- Speaker #0
« Au nom du roi, ouvrez immédiatement ! » ordonne une voix tonitruante. Mes parents échangent un regard paniqué au-dessus de la table où nous venons de nous installer pour souper, tous les cinq. L'aîné de mes frères, Valère, se fige. Le cadet, Bastien, laisse sa cuillère tomber au sol. Moi, la benjamine, je la ramasse, car je passe toujours derrière Bastien. « Qui cela peut-il bien être un dimanche à une heure pareille ? » demande ma mère. Elle consulte la vieille pendule qui indique 7 heures du soir à peine passées, à côté de l'almanac placardé au mur, ouvert sur la date d'aujourd'hui, le 31 août de l'an des ténèbres 299.
- Speaker #1
Les mondes de Victor Dixen naviguent entre le passé et le futur, l'histoire et l'anticipation, la science et la magie. Ils semblent pourtant aussi réels que le nôtre à celui qui s'y plonge. Depuis 2009, ce prodige des littératures de l'imaginaire a produit, entre autres, quatre séries addictives à succès. Le cas de Jack Spark, Animal, Phobos et Vampyria. Des univers chaque fois singuliers, extrêmement imaginatifs, pour raconter les destins d'adolescents en quête de ces vérités dissimulées dans l'ombre, comme des petites lumières dans le noir. Bienvenue dans Histoire de jeunesse, le podcast des éditions Bayard Jeunesse avec le magazine Jeu Booking. Chaque mois, un auteur nous reçoit chez lui pour nous raconter sa propre histoire, celle qui l'a fait devenir écrivain pour la jeunesse. L'écriture de Victor Dixen est intimement liée à la nuit. Il raconte comment, très jeune, son sommeil est perturbé par des insomnies et des accès de somnambulisme qui résistent au traitement. Il décide donc d'en tirer parti. de transformer une faiblesse en force en faisant de la nuit un endroit rien qu'à lui où il peut puiser au plus profond de son imaginaire.
- Speaker #0
Il y a beaucoup de manières de devenir écrivain ou écrivaine, beaucoup de chemins qui mènent à l'écriture. Il n'y a pas de recette toute faite, je pense, c'est des parcours individuels. En ce qui me concerne, c'est lié à mes insomnies. Les lecteurs et lectrices qui me connaissent un peu le savent peut-être. J'étais très insomniaque quand j'étais enfant et quand j'étais ado aussi. Et puis voilà, je me débattais un peu avec ces insomnies, je savais pas trop quoi en faire. Et à un moment donné, je me suis dit, si j'utilisais ce temps que j'ai en plus pour écrire, c'est comme ça que je me suis mis à écrire mon premier roman. En tout cas, le cas de Jack Spark et l'histoire d'un ado insomniaque. On met souvent beaucoup de soie dans un premier roman. Mais avant ça, j'avais quand même fait des petites tentatives d'écriture depuis que je suis enfant. Comme beaucoup d'auteurs, je suis grand lecteur. J'étais jamais rassasié d'histoires avant même de lire. J'étais affamé de contes de fées en particulier. Je demandais tout le temps comment on raconte, comment on raconte. Et puis à un moment, les recueils se sont épuisés et j'ai essayé d'inventer les miens, d'écrire dans des petits carnets, des bribes d'histoires. Et puis il y a quand même eu un déclic avant mon premier roman. Je pense que c'est quand j'ai lu et quand j'ai découvert Le Seigneur des Anneaux de Tolkien. J'avais 12 ans quand j'ai commencé à le lire. Et là, ça a été un choc, ça a été une révélation. Je me suis rendu compte que la littérature pouvait créer des mondes aussi réels, voire plus réels que le nôtre. Un pouvoir créateur démiurgique, si on veut dire, de la littérature. Et là, je me suis dit, ça a comme planté une petite graine dans mon esprit, un jour j'aimerais bien moi aussi créer des mondes. J'étais vraiment très affamé d'histoire, de contes de fées. Et du coup, après, quand j'ai appris à lire, j'ai moi-même lu dans les livres. Alors tout Roald Dahl, bien sûr. Dans mes premiers coups de cœur littéraires, je remonte avant l'adolescence et avant Tolkien. Roald Dahl, Tov Jason aussi, les Moumines. On est dans la veine scandinave. Mais je pense que c'est mes premières vraies émotions poétiques, parce qu'il y a quelque chose de profondément poétique dans l'écriture de Tove Jasson et les Moumines, c'est-à-dire qu'il y a le merveilleux avec ses créatures, et puis en plus elle faisait les dessins, donc c'est très immersif, mais une mélancolie très nordique justement, qu'on retrouve aussi chez Anderson, et qui m'a vraiment profondément touché quand j'avais 7-8 ans que j'ai lu ça, notamment Un hiver dans la vallée de Moumines, je me souviens avoir eu ce que je définirais comme étant une émotion poétique très forte.
- Speaker #1
Y a-t-il plus grand bouillonnement de l'imaginaire et des émotions que celui de l'adolescence ? Victor Dixen en est convaincu. La littérature générale est trop souvent affaire de style et de démonstration intellectuelle. La littérature jeunesse a pour elle les histoires, les aventures, la liberté d'inventer.
- Speaker #0
Mon choix de faire de la littérature ado, ce n'est pas vraiment un choix, justement. Ça s'est imposé à moi avec ce premier roman dont je parlais, Jack Sparke. J'avais très envie d'écrire sur ces insomnies, sur mon expérience, et puis de la sublimer peut-être quelque part à travers la fantaisie, de donner un sens magique à ces insomnies. Et c'est comme ça que j'ai écrit sur Jack, qui a 15 ans, qui est new-yorkais, qui est envoyé dans une pension, une pension hôpitale. Ses parents ont tout essayé pour le faire dormir sans y arriver. Et donc en désespoir de cause, on l'envoie dans le Colorado où j'ai vécu. Donc j'ai un peu recyclé comme ça tous mes souvenirs. C'est un peu la cuisine de l'écrivain. On utilise des choses qu'on a vécues, qu'on a lues. Et puis on crée quelque chose de nouveau à partir de ça. Mon héros Jack Sparck s'est imposé à moi comme un adolescent. Et par la suite, j'ai écrit avec des héros adolescents ou au seuil de l'âge adulte. Un jeune adulte, comme on dit aujourd'hui, young adult, pour utiliser un anglicisme. Mais sans que je l'ai vraiment prémédité. il se trouve que je suis euh moi-même grand lecteur aussi de littérature ado ou young adult, et je me rends compte que le souffle épique, en fait, et le souffle d'imaginaire dont on a tant besoin, c'est aujourd'hui dans la littérature jeunesse qu'on le retrouve, plus qu'en littérature adulte. C'est peut-être pour ça que je me tourne vers ces genres-là aussi en tant qu'auteur. Moi, j'ai la conviction que des auteurs qui font partie de notre patrimoine littéraire français, comme Jules Verne, un des pères de la science-fiction, Alexandre Dumas, avec le souffle épique, ces auteurs, s'ils écrivaient aujourd'hui, ils écriraient dans des collections jeunesse. et en particulier young adult. Donc je suis très content de pratiquer ce sillon. Il y a tellement de choses à dire, on peut aborder tous les thèmes avec une grande liberté de ton, une grande liberté d'imaginaire. Chaque âge a son romanesque et on peut le travailler. Ceci dit, c'est vrai qu'au-delà de la liberté de ton et de l'envol dans l'imaginaire que permet la littérature adolescente, il y a l'âge des protagonistes. Et l'âge adolescent, c'est vraiment cette frontière entre l'enfance et l'âge adulte, c'est follement romanesque parce que c'est le premier moment de la vie où on prend ses propres décisions existentielles. Il n'y a plus la tutelle des parents pour décider à notre place, on va faire des choix, des choix qui vont déterminer notre avenir. on va aussi... Décider en termes d'identité qui on veut être, quel chemin on veut tracer, ça c'est vertigineux, ça fait un peu peur, mais c'est follement romanesque. Je pense qu'on peut aborder tous les sujets en littérature jeunesse et surtout en littérature ado. Après, il faut être juste et il faut être clair dans ce qu'on veut dire. Il faut aussi, alors que si on a des protagonistes adolescents, il faut se mettre à... Je dirais à hauteur d'adolescent, mais qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'il faut avoir un regard frais, neuf sur le monde, et puis surtout, ne pas céder au cynisme. Je pense que ça, c'est un travers parfois qu'on a à l'âge adulte, et l'adolescence ne se satisfait pas de cynisme, c'est l'âge de tous les idéalismes. C'est pour ça qu'on a toujours une part d'adolescence en nous qu'il faut cultiver, parce que c'est aussi notre part d'idéalisme qu'il faut alimenter comme une flamme. Qui dit idéalisme ne dit pas angélisme. La vie peut être dure et les romans doivent être à l'image de la vie, et notamment les romans ados. Donc le happy end n'est pas du tout obligatoire, je ne pense pas. À mon avis, il faut garder une pointe d'espoir, une lueur d'espoir, parce que la vie est comme ça, elle se nourrit aussi d'espoir. Mais ça peut être juste une lueur d'espoir dans une nuit noire, ça suffit.
- Speaker #1
Victor Dixen possède un imaginaire d'une rare richesse. Il est capable d'inventer aussi bien la suite du destin de Boucle d'Or qu'un Louis XIV régnant depuis 300 ans sous l'apparence d'un vampire, une mission spatiale en forme de télé-réalité matrimoniale ou un stage de programmation neuronale sur une île futuriste. D'où lui vient cette capacité à mêler des motifs, des époques et des références aussi variées.
- Speaker #0
Il y a autant de manières de faire que d'écrivain. Il y a des auteurs qui commencent vraiment avec un personnage, d'autres avec un contexte, avec une idée, avec une histoire. Ça dépend en fait. Il y a deux veines dans mon inspiration et dans mon écriture. Il y a une veine science-fiction qui souvent m'est inspirée par la technologie. Je pense à des romans comme Phobos, Cogito, Extincta. Je regarde autour de moi dans l'actualité des petits frémissements, des choses qui commencent à percer et qui à mon avis vont être déterminantes pour notre futur. Et dès lors j'ai une envie vraiment viscérale d'imaginer comment ça pourrait se passer. Et lorsque j'écris de la fantasy, ça va être plutôt des rêveries, d'ailleurs parfois même des rêves. Ma série animale, La Malédiction de Boucle d'Or, c'est né d'un rêve. Un rêve d'une chaumière dans une forêt profonde dont je m'approchais sans réussir à pousser la porte. Et j'ai repensé au conte de Boucle d'Or en me réveillant. Voilà, ça va être des envies d'ambiance, des rêves. Et les personnages, finalement, c'est ce que je prémédite le moins dans l'écriture. Je peux vraiment réfléchir à mes idées, à mes concepts, construire un peu ma trame, et puis me documenter, notamment quand je fais de la science-fiction. Les personnages viennent un peu tout faits, comme si c'était l'histoire qui les invoquait ou qui les exigeait. Et souvent, ils se précisent sous forme de silhouettes assez distantes. Et puis, au fur et à mesure que j'y réfléchis et surtout que j'écris, ils vont s'incarner davantage, interagir et puis surtout m'échapper. C'est vraiment la partie la plus instinctive de l'écriture pour moi, les personnages. Et c'est aussi ce qui m'échappe le plus et ce qui donne ce petit frisson dans l'écriture de savoir est-ce que je vais réussir à arriver au bout de mon histoire, parce que j'avais cette idée que c'était très organisé dans ma tête. Mais dès lors que j'écris, que mes personnages deviennent vivants, ils m'échappent forcément. et ils deviennent des personnes différentes de moi. Et c'est ça qui est magique dans l'écriture, c'est qu'on est à la fois le personnage et en dehors du personnage, il y a un côté, ouais, c'est presque comme médiumnique, je dirais, et ça j'adore. On est dans un état second quand on écrit. L'inspiration fait feu de tout bois et on se nourrit de tout ce qu'il y a autour de nous. J'ai eu la chance de pas mal voyager, de vivre dans plusieurs pays. J'ai vécu en Irlande, ça m'a follement inspiré. L'Irlande, c'est une terre de légende, c'est très prégnant dans la culture encore, même aujourd'hui. J'ai vécu dans le Colorado, donc ça je l'ai recyclé dans ma première série de Jack Sparck qui se passe là-bas. À Singapour par la suite, puis à New York et maintenant à Washington. Donc tout ça, ces voyages, ça vient nourrir l'inspiration. Mais les voyages, on les fait aussi... par l'esprit, en littérature, en lisant des livres, donc je pioche aussi dans mes lectures. Il y en a certaines auxquelles je reviens toujours, notamment les contes de fées. Moi, j'adore les contes de fées, j'en parlais depuis l'enfance. Aujourd'hui encore, j'en lis très régulièrement. Et c'est comme la poésie, on peut retourner vers un conte de fées encore et encore, et ça procure toujours la même satisfaction. Et on en retire des choses différentes, parce que ce sont des histoires qui paraissent très simples en surface, mais qui recouvrent des abîmes de sens en profondeur. Et ça, c'est d'ailleurs pour ça qu'on peut faire du retelling, comme on dit, c'est-à-dire les projeter dans des époques différentes, changer les personnages. En fait, c'est tellement riche comme matériau que ça se prête tellement mal à l'app, que ça se prête à toutes les réinterprétations. Donc voilà, les contes de fées, je retourne souvent vers Perrault, notamment. Lire Perrault, alors pas la version Disney, mais la version vraiment de Charles Perrault, il y a beaucoup d'humour, en fait. Et puis c'est dur en même temps, mais avec de l'humour. Les contes de grimes aussi, là, qui sont aussi assez denses. Et puis Andersen, mon père est danois, donc j'ai un petit peu baigné dans cette ambiance. Ça, c'est du conte littéraire, par opposition aux contes de Perrault et de Grimm, qui sont plus la matière folklorique. Ils ont recueilli des traditions orales qu'ils ont ensuite posées sur le papier. Mais Andersen, c'est magnifique, c'est très poignant. Voilà, donc ça fait partie de mes lectures de chevet. Et puis au-delà des romans et des recherches que je peux faire historiques, quand j'écris du roman historique ou technologique, la bande dessinée, j'en lis beaucoup. Là, récemment, j'ai lu « Ces jours qui disparaissent » de Timothée Leboucher, que j'ai adoré. C'est un peu tous les endroits où je vais puiser l'inspiration. Puis parfois, un peu la musique aussi peut inspirer des textes.
- Speaker #1
Et pourtant, l'écriture, ce n'est pas qu'une histoire d'inspiration. C'est aussi et surtout une affaire de disponibilité, de travail et de discipline.
- Speaker #0
J'ai une hygiène de vie et puis une routine qui s'est installée dès mon premier roman avec cette histoire d'insomnie de nuit. Donc c'était mon territoire d'écriture dès le début et ça allait rester. Alors maintenant j'écris à plein temps, donc j'écris aussi un peu pendant la journée, ça me permet de mener plein de projets, puis aussi des adaptations BD. Mais le cœur de l'écriture ça reste la nuit. Je me réveille très tôt et je me mets à ma table d'écriture et c'est un moment fantastique pour l'imagination parce que rien d'autre n'existe que votre histoire. Tout est silencieux, le monde n'existe plus, tout est plongé dans le noir, Il y a juste mon écran. mes personnages, mon histoire, rien ne vient m'en détourner, et là c'est un moment où ça coule, où l'inspiration est là. Donc ça c'est quelque chose de... un territoire parfait pour l'imagination, mais même pour la lecture, j'adore lire la nuit aussi, quand on a juste une petite veilleuse à côté, on a juste sa page qui est illuminée, et puis le reste c'est l'imagination qui projette. Ça c'est magnifique. Après, la manière dont je m'organise, c'est que j'ai donc la nuit, c'est cette production, l'écriture, et puis le lendemain, Après l'après-midi, je relis mes notes de la veille et je retravaille, je réécris. Ça, c'est vraiment quelque chose que j'ai appris au fil des années. On dit que c'est en forgeant qu'on devient forgeron. Je pense que c'est en écrivant aussi qu'on devient écrivain. Et qu'on apprend des petits trucs, et notamment celui-ci, l'écriture, c'est d'abord de la réécriture. Le plus important, alors au début c'était très pénible pour moi, je détestais réécrire mon premier jet, je voulais vraiment que... Et maintenant c'est là où je prends le plus de plaisir. C'est peaufiner, perfectionner, retravailler le texte, et c'est ça qui paye au final. Je pense que c'est très important d'intégrer ça. Et c'est assez libérateur aussi, ça je le dis au primo romancier parce que je sais qu'il y a beaucoup d'auditeurs et d'auditrices du podcast qui écrivent eux-mêmes. Et c'est un écueil auquel je me suis confronté, et beaucoup de primo-romanciers s'y heurtent, c'est de vouloir faire très bien du premier coup, vouloir que ça sorte parfait dès la première ligne, et ça c'est la meilleure recette pour la page blanche, parce que c'est très inhibiteur. Du coup on se dit « ah bah non, j'ai pas l'inspiration aujourd'hui, donc je ferai demain, ça sera mieux » . En fait ça c'est un piège, parce que du coup on remet toujours à plus tard. À mon avis, un conseil qui vaut pour tout le monde, c'est la discipline. Se donner un rendez-vous avec soi-même, écrire un peu tous les jours. Et puis même si on n'est pas satisfait de ce qui sort, c'est pas grave. Au moins, il y a une matière qu'on pourra retravailler le lendemain, et c'est ça qui est le plus important. Avec cet objectif pour un premier récit, que vous fassiez, là je m'adresse aux auditeurs et aux auditrices, que vous fassiez de la nouvelle ou un roman, essayez d'aller jusqu'au bout du premier jet, comme on dit, et de poser le mot fin. Il y a plein d'aspirants romanciers qui n'arrivent jamais à poser le mot fin de leur première histoire, tout simplement parce qu'ils ont un souci de perfectionnisme trop poussé. mais il y a une telle satisfaction, on va poser le mot fin, c'est vraiment extrêmement gratifiant. Et vous avez après une histoire complète que vous pouvez retravailler, peaufiner, perfectionner. Et ça, c'est vraiment la première étape à passer. Je me lève à peu près vers 3h en moyenne. Et donc mes heures les plus productives, ça va être entre 3 et 6, 7h. C'est là où vraiment j'écris. Après, il y a toute une partie plus administrative, parce que parfois on pense aux auteurs, ils sont dans leur tour d'ivoire, ils ne font qu'écrire avec leur muse. En fait, il y a toute une partie aussi d'organisation, des voyages, des signatures, du courrier des lecteurs, tout ça, ça prend quand même du temps. Donc je le fais le matin jusqu'au déjeuner. Après, je fais du sport tous les jours, parce que pour moi, ça vient vraiment contrebalancer le côté solitaire et très statique, sédentaire de l'écriture. et puis je me rends compte quand on met le corps en mouvement Souvent l'esprit se délie aussi et je retourne à ma table de travail après avoir fait du sport, et bien il y a plein d'idées nouvelles qui sont venues. Et voilà, je me remets à écrire et surtout à relire mes notes l'après-midi et parfois je me mets à écrire aussi un peu le soir, si je ne suis pas trop fatigué. Voilà, c'est un peu ma routine.
- Speaker #1
C'est dans son bureau solitaire que l'écrivain peut s'adresser au monde entier. Mais pas seulement. La rencontre avec les lecteurs fait partie intégrante de la vie d'un livre. Pour Victor Dixen, elle nourrit, encourage et enrichit l'écriture.
- Speaker #0
C'est vrai que les rencontres dans les salons, les festivals et en librairie, c'est très précieux parce que ça vient rompre la solitude de l'écriture. Ça donne vraiment un sens aussi à l'écriture. On sait pour qui on écrit. On sait que ces histoires qui vous font vibrer dans la solitude de votre atelier d'écriture, elles font vibrer d'autres gens parfois à l'autre bout du monde. Et ça, c'est vraiment magique. Donc même si c'est un peu fatiguant sur le coup d'enchaîner les dates, là quand je suis en France, une ville par jour, finalement, c'est beaucoup d'énergie pour la suite. Et je me rends compte que ce lectorat, ces lecteurs ados, c'est les meilleurs dont on peut rêver, finalement, parce qu'ils vivent les histoires aussi fortement que nous quand on les écrit. Et puis, c'est un lectorat très exigeant. Il y a un contresens, parfois. Certains auteurs ou journalistes qui s'intéressent qu'à la littérature adulte pensent que c'est plus facile d'écrire pour la jeunesse ou les ados. Pas du tout. Parce qu'il faut que l'histoire emporte dès la première page. Il faut qu'on soit pris. Et ça, c'est un vrai challenge. c'est un défi que je me fixe à à moi-même parce que je sais que les lecteurs sont en attente de ça. Et c'est ce dont ils me parlent quand je les rencontre. Si à un moment où il y a une description, ou un moment où la tension est un peu retombée, ils vont me le reprocher, ils vont me dire « il faudra faire mieux la prochaine fois » . Et ben voilà, je me dis « oui, il faudra que je le fasse mieux la prochaine fois » . L'autre satisfaction très grande de rencontrer les lecteurs, c'est parler des personnages. Parce que ces personnages qui sont vivants, pour moi, avec qui j'ai vécu pendant des mois d'écriture, Je me rends compte qu'ils sont aussi vivants pour les lecteurs, et notamment pour les lecteurs ados. Et ce qui est magique, c'est qu'on en parle comme de connaissances communes. Ils ne sont pas là, mais c'est comme si c'était des amis qu'on connaissait en commun. Et ça, c'est aussi formidablement gratifiant, et ça gonfle d'inspiration pour la suite. Dans Phobos, j'ai un personnage qui a un destin particulier, assez tragique, et on m'a beaucoup reproché en disant « Oui, mais alors pourquoi ? » Et alors moi, ce que je réponds dans ces cas-là, c'est que... Ce personnage, ce passage, c'était très difficile pour moi à écrire, parce que je m'attache énormément à un personnage, tout comme les lecteurs, je conçois qu'ils s'y attachent, parce que moi aussi je m'y attache pendant l'écriture. Mais à un moment donné, il faut réfléchir à la logique d'un personnage, à la raison pour laquelle il fait les choses, et puis à sa destinée, qui est inscrite un peu en filigrane, il ne faut pas aller contre ça. Donc pour ce personnage en particulier, j'avais écrit plein de versions, parce que je ne voulais pas me résoudre à ce qui était évident. Et dans ce cas-là, c'est comme toujours, on laisse reposer, on relit le lendemain. et il y a une version qui paraissait éclatante par rapport aux autres, qui était la plus difficile à écrire, et je le conçois très bien la plus difficile à lire, mais la plus juste. Au final, voilà, c'est ce que j'ai gardé. Et après, les lecteurs et les lectrices, on ressent des émotions fortes en lisant ça, mais c'est pour ressentir des émotions aussi qu'on lit.
- Speaker #1
Avec 300 000 exemplaires vendus dans le monde, une moisson de prix, une adaptation en bande dessinée et un projet de série en cours, Phobos est en passe de devenir un classique de la littérature young adult. On retrouve dans les cinq tomes de la saga tout ce qui fait le sel des romans de Victor Dixon. L'immersion dans un monde fantastique avec ses propres codes, des héros qui veulent écrire leur histoire, des jeux de masques qui brouillent les pistes entre le mensonge et la vérité. Et en arrière-plan, un message politique. Une critique de la société consumériste hyper-libérale obsédée par l'image.
- Speaker #0
Phobos est né, c'est un bon exemple par rapport à ce que je disais tout à l'heure sur mes inspirations en science-fiction, parce que c'est vraiment né de constatations dans notre environnement, dans notre actualité, qui m'ont inspiré cette histoire. Il y en avait deux. Quand j'ai commencé à écrire Phobos en 2013, on parlait de plus en plus de Mars comme étant la prochaine frontière du genre humain. Et je voyais le même frémissement autour de Mars qu'on avait connu autour de la Lune dans les années 60. Moi je suis passionné par l'espace, par les nouveaux mondes depuis tout petit, et je me suis dit c'est le moment d'imaginer la première mission humaine. vers Mars avant qu'elle arrive pour de vrai. Après, ça sera trop tard pour les romanciers. Donc j'avais très envie de raconter cette histoire. Et au même moment, je me suis rendu compte qu'ici, sur Terre, on avait construit comme un empire, voire même une prison d'écrans autour de nous, à travers nos smartphones, nos télé-réalités, nos réseaux sociaux. Et il y a eu un contraste comme ça qui m'a frappé entre l'infini de l'espace qui s'ouvrait à nous grâce à la technologie comme jamais, et ce monde d'écrans qui nous enferme un peu tout autour de nous. C'est ce qui a donné naissance à cette idée de télé-réalité dans l'espace, la première mission humaine vers Mars qui est filmée 24h sur 24. Avec cette question un peu en filigrane qui se pose à mes personnages, est-ce que si on partait à l'autre bout du système solaire, ça serait assez loin pour échapper aux caméras et aux écrans ? Ou est-ce qu'elles nous suivent partout comme une malédiction ? Et les personnages, là encore, sont venus assez instinctivement par rapport à toutes les recherches que j'ai pu faire technologiques. Je voulais vraiment que le récit soit très réaliste, notamment au niveau technologique. qu'on s'y croit, qu'on soit dans l'immersion, mais les personnages qui viennent de 12 pays différents, mes 12 astronautes viennent de 12 pays, ont pris leur propre décision assez vite. C'est vrai pour Phobos, c'est vrai pour tous les romans que j'ai écrits, du coup je navigue à vue, c'est-à-dire que j'ai un cap, je sais à peu près où je veux arriver, mais les moyens pour y arriver vont être très différents de ce que j'avais préconçu avant de me mettre à écrire. Quand je me mets à écrire, quand mes personnages se mettent à exister, ils vont prendre leur décision, ils vont prendre leur chemin. J'essaie de leur laisser l'abri pour qu'ils puissent prendre cette liberté, et puis en même temps de les guider, de composer avec leurs décisions pour arriver à destination. C'est tout le challenge. J'ai un exemple par rapport à ça, c'est dans le premier tome de Phobos, il est donc question de ce jeu de speed dating cosmique. On a six garçons, six filles, qui ont cinq mois de voyage vers Mars pour faire connaissance, bien sûr sous l'œil des caméras, et former les six premières familles de Mars à l'arrivée. J'avais une idée de qui terminerait avec qui dans le premier tome. Pour moi, c'était très clair dans ma tête et ce n'est pas du tout ces couples-là qui se sont formés au cours de l'écriture. Et ça, ça illustre bien la manière dont les personnages vous échappent et c'est tant mieux.
- Speaker #1
Dans la galerie de personnages de Victor Dixen, on trouve une grande diversité d'identités et toutes les ambivalences de la nature humaine. Des tempéraments combatifs, rebelles, idéalistes, généreux, mais aussi un rapport à la violence, au mal et à la destruction.
- Speaker #0
J'ai un petit faible pour les méchants des contes de fées, qui sont un peu les époux de contes. Ceci dit, il y a une nouvelle vague là où ils sont un peu sur le devant de la scène. On a vu notamment tous ces films comme Maléfique ou autres qui mettent en avant les méchants et qui racontent leur origin story, comme on dit, leur passé. Parce qu'il y a quelque chose, quelqu'un m'a dit ça un jour, c'est dans les dessins animés Disney, les plus réussis, c'est quand le méchant est le plus charismatique, finalement le plus fort, et c'est assez vrai. Et les contes de fées finalement sont bons parce qu'il y a des méchants à la hauteur. Donc la fée Carabosse qu'on voit dans pas mal de contes de Perrault notamment, voilà, j'aime beaucoup ce personnage. Tous les ogres qu'on voit dans la littérature. Après au niveau des héros, j'aime beaucoup le personnage de la... l'héroïne de la Reine des Neiges d'Andersen. Je crois qu'elle se nomme Greta si je me souviens bien. Donc qui part comme ça en quête pour retrouver son ami disparu qui a été enlevé par la Reine des Neiges, dont le cœur a été glacé par la Reine des Neiges. qui a ce grand périple, qui monte vers le nord, qui fait plein de rencontres. J'aime beaucoup ce personnage et son parcours.
- Speaker #1
Ce podcast vous était présenté par Bayard Jeunesse et le magazine Jeu Bouquine. Merci de l'avoir écouté et merci de le partager si vous l'avez aimé.