- Speaker #0
Salut à toi, bienvenue sur la saison 3 de l'instant vertical, le podcast qui remet de l'absolu dans ton relatif. Je m'appelle Benjamin et avec toi ici, j'ai envie de parler d'éveil, de réalisation du soi. Je t'invite à t'installer confortablement pour ce nouvel épisode qui va t'en mettre plein les oreilles.
- Speaker #1
Bonjour à vous,
- Speaker #0
bienvenue dans le nouvel épisode de l'instant vertical. Aujourd'hui, je suis avec José. Salut José.
- Speaker #1
Bonjour Benjamin.
- Speaker #0
Alors, José, si vous ne nous connaissez pas, José, vous qui nous écoutez, José, tu es agrégé de philosophie, tu es enseignant non-duel dans la lignée de Douglas Arning, qui était ton grand ami, dont tu fais vivre le travail et son œuvre aujourd'hui encore. Tu es éditeur chez Almora, qui édite des livres vraiment sur la spiritualité de la non-dualité. et tu es auteur de nombreux ouvrages, je ne sais pas combien tu as de livres, mais ton dernier c'est Soyez libre de la naissance et de la mort aux éditions Almorà du coup.
- Speaker #1
Bien oui du coup,
- Speaker #0
c'est un peu cher. Donc c'est vraiment une joie de te rencontrer comme je te disais Rof, ouais ça fait longtemps que je regarde aussi ton travail, les outils de Douglas Harding ont été vraiment pour moi assez... Déterminant dans la simplicité des choses et ça a été vraiment une clé et comme tu le disais aussi c'est des outils qui sont repris par de nombreux enseignants et dans de nombreux stages on peut en faire l'expérience et ils sont vraiment très utilisés et c'est vraiment beau c'est vraiment très fort et beau Et quand on discutait de la thématique, on s'est dit que ça pouvait être, notre échange était parti beaucoup sur le fait de vivre directement les choses. Et comme tu as cet aspect philosophie aussi, c'est comment on perçoit aussi, comment on peut même interpréter les enseignements philosophiques et que quand on arrive avec la dimension du vécu et d'expérience directe, comment cette interprétation peut tomber et de la clarté peuvent se mettre. C'est une thématique un peu nébuleuse, mais je ne sais pas...
- Speaker #1
Oui, oui, oui. Peut-être qu'on va se préciser, j'imagine.
- Speaker #0
Des mots vont se préciser. Et voilà, peut-être qu'on peut repartir sur le fait que, donc ce que tu m'évoquais en off, qui était, quand tu as rencontré Douglas Harding, en fait, ça a été une clé pour toi. Et le fait aussi que tu as eu besoin, quelque part, dans ton parcours, de mettre aussi la philosophie un peu de côté.
- Speaker #1
Oui, je t'expliquais que la rencontre de Douglas Harding a été déterminante, c'est une grande chance dans ma vie, je l'ai rencontré en avril 1993, et en fait un an avant, je racontais, j'avais vécu une expérience d'ouverture, d'éveil, soudaine, le 20 mars 1992 à 15h, donc je peux vraiment dater le moment. J'avais vécu ça en lisant un livre de Nisargadatta Maharaj, le livre s'appelle Je suis Et donc il y avait cette expérience qui est arrivée, incompréhensible pour moi. Ce qui est drôle, c'est que je n'ai même pas fait le lien entre l'expérience et ce que j'avais lu dans le livre de Maharaj, que Maharaj parle du soi, de parabrahman, il donne des concepts, souvent hindous, atman, parabrahman, et là c'était hors concept en fait, il y avait juste l'expérience brute, sauvage d'une… une vacuité intense qui se révélait, et puis surtout avec plus j'osais dans l'expérience, de toute façon. En tout cas, c'est comme ça que j'ai interprété au début. Et donc, pendant un an, j'ai essayé de comprendre ce qui se passait, de mettre du sens. Et il n'y avait pas Internet à l'époque, donc il fallait trouver une information, ce qui n'était pas évident. Donc, à l'époque, je pratiquais le zen, je suis allé voir mes maîtres zen, mais ça ne m'a pas beaucoup aidé. Je suis allé voir Desjardins, ça ne m'a pas non plus aidé. Je suis là devant mon médecin, à qui j'ai dit écoutez, je crois que je suis en train de devenir fou, parce que je ne me vois plus, j'ai disparu du monde Et ça n'a pas été un grand secours non plus. Et enfin, je suis tombé sur le livre, ce que je t'en racontais, le livre de Douglas Harding qui s'appelle Vivre sans tête Et dans Vivre sans tête dès la première page, il décrit son éveil, qu'il a vécu dans les Himalayas. Et en lisant cette page, je reconnaissais exactement l'expérience que je vivais depuis un an sans la comprendre. Et en plus, dans le livre, Douglas fait le lien entre cette expérience et le zen. Or, moi, je pratiquais le zen depuis pas mal de temps. Donc, il cite des grands maîtres, Linzi, Wang Po, Wining. Et tout d'un coup, ça prenait du sens. Ce n'est pas que ça a changé l'expérience, parce que l'expérience, elle ne dépend pas de ça. Ça, c'est une question importante. L'expérience, elle est brute, elle ne dépend pas du mental. Donc, elle est là. Mais... Le fait de pouvoir l'interpréter, moi en tout cas ça m'a calmé le mental, parce que pendant un an je me demandais mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? Qu'est-ce qui s'est passé ? C'est quoi ? Est-ce que je deviens dingue ? Où je suis parti ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Donc toutes ces questions ont finalement disparu quand j'ai réalisé que ce que je venais de découvrir c'était ma vraie nature, c'était mon être intime et qu'il n'y avait pas à en avoir peur, c'était au contraire même, c'était... Voilà, donc ça m'a rassuré de rencontrer Douglas Harding et ça m'a permis de domestiquer en quelque sorte l'expérience. C'est comme si j'avais eu pendant un an un tigre sauvage dans mon salon et que là, le tigre s'était transformé en cheval et que je pouvais le chevaucher. Quelque chose comme ça. Mais en même temps, quand je repense à cette année-là, quand il m'arrive d'y repenser...
- Speaker #0
Tu sais que les images que tu viens de prendre, ce sont des images qui sont utilisées dans le bouddhisme tibétain, le tigre et le cheval.
- Speaker #1
Oui, absolument. Et quand je repense à cette période d'un an, j'y pense avec nostalgie aussi, parce que c'était brut en fait, je pense à l'interprétation, complètement brut, sauvage, oui, le mot sauvage, c'est le mot qui me vient. Mais malgré tout, c'est vraiment essentiel de relier, de mettre du sens en fait, de l'interpréter. Parce que sinon, ça peut vraiment... Je sais qu'il y a des gens qui vivent cette expérience sans jamais réussir à mettre du sens. Et il n'y a pas longtemps, j'ai édité un livre d'une femme, Suzanne Seagal. Le livre s'appelle Collision avec l'infini. Et elle raconte qu'elle a vécu cette expérience, c'est une Américaine, elle a vécu cette expérience à Paris en montant dans un bus. Taf ! Paf ! Il y a cette expérience d'éveil qui arrive. Et elle est incapable de... Elle ne sait pas ce qui se passe. Et donc, pendant presque dix ans, si je me souviens bien, elle va aller de psychiatre en médecin, de médecin en psychiatre. Elle pense, et en plus, les psychiatres le confirment, elle pense qu'elle a perdu la raison, qu'elle est plus de ce qu'elle a fini, ou d'éleve-doublement de personnalité. Et donc, il faudra longtemps, longtemps, pour comprendre ce qui s'est passé. Et un jour, elle rencontre un psychiatre, psychologue. qui lui dira d'aller voir Jean Klein en Californie. Et quand tu rencontres Jean Klein, Jean Klein lui dit, en fait, ce que vous vivez depuis ces années, c'est l'éveil. Et des gens dans des monastères passent leur vie entière à chercher ce que vous venez de découvrir presque par hasard. Donc, c'est important de mettre du sens.
- Speaker #0
C'est important ce que tu dis. Au final, on ne peut pas vraiment faire sans ce mental qui cherche, il faut le nourrir aussi.
- Speaker #1
Bien sûr, on critique souvent le mental, parfois à juste titre, parce qu'il nous encombre, les pensées nous assaillent, et puis il distord le réel, notre rapport réel est à nous-mêmes effaussé par le mental. Mais en même temps, le mental, c'est un formidable outil de recherche et de compréhension. Ce n'est pas un hasard s'il existe dans l'Inde le jhana yoga, le yoga de la connaissance, qui s'appuie sur l'intellect et la compréhension pour accéder à ce qui est au-delà de la raison, au-delà de la compréhension. Mais la raison ne doit pas être… Moi, je lui accorde un grand prix, il ne faut pas la jeter comme ça. Parce que le risque, si on jette la raison, ce n'est pas de tomber dans le suprarationnel, mais dans l'infrarationnel et finalement de délirer pas mal. Moi, quand il m'arrive de recevoir des manuscrits ou d'entendre des vidéos, beaucoup de gens délirent quand même. Ils tombent dans l'infrarationnel et il manque de discrimination. Ils prennent des vessies pour des lanternes, comme on dit. Donc, c'est très important d'avoir ce chemin de discrimination. Et ça, on l'avait avec Douglas, parce que, comme je te le disais tout à l'heure, Douglas, certes, il nous proposait un éveil direct. Certes, il nous proposait de passer, comme il le disait, du concept au percept, donc d'aller au-delà de la raison, mais en même temps, il s'appuyait beaucoup sur les traditions, il les connaissait très bien, on n'était pas perdu avec lui, il nous montrait la voie du zen, la voie de l'Advaita Vedanta, la voie du christianisme, christianisme c'était sa formation, son background. Il s'appuyait sur le soufisme aussi. Donc, on voyait bien que toutes ces voies étaient comme les moyeux d'une roue qui menait vers le même centre vide. C'était important de reconnaître que ces voies conduisaient dans cette expérience universelle. Donc, il ne faut pas jeter le mental, ce serait jeter le bébé avec l'eau du pain. C'est extrêmement important. Par hasard, je suis philosophe. pour moi cet outil était très important l'outil de la raison, la discrimination même si au bout du compte l'éveil est au-delà ça c'est vrai,
- Speaker #0
au-delà ça me fait du coup amener à cet espace de la tradition au final où il y a comme tu le disais beaucoup de concepts il y a des mots qui sont utilisés et que ces mots ils sont aussi importants d'en faire l'expérience de ce vers quoi ils pointent puisque C'est des mots qui vont donner... On va retrouver aussi dans les traditions un peu plus anciennes beaucoup d'images. Tu parlais tout à l'heure du tigre et du cheval. Et on voit bien que ce n'est pas vraiment un tigre et ce n'est pas un cheval, mais ils sont bien en train de dire quelque chose. Et cette dimension métaphorique, on pourrait peut-être même dire hermétique, au final demande à passer au vécu concret et pas se limiter à tiens, j'ai compris ce qu'il veut dire
- Speaker #1
Voilà, le risque du langage... intellectuelle, c'est de nous limiter à l'intellect. Moi, je me souviens que dans les cours de philosophie que j'ai pu avoir dans les différentes universités, jamais on n'a parlé de l'éveil. Même quand on tombait sur un texte qu'il évoquait, comme un texte du philosophe d'Autun, tout de suite, c'était ramené à quelque chose de purement intellectuel. Donc, la philosophie contemporaine, j'ai écrit un livre là-dessus. Quand je dis contemporaine, c'est depuis au moins Descartes. La philosophie contemporaine a oublié cette dimension de l'éveil et de non-dualité. même si ça apparaît ici ou là, mais c'est vraiment pas central du tout. Donc le risque de l'intellect, c'est de nous renfermer dans l'intellect, alors que le rôle d'une tradition, avec les mots, c'est de pointer vers une expérience, comme tu l'as dit, c'est de nous conduire vers une expérience. Les mots sont comme des poteaux indicateurs qui nous ramènent à l'éveil, à la source. Et là, tu évoquais aussi le symbole, la métaphore, et c'est aussi un langage très fort, un langage plus poétique, qui est puissant. Le tigre, le cheval, par exemple, le symbolisme du ciel. On compare souvent notre vraie nature à un ciel. C'est très fort. Le ciel, c'est une magnifique image de ce qu'on est vraiment. Il n'y a pas de frontière, il n'y a pas de centre. L'espace est libre, comme notre vraie nature. Les choses le traversent sans le fermer. Il y a des symboles très forts qu'utilisent les traditions. Le soleil, aussi, Platon utilise le soleil, par exemple, dans la République, pour pointer vers notre vraie nature, qui rayonne, qui illumine, qui chauffe, qui donne vie. Donc il y a des beaux symboles. Il y a un langage conceptuel, il y a un langage poétique, symbolique, et dans le meilleur des cas, ces mots pointent vers l'expérience spirituelle. Moi, c'est en lisant un livre que ça m'est arrivé, c'est en lisant le livre d'Onisagadatta Maharaj, je suis. Parce que ces mots, comme il parlait de son expérience, ces mots étaient chargés de la puissance de la source, en fait. Et donc, en les écoutant, je les ai suivis comme un chien suit une piste, tu vois. Il y a des traces par là, et ça nous amène au gibier, c'est-à-dire que les mots étaient... Les mots prononcés par quelqu'un qui vit cette expérience ont le pouvoir de nous ramener à l'expérience. C'est pareil quand on lit un livre de Douglas Harding, c'est tellement puissant, ou un livre de Jean Klein, ou de Longsheng Pa, ou quand tu lis les Upanishads, ou tu lis par exemple Lao Tzu, ce sont des mots qui viennent directement de la source, donc elles nous ramènent à la source. Et en fait, ceux qui ont écrit, ceux qui ont écrit SCE, ceux qui ont écrit ces textes, c'est la source. Seule la source peut parler de la source. Seule la conscience peut parler de la conscience. Donc je dis souvent aux gens dans mes ateliers, c'est vous qui avez écrit les Upanishads, c'est vous qui avez écrit Tao Te Ching, c'est vous qui avez écrit tous ces textes, parce qu'il n'y a que la conscience qui peut les écrire. A l'époque vous connaissiez le sanskrit et le tibétain, vous les avez oubliés, mais c'est bien la conscience qui écrit tout ça. C'est comme si la conscience posait des petits cailloux blancs pour qu'on puisse retrouver le chemin de la source. Voilà encore un symbole. Le chemin, les petits cailloux blancs, le chemin qui nous ramène à la maison, c'est le petit pousset, c'est ça, on est tous ces petits poussets. Là, on a mis des cailloux blancs pour venir à la maison. Donc, moi, je dois beaucoup aux livres, c'est pour ça que je suis devenu éditeur. C'est par deux livres que ma vie a été sauvée. Par le livre Je suis de Nisa Ghanaraj et par le livre Vive aux centaines de Douglas Harding et d'autres, bien sûr, beaucoup d'autres par la suite. Je sais que maintenant, on peut tout à fait voir sa vraie nature avec une vidéo. J'en ai des témoignages. Les gens écoutent quelqu'un, voient une vidéo et voient la vraie nature. Mais n'oublions pas les livres. J'ai des livres !
- Speaker #0
Moi, j'ai une affinité particulière avec le livre. Je n'ai jamais pu accrocher au format vidéo. On va dire dans... Par contre, lire et relire et m'achouiller là, le texte, c'est quelque chose que je peux lire un livre pendant deux mois, ce n'est pas un problème, même s'il est tout petit.
- Speaker #1
Oui, oui, on peut lire les mêmes textes pendant deux mois, on peut les relire. Moi, je reviens au même texte, en fait. Je reviens à Chapcart, je reviens à Longshengpa, à Maître Ecart, à Douglas Harding, je reviens à Plotin. C'est des textes tellement magnifiques, ils sont tellement puissants. Donc, pour revenir à la question des traditions et de l'éveil, Alors, il est important de dire que je crois qu'aucune tradition n'est en elle-même complète. Je veux dire qu'elles sont différentes les traditions. Là, tout à l'heure, quelqu'un avait mis, j'ai fait une vidéo, je parle du soi, et puis quelqu'un me tombe dessus, non, il n'y a pas de soi, c'est le non-soi, disent les bouddhistes. Donc, le risque avec les traditions, c'est qu'on pense que cette tradition-là, dans son langage, dit le vrai. Ce qui va donc exclure une autre tradition. Donc c'est l'Advaita Vedanta qui dit le vrai, ou c'est le bouddhisme, parce que c'est des langages différents. Le vide pour le bouddhisme, par exemple, le plein et l'être pour l'Advaita Vedanta, et pour le christianisme, c'est encore autre chose, c'est le Christ, c'est le royaume. Donc, chaque tradition exprime, dans une forme culturelle donnée, un aspect de la source. Une autre tradition, dans un moment culturel donné, va exprimer un autre aspect de la source. Et chaque tradition mène à la source, mais elle n'épuise pas la source dans sa description. C'est pour ça que moi, j'ai toujours aimé lire beaucoup de traditions, parce que j'apprends du bouddhisme, j'apprends de l'advaita vedanta, j'apprends du christianisme, du soufisme. C'est un peu comme un diamant avec… C'est Sainte Thérèse d'Avila, d'ailleurs, qui utilise l'image du diamant pour parler de la source. La source, c'est un peu comme un diamant avec plein de facettes. Donc, tu as la facette du bouddhisme, et encore dans le bouddhisme, il y a plein de facettes. Il y a le Theravada, il y a le Mangana, le bouddhisme d'Ibeta, le Vajrayana. Il y a la facette de l'hindouisme, et là encore il y a plein de facettes. L'Advaita Vedanta, le Shivaïs du Kashmir, le Samkhya, le Yoga, et le christianisme. Et chaque facette est un éclat du diamant. On a besoin de ces éclats du diamant, parce que ça nous montre la valeur du diamant. Mais le diamant est plus grand que la facette, en fait. Donc, au bout du compte, la source est au-delà de toutes les traditions. C'est la source de toutes les traditions. Bouddha c'est un mec qui a vécu cette expérience d'éveil, Shankara aussi, Jésus aussi. Donc c'est la source de toutes les traditions, puis en même temps c'est au-delà de toutes les traditions. En même temps il est aussi important de ne pas les mélanger, de ne pas faire de mélanger tous les... Là on perd son latin ou son sanskrit. Il faut respecter le langage et les traditions, bien sûr, mais voir que l'expérience est au-delà en fait, et que l'expérience est universelle surtout. Il n'y a pas un éveil bouddhiste, un éveil hindouiste ou un éveil chrétien. Ça, j'en suis persuadé. Parce que quand on vit l'expérience, on voit bien que c'est au-delà de l'individualité, au-delà de toute particularité. Il n'y a pas de caractéristique dans la source. Elle n'est pas chrétienne, elle n'est pas soufie, elle n'est pas hindoue, elle est universelle.
- Speaker #0
Et dans ton expérience, en tant que... Je sais pas, j'imagine que tu rencontres pas mal de gens, tu lis aussi pas mal d'ouvrages, tu parlais tout à l'heure aussi des personnes qui prenaient des vessies pour des lanternes. Est-ce que tu as l'impression que parfois, en fait, je sais pas, ça me fait penser un peu à la religion aussi, tu vois, c'est la dernière fois que tu vas rencontrer quelques personnes qui vont être, je sais pas, chrétien, etc., et qui vont te dire, voilà, le catholicisme a raison, etc., alors que les plus grands auteurs de leurs mouvements vont... Dire qu'au-delà de ça, il y a le vécu, il y a le concret, il y a Dieu. Et en fait, c'est vraiment comment, enfin, c'est pas vraiment un comment ma question, mais comment est perçu, comment on peut épuiser, on va dire, ce truc-là de recherche, de vouloir assurer que c'est moi qui ai raison, etc. Est-ce que c'est le percept, d'aller vers le percept, comme disait Douglas Hardy ?
- Speaker #1
Oui, je pense que...
- Speaker #0
C'est la raison pour la perception.
- Speaker #1
Oui, c'est... C'est-à-dire que dès que... Quand il y a une tradition... Très souvent, il y a une hiérarchie aussi. Il y a donc du pouvoir et de l'argent derrière. Et le pouvoir de cet enseignement, de donner l'éveil, c'est le plus grand pouvoir qui existe. Parce que tous souhaitons, plus que de gagner à l'euro million, nous souhaitons l'éveil, en fait. Parce que c'est la liberté, c'est découvrir l'infini. Et donc, beaucoup de... personne dans les traditions garde ce pouvoir pour eux et utilise ce pouvoir. Donc oui, c'est des affaires d'égo, c'est lié aux personnages, mais même les grands mystiques ont eu des ennuis avec leurs traditions. Saint Thérèse d'Avila, là je vais éditer un livre de Saint Thérèse d'Avila traduit par Laurent Jouvet et on voit bien qu'elle dit une chose, par exemple elle parle de non-dualité, puis elle juste après dit mais en fait non je ne vais pas vraiment dire ça, donc elle se protège. Saint Jean de la Croix a eu des ennuis, Maître Eckhart aussi, dans le soufisme, Aladj a été crucifié, Jésus aussi. Donc voilà, les traditions sont magnifiques, mais en même temps le risque c'est d'avoir un système de pouvoir qui finalement, au lieu de donner accès à l'éveil, garde l'éveil pour quelques-uns et ne donne pas l'accès à la source, c'est le risque. Donc il y a deux risques. Le premier risque, ce serait de ne plus tenir compte des traditions, de s'en débarrasser, de ne plus lire les textes, de ne plus s'intéresser à ces textes magnifiques. Ça serait le premier excès. Puis l'autre, ce serait de s'enfermer dans une tradition, dans ces trucs de pouvoir, dire hors de l'Église, point de salut Donc il faut trouver un équilibre entre les deux. Donc ça, c'est déjà un, il faut avoir l'expérience d'éveil pour réaliser qu'en effet, c'est au-delà des traditions et que toutes les traditions mènent à ce point. Et puis... Alors ensuite, avec Douglas Harding, j'ai eu un peu de difficulté avec Douglas au début, parce que Douglas n'appartenait à aucune tradition justement. Il venait de nulle part, il n'a même pas eu de maître. Or moi, j'étais très influencé par René Guénon, qui, je ne sais pas si tu le connais, mais hyper traditionnaliste. Alors là, il faut avoir une initiation en bonne et due forme. En plus pour lui, ses traditions c'était même plus le catholicisme qui était un peu perdu, donc il fallait rendre les soins vers l'islam, les soins vers l'hindouisme. Donc Douglas, lui, ne correspondait pas du tout à ce schéma. Donc j'avais une petite prévention, mais j'ai bien dû reconnaître qu'il transmettait l'éveil, et très bien, avec beaucoup de puissance, et qu'en fait l'esprit souffre où il veut. Au fond, dans cette approche de Douglas qui est au-delà des traditions, qui n'appartient pas à une tradition, il y a beaucoup de liberté. C'est-à-dire qu'on se nourrit des traditions, on en est libre. Et Douglas a vraiment essayé d'inventer un nouveau langage, une nouvelle pratique, une nouvelle pédagogie pour les contemporains. Il disait souvent qu'on ne peut pas imiter les anciens, on ne peut pas revenir à une forme traditionnelle d'église, il faut inventer un langage moderne. Et ça, c'est ce qu'il a essayé de faire, c'est ce que j'essaie modestement de faire aussi en continuant son travail, c'est trouver une nouvelle manière de présenter la non-dualité aux contemporains, aux occidentaux, sans rejeter la science aussi. On a parlé de la tradition, on n'a pas parlé de la science. C'est vrai. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont l'expérience d'éveil, mais qui n'ont pas forcément la pédagogie pour transmettre l'expérience d'éveil. Ça aussi, je le vois, c'est des gens qui ont vraiment vécu cette expérience, mais après, derrière, comment on fait pour transmettre l'éveil ? Là, avec Douglas, il y a vraiment la volonté de trouver une voie pédagogique pour transmettre l'éveil à nos contemporains, en s'inspirant des grandes traditions, mais en même temps en étant novateurs. Parce que cette source, elle est nouvelle. Je veux dire, à la fois elle est ancienne, bien sûr, parce qu'elle est hors du temps, mais elle est créatrice. Donc, je pense que quelque chose de nouveau peut surgir, une nouvelle manière de se faire connaître. qui tient compte des traditions, qui tient compte de la science, qui tient compte de tout en fait. Et surtout qui est démocratique, c'est ça que j'ai beaucoup aimé chez Douglas. Il n'y a pas cette forme pyramidale qu'on a offert dans les traditions, c'est démocratique. On partage l'éveil comme on partage du bon pain. Avec Douglas on était en cercle, il n'était pas sur une estrade avec à côté une orchidée, comme on voit sur le film, on était en cercle. Et il invitait tout de suite les gens à partager. à partager sa pédagogie. Tout de suite, tout de suite, tout de suite. Je me souviens que la deuxième fois que je l'ai rencontré, c'était dans un grand stage d'été, il y avait vraiment beaucoup de monde, 50-60 personnes à peu près. Et puis, dans l'après-midi, on commence par dire, voilà, nous avons la chance d'avoir un expert ici et qui va nous présenter un exercice. J'ai dit, ah chouette, il y a un expert ici, super. José, est-ce que tu veux présenter un exercice ? Alors qu'on se connaissait depuis, c'était une très grande preuve de confiance de montrer qu'à partir du moment où tu vois ta vraie nature, que tu connais l'exercice, tu peux partager. Et c'est ce qui se passe maintenant. On faisait remarquer que les exercices de vision sans tête se diffusent de plus en plus. Beaucoup de gens les utilisent parce qu'ils sont très efficaces, très puissants. Il n'y a pas de copyright en plus. Donc voilà, c'est un équilibre entre modernité et tradition.
- Speaker #0
Oui, c'est un sujet même, j'imagine, vieux comme le monde, modernité et tradition, tu vois ? Oui, la plupart des gens inspirants, on va dire, dont on a lu les livres, souvent ont été des modernes. au moment de leur arrivée, ce qui n'a pas plu. Et donc au final, cet équilibre, un pied dans l'un, un pied dans l'autre, un qui nourrit et un qui ne se limite pas à ça, qui nuance. Je pense que c'est le symbole aussi dans le zen de la voie de l'équilibre. Oui,
- Speaker #1
oui, tout à fait. Ancré dans la tradition et en même temps être ouvert à ce que la source amène de nouveau. De toute façon... Tu as raison, les traditions se sont toujours acclimatées au sol nouveau où elles arrivaient. Par exemple, quand le bouddhisme a quitté l'Inde pour arriver en Chine, il s'est adapté, avec Bodhidharma, au taoïsme qui était présent sur place. Il est très différent du bouddhisme indien. Il est très proche du taoïsme. Ensuite, quand le bouddhisme est allé au Japon, il s'est inspiré des traditions locales. Ensuite, quand le bouddhisme est arrivé en Europe, il s'est encore et encore changé. Donc, oui... Les traditions s'adaptent aux conditions où elles doivent vivre, un peu comme une plante, on change de terrain, elle doit bien se nourrir de ce qui est là.
- Speaker #0
Oui, bien sûr.
- Speaker #1
Et si j'avais à rapprocher la vision sans tête d'une tradition, je pense que le plus proche, c'est peut-être le Dzogchen, en fait, tibétain. Ok,
- Speaker #0
ça m'étonne pas.
- Speaker #1
Parce que comme le Dzogchen tibétain, c'est une voie directe, Il y a beaucoup de points de comparaison, énormément. J'écrirai un truc là-dessus un jour, je crois. Et un des plus grands maîtres de Dzogchen, le fondateur même de Dzogchen, Garabdandje, bien avant Padmasambhava, Garabdandje n'a pas eu de maître humain. Il a reçu tout directement du Bouddha primordial, non manifesté. Quand j'ai rencontré Douglas, c'est le choc que j'ai. Je me suis dit, devant moi, j'ai un maître Dzogchen ou un maître Chan, une sorte de literie incroyable. C'est vraiment l'impression qu'il m'a donnée. En fait, Douglas, c'est un très, très grand maître d'Auksen, qui plongeait directement dans la source et qui était très transparent à la source. C'était formidable d'être à ses côtés.
- Speaker #0
Tu parlais de la science. Comment la science, aujourd'hui, a nourri ce pèlerinage, ce cheminement ?
- Speaker #1
Déjà, par la méthode qu'elle nous a donnée. Une méthode... d'observation factuelle. C'est-à-dire que ce qui a changé avec la science, la science apparaît au XVIIe siècle avec Galilée, Newton, Descartes. La grande nouveauté de la science moderne, c'est qu'elle regarde les faits au lieu de chercher la vérité chez Aristote et dans la Bible.
- Speaker #0
Oui, c'est ça.
- Speaker #1
Ah oui, Aristote dit le vide n'existe pas. Bon, si Aristote l'a dit, c'est que ça doit être vrai. La Bible a dit la Terre est au centre de l'univers, ça doit être vrai. Donc les scientifiques, ils vont... modernes, ils vont regarder les faits. Ils vont faire des expériences. Galilée va faire rouler une boule sur un plan incliné pour voir sa vitesse de chute. Donc, on regarde les faits. Ça, c'est très important. Et la vision sans tête, Douglas le faisait remarquer, de même, elle s'appuie sur des expériences. On nous invite à regarder des faits. Par exemple, si je suis avec quelqu'un, est-ce que je suis face à face ou face à espace ? Juste, on regarde. On regarde. On regarde les faits. Eh bien, on est toujours face à espace, en fait. Ça, pour moi, c'est un grand point commun entre, en tout cas, la spiritualité moderne, ce que j'entends, et la science, c'est l'observation. On ne s'appuie plus sur des textes qui auraient prétendument la vérité. Deuxième chose aussi, les scientifiques remettent en cause l'autorité. C'est un peu la même chose que tout à l'heure, mais remettent en cause l'autorité. La seule autorité, c'est moi qui regarde, en fait. Je suis ma propre autorité. Donc, ça, c'est très important aussi. dans la spiritualité, avoir l'audace de regarder par soi-même les choses. Non pas se fier à un expert futile, Ramana Maharshi ou Nisargadatta Maharaj, mais regarder par soi-même parce que ça me concerne. Il n'y a que moi qui suis exactement là où je suis, il n'y a que moi qui peux constater ce que je suis au centre. Donc l'audace d'être sa propre autorité. Et puis aussi,
- Speaker #0
Les découvertes de la science contemporaine sont absolument incroyables quand on les regarde en détail. Jamais, sans doute, la science n'a été aussi proche des découvertes des mystiques. Si tu prends par exemple la mécanique quantique, la science qui étudie l'infiniment petit, qu'est-ce qu'il y a au cœur de la matière pour la physique moderne ? Qu'est-ce qu'il y a au cœur ? Du vide. 99,9% de la matière, c'est du vide. Et dans ce vide, ensuite, il y a des particules. qui ne sont même pas des objets, des petites boules en fait. Donc la science retrouve des découvertes que les mystiques avaient faites aussi par leur propre expérience. Et quand on lit les grands scientifiques du XXe siècle, que ce soit Schrödinger par exemple ou Max Planck, très souvent ils arrivent à des conclusions qui sont proches des découvertes de l'Advaita Védantin par exemple, dire que tout est conscience. Schrödinger a écrit un texte où il dit voilà la philosophie qui est le plus proche de ce que je découvre dans la mécanique quantique c'est c'est la non-dualité de l'advaita vedanta, en fait, des consciences. Donc ça c'est extrêmement extrêmement intéressant en fait de voir que que la science moderne nous éloigne du matérialisme dur du 19e siècle. Là au mois de janvier je vais Je vais éditer un livre de Bernardo Castrup, traduit par Josain Morisson, qui s'appelle L'idéalisme analytique en quelques mots Bernardo Castrup, qui était à la fois ingénieur, il a été chercheur au CNRS, je crois, et philosophe, montre que la science moderne nous éloigne complètement du matérialisme, en fait. Mais je crois quand même qu'il est important de dire que malgré tout, la science, même la science moderne, elle reste... extérieure aux objets en fait, elle a quand même une approche objective. Par exemple si la science m'étudie de l'extérieur, si elle essaie de savoir qu'est-ce qu'il y a au centre ici de José, elle va encore rester à une certaine distance de moi, elle aura une approche objective. Pour découvrir vraiment ce que je suis, au bout du compte, c'est par l'expérience subjective qu'on y accède, c'est-à-dire par l'expérience d'éveil. Donc la science nous fait approcher du centre. mais elle n'arrive pas jusqu'au centre. Ce qui arrive au centre, c'est celui qui est au centre.
- Speaker #1
Il y a un palier qui ne peut pas être franchi.
- Speaker #0
Non,
- Speaker #1
non. C'est comme avec l'intellect, on ne peut pas franchir. Il y a un palier qui n'est pas franchissable.
- Speaker #0
Voilà, parce que la science a une approche objective en fait. Elle étudie le monde finalement de l'extérieur. Alors que l'expérience des éveils, c'est une expérience subjective à la première personne. Mais Douglas Harding a écrit un livre qui s'appelle La science de la troisième personne, justement. Pardon, La science de la première personne. Où il montre que pour lui, maintenant, il appelle ça la science, la science de l'éveil. Grâce aux expériences de vision sans tête, il devient possible vraiment de partager l'éveil avec quelqu'un, d'expérimenter cette approche. Quand les gens viennent dans les ateliers que je fais, je ne demande pas aux gens de croire quoi que ce soit, je leur demande juste d'expérimenter. Faites des expériences avec moi. et vérifier si ce que je vous raconte est vrai pour vous ou pas. Et dans la plupart des cas, les gens constatent que c'est vrai parce que c'est assez imparable en fait. Donc voilà, c'est pour ça que je trouve que Douglas, c'est un pédagogue assez extraordinaire.
- Speaker #1
Merci José. Et toi, si on revient sur la philosophie, tu disais que les philosophes contemporains, on va dire, souvent, je trouve qu'on met des cartes un petit peu au centre, genre du début de la crise, de la philosophie, etc. Ce qui n'est pas la vision de Guénon, la vision de Guénon, c'est la philosophie en elle-même.
- Speaker #0
C'est un problème. La philosophie pour Guénon est un problème depuis le début.
- Speaker #1
Depuis le début. Donc tu vois, des philosophes contemporains. Est-ce qu'aujourd'hui, la philosophie, on va dire, retourne dans la démarche traditionnelle, au final, qui est d'aller faire l'expérience soi-même ?
- Speaker #0
C'est difficile. Alors, quand on regarde certains textes de grands philosophes, on constate qu'ils parlent de ça. Platon parle de ça, Plotin parle de ça. Saint-Augustin parle de son expérience d'éveil, bien sûr au Moyen-Âge, je mettrais carte mais c'est plutôt un mystique, un philosophe. Nicolas de Cuse, qui est un philosophe quand même, parle de ça. Après, en se rapprochant de nous, on pourrait dire que Spinoza, dans la connaissance du troisième genre, évoque aussi l'éveil. Qu'après, des philosophes comme évidemment Schopenhauer, mais Schopenhauer influencé par l'Inde. Schelling, Fichte sont des gens aussi qui pointent vers ce qu'il appelle le moi ultime, le moi suprême. Nietzsche, voilà, il s'en approche.
- Speaker #1
Kant un peu, le vie transcendantale.
- Speaker #0
Kant, oui, Kant a été très utile pour… oui, oui, c'est vrai. Des gens aussi plus proches de nous, alors comme Husserl, alors ce sont des philosophes peut-être qui… La phénoménologie. des gens du compte public, mais voilà, la phénoménologie. Donc la phénoménologie, Husserl, puis Merleau-Ponty, Sartre, même Heidegger. Ce sont des gens qui s'intéressent à la conscience. Chez Husserl, il y a cette idée de réduction phénoménologique et réduction transcendantale. On voit bien qu'il tourne autour de l'éveil. Il y a bien chez lui cette idée que nous pouvons mettre le monde en parenthèse, comme il dit, et découvrir le moi pur. Il y a quand même des traces de ça, c'est vrai. Aujourd'hui, en France, je serais bien en peine de nommer un grand philosophe. Il y a Bergson, je pense qu'il est pas loin de ça, si tu veux. Aujourd'hui, c'est plus difficile. Il y a des gens comme Michel Bitbol, par exemple, qui est à la fois un grand connaisseur des sciences contemporaines, notamment la mécanique antique, qui connaît bien aussi le bouddhisme et qui essaye, dans la phénoménologie… de faire le pont, donc on trouve ça très intéressant, mais je suis une bolle difficile à lire, extrêmement difficile, mais très intéressant. Il faudrait peut-être se tourner vers les pays anglo-saxons, moi je pense à Ken Wilber aux États-Unis, alors là Ken Wilber lui, il a vraiment de faire le lien entre la philosophie occidentale et orientale, de synthétiser dans un travail incroyable les deux perspectives.
- Speaker #1
Du spectre de la conscience.
- Speaker #0
C'est ça, oui. Mais je pense que c'est un travail à faire en réalité, je pense que... Fernando Kastrup essaie de faire ce travail. On attend le nouveau Bergson, on attend le penseur qui sera capable de proposer une philosophie qui intègre l'éveil en tenant compte de la science contemporaine. Donc ça, c'est un gros travail à faire, et excitant. Mais en tout cas, l'université, j'ai quitté il y a un certain temps, mais... à l'université, je ne pense pas que la notion d'éveil soit intégrée encore. À mon avis, ça reste à la marge. Mais bon, c'est vrai que les textes sont traduits, comme les textes orientaux sont traduits, du sanskrit, du tibétain, donc petit à petit, quand même, on ne peut plus... Oui, parce que moi, quand j'étais à la fac, on niait même qu'il y ait eu de la philosophie en Orient. Donc en Orient, non, ce n'est pas de la philosophie, c'est de la sagesse, de la religion, de la mythologie. pas de la philosophie sérieuse comme chez nous, on en était là quand même. À l'est d'Athènes, il n'y a rien, toutes les vaches sont grises. Donc aujourd'hui, c'est quand même quelque chose qu'on ne peut plus dire parce qu'on a accès au texte. Ou alors quelqu'un qui le dit, c'est qu'il n'a jamais lu. Il a ouvert un texte d'Abhinavagupta de Shankara au Nagarjuna. Il y a Isabelle Rattier et son compagnon qui ont écrit un livre sur la philosophie indienne il y a quelques mois, qui est pas mal fait. Je crois que c'était l'introduction à la philosophie indienne. On voit bien quand même les perspectives. Mais elle ne parle pas du tout de l'éveil, elle a fait le choix de ne pas en parler. Mais on voit en tout cas qu'il y a de la philosophie, si tu veux. Donc, le problème de la philosophie, c'est que les philosophes ne s'intéressent pas à la spiritualité. Et les gens qui s'intéressent à la spiritualité ne s'intéressent pas à la philosophie. Ils rejettent même la philosophie et le mental. Donc, on tombe un petit peu entre deux chaises. On pèse des espaces un peu vides. Moi, j'ai écrit un livre qui s'appelle Éveil et philosophie. qui est tombé dans ce vide. Il y a très peu de lecteurs.
- Speaker #1
C'est vrai ce que tu dis. C'est pas un peu même.
- Speaker #0
La technique est rare. Il y a très peu de lecteurs dans l'intersection. Mais là, avec mon ami David Dubois, qui est aussi philosophe, et aussi grand connaisseur de la philosophie indienne, on est en train de faire un livre qui s'appelle L'éveil en question. Dialogue entre deux philosophes. On reprend les questions de la non-dualité et on les examine. C'est le problème aussi de la non-dualité aujourd'hui, je ne sais pas ce que tu en penses, c'est qu'il y a beaucoup de dogmatisme en fait dans la non-dualité. Si, si,
- Speaker #1
carrément, je suis d'accord.
- Speaker #0
C'est affreux. Les gens qui sont dans la non-dualité se transforment en petits dogmatiques, en petits prêtres de la non-dualité où vraiment on ne peut rien contester, il n'y a pas de questions possibles. Si tu as des questions, tu es dans le mental. C'est comme ça qu'il faut comprendre la non-dualité, pas autrement. En fait, on retrouve la rigidité des traditions qu'on croyait avoir perdu. C'est vraiment terrible ça.
- Speaker #1
D'ailleurs, tu parles de rigidité, je trouve que ce serait un bon titre à notre échange. En gros, c'est la rigidité qui est là et qui est aussi avec la souplesse au final.
- Speaker #0
C'est ça. En tout cas, disons que... Il faut une certaine forme pour comprendre ce qui se passe, et en même temps, c'est au-delà du sans-forme, donc il faut les deux. Forme et sans-forme. Mais s'il n'y a plus du tout de forme, on est dans l'informe aussi. Donc il faut les deux, il faut cette souplesse de l'esprit. Et de toute façon, on vit aussi dans les formes, on a besoin de transmettre, on a besoin de parler, on vit dans un monde de science, on ne peut pas parler comme si on ne vivait pas au XXIe siècle. Donc c'est important de tenir... De toute façon, les enseignements qui vont rester sont ceux qui tiennent compte de l'époque moderne. Oui, ça va disparaître. Et je ne crois pas non plus qu'on puisse... Je ne suis pas retourné dans les traditions. J'aurais pu finalement revenir dans le bouddhisme, revenir dans le zen. J'étais déjà initié. Mais je crois que les traditions ne sont plus adaptées au monde moderne. Peut-être me faire taper sur les doigts. Je crois que ce ne sont pas les traditions qui vont changer le monde. Si elles avaient dû le faire, elles l'auraient fait déjà. Je pense que c'est une forme nouvelle. Je pense que c'est quelque chose de nouveau qu'on ne connaît pas, qui va apparaître et qui va proposer cette voie vers l'éveil. Une forme moderne, je ne sais pas laquelle encore, mais qui pourra entrer dans notre culture. Parce que si on maintient les traditions, bien sûr, il y a des gens qui pratiquent le zen, mais ça reste très petit quand même, c'est quelques centaines, quelques milliers. Ça ne touche pas toute la population, ça ne touche pas. Donc, il faut inventer quelque chose de neuf.
- Speaker #1
Oui, je trouve que ce que tu disais sur la vision sans tête de Douglas Herding a posé des piliers assez fondateurs, au final, de ce qui pourrait être ça, de démocratique, non dogmatique, qui s'adresse à...
- Speaker #0
Vous pouvez aimer la démocratie, parce qu'il y a beaucoup de gens dans la non-dualité qui ne l'aiment pas du tout, en fait. C'est ça qui est terrible, dans la non-dualité. Je ne vais pas te donner de nom, mais on a des gens qui sont carrément à l'extrême droite, parce qu'ils sont influencés par Guénon, qui vont rejeter la démocratie, qui rejettent le monde moderne, rejettent les droits de l'homme, rejettent l'individualisme, et qui sont des nostalgiques, des traditions fantasmées, de l'âge d'or de l'hindouisme, de l'âge d'or de l'Égypte, de l'âge d'or de je ne sais pas de quoi, de l'âge d'or de l'âge d'or. Et donc, moi, je trouve ça inquiétant parce que ce sont des gens qui sont des ennemis du monde moderne, vraiment des ennemis qui verraient avec plaisir ce monde moderne s'écrouler. D'ailleurs, il faut qu'il s'écroule parce que c'est de la merde. Moi, je suis très heureux de vivre dans ce monde moderne. Il a des défauts, mais il est aussi extraordinaire et ce n'est pas un hasard si c'est dans ce monde moderne qu'on peut parler vraiment de non-dualité de cette manière libre. Non, il faut... Le meilleur de la tradition et le meilleur du monde moderne, c'est compliqué comme mariage.
- Speaker #1
Oui, oui. Et c'est très subjectif en plus.
- Speaker #0
Qu'est-ce qui est subjectif ?
- Speaker #1
De dire le meilleur du meilleur, c'est la stratégie.
- Speaker #0
Oui, c'est le meilleur. Par exemple, on ne va pas renoncer à la démocratie, on ne va pas renoncer aux droits de l'homme, on ne va pas renoncer à l'égalité homme-femme, on ne va pas renoncer à la liberté d'expression et on ne va pas non plus renoncer... aux voies vers l'éveil, aux voies vers le suprain intellect, on ne va pas renoncer, on va regarder les deux. Et les deux ensemble, c'est magnifique, parce qu'en Orient aussi, tout n'est pas tout rose, tout n'est pas magnifique, je n'ai aucune nostalgie pour les castes, aucune nostalgie pour la manière indienne de vivre, je n'aimerais pas vivre en Inde, surtout si j'étais une femme.
- Speaker #1
Oui, c'est clair.
- Speaker #0
Et donc je ne suis pas nostalgique de l'islam comme l'était Guénon, qui est parti vivre en Égypte. Au moins lui, il a mis ses actes en adéquation avec ses idées. Non, non, moi j'aime beaucoup le monde moderne et je cherche une voie qui va accomplir finalement le monde moderne dans cette perspective non-duelle. Je ne veux pas prendre comme la Révolution française. Alors là c'est l'antéchrist pour les traditions bien sûr, mais dans les révolutions françaises, notamment dans la déclaration des droits de l'homme, il y a quelque chose de très non-duel en fait. Tous les hommes naissaient égaux, libres et égaux en droit, ça c'est une expression non-duale. Beaucoup de ces révolutionnaires étaient aussi influencés par le christianisme, par l'évangile, Rousseau le premier, l'évangile était le texte qu'il admirait le plus. Donc là-dedans, il y a quelque chose de très non-duel, en fait. Cette unité du genre humain, c'est magnifique.
- Speaker #1
Merci José, merci pour cette plongée dans la tradition, les concepts.
- Speaker #0
Voilà, mais revenons au simple aussi, hein. Au simple, Benjamin, parce qu'on a un temps pour dire qu'on n'a pas besoin de connaître ces traditions, on n'a pas besoin de lire des centaines de livres pour voir sa vraie nature, c'est vrai.
- Speaker #1
C'est vrai.
- Speaker #0
Il suffit de retourner son attention de 180 degrés, là, j'invite nos auditeurs. à le faire, et juste vous retournez votre attention de 180 degrés, puis vous regardez au-dessus de vos épaules, il n'y a pas de tête. Vous ne voyez pas votre tête, vous voyez à la place un grand espace transparent, rempli du monde. Ça, c'est la base. C'est vrai, c'est simple.
- Speaker #1
Oui, c'est très simple. Et c'est d'ailleurs quand on cherche à vouloir coller au fait de dire, tiens, ça devrait être comme ceci, parce que telle tradition va m'amener à ça, etc., qu'on se perd. Ça permet de cheminer, mais ça fait tourner en boucle. Moi, dans mon expérience, les déclics ont été faits quand ça a lâché. Parce que sinon, j'étais dans la boucle qui m'était proposée par la voie que j'arpentais. C'était une boucle jusqu'à ce que je me rende compte que c'était une boucle.
- Speaker #0
C'est ça, oui, tout à fait. On peut se perdre dans les traditions aussi. L'important, c'est deux. Il y a deux rapports aux traditions, avant l'éveil et après l'éveil. Avant l'éveil, on est perdu dedans, on cherche à savoir quel texte va me donner la vérité. Après l'éveil, c'est différent parce qu'après l'éveil, on lit les traditions avec bonheur et plaisir. Oui, c'est magnifique comment il dit ça. Et d'ailleurs, l'éveil est une clé pour ce texte parce que moi, quand j'ai découvert ça, d'une certaine façon, j'étais athée et plutôt anti-chrétien, je dirais mon éducation. Et quand j'ai ensuite ouvert l'évangile, j'ai dit mais c'est incroyable, en fait, Jésus, il parle de ça. Il appelle ça le royaume. Il dit de retourner son attention. C'est magnifique comment il en parle. Donc, avec l'éveil... tous ces textes deviennent transparents, clairs et magnifiques. Et oui, parce que c'est nous qui les avons écrits. Mais évidemment. C'est la bonne chose. Et toujours revenir au simple. Toujours revenir au simple.
- Speaker #1
Merci José pour cet échange passionnant.
- Speaker #0
Merci, merci Benjamin. On vous a rencontré aussi, parce qu'on ne s'était pas... Non,
- Speaker #1
on ne s'était pas rencontrés encore. Ouais, c'est... Si tu devais me donner un titre là, comme ça, à l'épisode, tu dirais que ce serait quoi ? Je te fais travailler un peu. Les premiers mots qui me viennent là.
- Speaker #0
Éveiller Tradition ?
- Speaker #1
Éveiller Tradition, parfait, ça marche bien. Merci José, si jamais des personnes veulent te rencontrer, savoir un peu ce que tu fais, t'as un site internet ?
- Speaker #0
Oui, il y a deux sites, il y a le site visionsanset.com Il y a un agenda avec les ateliers ou joselerois.com où ils peuvent m'écrire joselerois29.com Je répondrai avec plaisir.
- Speaker #1
Ça marche. Donc n'hésitez pas à contacter José. Et vous avez aussi les livres des éditions Almora, dont ceux de José, qui sont passionnants, qui marchent très bien et qui vont explorer tous les sujets qui nous intéressent. Donc n'oublions pas le livre. voilà exactement n'oublions pas le livre merci beaucoup pour cet échange c'était vraiment une joie, je serais ravi d'avoir encore des échanges avec toi à d'autres jours,
- Speaker #0
j'aime beaucoup c'est du plaisir tu auras un autre sujet on va me présenter les exercices et puis je te dis à bientôt merci de votre écoute à tous et puis n'hésitez
- Speaker #1
pas à suivre L'instant vertical. Allez, à bientôt. Ciao.
- Speaker #0
Au revoir.