Guillaume RoehrigMalraux disait, l'héritage est avant tout métamorphose. Guillaume, prise 1. Un notaire m'a appelé il y a quelques jours pour me dire, voilà, Guillaume, j'ai une personne qui est décédée il y a peu de temps et je ne connais aucun héritier. J'ai uniquement une mention comme quoi, cette dame qui s'appelle Monique est veuve, sans enfant. Donc voilà les seuls éléments que l'on a pour commencer notre enquête. Qu'est-ce qu'on fait ? Il faut qu'on confirme et qu'on vérifie effectivement que Monique... était bienveu. On demande un extrait d'acte de mariage, on se rend compte qu'elle est épousée non pas un français mais un grec. Donc je pars en Grèce en me disant, il faut uniquement que je revienne en ayant l'acte de décès de ce monsieur, je loue une voiture et je pars à 400 km au nord d'Athènes. Et j'arrive en plein mois de juillet dans une petite commune avec 47 degrés de chaleur, je vais dans la mairie, je demande à l'officier d'état civil une copie de l'acte de naissance de ce monsieur. Et le monsieur me dit Ah, Ionis, je le connais, il n'est pas très loin. Là, les bras m'entendent. On m'annonce que Ionis est vivant. Donc je vais, je pars, et je retrouve, tapant un peu à quelques portes, je retrouve sur un monsieur qui m'ouvre la porte, le visage complètement buriné par le soleil, et quand tout d'un coup je lui annonce que je viens dans le cadre d'un héritage, Monique, votre ex-femme, vient de décéder. Là, Il s'assoit et il me dit c'est compliqué pour moi. Je lui dis mais pourquoi c'est compliqué pour vous ? Il me dit mais mon ex-femme, je n'ai jamais divorcé. Coup de théâtre ! Je lui explique qu'il va hériter d'un quart de la succession. Il me dit mais c'est pas possible, je n'ai jamais vécu avec ma femme. Je lui dis écoutez, vous pouvez refuser si vous voulez l'héritage, mais oui, vous avez le droit, comme vous n'avez pas divorcé, à un quart du patrimoine de Monique. Et il me raconte sa vie, il me dit vous savez, moi j'étais parti en vacances un été. Et je suis tombé sur Monique, c'était le coup de foudre, et je l'ai tout de suite épousée. Et quelques jours après mon mariage, Monique m'a révélé un lourd secret. Là, il me regarde, il me dit Vous savez, ça a brisé ma vie. Je lui dis Qu'est-ce qui a brisé votre vie ? Cette séparation ? Il me dit Non, la révélation. Elle m'annonçait qu'elle avait eu un enfant avant notre mariage. Il me dit J'ai fait quelque chose que je n'aurais pas dû faire. Je l'ai giflé, je suis parti, et il me dit Je n'ai jamais revu ma femme, je n'ai jamais vu sa fille, je ne me suis jamais marié. Sa vie a été brisée par cette révélation. Ce qu'il faut comprendre, on est dans les années 50. Une femme non mariée qui a un enfant est considérée comme une fille mère. Et le mot veut tout dire, c'est compliqué, ça ne se faisait pas. Je lui dis à Ionis, écoutez, pardonnez-moi, mais il faut que ce que vous venez de m'annoncer est primordial et modifie toutes nos recherches. Immédiatement. J'appelle mon bureau et je dis à mes collaborateurs, il y a apparemment une fille, donc vous partez en chasse pour retrouver cet enfant naturel. Monique habitait en banlieue parisienne et très logiquement, on part à plusieurs dans les différentes communes autour et finalement, fin de journée, bingo, je retrouve la trace d'une Huguette. Née en 1957, qui a été reconnue par la défunte. Huguette se trouve à 150 km de là où habitait sa maman. J'appelle, je me présente, j'interviens dans le cas d'une question. Cette personne, c'est votre maman. Énorme blanc. Je dis, ma mère, ma génitrice, elle ne s'est jamais occupée de moi. Rendez-vous est pris deux jours après. Je suis accueilli par Huguette, le mari, et c'est là où tout d'un coup, Huguette s'effondre. Elle me dit, vous savez, ma maman... Elle m'a eu avec un monsieur, c'était un amour de passage. Le regard social en province fait que ma mère avait honte de moi. J'ai été élevé au tout début de ma vie par mes grands-parents, qui avaient une blanchisserie. J'étais autorisé à jouer en fin de journée derrière les draps pour que les voisins ne me voient pas. Je ne devais pas faire de bruit. Et mes grands-parents, au bout d'un moment, étaient trop fatigués pour m'élever. Ils m'ont placé dans les familles d'accueil. Mais c'était rien par rapport à ce qu'elle m'a dit. juste après. Elle m'a expliqué que lorsqu'elle était dans ses familles d'accueil, notamment la dernière, le monsieur, quand il rentrait le soir, était ivre mort. Et il violait tous les enfants qui étaient dans la famille. Elle, elle me raconte qu'elle s'enfermait tous les soirs dans les toilettes pour ne pas être violée. Et elle me dit, vous savez, je suis marié, mon mari est là, je n'ai jamais voulu avoir d'enfant. Pourquoi ? Parce que je n'allais pas ne pas pouvoir donner moi aussi d'amour à mes enfants. Finalement, cette histoire qui a bousillé, qui a abîmé trois familles, 50 ans après, je pense qu'avec l'évolution de nos mœurs, il est certain que l'issue aurait été différente.