- Speaker #0
Aujourd'hui, pour ce premier épisode, je suis ravi d'accueillir Damian O'Sullivan. Bonjour Damian, bienvenue. Je suis super content que tu aies accepté l'invitation.
- Speaker #1
Merci.
- Speaker #0
Alors pour commencer, pourrais-tu te présenter s'il te plaît ?
- Speaker #1
Alors je suis designer industriel, j'ai grandi aux Pays-Bas, j'ai fait mes études à Londres, au Royal College of Art. J'ai commencé à travailler il y a assez longtemps, il y a 30 ans déjà, pour Philips, où j'ai travaillé 5 ans. Après j'ai eu un parcours assez divers, allant dessiner des chaussures, des imprimantes, aider Anish Kapoor avec une de ses sculptures, avant de retrouver un petit peu le job de designer. qui à ce moment-là c'était pour Hermès, c'était il y a à peu près 15-20 ans, où j'ai travaillé en tant que freelance sur pas mal de projets d'art de la table, des accessoires, des projets qui ont été montrés à Milan. Et j'ai travaillé aussi après pour Louis Vuitton, pendant 3-4 ans sur les accessoires. J'en suis à peu près à ce stade.
- Speaker #0
Ok. On va parler de ton parcours plus en détail après. Moi, ce que j'aimerais comprendre, c'est la créativité dans ton enfance. Est-ce que tu avais un environnement familial déjà très créatif ? Comment ça se passait à la maison ?
- Speaker #1
Alors, oui. Oui. C'est-à-dire qu'en fait... Ma mère nous donnait une grande liberté. Et du coup, ne surveillez pas trop, ce qui me donnait la liberté d'être très créatif, allant de construire des cabanes, faire des bêtises. Et je pense qu'en tant qu'enfant, on est naturellement créatif. On joue, on crée, on raconte des histoires, on bricole. C'est plutôt plus tard où cette créativité a tendance à... à s'évader, je pense. C'est Picasso qui disait ça aussi, que chaque enfant est un artiste, créatif, et le problème, en fait, c'est de le rester en tant qu'adulte.
- Speaker #0
Toi, tu as des enfants ?
- Speaker #1
Oui.
- Speaker #0
Et comment tu perçois leur créativité à la maison ?
- Speaker #1
C'est intéressant parce qu'avec eux, maintenant... Ils ont pas mal d'influence des réseaux sociaux, donc j'essaie un peu de les protéger de ça. Quand ils étaient jeunes, on dessinait pas mal ensemble, les Legos, tout ça, les jeux créatifs. Et maintenant, on sent aussi qu'il y a beaucoup de pression qui vient des réseaux sociaux. Ça les formate un peu trop, donc j'essaie un peu de les protéger de ça.
- Speaker #0
Sur leur influence ou alors sur le temps qu'ils passent dessus ?
- Speaker #1
Plutôt l'influence.
- Speaker #0
Ok. Moins libre, quoi.
- Speaker #1
Oui, oui, moins libre. En fait, il y a plus de facilité à avoir ces influences qui... une certaine paresse aussi d'images qui vous viennent très facilement, qu'il faut un petit peu parfois, je pense, bloquer.
- Speaker #0
Et toi, dans ton enfance, est-ce que tu avais déjà une idée de ce que tu voulais être plus tard ? Est-ce que tu avais déjà pensé à créer des objets, à choisir justement ce parcours ?
- Speaker #1
Oui, alors comme je disais tout à l'heure, en fait, mon enfance a été très créative dans tous les sens, mais... Je n'avais pas vraiment une vision non plus de ce qu'était un designer ou ce que ça pouvait être. J'aimais beaucoup dessiner. Je me souviens, quand j'étais tout petit, un copain m'avait dit qu'il voulait être architecte et je ne savais pas trop ce que c'était. J'avais trouvé ça drôle et je me suis dit, moi aussi, je vais faire ça.
- Speaker #0
Et par rapport à tes études, à quel moment tu t'es dit, bon, voilà, maintenant j'ai fini le collège, le lycée. Je vais commencer de m'inscrire dans une école de design parce que je vois que tu as quand même fait la Royal College School of Art de Londres, qui est quand même réputée comme la meilleure école d'art au monde selon le dernier classement. C'était comment là-bas ?
- Speaker #1
Alors deux questions je pense. Là-bas c'était génial. D'abord j'ai fait un bachelor's parce que le Royal College c'est une des rares écoles qui font que du master's. Donc c'est que deux années de parcours. Du coup c'est assez intense et c'est une période où on sent que tous les étudiants qui sont là ont vraiment choisi de faire ce parcours supplémentaire. Il y a vraiment une volonté dans ces deux ans de faire bouger des choses. Après les cours, on avait le luxe aussi d'avoir des petites classes. On n'était que 10 ou 12 je crois. C'était dans un bâtiment à l'époque à côté du Royal Albert Hall. C'est un petit bâtiment, 7 ou 8 étages. Chaque étage avait deux disciplines. Tout était très mélangé. Si tu sortais de l'ascenseur au mauvais étage, tu étais dans un autre univers. C'était assez magique, ça.
- Speaker #0
Et tu pouvais changer de section ? Il y avait des échanges entre les différentes sections de l'école ?
- Speaker #1
Non, comme je t'ai dit tout à l'heure, tu rentrais vraiment avec un cursus bien défini. Il n'y avait pas trop de questions de changer. En tout cas, je ne connais personne qui l'a fait.
- Speaker #0
D'accord. Par exemple, à la Cambre, quand j'étais là-bas, on pouvait faire des stages de 2-3 mois dans une autre section. Donc au Royal College, il n'y avait pas ça ?
- Speaker #1
Non, mais je pense que ça correspond plus à un bachelor's ou le système américain où la première année, tu expérimentes un petit peu. Et quand tu fais le master's, la basse... tu as déjà 3 à 4 ans d'études, normalement tu devrais savoir ce que tu veux faire.
- Speaker #0
D'accord. Et donc vous travaillez sur combien de projets par année ?
- Speaker #1
Il y avait quelques projets sponsorisés, difficile à dire, ça remonte assez loin, mais je ne pense pas, dans une année, 5 ou 6 projets. La première année, plus de petits projets, la seconde année, c'était plutôt travailler sur son projet final.
- Speaker #0
D'accord, qui était ?
- Speaker #1
Il y avait deux projets. On avait le libre choix de choisir avec nos profs, nos mentors aussi.
- Speaker #0
Justement, en parlant de profs, est-ce qu'il y a un prof qui t'a marqué pendant cette période qui après restait une influence ?
- Speaker #1
Oui, alors le prof qu'on avait à l'époque, c'était Daniel Weil, qui était quelqu'un de très intéressant, un parcours très intéressant et vraiment passionné par le design. énormément d'énergie, ce qu'il faut, je pense, avec les étudiants. Il en avait presque trop, ça débordait. Et du coup, ça m'a pas mal influencé. Il avait un côté aussi... Ce qui est intéressant avec le Royal College aussi, c'est que les profs ne restent pas très longtemps. C'est vraiment 5-10 ans de professorship qu'ils font. Ça tourne pas mal. Et du coup, quand ils sont là, ils se donnent à fond. C'est intéressant. Il avait amené aussi pas mal d'autres profs comme Ron Arad, comme Rosloff Grove, des gens comme ça. qu'on a connues très jeunes dans leur carrière aussi.
- Speaker #0
Que tu as eues personnellement comme prof ?
- Speaker #1
Oui, oui.
- Speaker #0
C'est quand même des noms très importants dans le milieu du design.
- Speaker #1
Oui, tout à fait.
- Speaker #0
Après l'école, qu'est-ce que tu as fait ?
- Speaker #1
Après l'école, j'ai fait deux choses. C'était un peu la crise en Angleterre à cette époque-là. Et du coup, en 1993, je crois, je suis rentré aux Pays-Bas où j'ai grandi. J'ai eu un petit passage chez les parents pour chercher du boulot. Et en cherchant du boulot, je m'étais aussi donné des petites tâches. J'avais un projet. que j'ai fait. En fait, j'étais retourné aussi un petit peu en Bretagne, d'où vient ma mère. À la base, l'entreprise familiale, c'était une scierie. Et dans la scierie, j'avais trouvé des bouts de bois. J'avais bricolé un truc qui est devenu ensuite un porte-cravate. en bois, avec des languettes de cuir que j'avais bricolé comme ça. Et je m'étais dit, tiens, je vais écrire une lettre à Hermès. Je l'avais trouvé dans un magazine, un article sur Jean-Louis Dumas, qui était le CEO à l'époque. Et donc, j'avais écrit une lettre qui n'avait pas d'email à l'époque. Et une semaine plus tard, j'étais dans son bureau en train de lui montrer la maquette. Il avait bien aimé. Et il a tout de suite pris. Et deux semaines plus tard, j'avais le prototype. type déjà waouh
- Speaker #0
Mais justement, quand tu as fait ce porte-cravate, est-ce que tu avais déjà dessiné ? C'est quoi ton processus créatif par rapport à ce genre de projet ? Comment est-ce que tu fonctionnes ? Oui,
- Speaker #1
je réalise que je n'ai pas fini la seconde partie de ta question. Après, je suis allé travailler pour Philips.
- Speaker #0
D'accord.
- Speaker #1
On va en revenir. Oui, on va en revenir. Le processus créatif, alors il est... Il est très divers. Je pense qu'en fait, ce qui est important, c'est souvent de sortir un peu du contexte habituel, d'affronter un petit peu des nouvelles expériences. Mais ça peut être d'aller dessiner dans un café ou feuilleter des livres ailleurs que... habituel. Je trouve que ça, quelque part, des idées comme ça peuvent venir un peu de n'importe où, même parfois en se réveillant, parfois on a des idées qui peuvent être intéressantes. Et après, le processus, c'est de dessiner. Je dessine beaucoup. Quand je suis en voyage, j'aime bien avoir un petit calepin et dessiner, dessiner, dessiner. Et après, une fois que les idées commencent, parce que par le dessin, c'est une autre façon de réfléchir. On réfléchit moins avec la tête, c'est un autre processus et ça donne souvent lieu à des idées. qu'on n'aurait pas juste en pensant. Et après, je fais aussi pas mal de 3D. Donc la 3D, c'est intéressant aussi parce que c'est l'étape suivante. Et je considère qu'aussi, c'est une étape créative. Donc ce n'est pas seulement pour faire une chose bien définie. La 3D peut donner lieu aussi à des idées intéressantes qu'on n'aurait pas en dessinant.
- Speaker #0
D'accord. Et par exemple, est-ce que tu ferais aussi des maquettes, des choses ?
- Speaker #1
Oui, tout à fait. le problème avec la 3D c'est vrai que ça a un peu pris le pouvoir sur la maquette les maquettes j'en fais pas assez mais c'est important aussi ça fait partie de ton processus et
- Speaker #0
si on en revient justement à cette chance que tu as eu de collaborer avec Hermès Tu avais quel âge à ce moment-là ?
- Speaker #1
Là, j'avais 24 ans.
- Speaker #0
D'accord. Donc ça, on peut considérer ton premier projet ?
- Speaker #1
Mon premier projet, oui.
- Speaker #0
Et c'était quoi de travailler pour Hermès ? C'est quoi la façon de travailler avec eux ? Est-ce qu'ils ont mis à disposition leur savoir-faire pour justement tes premiers prototypes, pour ton projet ?
- Speaker #1
Oui, alors j'étais assez naïf aussi, je pense à cet âge-là. Jean-Louis Dumas, à l'époque, c'était une entreprise qui était beaucoup plus petite qu'elle est actuellement donc ils recevaient pas mal de gens créatifs comme ça, c'est beaucoup plus compliqué aujourd'hui, il y a beaucoup d'équipes marketing en place c'était plus aussi facile je dirais d'arriver avec une idée comme ça qu'on veut présenter après s'ils aiment l'idée passent très vite dans leurs ateliers où ils disent toujours ou très souvent en tout cas ça va être compliqué ou ça va être difficile et après ils finissent quand même à réussir à faire quelque chose de très beau
- Speaker #0
Ok, donc si on en revient justement à ton parcours donc dans la scierie tu bricoles un porte-cravate et ensuite tu pars chez Philippe
- Speaker #1
C'est ça, oui.
- Speaker #0
Et tu fais quoi chez Philips ?
- Speaker #1
Chez Philips, c'était intéressant. Mon premier poste, c'était designer dans le... pour les projets audio. Mais manque de bol, audio déménage tout en Asie, à Hong Kong. Donc je me retrouve un petit peu étant designer sur un poste qui avait quasiment été offshore. Mais en fait, ce qui est intéressant, c'est que pendant ces quatre ans, j'ai fait plein de projets divers allant de à de... Vraiment de tout, mais avec des projets assez intéressants, comme on a fait des enceintes et un lecteur CD en porcelaine pour une collaboration avec Alessi à l'époque. C'est ça d'ailleurs qui m'a fait découvrir la porcelaine. Parce qu'on avait été en Allemagne faire les prototypages de ces pièces.
- Speaker #0
D'accord. Le porcelaine qui est quand même un matériau que tu apprécies et qui se retrouve dans plusieurs de tes projets par après, on va y revenir. Donc Philips, c'est plus du design industriel. C'est aussi plus du mass market, on va dire. Comment est-ce que tu arrives justement à jongler entre le marché plus abordable comme des objets de chez Philips et des objets de luxe comme avec Hermès ?
- Speaker #1
Oui, alors je pense qu'en regardant en arrière et en étudiant certaines de tes questions, je pense que j'ai un parcours qui se sépare un petit peu en deux. plutôt le design industriel classique. Et je pense que la porcelaine a fait un petit peu le pont entre ces deux univers. Parce que la porcelaine, c'est quand même moins un objet mass market, même si parfois, ça peut faire des choses en associé avec la porcelaine. Mais c'est comme ça que j'ai commencé à faire de l'art de la table pour Hermès, par exemple. Et après, oui, après... Après dessiner, créer des objets, que ce soit pour Philips ou pour Hermès, il y a des différences, mais il y a aussi des similarités. Il faut trouver quelque chose qui n'existait pas avant, il faut inventer, il faut aller là où les autres ne vont pas. Donc il y a des différences et des similarités.
- Speaker #0
D'accord. Et après Philips, qu'est-ce que tu as fait ?
- Speaker #1
Donc après, dans l'introduction, j'en ai... brièvement parlé. J'ai fait par exemple un projet où j'ai aidé Anish Kapoor à développer une partie technique d'une de ses sculptures.
- Speaker #0
Comment tu l'avais rencontré, Anish Kapoor ?
- Speaker #1
C'est un ami ingénieur qui travaillait pour un bureau à Londres à l'époque. Anish Kapoor et son équipe étaient allés voir ces ingénieurs en leur demandant s'ils ne pouvaient pas trouver une idée ou l'aider avec cette sculpture. Et après, je ne sais pas pourquoi, mais l'ami m'a demandé à moi personnellement. Et j'avais bricolé, c'est assez drôle, j'avais bricolé avec du Lego, la solution. Et après, il est passé à la télé avec ma maquette en Lego, en démontrant comment ça marchait.
- Speaker #0
Anish Kapoor, c'est quand même un nom assez connu dans le milieu de l'art. C'est quand même une référence. Ça t'a apporté quoi justement cette expérience ? Qu'est-ce que tu en as tiré avec lui ?
- Speaker #1
Oui, alors c'était vraiment une courte période. Ça n'a pas duré très longtemps. Ce qui était assez compliqué aussi, c'était que c'était... Il n'y avait pas vraiment de contrat en place, donc c'était aussi assez compliqué en termes de financement du projet. Pour moi, c'était plutôt un petit sidestep, comme on dit en anglais. Mais je réalisais que ce n'était pas vraiment non plus le focus de ce que devait être mon travail.
- Speaker #0
D'accord. Et après, Philips, est-ce que c'était une évidence pour toi de monter ton propre studio ?
- Speaker #1
Là aussi, je pense que j'ai été très naïf. Après quatre ans de Philips, j'en avais un petit peu marre de ce monde, de cet univers quand même assez consumer goods. Je voulais faire autre chose. Je pense que j'ai monté ma boîte un petit peu de façon assez naïvement. Et les premières années ont été assez durées. assez difficile d'ailleurs de trouver des nouveaux clients. Je pensais que j'allais révolutionner le monde avec mes idées et que tout le monde serait prêt à les accepter. Mais bon, c'était quand même plus compliqué que ça. En fait, je pense que l'expérience Hermès, la toute première expérience, a été vraiment un coup de bol. Et par la suite, c'est quand même plus compliqué que ça. Après, j'ai eu la chance aussi d'enseigner tout de suite après Philips. l'académie d'Eindhoven Philippe et Eindhoven sont liés bien sûr et donc j'ai fait ça pendant 12 ans ça a été intéressant je pense parce que après Philippe j'avais aussi l'envie d'un retour un peu la liberté que j'avais eu en tant qu'étudiant. Là je n'étais pas étudiant, j'étais prof mais c'était vraiment du part-time et ça me retrouvait un peu le plaisir et la liberté en aidant les étudiants.
- Speaker #0
Tu donnes cours encore aujourd'hui ?
- Speaker #1
Non, j'ai arrêté il y a 10-15 ans.
- Speaker #0
D'accord. Et ça, c'était quelque chose qui a nourri ta créativité, d'être au contact des élèves ? Oui,
- Speaker #1
c'est un peu un cliché, mais oui, je pense. Il y a de la transmission à la fois, mais je pense que oui, ça me nourrissait aussi, ça te garde... Ça te garde éveillé aussi par rapport à toutes les nouveautés. Il faut vraiment que les étudiants attendent de toi certaines réponses. Il faut être au taquet, je pense, par rapport à ça.
- Speaker #0
Ok. Et donc, tu montes ton studio, tu essaies de trouver des clients. Est-ce qu'il y a un projet, justement, que tu considères qui a vraiment fait décoller ta carrière ?
- Speaker #1
Oui. Alors, j'ai... À l'époque, je voulais travailler avec des petits panneaux solaires, parce qu'en fait, mon père était ingénieur pour l'ESA, l'Agence Spatiale Européenne. Et sa spécialité, c'était l'électrification des satellites. Et donc, j'ai grandi avec ces petites cellules solaires à la maison, que j'ai connues bien avant qu'elles deviennent... plus commercialisé. À l'époque, il y avait beaucoup de ces petites lampes qu'on plantait dans le jardin, qu'on achetait dans des bricots pour 5 ou 10 euros. Je trouvais ça dommage de ne pas avoir un bel objet. C'est un projet que je me suis donné moi-même. Il n'y a pas de client. Je voulais faire un genre de lampion avec ces panneaux solaires, mais faire un bel objet, un objet aussi qui soit mobile, qu'on puisse s'amener dehors, mais le soir rentrer avec. C'est un projet dans lequel je me suis pas mal investi, mais qui a eu un énorme succès médiatique. et aussi a été montré dans des musées tout autour du monde, le MoMA à New York inclus. Donc ça, c'était un beau projet. Malheureusement, il n'a jamais été commercialisé, mais ça reste vraiment un... Ça m'a donné... C'était avant les réseaux sociaux. J'avais vraiment beaucoup de parutions dans les magazines, tout ça.
- Speaker #0
D'accord. Et donc ça, ça t'a permis de t'ouvrir des portes ?
- Speaker #1
Oui. Alors, je ne pourrais pas dire quelles portes, mais je pense que ça, oui, clairement, ça ouvre des portes. Les gens voient ce que tu fais. Oui, oui, je pense.
- Speaker #0
D'accord. Et en reparlant justement de la porcelaine, quelques années après, tu as recollaboré avec la maison Hermès. Sur quel projet ?
- Speaker #1
Sur l'art de la table. Ce qui était intéressant chez Hermès, c'était que l'art de la table existait depuis 5 ou 10 ans. Mais ils allaient à Limoges et ils achetaient ce qu'on appelle des blancs, des assiettes toutes faites. et il les décorait. C'était un peu leur approche à cette époque-là. Je faisais un projet avec Benoît-Pierre Emery qui était un ami du Rue College. Lui collaborait déjà un petit peu avec Hermès. Ils faisaient des décors et ensemble on a fait un nouveau service qui s'appelait Rally 24 où lui a fait le décor et moi j'ai fait des formes. C'était la première fois que Hermès Donner la possibilité de dessiner les pièces.
- Speaker #0
D'accord. Et c'était quoi ton processus créatif, justement, derrière ce projet-là ? Parce que si vous êtes à deux, est-ce qu'il y a des échanges ? Combien de fois on doit se voir pour travailler pour un projet comme ça ?
- Speaker #1
Oui, alors les échanges, c'était beaucoup par mail. Lui, il m'envoyait des dessins. Moi, je lui ai envoyé les premières pistes en 3D. Il faisait des bricolages en Photoshop, il me les renvoyait et ainsi de suite.
- Speaker #0
D'accord. Donc il n'y avait pas un processus créatif particulier par rapport à ce projet-là. Est-ce que toi, tu en as des rituels pour te mettre en bonne condition ?
- Speaker #1
Je dirais que le processus de ce projet a été assez classique. Tu en parlais tout à l'heure des maquettes. On a fait pas mal de maquettes en papier. C'était des formes assez géométriques. Ça permettait avec le papier de modéliser ces formes-là. Après le processus, comme je dis tout à l'heure, il y avait un brief assez spécifique. Tu rentres assez rapidement dans le... dans la matière et dans le brief, dans le dessin.
- Speaker #0
Est-ce que tu vas très tôt, justement, dans l'usine, rencontrer les artisans ? Parce que ça fait partie, justement, de ton processus.
- Speaker #1
Oui, c'est important. Et ce qui est intéressant, c'est que ça donne souvent lieu à d'autres idées. Tu disais tout à l'heure, en fait, le processus créatif, il ne faut pas rester derrière son bureau. Je pense à gamberger sur des idées. L'usine, c'est vraiment un lieu où tu vas découvrir, où tu vas voir un petit truc dans un coin qui va te donner une autre idée auquel tu n'aurais pas pensé juste en décidant.
- Speaker #0
D'accord. Je ne sais pas si tu sais ce que c'est l'heure bleue. L'heure bleue, c'est le moment de la journée où tu sens le plus créatif, où tu essaies un peu de rentrer dans ce flot, justement. Est-ce que toi, tu es plutôt un oiseau de nuit ? Ou alors tu ferais le matin.
- Speaker #1
Oui, l'heure bleue, je connais parce que justement, je me souviens d'une étudiante qui m'avait parlé de ça il y a très longtemps. Je connais l'heure bleue. Alors pour moi, ce qui est intéressant, c'est que j'ai toujours aimé travailler de chez moi. J'ai mon bureau toujours à domicile. Et donc, que ce soit le matin ou le soir, je me souviens d'avoir Je ne m'interdis pas de travailler à des moments où d'autres gens se mettraient derrière la télé. Ça peut être à n'importe quel moment.
- Speaker #0
D'accord. Par exemple, quand on revient à tes influences et justement les personnes que tu as rencontrées au début de ta carrière, est-ce que tu as eu des mentors, des gens qui ont pu t'aider pour travailler sur des projets ?
- Speaker #1
Oui. je pense que j'en aurais voulu plus. Je pense que c'est important d'avoir des gens comme ça qui te soutiennent. Je pense que je suis aussi un petit peu... Il y a un petit côté tattoo aussi qui, parfois, peut repousser les avis des autres. Je pense que ça a un bon côté, un mauvais côté. Après, quand je suis rentré chez Philips, j'avais un... un collègue qui s'appelait Cody Fais, qui était un designer très intéressant, qui m'a beaucoup beaucoup aidé, assez critique aussi, un oeil critique, mais dans le bon sens. Et après, quand j'ai donné des cours à la Design Academy à Eindhoven, j'avais aussi un prof qui s'appelait Jürgen Bey. avec qui j'ai enseigné ensemble. Lui, c'est vraiment un personnage très intéressant, très impliqué dans la créativité, un peu un savant du design, qui approchait l'enseignement aussi avec beaucoup d'humilité et d'humanité, et qui parlait toujours avec des métaphores pour que les étudiants puissent bien comprendre parfois des messages assez complexes.
- Speaker #0
D'accord. Donc, les mentors, on en a parlé. Est-ce qu'il y a justement eu des personnes qui ont vraiment marqué ta carrière ou vraiment t'ont fait réfléchir sur le processus créatif ? Ou alors peut-être c'est une expo que tu as vue où tu t'es dit Waouh, je vais voir les choses différemment maintenant
- Speaker #1
Non, pas vraiment, parce que je pense que ça a été un peu une... Il n'y a pas eu de gros chocs ou de...
- Speaker #0
Ça a été plutôt un long fleuve tranquille, mais toujours dans la même direction. Parfois, avec des gens comme ça qui, sur ton parcours, vont te faire découvrir des choses ou ouvrir des yeux à d'autres choses. Pendant mes études, j'avais une grande amitié avec un designer qui s'appelle Michael Anastasiades. Pendant deux ans, on a été très proches. Lui, c'était un caractère très intéressant, une approche aussi très différente. C'était beaucoup plus en sympathisant, comme ça, qu'on discutait sur des choses. Pour revenir au Royal College of Art, ce qui était intéressant là-bas aussi, c'est qu'il y avait beaucoup de nationalités différentes. Et ça, ça fait réfléchir aussi. De la façon dont quelqu'un du Liban, ou de Grèce, ou des États-Unis, ou du Portugal, tout ça a été très condensé. Dans une époque de ta vie où tu penses être assez mature, tu découvres qu'il y a beaucoup d'opinions différentes.
- Speaker #1
D'accord. J'ai lu aussi qu'après Hermès, tu as aussi collaboré avec Louis Vuitton. Est-ce que tu peux nous parler un petit peu de cette expérience ? Et aussi, quelle était la différence entre ces deux maisons dans le processus de création ?
- Speaker #0
Oui, je pense que je pourrais écrire un livre là-dessus. Il y a pas mal de différences. Alors chez Hermès, mon rôle était assez... J'étais assez à l'extérieur, donc vraiment en freelance. Les procédés étaient assez longs, les briefs, pas toujours. très très clair, mais c'était toujours des belles expériences, des beaux projets, toujours avec beaucoup de recherche, trouver les justes formes, avec un oeil très critique d'Hermès, il fallait vraiment que l'objet rentre dans leur code.
- Speaker #1
Très exigeant.
- Speaker #0
Oui, très exigeant, avec beaucoup de déchets. Mais une fois que l'objet est là, c'est... Tout le monde en est content et souvent l'objet a une longue vie. Chez Vuitton, c'était un peu différent. C'était plus comme un embauchement où j'étais là à plein temps. C'était pour dessiner les accessoires. qui étaient liés aux collections et qui sortaient tous les trois mois. Donc on avait un brief très clair, très précis. Il fallait que ça soit dessiné en quatre, cinq, six semaines, sans trop réfléchir, et ainsi de suite, de saison en saison. D'accord.
- Speaker #1
Il y avait une équipe autour de toi ?
- Speaker #0
Oui, une petite équipe. C'était en fait créatif, marketing et industriel. Un genre de triangle qui se tournait à infinitum d'une équipe à l'autre.
- Speaker #1
Donc là, toute la semaine, tu étais à Paris, dans leur bureau ?
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
Donc ça devait être challengeant, super intéressant, super intense.
- Speaker #0
Oui, oui, oui, tout à fait. Après, j'ai énorme respect pour Vuitton, pour la façon dont elle opère, parce que c'est vraiment une très grande maison avec beaucoup d'enjeux. Et ils arrivent à faire tourner ça de façon très, très cohérente. Ça, ça m'a beaucoup impressionné. Je ne suis pas fan du marketing ou des équipes marketing que j'ai pu voir dans le passé. Mais là, j'ai trouvé vraiment des gens très, très compétents qui savaient exactement ce qu'ils voulaient. Donc, ça rend la tâche un peu facile en tant que créatif, mais pas toujours très... Comment dire ? il y a moins de créativité.
- Speaker #1
D'accord, mais sur un projet, dans cette collection chez Vuitton, jusqu'où tu devais aller ? Tu devais dessiner, tu devais rendre des 3D, à quel moment tu passes le relais à quelqu'un d'autre pour la suite ?
- Speaker #0
Oui, alors c'était... Il y avait aussi des équipes qui faisaient que de la 3D, par exemple. Donc moi... Moi, je savais faire ça, donc je n'allais jamais aller jusqu'à ce niveau-là.
- Speaker #1
Mais ça prend du temps.
- Speaker #0
Oui, ça prend du temps, mais c'est aussi une façon de garder le contrôle du dessin et de la création. Mais l'équipe à qui je travaillais, la plupart ne faisaient pas de la 3D. Donc c'était des dessins en 2D ou parfois des croquis. Et les équipes 3D qui reprenaient ça.
- Speaker #1
Ok. Et justement, par rapport à ces collaborations avec Hermès, avec Vuitton, est-ce que ça a changé ton approche ? Justement du design ou de la gestion d'un projet après ces expériences ? Est-ce que tu sens que tu as évolué ?
- Speaker #0
Je pense que Hermès, c'était vraiment ma façon de dessiner, ma façon de faire. Donc ça n'a pas trop changé. J'étais vraiment dans mon élément là. Et chez Vuitton, j'ai le côté vraiment très professionnel. Ça, j'aurais bien aimé continuer un petit peu sur cette voie, mais je sais non plus que ce n'est pas des énormes efforts, c'est vraiment des efforts d'équipe.
- Speaker #1
C'était qui le directeur artistique à l'époque chez Vuitton ?
- Speaker #0
Il y avait Virgil Abloh et Nicolas Ghesquière, donc homme-femme.
- Speaker #1
Tu as collaboré avec eux ? Tu as eu des discussions avec eux ?
- Speaker #0
Ils étaient vraiment un peu dans leur Tour d'Ivoire, donc on les voyait quasiment pas. on sentait vraiment la direction qui venait d'eux. Et là aussi... pas beaucoup de créativité autre que la leur. Il fallait vraiment souvent reprendre un peu ce qu'ils nous donnaient.
- Speaker #1
D'accord, il fallait décoder, il fallait analyser tout ça.
- Speaker #0
Oui, et l'appliquer sur d'autres objets bien sûr, que des sacs ou de la mode.
- Speaker #1
Ok. Alors, après Vuitton, j'ai vu aussi que tu as travaillé pour un projet pour Delvaux, donc du coup plus local.
- Speaker #0
Oui, tout à fait.
- Speaker #1
Et tu peux nous en dire un peu plus ?
- Speaker #0
Oui, oui. J'y suis allé en bicyclette, parce que c'était tout près de chez moi. Oui, en fait, je trouvais ça dommage d'être à Bruxelles et de ne pas travailler pour une marque comme Delvaux. porte à côté. J'y suis allé, j'avais rencontré Christina Zeller qui était la directrice artistique et directrice marketing à l'époque. Je crois que c'était au début, j'ai montré mon travail. Après, elle a bien aimé. Du coup, elle m'a briefé sur un projet qui était assez compliqué. Travaillé là-dessus pendant un an. Et le projet ne s'est pas fait. Et après, je pense que c'était un ou deux ans plus tard, je suis allé avec des idées plus spécifiques que je leur ai montrées et ça ne leur a plus. Et c'est devenu la collection, certains sacs de la collection Magritte.
- Speaker #1
Ok. Donc, je pense qu'il faut encore une collaboration avec Magritte ou en tout cas, ils le font régulièrement. Super intéressant. Et... Après, Delvaux, est-ce que tu travailles justement sur des projets parallèles ? C'est quelque chose que tu arrives à faire, à travailler sur plusieurs projets en même temps ou tu préfères cloisonner et chacun son tour ?
- Speaker #0
Oui, j'aime bien la diversité. Après, ça demande aussi une certaine flexibilité. Je me rends compte aussi qu'avec l'âge, c'est un peu plus difficile de jongler plusieurs projets à la fois. Mais je n'aime pas être trop être... dans un projet parce que je pense que là aussi d'aller de switcher entre projets ça te garde un peu ça garde de l'énergie je trouve mais alors du coup tu
- Speaker #1
as travaillé à la fois dans les domaines très divers donc le luxe, le design industriel comment est-ce que tu arrives à naviguer entre ces univers créatifs est-ce que forcément tu arrives à trouver l'équilibre entre fonctionnalités et esthétisme dans tes créations
- Speaker #0
Oui, en fait, ma devise, c'est toujours de surprendre, de créer quelque chose que les autres n'ont pas pensé. Que ce soit pour Hermès ou pour une marque comme Philips, à la base, ça reste le même processus quand même.
- Speaker #1
D'accord, pas de différence ?
- Speaker #0
Forcément, il y a une différence dans la finition, dans les attentes aussi, bien sûr. Mais je pense que le processus créatif peut être assez similaire.
- Speaker #1
D'accord, donc l'approche reste la même de quoi qu'il arrive, ça reste une page blanche.
- Speaker #0
C'est ça.
- Speaker #1
D'accord. Et justement, en parlant de page blanche, qu'est-ce que tu fais par exemple quand tu as un moment de doute ou une fatigue créative, si jamais ça te concerne évidemment, mais comment est-ce que tu vas essayer de retrouver un peu l'inspiration ?
- Speaker #0
Je pense que c'est important de... Quand on a un doute comme ça ou quand on bloque un peu sur des idées, c'est de faire autre chose. Pas trop se focaliser sur le problème et aller voir ailleurs, se balader. Souvent, juste en se baladant, l'esprit reste créatif, reste en éveil et peut fournir des idées auxquelles on n'aurait pas pensé si on reste derrière l'ordi.
- Speaker #1
D'accord. Donc, il y a toujours un moyen de surmonter les difficultés créatives sur un projet. D'accord.
- Speaker #0
Il faut.
- Speaker #1
L'un de tes projets, le calendrier pour Hermès, a attiré beaucoup d'attention pour son mélange de savoir-faire et de modernité. C'est quoi la genèse de ce projet ? Comment as-tu élaboré le concept ?
- Speaker #0
C'était un projet sous brief. Ça faisait partie des projets que Hermès voulait montrer à Milan. On commençait un an, un an et demi avant avec un brief assez spécifique. Là, le brief, c'était utiliser le cuir d'arnachement, le cuir bride, donc qui est un cuir un peu plus rugueux, plus épais.
- Speaker #1
Ils l'utilisent pour les céleries ?
- Speaker #0
Oui, tout à fait. Le brief était assez ouvert, mais il fallait utiliser ce cuir et trouver des objets Hermès. En bricolant comme ça, un jour, l'idée m'est venue, mais de façon assez spontanée. je pense en voyant, je crois que c'était vraiment en feuilletant dans un magazine, en voyant des rubans, je me suis dit tiens, ça serait intéressant, avec un petit cadran et cette lamelle de cuir assez longue qui passe comme ça à travers de façon horizontale, verticale. avec des marquages à chaud dans le cuir avec les jours du mois, les jours de la semaine et le mois. C'est un beau petit projet parce que ça fait partie de ces projets où on a l'idée et après on fait des maquettes, on essaie des choses et ça va un peu dans tous les sens avant de vraiment trouver sa forme finale. où l'objet est juste.
- Speaker #1
D'accord. Tu nous as dit au début que ça allait être présenté à Milan. Pour ceux qui ne savent pas, qui ne sont pas du milieu, qu'est-ce qui se passe à Milan ?
- Speaker #0
Tous les ans, il y a la plus grande exposition de design qui s'appelle le Salone d'Immobilier. où se réunissent toutes les grandes marques. À la base, c'était vraiment un salon commercial, mais c'est devenu d'année en année aussi un salon culturel où tous les designers exposent des projets commerciaux, mais aussi des projets d'expérimentation. C'est vraiment le haut lieu de rassemblement de tout ce qui se passe dans le monde du design.
- Speaker #1
D'accord. On peut aussi voir depuis les dernières années, les dernières éditions, qu'il y a de plus en plus de marques qui n'ont rien à voir avec le mobilier, qui veulent se montrer, en tout cas sur le salon ou dans la ville. C'est important. En tout cas, la place du design prend de plus en plus d'importance dans des marques où on ne s'y attendait pas forcément.
- Speaker #0
Oui, tout à fait. Que ce soit la mode ou l'automobile. Il y a pas mal d'autres acteurs qui viennent. leur part de créativité là-dedans et qui utilisent aussi le design et les designers pour faire évoluer leurs marques. Je pense que c'est intéressant. Ce n'est pas toujours réussi, mais je pense qu'en tout cas, la volonté est là.
- Speaker #1
Est-ce que tu as déjà travaillé pour des marques de mode qui t'ont demandé de lancer une nouvelle ligne d'objets ? Ou un autre projet ?
- Speaker #0
Oui, alors j'ai eu un petit projet qui était assez intéressant à une époque pour Versace. J'avais demandé... Ça n'a pas duré très longtemps parce que je pense que je n'étais pas vraiment le designer type pour eux, mais c'était une expérience intéressante. Gianni Versace avait commencé une collaboration avec Rosenthal il y a 25 ans déjà, je crois. Et du coup, ils ont toujours gardé cette collaboration. Et du coup, j'aidais aussi à travailler sur ces projets-là.
- Speaker #1
Donc, tu as travaillé directement avec... De l'intellat, c'est ça ?
- Speaker #0
Oui, tout à fait.
- Speaker #1
Intéressant. En tant que designer, comment est-ce que tu abordes la question de la durabilité dans tes créations ?
- Speaker #0
C'est quelque chose qui est assez important pour moi. J'ai grandi avec ça. Mon père avait déjà des idées bien précises là-dessus. quand j'étais petit c'était des choses qu'on abordait du coup le lampion solaire dont j'ai parlé tout à l'heure en fait partie après j'ai eu aussi une envie de faire un projet un peu farfelu à une époque, que j'avais nommé le botanique. Botanique comme botanique, bien sûr, la fleur, la flora, mais aussi botanique, B-O-A-T. comme le bateau. Et mon idée, en fait, c'était de convertir des bateaux mouches à Amsterdam en serres flottantes. Oui, c'était assez intéressant. On faisait pousser de tout. Et l'idée, c'était que le bateau puisse aller presque de maison en maison livrer directement la marchandise. Et aussi avec des... une petite livraison en vélo qui suivait le bateau. Et à la fois aussi un projet d'éducation où les enfants pouvaient venir sur le bateau, comprendre comment on fait pousser certaines choses.
- Speaker #1
Jusqu'où tu as été dans ce projet ?
- Speaker #0
Alors, on a fait un prototype qui n'était pas à Amsterdam, mais à Utrecht. où on a vidé un bateau et on l'a rempli de plantes, pour voir ce que ça donnait, comment ça marchait. C'était pendant une exposition qui avait lieu dans la ville à ce moment-là.
- Speaker #1
D'accord, mais tu travaillais avec une école ou tu travaillais directement avec les autorités locales pour mettre ça en place ?
- Speaker #0
C'était un projet culturel, avec des curateurs et aussi avec une compagnie de bateaux qui avait mis à disposition un de leurs bateaux.
- Speaker #1
D'accord. On a parlé de durabilité, maintenant on va un peu parler d'innovation. En tout cas, dans le design, c'est un domaine qui est en constante évolution. Quelles sont selon toi les tendances ou les évolutions les plus excitantes que tu observes en ce moment ? Ou alors plutôt des choses où tu serais plus craintif ?
- Speaker #0
Oui, alors je pense que les dix dernières années ont été marquées par la facilité avec laquelle on peut maintenant fabriquer les choses. la coupe laser, l'imprimerie en 3D, ça c'est vraiment... Maintenant on peut presque faire de la petite production avec ces méthodes-là, donc ça a été très intéressant, et ça donne beaucoup de pouvoir au designer, au moment qu'il sait faire travailler avec l'ordinateur, ça permet de faire beaucoup de choses très facilement, et rapidement. Ensuite il y a la grande question de l'IA bien sûr, l'IA c'est... c'est avant l'IA. Je considérais que j'étais en tant que designer un peu comme une intelligence artificielle dans le sens où on a un magazine plein d'idées, d'inspiration, d'expérience. Et de là vient souvent le design. Et maintenant, on s'aperçoit que l'IA, quelque part, arrive à faire des choses assez farfelues. Après, ça repose toujours sur des données précédentes. Je l'utilise un petit peu. peu mais je suis pas toujours très convaincu par le résultat et je m'aperçois que que j'arrive quand même encore à faire certains dessins que je pense que l'IA ne pourrait pas faire. Mais bon, je pense que c'est intéressant. J'ai eu des stagiaires d'ailleurs qui m'ont un petit peu surpris au début, dans le sens où ils ne faisaient pas les recherches comme on faisait nous avant, mais tout de suite ils vont vers le questionnement d'un chat de GBT ou autre pour trouver leurs données ou leurs références. Donc, je pense que ça donne beaucoup de pouvoir, mais il faut savoir l'utiliser. Je pense bien l'utiliser.
- Speaker #1
D'accord, donc c'est une autre façon de trouver l'inspiration, en fait.
- Speaker #0
Je pense que si on n'utilise que ça comme l'inspiration, ça ne va pas aller dans le bon sens. Je pense qu'il faut l'utiliser de façon pertinente sur des moments ou clés, mais je pense qu'il ne faut pas... Je pense que le jour où le designer n'utilisera que l'IA, il n'en sortira pas grand chose autre que ce que peut fournir un auteur intelligent comme ça.
- Speaker #1
D'accord. Et si on en revient à l'inspiration, justement, toi, comment est-ce que tu la nourris, ton inspiration ?
- Speaker #0
Par divers... On l'a abordé précédemment, mais je pense par divers moyens, c'est vraiment de dessiner, d'aller dans des expositions, de se balader. Je pense que je réfléchis vraiment de façon assez constante sur des... projet comme ça. Donc je pense que le cerveau, il est toujours pas en mode éveil. Il est toujours en train de réfléchir à ce que peut devenir le projet et après c'est ce que tu fais à ce moment-là qui va déterminer la façon dont les idées viennent.
- Speaker #1
Donc il n'y a pas un thème en particulier qui t'inspire plus que d'autres ? Tu es assez curieux ?
- Speaker #0
Oui, je pense que curieux c'est un beau mot. Beau mot. Il faut rester curieux, il faut rester ouvert. Et je remarque aussi, je pense que avec l'âge aussi, on a tendance un petit peu à se figer dans certaines choses. Donc, quelque part, il faut se forcer à sortir de... de façon de faire, essayer de changer, essayer de se forcer à faire d'autres choses pour que on sorte un peu de cercle.
- Speaker #1
Sortir de sa zone de confort.
- Speaker #0
Oui.
- Speaker #1
On va un petit peu parler maintenant de ce qui se passe aujourd'hui, dans ton actualité. C'est quoi tes projets sur lesquels tu travailles en ce moment ?
- Speaker #0
Il y a différents projets. Je viens de finir deux flacons de parfum. pour des grandes marques françaises, de flacons assez différents. Donc ça, c'est intéressant. J'en ai fait dans le passé, donc c'est un domaine que je connais assez bien. Je travaille, je fais un peu de porcelaine pour une marque portugaise qui s'appelle Vista Alegre, où on a combiné, le brief là, c'était de combiner la porcelaine avec une autre matière. un projet avec de la porcelaine et du cuir. C'est beau, je pense. Localement, j'ai un projet aussi avec une marque de robinetterie. C'est la première fois que je fais ça, je les ai rencontrés il y a deux ou trois ans à la maison à objets à Paris. À l'époque, ils étaient assez ouverts à de nouvelles idées, mais l'inspiration ne m'était pas venue tout de suite. Après, je les ai revus deux ans plus tard et là, je me suis dit, écoute, là, il faut que tu réfléchisses sérieusement. Je trouve ça des domaines assez intéressants, comme ça, la robinetterie qu'on connaît depuis... d'année quand même, et trouver quand même, essayer d'innover dans un secteur où tout le monde a un petit peu la tendance à faire la même chose.
- Speaker #1
Donc toi, tu travailles en fait sur plusieurs projets, avec pas forcément une finalité, en tout cas une finalité de partenariat, c'est plus t'es curieux, tu travailles sur différents supports en fonction de tes envies, et ensuite, à ce moment-là, tu les proposes à des marques ?
- Speaker #0
De moins en moins. Là je suis plus dans une phase où j'essaie de trouver des clients, de l'acquisition un peu classique, montrer mon travail, voir s'il n'y a pas des projets intéressants pour eux. Le projet de robineterie, c'est intéressant parce que c'est une petite marque, mais qui fait des objets vraiment de haute qualité. Et je sentais qu'ils étaient ouverts à des nouvelles propositions.
- Speaker #1
Mais, justement, tu as plusieurs casquettes, tu t'intéresses à plusieurs domaines. Si on regarde par exemple ton site internet ou ton portfolio et qu'on voit que tu as fait énormément de porcelaine, du travail du cuir, comment est-ce qu'on arrive à convaincre une marque dans la robinetterie, une marque dans le parfum, que tu peux aussi... faire ça ?
- Speaker #0
Oui, je pense que j'ai un style assez éclectique dans ce sens-là. Mais après, quand je vais voir une compagnie comme ça, je ne prépare pas un portfolio où je ne vais pas tout montrer. Il y a quand même une petite sélection. avec des objets, des projets qui peuvent être pas forcément en relation avec ce qu'ils font, mais où je vais pouvoir leur montrer que j'en suis capable.
- Speaker #1
D'accord. Il faut toujours convaincre, séduire le potentiel client. Donc justement, ça c'est quand même un conseil très important. C'est quelqu'un qui débute maintenant dans ce domaine ou qui cherche à développer sa propre créativité, monter son studio. Quel conseil lui donnerais-tu ?
- Speaker #0
Je pense que tu l'as dit tout à l'heure, je pense qu'un mentor, c'est important. Quelqu'un qui peut te conseiller. Moi, je pense que quand j'ai commencé tout seul à monter ma marque, je pense que c'est quelque chose qui m'a manqué. Je pense que ça, c'est important. Je pense qu'il y a énormément de gens qui sont prêts à le faire, mais on ne sait pas toujours où ils sont. Même des chambres de commerce, je pense qu'il y a certainement des gens qui peuvent vous montrer la voie. Après, avant de commencer, faire beaucoup de stages, essayer des choses assez différentes dans le métier aussi, que ce soit de la 3D, des maquettages. Il faut faire un peu tous les passages du métier pour se rendre compte là où on veut être. Ne pas avoir peur non plus. Garder un esprit très ouvert, la curiosité. Voilà.
- Speaker #1
Ok. Alors, pour conclure, parce qu'on a déjà discuté de beaucoup de sujets, est-ce qu'il y a un livre, un film ou une expo que tu recommanderais pour justement éveiller la créativité ?
- Speaker #0
Bon, il y en a beaucoup. Moi, en tant que film, un film que j'ai beaucoup aimé, que j'ai vu... Quand j'étais plus jeune, c'était les 400 coups de Truffaut. Parce que ça me rappelait, là je reviens un peu au tout début de notre conversation, ça me rappelait un peu à ma jeunesse et aux bêtises que j'ai pu faire. Et je pense que dans la bêtise, il y a aussi beaucoup de créativité. Je pense que ce film est intéressant. Il faut faire en sorte que ces bêtises deviennent créatives et ne deviennent pas un parcours de délinquance, comme dans le film. Les expos, il y en a énormément, il y en a beaucoup. Je pense qu'il faut aller à la rencontre et découvrir. Après une expo qui m'a beaucoup marqué, mais c'était vraiment dans un domaine très différent. C'était une découverte sur Annie Albers, à Paris, au musée des beaux-arts, arts décoratifs, pardon. Et ça, c'était vraiment un travail qui m'a beaucoup marqué.
- Speaker #1
D'accord. Et un livre ?
- Speaker #0
Un livre ? Bonne question. J'en ai pas un comme ça que je peux sortir, non.
- Speaker #1
Une bande dessinée ?
- Speaker #0
Je découvre la bande dessinée depuis peu de temps. J'aime bien... J'ai un goût assez éclectique dans les livres ou les BD. J'aime bien lire différentes choses aussi. J'arrive à lire en quatre langues, mais lentement. Donc, j'ai pas mal de choix de livres.
- Speaker #1
OK.
- Speaker #2
Bon, si jamais une idée te vient, je le mettrai en bio dans l'épisode. Je crois qu'on a fait le tour de toutes les questions. Je te remercie beaucoup d'être venu pour ce premier épisode. Merci Nicolas. On te souhaite plein de chouettes projets et on suivra de ça près. Merci beaucoup.
- Speaker #0
Toi, good luck avec le podcast.
- Speaker #2
Merci.
- Speaker #1
Merci d'avoir écouté cet épisode d'Omerta, le podcast de l'Odyssée créative. Cette conversation m'a vraiment passionné et j'espère qu'elle vous a inspiré autant que moi. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à la partager, à laisser un avis ou une note. C'est une belle façon de soutenir le podcast. et de le faire découvrir à d'autres. Pour rester connecté, abonnez-vous sur nos réseaux sociaux et inscrivez-vous à la newsletter via la description ou sur notre site internet omerta.be. Vous y trouverez des contenus exclusifs, des infos supplémentaires sur nos invités et les coulisses du podcast. Et si vous avez des suggestions d'invités ou de sujets à explorer, je serai ravi de les entendre. A très bientôt pour un nouvel épisode et de nouvelles aventures créatives.