- La radio des Français dans le monde
La radio des français dans le monde présente le dossier spécial Les ados et l'expatriation, parrainé par Expat Students, le spécialiste des candidatures pour les universités au Royaume-Uni, en Europe et au Canada.
- Gauthier Seys
Les ados et l'expatriation, pour en parler, on va prendre des spécialistes. Et les spécialistes, on les trouve où ? Chez ExpatPro, partenaire de ce dossier spécial, Cécile, qui toutefois pilote ExpatPro. aujourd'hui change de casquette et met sa casquette de consultante en mobilité internationale et spécialiste de l'enfance en expatriation pour échanger avec moi. Bonjour Cécile Gilbert.
- Cécile Gylbert
Bonjour Mathieu.
- Gauthier Seys
Content de te retrouver, c'est vrai qu'aujourd'hui, changement de casquette, même si tu es dans le cadre de l'Expat Pro quand même, on va parler de toute cette carrière professionnelle que tu as fait autour du sujet de l'enfance et de l'adolescence.
- Cécile Gylbert
Oui. C'est vrai que ça a été ma carrière. C'est toujours ma carrière, ça fait 20 ans. Peut-être un petit peu plus, même maintenant.
- Gauthier Seys
Ah oui, les années passent. Tu as écrit un livre de référence en 2020, remis à jour régulièrement. Les enfants expatriés, enfants de la troisième culture. La troisième culture, on peut la définir en quelques mots ?
- Cécile Gylbert
La troisième culture, on va dire que c'est la culture de ces enfants qui ont vécu leur enfance en expatriation. Donc, ils ne se sont jamais vraiment appropriés. ni la culture de leurs parents, leur culture d'origine, ni la culture des divers pays dans lesquels ils ont vécu, et qui ont créé une culture de synthèse qui est devenue la leur et qu'ils partagent avec les autres enfants de la troisième culture.
- Gauthier Seys
On parle de racines. Lorsqu'on est et qu'on grandit au même endroit, on y plante ses racines. Ces enfants n'ont pas de racines ?
- Cécile Gylbert
Ou alors ils en ont trop, Gauthier. Moi, je préfère dire qu'ils en ont trop. On dit souvent, d'ailleurs ils le disent eux-mêmes, qu'ils sont sans racines, qu'ils ne savent pas à quel pays s'identifier ou à quelle culture s'identifier. Mais moi je pense juste qu'ils sont multiradiculaires. Le problème c'est qu'on n'est pas vraiment dans des sociétés où c'est facile à expliquer. On te dit toujours d'où tu viens, on ne s'attend pas à ce que tu dis, je viens de là, là, là et là.
- Gauthier Seys
Et j'ai souvent eu des gens qui ont eu l'occasion de grandir en expatriation et de bouger avec des parents qui étaient originaires. Par exemple, deux Français qui ont grandi au Canada, c'est un exemple qui me vient en tête. Ils ne sont pas canadiens quand ils sont là-bas, ils ne sont pas français quand ils sont ici. On doit gérer quand même ce genre de situation.
- Cécile Gylbert
Oui, on gère, on gère, on devient enfin la troisième culture. Et en fait, à partir du moment où on en a conscience, c'est beaucoup plus simple. L'obstacle, on va dire, le défi la plupart du temps, c'est qu'on n'a pas vraiment conscience de ça et on est tiraillé entre plusieurs cultures.
- Gauthier Seys
Alors toi, tu as été expat étudiante, célibataire, en couple, en famille. Aujourd'hui, tu as trois enfants de 27, 25 et 23 ans. Donc, ils ont un peu grandi. Ils sont d'ailleurs expats à leur tour. Tu m'as dit, moi, j'avais un véritable labo à la maison.
- Cécile Gylbert
Oui, c'est vrai que j'avais un véritable labo à la maison parce que mes enfants, on va dire que c'était des caricatures de tout ce qui peut arriver aux enfants de la troisième culture. Et puis, je les ai suivis, bien sûr. Je les ai suivis avec l'œil, on va dire, de la… spécialiste en tout cas je faisais de la recherche à ce moment là et c'était mon labo voilà je faisais des... je vais pas dire que je faisais des expériences c'était pas...
- Gauthier Seys
Fais attention à ce que tu dis on est quand même sur une radio qui est très bien coûtée.
- Cécile Gylbert
Exactement mais c'est vrai que j'ai suivi leur développement et je me suis rendu compte qu'ils avaient vraiment des particularités chacun avec leur personnalité parce que quand on parle d'enfants de la troisième culture ça reste une tendance culturelle mais chaque enfant a sa propre personnalité son histoire son parcours sa famille.
- Gauthier Seys
On dit que les ados expatriés sont très matures. Qu'en penses-tu ?
- Cécile Gylbert
Oui, c'est vrai qu'on dit toujours que les enfants et les ados expats sont débrouillards, dégourdis, matures. Mais en fait, c'est un peu plus complexe que ça quand même. Il faut savoir que dans un processus de croissance classique, l'individu doit franchir certaines étapes. C'est un processus culturel et au cours de notre développement, ça nous aide à bâtir notre identité et notre appartenance. en respectant certaines étapes bien précises qui sont, 1. Apprendre des règles culturelles de base de notre environnement quand on est enfant, 2. Les intérioriser, les mettre à l'épreuve en testant les limites quand on est adolescent, 3. Pour finalement les utiliser comme base pour vivre et interagir en société en tant qu'adulte. Pour un enfant, le problème ne se pose pas vraiment. Finalement, quand il part en expatriation ou s'il change de pays, On va dire qu'il ne faudra qu'absorber de nouvelles règles qui vont se juxtaposer aux règles culturelles qu'il connaît déjà. Pour l'adolescent en revanche, ça se complique. Normalement, un adolescent devrait être dans le processus d'assimilation, de test et de mise en pratique de toutes ces règles culturelles. Dans le cas d'un changement d'environnement, changement de pays, départ en expatriation pour la première fois, les normes culturelles changent. Donc, il se retrouve dans la situation du petit enfant qui découvre de nouvelles règles, de nouveaux usages, de nouveaux codes et de nouvelles références au quotidien. D'ailleurs, à ça, on peut ajouter aussi le changement d'établissement scolaire, avec parfois des changements de méthodologie. On va dire qu'un jeune scolarisé à une école française, puis à une école internationale ou locale, il va devoir s'adapter non seulement à des valeurs différentes qui sont véhiculées par l'établissement, mais également à des méthodes de travail. Donc, comme pour les notions culturelles, ça va lui demander un temps d'observation, un temps d'assimilation.
- Gauthier Seys
Et tu considères qu'on peut se retrouver dans des situations ? Avec des adolescents retardés ?
- Cécile Gylbert
Oui, alors les deux premières conséquences immédiates, on va dire, peut-être même avant de parler de l'adolescence retardée qui sera la conséquence dans le temps, les deux premières conséquences immédiates de cette situation, ça va être d'abord pour les ados qui vivent ces changements en expatriation, ce premier départ en expatriation, un sentiment de régression. Alors que les ados de leur âge commencent à se mouvoir à l'aise dans leur environnement, eux, ils vont en être encore à prendre connaissance de nouvelles règles culturelles, à essayer de les incorporer, de les appliquer, etc. Donc, ça engendre un sentiment de régression qui lui-même engendre un sentiment de perte de confiance en soi. On se sent comme un petit enfant. Et ça peut aller jusqu'à la mise en retrait, d'ailleurs, socialement. Et la deuxième conséquence immédiate, ça je dirais que c'est vraiment pendant l'adolescence, c'est la perte d'autonomie. À une époque où normalement, tu as été un adolescent, Gauthier, moi aussi, l'adolescent cherche quand même peu ou trop à se détacher de sa famille, là il en redevient complètement dépendant, surtout au début de l'expatriation. Donc il ne va pas tester ses parents de la même manière qu'un ado sédentaire. Parce que la famille, c'est son seul point d'ancrage.
- Gauthier Seys
C'est ça, quand il est à la maison, c'est un peu le seul endroit où tous les paramètres sont sécurisés, on va dire.
- Cécile Gylbert
Exactement, il va moins se permettre la confrontation ou le dépassement de limites, souvent par peur de fragiliser les relations avec les parents qui, finalement, sont son seul point de repère.
- Gauthier Seys
Résultat, c'est relativement paradoxal de parler d'enfants, d'ados matures, avec néanmoins un petit retard parfois. deux fonctions qui ne cohabitent pas ensemble, logiquement ?
- Cécile Gylbert
Alors, en fait, là, ce sont deux conséquences qui sont immédiates. Et pourtant, ils sont quand même matures extérieurement. Oui, ils savent très bien prendre l'avion tout seuls. Ils savent débrouiller en pleine situation. Tout ce qu'ils voient, tu sais, tout ce qu'ils voient, tout ce qu'ils voient n'est pas forcément la réalité. En revanche, comme cette phase de test, elle est quand même indispensable et qu'elle ne se fait pas au moment de l'adolescence. elle aura tendance à avoir lieu plus tard. Comme l'adolescente n'aura pas testé les limites de toutes ces valeurs, puisqu'elle aura été encore, pendant l'adolescence, au stade de les intégrer, on va dire que cette phase de test sera bridée un peu par les circonstances, mais comme elle est indispensable, elle démarrera plus tard, et elle peut même devenir démesurée, et se transformer en défi permanent. face à toutes les convenances familiales, sociales. En tout cas, elle sera décalée dans le temps, c'est-à-dire qu'elle sera plutôt à l'âge adulte. Moi, dans mes accompagnements, je rencontre beaucoup de jeunes adultes en pleine rébellion adolescente. On va dire qu'ils ont autour de 20-30 ans et ils se conduisent comme des jeunes de 16 ans.
- Gauthier Seys
Oui, il y a vraiment un décalage pour le coup.
- Cécile Gylbert
Voilà. Et le problème de cette crise d'adolescence à retardement, c'est que ce type de rébellion peut avoir des conséquences beaucoup plus destructrices à l'âge adulte qu'à l'adolescence. impacté une vie professionnelle, un mariage, une vie de famille, etc.
- Gauthier Seys
Est-ce que du coup, Cécile, tu as des conseils à donner aux parents qui nous écoutent, mais aussi aux ados qui vont se pencher sur ce podcast ?
- Cécile Gylbert
Pour les parents, je dirais... Pour les ados aussi, d'ailleurs. Pour les parents, je dirais tout d'abord être au courant de cette caractéristique des ados en expatriation. Savoir que l'adolescence en expatriation, c'est vraiment un moment charnière de la vie, l'adolescence, et l'expatriation vient un petit peu... brider le développement de l'adolescence. Donc, pour les parents déjà être au courant de cette caractéristique, leur laisser également des choix à faire, des décisions à prendre, leur laisser de la liberté. Quand on part en expatriation ou qu'on change de pays avec un ado, la première chose qu'on fait, c'est souvent de le protéger un petit peu. Or, c'est quand même un âge où ils ne vont pas avoir autant d'autonomie que ce qu'ils auraient eu s'ils avaient été sédentaires. Mais ils en ont besoin. C'est nécessaire. Donc, je dirais leur laisser de la liberté. Bon, ce n'est pas toujours facile. Quand on part de Paris, de Nantes ou de Lyon, et qu'on arrive à San Paolo.
- Gauthier Seys
Il y a certains endroits.
- Cécile Gylbert
Il y a des comptes insécuritaires. Non, on ne pourra pas laisser la même liberté à nos adolescents. Mais un être conscient et essayer d'améliorer. ou en tout cas d'organiser ces contraintes-là pour qu'elles soient minimisées et qu'ils puissent avoir, dans un certain cadre, une forme de liberté. Et puis, je dirais pour les parents aussi, se préparer à avoir des ados plutôt tranquilles à l'adolescence et plutôt rebelles en tant que jeunes adultes. Et moi, je vois bien dans les familles que j'accompagne, dans les jeunes adultes que j'accompagne, les familles tombent un peu des nues parce qu'en fait, c'était un ado super chouette, etc. Et puis finalement, il a 25 ans et là, la famille comprend les parents, notamment ne comprennent plus rien, beaucoup de reproches, de la rébellion, mettre en cause les valeurs familiales, etc. Donc ça, je pense que c'est bien que les parents aient conscience. Ça peut arriver, puis c'est comme toujours, beaucoup d'écoute, beaucoup de dialogue, beaucoup d'accompagnement, puis on minimise un peu l'impact.
- Gauthier Seys
Et pour les ados, est-ce que toute cette vie associative qui existe à l'étranger, ce n'est pas une solution de quitter un peu le cocon familial et de vivre des choses par soi-même ?
- Cécile Gylbert
Tout à fait, mais ça demande un petit peu de temps, parce que même dans le cadre de ces assos, bien sûr, pour donner de la liberté, c'est souvent une des meilleures solutions, mais eux-mêmes, pour interagir au sein de ces ados, ils vont devoir quand même intégrer de nouvelles façons de faire, un nouveau savoir-être surtout, et pour les ados, ça demande un investissement, ils ne sont pas toujours prêts à donner à ce moment-là, en tout cas, ils n'étaient pas préparés. Mais ce que je leur donnerais, moi, comme conseil, à nouveau, un peu comme les parents, c'est d'être conscient que cette situation, elle est normale. Ils se sentent en régression, ils perdent de la confiance en eux, souvent, à ce moment-là. Mais je dirais que c'est une étape obligatoire et que ça ne remet pas du tout en cause ni tout ce qu'ils ont acquis, ni qui ils sont, ni leur savoir-faire, ni leur savoir-être.
- Gauthier Seys
Et finalement, est-ce que le mieux, ce n'est pas de leur donner la possibilité de parler avec des gens comme toi, des spécialistes, pour qu'ils puissent justement échanger et mettre des mots sur ce qu'ils vivent ? Parce que devoir tirer des conclusions tout seul, c'est sans doute plus difficile, voire impossible.
- Cécile Gylbert
Alors, bien sûr, quand ça génère, ça ne génère pas toujours des problèmes non plus. Ça peut générer une déstabilisation, un déséquilibre. Mais si ça génère, on va dire, des défis... des problèmes à ce moment-là, je pense que c'est bien d'avoir une, deux ou trois séances avec un spécialiste qui va leur expliquer, leur dire voilà où tu en es, et surtout voilà pourquoi ça se passe. Les ados sont toujours très friands de compréhension de la situation. Quelles sont les causes ? Pourquoi ça m'arrive ? Pourquoi je suis comme ça ? Autre chose qui est profitable dans ces situations-là, c'est de rencontrer d'autres ados qui ont vécu cette situation-là.
- Gauthier Seys
Les ados que j'ai pu avoir pour ce dossier spécial, Souvent on m'explique que la phase où ils ont appris qu'ils allaient bouger, qu'ils allaient devoir apprendre une nouvelle langue, changer de culture, etc. Ça les a beaucoup perturbés, mais avec le temps ils se rendent compte que c'est une magnifique expérience, très enrichissante. Ce phénomène-là, tu l'analyses souvent ?
- Cécile Gylbert
Alors je l'analyse souvent, je l'analyse très très très souvent, mais c'est comme tout, on appréhende même en tant qu'adulte et même sans être expatrié. on appréhende quelque chose. C'est vrai. Parfois, la situation est difficile, mais qu'est-ce qu'on est content quand on a réussi à la gérer, à surmonter l'obstacle, etc. On en est fier, on en est content, et à ce moment-là, on en voit tous les bénéfices.
- Gauthier Seys
Alors, si vous voulez, en tout cas, échanger avec Cécile Gilbert et cette expertise sur les enfants qui ont vécu toute leur vie en expatriation, vous pouvez entrer en contact. Le lien de son blog est disponible dans ce podcast. Merci aussi à toi et à Catherine pour les experts que tu m'envoies pour ce dossier sur les ados très riche et très varié. Donc voilà, merci et merci.
- Cécile Gylbert
Merci à toi, Gauthier, pour donner la parole à tous les experts d'Expat Pro, donner la parole également, et puis être un partenaire de la première heure.
- Gauthier Seys
À bientôt, salut.
- Cécile Gylbert
À bientôt.
- La radio des Français dans le monde
Les ados et l'expatriation en partenariat avec les experts du réseau Expat Pro. Dossier parrainé par... Expat Student, le spécialiste des candidatures pour les universités au Royaume-Uni, en Europe et au Canada.