- Speaker #0
Ça va beaucoup plus loin. C'est l'idée qui doit être protégée. Ce n'est pas les quelques lettres qui sont protégées. C'est la fonction derrière qui est protégée. C'est pour ça, je crois, jusqu'ici, on peut vraiment... Et c'était surtout aussi une question lorsque il y avait la protection du titre et de l'exercice d'architecte à l'intérieur, parce que là aussi, il y a beaucoup de recoupements avec des activités connexes. Et c'est clair, le plus important, c'est que ces professions aillent... vraiment ce sens commun qu'ils exercent. Un métier, il y a toujours un petit peu, c'est presque un métier impossible puisque c'est une profession soumise à une très strictée en biologie. Et le législateur a vraiment pris cette protection, pas pour créer des textes, mais pour dire ce rôle essentiel des professions libérales dans la construction, c'est pour vraiment faire ce mariage des différents intérêts. Vous avez, en tant qu'architecte, vous avez un client, ou d'un avis naturellement. défendre, comprendre et sentir les besoins du client. Vous avez les lois, vous devez respecter l'environnement, vous devez respecter l'utilisateur, vous devez vraiment respecter ces différents intérêts qui sont même parfois en clash. Il y a souvent des oppositions. Et l'architecte est justement un ingénieur, un conseiller urbaniste, qui a sa noble mission d'essayer de sentir le contexte et de faire la meilleure médiation de tous ces... des intérêts pour construire et concevoir un environnement qui fonctionne.
- Speaker #1
Le métier d'architecte existe depuis la nuit des temps. En effet, l'humain a toujours cherché à se protéger, et que ce soit par le biais de cavernes, constructions vernaculaires ou de créations spectaculaires, l'art de construire remonte à la nuit des temps. Étymologiquement, le mot architecte vient du grec architecton. Arco signifie commander et tecton, artisan, ou plus précisément charpentier, ce qui donne mot à mot maître charpentier. Ce métier a évidemment évolué et l'architecte tel que nous le connaissons actuellement a une histoire plus récente. Au moment de la Révolution française, la profession est libre et sans structure officielle. Ce n'est qu'en 1940, avec la création d'un ordre, que la profession est encadrée. Après la protection du titre, dont nous parlerons ultérieurement, les architectes obtiennent la protection de la fonction par le biais de la loi du 3 janvier 1977 qui déclare l'architecture d'intérêt public.
- Speaker #2
L'architecture est une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains, ainsi que du patrimoine, sont d'intérêt public. Les autorités habilitées à délivrer les permis de construire, ainsi que les autorisations de l'outil, s'assurent au cours de l'instruction des demandes du respect de cet intérêt.
- Speaker #1
Article 1 de la loi du 3 janvier 1977. Avec la construction du marché européen et la possibilité pour tout professionnel de travailler temporairement ou définitivement dans le pays de son choix, une harmonisation du diplôme a été mandatée par l'Union européenne, conduisant à la suppression du DPLG, diplômé par le gouvernement. La France a donc adopté en 2005, pour 5 ans de formation académique, l'actuel diplôme d'État. Ce master universitaire ne donne pas le droit de construire, mais forme à la conception architecturale. Le reste, qui représente une part considérable des projets, à savoir le droit, les relations contractuelles, les logiques d'acteurs, l'économie, le fonctionnement d'une agence, la réglementation, les normes, sont enseignées pendant une unique année supplémentaire de formation dite professionnelle, par ailleurs facultative, qui comporte au minimum 6 mois de stage et 150 heures d'enseignement théorique. la fameuse H.M.O.N.P. Un acronyme un peu indigeste qui signifie habilitation à la maîtrise d'œuvre en son nom propre.
- Speaker #2
Cette réflexion sur la place des architectes dans le projet et sur le type de savoir qu'ils mobilisent, qu'a introduite la chaîne BNP, mériterait que l'on révise profondément l'enseignement de la formation initiale, licence et master, où il est encore fréquent de laisser penser aux étudiants qu'ils se destinent à être des chefs d'orchestre d'une opération. Cette illusion rend inutile d'emblée l'apprentissage de l'écoute, du dialogue et de la négociation, la recherche du compromis, et non de la compromission. dans la démarche de projet et revient à supposer que le rapport aux autres dans une opération de construction repose uniquement sur une relation dominant-dominée. Ce mythe du chef d'orchestre, où les victimes sont symétriques, ne sert ainsi qu'à reléguer au rang de disciplines inutiles l'enseignement de la règle de droit, entendu comme prise en compte des différents intérêts de la société intérêts publics, intérêts privés, de l'économie comme relation d'échange et processus de formation de la valeur, de la sociologie urbaine comme compréhension des modes de coexistence sociale en ville mixité, ségrégation, mobilité de l'histoire de la ville et de l'architecture comme évolution des formes dans le temps, etc. Lesquelles s'avèrent pourtant indispensables dès lors qu'il s'agit de comprendre en quoi l'intervention de l'architecte s'inscrit dans des relations réciproques et des configurations sociales, mouvantes et évolutives. Il est regrettable d'attendre cette dernière année pour introduire en bloc ces savoirs tournés vers l'action. conditionnant fondamentalement la réalisation d'un projet, quand un apprentissage plus progressif permettrait de renforcer le pouvoir d'agir des étudiants.
- Speaker #1
Isabelle Chéneau, profession architecte. L'enseignement, qui permet de créer du lien et de la communication, n'intervient donc que dans une année facultative qui forme à la maîtrise d'œuvres. L'archigraphie de 2022, publiée par le Conseil national de l'ordre des architectes, souligne d'ailleurs que le nombre restreint d'étudiants admis en HMONP limite le nombre de futurs architectes. Il note d'ailleurs une diminution de 19% du nombre de diplômés HMONP sur l'année 2019-2020, sans savoir si ces chiffres sont liés ou non à la crise sanitaire.
- Speaker #2
Il sera intéressant d'observer dans quelle mesure cette baisse des diplômés HMONP sera rattrapée ou non dans les années suivantes.
- Speaker #1
Ausha, Conseil national de l'ordre des architectes, Archigraphie, 2022. Toutefois, tous les diplômés en architecture n'ont pas vocation à devenir concepteurs.
- Speaker #2
La vocation de l'architecte est de participer à tout ce qui concerne l'acte de bâtir et l'aménagement de l'espace. D'une manière générale, il exerce la fonction de maître d'œuvre. Outre l'établissement du projet architectural, l'architecte peut participer notamment aux missions suivantes. Aménagement et urbanisme, y compris élaboration de plans, lotissement, élaboration de programmes, préparation des missions nécessaires. à l'exécution des avant-projets et des projets, consultation des entreprises, préparation des marchés d'entreprise, coordination et direction des travaux, assistance au maître d'ouvrage, conseil et expertise, enseignement.
- Speaker #1
Article 2 du Code de déontologie des architectes Historiquement, l'architecte, maître d'œuvre, exerce en libéral à l'image des médecins ou des avocats. Avec la réforme du diplôme, La HMO rend obligatoire le passage par le salariat. Pour les architectes DE, le salariat représente quant à lui la majorité des insertions professionnelles. En fonction de l'agence où ils travaillent, les architectes DE se retrouvent bien souvent à exercer les mêmes missions qu'un architecte en titre, à savoir conception de projet, dessin de détails d'exécution, échange des relations, que ce soit avec les clients, les bureaux d'études ou les artisans, mais aussi suivi de chantier. Leur responsabilité n'est évidemment pas la même que la responsabilité de l'architecte. pas mis en jeu, contrairement aux architectes en titre qui ont leur HMO, sont inscrits à l'ordre et ont souscrit à une assurance, les trois conditions pour obtenir le titre d'architecte et endosser les responsabilités qui vont avec.
- Speaker #3
Pour moi, c'est très difficile aussi pour le grand public. Enfin, il ne faut pas oublier que on fait des études d'architecture mais on ne peut pas effectivement présenter en grand public en tant qu'architecte. Bon, en pratique, ce n'est pas bien, mais on le fait quand même, pour des raisons de commodité. Mais c'est vrai que cette question m'intéresse particulièrement, parce que, comme je disais, mon mémoire, je le fais justement sur cette période de salariat et le rapport qu'on a à la profession en tant que salarié. Et comme tu le disais, Pauline, on fait des missions d'architecte sans respecter de déontologie. Pour moi, il y a là quand même quelque chose à requestionner, c'est-à-dire qu'on construit, parce que... Je pense que toi et moi, on a tous les deux construit avec une grande autonomie. Certes, une assistance de nos patrons, mais on a quand même fait des missions d'architectes. Mais on n'a pas du tout suivi la déontologie, on n'engage aucune responsabilité. Alors si c'est le système-là que veut la profession, pourquoi pas ? En tout cas, je trouve que c'est un système qui est, comme tu disais, profondément paradoxal.
- Speaker #1
Mais alors, qu'est-ce qui fait de nous ? des architectes. Est-ce notre instruction, acquise pendant nos cinq années d'études ? L'habilitation à la maîtrise d'œuvres en son nom propre ? L'inscription à l'ordre ou les responsabilités ? Qu'en est-il alors des salariés ? Qu'est-ce qui les connecte au sens de leur profession ? Qu'en est-il de leur identité forgée au cours de leurs études lorsqu'ils intègrent une structure ? Au sein même de la profession, la question de la légitimité, du sens du métier. et de qui est architecte ou non, est un sujet en soi depuis des décennies. Comment pouvons-nous alors définir notre métier lorsque nous nous présentons ? Mais aussi, comment convaincre le grand public de faire appel au service d'un architecte, de la plus-value qu'apportent nos missions et de l'intérêt de notre profession si ces questions ne sont pas résolues en interne, en amont ?
- Speaker #2
Comme l'a analysé Dominique Reynaud, les difficultés que les architectes rencontrent dans l'exercice de leur métier sont généralement attribuées un peu paresseusement aux crises économiques, lorsque reflète en réalité une crise de légitimité de la profession, amorcée bien avant le premier choc pétrolier de 1973.
- Speaker #1
Isabelle Chéneau, profession architecte. Prenons mon cas par exemple. Je suis architecte diplômée d'État depuis 2016 et je n'ai pas souhaité faire ma HMO en sortant de mon diplôme, pour diverses raisons. Puis la vie m'a menée à exercer au Luxembourg. Je travaille donc en tant que salarié. dans une agence d'architecture. J'ai touché à toutes les phases d'un projet de maîtrise d'œuvre, de l'étude de faisabilité au suivi de chantier. Je me sens architecte. Et quand bien même c'est ma profession, officiellement, je ne peux pas me dire architecte, puisque ce mot renvoie au titre que je ne peux porter, puisque je ne remplis pas les trois conditions qui sont, je le rappelle, avoir la HMO, ou dans le cas de Luxembourg, valider un stage de deux ans, être inscrit à l'ordre et souscrire à une assurance. Le langage, selon moi, et le choix des mots, a un réel impact sur notre perception des choses et sur notre identité. Et dans notre profession, on ne sait plus qui est architecte ou non. Au-delà des salariés, qui exercent donc un métier mais ne sont pas vraiment reconnus, les architectes en titre luttent au quotidien pour faire reconnaître leur expertise auprès des clients et se faire payer à leur juste valeur. Dans un monde en perpétuel changement, l'architecture pourtant d'intérêt public, et l'architecte sont oubliés, voire délaissés, menant l'intégralité d'une profession à une quête de sens.
- Speaker #3
Sur ce fil-là, on voit qu'on va jusqu'à des débats beaucoup plus profonds, mais il va falloir qu'on se pose la question, effectivement, de ce port de titre au sein des agences.
- Speaker #1
Dans les prochains épisodes, et pour compléter cette première saison, j'accueillerai au micro... des représentants de l'Ordre des architectes du Luxembourg, où j'exerce, mais aussi de France, dont je suis originaire. J'aurai la chance de vous partager une vision européenne, puisque Mme Schagman, présidente du Conseil des architectes d'Europe, me fait l'honneur de participer à mon projet. Je rencontrerai aussi des enseignants, étudiants en HMO et jeunes diplômés. Merci à chacun de mes invités, qui avaient répondu présent et avaient partagé un moment en ma compagnie pour enregistrer vos épisodes respectifs. Je suis très reconnaissante du temps que vous m'avez accordé. Pour la rédaction de cet épisode, je me suis appuyée sur divers textes et ouvrages dont vous retrouverez les références dans les notes de cet épisode. Je souhaite adresser un merci tout particulier à Flora Bonnemé de la librairie Techné Bookshop pour m'avoir conseillé le livre Profession architecte dont je me suis servi pour dresser un très bref état des lieux de la profession. Si vous voulez découvrir des ouvrages d'art et d'architecture, n'hésitez pas à demander de l'aide à Flora. via son site et vous pourrez en apprendre plus sur elle et sa librairie dans la saison 2. Vous avez également pu entendre de courts extraits issus de certains épisodes que j'ai réalisés dans cette saison, notamment avec Pierre Hurt et Thibaut d'Artevel et leurs épisodes seront respectivement diffusés le 27 juin et le 18 juillet. Ce podcast bénéficie du soutien de la Maison de l'Architecture de Lorraine qui m'aide pour la promotion des épisodes. Lecture des textes Etienne Dossman, montage Arnaud Maté. Enfin, je veux vous dire, personnellement, à vous qui m'écoutez, un grand merci. Merci d'avoir écouté l'épisode jusqu'au bout. Si l'épisode vous a plu, n'hésitez pas à me laisser une note, de préférence 5 étoiles, et un commentaire sur la plateforme de votre choix. Je me ferai un plaisir de vous lire et vous répondre. Si vous aussi, vous vous posez des questions sur votre pratique d'architecte, je serai ravie d'échanger avec vous. N'hésitez pas à me contacter sur mon site fondation.archi ou sur mon compte Instagram du même nom. On se retrouve la semaine prochaine pour un nouvel épisode.