- Speaker #0
Formula Bula. Formula Bula. Bula Bula. Formula. Je veux être calife à la place du calife.
- Speaker #1
1000 milliards de mille sabords.
- Speaker #2
Je dirais même plus.
- Speaker #0
Presser ce bouton écrit est dingue.
- Speaker #3
Je me sens bien, j'ai 50 ans, mais je me sens très bien. Je me sens fou,
- Speaker #2
c'est roman. Il y a ceux qui écrivent l'histoire et ceux qui ont besoin de lunettes pour la lire.
- Speaker #3
Formula Bula.
- Speaker #2
Bande dessinée et plus si affinité.
- Speaker #1
Première journée nationale du Club 99. La fédération des festivals de bande dessinée. et Arts Associés, Tenir le mur ou l'exposition de bandes dessinées.
- Speaker #3
Je vous présente tout le club du 99. Johanna Macari de BD à Bastia, j'enchaîne sur Sophie Mill et Pascal Meriot des Rendez-vous de la BD d'Amiens, Cassandre Tienot et Thomas Brochard de Fumetti à Nantes, Iris Munch de Lyon BD et Serge Darpex des Rencontres du 9ème Art à Aix-en-Provence. Et moi-même, je suis de Formule Abula. Marina Corot. Et donc, excepté BD Colomiers, qui est dirigé par Amandine Doche, ils n'ont pas pu être présents parce qu'ils ont leur lancement de saison culturelle aujourd'hui. On est tous présents et on a toute la matinée pour écouter les invités qu'on a associés à nos réflexions, en particulier autour des expositions. Je vous souhaite une bonne rencontre, bonne matinée.
- Speaker #1
Bonjour à tous et on va rentrer d'emblée dans le vif du sujet pour cette première table ronde de cette journée professionnelle organisée par le Club 99 qui est donc la Fédération des festivals de BD et Arts Associés. Et c'est très important de souligner Arts Associés puisque c'est une matinée qui va être plutôt consacrée aux expositions en festival. Or les expositions dans les festivals c'est... presque le cœur de ce qui fait un festival de BD aujourd'hui, puisque c'est ce qui va presque dessiner la ligne éditoriale et l'identité des festivals. J'ai des intervenants absolument fabuleux que je vous présente très rapidement. François Skuyten, que vous connaissez certainement, auteur, dessinateur, architecte, scénographe, évidemment que vous connaissez tous pour son travail autour du monde des cités obscures avec Benoît Peters, mais pas seulement, évidemment. Morvan Dio qui est un auteur, chercheur, qui a fini une thèse, c'était en 2023, soutenue, voilà, et une thèse qui vient d'être éditée. Enfin, c'est pas la thèse qui est éditée, elle a été réécrite, etc. Mais c'est un livre très important pour la théorie de la BD, qui s'appelle « Une cartographie de la bande dessinée alternative francophone et contrebande » , avec cette idée de créer, en tout cas, une cartographie des pratiques, je souligne bien ce mot, de la bande dessinée alternative depuis les années 90. Pratiques au pluriel. Morvandio est aussi organisateur de festivals, fondateur à Rennes de périscopage jusqu'en 2011 et de spéléographie que tu as laissé pour finir ta thèse. Mais voilà. Marianne Ferry-Faul, qui est la directrice générale de l'ADAGP, qui nous parlera des droits d'auteur, enfin de toutes ces questions-là. Et Lou Ifang, scénariste, qu'on connaît tous pour ses scénarios, mais qui est aussi réalisatrice, écrivaine et scénographe, metteuse en scène. Je ne sais pas si vous avez déjà vu ses spectacles, notamment à la Ferme du Buisson. Feu, le festival Pulp, qui était aussi un festival très novateur sur les pratiques des spectacles associés à la bande dessinée. Et Lou a signé un certain nombre de spectacles là, mais aussi ailleurs. C'était un petit tour de table très rapide. Je parle un peu vite. parce qu'en une heure, on doit faire l'équivalent d'un sujet passionnant qui pourrait nous prendre un colloque entier. Quand j'ai vu ça, en plus, on va traiter à la fois des aspects théoriques, artistiques et aussi financiers et juridiques. Donc, vous voyez, c'est assez compliqué. Tout ça pour dire que déjà, on va se laisser de côté la question de la BD au musée, la légitimation du 9e art. Il y a une extraordinaire exposition à Beaubourg en ce moment que vous pouvez tous aller voir, la BD. de 1964 à 2024, avec 750 planches. Je pense que le 9e art n'a plus besoin, à travers ces expositions qui ont légitimé un peu la BD comme art. Ici, ce qui va nous intéresser, c'est plutôt vraiment cette question qui est au cœur de tous les festivals, c'est-à-dire comment on expose une œuvre qui n'est pas destinée à être sur les murs. puisque la bande dessinée, et c'est des questions qui vont encore plus se poser aujourd'hui avec des problématiques de création numérique et qui impliquent que des festivals sont des lieux de rencontres et des lieux de médiation entre les publics et les livres et les œuvres. Donc comment on expose, comment on crée autour de la bande dessinée, autour du livre, un espace, un espace d'exposition, tenir le mur, a priori, une planche originale toute seule sur un mur, hors de son livre ? ne tient pas le mur. Ça c'est mon postulat, peut-être que je vais être contredite par mes intervenants. Peut-être, pour commencer, je voulais justement demander à Morvandio, en tant que chercheur, en tant que théoricien, qu'est-ce que contrebande ? Pourquoi contrebande ? Puisque c'est une définition assez novatrice déjà, de redéfinition, qu'est-ce qu'une marge dans la bande dessinée alternative ? Et qu'est-ce que ça implique, notamment, à travers des festivals et des expositions ? qui sont des lieux de laboratoire de création artistique par justement des arts associés comme le titre de cette fédération.
- Speaker #4
Bonjour, qu'est-ce que la contrebande ? Ma recherche a porté sur ce que j'ai regroupé sous ce terme, bande dessinée alternative francophone, que j'ai étudié à partir des années 90, ce qui ne veut pas dire que la bande dessinée alternative n'existait pas précédemment, puisque comme vous le savez, dans les années 60-70, notamment, il s'est passé un certain nombre de choses et d'initiatives. Mais disons que, pour résumer rapidement ce dont j'essaie de parler dans ce livre, ce que j'essaie de décrire, c'est une bande dessinée qui, dans les années 90, pour ce qui concerne la bande dessinée francophone, il y a eu une bascule entre, disons, le kiosque et la librairie, puisque la plupart des revues un peu historiques, type Pilote, Métal hurlant, À suivre, etc., toutes ces revues ont peu ou peu disparu dans les années 90, pour des raisons notamment économiques, pas seulement. et la bande dessinée a basculé vers le livre. La revue a su, comme son nom l'indique, pré-publier des épisodes qui étaient ensuite regroupés en livres. Ce n'est pas le seul éditeur à avoir fait ça. Pour le dire très vite, ces éditeurs se sont un peu tirés une balle dans le pied en procédant de cette façon-là, puisque à un certain moment, le lectorat s'est tourné plutôt vers le livre et aussi pour des raisons d'évolution médiatique générale avec le développement de la télé. puis évidemment ensuite Internet. L'argent publicitaire qui pouvait être investi dans les revues, ce n'est pas spécifique à la bande dessinée, mais la presse a connu une crise assez forte après ce papier. Et du fait de cette bascule, il y a un espace de création et de professionnalisation qui s'est fermé pour les jeunes auteurs qui arrivaient au début des années 90, puisque la presse permettait pour des auteurs qui arrivaient à ce moment-là, des auteurs ou des autrices, une double chose, c'est que ça permettait d'être dans un format court qui permettait d'expérimenter des choses d'un point de vue esthétique. mais ça permettait aussi d'être rémunéré pour faire ce travail. Et quand cet espace a disparu, il a fallu tout de suite, en tant que jeune auteur, être capable de faire un livre. Donc ça a posé un certain nombre de difficultés, à la fois du point de vue des auteurs et autrices, mais aussi du point de vue des éditeurs, puisque parier sur un jeune auteur en le publiant dans une revue ou parier sur lui en faisant un livre directement, la prise de risque n'est pas la même. Et donc cet espace qui s'est réduit à peu de chagrin, ça a créé un certain nombre de problèmes. Et donc, ce qui m'intéressait d'étudier, c'est comment, d'un point de vue générationnel, les auteurs qui arrivent à ce moment-là, une partie d'entre eux, en tout cas, se sont dit, prenons-nous en main et créons nos propres structures. Parmi ces structures, la plus connue, c'est sans doute celle de l'association, mais il y en a beaucoup d'autres. C'est un peu ce phénomène que j'essaye d'étudier, qui a comme spécificité, pour là aussi le dire rapidement, par rapport aux expériences alternatives qui avaient pu exister dans les années 60-70. Les expériences alternatives, Metal Hurlant, tout ça, c'était aussi à l'initiative d'auteurs. mais ça avait duré beaucoup moins longtemps en fait. Là, on est 30 ans plus tard, et la plupart des structures de la contrebande que j'étudie existent encore. Non seulement elles existent encore, mais elles ont complètement bouleversé le paysage éditorial.
- Speaker #1
Et c'est intéressant ce que tu dis par rapport à ces nouvelles structures, parce que quand les auteurs vont inventer à travers des plus petites structures, même par rapport à des structures médiatiques, on va dire qu'ils sont plus codifiés, il y a aussi une diversité de formes qui va émerger. de cette édition alternative. Ce que je propose, parce que quand même, nous avons François Skuyton, et je réfléchissais à ça parce que tu parlais de Metal Hurlant, et François, tu as publié dans Metal Hurlant, tu as une espèce de transfuge, enfin tu as passé de Metal Hurlant à Répluivre, avec Les Cités Obscures, et il y a toujours eu, bon en plus Les Cités Obscures, c'est vraiment un monde parallèle qui est mais au-delà de la bande dessinée qui se pense déjà comme une exploration hors du livre. Et il y a eu cette exposition, on en parlait justement avec Marianne en arrivant, de 1991, Le musée des ombres, qui est en plus une mise en abyme d'une propre histoire dans les cités obscures. Mais cette énorme opéra d'exposition qui a eu lieu à la Halle de la Villette en 1991 et qui est exactement aussi ces années de basculement dont tu parlais, c'est-à-dire ce moment où la bande dessinée... Par l'exposition, sort du livre et se recherche à travers des formes extrêmement variées, comme un laboratoire. Donc peut-être, parce qu'ensuite, je ne savais plus où donner de la tête, tellement ton œuvre sort du livre. Et va jusqu'à ton dernier travail autour de Jules Verne, qui est la sculpture en préparation en ce moment devant la Halle Frissiné, c'est ça ? De ce Naughty Pulp qui est sorti de ses dessins autour du Capitaine Nemo.
- Speaker #0
Oui, moi, je me suis beaucoup, beaucoup posé de questions sur la façon justement de montrer des planches de bande dessinée. Ça, c'est ma table de dessin. En fait, les tables de dessin, elles sont la plupart du temps horizontales. Et c'est très bien comme ça parce qu'on n'est pas... peintre, en tout cas je ne le suis pas, et j'ai besoin de cette horizontalité, et d'ailleurs le lecteur il retrouve cette horizontalité ou presque, un petit peu inclinée, comme d'ailleurs cette table l'est aussi, elle est légèrement inclinée, je dirais même que parfois ça m'intéresse, je vais toujours à l'impression et je vois sortir les feuilles à l'horizontale, donc le rapport à l'horizontalité est quand même pour moi un élément fondamental, c'est un peu stupide de le rappeler, mais donc mettre une planche brusquement verticale, est assez étrange en fait. Non seulement on sort un élément du récit, et en plus, quelquefois, on en fait une copie, ce qui a l'air de m'énerver, et qu'on encadre de la même façon que certains originaux, ce qui est vraiment le trouble le plus complet, mais on sort un morceau et on le met à la verticale. On est accroché à cette table de dessin, c'est vraiment notre lieu. Toute cette horizontalité, elle est viscérale. On peut mettre la suivante. Et en fait, ce qu'on aimerait, c'est que le lecteur entre dans les planches, il suive le dessin en train de se faire, il pénètre dans l'imaginaire qui se développe sur le papier, entre les cases, et ça, c'est une opération qui est difficile. Je ne connais toujours pas la bonne méthode, je cherche toujours à essayer de troubler pour permettre à un visiteur d'une exposition, à un lecteur, explorateur, Comment il peut retrouver l'imaginaire qu'il a en lisant un livre ? Parce qu'en fait, ce qui se passe entre un lecteur et un livre, c'est assez extraordinaire. Il a le temps qu'il veut, il a l'environnement qu'il désire, et on le sort de ça, on le met dans un autre espace, on va lui imposer un espace. On ne va pas lui imposer le temps, mais on va lui imposer une lumière. Et souvent, les lumières d'exposition, d'ailleurs, ne sont pas souvent assez travaillées. Et donc, je trouve qu'on perd. On perd. tout cet imaginaire qui se développe entre un lecteur et un livre. Donc pour arriver à retrouver ça, on a beaucoup cherché. Alors voilà, une des premières expositions qu'on a fait, Benoît Péters et moi, c'était à l'inauguration du CNBDI, donc de ce grand musée de la bande dessinée qui s'inaugurait à ce moment-là en grande pompe. Avec Benoît et moi, on est un peu des galopins, on avait fait un vieux musée complètement pourri, il pleuvait à l'intérieur, enfin il y avait du vent, etc. et on exposait des vieilles... planches, on s'était amusé avec des photocopies là franchement on s'est pas gêné à les salir, à les déchirer et on racontait qu'il y avait existé une forme qui s'appelait le 9ème art, c'était une ironie dans ce musée peint en neuf, inauguré par Jacques Lang avec énormément de promotions et de presse de casser les codes et d'en faire un vieux bazar où la bande dessinée est entrée au musée mais déjà elle est déjà ... dépassé, oublié, manque de moyens, manque d'argent. Et alors donc il y avait, là j'avais fait le dessin pour la Cénaud, il y avait une planche qui était, le musée était en tellement mauvais état qu'une planche avait laissé une ouverture, une faille, et on entrait réellement dans l'imaginaire qui était développé dans les planches. Voilà. Bon, alors là, c'est une époque où on avait pas mal de moyens, donc c'était assez proche du dessin. Et donc, effectivement, dans cet espace de musée, véritablement, le public pénétrait et découvrait un monde très, très fantastique où chaque espace faisait référence à l'imaginaire développé, avec les personnages qui étaient mis en scène, qui bougeaient. Enfin, c'était très, très ambitieux. Je crois qu'on a ruiné les caisses de la ville pendant quelques années. On nous l'a bien reproché, mais c'était en même temps une exposition exploratrice sur tout ce que... que la bande dessinée peut générer comme imaginaire. On a fait des choses plus simples, je rassure tout le monde, mais ici, c'était une façon de montrer la puissance du livre, tout ce qui peut sortir. Il y avait une bibliothèque géante, je n'ai pas retrouvé de photo, mais que j'ai toujours, d'ailleurs, je l'ai conservée. Une bibliothèque géante à travers laquelle on voyait aussi des morceaux d'univers. Parce que le livre, c'est quand même la matrice, c'est l'objet qui permet de voyager. Donc, on l'a beaucoup... mis en scène et je l'ai beaucoup dessiné. Là c'est un exemple d'un opéra de Rossini où j'ai mis le livre en scène à la Seine-Rentola à la Monet et à Lyon. Pour vous dire l'attachement qu'il y a. à cet objet et à la façon dont on peut le visiter, l'explorer, le réinventer et surtout surprendre le lecteur qui ne soit pas déçu entre tout l'imaginaire qu'il a eu en lisant une histoire et le fait d'entrer dans une exposition. Là, ça peut être extrêmement déceptif et donc il faut essayer de le surprendre et de lui apporter quelque chose qu'il n'a pas eu personnellement. Et ça, c'est un fameux challenge, c'est une couverture pour Time Magazine sur la bande dessinée. Qu'est-ce qui fait qu'on va retrouver tout cet émerveillement qu'on peut avoir quand on était enfant et qu'on entrait dans des bandes dessinées ? Et donc, oui, on a envie que les murs parlent, on a envie qu'ils nous racontent des histoires, on a envie que les images soient lumineuses, véritablement, qu'elles nous communiquent d'autres émotions. Et c'est une recherche perpétuelle en fait, et qui, je crois, se réinvente avec chaque auteur. Nous, on a beaucoup cherché, on s'est beaucoup égaré. Je vais terminer par un essai intéressant. C'était une demande de la part d'une ville, j'ai oublié le nom, en Hollande, qui voulait faire un musée de la bande dessinée. Donc, j'avais gagné le concours. Le musée ne s'est jamais fait, mais j'avais réfléchi à la façon dont on pouvait essayer de mettre en scène La façade d'un lieu comme un musée, bon voilà, c'est quelques images pour vous dire que je me suis bien bien confronté à ce challenge. Et en même temps, je trouve que c'est un sujet formidable. C'est pour ça que j'ai été emballé de venir ici aujourd'hui. C'est justement pour continuer cette réflexion qui est réellement passionnante.
- Speaker #1
Oui, c'est assez passionnant. C'est surtout aussi qu'il y a cette dimension architecturale qui prend tout de suite beaucoup d'espace, et notamment sur un univers visuel, comme ce qui a été bâti avec les cités obscures. Quand on s'est rencontrés ce matin, je pensais à ça, par exemple sur les imaginaires qu'il y a eu sur la cérémonie des Jeux Olympiques. Cette vasque qui rappelle l'univers de Jules Verne me faisait penser à un univers de Skuyten, tellement le livre est l'univers de Jules Verne. réinterprété par les sociétés obscures, est présent dans nos imaginaires. Mais c'est vrai aussi que visuellement, un dessinateur a cette possibilité de faire vivre le livre à travers un univers visuel en expansion. Et c'est vrai que c'est toute une question, parce que les planches, elles sont aussi écrites par des scénaristes. Alors déjà, ce que tu parlais, c'est-à-dire cette horizontalité, cette intimité de la lecture. Mais... Encore, on peut peut-être faire sortir le dessin, enfin, de plein de manières, mais par contre, comment faire sortir le récit et l'écriture et le scénario ? Et bon, Lou a eu tellement d'expériences, de spectacles, mais je voulais quand même revenir sur cette exposition en 2017 à Angoulême, où là, il a été très clairement question de comment, à travers deux albums assez récents, que tu avais à ce moment-là, avec... des dessinateurs, comment présenter le travail du scénario synoptique ?
- Speaker #2
Synoptique, oui, c'était en 2017. Donc, c'était une exposition qui était consacrée à l'ensemble de mon travail de scénariste. Je me suis posé la question de, évidemment, en tant que scénariste, qu'est-ce qu'on montre ? Comment on aborde tout ça ? Ce n'est pas comme un dessinateur qui va montrer son œuvre avec son dessin. Moi, j'ai plusieurs collaborateurs. Et... Par quel angle j'aborde ça ? Je pense que la première question que je me suis posée, c'est qu'est-ce qu'un espace, qu'est-ce qu'une exposition peut offrir de différent qu'un livre ? Quelle est cette expérience de la visite ? Et comment cette visite peut permettre de rentrer dans un univers, dans un travail ? En fait, je me suis dit, comment inviter des lecteurs qui ne me connaissent pas à rentrer dans ma tête ? Comment je peux lui... lui montrer ce qui m'a inspirée, ce que je veux raconter. Et il se trouve que même si j'ai plusieurs collaborateurs et que j'ai écrit des types d'histoires différents, toutes ces histoires tournent autour des mêmes thèmes, des mêmes obsessions. Et qu'en fin de compte, j'ai l'impression d'écrire toujours la même histoire, mais de manière différente. Et ces thèmes-là, ils sont dans les grandes lignes. Voilà le désir, le corps paysage, les rêves, l'invisible. Et... Ça, c'est la fiche que j'avais faite, qui est un peu une cartographie des thèmes, avec toutes les circulations qu'il y a entre elles. Et en fait, les images récurrentes qu'il y a dans mes livres, je voulais les montrer et les mettre en scène dans l'exposition, dans l'espace. Il y a aussi la question de l'espace qui est vraiment déterminante aussi. Ça peut être simple et ça peut être très compliqué. C'est-à-dire qu'il y a des espaces qui se prêtent à l'exposition et d'autres pas du tout. En l'occurrence, j'avais un espace très compliqué avec une forme très compliquée qui se trouve dans l'espace franquin. Voilà. L'idée, c'était d'exploiter tous les angles et les sinuosités de cette pièce. Je me suis posé la question de comment on peut décomposer cet espace pour créer des moments à l'intérieur et comment je peux montrer des choses différentes. J'ai eu envie de faire du volume et pour cela, j'ai invité les étudiants de l'École supérieure de l'image d'Angoulême à travailler avec moi. Je voulais créer un gros Ausha l'entrée. C'est du poids. polystyrène gris qui ressemble à du granit. C'est l'œuvre des étudiants qui ont récupéré ce polystyrène et qui l'ont sculpté pour que ça ressemble à un amorcellement le rocher. Dans mes histoires, il est toujours question de paysages et de notre rapport au paysage. Je voulais qu'il se passe non seulement de l'exposition, on va montrer des choses, montrer des dessins, je voulais montrer du volume et je voulais aussi qu'il se passe comme des... mini-performance un petit peu tous les jours. Et sur ce rocher construit par les étudiants, j'ai invité des dessinateurs à venir tous les jours dessiner quelque chose. Donc ça pouvait arriver à tout moment de la visite, au milieu de la journée, c'était pas du tout annoncé. Mais donc voilà, il y avait Kilofer, Zep, Sylvain Savoia, Roderick Peters, qui sont venus tour à tour dessiner sur un morceau de rocher. Ça s'est connecté à mes autres activités qui sont la performance, l'installation, le spectacle vivant. Dans cet espace, on a vu aussi les étudiants construire une forêt. Encore l'idée de faire rentrer du paysage dans cet espace-là. L'idée générale, c'était de faire vivre une expérience au lecteur, de le faire rentrer dans ma tête, dans mon imaginaire, et qu'il se passe quelque chose de sensoriel. petite forêt dans un coin qui était de toute façon inexploitable en termes d'accrochage, qui était assez ingrat et donc qu'il fallait cacher. D'où l'idée de faire cet espace qui était éclairé de manière à ce qu'on ne voit pas le fond. On a l'impression qu'il était beaucoup plus grand qu'il ne l'était. Il y avait aussi de la réalité augmentée. Comme dans mes histoires il y a des fantômes, je me suis dit que ça pourrait être bien qu'il y ait vraiment des fantômes dedans. Donc il y avait un étudiant qui travaillait sur l'animation et un autre sur la programmation, faire de la réalité augmentée. Et donc il y avait un QR code à l'entrée, à télécharger, etc. Il y avait des endroits où il fallait chercher les petits fantômes qui se baladaient à l'intérieur. Donc voilà, c'était l'idée de déployer les moyens possibles d'une exposition pour faire vivre une expérience qui soit différente de celle du livre. Et aussi retrouver cette sensation de merveilleux, ou cette sensation qui va stimuler l'imaginaire du lecteur, au-delà de la lecture. Parce que c'est ça un livre, c'est ça une bande dessinée, c'est comme n'importe quelle œuvre ou n'importe quel récit, c'est transcender le réel et de vous emporter ailleurs que là où vous êtes, et de vous procurer des sensations et des émotions différentes qui vont... Voilà, déclencher de la réflexion, déclencher de l'émotion. C'est transporter, en fait. Donc l'idée de cette première exposition, c'était vraiment de transporter. Ensuite, dans l'organisation vraiment des planches, puisque je voulais quand même présenter aussi le travail que j'avais fait avec mes collaborateurs, j'ai réuni les planches non pas... Par livre, mais par thématique. Donc, il y avait la thématique des fantômes, la thématique du désir, du corps-paysage. Je ne les ai pas toutes en tête, mais ça permettait de confronter les images de chaque auteur et de voir comment chacun le traitait, comment plastiquement, visuellement, il s'emparait de ces thématiques. Et c'était extrêmement intéressant, par exemple ici, de voir comment Frédéric Petters parle des fantômes. À côté des dessins de Philippe Dupuis qui sont différents, c'est à la fois intéressant de voir la différence et les points communs. Et ça permettait de rapprocher des univers visuels et stylistiques très singuliers et de leur trouver vraiment une familiarité.
- Speaker #1
C'est très intéressant, notamment à travers l'écrit, parce qu'on voit vraiment comment une exposition se pense comme une spatialisation de l'imaginaire, c'est-à-dire une espèce de projection. Mais à travers ce que tu disais, tu as travaillé avec des étudiants de l'école Lesi. Mais il y a aussi cette idée que quand on fait une exposition, on crée une scénographie, on crée du spectacle, il y a des équipes, c'est collectif. On sort de chez soi, on sort de l'atelier. Et cette idée de « on peut donner à voir » .
- Speaker #0
Mais on peut aussi créer des choses au moment de l'exposition, et je pense que c'est ça aussi que cherchent les festivals, non pas seulement à montrer, enfin aussi à montrer, mais aussi à créer. Et je pense que dans les expériences que tu m'as montrées, un peu à travers Périscopage, qui était déjà pensé comme ça, puisque le sous-titre c'est Rencontres, il y a cette idée de, au-delà de la médiation que peut être une exposition vis-à-vis du livre, c'est comment presque l'exposition va au-delà. peut-être du livre ou en tout cas va permettre des créations diverses, notamment avec de la musique, avec des créations même de livres.
- Speaker #1
C'est-à-dire que comme tu le présentais en introduction de cette rencontre, quand on parle d'expo de bande dessinée, dès le départ il y a un paradoxe. La bande dessinée est un livre ou en tout cas un multiple. Si on considère en tout cas que l'œuvre en bande dessinée c'est le multiple, c'est le paradoxe qui se pose par rapport à une exposition et par rapport au domaine de l'art en général quand on expose une peinture, il y a le rapport de l'original et du multiple qui n'est pas le même et puis il y a le rapport de l'espace que vous avez évoqué. Donc forcément en art en général ce qui fait œuvre c'est l'exposition. Quand on va voir une installation ou une expo de peinture c'est ça l'œuvre. Quand on expose de la bande dessinée on est souvent... Ce que j'observe dans de nombreux festivals, il y a une espèce de hiatus entre le fait de savoir qu'est-ce qu'on fait en montrant de la bande dessinée. Est-ce que c'est un moyen de médiation vers le livre, ce qui peut être très bien, mais auquel cas on n'est pas dans une proposition artistique au sens propre, avec des spécificités qu'on cherche à explorer. Ou est-ce qu'on crée quelque chose de nouveau ? Je pense que ce n'est pas tout à fait innocent si François Scoitone comme Louis Fong ont des profils et des pratiques polymorphes. Et donc, je pense qu'il y a beaucoup d'expos de bande dessinée qui, là, dans les exemples qu'on a vus, c'est très différent, mais qui sont des planches qui sont encadrées au mur. Ça peut être intéressant, mais ça ne produit pas une œuvre en tant que telle. Et donc, souvent, cette question-là, en fait, il me semble, n'est pas résolue dans l'intention même. Tu évoquais tout à l'heure, par exemple, l'expo qu'il y a à Beaubourg en ce moment. C'est un festival de planches magnifiques. Mais moi, j'ai mis quelques réserves sur la manière dont c'est présenté par rapport à ça. On est un peu le cul entre deux chaises, pour le dire vulgairement. sur est-ce qu'on propose juste un objet artistique en soi ou est-ce qu'on cherche à faire un objet de méditation vers le livre, ce qui peut être tout à fait légitime et intéressant. Mais il y a parfois comme ça, surtout dans un lieu comme Beaubourg, une institution qui représente l'art et donc les problématiques de l'art par rapport à l'exposition, c'est bien celui-là. Quand on regarde, je ne sais pas si vous avez vu cet exploit Beaubourg, il y a un endroit où on confronte les arts plastiques, la peinture avec la bande dessinée. Il y a des choses magnifiques qui sont montrées, mais des fois on se demande un petit peu... Qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? Est-ce qu'une planche sur un mur, c'est la même chose qu'une peinture ? Ça n'a pas le même sens artistiquement. Une planche de bande dessinée, elle est faite pour être imprimée ou pour être dupliquée. Donc à mon avis, il n'y a pas souvent une question de statut qui n'est pas interrogée et qui reste un petit peu en latente.
- Speaker #0
Ce qui est vrai, c'est que de toute façon, à travers des expositions, moi j'en ai vu beaucoup dans des festivals, c'est quelque chose qu'on n'arrive pas avec une théorie par le haut qu'on applique à tous les artistes, c'est plutôt l'œuvre de chacun. Que ce soit les Citeuses obscures ou ton œuvre de ce que tu disais, c'est vraiment à partir du travail de l'auteur ou autrice, autoriste, comme on dit, qu'on monte une exposition. C'est le travail d'un artiste qui va déterminer peut-être le chemin qu'on va choisir. Et ça, c'est compliqué parce que justement, ces expositions qui sont quand même au cœur des festivals, qui coûtent à la fois très cher au festival, C'est des choses qui vont être dans des pratiques hybrides, entre le spectacle vivant, entre le livre. Et c'est pour ça que Marianne Ferrifoll est là, pour nous expliquer un peu comment le droit d'auteur peut s'appliquer. Parce qu'on connaît, par exemple, les droits de suite qui peuvent exister dans les galeries. Mais qu'est-ce qui se passe à la fois pour des festivals, dans la rémunération des auteurs, et à la fois, même dans ce que tu disais, le cul entre deux chaises. Mais c'est un peu ça aussi. C'est-à-dire que... comment les festivals peuvent aussi demander des subventions vis-à-vis de ces expositions. Voilà, peut-être.
- Speaker #2
Bonjour à tous, merci pour l'invitation. C'est absolument passionnant ces échanges parce qu'effectivement, on se rend compte qu'il y a une tendance certaine à ce que la bande dessinée aujourd'hui sorte de l'impression horizontale pour s'exposer et donc rejoigne de plus en plus les arts plastiques et l'exposition. Alors, d'où... Je parle de la DGP, qui est la société d'auteurs qui a 70 ans et dont le répertoire, donc une société d'auteurs qui gère les droits d'auteur. Et nous faisons pour les arts plastiques et la bande dessinée, la photo, en gros, le même métier que ce que la SACEM fait pour la musique. Voilà, pour aller très clairement aux choses. Et la DGP, elle s'est créée sur les expositions, il y a 70 ans, d'arts plastiques. Et puis, on a vu depuis 30 ans les auteurs de bande dessinée qui ont rejoint la DGP. pour toucher des droits d'auteur en dehors du contrat d'édition, parce que justement, la diffusion de la bande dessinée sortait soit de la primo-édition dans la presse, soit du livre. Alors, lorsqu'il y a une exposition, ça met en jeu pas mal de droits d'auteur. Les droits d'auteur des auteurs de bande dessinée, comme je le disais... Vous les exercez en premier lieu dans le cadre du contrat d'édition que vous avez avec votre éditeur, c'est-à-dire que vous l'autorisez à publier les albums. Donc vous faites une cession de vos droits de reproduction, en contrepartie de quoi il va bien sûr vous rémunérer, souvent sous forme d'un avaloir qui est complété ensuite avec des pourcentages sur les ventes d'albums. Et puis en général, dans le cadre du contrat d'édition, il y a aussi la cession des adaptations audiovisuelles, il y a aussi des produits dérivés, il y a aussi tout ça. Et donc la titularité des droits bascule et est transférée en tout cas de l'auteur vers l'éditeur, en contrepartie de l'exploitation par l'éditeur quand même des droits et des modes d'exploitation que l'auteur lui a consentis, et surtout de la rémunération des auteurs. Dans le cadre d'une exposition, ce qui est mis en œuvre, c'est à la fois les droits de reproduction et les droits d'exposition qu'on évoquait à l'instant. Alors les droits de reproduction, ils sont mis en œuvre quand ? Par exemple, lorsque les planches vont être, on l'a vu tout à l'heure, reproduites sur une affiche ou diffusées sur Internet. Là, c'est vraiment les droits de reproduction. Et puis, le droit d'exposition, c'est quoi ? C'est le fait que les planches soient exposées ou que des dessins, qui n'ont pas forcément été publiés par l'éditeur, des dessins de l'artiste, de l'auteur, soient montrés au public. et que tout un tas de ces créations puissent être communiquées directement. Le droit d'exposition aujourd'hui est assez rarement prévu dans les contrats, donc c'est vraiment une discussion entre les festivals et les auteurs qui doit se faire pour que les auteurs puissent être rémunérés pour cela. Je voudrais juste faire une précision sur ce que n'est pas le droit d'exposition, parce qu'on se rend compte qu'il y a souvent des malentendus. avec des lieux d'expo, alors les festivals de bande dessinée, mais aussi les centres d'art, les fracs, qui pensent payer du droit d'exposition alors que ce qu'ils payent, c'est en fait très souvent des honoraires. Ça va être le fait, par exemple, lorsqu'on fait une expo monographique avec un auteur, que celui-ci cherche dans ses archives, discute avec le commissaire d'expo, avec le scénographe, met en contact le lieu d'expo avec des collectionneurs ou avec des gens avisés qui pourront... apporter quelque chose à l'expo. Et tout ça, c'est du travail, donc ça se rémunère, donc c'est des honoraires. Mais ça, ce n'est pas du tout du droit d'exposition. Le droit d'exposition, ce n'est bien sûr pas, je pense que personne ne faisait la confusion, les défraiements pour le déplacement, pour l'hébergement, etc. Le droit d'exposition, c'est quelque chose qui est un droit d'auteur qui se paye, même si l'auteur n'a pas travaillé concrètement. C'est juste pour la mise à disposition d'une œuvre protégée vis-à-vis du public. Et en fait, ce dont on se rend compte, c'est que ce droit-là, il existe dans la loi depuis 1957. Ça ne date pas d'aujourd'hui. Et qu'il était absolument respecté dans le domaine de la musique. La musique, c'est lorsque l'Olympia ou le Bataclan va payer des droits aux auteurs-compositeurs, qui ne sont pas forcément les musiciens qui sont sur scène, ce n'est pas forcément des interprètes, mais bien sûr que si on joue la musique d'un tel dans une salle de concert, ce droit-là sera payé. Le droit d'exposition, c'est, par exemple, dans l'audiovisuel, dans le cinéma, la projection d'un film dans les salles de cinéma. Vous savez, tous les spectateurs payent un billet. Et donc, sur ce billet, il y a une part de droit de présentation publique, de projection qui est payée au réalisateur du film. Pour l'écrit, lorsque un texte est récité et interprété au théâtre par des comédiens, les auteurs touchent du droit de présentation publique. Eh bien, jusqu'à il y a... environ dix ans, dans l'univers des arts visuels, c'est-à-dire à la fois les arts plastiques ou vous, les auteurs de bandes dessinées, ce droit-là n'était absolument jamais rémunéré. Et en fait, ça semblait un peu normal que les auteurs, alors soit dans les arts plastiques, l'argument était plutôt de dire, ça fait la promotion de l'auteur, derrière, il va vendre des œuvres, ça va augmenter la cote, il va trouver des collectionneurs, enfin voilà, que sais-je. Dans le secteur de la bande dessinée, très souvent, ça peut être vécu comme étant, ça va faire la... promotion du livre, puis c'est un exercice renouvelé, c'est une façon augmentée de voir l'œuvre. Et donc il y a toujours eu, dans le grand secteur des arts visuels, le non-payement du droit d'exposition n'était pas vécu comme problématique parce que l'essentiel était ailleurs, dans une rémunération de vente d'œuvres ou de vente d'albums. Alors avec la précarisation qu'on évoquait tout à l'heure d'un certain nombre de populations dans les arts plastiques mais aussi bien sûr dans la bande dessinée, Les auteurs se sont dit, c'est quand même curieux que ce droit qui est reconnu et rémunéré dans les autres secteurs, nous qui avons exactement la même loi, on n'arrive pas à se le faire payer. Et donc le sujet est monté et monté. Il y a eu beaucoup de discussions au sein du ministère de la Culture dans les années 2015, sous Frédéric Mitterrand. Et puis, il y a eu un vrai volontarisme du côté d'une direction à la création artistique au ministère de dire, négocions ce barème. Effectivement, il faut que les sociétés d'auteurs... Il faut que les lieux de diffusion puissent trouver un tarif commun et que les auteurs touchent ces droits. Ça a duré deux ans, en 2017-2018, et en 2019, il y a un barème qui a été publié, une recommandation de la part du ministère de la Culture. Recommandation, alors vous allez me dire que c'est un peu particulier, parce que la recommandation vise à dire qu'il faut respecter la loi, c'est-à-dire qu'il faut payer le droit d'exposition lorsque des œuvres protégées sont exposées. Et ce barème-là, il est de l'ordre de 1 000 euros lorsqu'on fait une exposition monographique, plus 3 % du prix du billet d'entrée lorsqu'il y en a un. Ou alors, il est 200. Pardon ? Voilà. Comme quoi, ça ne se sait pas assez. Ou lorsqu'on est dans une exposition collective, les 1 000 euros, qui sont un minimum garanti, on peut payer bien sûr plus, et pas mal de lieux le font. Donc, ces 1 000 euros ou plus sont divisés entre le nombre d'auteurs, en fait, égalitairement. Et ça, ça visait surtout, figurez-vous, les lieux qui reçoivent des subventions. publique. Donc l'État a dit, on va négocier un tarif et il faudra que les lieux qui touchent de l'argent public respectent les lois de la République en payant les auteurs. Mais c'était quand même une vraie innovation, encore une fois, pour tout un tas de raisons, où les budgets étant contraints, beaucoup de directeurs de lieux d'expo vraiment sincèrement considéraient qu'il fallait mettre l'argent ailleurs en termes de production, en termes d'assurance, de transport. Peut-être de petits fours, aussi toutes les dépenses contraintes, d'électricité, de fluide, de sécurité. Je pense qu'on a tous conscience que les budgets sont super serrés et que donc ce droit-là, s'il fallait un peu sacrifier quelque chose, c'était ça. Encore une fois, les choses ont évolué, il y a ces barèmes. Ce qu'il faut dire aussi, c'est qu'à l'appui de cette injonction, le ministère de la Culture a... apporter des budgets, notamment dans les arts plastiques et dans la photographie. Depuis 2021, il y a eu, dans les subventions publiques, plus de mous qui a été donné justement pour que les lieux soient en mesure de payer ces droits. Et donc aujourd'hui, les festivals de photographie, les FRAC, les fonds régionaux d'art contemporain, les centres d'art, les grands musées nationaux, on parlait tout à l'heure de Pompidou, d'Orsay, du musée d'art moderne de la ville de Paris. tous se sont mis en ordre de marche et aujourd'hui, on le voit à la DGP, payent du droit d'exposition. Ce qui n'était pas le cas encore en 2019. Comme quoi les choses ont évolué et ce qui est très intéressant, c'est de voir que les auteurs eux-mêmes, aujourd'hui, c'est bien normal, considèrent que c'est justement normal. Ça fait partie des droits comme les auteurs-compositeurs lorsque leur musique est diffusée. Alors il reste encore ce travail-là à faire certainement dans la bande dessinée. et voilà donc je crois qu'on y travaille je sais que c'est un sujet qui est porté par les directeurs des lieux qui se sont réunis sous Club 99 nous avons fait la démarche notamment avec Marina d'aller voir le ministère de la Culture pour indiquer que ce qui a été fait et ce qui fonctionne très bien aujourd'hui pour la photographie et pour les arts plastiques il faut que ça aille jusqu'à la bande dessinée que les expositions de bandes dessinées doivent générer, au-delà des honoraires, lorsque l'auteur est concrètement associé à la création de l'œuvre, au-delà des déplacements, des défraiements, etc., qu'il touche ce fameux droit d'exposition qui va contribuer à faire en sorte que les auteurs de bandes dessinées puissent continuer à exercer leur profession. Encore une fois, on le sait tous, je crois que c'est un constat partagé depuis fort longtemps. La bande dessinée ne paye plus ni sa femme ni son homme, donc il faut absolument trouver des revenus complémentaires à l'édition d'album. Alors ça va être l'édition d'estampes, une diffusion, ça va être ce que vous disiez, le droit de suite, c'est-à-dire la vente d'originaux à des collectionneurs qui peut-être ensuite vont s'en dessaisir et ces planches originales vont tourner sur le marché de l'art via les galeries, via les maisons de vente aux enchères, on a vu des très belles ventes. Eh bien ça, ça rapporte, il y a un droit qui est associé à ces reventes sur le marché de l'art. Et à la DGP, on voit tout à fait que ça fait des revenus, pas pour tous les auteurs de bandes dessinées, mais pour plusieurs centaines d'auteurs de bandes dessinées, des revenus qui ne sont pas du tout anodins. C'est toute cette déclinaison, c'est les interventions aussi, bien sûr, en colloque, les interventions scolaires, les résidences, il y a beaucoup, beaucoup de choses. Et le droit d'exposition participe de ça absolument. Et il faut... que la loi soit, au-delà d'être écrite en lettres de feu, dans un joli code, mais que pour les auteurs, ça devienne des rémunérations sonnantes et trébuchantes.
- Speaker #0
C'est assez passionnant. Et justement, François... Comment cette distinction entre honoraire et droit d'exposition est quand même à mon avis une des clés du ressort de ce que tu expliquais, c'est-à-dire que ce n'est pas parce qu'on fait un travail de commissariat d'exposition que c'est ce qu'on rémunère dans le droit d'auteur. Après, forcément, ça questionne aussi des budgets de festival, mais ça, ça sera plus tard dans une autre table ronde où ce sera peut-être abordé. Par contre, François, toi qui as une grande expérience. Comme ça, depuis les années 80-90 d'exposition de la bande dessinée, tu as été rémunéré en tant que théâtre d'exposition, en tant que scénographe, mais tu as touché ces droits d'exposition ?
- Speaker #3
C'est tout récent, historiquement c'est tout récent. Je m'excuse, j'étais très intéressé par le fait que tu aies parlé de Beaubourg, parce que là on a quand même un événement important, c'est un des premiers grands musées qui reconnaît la bande dessinée, qu'il expose dans une... Vraiment, c'est très spectaculaire, la façon dont la bande dessinée investit Beaubourg. Donc, il y aurait beaucoup de choses à dire, évidemment, sur cet événement, parce que j'y participe en plus. Il y a deux, trois choses que je voudrais dire sur cette exposition. D'abord, c'est que nous ne sommes pas tous à égalité dans cette exposition. Il y a des tas d'oublis, évidemment, d'auteurs dont on peut regretter qu'ils ne soient pas là. Mais ça, c'est encore un autre problème. Il y a la façon de les exposer, on peut en parler beaucoup. Dans cette optique muséale classique. verticales, il y a des choses qui apparaissent et qui sont frappantes. Nous ne sommes pas tous à égalité parce qu'il y a des moments où les auteurs travaillent petits. L'étonnement entre ce que lit le lecteur et l'exposition de la planche se réduit. Il y a le contraire aussi. Dreyer, il fait des planches qui font 1m20 ou un truc invraisemblable. Je ne vous conseille pas d'exposer à côté d'une planche de Dreyer, vous êtes totalement... invisible, c'est une explosion fantastique, extraordinaire. Là, j'ai un auteur qui m'a ébloui en voyant cette expo, c'est Jean-Claude Forest, c'est l'auteur de Barbarella, d'une extraordinaire liberté, il voulait retrouver un geste, c'est relativement tardif, au pinceau, et c'est un éblouissement évidemment. Donc, c'est très difficile de dire et de commencer à avoir un propos très radical et unique sur... comment exposer la planche de bande dessinée. Il y a des cas où vraiment, c'est une révélation, on peut le dire. On se dit, c'est incroyable. Il y a l'émotion qu'on peut avoir d'être devant une planche d'Hergé, d'Astérix, de Lucky Luke. Et Dieu sait si elles sont assez extraordinaires, surtout pour un professionnel. Il y a les aberrations d'exposer une planche sans le texte. Alors ça, je ne comprends pas comment c'est possible d'exposer une planche dont on enlève une... partie de ce qui fait son écriture, ça me semble aberrant. Donc, il y a des tas de choses comme ça où on se dit qu'il y a vraiment un manque de réflexion, un manque d'analyse. Quels sont les auteurs où on se dit, oui, c'est vraiment un apport considérable. Ça va créer de l'émotion. Ça va permettre de regarder différemment l'auteur. Et puis, il y a, on va exposer les originaux sans réfléchir, sans comprendre, on mélange les copies, les originaux. Il y a tout et n'importe quoi. Il y a des choses magnifiques. Je ne parle pas d'expo de Beaubourg, mais je parle dans la démarche d'exposer de la BD. Il manque encore une vraie réflexion. Moi, je m'étais fâché une fois quand il y avait une exposition de Jacques Tardy que j'aime beaucoup, dont j'aime beaucoup l'œuvre, qui était au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles, qui était une exposition qui a été créée en Goulême. Et pour des raisons X et Y, Ils ont remplacé les originaux par des copies. Mais ils ont gardé les Marie-Louise, l'encadrement et les légendes. Et tout le texte. Parce que les originaux partaient à Londres, je crois, et ils se sont dit, on va quand même la faire tourner. Et même les journalistes, comme ils l'avaient vu en Goulême, ne sont pas venus voir l'exposition. Ils ont dit, très belle exposition de Jacques Tardif. Mais c'était des copies, c'était des photocopies à la place. Dans un musée des beaux-arts. J'ai envoyé une lettre, scandalisée du mépris pour la bande dessinée, pour les lecteurs et pour ceux qui visitent cette exposition. Les professionnels le voyaient, évidemment. Et ça, il n'y a pas si longtemps, c'est une petite dizaine d'années. Donc, on voit bien qu'il y a là un manque d'éthique, un manque de vraie réflexion sur qu'est-ce que c'est qu'exposer une planche de bande dessinée aujourd'hui, avec les techniques qu'il y a aujourd'hui, les techniques de reproduction et... avec la difficulté d'exposer des auteurs qui travaillent en numérique, par exemple, ou l'original. Donc, tout ça est extraordinairement complexe et demande quand même préalablement une vraie réflexion.
- Speaker #0
préalablement et aussi un contrat vis-à-vis du public. Là, je rebondis par rapport à ce qu'on dit, mais parfois on peut avoir dans un festival, on va nous dire, il y a telle exposition, et en fait c'est un couloir où il y a quelques planches qui sont reproduites, même pas des originaux. Donc c'est ça aussi, quand on pense l'exposition, penser acte de création scénographique, je pense que c'est quelque chose qui doit être, si c'est ça en plus qui fait l'identité d'un festival, doit être valorisé et pas nommé. expositions, des photocopies ou des choses qui méprisent en fait l'acte même d'exposer. Je vous indique juste qu'aussi, l'espace d'exposition peut être un lieu revendicatif et là je voulais juste saluer l'exposition à Angoulême encore de Écrire est un métier qui avait réuni tous les scénaristes sur l'invisibilisation qui peut exister sur les auteurs et encore plus dans la bande dessinée. sur les scénaristes, sur des questions aussi de rémunération et de reconnaissance de leur travail.
- Speaker #4
Oui, donc ça, c'était dans l'exposition « Écrire est un métier » en 2022, où j'aborde vraiment la question du métier de scénariste. Et il y avait la dernière partie de l'exposition qui était consacrée à la condition matérielle des scénaristes, qui est non seulement un métier qui est très méconnu de la part du public, qui est très invisibilisée dans la profession aussi, qui est un peu la dernière roue du carrosse, alors que c'est en général la première personne qui travaille sur le projet et qui commence par prendre tous les risques pour enclencher la production d'un livre. Donc dans cette exposition, peut-être qu'on peut revenir sur cette partie qui fait le constat de ce métier-là en chiffres. Toutes les informations, je les ai prises vraiment sur les sites officiels du ministère, sur les sites officiels qui donnent toutes les données. Et à partir de là, on peut se faire une idée du paysage et des manques au niveau des statuts, des manques au niveau de l'administration et de l'application des lois par rapport au métier de scénariste. Par rapport à la dimension de l'exposition, je me suis dit que... L'exposition, là, c'était une exposition sur le métier. Donc, c'était complètement différent de l'exposition que j'avais faite précédemment. Et la question, c'était vraiment comment on expose un métier, qui est un métier de l'écrit, sans que ce soit ennuyeux, où il y aura beaucoup de textes. Et je me suis donnée comme contrainte de ne pas exposer une seule planche de bande dessinée, mais d'exposer les archives des scénaristes. Et... Voilà, donc j'ai invité 32 scénaristes d'horizons, de générations, de cultures différentes à m'ouvrir leur bureau. Et l'idée, c'était de montrer vraiment le concret de ce métier. Donc, on les voit au travail, on voit leur bureau et dans les textes, ils expliquent leur méthodologie, leurs horaires, vraiment comment ils travaillent tous les jours. Et ça permet... Ça permet, à travers l'exposition, de toucher vraiment le concret, la tangibilité, l'existence d'un métier et de montrer aussi sa diversité. De montrer que c'est un métier, un vrai métier et pas un hobby ou quelque chose qu'on fait à côté. Une des questions qu'on m'a posée il y a un moment, je ne sais pas si on la pose encore, mais quand je disais que j'étais scénariste de bande dessinée, on me disait « Ah bon, ça existe ? » Oui, ça existe. C'est un travail qui est rémunéré et qui est à la base toute une économie. L'exposition, c'est aussi un lieu d'information, c'est un lieu de réflexion. Et cette partie un peu revendicative, elle était là aussi pour bousculer les gens dans leur, je n'aime pas le mot ignorance, c'est un peu surplombant, mais en tout cas dans leur manque d'information. et de faire réfléchir et d'essayer de sortir de cette invidualisation et de faire bouger un peu les choses par rapport au métier de scénariste.
- Speaker #0
On va finir parce qu'on aurait pu encore continuer, mais vis-à-vis de cette exposition et vis-à-vis de ce que peut générer aussi une exposition, c'est-à-dire qu'au départ, on part peut-être d'un univers d'auteurs, de scénaristes, de dessinateurs, de livres qui existent déjà. Et une exposition, ça peut aussi amener un catalogue ou un... ou une nouvelle édition. Et c'est aussi des problématiques qui font que, vu les budgets aujourd'hui des festivals, il y a très peu de traces. qui reste de ces expositions. Et ça, c'est aussi un domaine de recherche parce que tous ces interviews sont fascinants. À Formula Boula, il y a beaucoup aussi d'interviews d'auteurs qui permettent d'avoir un accès à une œuvre. Ce travail de médiation est souvent très éphémère de ce qui se passe dans les festivals, qui sont dans des durées très courtes en plus par rapport à Beaubourg, où là, on a une exposition qui va durer presque six mois. C'est ça aussi l'événement. d'un musée ou d'une institution comme Beaubourg qui expose avec toutes les critiques qu'on peut lui faire. Ici, à Formule 1, on est là pour un week-end. On peut avoir des expositions qui vont durer un mois ou deux pour certains festivals dans certains lieux. Mais voilà, je vous remercie et on aura réussi à projeter ces images. Et je pense que vraiment, on aurait pu faire un colloque. La prochaine fois, on ouvrira un séminaire. Le lieu s'y prête. Voilà, merci beaucoup. À vous.