Audrey LustrementNous, les généalogistes successoraux... On découvre des secrets qui ont été lourds à porter pendant des années et qu'on va devoir ou non révéler aux héritiers. On sait qu'on va chambouler toute une famille. Il faudrait prévenir. Une dame vient ouvrir le dossier de succession de chez le notaire. C'est la concubine du défunt. Jean avait 91 ans. Le notaire fait appel à moi parce que Jean a eu une fille lors d'une première union qu'il n'a pas revue depuis des années. En effet, il a divorcé de sa première épouse. et il a quitté le foyer quand sa fille avait 6 ans. Il est parti, il n'a plus jamais donné aucun signe de vie, ni à sa femme, ni à sa fille. Le défunt avait fait un testament. Dans ce testament, il fait un lègue universel au profit de sa concubine. Un lègue universel, c'est-à-dire qu'on lègue la totalité de son patrimoine. Il faut savoir qu'en France, on ne peut pas déshériter un enfant, comme aux États-Unis ou en Angleterre, il y a une réserve héréditaire, c'est-à-dire qu'il y a un minimum qui est alloti par la loi aux enfants. Donc en fait, que le défunt le veuille ou non, sa fille va hériter la moitié de la succession. La succession s'élève à peu près à 200 000 euros de liquidité. Et là, coup de théâtre, le défunt indique qu'il a une fille, effectivement, mais que ce n'est pas le père biologique. Le défunt a fait des analyses, des tests, qu'il a pris soin de joindre à son testament, qui atteste effectivement qu'il ne peut procréer. Et ensuite, je poursuis la lecture, et là, deuxième bombe qui est lâchée par le défunt. il indique que sa fille est finalement celle de son meilleur ami. Là, je suis un petit peu découpée de pensée. C'est une nouvelle quand même qui est compliquée à appréhender. Je me dis à ce moment-là que je vais devoir révéler cette information à cet enfant, complètement bouleverser sa vie. Ça fait partie de notre rôle de généalogiste que de révéler ces informations. C'est en ça que le généalogiste doit avoir une certaine qualité d'empathie. Je retrouve cet enfant qui a aujourd'hui un petit peu plus de 50 ans. Il faut se mettre à sa place, elle n'a pas eu de contact avec son père depuis qu'elle avait 6 ans. Je lui dis que son papa est décédé, qu'il a indiqué dans son testament ne pas être son père biologique. Quand j'annonçais à l'héritière que son père était finalement le meilleur ami de son père, ça a été vraiment une grosse déflagration. Il a effondré tout le château de cartes qu'elle s'était construit toute sa vie. C'est dur pour elle, mais aussi elle pense à sa maman. Parce qu'elle se dit, est-ce que je dois... en parler à ma maman, est-ce que je dois me confronter à son passé ? Je ne sais pas si aujourd'hui cette héritière, cette femme, a eu réponse à toutes ces questions. Je me sens bouleversée de ce dossier. Je me suis dit, aujourd'hui, quand on a porté un autre secret comme ça toute sa vie, est-ce qu'il faut à un moment donné lâcher cette vérité, le mettre dans son testament pour partir plus sereinement ? En faisant ce choix, ceux qui restent aujourd'hui vont devoir accueillir cette nouvelle et devoir vivre à leur tour avec ce lourd secret.