- Speaker #0
Salut à tous, je m'appelle Estelle et je suis passionnée depuis toujours par les chiens guides d'aveugles. Bénévole pour cette cause à Paris depuis des années et aujourd'hui à Lyon, j'ai lancé le podcast Future Chien Guide étant persuadée que l'univers des chiens guides d'aveugles mérite d'être mieux connu par tous, afin que chacun puisse y trouver sa place. Mais savez-vous que seuls 1% des déficients visuels sont accompagnés d'un chien guide ? pour mieux comprendre par qui et comment ils sont éduqués, mais aussi pour découvrir leur rôle dans le quotidien de leur maître et les bouleversements à leur arrivée, je vous partage deux fois par mois mes échanges avec un invité issu de cet univers, maître de chien guide, bénévole et tant d'autres. Pour en savoir encore plus, n'oubliez pas de vous inscrire à ma newsletter mensuelle pour découvrir les coulisses du podcast, les actualités des chiens guides et bien sûr, des nouvelles de mes invités. Pour ce dernier épisode d'interview de la saison 2024, je vous partage mon échange avec Christian et son beau Moti. rencontré il y a presque un an à Paris. Mais lui comme moi n'y vivions déjà plus à cette époque. Et j'ai tout de suite pensé à Valérie du podcast Ciao Paris pour partager cet épisode afin de décortiquer ensemble comment quitter Paris avec son chien guide. C'est ce que vous retrouverez dans la deuxième partie de l'épisode sur le podcast Ciao Paris. Mais avant d'aborder ce grand départ, on est revenus ensemble sur cette incroyable supercherie qui a mené Christian jusqu'à l'arrivée de Moti à sa retraite. Cachant sa cécité en société, à ses employeurs et même à ses propres enfants. Une vie faite de trucs et astuces afin de faire illusion, avant de faire progressivement tomber le masque à l'arrivée de Moti. Et maintenant, place à l'épisode. Eh bien, bonjour à tous. Bonjour Valérie.
- Speaker #1
Bonjour Estelle.
- Speaker #0
Je voulais d'abord te présenter, avant de présenter mon invité, puisque aujourd'hui, sur le podcast Futur Shung Guide, on est deux intervieweuses. On fait, comme on appelle, de la cross-promo et je t'ai invitée aujourd'hui parce que tu as un podcast qui est à la croisée de nos sujets avec notre invité aujourd'hui. Est-ce que tu peux présenter rapidement le podcast Ciao Paris ?
- Speaker #1
Bien sûr, avec plaisir. Alors, Ciao Paris, comme son nom l'indique, c'est... Des témoignages de tous ceux qui ont dit ciao à Paris, donc bye bye, au revoir, Paris je t'aime mais je te quitte. Et deux fois par mois, un jeudi sur deux, on retrouve des témoignages de celles et ceux qui sont partis et qui nous racontent un peu comment ils ont fait. J'aime bien dire que c'est des témoignages optimistes et réalistes parce que c'est un tel changement. Moi, ça m'a beaucoup fait flipper. Je sais qu'on est très nombreux à faire des cauchemars avant des grands déménagements, des grands moves géographiques. Et je trouvais que c'était important que le côté réaliste soit là. Le côté optimiste, parce qu'on peut décentraliser sa vie et la réussir. La preuve, on est tous là.
- Speaker #0
Tous les trois.
- Speaker #1
Et notre invité du jour pour le prouver. Mais ça ne se fait pas sans quelques galères et sans quelques frayeurs. Et donc, c'est important d'aborder tout ça. Et je suis ravie de faire cet épisode avec toi. Merci beaucoup pour cette invitation.
- Speaker #0
Avec plaisir. C'est vrai que moi, j'ai dit ciao à Paris. Et c'est vrai qu'on s'était dit ensemble avec Valérie, ce serait sympa de voir un profil, d'avoir un invité ou une invitée qui a un chien guide et a quitté Paris avec ce chien guide et quelles sont toutes ses conséquences, etc. Et là, en décembre, j'étais à Paris. j'avais fait un petit retour à Paris mon invité aussi, Christian tu étais là, on s'est rencontré à l'Assemblée Générale de l'Association Nationale des Maîtres de Chien Guide qui soutient d'ailleurs ce podcast en mois de décembre et on a échangé comme avec tous les autres membres que j'ai rencontrés vous savez que je suis très bavarde et là Christian me raconte un peu sa vie et me dit alors moi j'ai un chien guide, j'étais à Paris et j'ai déménagé et là dans ma tête ça fait ching ! ... Christian, déjà bienvenue sur ce podcast et merci d'avoir accepté notre invitation. Est-ce que tu peux te présenter un petit peu s'il te plaît ?
- Speaker #2
Oui, bien sûr. D'abord, merci à toutes les deux. Je m'appelle Christian, je suis retraité. J'ai un chien guide, c'est mon premier chien guide. Ça fait cinq ans que nous sommes ensemble. Il s'appelle Moti. Il va avoir huit ans à la fin de l'année 2024. Et jusqu'à présent, nous étions à... Paris, enfin nous nous sommes connus à Paris puisque moi j'étais parisien, je suis né à Paris, j'ai vécu à Paris pendant des dizaines d'années. Donc jusqu'en 2021, nous étions à Paris et maintenant nous sommes à Antibes sur la côte d'Azur.
- Speaker #0
Donc tu ferais un petit cap vers le sud, mais avant ça, tu m'as quand même raconté, et c'est quelque chose qui m'a marqué, tu m'as raconté qu'en fait tu avais caché ta cécité pendant longtemps, voire pendant toute ta vie avant ta retraite. Est-ce qu'on peut revenir un petit peu sur... sur ça Comment on fait pour cacher sa cécité ? Pourquoi est-ce qu'on le fait ? Est-ce que c'est un déni ou pas ? En en parlant avec Valérie, elle me posait plein de questions et je suis sûre qu'elle en a encore plein. Ah oui, moi,
- Speaker #1
ça m'a beaucoup intriguée.
- Speaker #2
Moi, je ne vais pas le cacher, je vais avoir 67 ans en 2024. Donc, reportez-vous, il y a une bonne quarantaine d'années, 40-45 ans, le handicap visuel existait bien évidemment. En revanche, il n'avait pas une acceptation aussi large qu'aujourd'hui. J'ai des difficultés visuelles, je dirais, depuis l'enfance, depuis l'âge de 3 ans. Puis ça a évolué, ça a évolué et ça a terminé, disons, jusqu'à l'âge de 13-14 ans, avec en gros un dixième d'un seul œil. Bon, ça ne m'a pas empêché de faire mes études. J'ai suivi des études en collège spécialisé de la cinquième à la troisième. Et là, vraiment dans un milieu spécialisé pour les amblyopes. c'est une personne qui est malvoyante. Et justement, je pense que le critère, c'est en dessous de 2 dixièmes. Donc, je rentrais tout à fait dans ce cadre-là. Donc là, c'était un collège réellement spécialisé. Nous étions des classes d'entre 10 et 15 personnes, 15 élèves, avec des enseignants spécialisés qui avaient vraiment appris de quelle façon on pouvait diffuser la culture auprès des personnes souffrant de handicap. Mais moi, ça m'a totalement déplu, parce que... C'était un milieu fermé qui ne me convenait absolument pas. Donc lorsque j'ai eu le choix à partir de la seconde, je suis parti ailleurs. Je suis parti dans un grand lycée à Rambouillet, un lycée qui accueillait 3000 élèves et parmi lesquels il y avait quelques déficients visuels. Pour tout vous dire, quand je suis arrivé en 1972 dans ce lycée, nous étions trois internes sur un effectif total de 3000 élèves. Donc trois déficients visuels, ce n'était pas beaucoup. En revanche, nous disposions d'une personne qui était là le soir, en étude du soir, pour éventuellement reprendre avec nous les cours qu'on n'avait pas compris. Parce que bien évidemment, la difficulté, c'est de ne pas pouvoir suivre au tableau, des choses comme ça, etc.
- Speaker #0
Et du coup, là, tu ne cachais pas du tout ta cécité ?
- Speaker #2
Là, je ne la cachais pas. Par contre, j'étais dans une classe où j'étais le seul sur 30 ou 35 élèves. Donc là, il y avait un sentiment de liberté. J'étais plus du tout en milieu fermé. Comme j'avais une bonne mémoire, une bonne faculté d'apprentissage, j'ai eu le bonheur de pouvoir discuter avec cette personne qui était là censée pour nous donner un approfondissement sur les choses qui étaient vues dans la journée. Moi, je n'en avais pas besoin. En revanche, j'ai pu énormément discuter avec elle, de la seconde à la terminale. Cette personne-là était une personne aveugle et c'est elle qui m'a appris la vie et qui m'a donné cette indépendance et me dire que si je voulais faire quelque chose de ma vie, il ne fallait surtout pas attendre que ça tombe tout cuit et que si... par malheur ça tombait tout cuit un jour, on n'en serait jamais satisfait. Sur quoi elle m'a vraiment convaincu. Elle m'a vraiment convaincu et j'ai pris mon indépendance par exemple au souhait que mes parents envisageaient pour moi, pour mon avenir. Dans le rêve de mes parents, c'était que je sois kinésithérapeute, que je me marie avec une déficiente visuelle. J'ai fait des études de droit et je me suis marié avec une personne qui n'avait aucune difficulté.
- Speaker #0
Tu veux dire que tes parents avaient tracé un avenir pour toi relativement à ta déficience ? visuelles.
- Speaker #2
Ils avaient tracé un avenir en fonction de bonne foi. Ils pensaient bien faire. C'était protecteur. À mon époque, lorsqu'on avait des difficultés visuelles, on pouvait être kinésithérapeute, standardiste, parce que les standards étaient manuels à l'époque.
- Speaker #1
Ou accordeur de piano.
- Speaker #2
Ou accordeur de piano. Je me suis orienté vers des études de droit avec l'idée d'être avocat. Ce qui, malheureusement, n'a pas pu se faire. parce que lorsque je suis arrivé au niveau suffisant pour me présenter ce qu'on appelait à l'époque le CAPA, le certificat d'aptitude à la profession d'avocat, eh bien ceux qui avaient eu le diplôme l'année avant galéraient déjà pas mal pour trouver un stage, puisqu'on devait trouver un stage chez un avocat en tant qu'avocat stagiaire pendant trois ans. Et là je me suis dit, bon, avec mes difficultés visuelles, ça risque d'être problématique et il est évident qu'un employeur prendra quelqu'un d'autre que moi. Donc je me suis lancé, j'ai dit allez hop, j'arrête les études et je vais chercher du travail. Par contre, chercher du travail, ce n'était pas évident parce que j'avais encore même un restant visuel qui me permettait de lire. Mais bon, j'étais obligé de changer les lunettes, d'avoir des lunettes assez fortes et très visibles. En revanche, pour la vision éloignée, j'avais des lunettes qui ressemblaient vraiment à des lunettes lambda.
- Speaker #0
Et donc, c'est à partir de ce moment-là que tu as un peu passé sous silence cette partie, ces cités.
- Speaker #2
Voilà. Et mon premier employeur et mon dernier, mon premier recruteur, puisque après, j'ai eu la chance de pouvoir faire toute ma carrière. dans la même société, dans le même groupe.
- Speaker #1
Oui, tu étais chez Capgemini, j'ai vu, sur LinkedIn.
- Speaker #2
Exactement. Et donc, au départ, le premier entretien que j'ai eu, deuxième entretien, troisième entretien avec la même personne qui est devenue mon premier patron, qui me dit, bon ben voilà, vous êtes deux au final sur la liste. Il dit, bon, ce que je sais, c'est que l'autre, il a des compétences aussi les mêmes que les tiennes, il trouvera du boulot sans problème si je lui dis non. Par contre, toi, je sais, je vois que ça va être plus difficile pour toi. Donc il avait quand même, sans en connaître l'ampleur, il avait quand même identifié que j'avais quelques soucis.
- Speaker #1
Et tu en avais parlé ouvertement avec lui ? Non. À ce moment-là ? Non. Non, c'est juste lui qui a...
- Speaker #2
Bah oui, parce que ça se voyait inévitablement dans certains trucs. Et par la suite, je m'en suis rendu compte. Ça m'est arrivé dans ma carrière, par exemple, qu'on me tende la main pour me dire bonjour et que moi, je ne vois pas la main. Ou simplement qu'on me fasse un signe dans un couloir et puis je ne répondais pas. Voilà, donc je suis certainement passé pour un ours, mal léché. Ça ne m'a pas du tout, du tout empêché de faire mon travail. Au départ, je m'occupais des services généraux. un immeuble du Véro. Cet immeuble, au cours des fusions, des absorptions, etc., a été vendu. Je suis tombé sur un nouveau patron qui m'a dit Bon ben là, cet immeuble-là et les services généraux, c'est terminé. J'ai aucun poste disponible. En revanche, j'ai un poste en informatique. On est en train de... C'était le directeur des achats et des services généraux du groupe qui m'a dit Si tu veux, je peux te proposer ce poste-là, poste en informatique. On va développer une application à l'échelle mondiale et on cherche quelqu'un sur la France pour pouvoir s'en occuper. à la fois du côté implémentation de cette application, formation des utilisateurs, et après support de ces fameux utilisateurs sur la France.
- Speaker #0
Et ce nouveau patron, il n'avait pas du tout connaissance de tes problèmes de malvoyance ?
- Speaker #2
Non, c'est pareil, il les a découvertes au fur et à mesure du temps. Mais bon, ça y est, c'était engagé, etc. Et j'ai toujours agi comme ça, j'ai laissé les patrons venir devant moi s'ils voulaient plus de précision.
- Speaker #1
Il y a quelqu'un qui m'a dit il n'y a pas très longtemps fake it until you make it Fais semblant en attendant que ça soit possible.
- Speaker #2
C'est ce qui m'est arrivé, j'ai fait semblant, mais j'ai même joué la comédie sur pas mal d'autres choses. Parce que quatre ou cinq ans avant de raccrocher, de prendre ma retraite, j'ai eu encore un nouveau patron, parce que j'en ai eu pas mal. Bon, ça va, je satisfaisais apparemment pleinement à ce qu'il attendait de moi, il n'y avait pas de problème. Par contre, c'était un très, très grand voyageur, donc il m'emmenait avec lui. Il m'appelait le lundi soir en me disant, demain matin, on part à Lyon. Et à l'époque, il n'y avait pas Accès Plus, il n'y avait rien du tout. Oui,
- Speaker #0
Accès Plus, c'est le service de la SNCF qui t'accompagne au niveau du train, etc.
- Speaker #2
Aujourd'hui, il suffit d'appeler Accès Plus, on est pris en charge dès qu'on arrive à la gare, on nous amène à la voie où se trouve notre train, dans notre train, à notre place, etc. Et on vient nous rechercher, à l'inverse, lorsqu'on arrive à destination. Donc là, ça n'existait pas, donc j'arrivais une bonne heure en avance pour déjà identifier sur quelle voie arrivait mon train. Il aurait pu trouver... quelqu'un qui veuille bien me dire où ça se trouvait. Ensuite, je me postais à l'endroit en disant, lui, de toute façon, il n'est pas arrivé, il va forcément passer devant moi. Effectivement, pas, ça allait, il me voyait. Et du coup, je m'arrangeais pour le suivre. Le problème, c'est que lui, il marchait extrêmement vite. Donc, il fallait que je le suive, que je le suive vite. Et une fois, je l'ai perdu. Je ne savais pas où il était. Il a fallu que je simule. J'ai simulé comme si je m'étais un petit peu tordu la cheville. Donc, il est revenu sur ses pas, il a marché moins vite. Mais voilà, c'était que des petits trucs comme ça. Et le jour où j'ai raccroché, je dis, bon, ben... La comédie suffit, j'ai bien joué, je suis relativement fier de moi parce que je crois que j'ai blousé tout le monde. J'ai réussi ce que j'ai, du coup je le mérite.
- Speaker #0
Et tu m'as aussi dit, quand on s'est rencontré, une anecdote par rapport à tes enfants sur cette partie de la cécité. Franchement, j'ai été très surprise. Je sais qu'il y a des, et on en parlait avec Valérie avant d'enregistrer, il y a beaucoup de mes invités qui ont du mal à accepter et donc à... mettre au grand jour cette cécité voire cette malvoyance complète à la fin de leur vie et au final il y a des gens qui se passent d'aide que ce soit la canne ou le chien on va y venir mais leurs proches le savent c'est juste le grand public entre guillemets les gens qui ne les connaissent pas auprès de qui ils peuvent cacher comme tu disais là ce que tu m'avais dit quand on s'est rencontré c'est que même tes propres enfants l'ont découvert sur le tard alors le tard des enfants ils le savent aujourd'hui mais avec une anecdote sur le fait que tu ne pouvais pas les conduire en voiture à leurs activités.
- Speaker #2
Exactement. Je soupçonne mes parents de leur avoir dit, de toute façon, ils étaient comme ça. Mais bon, ça ne faisait rien du tout pour eux. Ce n'était pas concret, puisque de toute façon, ils me voyaient tout faire. Avec mon épouse, nous les étions répartis les tâches d'une façon très rationnelle. C'est-à-dire que, par exemple, moi, je faisais la vaisselle, elle passait l'aspirateur, parce que c'est plus facile pour moi de faire la vaisselle. c'est dans un évier, on va pas en oublier, il n'y a pas de choses comme ça, que partons, passez l'aspirateur, je peux passer à côté d'une poussière et je ne vais pas la ramasser. Je faisais pas mal de choses, du jardinage, du bricolage, des choses comme ça, et elle faisait les courses. Effectivement, les enfants de nos voisins, qui avaient à peu près le même âge que les nôtres, ont remarqué et ont interrogé mes enfants, en disant, mais comment ça se fait que c'est toujours ta maman qui conduit ? Et ça, moi, j'avais pas pensé à ça. Mais mon intention n'était pas du tout de le cacher, c'est parce que pour moi, ça n'avait absolument aucune importance. Moi, je partais au travail tous les matins, je reprenais tous les soirs. Comme je le disais, nous nous étions répartis les tâches, y compris dans le bricolage. Avec mon épouse, moi, je faisais le gros œuvre. Elle faisait toutes les finitions. Par exemple, tout ce qui était peinture, papier peint, choses comme ça, c'était elle. Par contre, dès qu'il s'agissait de démolir un mur ou un truc comme ça, ou faire l'électricité, c'était moi. Donc,
- Speaker #1
tu y vois quand même suffisamment pour brancher les petits fils, etc.
- Speaker #2
Non, ça se fait au toucher, ça. Tout ce que je faisais, c'est que je demandais à ma femme si le récent visuel ne me permettait pas de le faire. de quelle couleur est ce fil ? Pour ne pas brancher la terre quand même sur... Mais c'était un aspect extrêmement pratique parce que moi, je pouvais aller faire l'électricité dans le grenier. où c'était totalement noir, il n'y avait aucun problème. Moi, je vais l'écrire ici, là.
- Speaker #0
Ah oui, alors ça, je te le dis, Valérie, mais ça m'arrive de sourire comme on se sourit, là, puisqu'on a la vidéo pour l'enregistrement, pas du côté de Christian, mais nous, on se voit avec Valérie. Ça m'arrive de passer, on va dire, une grosse première demi-heure d'enregistrement, tout sourire, mais ça s'entend quand même dans la voix, mais en tout cas très expressive en montrant des choses et tout, et en fait, de me rendre compte qu'en fait... personne ne me perçoit en tout cas ou alors ce qui m'est arrivé l'autre jour aussi c'est qu'en début d'enregistrement je dis ah mais je te vois pas peut-être que la caméra marche pas mais la caméra marche quand même mais c'est tout noir et mon invité m'a dit ah mais j'ai peut-être pas allumé la lumière voilà
- Speaker #2
donc ça fait partie des petits avantages ça fait des économies c'est plutôt pas mal et puis je te dis ça a vraiment un aspect extrêmement pratique on sera peut-être amené à parler du chien tout à l'heure mais Les gens se posent la question certainement, lorsqu'on ramasse les excréments de nos chiens, comment on fait ? Mais c'est beaucoup plus pratique que si on y voyait, pour moi en tout cas, parce que moi, il peut faire nuit noire, moi je sais où aller ramasser, il n'y a aucun problème.
- Speaker #0
Tu suis la courbe, la courbe du dos, et au bout, tu as le petit cadeau.
- Speaker #2
Exactement, et ça, je pense que les personnes qui n'ont pas de difficultés visuelles ne s'en rendent pas compte. que c'est extrêmement simple et que ça se fait, c'est le cas de lire les yeux fermés, il n'y a pas de souci.
- Speaker #0
Et justement, par rapport à tout ça, on va faire la petite transition pour parler de ton chien. Est-ce que tu peux nous décrire en trois mots, te décrire toi en trois mots et nous donner trois mots pour décrire ton chien ?
- Speaker #2
Pour moi, ça va être assez simple, parce que trois mots, je vais choisir les meilleurs, je ne vais pas s'en choisir d'autres. Je dirais que je suis optimiste. Ça, je crois que ça a été quelque chose de moteur dans ma vie. J'essayais d'aller de l'avant et puis il m'est arrivé de rencontrer des échecs. Il n'y a pas eu que des succès, mais j'ai toujours bâti sur les échecs. Pour moi, un échec, on peut toujours en retirer du positif. C'est là-dessus qu'on peut se construire, soit pour ne pas faire les mêmes erreurs ou simplement dire là, il faut faire attention, il y a tel ou tel problème que je n'avais pas envisagé à l'époque. Le deuxième point, je dirais que je ne suis pas obstiné, mais…
- Speaker #0
Têtu ?
- Speaker #2
Non, pas têtue, déterminée. Déterminée, voilà, déterminée. Si me fiche d'un objectif, je mets vraiment tout ce qu'il faut pour aller de l'avant, parce que c'est très important, ça. Et le dernier mot, ce serait plutôt quelque chose qui tourne autour de l'autonomie, en essayant de s'en rapprocher au maximum. C'est-à-dire que, là aussi, on sera peut-être amené à en reparler, pour être totalement autonome, j'ai peut-être parfois besoin de quelqu'un qui va me montrer... Par exemple, avec le chien, je vais aller repérer où se trouve la boulangerie, mais après, je suis autonome, il n'y a aucun problème. Et la plupart du temps, indépendamment des histoires avec le chien, c'est ce que j'ai toujours fait dans ma vie, c'est-à-dire essayer de faire mon expérience, partir en repérage tout seul dans un coin et me dire, bon ben voilà, ça va, c'est ça, c'est comme ça. Quand je n'avais pas le chien, je n'avais pas de canne non plus, donc je me baladais dans la rue, parfois à tâtons, c'est-à-dire que j'allais... Ah bah tiens, j'avais repéré qu'il y avait une grille qui était là, donc c'est bien.
- Speaker #1
Mais ça t'aurait quand même vachement facilité la vie d'avoir une canne, Christian.
- Speaker #2
Oui, mais là on tombe dans quelque chose que je refusais totalement à l'époque, qui était la stigmatisation et l'appartenance à un milieu ou à une catégorie que je fuyais, que je fuyais depuis l'âge de la troisième, depuis 1972. Pour moi c'était vraiment trop, trop, trop stigmatisant. Et puis après j'avais tellement appris... appris à masquer ou à atténuer cette chose-là, parce que j'ai énormément joué avec ma mémoire aussi, ça m'a beaucoup, beaucoup, à la fois dans le milieu professionnel et dans la vie, comme je vous le disais à l'instant, repéré qu'à tel endroit, je vais passer devant une grille, si j'ai un doute, je me rapproche, je tends la main et hop, la grille, elle est bien là, donc c'est bien la prochaine qu'il faut tourner ou quelque chose comme ça. Il se fiait beaucoup à ses oreilles, et du coup, la canne, j'en avais pas besoin, à tel point que lorsque j'ai fait le petit parcours avec... avec l'instructrice en locomotion à Paris, l'école de Paris, elle m'a dit Ouais, ça c'est vrai que vous vous débrouillez drôlement bien. Le seul problème, c'est qu'on a l'impression que vous êtes bourré. Elle dit Ah bon ? Mais pourquoi vous me dites ça ? Elle me dit Parce qu'il y avait effectivement un poteau. Vous avez réussi à identifier qu'il y avait un poteau sur le trottoir. Le seul problème, c'est qu'il y avait un mètre d'un côté pour passer et 20 centimètres de l'autre côté. Vous êtes passé par le côté où il y avait 20 centimètres.
- Speaker #0
Et alors, ce chien ? Justement, trois mots pour décrire ce chien.
- Speaker #2
Moti, Moti. D'abord, il est très fusionnel, Moti. Fusionnel, donc on reviendra peut-être là-dessus, mais c'est vraiment une glue. Mais c'est très agréable d'avoir une glue avec soi qui comprend plein de trucs. Donc ça, ça ramène au deuxième mot, c'est qu'il est très intelligent.
- Speaker #0
Ça pourrait être chien guide, c'est un prérequis.
- Speaker #2
C'est un prérequis et puis ça va au-delà du chien. Ce n'est pas parce que c'est le mien, mais je pense qu'il y a beaucoup de possibilités avec ces chiens-là. Ils ont des capacités d'apprentissage, c'est extraordinaire. Je serais peut-être amené vous raconter quelques petites anecdotes plus tard, mais c'est fantastique. Le dernier mot, c'est directement vers moi, c'est-à-dire c'est une efficacité. Dernier mot, c'est efficacité. Il me simplifie la vie, mais comme ce n'est pas possible. C'est vrai que quand je repense aux périodes que j'ai vécues, Avec les problèmes que je me posais, c'est-à-dire que là, le poteau, je l'identifie, mais est-ce qu'après le poteau, il n'y aurait pas une poubelle par hasard ? Maintenant, je passe à côté sans m'en rendre compte.
- Speaker #0
Et justement, comment on passe de voyant aux yeux de tout le monde, parce que du coup, la cécité n'était pas au grand jour, comment on passe de ça à faire une demande de chien guide ?
- Speaker #2
Alors, ce qui m'a mis au chien guide, c'est que j'étais marié depuis pas mal d'années. Nous avions des enfants qui étaient deux. devenue grand, etc. Donc on avait pas mal de projets avec mon épouse. Et malheureusement, elle est décédée en 2015. Ce qui a remis en question beaucoup, beaucoup de choses dans ma vie. Parce qu'évidemment, les projets, du coup, on ne les fait plus à deux. À la limite, on en change totalement. Et là, ça va. On va rebondir tout à l'heure avec Valérie sur tout ça. En plus, je suis arrivé à la retraite et je me suis dit, moi, j'en ai marre de jouer la comédie, après tout. J'en ai marre. Et puis, je me suis dit, bon, je vais voir comment je vais m'organiser. Nous avions... acquis un petit pied-à-terre à Nice. Et je m'étais dit, tiens, allez, je vais aller passer pas mal de temps à Nice, ça va me faire du bien, etc. Donc là, j'y allais seul, avec mes habitudes d'autrefois. Et je suis tombé à la période de Noël. Je me suis dit, tiens, je vais aller à la mer. Et malheureusement, enfin malheureusement, non, c'est la période qui veut ça, c'est qu'il y a une énorme place à Nice, la place Masséna, que je devais traverser pour rejoindre la mer, et je n'ai jamais pu la traverser parce que... Elle était entourée de barrières de chantier que je ne parvenais pas à traverser. C'était infernal. Donc je suis retourné chez moi. Je me suis dit, bon, allez hop, je rentre à Paris. Donc je suis rentré à Paris. Et puis je me suis mis à réfléchir en me disant, c'est quand même dommage d'avoir un pied-à-terre à Nice et de ne pas pouvoir aller s'asseoir en bord de mer. Donc il faut que je trouve une solution. Je commençais un petit peu à tourner en rond dans mon appartement chez moi. Je me suis dit, tiens, je prendrais bien un chien. Et puis pourquoi pas un chien guide ? Donc là, j'ai fait la demande. Dans la mesure où, même si à une certaine époque, le chien guide, pour moi, était aussi stigmatisant que la canne blanche, je me suis dit, allez, on bat les masques maintenant, c'est terminé, on s'en fout. Même si dans ma tête, je me posais des questions, je me disais, comment je vais faire pour me balader sans prendre le harnais ? Parce que dans ma tête, je me disais, je ne vais pas prendre le harnais. Le harnais, c'est vraiment le chien guide d'aveugle. Oui,
- Speaker #0
toi, tu voulais le chien guide, pour bien qu'on visualise. Tu t'es dit, je vais prendre un chien, tant qu'à faire, autant prendre un chien guide, mais... ne pas prendre le chien guide avec tout son attirail, c'est-à-dire l'avoir en laisse, ne pas avoir cette connexion avec le harnais, c'est le guidon qu'on imagine bien, en se disant comme ça, on ne verra pas que c'est un chien guide. Mais il me guidera quand même.
- Speaker #2
Exactement, toujours dans mon optique.
- Speaker #0
Tu voulais encore feinter, encore cacher, mettre sous le taquet.
- Speaker #1
Tu voulais tomber les masques, mais il était encore un peu accroché sur le bout du menton.
- Speaker #2
Exactement. Non, mais tout à fait. Et puis là, j'ai énormément évolué, puisque du coup, le chien guide, je l'ai accepté, j'ai eu le bonheur de l'avoir. Puis après, j'ai découvert le mouvement Chien Guide, l'ANM, j'ai proposé mes services à l'ANM en tant que bénévole. Et puis comme ça m'a bien plu, je me suis présenté aux élections. J'ai été élu en tant qu'administrateur et je m'invite de plus en plus parce que vraiment, c'est une passion pour moi. Donc c'est tout à fait nouveau parce que du coup, j'évolue dans un milieu qui ne correspond absolument pas à ce que je voulais, puisque j'ai fui ça pendant des dizaines d'années, mais maintenant, non, parce que je me rends compte que j'étais aussi, moi aussi, de mon côté avec les stéréotypes, parce que j'avais rencontré des gens qui n'étaient pas nécessairement les meilleurs, qui effectivement attendaient que ça tombe tout cuit dans le bec, ce qui n'est pas du tout le cas parmi les gens que je rencontre régulièrement.
- Speaker #0
Même s'il y a des gens très bien qui sont kinésithérapeutes et accordeurs de piano, parce que je sais que tu en croises à l'ANM notamment, vu que certains ont été mes invités. C'est vrai qu'on a un peu cette idée-là, et tu disais que c'est vrai parmi ta rencontre, toi tu en avais entendu, mais pas forcément rencontré. Et j'imagine que quand on croise par exemple Jean-Pierre Soro, qui est très présent à l'ANM, qui a été mon invité dans l'épisode 30, pour le coup, lui s'est clairement engagé dans le mouvement Shingit, il était accordeur de piano, mais c'est pas pour ça qu'il y avait tous les stéréotypes qui allaient avec aussi.
- Speaker #2
Non, non, mais de toute façon je connais très très bien Jean-Pierre, et effectivement il ne correspond... absolument pas à l'image que j'avais. Mais comme quoi, on a tous des préjugés et puis ça fait du bien d'en changer. Et la vie est tellement beaucoup plus simple maintenant pour moi. Maintenant que je ne m'embarrasse plus avec toutes ces fausses idées et puis ce paraître que je cherchais à montrer à l'extérieur, ça va mieux.
- Speaker #1
Avec quelle partie de toi ça t'a permis de réconcilier cet engagement dans l'ANM et auprès d'autres personnes malvoyantes ?
- Speaker #2
Je ne suis pas certain que ça m'ait, si ça m'a donné quand même un sentiment d'utilité, de se rendre compte que ce n'est pas parce qu'on est à la retraite qu'on doit tout raccrocher. Ça m'a montré aussi qu'on peut évoluer dans un milieu handicapé. parce que souffrant de handicap, ça m'énerve un petit peu. On est handicapé, c'est tout, ce n'est pas un gros mot, sans pour autant attendre que tout arrive parce qu'on est handicapé.
- Speaker #1
Handicapé, ce n'est pas assisté.
- Speaker #2
Non, exactement, ce n'est pas assisté. Le but de l'ANM, ce n'est pas qu'on nous donne des choses. Tout ce qu'on veut, c'est qu'on ait la même chose que les autres, c'est tout. Ça me ramène à ma volonté d'autonomie. Et je suis convaincu que le chien guide, il n'y a rien de mieux. Parce que franchement, quand je vois à quelle allure je me déplace maintenant dans les rues, ça n'a rien à voir avec ce que je faisais tout seul.
- Speaker #0
Il y a des choses que tu as apprises ou que tu as découvertes justement dans cette aventure auprès de Moti que tu n'imaginais pas du tout au moment où tu voulais traverser cette place à Nice ?
- Speaker #2
Oui, je me rends compte maintenant que je passe très certainement à côté d'un nombre incroyable d'obstacles sans m'en rendre compte. Parce que lui... Il anticipe largement, puis il fait on doit aller tout droit mais il se déporte très très très légèrement sur la gauche. Et voilà, c'est ça que j'ai appris, cette anticipation qu'il a, cette façon d'être qui fait que du coup, on ne s'en rend même pas compte. C'est fantastique. Il y a une très grande communication. C'est ça ce qui est bien.
- Speaker #0
Et ça a été évident de choisir Moti ? Non,
- Speaker #1
ça n'a pas été évident. Ça n'a pas été évident parce que l'école de Paris, ça a été assez long, au bout d'un an, un an et demi, que mon dossier avait été déposé. J'ai été appelé un jour, on me dit, on a trois chiens à vous présenter. Donc, j'y suis allé. Et on a fait un petit tour autour de l'école. Donc, le premier, c'était M. Moti. J'ai dit, non, pas celui-là, surtout pas celui-là. Il faut dire que c'était la première fois que je me faisais guider par un chien. que lui n'était pas très rassuré non plus parce que lui, il vient de Buc, donc les alentours de l'école à Paris, à Vincennes, il ne connaissait pas trop.
- Speaker #0
Il est plutôt versaillais, lui, plutôt de la campagne.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
C'est le pôle versaillais de l'école de Paris. Voilà,
- Speaker #1
il n'était pas très rassuré. Donc, je me suis dit, non, c'est trop bizarre. Le deuxième, c'était un de ses frères qui, lui, était beaucoup trop lent, adorable, mais beaucoup trop lent. Le pépère, il se promenait. promenait. Donc j'ai dit ça va être difficile avec celui-ci. Le dernier faisait son travail d'une façon impeccable. L'éducatrice m'avait dit lorsque il va vous donner les passages cloutés, c'est bien de le récompenser d'une petite caresse sur la tête. C'est bien, tu as bien travaillé, tu m'as amené au passage clouté. Donc ce que j'ai voulu faire, et lui, il a poussé sa tête, il n'a pas voulu que je le caresse. Je lui ai dit, là c'est encore moins possible. Donc j'ai demandé une semaine de réflexion et puis au bout d'une semaine, j'ai rappelé, j'aurais dit je voudrais quand même bien réessayer le premier parce que je crois que j'ai eu un gisement un peu... un peu hâtif. Donc, on a fait un second essai. Effectivement, là, on nous a laissé un petit moment tout seul dans une salle. Et puis, tout s'est très, très bien passé. On a joué ensemble. Et puis, je leur ai dit, non, c'est lui que je vais prendre. Et ils m'ont dit, tant mieux, parce que c'est vraiment lui qu'on voyait pour vous.
- Speaker #2
Ils avaient senti ça pour toi.
- Speaker #1
Oui, parce qu'il a une vitesse de marche qui correspond assez bien à la mienne, qui est assez rapide. Et puis, je m'en suis rendu compte par la suite. C'est qu'il est vraiment très, très fusionnel. Et c'est vrai que moi, je voulais bien... Un chien guide, mais je voulais aussi un animal de compagnie en même temps. Oui,
- Speaker #0
tu voulais avant tout un chien et tu as joué un lutile à l'agréable, on va dire.
- Speaker #1
Exactement.
- Speaker #0
Et alors, Moti, dans ta vie, il s'est imprégné tout de suite de ton quotidien ou ça a été un peu dur les premiers moments ?
- Speaker #1
Ça a été dur au début. Ça a été très, très, très difficile au départ. Parce que quand on sort de l'école, à l'école, tout se passe bien. Il n'y a pas de problème. Pendant le stage de remise, tout va très bien. Par contre... Quand on revient à la maison, l'éducateur est venu pendant une semaine, tous les matins, mais moi ça ne se passait pas bien, il n'y a rien à faire. Et j'ai réussi à identifier pourquoi par la tuite. C'est qu'en y réfléchissant, le peu de restants visuels que j'avais, je cherchais à l'exploiter. J'avais tellement l'habitude de me débrouiller par moi-même qu'à la limite je ne faisais pas confiance à un motif. Donc j'avais tendance à le contredire, c'est-à-dire que moi je croyais voir quelque chose, donc j'ai remarqué qu'il fallait qu'il se déporte. alors qu'il n'y avait rien, il n'y avait aucun danger, il lui avait largement anticipé, il n'y avait pas de problème. Ou alors il voulait carrément m'envoyer, c'est un peu ce que j'évoquais tout à l'heure, je lui demandais d'aller tout droit, et puis il tournait plutôt sur la gauche, je lui dis non, tout droit. Et il y avait effectivement quelque chose juste en face de nous. Donc inévitablement, il devait lui sentir que je ne faisais pas confiance, moi je ne lui faisais pas confiance, et je dirais qu'il y a un moment où ça a été terrible, parce que même je pensais, dans ma tête, je ne me rendormais plus, je me disais mais dans quoi je me suis aventuré là ? c'était déjà pas évident de me déplacer tout seul, mais si en plus maintenant je dois m'occuper d'un chien, je ne sais pas comment je vais faire. L'éducateur l'a très très bien senti, parce qu'un des derniers matins, il est venu et il me dit Bon, on va arrêter, on ne va pas faire de tour dans le quartier, je repars à l'école avec Moiti et vous viendrez chercher demain. Et là, j'ai dormi jusqu'au lendemain. Je me suis couché, il n'était pas quelle heure, mais vraiment j'ai dormi quasiment une quinzaine, une vingtaine d'heures. Je suis revenu le chercher, nous sommes rentrés à la maison, et là je suis reparti sur Nice, dans le petit pétataire que j'avais. Et puis je me suis dit, je vais arrêter d'essayer. J'ai fermé les yeux. Je me suis dit, je ne vais plus chercher à utiliser mon résistance visuelle. On était en plus dans un environnement un petit peu plus paisible que Paris, et du coup ça s'est bien passé, et depuis vraiment tout va très bien, et de mieux en mieux chaque jour.
- Speaker #0
C'est ce que disent parfois les filles en visuel qui ont justement un reste, c'est que... Surtout quand on s'est habitué, comme toi, à essayer de trouver des parades pour justement utiliser ce restant visuel. C'est qu'au final, derrière, le chien, il perçoit plus que toi, en fait. Le chien, il n'a pas deux dixièmes ou un dixième. Le chien, il a 100%. Et il faut faire confiance à quelqu'un alors qu'on pense percevoir un peu des choses. Je sais que certains de mes invités vont partager cette même sensation, comme tu le dis. Et avec le recul, toi, tu ne regrettes pas de ne pas l'avoir demandé plus tôt, par hasard ?
- Speaker #1
Ça m'avait parfois trotté un petit peu dans la tête, puisque j'avais droit... Ma carte d'invalidité, je l'ai depuis 1972, donc j'aurais très bien pu en demander un auparavant.
- Speaker #0
Puisque c'est un prérequis à la demande de Shang-Gi, il faut avoir sa propre carte.
- Speaker #1
Voilà. Non, ça ne m'a pas manqué, je ne regrette pas. J'ai eu des animaux, j'ai eu des chats, principalement des chats d'ailleurs, même exclusivement des chats. C'était très très bien. Non, je ne regrette pas, je ne regrette pas. C'est tombé au bon moment.
- Speaker #2
Il est arrivé, en fait, j'ai l'impression, parce que moi, ce que j'entendais quand tu racontais le fait que tu avais du mal à lui faire confiance, que tu le contredisais, etc. Tu étais dans un process d'acceptation. de ton handicap, d'une nouvelle situation aussi, d'une nouvelle manière de le vivre, de l'intégrer dans ton quotidien et tout. Et il est arrivé à ce moment-là, il t'a aidé à lâcher prise en fait, quelque part.
- Speaker #1
Exactement, il m'a aidé à lâcher prise et effectivement l'acceptation, parce que du coup, l'idée folle que je pouvais avoir en attendant que mon dossier soit traité, c'est dire je vais me balader avec lui, mais je prendrai juste la laisse, c'est totalement ridicule. Et le harnais, il est là. Et sur le harnais, dès que j'ai reçu le nouveau manchon avec le nouveau logo de l'ANM Chien Guide, je l'ai bien mis, etc.
- Speaker #0
Alors qu'il est très visible. Il est fait pour être visible.
- Speaker #1
Et j'en suis très fier.
- Speaker #0
Il a marqué Chien Guide et c'est du bleu sur orange, plus haut. Justement, l'objectif de ce manchon, c'est vraiment de montrer que c'est un chien guide. En tout cas, un chien qui fait partie des chiens d'assistance puisque c'est le logo universel avec tous les types de chiens d'assistance.
- Speaker #1
Exactement, donc aujourd'hui je le revendique haut et fort et il n'y a aucun problème.
- Speaker #2
Mais c'est ça, il est arrivé au bon moment pour toi en fait. On rigolait tout à l'heure, on disait il y avait le masque accroché encore au bout du menton. Bon ben voilà, lui il a…
- Speaker #1
Je pense qu'il m'a vraiment aidé à franchir le pas effectivement et depuis que ce pas est franchi, on avance tous les deux ensemble à vitesse grand V. Et puis là maintenant c'est cet aspect confiance que j'évoquais tout à l'heure, confiance mutuelle. La confiance elle est là et c'est vrai que… Le fait de vivre seul avec lui, moi, je lui parle tout le temps à mon chien. Inconsciemment, je commande tout ce que je fais et il m'écoute et il sait très bien ce que je fais. Je vois chez moi, lorsque j'égare, par exemple, une de mes chaussures ou un de mes chaussons, il sait très bien ce que je cherche. Je lui montre le chausson que j'ai en main, je dis cherche l'autre et il ne se trompe pas, il me ramène bien le chausson, il ne va pas me ramener une chaussure. Si je fais tomber mes écouteurs Bluetooth, par exemple, qui sont dans le boîtier, paf, il part chacun à droite et à gauche, il me les ramasse naturellement.
- Speaker #0
Il fait des tâches que... Pour lesquels il n'a pas forcément été éduqué. On dit qu'il est plus intelligent qu'un chien guide. On peut toujours leur apprendre des tâches, mais c'est vrai que les chiens guides n'ont pas ces tâches-là et cet apprentissage de ramasser. Ils ramassent, ils vont chercher la balle. Ça, ça fait partie de ce qu'on leur apprend. Mais en tout cas, ce n'est pas comme les chiens d'assistance, par exemple, pour les personnes à mobilité réduite.
- Speaker #1
C'est un don naturel qu'ils ont, qu'il n'y a qu'à mettre en évidence et à exploiter. Et après, pour revenir sur la confiance mutuelle, c'est d'être... Il y a aussi des mots qu'il connaît. Quand je lui dis après ça veut dire que ce n'est pas tout de suite, mais il sait très bien que ce sera après. Par exemple, il a un os dans lequel, un congle a un os en caoutchouc très dur à l'intérieur duquel on peut mettre des friandises. C'est certain que ça, il aime bien, il me le ramène pour que je lui mette des choses de l'autre. Mais si je lui dis après il repart avec dans son panier et il attend. Il n'insiste pas, il sait très bien qu'il… Par contre, je ne lui mens pas. Je fais comme avec les enfants lorsque j'avais des enfants en bas âge.
- Speaker #0
Je vois tout à fait ce que tu veux dire.
- Speaker #1
Il ne faut surtout pas mentir. Tu en fais l'expérience, Estelle. Vraiment, c'est très important de s'en tenir à ce qu'on dit. Du coup, ça facilite les choses.
- Speaker #0
C'est vrai que pour l'instant, le après, mon baby boy, il ne l'a pas encore. C'est compliqué.
- Speaker #1
Mais ça viendra, il n'y a pas de raison.
- Speaker #0
Il n'est pas encore au stade Shanguy, il n'a pas encore les 50 mots.
- Speaker #2
Ça prend du temps la patience, moi j'en ai un qui a 14 ans, la patience c'est encore en cours.
- Speaker #0
Et je me demandais Christian, est-ce qu'il y a un moment dans votre parcours de vie commun avec Moti où tu as été bluffé par lui et qu'il reste un souvenir assez marquant pour toi ?
- Speaker #1
Moi ce qui me bluffe c'est un petit peu l'inverse de ce que je disais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'autant au départ les 15 premiers jours ça ne va pas, ça ne va pas, ça ne se passe pas. Donc... Et ce qui m'a bluffé, c'est le moment où, le déclic qui s'est fait le jour où tu te balades avec ton chien au harnais, et d'un seul coup, tu te rends compte que c'est lui, parce qu'il se trouve que c'est un chemin qu'il connaît par cœur. Par exemple, on va à la pharmacie, on va à la boulangerie, et j'y ai dit au départ qu'on allait à tel endroit. Et puis je pars dans mes pensées, et d'un seul coup, je lui pense, ah ben non, ça y est, j'allais dire, il faut que je pense à lui demander l'effaçage coûté, mais de lui-même, il m'y a amené. Et si c'est sur le même trottoir... que c'est tout droit, etc. D'un seul coup, je me rends compte que ça y est, on est arrivé. Et j'étais dans mes pensées. Et c'est ça, le truc fantastique qui te bluffe, c'est le jour où tu... D'un seul coup, tu te mets à chantonner ou à penser à totalement autre chose que le guidage. Ce qui n'empêche pas effectivement qu'il faut rester vigilant, parce que si ce n'est pas un trajet très très connu, ou même que tu vas dans un endroit inconnu, il faut quand même garder la main et lui dire de tourner à droite, à gauche, aller devant.
- Speaker #0
C'est ce que me disait Kéren dans l'épisode 13, c'est qu'elle, elle avait des migraines à répétition parce qu'elle bougeait beaucoup dans Paris, et qu'avant d'avoir son chien, elle comptait les pas, les arrêts. Les bus, c'était vraiment très prenant intellectuellement. Et depuis qu'elle a mis à mis, au final, elle a de la bande passante.
- Speaker #1
Mais c'est tout à fait ça. C'est exactement ça. Ça te libère d'une tâche que tu t'étais imposée. J'ai très bien connu ces trucs-là, de compter, etc. D'ailleurs, je compte tout le temps aussi. Je compte tout le temps aussi, inévitablement, parce que ça, c'est ancré en moi et je pense que je mourrai avec. C'est là, moi, quand je suis en haut de l'escalier, donc maintenant, Motti m'amène en haut de l'escalier. Mais n'en fais-je que je connais parfaitement le nombre de marches qu'il y a à cet endroit-là. Parce que, ben voilà, c'est comme ça, dans ta tête, ça compte, ça compte, ça compte. Par contre, il n'y a plus cette torture morale de te géolocaliser, savoir vraiment où tu es, et puis de tenir compte d'éventuels obstacles, plus ouvrir bien tes oreilles, etc. Enfin, bon, c'est très, très prenant, quoi. Mentalement, effectivement, c'est une usure très intense, quoi.
- Speaker #0
Et tu nous as parlé de différents lieux, de la place de Nice. Est-ce qu'il y a un ou des lieux exceptionnels où tu es allé, grâce à la présence de Moti, où tu ne serais jamais allé sans lui ?
- Speaker #1
Non, pas pour le moment. Par contre, c'est au programme. Je me suis fixé comme objectif en 2024 d'aller au théâtre. Ça fait partie des petits projets. Au printemps, je pense qu'on va y aller.
- Speaker #0
C'est quelque chose que tu n'avais jamais fait sans Moti ?
- Speaker #1
Ah oui. J'avais fait avec mon épouse, mais par contre... Je suis en train de... depuis de nombreuses années, je me dis, je ne suis pas retourné ou si je suis allé, si ça m'est arrivé d'y aller, mais Moti n'était pas là et non, non, là, ça va être une grande première à la fois pour lui puis à la fois pour moi parce que du coup, ça va être la première fois que je vais aller dans un spectacle avec lui.
- Speaker #0
Tu verras, moi, je l'ai déjà fait avec des élèves chien guides. Moti étant 100% éduqué, ça ne lui posera pas de soucis. Sauf si tu vas voir quelque chose de très, très bruyant, mais tu m'as dit théâtre et pas concert de hard rock, donc a priori, tout va bien se passer. moi j'ai fait les cinémas aussi il faut juste mettre le chien devant et pas dessous les banquettes parce que dessous les banquettes il y a tout ce que nous n'avons pas mangé en tant qu'humain et qui tombe pendant la séance c'est récupérer un chien qui a mordi des bonbons et qui s'est léché le dos après bref je vous fais des simples mais c'est très sympathique voici mes petites rocos culturelles avec son chien et pour terminer avant de passer vraiment à l'histoire de de ton déménagement, ton ciao Paris, comme va nous le dire Valérie, j'ai l'habitude de demander quel est ton pire et ton meilleur moment avec Moti, en demandant le pire en premier pour finir sur le meilleur.
- Speaker #1
Je reviens toujours au même truc, le pire moment, c'est d'en arriver au moment où tu te dis, est-ce que j'ai bien fait de demander un chagrin ? Est-ce que vraiment je suis en capacité ? Parce que tu fais reposer la faute sur les deux. Là, à la limite, c'est de sa faute, parce qu'il n'écoute pas ce que je lui dis, et puis c'est de ma faute quand même à moi, parce qu'après tout, c'est peut-être... C'est moi qui ne sais pas le faire. Alors que la solution, elle est, en fin de compte, dans la communication des deux, il faut savoir lui donner les bonnes instructions au bon moment, être à son écoute, parce que voilà, ça reste un animal aussi. Aujourd'hui, étant à la retraite, j'ai comme plus de temps, ça m'arrive d'avoir un train à prendre, bien sûr, comme tout le monde, mais dans la mesure du possible, moi, franchement, si mon chien, il a envie de renifler un petit moment quelque chose qu'il a senti, eh bien, on s'arrête, il renifle et on... repart de plus belle par la suite. Ça reste un animal.
- Speaker #0
Et ton meilleur moment ?
- Speaker #1
Le meilleur moment, c'est le meilleur moment, je dirais, il n'y a pas tellement longtemps, c'était au début, là, que j'étais à Antibes, je m'étais perdu. Mais j'avais déjà en tête que lorsqu'on se perd avec un chien guide, il ne faut surtout pas lui faire sentir qu'on est perdu. Parce que là, ça casse tout. Ça casse, c'est quand même nous, le maître. C'est-à-dire que si... Et si on ne sait pas où on est, si on ne sait pas où on va, il va avoir beaucoup de mal à nous guider. Moi, j'ai vraiment le sentiment qu'à travers le harnais, il se passe plein de choses. Ah, des ondes ou je ne sais pas quoi, mais le meilleur truc qui s'est arrivé, c'est que je me suis dit, au moment où je me suis rendu compte que j'étais paumé, je me suis dit, comment je vais faire ? Mais ce n'est pas grave, je me suis dit, allez, vas-y, Moti, on va devant. Et puis, au bout d'un moment, j'ai dit, allez, on s'arrête, assis, je le fais à soi, je dis, Moti, on va à la maison. Eh bien, il a fait demi-tour et il a su par où on repassait. Et ça, ça m'a vraiment bluffé parce que je me suis dit, lui, il sait très bien où on est. Et il y a une façon de lui demander, s'il avait senti que j'étais perdu, s'il n'avait pas eu ce réflexe de lui demander de retourner à la maison. Il aurait vraisemblablement eu l'attitude qu'il a eue à de nombreuses reprises auparavant, c'est-à-dire qu'il redevient chien de compagnie. C'est-à-dire que là, d'un seul coup, tu as beau tenir le harnais, il va aller sentir, il va demander le caniveau, il va faire n'importe quoi, et il ne te guidera plus. Oui,
- Speaker #0
il va se mettre en mode détente. Cette partie qu'il a aussi dans sa vie avec toi, pour bien l'équilibre du travail et de la détente, ce que tu veux dire, c'est qu'il se déconnecte de son mode de travail, guidage, et puis il va se mettre en mode chien de compagnie, comme tu lui offres. des fois, oui.
- Speaker #1
Voilà, il se déconnecte parce qu'il sent très bien que tu lui donnes aucune instruction précise, rien de très probant ou de très parlant pour lui. Bon, ben, il raccroche, il dit, moi, ça y est, on s'arrête, c'est bon.
- Speaker #0
OK. Oui, c'est vrai qu'il y a des fois, ils font ça et en effet, la confiance, elle est mutuelle. Tu parlais de la confiance en confiance. Mais là, c'est dans l'autre sens aussi. Bon, et moi, il y a une question quand même qui me brûle la langue depuis le début. On a dit qu'on en parlerait en deuxième partie avec Valérie, mais... Est-ce que, quand tu as demandé ton chien Guy, tu savais que tu allais quitter Paris ?
- Speaker #1
Non, pour moi, j'avais ce fameux petit pied-à-terre sur Nice, où j'avais l'intention d'aller régulièrement. Mais j'habitais dans un quartier très sympa. J'étais à 50 mètres de l'entrée-début de Chaumont. Un énorme parc où Moti pouvait aller se détendre, etc. Où c'était bien.
- Speaker #2
Là, on est en quelle année ?
- Speaker #1
Je suis parti en 2021.
- Speaker #2
Et au moment où tu as Moti, on est en quelle année ?
- Speaker #1
Fin 2018. Fin 2018, début 2019. Je suis resté deux ans avec lui sur Paris. Mais non, ce n'était pas mon intention. Mon intention, c'était d'aller régulièrement, de voyager justement, d'aller à Nice ou ailleurs, mais de rester basé sur Paris. Le Covid arrive, là du coup, on se retrouve cloué dans un bel appartement avec un beau balcon, certes, mais bon, on ne peut pas sortir, on ne peut pas aller au but de Chaumont. La seule solution que je trouve pour le détendre, c'est d'aller jouer dans les parkings avec lui. Bon, ça ne m'enchante pas du tout. En plus, je suis dans un appartement qui, certes, est bien et totalement rénové, puisque suite au décès de mon épouse, j'avais décidé de refaire toute la déco, de me sentir plus chez moi que chez nous. Je ne me sentais pas bien. Donc, ça faisait beaucoup, beaucoup d'arguments qui m'ont fait dire…
- Speaker #2
Ce n'était pas suffisant d'avoir refait la déco.
- Speaker #1
Non, non, ce n'était pas suffisant. Alors ça fait partie de mon trait de caractère aussi, c'est que je prends une décision assez vite, je réfléchis un petit peu, je prends du recul, et puis bon, ça y est, c'est décidé, je me lance. Donc je me suis lancé en disant, je vais partir, je vais vendre l'appartement.
- Speaker #0
Et voilà, c'est la fin de ce dernier épisode d'interview de la saison 2024. Et j'espère qu'il vous a plu. Poursuivez dès maintenant la suite de l'histoire sur le podcast Tchao Paris, où Christian revient sur son changement radical de vie pour le Sud, et toujours avec Moti. Et si vous avez apprécié cet épisode en cross-promos avec Ciao Paris, je vous conseille de plonger dans un tout autre récit avec l'épisode 78 et sa première partie du côté du podcast Friendship sur l'amitié de Noémie et Valérie, devenues toutes les deux familles d'accueil. De mon côté, je vous dis à très bientôt pour un prochain épisode sur l'univers méconnu des chiennes geek d'Amérique.