- Speaker #0
Comme de nombreuses disciplines, l'histoire de l'art n'est pas exempte de mythes et de fantasmes. Ceci suscite d'ailleurs parfois des débats passionnés entre les amateurs comme parmi les experts, pour savoir si, derrière les rumeurs, se cachent parfois des vérités pouvant montrer sous un autre jour les œuvres d'un artiste. Aujourd'hui, direction la Gironde, vers la fin du XIXe siècle. C'est dans cette région de vignobles paisibles, loin du tumulte de la vie parisienne, que deux artistes majeurs aux univers diamétralement opposés auraient pu, selon la légende locale, se croiser et même échanger quelques mots. L'un est un homme de foi, issu d'une famille bourgeoise, catholique et conservatrice. Il est écrivain, poète, critique littéraire, résistant durant l'occupation et journaliste politique. L'autre est plus connu pour ses phrases que la fête et les excès. intimement lié à la vie bohème parisienne qu'il va peindre et illustrer, jusqu'à devenir une figure majeure du post-impressionnisme et de l'art nouveau. Il s'agit respectivement de François Mauriac et de Henri de Toulouse-Lautrec. Toulouse-Lautrec, déjà adulte, vient chaque été se ressourcer dans le Sud-Ouest. Ici, les journées sont plus calmes qu'à Paris, où l'artiste éprouve durement son corps, qui subit les conséquences de sa démesure et de sa maladie. Mauriac, lui, est encore adolescent. Il parcourt cette même campagne bordelaise qui va nourrir son œuvre par la suite. Le territoire gérondin occupe donc une grande partie dans la vie des deux hommes. Et de la même façon, les deux artistes sont encore aujourd'hui bien présents dans les mémoires locales, comme à Saint-Macaire, dans le sud-géronde.
- Speaker #1
Bonjour, on fait un micro-trottoir, Toulouse-Lautrec et François-Montréalac. Savez-vous qui c'était ?
- Speaker #2
Oui, alors Toulouse-Lautrec, un célèbre peintre, et François Mauriac, prix Nobel de littérature. Ils sont tous les deux attachés au territoire du Sud d'Iran, puisque François Mauriac venait en vacances à Saint-Mexent, juste à côté de Saint-Macaire, et Toulouse-Lautrec venait rendre visite à sa maman à Saint-André-du-Bois.
- Speaker #1
François Mauriac, vous le connaissez ? Alors,
- Speaker #3
François Mauriac, c'est un écrivain fin 19e, début 20e. C'était un bordelais très conservateur, très rigide dans ses pensées, etc. Il n'aimait pas beaucoup les bordelais et il s'était installé aussi dans une maison juste à côté d'ici, à Saint-Mexent, le domaine de Malagare.
- Speaker #4
C'était un écrivain. Je peux dire comment je me suis bien amusé à son château quand j'étais ado. Je connaissais une personne qui était le gardien du château et moi j'y faisais de la moto. Là-bas, la moto de trial, je sais qu'il y a un banc qui porte sur la vallée de la Garonne où souvent se met un pierre sur lequel il écrivait. Mais moi j'y montais avec ma moto dessus, tu vois. Tu vois, c'est un souvenir. Et je te parle de ça il y a plus de 45 ans.
- Speaker #1
Et Henri Toulouse-Lautré, vous connaissez ?
- Speaker #3
Henri de Toulouse-Lautrec,
- Speaker #2
oui, c'était un grand, grand,
- Speaker #1
grand bonhomme. Bien que tout petit par sa taille, mais très talentueux.
- Speaker #4
Henri de Toulouse-Lautrec est venu sur ses derniers jours de vie à Saint-André-du-Bois, le château malromé. C'était sa maman qui lui avait demandé de venir le retrouver parce qu'il était malade. Et donc, il est venu finir ici, séjour.
- Speaker #5
Il faut savoir que Toulouse-Lautrec est quand même enterré à Verdelay et n'est pas enterré à Albi, comme beaucoup dans l'histoire ont voulu se le ramener.
- Speaker #6
plus dans le sud que chez nous donc on a quand même la tombe de Toulouse Autrec ici à Verdelay.
- Speaker #7
Moi ce que je retiens de Toulouse Autrec c'est un petit peu l'histoire par rapport au restaurant qu'il y a juste derrière nous. En fait, il faut savoir qu'il venait en vacances régulièrement dans la région avec sa mère. Et du côté, je vous parlais tout à l'heure du château de Malromé. Et donc le dimanche, ce que l'on sait c'est que... Sa maman, qui était extrêmement croyante, allait à la messe à la basilique de Verdelé, pendant que lui allait au bistrot à côté, à l'époque chez Decrito. Pendant qu'il buvait quelques verres d'absinthe, puisqu'à l'époque c'était ça, il se prenait à dessiner sur les tables. Et il y a encore des tables qui... Il porte certaines graphiques qu'il a pu faire.
- Speaker #5
Vous savez, à Verdelet, qu'il avait une tendance à barbouiller tout ce qui lui tombait sous la main, c'est-à-dire les nappes des tables que le personnel de chez Decrito s'empressait à effacer aussitôt, et puis un portrait qui restait sur un côté de buffet. longtemps oublié puis redécouvert dans les années 50 quand le restaurant a été réaménagé.
- Speaker #0
Au-delà des disciplines de prédilection qui séparent François Mauriac d'Henri de Toulouse-Lautrec, ce sont également deux univers bien différents qui distinguent les deux hommes.
- Speaker #1
Cueillir sur ce beau domaine sous un...
- Speaker #0
Astrid Lliado, responsable pédagogique au centre François Mauriac de Malagare.
- Speaker #1
François Mauriac est né il y a très longtemps, 1885, le 11 octobre. Alors il est né dans une famille à Bordeaux, une famille assez aisée, du côté de sa mère, son grand-père maternel. possédait un grand magasin de vêtements pour dames et enfants. Donc du côté maternel, il y avait une certaine fortune bourgeoise, commerçante. Et du côté paternel, c'était des propriétaires terriens. Donc un contexte familial plutôt aisé, alors que la famille de Henri de Toulouse-Lautrec, c'était une famille d'aristocrates. Donc on n'est pas du tout dans le même univers. On ne se mélangeait pas, on ne se fréquentait pas.
- Speaker #0
Rolin Bord, ancien élu local de Verdelay, c'est surtout l'âge qui sépare les deux artistes, plus que l'origine sociale ou les modes d'éducation.
- Speaker #5
À l'époque où ils auraient pu se croiser, puisque... Pendant une période de leur vie, ils étaient contemporains. Il y a quand même presque un écart d'une génération. Mauriac est né en 1885, Lautrec est mort en 1901. Donc Mauriac avait 16 ans quand Lautrec est mort.
- Speaker #0
Alors, rencontre ou pas, la question fait débat. Une fantaisie, disent les uns, un événement probable, disent les autres.
- Speaker #1
Est-ce que vous pensez que François Mauriac, dans son enfance, il a rencontré Toulouse-Lautrec ? Alors, non, parce qu'ils n'ont pas vécu tout à fait à la même période. C'était un vieux monsieur, même si Toulouse-Lautrec est mort jeune, mais ils ne se sont pas rencontrés. En revanche, François Mauriac en parle dans son œuvre. Il raconte que quand il allait en vacances... sur le bassin d'Arcachon, précisément à Tossat, où la famille de Toulouse-Lautrec avait aussi des propriétés. Ils savaient qu'il était voisin à Malagare de la famille de Toulouse-Lautrec, mais ne se sont jamais rencontrés. Oui, ils se sont déjà rencontrés.
- Speaker #2
Très bonne question. En termes d'époque, oui, c'est possible, ils ont pu.
- Speaker #1
Et qu'est-ce qu'ils se sont dit ?
- Speaker #2
Eh bien... Certainement qu'ils ont dû échanger sur les jolis paysages qu'ils avaient tous les deux, chacun depuis leur lieu de vacances, parce qu'ils sont sur les hauteurs et ils ont un superbe point de vue. Donc je pense qu'ils ont dû savourer la chance de pouvoir profiter d'un endroit aussi agréable.
- Speaker #0
Oh non, ça me paraît peu probable.
- Speaker #1
Oui, ils ne sont pas de la même époque.
- Speaker #0
Mais ils sont peut-être...
- Speaker #3
Je ne sais pas,
- Speaker #2
il y a peut-être eu un truc...
- Speaker #3
Il y a 16 ans,
- Speaker #0
mais est-ce qu'ils sont connus ici, dans la région ?
- Speaker #1
On n'a pas la réponse. Alors...
- Speaker #2
Moi, je pense que oui, même dans l'esprit,
- Speaker #3
parce qu'il y a des choses qui se ressemblent dans la lecture, dans la peinture,
- Speaker #2
dans la façon d'écrire et dans la façon de peindre. Je trouve que oui, ils auraient pu se rencontrer, oui.
- Speaker #5
Il est vraisemblable qu'ils se sont croisés, en tout cas leur mère se sont croisées, ça c'est sûr. Et toutes les deux, des ferventes, des votes de Notre-Dame de Verdenay. Et il y a un autre point commun, c'est que... Les deux propriétés, Malagar et Malromé, étaient des propriétés viticoles. Donc ça fait un point qui me semble important à l'époque.
- Speaker #0
Ce que ne sait pas encore Alain Bord en prononçant ces mots, c'est qu'il vient justement de mettre le doigt sur un point essentiel. En effet, en récoltant de nouveaux témoignages pour leur micro-trottoir réalisé dans le cadre d'un atelier radio, les enfants de l'accueil de loisirs de la commune de Verdelay font une découverte inattendue qui, de fil en aiguille, permet de lever le voile sur notre mystère. Une trouvaille intimement liée à la production viticole du territoire.
- Speaker #1
On a fait du micro-trottoir dans Saint-Maker pour demander aux gens s'ils connaissaient Toulouse-Lautrec et François-Mauriac. On a découvert que la grand-mère d'une personne avait une cabane de vignes et prétend que François-Mauriac et Toulouse-Lautrec se sont rencontrés dedans.
- Speaker #0
Un témoignage qui peut sembler anodin à première vue, Mais en se rendant sur place pour observer par eux-mêmes les abris viticoles, les enfants notent la présence d'un bac métallique à l'allure étrange qui attire leur attention. Dans celui-ci se trouve un moteur et un fil de fer qui semblent creuser des sillons sur les parois du récipient. Les explications de Bruno Tauzin, président du Centre de vacances et de loisirs du Verdelais, qui accompagne les enfants dans leur projet.
- Speaker #6
Dans les cabanes de vignes et autour des cabanes de vignes, c'était surtout un élément qui servait au traitement de la vigne. Donc c'était un récipient, plus ou moins grand en fonction de la taille de la propriété, pour faire des mélanges de produits et qui permettaient de tuer les parasites et donc de pouvoir avoir des vendanges très agréables, qu'on en trouve normalement partout. à proximité de ces petites cabanes qui étaient des refuges pour les vignerons. Ça devait permettre de malaxer, un peu comme on pourrait faire de la peinture maintenant pour les façades. C'est un petit moteur avec une pointe en fer qui devait frotter et qui permettait de bien mélanger l'eau et le sulfate et qui faisait cette bouillie bordelaise.
- Speaker #0
Cette histoire de bac, elle reste en tête de Bruno Thauzin. Il a le vague sentiment que quelque chose lui échappe. C'est alors que lui vient une idée. qui va tout changer.
- Speaker #6
Il me vient une idée, c'est que, comme je vous dis, comme il y a des traces, c'est quand même des... Il y a un cylindre, une pointe, il y a des traces quand même sur la machine, je me dis, mais ça me rappelle... quelque chose dans mes souvenirs, genre, que j'avais chez mes grands-parents, genre, le mécanisme du gramophone, je ne sais pas si vous connaissez, au niveau des jeunes, je ne suis pas sûr, mais c'était un système de pointe qui permettait de lire des choses. Et je me suis dit, là, il y a peut-être quelque chose à explorer, pas simplement s'arrêter à la tradition d'Abuye-Bordelaise, et avec tout ce qu'on a dit sur les personnages qui sont passés là, est-ce qu'il n'y aurait pas un témoignage qu'on pourrait trouver ?
- Speaker #0
Ce qui évoque Bruno Thauzin, C'est l'archéosonie, une spécialisation scientifique encore jeune qui consiste à collecter des sons du passé grâce à l'étude précise des sillons gravés dans certains objets. La théorie, c'est que lorsqu'un outil fait une gravure dans une matière, d'infimes variations sont détectables, celles-ci correspondant aux ondes sonores projetées dans la pièce au moment de l'inscription, comme dans un disque vinyle en somme. En pratique, cette science exige évidemment de posséder des outils d'analyse extrêmement poussés, mais par chance, c'est le cas du laboratoire d'archéologie moléculaire et structurelle de Tours, contacté par le centre d'eau lasière du Verdelais, pour mener des analyses sur ce fameux bac métallique situé près du domaine de Malagar.
- Speaker #5
C'est une science très sérieuse qui utilise les techniques les plus avancées d'intelligence artificielle pour décrypter ce qu'on croit pouvoir lire.
- Speaker #0
Luc Dobiac, chercheur au laboratoire d'archéologie moléculaire. et structurelle de Tours.
- Speaker #5
C'est une première. Ce sont mes collaborateurs qui ont découvert qu'effectivement, on arrivait, par un procédé de laser, à décrypter une conversation entre un jeune poète et un artiste peintre.
- Speaker #3
Est-ce qu'on a pu la dater, cette conversation ?
- Speaker #5
Effectivement, au carbone 14. Donc, c'est les années 1890-1995. Voilà, et aujourd'hui on peut affirmer que c'est bien la réalité.
- Speaker #0
Après avoir récupéré et daté l'enregistrement, le chercheur s'est tourné vers ses confrères et consoeurs plus spécialisés dans l'histoire de l'art afin d'identifier les voies présentes dans l'extrait. Un long travail minutieux, consistant à recouper archives, témoignages, dates historiques, le tout assisté par l'intelligence artificielle. Finalement, pour le laboratoire, l'origine de l'extrait ne fait aucun doute. Il s'agit bien... d'une conversation enregistrée entre le jeune François Mauriac et Henri de Toulouse-Lautrec, capté lors d'une visite commune de l'une des cabanes de vignes attenant à leurs propriétés respectives. Rapidement, la nouvelle fait le tour des revues spécialisées, d'abord dans le milieu scientifique, puis dans le milieu artistique, et les enfants de la commune de Verdelay, à l'origine de la découverte, sont placés sous le feu des projecteurs, comme c'est le cas chez nos confrères d'ARL, premiers à révéler l'affaire au grand public.
- Speaker #3
Il est 17h, merci de nous rejoindre. Alors aujourd'hui, un programme un petit peu exceptionnel sur ARL Radio, votre radio locale de Sud-Gironde, en direct de Langon. Nous avons Bruno Tozin, le président du CVLV de Verdelay, qu'on connaît bien, qui est avec nous pour nous révéler un scoop assez exceptionnel. Bonjour Bruno.
- Speaker #6
Bonjour à tout le monde.
- Speaker #3
Vous allez voir qu'on a fait une découverte qui risque de révolutionner complètement la façon de penser l'histoire. Alors... entre deux personnages, François Mauriac et Toulouse Lautrec, je n'en dis pas plus pour l'instant. Mais en tout cas, nous avons des jeunes aussi qui sont venus, ce sont des jeunes qui sont régulièrement en atelier avec vous au Cévelvée, c'est ça ? Vous devez être fière d'avoir découvert ça maintenant, non ? Oui. Est-ce que vous pensez que ça va changer quelque chose ? Il y a des gens qui vont venir vous interviewer comme moi je fais régulièrement. Est-ce que vous avez conscience que vous êtes en train de marquer l'histoire ? Un peu. Un peu quand même. Bon, en tout cas, on vous souhaite bon courage. Merci Bruno. On se recontactera donc.
- Speaker #0
Contacté par nos soins, le laboratoire de Tours a bien voulu nous transmettre un bout de la conversation identifiée comme étant celle entre les deux artistes. Compte tenu du procédé employé pour capter cet échange, les voix sont perceptibles, mais peu compréhensibles. Voici un extrait de cette discussion historique. Non, non, mais alors on peut s'arranger en commun. On ne pourrait pas se casser sur les couilles avec nos peintures, avec les œuvres qu'on peut faire. Vous venez en fait d'entendre trois voix, identifiées grâce à la collaboration entre les chercheurs spécialisés en archéosonie et le reste du département d'histoire et d'archéologie impliqués dans le projet. Il s'agirait donc de François Mauriac, alors adolescent, qui surprend dans une cabane de vigne Henri de Toulouse-Lautrec, en compagnie de Suzanne Valadon, elle aussi artiste peintre, mais également modèle et maîtresse de Toulouse-Lautrec. Encore récente, la découverte est à l'origine de nombreux débats parmi les habitants du Sud-Gironde. Certains s'en remettent à la parole des experts, qui sont catégoriques sur l'authenticité du document, qui prouve selon eux la rencontre entre Mauriac et Toulouse-Lautrec. D'autres restent plus sceptiques. attaché à l'idée que les deux artistes n'ont jamais pu se rencontrer malgré leur proximité géographique à une même période. Toujours est-il que dans la campagne girondine, les locaux comme les visiteurs n'ont pas fini de parler des vies et des œuvres de François Mauriac et d'Henri de Toulouse-Lautrec, de même que leurs passages dans la région qui ont marqué à jamais notre patrimoine.