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Inky et Peete se livrent

Emblèmes : le cercle des géographes, de Ina Siel

Emblèmes : le cercle des géographes, de Ina Siel

13min |14/05/2025
Play
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13min |14/05/2025
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Description

Connaissez-vous Érèbe ?

🐺🌲👑

Et Cécilie ?

💪🏻🪡🕷️

Et leur couple ?

Parce qu'ils sont mariés, vous savez. Malgré les rumeurs, malgré leurs différences.

Et ensemble, il vont exploser pas mal de murs...


📚 Références :

titre : Emblèmes

autrice : Ina Siel

couverture : Cyrielle Foucher

éditeur : Mnémos

site : https://mnemos.com/naos/

à partir de 13 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Un magnifique cerf au pelage d'un blanc fantomatique sauta du talus et passa en trombe à quelques mètres d'Ereb. Ses yeux vermeils brillaient de panique et ses naseaux crachaient des nuages de vapeur par vagues saccadées. Dans cette journée glacée par le givre, le spectacle avait quelque chose d'irréel. Glissant le long de la tête altière, le regard d'Ereb se posa sur ses bois. Ils se déployaient en deux arcs séparés par plus d'un mètre. Chacun d'eux se ramifiait en cinq branches immaculées. Les voilà, songea Ereb avec un mélange d'émerveillement et d'angoisse. Il lui suffirait de les tailler légèrement, d'y ajouter des cernes et des scarifications, puis de les peindre de cette couleur inimitable qui hantait ses cauchemars chaque nuit depuis son premier souvenir. Le jeune homme frissonna et ses mains se couvrirent de sueur. La silhouette sombre du cauchemar rodait à la lisière de son subconscient. En une masse difforme dont il peinait à figer les traits, l'estomac d'Ereb se noua et un sanglot grimpa des tréfonds de sa poitrine. Il se força à le ravaler, comme on resserre un nœud coulant autour de son propre cou. Puis, on tâma la poursuite. Il entendait le cerf plus qu'il ne le voyait désormais. Un dérapage maladroit dans la terre meuble, un tapis de feuilles glissant les unes sur les autres, le claquement d'une branche reprenant sa place, une brindille qui se brise comme une minuscule détonation. Laissant s'éloigner peu à peu, mais le chasseur avait confiance, il n'était pas seul. Il inspira profondément, tentant de percevoir par-dessus le fond glacé de l'air l'odeur musquée de son compagnon, sa présence solide et rassurante. Le loup avançait d'un pas vif,

  • Speaker #1

    régulier.

  • Speaker #0

    Même quand il disparaissait dans les branchages ou les fourrés, l'animal ne distançait jamais complètement l'homme qui le suivait. Le couple homme-loup chassait ensemble ou pas du tout. Et lorsque la nuit tomberait et qu'il serait l'heure pour Héréb de rejoindre son cauchemar, le loup serait une fois encore à ses côtés. Pas pour le défendre contre la bête monstrueuse qui rôdait dans ses rêves, mais pour l'aider à reprendre pied quand elle le tuerait. Sans noctis, il aurait sombré depuis longtemps. « Ne m'attends pas, mon ami, » murmura Héréb. Le loup ne se fit pas prier. À peine la bénédiction de son partenaire avait-elle franchi ses lèvres qu'il avait déjà disparu, avalé par les fourrés. Il allait prendre le cerf à revers. tapit dans un humus aussi noir que son poil. Il mordrait la bête au jarret ou directement à la carotide, et Héréb n'aurait plus qu'à venir l'achever. Au bout d'une longue minute, le bruit d'une lourde chute suivie d'un vagissement fit accélérer les battements de son cœur. Héréb essuya ses paumes en sueur sur son pantalon et dégaina le poignard qu'il portait à la ceinture. Le contact du manche patiné l'ancra dans le réel. Il trottina en direction de Noctis, sautant agilement au-dessus des troncs abattus et des buissons épineux. Le loup l'attendait, assis sur sa proie, le regard fier et le museau ensanglanté. Le liquide vermeil s'écoulait de la blessure en jet irrégulier. Le cerf tremblait, à deux doigts de rejoindre les dieux dans leur jardin paradisiaque, où nul loup ni chasseur ne lui voudrait plus de mal. Héreb posa une main sur le flanc du cerf, goûtant les ultimes traces de vie qui le parcouraient. Il adressa une prière silencieuse à Déus, puis, d'un coup de couteau précis, acheva la bête. Noctis le contemplait toujours sans broncher de son regard jaune énigmatique. « Parfois j'ai honte, mon ami, » souffla Héréb en découpant la première corne. En vieille compagne, la nausée revint habiter son estomac. Le loup ne s'y a pas. « Mais j'en avais besoin. J'ai besoin de ces bois. » Héréb cisailla la chair et en arracha son second trophée. Il récupérerait les os également, mais cela attendrait. Noctis se licha les babines. Il sauta à bas de l'animal et promena son museau entre les deux cratères qui trouaient désormais son front.

  • Speaker #1

    « Toi aussi tu auras ta part,

  • Speaker #0

    quand Bertram l'aura dépecé » , murmura Héréb en enroulant les bois dans une couverture d'un blanc sale. Il les rangea du mieux qu'il put dans son sac, puis entreprit de couvrir la carcasse. Il aurait dû prévenir Bertram avant d'extraire les bois, se montrer plus patient. L'animal sanguinolent allait attirer une flopée de prédateurs, et si l'intendant ne le trouvait pas à temps, cela gâcherait un repas de fête pour toute la maisonnée. coincé sous sa manche la montre d'Ereb émit une série de bips sur aiguë. Noctis dressa une oreille, mal à l'aise. Le jeune homme dégagea le bijou du bout des doigts et jeta un œil à son cadran. 17h30. Dans trente minutes, sa sœur, Pia, accompagnée du dimarc d'Edrosac, franchirait les portes d'Aigremort pour le souper. Peut-être Joligne se joindrait à la E, si elle parvenait à s'arracher à la solitude de son récent veuvage. La perspective d'un repas partagé avec ses sœurs alluma une douce chaleur dans la poitrine d'Ereb. Elle lui manquait terriblement.

  • Speaker #1

    Lors de ses visites,

  • Speaker #0

    Pia lui contait toujours de délicieuses histoires en provenance de l'extérieur. Son cadet s'en délectait, comme on sirote un bon vin, malgré l'envie mêlée d'amertume qu'elle provoquait en lui. Il avait grandi caché, loin de tout et de tout le monde, emprisonné par le cocon épais que sa famille tissait autour de lui, pour le protéger, pour le dissimuler, l'enfant malade, le monstre.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix au premier mot d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit du premier tome de Emblem, le cercle des géographes, écrit par Ina Ciel et publié en 2023 chez Naos, la collection young adulte des éditions Mnemos. Emblème, c'est l'histoire d'Ereb, Ereb d'Aigremor, un jeune noble qui vit reclus dans son manoir, avec sa mère, ses sœurs parfois, et aussi dans sa forêt, avec son loup. Quand il était petit, Ereb se serait fait attaquer par une bête sauvage, une bête qui habite maintenant ses cauchemars. Ce traumatisme le hante et provoque chez lui de violentes crises d'angoisse. C'est pour cette raison qu'il ne sort pas, et aussi à cause des rumeurs assez horribles et sordides qui circulent sur lui en ville. Pourtant,

  • Speaker #0

    une jeune femme,

  • Speaker #1

    une jeune roturière fortunée, au doux nom de Cécilie, vient le trouver au fond de sa forêt pour le demander en mariage. Elle le convainc aussi de passer les sélections pour participer à la prochaine expédition vers une terre sauvage et exotique, peuplée de créatures magiques. Clairement, ces deux jeunes gens sont très différents, voire opposés, et leurs objectifs aussi. Mais ça ne les empêche pas de faire un bout de chemin ensemble, et même un sacré bout de chemin, puisqu'ils vont vite... de tomber sur des manigances, des pièges politiques qui les dépassent complètement et qui vont se trouver pris au piège. Dans cette histoire, le duo Héreb-Cécilie est tout à fait remarquable. Héreb, c'est un homme sombre et solitaire. Comme il a vécu toute sa vie en reclus, il a une connaissance théorique du monde, ce qui le rend touchant de naïveté. Et Cécilie, c'est une femme fonceuse qui sait ce qu'elle veut et qui est prête à beaucoup de choses pour parvenir à ses fins. Le couple est totalement inattendu et explose le cliché de la bonne épouse un peu soumise et du mari fort et protecteur. Et c'est très rafraîchissant. A travers eux se lisent aussi les injustices liées au sexe, au rang social, et également au pouvoir des rumeurs et des mensonges qui peuvent ruiner la réputation de n'importe qui pour peu qu'on y prête un peu l'oreille. Ce couple et leur dynamique met aussi en lumière le sujet de l'anxiété sociale, ce qui, en soi, est assez rare pour être souligné. et en l'occurrence, l'anxiété masculine, encore plus rare. Ereb est victime des rumeurs qui courent sur lui. Il est aussi victime de ses cauchemars et est victime aussi de pas mal d'autres choses. Il a commencé sa vie par un traumatisme puissant dont il ne se souvient pas vraiment, qui provoque régulièrement des crises. C'est un handicap au quotidien, il a appris à vivre avec, mais ça reste un problème. Aujourd'hui, si on est assez rare à avoir subi une attaque de bêtes sauvages dans notre enfance, on vit dans une société pour le moins anxiogène. Et cette anxiété, qu'elle soit sociale, climatique, sociétale, c'est un mal dont souffrent beaucoup de personnes, beaucoup plus qu'on ne pourrait le croire. Et en fait, je dirais presque qu'elle nous touche tous, avec des symptômes plus ou moins visibles. Et c'est pour ça que c'est important de lire des personnages qui en souffrent aussi, surtout dans la littérature jeunesse. Et ici, c'est amené de façon subtile, délicate. C'est très difficile de trouver les mots pour parler de ces sujets, mais Inassiel les trouve, et elle touche juste. Donc là on a parlé de deux personnages, mais je pense qu'il faut en citer un troisième, qui est la nature et l'univers de manière générale dans lequel se déroule cette histoire. C'est un univers où se mêlent des ambiances de Green Academia, de steampunk, de fantasy. Dès Linky Pit, on voit Ereb qui chasse un cerf pour récupérer ses bois. Son but, c'est de reconstituer la créature qui hante ses cauchemars. Mais cette créature, elle n'existe a priori pas, et donc il cherche des bouts d'animaux pour la recréer. Il va donc essayer de réaliser une chimère, au sens mythologique du terme, une chimère empaillée. Et Héréb excelle dans l'art de la taxidermie. Il a son propre cabinet de curiosité, comme de nombreux nobles de cet univers. Mais cette ambiance feutrée, un peu sombre des cabinets de curiosité, ça pourrait rebuter. Mais en fait, c'est tout le contraire. Les descriptions à la fois détaillées et poétiques sont parfaites. Il faut savoir que Inasiel, l'autrice, est biologiste. donc elle maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Il y a aussi des trouvailles absolument géniales. Pour n'en citer qu'une, je vais vous parler des Soiréniers. Enfin non, je ne vais pas vous en parler. Je vous laisse savourer le mot, sois régné. et deviner l'animal en question. Considérer la nature comme un personnage à part entière dans ce livre, c'est d'autant plus pertinent quand on sait que tout cet univers fonctionne autour d'expéditions qui sont organisées pour explorer la nature sauvage, et que beaucoup de cette nature est ensuite rapportée pour enrichir les cabinets de curiosité, mais aussi pour faire progresser la science. Et ça nous amène à un autre point intéressant, encore. qui est l'affrontement de la science et de la magie. Dans cet univers, il y a différents territoires. Un territoire qui s'appelle Naturalia, le territoire dans lequel vivent Cécilie et Héreb, où les hommes tiennent les rênes, les hommes savent tout, ils ont toujours raison, et puis les femmes, elles sont au support logistique au mieux. En fait, c'est le territoire qui ressemble plus à notre société à nous, quelques années en arrière, et encore. Et dans cet univers, les inégalités sont légions. Il y a un autre territoire qui s'appelle la Scientifica, où là, la science est reine. Et les femmes et les hommes sont à peu près égaux, c'est le territoire qui attire le plus Cécilie. Et puis il y a un troisième territoire qui s'appelle Exotica, c'est le territoire de la nature sauvage, de la magie. Et là, il n'est même pas question d'hommes et de femmes, juste de nature et d'équilibre. J'ouvre une parenthèse ici, si vous regardez la définition d'un cabinet de curiosité sur Wikipédia ou dans une encyclopédie, vous trouverez que les objets exposés dans ces cabinets sont classés en plusieurs classes, dont Naturalia, Scientifica, Exotica. Et ces petits détails qui n'en sont pas, ces pièces de puzzle qui s'imbriquent comme ça à l'air de rien, qui font sens, ça produit des petits clics dans le cerveau qui sont très satisfaisants, logiquement parlant. Fin de la parenthèse. Donc dans cet univers, on n'est même pas certain que la magie existe. Les gens de certificat pensent même que non. Mais quel que soit le territoire, la magie fascine, toujours et partout. Et cette fascination pour la magie, cette fascination pour l'inconnu, elle pousse les hommes... à risquer leur vie et celle de leurs proches. Et si on réfléchit une minute, avec ou sans magie, ça ne change pas grand-chose. L'homme veut toujours plus, quel que soit le prix à payer. Il y a ceux qui veulent plus pour avoir plus. Il y a ceux qui veulent plus pour prouver qu'ils ont raison. Les gens de Naturalia veulent faire ces expéditions pour ramener des objets exotiques. Les gens de la Scientifica veulent y aller pour prouver que la magie, finalement, ... Elle peut s'expliquer par la science. Et au passage, s'ils peuvent aussi améliorer leur science, c'est cadeau. Mais à Exotica, et dans le cœur de certaines et de certains, les règles sont un peu différentes. Les priorités sont différentes. Et cette ambition de conquête permanente, elle aura un prix. Un prix qui ne pourra peut-être pas toujours être payé. Lire Emblème, c'est un petit peu comme contempler une émeraude. Passé l'admiration de la découverte, on est vite hypnotisé. On se perd avec plaisir dans les reflets, pour mieux se retrouver d'abord soi-même et la réalité ensuite. Emblème, c'est une duologie. Les deux tomes sont sortis et les deux tomes sont magiques. Donc, lisez Emblème de Inasiel aux éditions Nemos. Merci de m'avoir écouté jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses de nous. A bientôt !

Chapters

  • Incipit de Emblèmes, de Ina Siel, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Emblèmes ?

    05:22

Description

Connaissez-vous Érèbe ?

🐺🌲👑

Et Cécilie ?

💪🏻🪡🕷️

Et leur couple ?

Parce qu'ils sont mariés, vous savez. Malgré les rumeurs, malgré leurs différences.

Et ensemble, il vont exploser pas mal de murs...


📚 Références :

titre : Emblèmes

autrice : Ina Siel

couverture : Cyrielle Foucher

éditeur : Mnémos

site : https://mnemos.com/naos/

à partir de 13 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Un magnifique cerf au pelage d'un blanc fantomatique sauta du talus et passa en trombe à quelques mètres d'Ereb. Ses yeux vermeils brillaient de panique et ses naseaux crachaient des nuages de vapeur par vagues saccadées. Dans cette journée glacée par le givre, le spectacle avait quelque chose d'irréel. Glissant le long de la tête altière, le regard d'Ereb se posa sur ses bois. Ils se déployaient en deux arcs séparés par plus d'un mètre. Chacun d'eux se ramifiait en cinq branches immaculées. Les voilà, songea Ereb avec un mélange d'émerveillement et d'angoisse. Il lui suffirait de les tailler légèrement, d'y ajouter des cernes et des scarifications, puis de les peindre de cette couleur inimitable qui hantait ses cauchemars chaque nuit depuis son premier souvenir. Le jeune homme frissonna et ses mains se couvrirent de sueur. La silhouette sombre du cauchemar rodait à la lisière de son subconscient. En une masse difforme dont il peinait à figer les traits, l'estomac d'Ereb se noua et un sanglot grimpa des tréfonds de sa poitrine. Il se força à le ravaler, comme on resserre un nœud coulant autour de son propre cou. Puis, on tâma la poursuite. Il entendait le cerf plus qu'il ne le voyait désormais. Un dérapage maladroit dans la terre meuble, un tapis de feuilles glissant les unes sur les autres, le claquement d'une branche reprenant sa place, une brindille qui se brise comme une minuscule détonation. Laissant s'éloigner peu à peu, mais le chasseur avait confiance, il n'était pas seul. Il inspira profondément, tentant de percevoir par-dessus le fond glacé de l'air l'odeur musquée de son compagnon, sa présence solide et rassurante. Le loup avançait d'un pas vif,

  • Speaker #1

    régulier.

  • Speaker #0

    Même quand il disparaissait dans les branchages ou les fourrés, l'animal ne distançait jamais complètement l'homme qui le suivait. Le couple homme-loup chassait ensemble ou pas du tout. Et lorsque la nuit tomberait et qu'il serait l'heure pour Héréb de rejoindre son cauchemar, le loup serait une fois encore à ses côtés. Pas pour le défendre contre la bête monstrueuse qui rôdait dans ses rêves, mais pour l'aider à reprendre pied quand elle le tuerait. Sans noctis, il aurait sombré depuis longtemps. « Ne m'attends pas, mon ami, » murmura Héréb. Le loup ne se fit pas prier. À peine la bénédiction de son partenaire avait-elle franchi ses lèvres qu'il avait déjà disparu, avalé par les fourrés. Il allait prendre le cerf à revers. tapit dans un humus aussi noir que son poil. Il mordrait la bête au jarret ou directement à la carotide, et Héréb n'aurait plus qu'à venir l'achever. Au bout d'une longue minute, le bruit d'une lourde chute suivie d'un vagissement fit accélérer les battements de son cœur. Héréb essuya ses paumes en sueur sur son pantalon et dégaina le poignard qu'il portait à la ceinture. Le contact du manche patiné l'ancra dans le réel. Il trottina en direction de Noctis, sautant agilement au-dessus des troncs abattus et des buissons épineux. Le loup l'attendait, assis sur sa proie, le regard fier et le museau ensanglanté. Le liquide vermeil s'écoulait de la blessure en jet irrégulier. Le cerf tremblait, à deux doigts de rejoindre les dieux dans leur jardin paradisiaque, où nul loup ni chasseur ne lui voudrait plus de mal. Héreb posa une main sur le flanc du cerf, goûtant les ultimes traces de vie qui le parcouraient. Il adressa une prière silencieuse à Déus, puis, d'un coup de couteau précis, acheva la bête. Noctis le contemplait toujours sans broncher de son regard jaune énigmatique. « Parfois j'ai honte, mon ami, » souffla Héréb en découpant la première corne. En vieille compagne, la nausée revint habiter son estomac. Le loup ne s'y a pas. « Mais j'en avais besoin. J'ai besoin de ces bois. » Héréb cisailla la chair et en arracha son second trophée. Il récupérerait les os également, mais cela attendrait. Noctis se licha les babines. Il sauta à bas de l'animal et promena son museau entre les deux cratères qui trouaient désormais son front.

  • Speaker #1

    « Toi aussi tu auras ta part,

  • Speaker #0

    quand Bertram l'aura dépecé » , murmura Héréb en enroulant les bois dans une couverture d'un blanc sale. Il les rangea du mieux qu'il put dans son sac, puis entreprit de couvrir la carcasse. Il aurait dû prévenir Bertram avant d'extraire les bois, se montrer plus patient. L'animal sanguinolent allait attirer une flopée de prédateurs, et si l'intendant ne le trouvait pas à temps, cela gâcherait un repas de fête pour toute la maisonnée. coincé sous sa manche la montre d'Ereb émit une série de bips sur aiguë. Noctis dressa une oreille, mal à l'aise. Le jeune homme dégagea le bijou du bout des doigts et jeta un œil à son cadran. 17h30. Dans trente minutes, sa sœur, Pia, accompagnée du dimarc d'Edrosac, franchirait les portes d'Aigremort pour le souper. Peut-être Joligne se joindrait à la E, si elle parvenait à s'arracher à la solitude de son récent veuvage. La perspective d'un repas partagé avec ses sœurs alluma une douce chaleur dans la poitrine d'Ereb. Elle lui manquait terriblement.

  • Speaker #1

    Lors de ses visites,

  • Speaker #0

    Pia lui contait toujours de délicieuses histoires en provenance de l'extérieur. Son cadet s'en délectait, comme on sirote un bon vin, malgré l'envie mêlée d'amertume qu'elle provoquait en lui. Il avait grandi caché, loin de tout et de tout le monde, emprisonné par le cocon épais que sa famille tissait autour de lui, pour le protéger, pour le dissimuler, l'enfant malade, le monstre.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix au premier mot d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit du premier tome de Emblem, le cercle des géographes, écrit par Ina Ciel et publié en 2023 chez Naos, la collection young adulte des éditions Mnemos. Emblème, c'est l'histoire d'Ereb, Ereb d'Aigremor, un jeune noble qui vit reclus dans son manoir, avec sa mère, ses sœurs parfois, et aussi dans sa forêt, avec son loup. Quand il était petit, Ereb se serait fait attaquer par une bête sauvage, une bête qui habite maintenant ses cauchemars. Ce traumatisme le hante et provoque chez lui de violentes crises d'angoisse. C'est pour cette raison qu'il ne sort pas, et aussi à cause des rumeurs assez horribles et sordides qui circulent sur lui en ville. Pourtant,

  • Speaker #0

    une jeune femme,

  • Speaker #1

    une jeune roturière fortunée, au doux nom de Cécilie, vient le trouver au fond de sa forêt pour le demander en mariage. Elle le convainc aussi de passer les sélections pour participer à la prochaine expédition vers une terre sauvage et exotique, peuplée de créatures magiques. Clairement, ces deux jeunes gens sont très différents, voire opposés, et leurs objectifs aussi. Mais ça ne les empêche pas de faire un bout de chemin ensemble, et même un sacré bout de chemin, puisqu'ils vont vite... de tomber sur des manigances, des pièges politiques qui les dépassent complètement et qui vont se trouver pris au piège. Dans cette histoire, le duo Héreb-Cécilie est tout à fait remarquable. Héreb, c'est un homme sombre et solitaire. Comme il a vécu toute sa vie en reclus, il a une connaissance théorique du monde, ce qui le rend touchant de naïveté. Et Cécilie, c'est une femme fonceuse qui sait ce qu'elle veut et qui est prête à beaucoup de choses pour parvenir à ses fins. Le couple est totalement inattendu et explose le cliché de la bonne épouse un peu soumise et du mari fort et protecteur. Et c'est très rafraîchissant. A travers eux se lisent aussi les injustices liées au sexe, au rang social, et également au pouvoir des rumeurs et des mensonges qui peuvent ruiner la réputation de n'importe qui pour peu qu'on y prête un peu l'oreille. Ce couple et leur dynamique met aussi en lumière le sujet de l'anxiété sociale, ce qui, en soi, est assez rare pour être souligné. et en l'occurrence, l'anxiété masculine, encore plus rare. Ereb est victime des rumeurs qui courent sur lui. Il est aussi victime de ses cauchemars et est victime aussi de pas mal d'autres choses. Il a commencé sa vie par un traumatisme puissant dont il ne se souvient pas vraiment, qui provoque régulièrement des crises. C'est un handicap au quotidien, il a appris à vivre avec, mais ça reste un problème. Aujourd'hui, si on est assez rare à avoir subi une attaque de bêtes sauvages dans notre enfance, on vit dans une société pour le moins anxiogène. Et cette anxiété, qu'elle soit sociale, climatique, sociétale, c'est un mal dont souffrent beaucoup de personnes, beaucoup plus qu'on ne pourrait le croire. Et en fait, je dirais presque qu'elle nous touche tous, avec des symptômes plus ou moins visibles. Et c'est pour ça que c'est important de lire des personnages qui en souffrent aussi, surtout dans la littérature jeunesse. Et ici, c'est amené de façon subtile, délicate. C'est très difficile de trouver les mots pour parler de ces sujets, mais Inassiel les trouve, et elle touche juste. Donc là on a parlé de deux personnages, mais je pense qu'il faut en citer un troisième, qui est la nature et l'univers de manière générale dans lequel se déroule cette histoire. C'est un univers où se mêlent des ambiances de Green Academia, de steampunk, de fantasy. Dès Linky Pit, on voit Ereb qui chasse un cerf pour récupérer ses bois. Son but, c'est de reconstituer la créature qui hante ses cauchemars. Mais cette créature, elle n'existe a priori pas, et donc il cherche des bouts d'animaux pour la recréer. Il va donc essayer de réaliser une chimère, au sens mythologique du terme, une chimère empaillée. Et Héréb excelle dans l'art de la taxidermie. Il a son propre cabinet de curiosité, comme de nombreux nobles de cet univers. Mais cette ambiance feutrée, un peu sombre des cabinets de curiosité, ça pourrait rebuter. Mais en fait, c'est tout le contraire. Les descriptions à la fois détaillées et poétiques sont parfaites. Il faut savoir que Inasiel, l'autrice, est biologiste. donc elle maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Il y a aussi des trouvailles absolument géniales. Pour n'en citer qu'une, je vais vous parler des Soiréniers. Enfin non, je ne vais pas vous en parler. Je vous laisse savourer le mot, sois régné. et deviner l'animal en question. Considérer la nature comme un personnage à part entière dans ce livre, c'est d'autant plus pertinent quand on sait que tout cet univers fonctionne autour d'expéditions qui sont organisées pour explorer la nature sauvage, et que beaucoup de cette nature est ensuite rapportée pour enrichir les cabinets de curiosité, mais aussi pour faire progresser la science. Et ça nous amène à un autre point intéressant, encore. qui est l'affrontement de la science et de la magie. Dans cet univers, il y a différents territoires. Un territoire qui s'appelle Naturalia, le territoire dans lequel vivent Cécilie et Héreb, où les hommes tiennent les rênes, les hommes savent tout, ils ont toujours raison, et puis les femmes, elles sont au support logistique au mieux. En fait, c'est le territoire qui ressemble plus à notre société à nous, quelques années en arrière, et encore. Et dans cet univers, les inégalités sont légions. Il y a un autre territoire qui s'appelle la Scientifica, où là, la science est reine. Et les femmes et les hommes sont à peu près égaux, c'est le territoire qui attire le plus Cécilie. Et puis il y a un troisième territoire qui s'appelle Exotica, c'est le territoire de la nature sauvage, de la magie. Et là, il n'est même pas question d'hommes et de femmes, juste de nature et d'équilibre. J'ouvre une parenthèse ici, si vous regardez la définition d'un cabinet de curiosité sur Wikipédia ou dans une encyclopédie, vous trouverez que les objets exposés dans ces cabinets sont classés en plusieurs classes, dont Naturalia, Scientifica, Exotica. Et ces petits détails qui n'en sont pas, ces pièces de puzzle qui s'imbriquent comme ça à l'air de rien, qui font sens, ça produit des petits clics dans le cerveau qui sont très satisfaisants, logiquement parlant. Fin de la parenthèse. Donc dans cet univers, on n'est même pas certain que la magie existe. Les gens de certificat pensent même que non. Mais quel que soit le territoire, la magie fascine, toujours et partout. Et cette fascination pour la magie, cette fascination pour l'inconnu, elle pousse les hommes... à risquer leur vie et celle de leurs proches. Et si on réfléchit une minute, avec ou sans magie, ça ne change pas grand-chose. L'homme veut toujours plus, quel que soit le prix à payer. Il y a ceux qui veulent plus pour avoir plus. Il y a ceux qui veulent plus pour prouver qu'ils ont raison. Les gens de Naturalia veulent faire ces expéditions pour ramener des objets exotiques. Les gens de la Scientifica veulent y aller pour prouver que la magie, finalement, ... Elle peut s'expliquer par la science. Et au passage, s'ils peuvent aussi améliorer leur science, c'est cadeau. Mais à Exotica, et dans le cœur de certaines et de certains, les règles sont un peu différentes. Les priorités sont différentes. Et cette ambition de conquête permanente, elle aura un prix. Un prix qui ne pourra peut-être pas toujours être payé. Lire Emblème, c'est un petit peu comme contempler une émeraude. Passé l'admiration de la découverte, on est vite hypnotisé. On se perd avec plaisir dans les reflets, pour mieux se retrouver d'abord soi-même et la réalité ensuite. Emblème, c'est une duologie. Les deux tomes sont sortis et les deux tomes sont magiques. Donc, lisez Emblème de Inasiel aux éditions Nemos. Merci de m'avoir écouté jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses de nous. A bientôt !

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  • Incipit de Emblèmes, de Ina Siel, lu par Mafalda Vidal

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  • Pourquoi lire Emblèmes ?

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Description

Connaissez-vous Érèbe ?

🐺🌲👑

Et Cécilie ?

💪🏻🪡🕷️

Et leur couple ?

Parce qu'ils sont mariés, vous savez. Malgré les rumeurs, malgré leurs différences.

Et ensemble, il vont exploser pas mal de murs...


📚 Références :

titre : Emblèmes

autrice : Ina Siel

couverture : Cyrielle Foucher

éditeur : Mnémos

site : https://mnemos.com/naos/

à partir de 13 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Un magnifique cerf au pelage d'un blanc fantomatique sauta du talus et passa en trombe à quelques mètres d'Ereb. Ses yeux vermeils brillaient de panique et ses naseaux crachaient des nuages de vapeur par vagues saccadées. Dans cette journée glacée par le givre, le spectacle avait quelque chose d'irréel. Glissant le long de la tête altière, le regard d'Ereb se posa sur ses bois. Ils se déployaient en deux arcs séparés par plus d'un mètre. Chacun d'eux se ramifiait en cinq branches immaculées. Les voilà, songea Ereb avec un mélange d'émerveillement et d'angoisse. Il lui suffirait de les tailler légèrement, d'y ajouter des cernes et des scarifications, puis de les peindre de cette couleur inimitable qui hantait ses cauchemars chaque nuit depuis son premier souvenir. Le jeune homme frissonna et ses mains se couvrirent de sueur. La silhouette sombre du cauchemar rodait à la lisière de son subconscient. En une masse difforme dont il peinait à figer les traits, l'estomac d'Ereb se noua et un sanglot grimpa des tréfonds de sa poitrine. Il se força à le ravaler, comme on resserre un nœud coulant autour de son propre cou. Puis, on tâma la poursuite. Il entendait le cerf plus qu'il ne le voyait désormais. Un dérapage maladroit dans la terre meuble, un tapis de feuilles glissant les unes sur les autres, le claquement d'une branche reprenant sa place, une brindille qui se brise comme une minuscule détonation. Laissant s'éloigner peu à peu, mais le chasseur avait confiance, il n'était pas seul. Il inspira profondément, tentant de percevoir par-dessus le fond glacé de l'air l'odeur musquée de son compagnon, sa présence solide et rassurante. Le loup avançait d'un pas vif,

  • Speaker #1

    régulier.

  • Speaker #0

    Même quand il disparaissait dans les branchages ou les fourrés, l'animal ne distançait jamais complètement l'homme qui le suivait. Le couple homme-loup chassait ensemble ou pas du tout. Et lorsque la nuit tomberait et qu'il serait l'heure pour Héréb de rejoindre son cauchemar, le loup serait une fois encore à ses côtés. Pas pour le défendre contre la bête monstrueuse qui rôdait dans ses rêves, mais pour l'aider à reprendre pied quand elle le tuerait. Sans noctis, il aurait sombré depuis longtemps. « Ne m'attends pas, mon ami, » murmura Héréb. Le loup ne se fit pas prier. À peine la bénédiction de son partenaire avait-elle franchi ses lèvres qu'il avait déjà disparu, avalé par les fourrés. Il allait prendre le cerf à revers. tapit dans un humus aussi noir que son poil. Il mordrait la bête au jarret ou directement à la carotide, et Héréb n'aurait plus qu'à venir l'achever. Au bout d'une longue minute, le bruit d'une lourde chute suivie d'un vagissement fit accélérer les battements de son cœur. Héréb essuya ses paumes en sueur sur son pantalon et dégaina le poignard qu'il portait à la ceinture. Le contact du manche patiné l'ancra dans le réel. Il trottina en direction de Noctis, sautant agilement au-dessus des troncs abattus et des buissons épineux. Le loup l'attendait, assis sur sa proie, le regard fier et le museau ensanglanté. Le liquide vermeil s'écoulait de la blessure en jet irrégulier. Le cerf tremblait, à deux doigts de rejoindre les dieux dans leur jardin paradisiaque, où nul loup ni chasseur ne lui voudrait plus de mal. Héreb posa une main sur le flanc du cerf, goûtant les ultimes traces de vie qui le parcouraient. Il adressa une prière silencieuse à Déus, puis, d'un coup de couteau précis, acheva la bête. Noctis le contemplait toujours sans broncher de son regard jaune énigmatique. « Parfois j'ai honte, mon ami, » souffla Héréb en découpant la première corne. En vieille compagne, la nausée revint habiter son estomac. Le loup ne s'y a pas. « Mais j'en avais besoin. J'ai besoin de ces bois. » Héréb cisailla la chair et en arracha son second trophée. Il récupérerait les os également, mais cela attendrait. Noctis se licha les babines. Il sauta à bas de l'animal et promena son museau entre les deux cratères qui trouaient désormais son front.

  • Speaker #1

    « Toi aussi tu auras ta part,

  • Speaker #0

    quand Bertram l'aura dépecé » , murmura Héréb en enroulant les bois dans une couverture d'un blanc sale. Il les rangea du mieux qu'il put dans son sac, puis entreprit de couvrir la carcasse. Il aurait dû prévenir Bertram avant d'extraire les bois, se montrer plus patient. L'animal sanguinolent allait attirer une flopée de prédateurs, et si l'intendant ne le trouvait pas à temps, cela gâcherait un repas de fête pour toute la maisonnée. coincé sous sa manche la montre d'Ereb émit une série de bips sur aiguë. Noctis dressa une oreille, mal à l'aise. Le jeune homme dégagea le bijou du bout des doigts et jeta un œil à son cadran. 17h30. Dans trente minutes, sa sœur, Pia, accompagnée du dimarc d'Edrosac, franchirait les portes d'Aigremort pour le souper. Peut-être Joligne se joindrait à la E, si elle parvenait à s'arracher à la solitude de son récent veuvage. La perspective d'un repas partagé avec ses sœurs alluma une douce chaleur dans la poitrine d'Ereb. Elle lui manquait terriblement.

  • Speaker #1

    Lors de ses visites,

  • Speaker #0

    Pia lui contait toujours de délicieuses histoires en provenance de l'extérieur. Son cadet s'en délectait, comme on sirote un bon vin, malgré l'envie mêlée d'amertume qu'elle provoquait en lui. Il avait grandi caché, loin de tout et de tout le monde, emprisonné par le cocon épais que sa famille tissait autour de lui, pour le protéger, pour le dissimuler, l'enfant malade, le monstre.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix au premier mot d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit du premier tome de Emblem, le cercle des géographes, écrit par Ina Ciel et publié en 2023 chez Naos, la collection young adulte des éditions Mnemos. Emblème, c'est l'histoire d'Ereb, Ereb d'Aigremor, un jeune noble qui vit reclus dans son manoir, avec sa mère, ses sœurs parfois, et aussi dans sa forêt, avec son loup. Quand il était petit, Ereb se serait fait attaquer par une bête sauvage, une bête qui habite maintenant ses cauchemars. Ce traumatisme le hante et provoque chez lui de violentes crises d'angoisse. C'est pour cette raison qu'il ne sort pas, et aussi à cause des rumeurs assez horribles et sordides qui circulent sur lui en ville. Pourtant,

  • Speaker #0

    une jeune femme,

  • Speaker #1

    une jeune roturière fortunée, au doux nom de Cécilie, vient le trouver au fond de sa forêt pour le demander en mariage. Elle le convainc aussi de passer les sélections pour participer à la prochaine expédition vers une terre sauvage et exotique, peuplée de créatures magiques. Clairement, ces deux jeunes gens sont très différents, voire opposés, et leurs objectifs aussi. Mais ça ne les empêche pas de faire un bout de chemin ensemble, et même un sacré bout de chemin, puisqu'ils vont vite... de tomber sur des manigances, des pièges politiques qui les dépassent complètement et qui vont se trouver pris au piège. Dans cette histoire, le duo Héreb-Cécilie est tout à fait remarquable. Héreb, c'est un homme sombre et solitaire. Comme il a vécu toute sa vie en reclus, il a une connaissance théorique du monde, ce qui le rend touchant de naïveté. Et Cécilie, c'est une femme fonceuse qui sait ce qu'elle veut et qui est prête à beaucoup de choses pour parvenir à ses fins. Le couple est totalement inattendu et explose le cliché de la bonne épouse un peu soumise et du mari fort et protecteur. Et c'est très rafraîchissant. A travers eux se lisent aussi les injustices liées au sexe, au rang social, et également au pouvoir des rumeurs et des mensonges qui peuvent ruiner la réputation de n'importe qui pour peu qu'on y prête un peu l'oreille. Ce couple et leur dynamique met aussi en lumière le sujet de l'anxiété sociale, ce qui, en soi, est assez rare pour être souligné. et en l'occurrence, l'anxiété masculine, encore plus rare. Ereb est victime des rumeurs qui courent sur lui. Il est aussi victime de ses cauchemars et est victime aussi de pas mal d'autres choses. Il a commencé sa vie par un traumatisme puissant dont il ne se souvient pas vraiment, qui provoque régulièrement des crises. C'est un handicap au quotidien, il a appris à vivre avec, mais ça reste un problème. Aujourd'hui, si on est assez rare à avoir subi une attaque de bêtes sauvages dans notre enfance, on vit dans une société pour le moins anxiogène. Et cette anxiété, qu'elle soit sociale, climatique, sociétale, c'est un mal dont souffrent beaucoup de personnes, beaucoup plus qu'on ne pourrait le croire. Et en fait, je dirais presque qu'elle nous touche tous, avec des symptômes plus ou moins visibles. Et c'est pour ça que c'est important de lire des personnages qui en souffrent aussi, surtout dans la littérature jeunesse. Et ici, c'est amené de façon subtile, délicate. C'est très difficile de trouver les mots pour parler de ces sujets, mais Inassiel les trouve, et elle touche juste. Donc là on a parlé de deux personnages, mais je pense qu'il faut en citer un troisième, qui est la nature et l'univers de manière générale dans lequel se déroule cette histoire. C'est un univers où se mêlent des ambiances de Green Academia, de steampunk, de fantasy. Dès Linky Pit, on voit Ereb qui chasse un cerf pour récupérer ses bois. Son but, c'est de reconstituer la créature qui hante ses cauchemars. Mais cette créature, elle n'existe a priori pas, et donc il cherche des bouts d'animaux pour la recréer. Il va donc essayer de réaliser une chimère, au sens mythologique du terme, une chimère empaillée. Et Héréb excelle dans l'art de la taxidermie. Il a son propre cabinet de curiosité, comme de nombreux nobles de cet univers. Mais cette ambiance feutrée, un peu sombre des cabinets de curiosité, ça pourrait rebuter. Mais en fait, c'est tout le contraire. Les descriptions à la fois détaillées et poétiques sont parfaites. Il faut savoir que Inasiel, l'autrice, est biologiste. donc elle maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Il y a aussi des trouvailles absolument géniales. Pour n'en citer qu'une, je vais vous parler des Soiréniers. Enfin non, je ne vais pas vous en parler. Je vous laisse savourer le mot, sois régné. et deviner l'animal en question. Considérer la nature comme un personnage à part entière dans ce livre, c'est d'autant plus pertinent quand on sait que tout cet univers fonctionne autour d'expéditions qui sont organisées pour explorer la nature sauvage, et que beaucoup de cette nature est ensuite rapportée pour enrichir les cabinets de curiosité, mais aussi pour faire progresser la science. Et ça nous amène à un autre point intéressant, encore. qui est l'affrontement de la science et de la magie. Dans cet univers, il y a différents territoires. Un territoire qui s'appelle Naturalia, le territoire dans lequel vivent Cécilie et Héreb, où les hommes tiennent les rênes, les hommes savent tout, ils ont toujours raison, et puis les femmes, elles sont au support logistique au mieux. En fait, c'est le territoire qui ressemble plus à notre société à nous, quelques années en arrière, et encore. Et dans cet univers, les inégalités sont légions. Il y a un autre territoire qui s'appelle la Scientifica, où là, la science est reine. Et les femmes et les hommes sont à peu près égaux, c'est le territoire qui attire le plus Cécilie. Et puis il y a un troisième territoire qui s'appelle Exotica, c'est le territoire de la nature sauvage, de la magie. Et là, il n'est même pas question d'hommes et de femmes, juste de nature et d'équilibre. J'ouvre une parenthèse ici, si vous regardez la définition d'un cabinet de curiosité sur Wikipédia ou dans une encyclopédie, vous trouverez que les objets exposés dans ces cabinets sont classés en plusieurs classes, dont Naturalia, Scientifica, Exotica. Et ces petits détails qui n'en sont pas, ces pièces de puzzle qui s'imbriquent comme ça à l'air de rien, qui font sens, ça produit des petits clics dans le cerveau qui sont très satisfaisants, logiquement parlant. Fin de la parenthèse. Donc dans cet univers, on n'est même pas certain que la magie existe. Les gens de certificat pensent même que non. Mais quel que soit le territoire, la magie fascine, toujours et partout. Et cette fascination pour la magie, cette fascination pour l'inconnu, elle pousse les hommes... à risquer leur vie et celle de leurs proches. Et si on réfléchit une minute, avec ou sans magie, ça ne change pas grand-chose. L'homme veut toujours plus, quel que soit le prix à payer. Il y a ceux qui veulent plus pour avoir plus. Il y a ceux qui veulent plus pour prouver qu'ils ont raison. Les gens de Naturalia veulent faire ces expéditions pour ramener des objets exotiques. Les gens de la Scientifica veulent y aller pour prouver que la magie, finalement, ... Elle peut s'expliquer par la science. Et au passage, s'ils peuvent aussi améliorer leur science, c'est cadeau. Mais à Exotica, et dans le cœur de certaines et de certains, les règles sont un peu différentes. Les priorités sont différentes. Et cette ambition de conquête permanente, elle aura un prix. Un prix qui ne pourra peut-être pas toujours être payé. Lire Emblème, c'est un petit peu comme contempler une émeraude. Passé l'admiration de la découverte, on est vite hypnotisé. On se perd avec plaisir dans les reflets, pour mieux se retrouver d'abord soi-même et la réalité ensuite. Emblème, c'est une duologie. Les deux tomes sont sortis et les deux tomes sont magiques. Donc, lisez Emblème de Inasiel aux éditions Nemos. Merci de m'avoir écouté jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses de nous. A bientôt !

Chapters

  • Incipit de Emblèmes, de Ina Siel, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Emblèmes ?

    05:22

Description

Connaissez-vous Érèbe ?

🐺🌲👑

Et Cécilie ?

💪🏻🪡🕷️

Et leur couple ?

Parce qu'ils sont mariés, vous savez. Malgré les rumeurs, malgré leurs différences.

Et ensemble, il vont exploser pas mal de murs...


📚 Références :

titre : Emblèmes

autrice : Ina Siel

couverture : Cyrielle Foucher

éditeur : Mnémos

site : https://mnemos.com/naos/

à partir de 13 ans


🎙️ Au micro : Mafalda Vidal


🫶🏻 Abonnez-vous pour ne manquer aucun incipit !

Et si cet incipit vous a plu, n'hésitez pas à laisser une note et un commentaire sur Apple Podcast, Deezer ou votre plateforme d'écoute ! Ainsi, ces incipits arriveront dans les oreilles d'autres amoureuses et amoureux des belles histoires (et cela donnera aussi de la force à Inky, Peete et moi pour continuer à vous parler de nos lectures).


🙀😻 Et retrouvez Inky et Peete sur Instagram.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Un magnifique cerf au pelage d'un blanc fantomatique sauta du talus et passa en trombe à quelques mètres d'Ereb. Ses yeux vermeils brillaient de panique et ses naseaux crachaient des nuages de vapeur par vagues saccadées. Dans cette journée glacée par le givre, le spectacle avait quelque chose d'irréel. Glissant le long de la tête altière, le regard d'Ereb se posa sur ses bois. Ils se déployaient en deux arcs séparés par plus d'un mètre. Chacun d'eux se ramifiait en cinq branches immaculées. Les voilà, songea Ereb avec un mélange d'émerveillement et d'angoisse. Il lui suffirait de les tailler légèrement, d'y ajouter des cernes et des scarifications, puis de les peindre de cette couleur inimitable qui hantait ses cauchemars chaque nuit depuis son premier souvenir. Le jeune homme frissonna et ses mains se couvrirent de sueur. La silhouette sombre du cauchemar rodait à la lisière de son subconscient. En une masse difforme dont il peinait à figer les traits, l'estomac d'Ereb se noua et un sanglot grimpa des tréfonds de sa poitrine. Il se força à le ravaler, comme on resserre un nœud coulant autour de son propre cou. Puis, on tâma la poursuite. Il entendait le cerf plus qu'il ne le voyait désormais. Un dérapage maladroit dans la terre meuble, un tapis de feuilles glissant les unes sur les autres, le claquement d'une branche reprenant sa place, une brindille qui se brise comme une minuscule détonation. Laissant s'éloigner peu à peu, mais le chasseur avait confiance, il n'était pas seul. Il inspira profondément, tentant de percevoir par-dessus le fond glacé de l'air l'odeur musquée de son compagnon, sa présence solide et rassurante. Le loup avançait d'un pas vif,

  • Speaker #1

    régulier.

  • Speaker #0

    Même quand il disparaissait dans les branchages ou les fourrés, l'animal ne distançait jamais complètement l'homme qui le suivait. Le couple homme-loup chassait ensemble ou pas du tout. Et lorsque la nuit tomberait et qu'il serait l'heure pour Héréb de rejoindre son cauchemar, le loup serait une fois encore à ses côtés. Pas pour le défendre contre la bête monstrueuse qui rôdait dans ses rêves, mais pour l'aider à reprendre pied quand elle le tuerait. Sans noctis, il aurait sombré depuis longtemps. « Ne m'attends pas, mon ami, » murmura Héréb. Le loup ne se fit pas prier. À peine la bénédiction de son partenaire avait-elle franchi ses lèvres qu'il avait déjà disparu, avalé par les fourrés. Il allait prendre le cerf à revers. tapit dans un humus aussi noir que son poil. Il mordrait la bête au jarret ou directement à la carotide, et Héréb n'aurait plus qu'à venir l'achever. Au bout d'une longue minute, le bruit d'une lourde chute suivie d'un vagissement fit accélérer les battements de son cœur. Héréb essuya ses paumes en sueur sur son pantalon et dégaina le poignard qu'il portait à la ceinture. Le contact du manche patiné l'ancra dans le réel. Il trottina en direction de Noctis, sautant agilement au-dessus des troncs abattus et des buissons épineux. Le loup l'attendait, assis sur sa proie, le regard fier et le museau ensanglanté. Le liquide vermeil s'écoulait de la blessure en jet irrégulier. Le cerf tremblait, à deux doigts de rejoindre les dieux dans leur jardin paradisiaque, où nul loup ni chasseur ne lui voudrait plus de mal. Héreb posa une main sur le flanc du cerf, goûtant les ultimes traces de vie qui le parcouraient. Il adressa une prière silencieuse à Déus, puis, d'un coup de couteau précis, acheva la bête. Noctis le contemplait toujours sans broncher de son regard jaune énigmatique. « Parfois j'ai honte, mon ami, » souffla Héréb en découpant la première corne. En vieille compagne, la nausée revint habiter son estomac. Le loup ne s'y a pas. « Mais j'en avais besoin. J'ai besoin de ces bois. » Héréb cisailla la chair et en arracha son second trophée. Il récupérerait les os également, mais cela attendrait. Noctis se licha les babines. Il sauta à bas de l'animal et promena son museau entre les deux cratères qui trouaient désormais son front.

  • Speaker #1

    « Toi aussi tu auras ta part,

  • Speaker #0

    quand Bertram l'aura dépecé » , murmura Héréb en enroulant les bois dans une couverture d'un blanc sale. Il les rangea du mieux qu'il put dans son sac, puis entreprit de couvrir la carcasse. Il aurait dû prévenir Bertram avant d'extraire les bois, se montrer plus patient. L'animal sanguinolent allait attirer une flopée de prédateurs, et si l'intendant ne le trouvait pas à temps, cela gâcherait un repas de fête pour toute la maisonnée. coincé sous sa manche la montre d'Ereb émit une série de bips sur aiguë. Noctis dressa une oreille, mal à l'aise. Le jeune homme dégagea le bijou du bout des doigts et jeta un œil à son cadran. 17h30. Dans trente minutes, sa sœur, Pia, accompagnée du dimarc d'Edrosac, franchirait les portes d'Aigremort pour le souper. Peut-être Joligne se joindrait à la E, si elle parvenait à s'arracher à la solitude de son récent veuvage. La perspective d'un repas partagé avec ses sœurs alluma une douce chaleur dans la poitrine d'Ereb. Elle lui manquait terriblement.

  • Speaker #1

    Lors de ses visites,

  • Speaker #0

    Pia lui contait toujours de délicieuses histoires en provenance de l'extérieur. Son cadet s'en délectait, comme on sirote un bon vin, malgré l'envie mêlée d'amertume qu'elle provoquait en lui. Il avait grandi caché, loin de tout et de tout le monde, emprisonné par le cocon épais que sa famille tissait autour de lui, pour le protéger, pour le dissimuler, l'enfant malade, le monstre.

  • Speaker #1

    Vous écoutez Inky et Pete, ce livre, le podcast lecture en 15 minutes, à peu près, qui donne vie et voix au premier mot d'un livre et vous donne envie de découvrir les suivants. Ou pas. Je suis Mafalda Vidal, amoureuse des jolis mots et des belles histoires. Vous venez d'écouter l'incipit du premier tome de Emblem, le cercle des géographes, écrit par Ina Ciel et publié en 2023 chez Naos, la collection young adulte des éditions Mnemos. Emblème, c'est l'histoire d'Ereb, Ereb d'Aigremor, un jeune noble qui vit reclus dans son manoir, avec sa mère, ses sœurs parfois, et aussi dans sa forêt, avec son loup. Quand il était petit, Ereb se serait fait attaquer par une bête sauvage, une bête qui habite maintenant ses cauchemars. Ce traumatisme le hante et provoque chez lui de violentes crises d'angoisse. C'est pour cette raison qu'il ne sort pas, et aussi à cause des rumeurs assez horribles et sordides qui circulent sur lui en ville. Pourtant,

  • Speaker #0

    une jeune femme,

  • Speaker #1

    une jeune roturière fortunée, au doux nom de Cécilie, vient le trouver au fond de sa forêt pour le demander en mariage. Elle le convainc aussi de passer les sélections pour participer à la prochaine expédition vers une terre sauvage et exotique, peuplée de créatures magiques. Clairement, ces deux jeunes gens sont très différents, voire opposés, et leurs objectifs aussi. Mais ça ne les empêche pas de faire un bout de chemin ensemble, et même un sacré bout de chemin, puisqu'ils vont vite... de tomber sur des manigances, des pièges politiques qui les dépassent complètement et qui vont se trouver pris au piège. Dans cette histoire, le duo Héreb-Cécilie est tout à fait remarquable. Héreb, c'est un homme sombre et solitaire. Comme il a vécu toute sa vie en reclus, il a une connaissance théorique du monde, ce qui le rend touchant de naïveté. Et Cécilie, c'est une femme fonceuse qui sait ce qu'elle veut et qui est prête à beaucoup de choses pour parvenir à ses fins. Le couple est totalement inattendu et explose le cliché de la bonne épouse un peu soumise et du mari fort et protecteur. Et c'est très rafraîchissant. A travers eux se lisent aussi les injustices liées au sexe, au rang social, et également au pouvoir des rumeurs et des mensonges qui peuvent ruiner la réputation de n'importe qui pour peu qu'on y prête un peu l'oreille. Ce couple et leur dynamique met aussi en lumière le sujet de l'anxiété sociale, ce qui, en soi, est assez rare pour être souligné. et en l'occurrence, l'anxiété masculine, encore plus rare. Ereb est victime des rumeurs qui courent sur lui. Il est aussi victime de ses cauchemars et est victime aussi de pas mal d'autres choses. Il a commencé sa vie par un traumatisme puissant dont il ne se souvient pas vraiment, qui provoque régulièrement des crises. C'est un handicap au quotidien, il a appris à vivre avec, mais ça reste un problème. Aujourd'hui, si on est assez rare à avoir subi une attaque de bêtes sauvages dans notre enfance, on vit dans une société pour le moins anxiogène. Et cette anxiété, qu'elle soit sociale, climatique, sociétale, c'est un mal dont souffrent beaucoup de personnes, beaucoup plus qu'on ne pourrait le croire. Et en fait, je dirais presque qu'elle nous touche tous, avec des symptômes plus ou moins visibles. Et c'est pour ça que c'est important de lire des personnages qui en souffrent aussi, surtout dans la littérature jeunesse. Et ici, c'est amené de façon subtile, délicate. C'est très difficile de trouver les mots pour parler de ces sujets, mais Inassiel les trouve, et elle touche juste. Donc là on a parlé de deux personnages, mais je pense qu'il faut en citer un troisième, qui est la nature et l'univers de manière générale dans lequel se déroule cette histoire. C'est un univers où se mêlent des ambiances de Green Academia, de steampunk, de fantasy. Dès Linky Pit, on voit Ereb qui chasse un cerf pour récupérer ses bois. Son but, c'est de reconstituer la créature qui hante ses cauchemars. Mais cette créature, elle n'existe a priori pas, et donc il cherche des bouts d'animaux pour la recréer. Il va donc essayer de réaliser une chimère, au sens mythologique du terme, une chimère empaillée. Et Héréb excelle dans l'art de la taxidermie. Il a son propre cabinet de curiosité, comme de nombreux nobles de cet univers. Mais cette ambiance feutrée, un peu sombre des cabinets de curiosité, ça pourrait rebuter. Mais en fait, c'est tout le contraire. Les descriptions à la fois détaillées et poétiques sont parfaites. Il faut savoir que Inasiel, l'autrice, est biologiste. donc elle maîtrise son sujet sur le bout des doigts. Il y a aussi des trouvailles absolument géniales. Pour n'en citer qu'une, je vais vous parler des Soiréniers. Enfin non, je ne vais pas vous en parler. Je vous laisse savourer le mot, sois régné. et deviner l'animal en question. Considérer la nature comme un personnage à part entière dans ce livre, c'est d'autant plus pertinent quand on sait que tout cet univers fonctionne autour d'expéditions qui sont organisées pour explorer la nature sauvage, et que beaucoup de cette nature est ensuite rapportée pour enrichir les cabinets de curiosité, mais aussi pour faire progresser la science. Et ça nous amène à un autre point intéressant, encore. qui est l'affrontement de la science et de la magie. Dans cet univers, il y a différents territoires. Un territoire qui s'appelle Naturalia, le territoire dans lequel vivent Cécilie et Héreb, où les hommes tiennent les rênes, les hommes savent tout, ils ont toujours raison, et puis les femmes, elles sont au support logistique au mieux. En fait, c'est le territoire qui ressemble plus à notre société à nous, quelques années en arrière, et encore. Et dans cet univers, les inégalités sont légions. Il y a un autre territoire qui s'appelle la Scientifica, où là, la science est reine. Et les femmes et les hommes sont à peu près égaux, c'est le territoire qui attire le plus Cécilie. Et puis il y a un troisième territoire qui s'appelle Exotica, c'est le territoire de la nature sauvage, de la magie. Et là, il n'est même pas question d'hommes et de femmes, juste de nature et d'équilibre. J'ouvre une parenthèse ici, si vous regardez la définition d'un cabinet de curiosité sur Wikipédia ou dans une encyclopédie, vous trouverez que les objets exposés dans ces cabinets sont classés en plusieurs classes, dont Naturalia, Scientifica, Exotica. Et ces petits détails qui n'en sont pas, ces pièces de puzzle qui s'imbriquent comme ça à l'air de rien, qui font sens, ça produit des petits clics dans le cerveau qui sont très satisfaisants, logiquement parlant. Fin de la parenthèse. Donc dans cet univers, on n'est même pas certain que la magie existe. Les gens de certificat pensent même que non. Mais quel que soit le territoire, la magie fascine, toujours et partout. Et cette fascination pour la magie, cette fascination pour l'inconnu, elle pousse les hommes... à risquer leur vie et celle de leurs proches. Et si on réfléchit une minute, avec ou sans magie, ça ne change pas grand-chose. L'homme veut toujours plus, quel que soit le prix à payer. Il y a ceux qui veulent plus pour avoir plus. Il y a ceux qui veulent plus pour prouver qu'ils ont raison. Les gens de Naturalia veulent faire ces expéditions pour ramener des objets exotiques. Les gens de la Scientifica veulent y aller pour prouver que la magie, finalement, ... Elle peut s'expliquer par la science. Et au passage, s'ils peuvent aussi améliorer leur science, c'est cadeau. Mais à Exotica, et dans le cœur de certaines et de certains, les règles sont un peu différentes. Les priorités sont différentes. Et cette ambition de conquête permanente, elle aura un prix. Un prix qui ne pourra peut-être pas toujours être payé. Lire Emblème, c'est un petit peu comme contempler une émeraude. Passé l'admiration de la découverte, on est vite hypnotisé. On se perd avec plaisir dans les reflets, pour mieux se retrouver d'abord soi-même et la réalité ensuite. Emblème, c'est une duologie. Les deux tomes sont sortis et les deux tomes sont magiques. Donc, lisez Emblème de Inasiel aux éditions Nemos. Merci de m'avoir écouté jusqu'au bout. Si vous avez passé un bon moment, dites-le moi. Dites-le aussi à votre plateforme d'écoute et n'hésitez pas à partager le podcast avec d'autres amoureux et amoureuses de nous. A bientôt !

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  • Incipit de Emblèmes, de Ina Siel, lu par Mafalda Vidal

    00:00

  • Pourquoi lire Emblèmes ?

    05:22

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