'est des communications aussi que l'on fait sur les guides touristiques. Je pense notamment au petit Futé qui nous a bien aidés aussi. Mais il faut que toutes les synergies soient reliées, c'est-à-dire qu'il faut que les pouvoirs publics aussi nous soutiennent. Lorsque je vois par exemple que quand on fait des communications au niveau touristique, ça crée des tensions au niveau des offices du tourisme, je trouve que ce n'est pas normal alors qu'on œuvre tous dans le même sens. Il faut que chacun mette son égo de son côté. renonce à des considérations déraisoires, je pense notamment à des chartographies, à tout ça, pour se mettre tous dans le même sens et pour tirer tous dans le même sens. Et je vois que quand on se regroupe, on est vraiment plus fort. Alors soit au niveau local, quand on se regroupe avec des restaurants, quand on se regroupe, soit on s'envoie les clients entre nous, ou on communique bien, on peut... Ça profite à tout le monde, ça profite aux producteurs, aux hébergeurs et tout ça. Quand on se regroupe entre épiciers, ça fonctionne mieux aussi parce qu'on peut échanger, on peut se donner des bons tuyaux. Mais il faut que les pouvoirs publics communiquent entre eux parce que là, il y a beaucoup de strates. Chacun veut faire dans son couloir les choses, mais il faut qu'ils se regroupent pour les territoires. Alors c'est vrai qu'il y a des pistes intéressantes, il y a des développements intéressants qui s'opèrent, mais il faut aller plus loin et plus vite. Parce que là, vraiment, on est à la croisée des chemins entre cette population qui va disparaître en ces zones et le renouveau nécessaire et urgent maintenant, avant que tout disparaisse.

  • Speaker #1

    Oui, c'est vrai qu'en plus, le patrimoine se dégrade quand il n'est pas maintenu. Et là, il y a encore une... Tout à fait. Parce que moi, je suis peut-être un peu trop optimiste, mais je vois une opportunité. La campagne française est magnifique. Il y a aussi une opportunité pour des gens qui ne sont plus forcément bien en ville de créer un environnement différent à des prix abordables. Moi, j'ai toujours cru que le télétravail, c'était une énorme opportunité pour des communes rurales pour se vendre, pour essayer de montrer ce que ça peut apporter à quelqu'un.

  • Speaker #0

    Je suis entièrement d'accord.

  • Speaker #1

    Donc voilà, je suis d'accord avec vous qu'il y a des pistes pour améliorer tout ça.

  • Speaker #0

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Mais après, je suis incapable d'amorcer la pompe, comme vous l'avez fait dans votre région. Juste pour finir, quels seraient les conseils que vous donneriez à vous-même au moment où vous vous êtes lancé ? Les choses que vous auriez aimé savoir, qui vous auraient fait gagner du temps, aider dans le développement de votre activité ?

  • Speaker #0

    Alors, des conseils, là où j'aurais aimé en avoir, parce que... Vous savez que quand on se lance dans une activité, même quand on va voir le banquier pour ouvrir un compte, il nous demande des bilans prévisionnels, il nous demande trois bilans prévisionnels. Donc là, ça c'est une formalité, j'ai jamais rien compris, parce que souvent dans ces commerces-là, le bilan qui va être dans les années futures va correspondre à la personnalité du dirigeant. C'est pour ça que... en fonction de comment il va interagir avec les clients ou les services qu'il va proposer, le bilan sera plus ou moins bon. Donc peut-être j'aurais aimé avoir ces conseils-là au départ, mais moi le conseil que je peux donner aux gens qui veulent s'installer, en ruralité comme en ville et tout ça, et surtout qui veulent s'installer et tenir un commerce de proximité, c'est qu'il faut aimer profondément les gens. Au-delà de toutes les statistiques, au-delà de tout ça, au-delà de tous les indicateurs, il faut le faire avec le cœur. C'est primordial. Après, moi je dis toujours, avant de recevoir, il faut donner. Et donc, quand on donne, forcément on reçoit. Et c'est le principal pour moi.

  • Speaker #1

    Ok, c'est très clair. Je pense que ça ressort assez bien de tout votre témoignage, de manière générale. Parfait, merci beaucoup. Vous avez appris énormément de choses. Donc merci d'avoir partagé de manière aussi précise tous ces éléments sur votre activité.

  • Speaker #0

    Merci à vous.

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