- Speaker #0
Bienvenue dans Perspective, le podcast de France Stratégie, avec aujourd'hui un épisode spécial car exceptionnellement, il n'est pas consacré à une publication, mais à une initiative et une structure complète, le Forum pour l'Avenir Franco-Allemand. En effet, chaque année, le 22 janvier, est la journée franco-allemande et ce n'est pas un hasard. Les relations entre la France et l'Allemagne servent de boussole, de baromètre pour toute l'Union Européenne et notamment depuis le 22 janvier 1963. Quand le général de Gaulle et le chancelier Adenauer ont signé le traité de l'Elysée, un traité de coopération destiné à sceller la réconciliation entre la France et la République fédérale d'Allemagne. Depuis lors, les deux pays n'ont cessé de renouveler, d'étendre et de renforcer leur coopération dans de nombreux domaines, avec notamment des cycles de travaux et des recommandations à la manière de France Stratégie. Mais je n'en dis pas plus, car nous allons justement aborder tout cela dans le détail avec les deux co-secrétaires du Forum pour l'Avenir Franco-Allemand. Sabine Buie pour la France et Frank Bassner pour l'Allemagne. Bonjour à tous les deux.
- Speaker #1
Bonjour.
- Speaker #2
Bonjour.
- Speaker #0
Alors effectivement, j'ai tenté un tout petit rappel historique avec le traité de l'Elysée, mais le forum pour l'avenir franco-allemand est bien plus jeune. Il est issu du traité d'Aix-la-Chapelle, signé en 2019, le 22 janvier évidemment, par le président de la République française Emmanuel Macron et la chancelière de la République fédérale d'Allemagne Angela Merkel. Plus précisément, c'est l'article 22 du traité qui est l'élément déclencheur. Alors expliquez-nous ce qui a conduit à la création du forum.
- Speaker #2
Tout d'abord, il faut rappeler que ce traité de l'Elysée de 1963 a structuré quand même la coopération franco-allemande pendant de longues années. Et l'idée de refaire un traité, de renouveler un peu cet engagement très spécifique, ça ne date pas d'hier, c'est même plus vieux que le traité d'Aix-la-Chapelle, mais il a fallu un certain temps pour que les gens se mettent d'accord, les gouvernements qui se sont succédés soient vraiment d'accord pour dire oui, on va signer un tel traité, très engageant. Et on l'a fait sur beaucoup de sujets, l'armement justement qui est un grand sujet aujourd'hui, mais il y a aussi des nouveautés qui concernent plutôt les sociétés, nos sociétés civiles, la société telle qu'elle vit dans les collectivités. Et l'idée de départ de ce Forum pour l'Avenir, c'était de dire, eh bien nous avons tellement de structures, tellement de coopérations déjà existantes, mais parfois ça manque un peu de visibilité, ça manque, comment dire, d'une plateforme où on peut émerger du concret vers une sphère plus politique, vers le débat politique. qui souvent se passe au niveau national, européen parfois. Et l'idée vient de là, donc, de donner une opportunité, une possibilité de visibilité de ce qui se fait dans nos deux pays, dans nos deux sociétés, sur les grands sujets d'avenir.
- Speaker #0
C'est ça. Je l'ai dit d'ailleurs en introduction, la collaboration franco-allemande ne date pas d'aujourd'hui. Mais alors, du coup, quelles sont les spécificités du Forum pour l'avenir dans cette collaboration ? Quelle est sa place et comment est-ce qu'il s'insère dans les dispositifs existants ?
- Speaker #1
Les spécificités du Forum par rapport à ce qu'il faisait jusque-là, c'est d'accorder une entière confiance aux initiatives locales et notamment par le biais des collectivités locales. Le Forum franco-allemand identifie des collectivités qui auraient pu mettre en place des initiatives innovantes et qui pourraient les partager entre elles, collectivités allemandes et collectivités françaises. Et c'est vraiment la méthode du button-up qui n'était pas utilisée jusque-là. Nous avons un sujet d'intérêt commun, franco-allemand, et quelles sont les recommandations qui peuvent remonter du terrain, aider nous à identifier ce qui va bien, les freins que vous rencontrez, et quelles sont les recommandations qu'on peut fournir au gouvernement en termes de politique publique. Donc il y a déjà cette méthode-là, faire remonter du terrain, mais il y a aussi les parties prenantes qui sont associées. Ce ne sont pas forcément que les représentants des collectivités. On a l'ensemble des... parties prenantes qui sont sur les territoires. Les ONG, les associations, les experts, les administrations publiques. Donc voilà, c'est une méthode nouvelle et qui intègre et qui associe beaucoup plus d'acteurs que ce qu'on a l'habitude de le faire, que ce soit en France ou en Allemagne, lorsqu'on définit des objectifs de politique publique ou lorsqu'on aborde des politiques publiques.
- Speaker #0
Les remontées sont très larges depuis le terrain. D'accord. Et pour être très concret, comment travaille le Forum ? Comment est-ce qu'il est constitué ? Quelle est son équipe ? J'ai un peu l'impression, quand j'ai regardé son organigramme, qu'il s'agit d'un fonctionnement un peu similaire à celui de France Stratégie, mais qui est fait un peu en miroir entre la France et l'Allemagne, c'est bien ça ?
- Speaker #2
Pas du tout.
- Speaker #1
Pas du tout ?
- Speaker #2
Pas du tout. Voyez-vous, si on veut trouver deux pays qui sont différents dans leur organisation politique, administratives, il y a la France et l'Allemagne. Donc l'Allemagne n'a pas de France stratégique. Ça n'existe pas. Évidemment, il y a des experts, oui. Il y a du savoir-faire, oui. Il y a des chercheurs, oui. Donc, pour simplifier un peu la réponse, ce Forum pour l'Avenir est un produit très... typiquement franco-allemand dans la mesure où c'est asymétrique. Ce n'est pas vraiment identique parce qu'il n'y a pas d'identité, mais on essaie quand même de bien travailler ensemble. Côté français, c'était assez naturel de dire, nous avons ce fonds stratégique, qui a une capacité d'expertise sur beaucoup de sujets, et une capacité de prospective, et a l'habitude aussi de produire des recommandations. Donc là, il y avait une grande expertise. Le volet franco-allemand manquait un peu. Bon, ça s'est ajouté au travail, c'est bien. Côté allemand, on a mis le projet auprès du ministère de la Recherche, parce que sinon, si vous allez vers un seul ministère, vous avez un seul sujet. Et dès qu'on aborde plusieurs sujets transversaux, c'est compliqué, ça devrait changer de ministère et ça ne va pas du tout. Donc il y a ce ministère de la Recherche qui a tous les sujets d'avenir sur la table, que ce soit le développement durable, que ce soit l'intelligence artificielle, toutes les recherches en cours au fond. C'est le seul ministère qui a un... un peu ce côté transversal. Donc, au fond, ce n'est pas absurde de dire, nous allons le financer par un projet associé et donner... Donc, l'argent vient du ministère de la Recherche. Donc, c'est asymétrique, oui. On essaie de ne pas nous laisser, comment dire, mettre obstacle par l'asymétrie.
- Speaker #1
Oui, tout à fait. Mais j'ai presque envie de vous donner en partie raison, quand même, sur la réponse. que là où on peut dire qu'il y a des similitudes avec France Stratégie, France Stratégie est là pour évaluer, anticiper, débattre, proposer. Et ça, c'est vraiment ce que fait le Forum. On évalue des initiatives innovantes, locales, qui ont pu se mettre en place. On participe à une évaluation d'une certaine façon. Et pourquoi ? Pour pouvoir anticiper les défis qu'on a identifiés en même temps. Là, le troisième cycle des travaux, notre défi est celui d'accélérer la transition énergétique. Du coup, on met en place des groupes de pairs, des experts, on crée des événements, on permet des dialogues entre pairs pour débattre et in fine proposer des politiques, des recommandations de politique publique. Donc, dans ce sens, c'est vrai que ça peut ressembler et ça ressemble aux travaux que mène France Stratégie. Mais j'aimerais juste revenir un petit peu sur, donc vous l'avez dit, Franck Bassner et moi-même, nous sommes les co-secrétaires du Forum. Oui. Nous avons une équipe dédiée des deux côtés du Rhin, mais nous nous appuyons aussi, on n'en a pas parlé, sur un comité d'orientation. Un comité d'orientation qui lui-même est constitué d'experts français et allemands. Et le secrétariat de forum doit avec lui définir, lui faire des propositions de thématiques qui peuvent être abordées. C'est le comité d'orientation qui est le point de départ de la thématique qui va être instruite. Voilà quelle est la thématique. Et ensuite donc... Tout ça est décliné par le biais des équipes franco-allemandes pour in fine déboucher sur les recommandations de politique publique.
- Speaker #0
Ok, vous avez parlé du troisième cycle de travaux et on va y revenir un peu plus tard parce que justement, il y a déjà eu deux cycles qui sont sortis. Il y a quelque chose qui paraît incroyable, c'est comment on arrive à faire des recommandations destinées à deux gouvernements différents simultanément. Ça semble être un exercice colossal avec la prise en compte de deux législations différentes. acteurs économiques et sociaux qui sont hétérogènes. Rien qu'en France, on connaît d'importantes disparités régionales. On le voit souvent dans le podcast. Là, vous multipliez la difficulté par deux. Je ne parle même pas des défis linguistiques que vous mentionnez dans vos documents, parce que vous les mentionnez également. Comment on arrive à faire tout ça ?
- Speaker #2
Nous ne cherchons pas la simplicité. C'est le moins qu'on puisse dire. Vous savez, il y a comme un rêve au niveau européen partout. On espère toujours... pouvoir s'inspirer des bonnes pratiques des autres. Très souvent, quand il y a une réforme en cours dans un pays, on va voir chez les autres comment ils font. Sur certains modèles sociaux, c'était le Danemark, c'était la Suède, on faisait des excursions, on voulait comprendre. Et là, l'idée quand même, elle est séduisante, entre Français et Allemands, qui sont malgré tout, au niveau de leur société, assez proches. On le voit dans tous les sondages, les préoccupations sont les mêmes, même si les structures administratives ne sont pas les mêmes. Et là, de se dire, puisque nous travaillons sur du concret au niveau des collectivités, parce que tous les sujets d'innovation se déclinent après, ça arrive chez les gens là où ils vivent. Et là, l'idée, justement, consiste à dire, essayons de comprendre des solutions qui, peut-être, marchent chez le partenaire, chez l'autre, pour s'en inspirer, pas pour copier. Parfois, ça ne marche pas, parce que, justement, les structures ne sont pas identiques. Mais se dire, voilà, exemple très concret, on a ce fameux... billets uniques pour tous les trains régionaux, tous les transports en commun des villes, à un tarif unique sur l'Allemagne entière. Bon, ça, ça fait rêver le gouvernement français, y compris le président de la République. Ça, c'est un exemple. On peut dire, ben voilà, comment ils ont fait ? Bon, on est modeste, on n'est évidemment pas toujours à ce niveau-là, mais ça peut être des choses très concrètes, comment mieux impliquer les citoyens et les citoyennes dans des prises de décisions, quelles sont vos expériences, partager des expériences. Là, je pense qu'il y a comme un terreau qui peut faire pousser des initiatives très positives. En toute modestie, mais c'est ça qui parle aussi aux gens. Et là, les gens voient aussi que le travail en commun, franco-allemand avec nous, mais européen plus globalement, ça produit des résultats. Et ce n'est pas seulement des normes abstraites qui arrivent de Bruxelles, ça peut être un effet très positif, très pratique. Et là, je pense que tous ceux qui ont participé aux travaux du Forum le disent. C'est fructueux, c'est enrichissant, c'est humainement enrichissant. On parle très peu des guerres. Oui, parfois, c'est mentionné, mais ce n'est pas du tout la génération. Il faut qu'on apprenne à se parler. Non, il faut qu'on apprenne à apprendre l'un de l'autre.
- Speaker #0
On a dépassé ce stade-là.
- Speaker #1
Ce qui est sous-jacent à ce que dit Franck, c'est qu'en fait, on y arrive parce que tous les membres du forum ont envie d'y arriver. Et ça, c'est important. Ils savent pourquoi ils sont là et voilà, ils font abstraction du reste. Mais le point de départ, un facteur clé de réussite pour moi, c'est déjà de... bien identifier la thématique parce qu'à partir du moment où la thématique est vraiment un sujet d'intérêt commun, tous les membres du forum présents, qui acceptent de consacrer du temps sur une année, en présentiel, en distanciel ou autre, veulent arriver à avoir des résultats. Un, parce qu'il y a une volonté de coopérer avec l'Allemagne et vice-versa. Et deux, parce que tout ce qu'ils vont pouvoir retirer du forum va leur permettre eux d'avancer au sein de leur collectivité et de pouvoir parler aussi, c'est une forme de légitimité. C'est aussi d'une certaine façon une facilité d'amener le changement dans les collectivités, impulsé par de la coopération et jusque-là, ce sont des effets de levier qui n'avaient pas été utilisés et qui sont stimulants au sein des collectivités.
- Speaker #0
Ça diffuse bien au-delà du forum en lui-même. Alors justement, qu'est-ce qu'on sait d'autre de l'impact des travaux qui sont réalisés ?
- Speaker #1
Ce que je sais, c'est que je sais qui est présent au... lorsqu'on invite, lorsqu'on sollicite ou qui est-ce qui nous sollicite. Le mois prochain, nous serons au Sénat. Nous allons rencontrer la délégation franco-allemande, parlementaire franco-allemande. Curieux, on a été sollicité par la délégation pour savoir ce qu'avaient rendu les travaux de notre forum. Avec l'intention, bien évidemment, et je l'espère et je le vois comme ça parce que c'est ce qui m'a été confirmé, de pouvoir alimenter, notamment, les textes, les projets de loi, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Donc là, on sait qu'on fait du travail utile pour les parlementaires. Pourquoi ? Parce que les parlementaires savent eux-mêmes que les propositions qui sont faites viennent de leur territoire, des personnes qu'ils représentent sur leur territoire et de leur collectivité. Elles sont complètement légitimes et eux savent qu'ils ont intérêt à s'en emparer. Donc voilà, il y a ce réseau-là du côté des parlementaires. Et puis ce qui est certain, et je reviens à ce que je disais tout à l'heure, c'est au niveau des collectivités. Parce qu'en termes de recommandations, c'est celles qui ont besoin. d'engager ou de faciliter des transformations législatives, réglementaires. Ça, c'est confié au monde du parlementaire. Et puis celles qui, en fait, sont là juste pour accompagner des transformations qui sont déjà possibles, mais qui rencontrent des freins. Et lorsque, en termes d'aménagement urbain, par exemple, il y a Lyon qui échange avec Munich ou avec d'autres villes en disant Ah, mais vous avez telle difficulté sur la mobilité. Eh bien, voilà ce que nous avons mis en place, nous, à Lyon. Et ça, c'est une expérimentation. Oui, l'expérimentation est compliquée, mais voilà comment nous y avons remédié. Eh bien voilà, les choses sont faites. L'impact est là. C'est tout simplement du partage d'ingénierie, d'expérience qui fait que c'est débloqué sur une autre collectivité. Donc, il y a plusieurs réseaux qu'il faut distinguer et il n'y a pas que le gouvernement. La commande, elle vient du gouvernement, mais on sait qu'on sert bien d'autres réseaux et tant mieux.
- Speaker #2
Toute cette question sur l'impact est compliquée dans la mesure où ça se mesure mal. En plus, le Forum pour l'avenir est jeune, donc on ne peut pas non plus penser qu'on a déjà révolutionné le monde. Mais ce qui est certainement vrai, et on le voit dans tous les entretiens qu'on a, Sabine le disait justement, si on parle soit à des fonctionnaires qui travaillent sur les mêmes sujets, sur les projets de loi, sur des réformes en cours, ils sont très preneurs des expériences qu'on leur apporte, que ce soit de leur propre pays d'ailleurs, que ce soit de l'autre pays. Au niveau des parlementaires, c'est... très clairement le cas qu'il y a une demande d'intervenir dans des commissions parlementaires, d'apporter. Parfois, ce n'est pas inventer la roue. Parfois, c'est dire que la direction est en effet la bonne. Parce que du terrain... Oui, oui, voilà, ça aussi, il ne faut pas le sous-estimer parce que parfois, il y a des choix politiques à faire qui ne sont pas faciles, évidemment. On ne peut pas contenter tout le monde quand on fait de la politique. Il faut... Et là, c'est bien d'avoir un vécu de terrain transpartisan souvent. Et ce n'est pas tellement une mairie verte, jaune. orange, je ne sais pas, qui le dit, c'est vraiment des expériences qui viennent de beaucoup de terrains. Et là, je pense qu'on peut vraiment contribuer à un débat public politique qui a lieu dans nos deux pays. En plus, nous avons évidemment le Conseil des ministres franco-allemand, qui parfois peut être preneur d'un sujet parce que ça rentre dans le débat plus globalement politique, de grande politique entre guillemets. Là aussi, c'est possible. Et nous sommes sollicités, tu disais cela justement Sabine, par des assemblées parlementaires. mi-mars, il y a la prochaine réunion de l'Assemblée parlementaire franco-allemande à Paris. Là aussi, on est sollicité. Je vais intervenir. Donc, je pense que là, on est en train de devenir une voix qu'on écoute et c'est déjà un impact qu'il ne faut pas sous-estimer.
- Speaker #0
On ne sous-estimera pas l'impact de la voix, effectivement. Merci beaucoup à tous les deux, Sabine Buie et Franck Bassner, d'être venus au micro du podcast de France Stratégie pour présenter le Forum pour l'Avenir Franco-Allemand. Comment on prononce le Forum pour l'Avenir Franco-Allemand en allemand ? J'ai bien fait de ne pas le tenter. Un forum qui a d'ailleurs été salué récemment par une tribune publiée dans le journal Le Monde comme l'une des réussites du traité d'Aix-la-Chapelle. On retrouve toutes les informations que nous venons d'aborder et bien plus encore sur le site officiel forumpourl'avenirtoutattaché.eu. N'oubliez pas également de partager cet épisode spécial du podcast. D'ailleurs, n'hésitez pas non plus à vous abonner à Perspective sur votre plateforme préférée pour retrouver tous les anciens épisodes et être notifié des nouveaux dès qu'ils paraissent. Je vous dis à bientôt. A bientôt !