- Speaker #0
Putain ces c'es Z. Et puis après, il y a quoi comme génération ? Après, il y a quoi ? Alpha. Non, Alpha, c'est qui ? Les mâles Alpha.
- Speaker #1
Alpha, c'est ceux qui sont nés après 2010.
- Speaker #0
Oh, putain. On les a appelés des Alpha, ceux-là.
- Speaker #1
Bonjour Nicole, comment vas-tu ?
- Speaker #0
Bien et toi ?
- Speaker #1
Ça va, merci. Aujourd'hui, dans ce premier podcast, nous allons parler de ta trilogie. Alors, ce n'est pas encore une trilogie, le troisième. tome est à paraître, il s'appellera I am Madonna et les deux premiers sont déjà parus. Le premier, alors qui est le deuxième dans l'ordre de la trilogie, c'est Bullshit, ceci n'est pas une histoire d'amour, qui raconte la relation de Chloé Bercovitch, ton héroïne, avec un pervers narcissique manipulateur. Et puis, celui qui est paru un peu plus récemment, qui est en quelque sorte la préquelle, qui est Dans la peau de ma mère, un livre où Chloé explore les rapports avec sa mère et surtout à l'occasion du trépas de cette dernière. Et notamment, toute la première partie du livre est justement Dans la peau de ma mère c'est à dire que ça raconte l'histoire de la mère de Chloé, de son point de vue. Et ensuite, la deuxième partie du livre explore le point de vue de Chloé elle-même. Et Chloé qui est dans cette relation avec cette mère toxique. C'est toi-même le terme que tu as employé. Et raconte-nous un petit peu ce qui t'a poussé à écrire ce livre et qu'est-ce que tu as mis de toi dans ce livre ?
- Speaker #0
C'est surtout qu'est-ce que j'ai mis d'elle. C'était ça qui était important en fait. Au plus proche de sa mort, il y avait une urgence en fait, venant de sa part en fait, que je m'imprègne de sa peau, de son odeur, de ses mimiques, de sa façon de... de voir la vie, d'être sincère, d'être honnête, enfin dévoiler, enfin la dévoiler telle qu'elle est. C'est-à-dire, oui toxique, mais pas forcément mauvaise. Il faut faire une différence entre les deux pour que moi je puisse vraiment entamer aussi cette nouvelle vie, pas avec, en portant le fardeau de ses parents, toujours à les accuser de quelque chose. Je pense qu'il faut accalmer, au plus proche de la mort, il faut... à calmer les choses. Et ma mère, prise de cancer, donc celle-là, c'était son quatrième cancer, elle avait le droit, elle aussi, à avoir la paix, tout comme moi. On était les deux aussi sur ce chemin-là. Je pense parce qu'elle m'a fait un très beau cadeau que de me donner la possibilité de l'emmener dans son passage. C'était vraiment quelque chose de profond. Dans la peau de ma mère, qui est effectivement l'après-quel de bullshit, ceci n'est pas une histoire d'amour. nous montre aussi toute la fragilité, autant d'une mère que d'une fille. Et cette difficulté des deux de montrer un amour, c'était très difficile pour cette mère de démontrer de l'amour pour cette fille.
- Speaker #1
Oui, c'est-à-dire qu'elle-même, tu le dis dans le livre, elle-même a eu un passé finalement assez traumatique. Et quelque chose qui s'est aussi transmis, et ce qui est intéressant chez Chloé, ce que je trouvais remarquable, c'est qu'elle ne juge pas et elle se dit je parle du Du personnage particulier, la maman, elle ne juge pas, elle se dit, moi, je vais apaiser ça avec de l'amour. On voit aussi, à la fin, dans la relation qu'elle peut avoir avec son frère, qui est quelqu'un d'assez...
- Speaker #0
Toxique. Oui, parce qu'en fait, ce qui se passe, tu vois, Gary, c'est dans cette histoire, et ça, c'est les familles, justement, dysfonctionnelles. C'est à un moment donné, il y a un des enfants, en tout cas, on l'espère, qui va vraiment briser ce schéma. Parce que c'est un schéma. Ça, c'est un schéma, par exemple, d'une femme, Ma grand-mère était aussi comme ça. Elles étaient très liées à la séduction. Ça vient aussi d'une autre époque. Et mon frère, finalement, lui a suivi les pas de ma mère en tant que fils d'eux. Et tu vois cette relation mère-fils, mère-fils, qui est, en tout cas dans ce cas-là, qui était intouchable. Ça, c'était impénétrable. Elle protégeait ce fils presque plus que son mari, tu vois. Donc moi, je ne pouvais pas pénétrer dans cette famille. Ni avec mon père, ni avec mon frère. Donc moi, je me retrouve finalement un pas à l'extérieur en train de regarder tout ça et dans l'incapacité finalement de trouver ma place là-dedans. Tu vois, donc il y a vraiment eu des clashs très forts, très forts qui peuvent briser la vie d'un enfant.
- Speaker #1
Et à la fois, on voit que finalement, celle qui fait ce travail sur soi-même, c'est Chloé. C'est un personnage qui est inspiré de toi. Et alors que justement, ton frère, lui, ne fait pas du tout ce travail. Et il y a aussi quelque chose qui m'a beaucoup marqué dans ce livre. Tout a l'air bien sous trois ports.
- Speaker #0
Absolument.
- Speaker #1
On est... je ne saurais pas dire on est dans un milieu qui n'est pas pauvre,
- Speaker #0
dans un pays qui n'est pas pauvre et d'autant plus un milieu vraiment très intéressant, mon père un presse-arrière de musique donc on était entouré par des artistes et pas des moindres, c'était des grands artistes effectivement maison cossue, un parcours de vie assez incroyable puisque ma mère est moitié hollandaise, moitié norvégienne mon père est juif tchèque ils sont partis au Brésil, aux Etats-Unis donc moi je suis vraiment un produit du Nouveau Monde, né à Genève avec un passeport brésilien. À la maison, on parlait brésilien, on parle anglais avec ma grand-mère, français à l'école. Il y a tout ce multiculturel qui donnerait la possibilité à cette famille de complètement avoir une communication saine. Quand c'était tout l'inverse. Mon frère, il a bégayé depuis l'âge de deux ans et demi, quand ma mère a perdu son père. Et je pense qu'il y a eu ce bégayement parce qu'il y a eu un tel grand silence. Donc c'est la puissance du non-dit. Ce livre, c'est vraiment la puissance du non-dit, les répercussions du non-dit sur l'être humain.
- Speaker #1
Oui, ça c'est assez... Parce qu'on se dit, au départ, cette famille a tout pour elle, finalement. Même, je crois que tu m'avais montré des photos de quand t'avais 16-17 ans, peut-être un peu plus jeune, je me souviens plus, mais on avait l'impression que c'était un peu radieux, que la famille faisait bien sous tout rapport, qu'on était sur des gens qui étaient étrangers, mais parfaitement intégrés dans la société suisse.
- Speaker #0
Non. Ça, je te coupe, excuse-moi, parce que c'est Genève. Donc, il n'y a pas de société suisse à Genève. Ça n'existe pas, parce que c'est tellement international. Et comme je te dis, c'était... Tout était établi en silence. Et ta Chloé, quand même, c'est une fille fragile. Et ça, on n'en a pas pris compte, parce qu'on était à nouveau dans une autre époque. Les années 80, les maladies mentales, les enfants qui gênent, on n'aime pas qu'ils gênent, tu comprends ? Et d'ailleurs, dans ce genre de milieu aussi, on veut son enfant parfait.
- Speaker #1
Et à la fois, on a l'impression, moi c'est une impression qui est la mienne, mais qu'au début, on a juste une jeune femme un peu à fleur de peau, et qui finalement, en fait, il y a cette toxicité un peu familiale qui est héritée, et finalement qui va se... une espèce de... de chaîne un peu de la toxicité, si tu me pardonnes un peu l'expression, qui fait qu'il va y avoir un parcours de vie pour essayer de devenir soi-même, c'est vraiment le parcours de Chloé, et en même temps, en fait, une... Une Chloé qui va à toute vitesse, qui se prend énormément de murs. Voilà, on va y venir. Déjà, avec les mauvaises fréquentations, le fait de vouloir un peu échapper à la famille, échapper à cette famille où elle n'a pas trop sa place, le père qui ne lui parle pas trop, la mère qui coupe le fils.
- Speaker #0
Là, je te coupe juste un instant. Ce n'est pas le père qui ne parle pas trop, c'est la mère qui empêche le père de venir lui parler. Elle a établi un mur strict euh parce que c'est son homme. Et je pense que déjà à un très jeune âge, elle était dans une rivalité avec sa fille. Clairement. Puisqu'à 13 ans, Chloé, n'ayant pas d'amis, ayant un monde très, très solitaire, cette mère-là ne peut pas comprendre. Cette mère-là qui est mondaine, cette mère-là qui est dans la séduction, elle est belle, elle est effectivement très belle. Toujours dans l'apparence. Pour elle, ce n'est pas normal, un enfant qui n'a pas d'amis, une vie sociale et tout ça. Donc, elle m'a vraiment, elle a mis Chloé dans les bras de son frère qui a 50 ans de plus et débrouille-toi. Donc, cette fille qui était complètement dans une solitude, assez refermée, même dans sa manière d'être, mais du jour au lendemain, découvre ce que c'est la séduction, la féminité. Et de là, s'est créée forcément une rivalité avec ma mère. Autant elle laissait cette fille. s'exprimer à sa guise à 13 ans, c'est-à-dire devenir une lolita, et autant elle s'en protégeait pour que cette fille ne s'approche pas de son mari.
- Speaker #1
Oui, alors c'est vrai qu'il y a ce tabou, aujourd'hui c'est moins tabou, mais c'est vrai que pendant très longtemps, et ça l'est encore un peu je trouve, le fait de la relation mère-fille, la jalousie mère-fille, et le fait que c'était encore une génération où les pères ne discutaient pas. assez peu avec leurs enfants finalement. Les enfants relevaient du domaine de la mère, et donc le père, il avait son travail à faire. Justement, la mère pouvait cloisonner, pouvait mettre ses barrières.
- Speaker #0
D'ailleurs, c'est ce qu'elle disait. Ma mère disait très souvent, c'était la même chose avec mon père. Pour elle, c'était tout à fait évident.
- Speaker #1
Il y a le domaine des hommes et le domaine de la famille.
- Speaker #0
Après, tu vois, il n'y avait pas cet enfant roi. Je veux dire, quand même, on devait respecter nos parents, ce qui est encore différent aujourd'hui. On n'a pas mis les enfants sur un piédestal. Mais donc voilà, c'était une famille particulière à ce niveau-là.
- Speaker #1
Particulière, c'est-à-dire à la fois très riche culturellement et à la fois dysfonctionnelle.
- Speaker #0
À la fois dysfonctionnelle et... Ce silence, quoi. Et quand c'était pas le silence, c'était des éclats de rage. Il faut imaginer une table où t'as quatre personnes, t'as un gamin qui bégaye, donc t'as un père quand même qui est assez viril, qui ne supporte pas voir son fils, évidemment, avoir cet handicap. Une fille qui se referme sur elle et en même temps qui s'ouvre et qui en elle-même est là. Cette fragilité, ce borderline qui va être établi plus tard par un psychiatre, est à une mer complètement dans le déni le plus total. Et ça part dans des éclats inhumains, quoi.
- Speaker #1
C'est vrai que je vois ça comme ça. C'est-à-dire que dans les années... Enfin, avant les années 80, jusqu'aux années 80, après ça a un peu changé quand on a basculé dans un autre monde, on a commencé à basculer dans un autre monde un peu à partir des années 90, mais le mariage était quelque chose. chose, en tout cas en Europe, aux États-Unis c'était un peu différent, mais le mariage en Europe c'était quelque chose de très solide, on ne divorquait pas comme ça et du coup on supportait jusqu'à ce que ça éclate. Et parfois les relations entre mes femmes étaient assez violentes. les relations familiales étaient d'autant plus violentes parce qu'on était contraints de rester ensemble socialement, parce qu'on était tenus les uns avec les autres et donc ça fait partie aussi de cette ambiance familiale et puis on taisait moi j'ai l'impression qu'il y a ce côté si c'est fonctionnel c'est bien donc la famille doit être fonctionnelle et puis ce qui n'est pas fonctionnel c'est tabou mais
- Speaker #0
c'est du conformisme pur c'est du conformisme terrifiant terrifiant Hum. J'ai vu mon père parler d'une manière à ma mère, mais qui était complètement établie dans la société à l'époque. Aujourd'hui, effectivement, heureusement, ça change. Heureusement, il y a cette communication qui est quand même plus égalitaire entre le mari et une femme. Mais voilà, donc ça, c'était...
- Speaker #1
C'était tes trois ou je t'en colle une, un peu.
- Speaker #0
Oui, et de toute façon, en coller une, c'était aussi une normalité. donc c'est pour ça qu'on peut pas accuser de tout. C'est pour ça, arrêtons d'accuser de tout. À un moment donné, aujourd'hui, moi, à 50 ans, j'ai pas envie encore de pointer du doigt à ma mère. Non, ils m'ont offert quelque chose d'inestimable. Moi qui n'ai pas fait d'études, et vraiment, mon université, c'est la vie, c'est cette éducation. Je peux pas le renier, quand même, c'est quand même fantastique. On dit pas merde à ça. Tu comprends ? Il y a cette... Être victime d'eux, c'est pas intéressant. Prendre la responsabilité de ce qu'on t'a donné et de ce que tu as fait et justement en faire quelque chose de meilleur, ça, ça devient un peu plus intéressant.
- Speaker #1
Moi, ce qui m'a quelque chose qui m'a beaucoup. Là encore, on va passer à la suite un peu. Mais c'est vrai que moi, je trouve ça très intéressant que tu pardonnes. Le personnage de Chloé pardonne ses parents, vit avec ses parents, redécouvre ses parents lorsque il commence à être plus âgé. Non,
- Speaker #0
c'est dans la maladie.
- Speaker #1
Dans la maladie, quoi. J'allais dire un peu à l'article de la mort, mais ouais, il est dans la maladie, donc ils font un peu retour sur eux-mêmes. elle les juge pas chacun était dans son rôle chacun a fait comme il a pu finalement avec les outils qui étaient les siens je trouve ça très intéressant parce qu'il y a quand même un côté pardon il y a une empathie, il y a une vraie empathie qui sauve Chloé c'est là où tout le personnage de Chloé je trouve très intéressant c'est qu'elle dit moi je donne en fait moi j'en ai rien à dire voilà vos calculs vos petites tactiques, vos petites stratégies. Moi, je ne suis pas dedans. Moi, je donne. Et puis, on verra après.
- Speaker #0
Oui, et c'est aussi, tu ne peux pas porter le fardeau de l'autre. Tu vois, ce que ma mère n'a pas pu faire avec un psychiatre, bon, c'est son problème. Je lui ai dit, OK, tu n'as pas osé le faire. Et d'ailleurs, elle me regardait des fois et me dit, j'adore ta psychiatre. Elle est tellement élégante. Et elle adorait ma psychiatre, sauf qu'elle ne pouvait pas y aller. Donc, ça... Merci. Ça l'enrageait, puisque les psychiatres très ploucs, avec un gros accent suisse, je ne voyais pas du tout ma mère s'installer avec Madame Dupont, tu vois. Donc là, elle avait encore de la jalousie sur ça, mais elle n'avait pas du tout le courage, et elle me l'a dit, d'aller faire cette démarche-là. Mais là où elle a eu le courage et merci, c'est au plus proche de sa mort, de me demander pardon. Et ça, elle ne pouvait pas le... Elle ne pouvait même pas le contrôler cet instant-là. Parce qu'elle avait bien vu que ça venait vraiment de l'intérieur. Et c'était un pardon qui venait du premier jour de ma naissance. C'était pas le pardon d'il y a cinq ans, j'étais un peu emmerdée avec un souci. Non, c'était le premier jour de ta naissance, où d'ailleurs, elle a failli crever. Et toute l'attention a été sur elle de nouveau. Cette femme avait besoin de l'attention pour exister. À défaut de trouver toi-même, tu vois, à l'intérieur de toi, ce qui enfin te rend vivant, elle, c'était l'extérieur.
- Speaker #1
Et on ne fait pas le parcours de l'autre. Moi, c'est ce que j'ai trouvé formidable aussi dans son personnage. On la voit se recroqueviller un peu sur elle-même avec la maladie. Et puis toi, le personnage de Chloé fait l'effort d'essayer d'avoir un petit peu cette éclosion finale et qu'elle prenne conscience de certaines choses. Moi, je trouve que c'est toute la beauté du livre pour moi. En fait, Chloé ne fait pas la thérapie de sa mère, mais elle essaye de montrer un exemple, elle essaye de montrer une espèce de partage d'amour familial jusqu'au bout.
- Speaker #0
Mais bien sûr, j'aurais été un monstre, tu t'imagines ? Non mais quelque part, j'ai vu le frère et sa femme habitant à 20 minutes d'un hôpital. n'ayant pas été les voir, ou amener la nourriture à mon père quand il rentrait de l'hôpital. Moi, j'habite à Paris. Tu t'imagines bien que ça fait partie de moi. Je me serais considérée comme une merde de ne pas être là pour eux. Mais ça, c'est qui je suis. Maintenant, si t'es bien avec le fait de penser qu'à toi et puis d'y aller simplement par parcimonie, parce qu'évidemment, c'est pas rigolo de passer des heures dans un hôpital. Et évidemment, ce n'est pas cool de voir tes années passer et puis toi, tu es là, bon, et moi ? Ben non, il y a eux avant. Oui, il y a cette histoire que je dois aboutir, que je dois terminer. Je dois clore. Donc, je pense que, tu sais, en fait, ce livre, c'est un battement de cœur. C'est simplement te dire, il y a un rythme. Il y a un rythme. Il y a, tu sais, quand on est jeune, on a toujours cette envie absolue. Moi, je m'en rappelle, je m'en rappelle comme si c'était hier, maintenant. Je regardais presque ma montre pour me dire quand est-ce que cette année va terminer. Je n'en peux plus de cette année. Elle me fatigue. T'as 15 ans, t'as l'impression que cette année, elle dure 10 ans. Et tu te dis, mais putain, mais elle finit quand ? Et aujourd'hui, être dans le temps, c'est si important. Et quand t'es jeune, t'as pas ça. Et quand t'es jeune, tu vis des choses à 100 à l'heure. Et cette fille, effectivement, elle les vit pleinement. Et elle doit parce que... Parce qu'elle est dans ce constant sentiment d'abandon. Alors pour remplir ce sentiment d'abandon, elle doit bien remplir avec quelque chose. Et elle va être amenée à le remplir avec de l'addiction. Et ça va être des addictions autant de la drogue que de l'alcool que de la sexualité. C'est parce qu'il y a cet abandon primaire avec sa mère.
- Speaker #1
Justement, il y a cette question... Alors en tant que lecteur un peu masculin, je dois dire que j'ai peut-être un peu trop regardé le personnage du frère. Parce que, je sais pas, on a été confronté à des deuils, on gère de différentes façons. Et il y a ce jugement, c'est-à-dire que je vois que Chloé essaye de pas trop juger son frère. Mais parce qu'il n'y a pas grand-chose à juger. Pas sûr. Et finalement, quand tu dis, Chloé est confiée à... Toi, tu as été confiée à ton frère. Et la question du déni, c'est-à-dire que lui, il est dans un déni permanent. Et déni de cette souffrance, déni un peu de cette éducation, déni des rôles, de la dysfonctionnalité de la famille.
- Speaker #0
C'est aberrant que ce gars n'a pas...
- Speaker #1
été posé son cul chez un psychiatre depuis l'âge de 15 ans comme moi c'est aberrant et ça c'est une société aussi qui fait ça tu vois ouais mais parce que tu dis que ta mère elle a confié à lui et puis derrière il
- Speaker #0
ya eu l'addiction il ya eu le viol oui donc c'est à dire qu'en fait il ya un frère qui fait jamais le boulot quoi bah non lui c'est quand ça l'arrange mais c'est ça parce que c'est le fils de sa mère. C'est le fils à maman, tu comprends ? Et à nouveau, c'est lui qui décide de faire ce qu'il veut avec sa vie. Mais quand même, tes parents sont là pour... Et il y a ce regard, peut-être moins aujourd'hui, mais il y avait ce regard sur... Ah ben non, mon fils va très bien, mon fils va... Mais non, il voit... Je ne vois pas de psy. Les filles, c'est plus enclin à avoir des problèmes. Tu vois ? Quand tu as un enfant qui bégaye, qui ne sait plus dire un mot, le bégayement, ce n'est pas que tu n'as pas appris à parler ou rien. C'est un choc. Il y a un trauma. Et c'est toute l'histoire des traumas, en fait. C'est ça, une vie que tu soignes, tu soignes les traumas. Tu soignes ces non-dits.
- Speaker #1
Mais après, le fait est que... Enfin... Toi, t'en as particulièrement souffert. C'est-à-dire que tu te retrouves à devoir porter ces traumas, porter cette toxicité qui va te... C'est le sujet de notre podcast aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il y a une espèce de chaîne, un peu de chute aussi. C'est-à-dire que d'abord, il y a cette adolescence, borderline, les excès.
- Speaker #0
Mais les excès sont quand même, excuse-moi de te couper. vibratoire, essentiel. S'il n'y avait pas ça, tu vois, la finalité à 16 ans du viol, elle était bien écrite. Tu sais, finalement, à un moment donné, c'est bien écrit. Et c'était bien écrit pour Chloé pour finalement fermer les portes. Fermer une fois, une première fois dans sa vie, à 17 ans, les portes. Et là, d'aller dans une autre forme de destruction, qui est la destruction de la solitude à 17 ans, à travers effectivement le spleen, gros gros spleen, mais qui l'a emmené à enfin se découvrir un peu plus elle-même. Si moi je dois dire qui je suis aujourd'hui, je suis cette fille de 17 ans, pas dans sa part de destruction, mais justement enfin faite. Oui,
- Speaker #1
c'est-à-dire qu'il y a un nouveau départ, mais qui commence avec le trauma accompli. Oui,
- Speaker #0
absolument. Mais je ne renie pas cette personne-là. Les gens critiques jugent la destruction, quand moi, en fait, je trouve qu'elle est belle, cette destruction.
- Speaker #1
L'autodestruction, tu veux dire ? Oui. D'accord.
- Speaker #0
L'autodestruction, c'est un magnifique voyage, parce qu'il te permet d'aller... te découvrir dans le meilleur comme dans le pire. Tu te maries avec toi-même, dans le meilleur comme dans le pire.
- Speaker #1
Ce qui est assez étonnant, c'est que malgré cet aspect autodestructeur, et on se dit qu'elle ne va pas survivre à tout ça, Chloé fait beaucoup de choses. Chloé voyage beaucoup. Chloé n'a pas de diplôme, mais pourtant elle trouve du boulot. Elle part aux Etats-Unis. Il y a quand même tout ça, toutes ces explorations. Tout ce travail sur soi en fait qui est fait sur le tas, un peu à la dure.
- Speaker #0
Elle s'engage dans la vie.
- Speaker #1
Le kiboutz aussi tu m'avais dit.
- Speaker #0
Le kiboutz, là c'était important parce que c'est justement ces familles dysfonctionnelles où on ne dit rien. Et quand on vient aussi d'une famille de l'Holocauste, là le silence est très profond. J'ai quand même découvert que j'avais tout cette partie de cette famille-là. lorsque mon grand-père paternel est décédé. Et qu'on a pris son corps et on l'a enterré à côté de ma grand-mère dans le cimetière juif à Boston. Donc nous voilà, tout le monde allait à Boston et il s'avère qu'on avait toute une famille aux États-Unis. Et là je découvre à 12 ans, j'ai une famille américaine. Incroyable, je savais ma famille évidemment brésilienne puisque je voyais mes cousines, mon oncle et tout ça. Et donc là je me dis mais qui je suis ? Mais qui je suis ? Et de là a commencé aussi... Très, toujours en solitaire, ce questionnement, puisqu'on ne me dit pas, moi je dois aller chercher les réponses. Et comme je devenais, la vie avec mes parents, et mon frère était déjà parti de la maison, et moi à la maison, était très pesante, il y avait une odeur de... C'était trop pour eux, c'était trop pour moi, on ne pouvait plus vivre ensemble. C'était lourd, la souffrance, elle était trop lourde. Et donc, le neurologue de ma mère lui a suggéré, « Envoyez-la dans un kibbutz, elle a besoin de savoir d'où elle vient au moins une partie d'elle. » Mais merci, merci, tu vois. Et lorsque j'ai mis mon premier pied en Israël, Mais enfin je me suis sentie chez moi quelque part pour la première fois. Et même mon faciès, tout, j'étais... Waouh, ça c'est une partie de moi. Et c'était très important, je suis revenue de là avec enfin quelque chose qui pouvait se construire. C'était très important.
- Speaker #1
Certaines personnes disent que la vraie Patrice est là où on se fait enterrer.
- Speaker #0
Ah putain, je sais pas où je vais me faire enterrer, mais alors je peux pas te dire.
- Speaker #1
Non mais ça vendait On est obligés d'y appeler, mais je ne savais pas que ton grand-père s'était fait... Parce que je savais que ton grand-père était juif tchèque au départ. Il avait émigré...
- Speaker #0
Au départ, jusqu'à la fin aussi. Oui,
- Speaker #1
il avait émigré au Brésil. Finalement, il se fait enterrer à Boston. Et donc, il y a cette idée d'errance. Parce que... D'errance, de déconfinement.
- Speaker #0
Comme on les appelle, les juif-errants.
- Speaker #1
Oui,
- Speaker #0
bien sûr. Et moi, c'est complètement moi.
- Speaker #1
Parce que Parfois on se dit Est-ce que c'est pas C'est la touche qui différencie ça d'une famille un peu suisse classique. Parce qu'on voit que tes parents, étant des étrangers, spécialement brésiliens, ils cherchent à tout prix aussi à trouver leur place dans une société qui est la société suisse.
- Speaker #0
À l'intérieur de la maison, c'était la féjoide. On parle brésilien, on parle avec les bras, on parle en gueule. Les samedis, dimanches, effectivement, il y a la féjoide, le plat traditionnel brésilien. Quand la famille du Brésil arrive, là, c'est carrément... Tu vois, on regarde un match de foot, t'as l'impression d'être 50 000 personnes derrière l'écran, on n'est que 3. On a tout ça, effectivement. Il y a tout ce mélange. Quand ma grand-mère arrive, c'est la Norvège, mais dans sa splendeur. J'ai commencé à boire avec elle de la Coivite. C'est avec elle que j'ai commencé d'ailleurs à boire. Tu vois, donc on a tous ces mélanges-là. Parce que là aussi, j'ai un autre regard sur ce pays. Et ce qu'il a pu me donner, j'ai aussi travaillé sur ça parce que j'ai eu aussi une colère contre l'endroit, parce qu'il représentait aussi, je pense, les personnes qui m'ont blessée. Donc, tu vois, c'est pour ça que c'est tellement important de finalement aller dans la vie en s'apaisant. Je trouve ça triste quand tu vois quelqu'un, franchement, encore, comme je t'ai dit, encore à 50 ans, 60 ans. Oui, mais...
- Speaker #1
Dans les erreurs, dans le...
- Speaker #0
Oui, tu sais, c'est...
- Speaker #1
Trouver le pardon. Franchement,
- Speaker #0
tu vois, la manière dont tu parles, de toute façon, le corps réagit de la même... Tu vois, le corps réagit.
- Speaker #1
Il y a une vibration.
- Speaker #0
Mais bien sûr. Et dans chaque circonstance, il y a quelque chose... Il y a quelque chose de bien. Oui, oui. Dans le pire, on peut encore y trouver quelque chose de bien.
- Speaker #1
Justement, il y a un peu cette... Je sais pas, transfiguration c'est un peu exagéré, mais c'est la transformation quand même de Chloé vis-à-vis de sa mère. C'est-à-dire qu'il y a quelque chose, c'est-à-dire, maintenant tu vas vivre en moi, maintenant tu vas... et du coup, moi, je dois porter quelque chose. chose d'autre spirituellement je dois aussi m'élever un petit peu par rapport en fait ben parce que toi ma mère tu as toujours été ce que la société a fait toi et moi je veux devenir un peu plus une personne mais
- Speaker #0
oui est ce qui était toi et ce qui était étonnant c'est qu'elle me l'avait dit elle me dit soit toujours indépendante je ne veux indépendante et à la fois Tu vois, elle me verra plus tard dans un schéma qui lui ressemble aussi, et elle a aimé ça. Mais je pense que je représentais pour elle la femme qu'elle aurait voulu être.
- Speaker #1
Il y a beaucoup de ça aussi.
- Speaker #0
Parce que quand... Et c'est trinte aussi. Bien sûr.
- Speaker #1
C'est trinte d'être ça aussi.
- Speaker #0
Oui. De devoir se prendre les murs,
- Speaker #1
de devoir...
- Speaker #0
Oui, mais c'est intéressant justement la peur de la liberté. Parce qu'à la fois, on la proclame. Tu vois, les gens disent, je veux être libre. Mais être libre, c'est toute une vie pour atteindre cette liberté-là. C'est un travail gigantesque d'être libre.
- Speaker #1
Et c'est aussi se prendre plus de claques que les autres.
- Speaker #0
Mais bien sûr, tu ne peux pas être libre sans souffrance. Ce n'est pas possible. Et en même temps, je la voyais... Tu vois, c'était elle qui m'emmenait aux interviews pour obtenir un job et tout ça. Je voyais sa fierté en elle aussi. Et puis chaque chose que finalement, autodidacte, j'ouvrais les portes et puis ça marchait. Ça marchait parce que je crois que la vie, quelque part, autant elle me voulait son élève et me dit va voir et puis va bouffer un peu la poussière. Et autant, en même temps, elle me protégeait, elle ne me voulait pas morte. La vie ne m'a jamais voulu morte. Sinon, je pense que je serais déjà morte depuis très longtemps. Tu vois ? Donc c'était intéressant. C'était... À un moment donné, tu sais, il faut... Peut-être qu'il y a des gens qui ne se posent jamais cette question-là. Et moi, je me la suis souvent. posé, je me suis dit, wow, mais pourquoi ? Pourquoi c'est si dur à chaque fois ?
- Speaker #1
Il y a ce côté école de la vie, je ne dis pas, c'est pas faire cliché l'Amérique, le Brésil, etc., mais quand même la question de l'aventure.
- Speaker #0
Mais complètement, je viens de là. Les parents sont aventurières,
- Speaker #1
les gens sont partis de l'autre côté de l'Atlantique.
- Speaker #0
Mais complètement, mon grand-père, côté maternel, était ingénieur agronome, il est parti dix ans en Irak, après ce qu'il voulait lui, c'était le Brésil, il s'est après engagé dans la guerre, il a laissé ma grand-mère Oui. Avec son rond bien rond. Et puis ma tante, ils sont partis accoucher. Ma mère a accouché à Vancouver. Ils sont revenus au Brésil. Mon grand-père s'est installé à Santana, une île. Une île comme ça, en Amazonie. Et de l'autre côté, j'ai justement cette famille juive qui s'embarque sur deux bateaux. Et il y a un bateau qui est à la polio. Ils s'étaient tous donné rendez-vous au même endroit. Ce n'était pas par téléphone. On se donne rendez-vous au Brésil. Super, tu vois. Fantastique, le Nouveau Monde, c'était le Nouveau Monde qui nous sauvait.
- Speaker #1
C'est pas, tu envoies un texto la veille pour savoir si tu seras là l'an dernier.
- Speaker #0
Et là, qu'est-ce que tu fais quand il n'y a qu'un bateau qui arrive ? Il faut se mettre à la place des autres. Et ce deuxième bateau a eu la polio pendant deux ans. Et finalement, ils ont accosté aux États-Unis. Et c'est pour ça, tu vois. Et j'étais très proche, quand j'ai habité à Miami, justement, à 20 ans, j'étais très proche du cousin de mon père, Paul. Paul Sauron, qui a changé son nom, il s'appelait Paul Borowski et il s'est appelé Paul Sauron. Et lui, il a fait un succès, mais incroyable, sur les baninons et après les quincailleries, toutes les premières quincailleries à Miami. Et moi, j'adorais aller le voir. Et grâce à lui, il a commencé à me raconter mon histoire de cette famille. Parce qu'elle est importante, parce qu'elle fait qui tu es. Et je sais pourquoi je ne baisse jamais les bras. Parce que j'ai quelque part, je n'ai pas le droit vis-à-vis d'eux. Parce qu'ils ont eu vraiment quelque chose. Tu vois, leurs parents sont morts dans les camps. Et c'est vrai. Et ça, c'est une histoire, effectivement, juive. Mais mon grand-père, quand il est arrivé au Brésil, ils n'avaient rien. Ils se sont installés dans un tout petit appartement à Santana. Je vois encore mon père quand il me raconte cette histoire. C'est beau à le voir. Racontant cette histoire, qu'en huit mois, ils sont devenus millionnaires parce qu'ils nous ont ouvert la Vulcan, la première fabrique de plastique, en Amérique du Sud. Parce que tout d'un coup, il y avait des découvertes incroyables. Et il était temps, il était au bon moment. C'est leur cadeau. C'est leur cadeau d'une si grande souffrance. Tu vois, d'être quelqu'un qui ne plaît pas au monde. Tu dis, c'est quand même l'absurde. Mais avec ça, au moins, je te fais quelque chose. Et ça, c'était le nouveau monde. Et quand ma mère était en Europe, elle me disait toujours, « Ah, l'Europe est veille. L'Europe, elle est vieille. » Et elle a raison. Ouais, quelque part, il y avait toujours quelque chose qui m'arrêtait, moi. Je me suis sentie, quand j'étais à New York, deuxième endroit où je me suis sentie à la maison. Il n'y avait rien qui manquait, comme en Israël, il n'y avait rien qui manquait. Je dis voilà, une maison, tu vois ?
- Speaker #1
Ouais, bien sûr.
- Speaker #0
C'était toujours cette recherche, mais là, il y avait au moins des endroits qui me parlaient profondément, avec qui je pouvais complètement me lier. Moi, je suis produit des années 80. Et aujourd'hui, ce que j'aime, justement, à mon âge, à 51 ans, c'est de dire mais qu'est-ce que je suis contente, malgré tout ce que j'ai vécu, d'avoir vécu les années 80 à fond et les années 90. Parce que mon adolescence, elle a commencé super jeune. Donc, tu vois, à 13 ans, je m'en rappelle, c'était l'anniversaire de mon frère. Il avait 18 ans. Et mon père était en voyage et on avait fêté ça avec des amis de la famille. Et ma mère, à côté de moi, m'a servi mon verre de vin rouge et bois. Je veux dire, tu vois, c'était complètement de nouveau installé dans la société. Et je me suis pris une cuite ce jour-là. Je m'en rappelle, le lendemain, je n'ai pas été à l'école. Et donc, quand elle m'a mis dans les mains de mon frère, je me vois transformée, c'est-à-dire des longs cheveux blonds. Mais très, très rapidement, je m'étais imprégnée de cette féminité qu'il y a 13 ans, tu passes d'une enfant... Tout ce que la femme a à t'offrir, c'est très délicat, c'est très... C'est très... C'est fragile. Et là, ma mère... Tu vois, ni la mère de Chloé, tu vois, cette mère qui ne protège pas cette fille-là. À cette période de la vie qui est tellement fragile. Je pense que c'est la période de la vie qui fait en sorte que si ta base... Elle est bonne. Ça va quand même aller, tu vois.
- Speaker #1
Par exemple, je... Moi, j'ai grandi dans les années 90, et à l'époque, les gens se mettaient beaucoup plus à divorcer. Donc, je fais partie d'une génération dont l'adolescence a été très marquée par le divorce. Oui,
- Speaker #0
par le divorce.
- Speaker #1
Par le divorce. Et du coup, heureusement que les grands-parents étaient là, parce que les parents étaient absents. Et tu parlais de différence générationnelle, et c'est assez intéressant. C'est-à-dire qu'on voit justement dans ces années 80 et 90, le basculement d'une société qui était... très cadré mais on souffrait beaucoup en silence mais on donnait aussi un énorme bagage culturel aux enfants avec une société qui est devenue beaucoup plus compréhensive mais sans les valeurs sans les valeurs, en fait on dit juste aux gamins, sois un bon garçon et ils arrivent ils comprennent pas du tout le monde dans lequel ils vivent un monde qu'on leur fait passer pour très simple qui est finalement très complexe alors que, et justement ce qui est intéressant avec le personnage de Chloé, c'est que on le voit apprendre par lui-même, on le voit faire ses propres expériences dans la vie et avec cette force, cette énergie aussi qui lui a été inculquée. Après, on la voit dès l'adolescence.
- Speaker #0
Justement, dès l'adolescence, tu vois, il y a quand même justement cette fragilité, ce repli aussi sur soi, mais en même temps cette extravagance. Et puis là, sans le savoir, parce qu'elle va découvrir cette jeunesse très très tôt. Donc sortir, sortir jusqu'à 5h du matin à 13 ans, s'habiller comme effectivement une vraie Lolita, se faire courtiser par des hommes déjà de 20 ans, tu vois les soirées universitaires et tout ça. C'était, voilà, j'étais aussi avec mon frère. Après, elle se fait un cercle d'amis. Elle, elle ouvre les portes de sa maison. Parce qu'elle se dit, c'est comme ça que je vais me faire aimer. Toujours, ce qui la suit, en fait, Chloé, dans son parcours, c'est ce sentiment d'abandon. Et avec ça, tu vas faire n'importe quoi. Tu es prête à tout pour ne pas ressentir cet abandon. Donc, elle a ouvert les vannes jusqu'à, effectivement, ce viol à 16 ans. Elle a fait plein de choses, mais elle a fait plein de choses aussi sexuellement, à part, effectivement, cette première fois. Et donc ce moment est arrivé. C'était en plus ça, le voisin de chez mes parents, et ils étaient deux, et effectivement, t'as cette Chloé, elle avait pas... il y avait pas d'autre choix ? Et quand elle va voir...
- Speaker #1
C'est dur quand même, comme...
- Speaker #0
C'est ça toute la fragilité d'une adolescente.
- Speaker #1
Y'a pas d'autre choix qu'un mec qui va profiter d'elle ?
- Speaker #0
Aujourd'hui, évidemment, avec du recul, il y en aurait eu un autre. Mais elle n'était pas armée pour ça.
- Speaker #1
D'accord.
- Speaker #0
Malgré toute sa force, elle n'était pas du tout armée pour ça. Tu vois ? Et comme sa mère, justement, excuse-moi de te couper, mais comme la mère lui a montré la séduction, mais ne lui a pas montré l'amour, et fais attention, et respecte-toi, toutes ces bases qui sont... essentielles.
- Speaker #1
Et tu mérites d'être aimée.
- Speaker #0
Et bien sûr. Et d'avoir quelqu'un qui pense moins de toi. Et ne t'entends pas comme ça. Après, vas-y. Donc en fait, je me suis offerte vraiment très tôt. Il y a eu cet incident. Et là, cette jeune fille de 17 ans que j'aime beaucoup, j'affectionne énormément cette fille de 17 ans qui s'est renfermée sur elle-même, qui a abandonné ses longs cheveux, qu'elle lissait, elle les a laissés bouclés. Elle a totalement... enlever son maquillage pour laisser son naturel. Elle roulait des joints à une main, elle lisait son Kerouac, elle écoutait son Pink Floyd. Et c'était là-dedans où elle se sentait bien et protégée. Et là, la nourriture, enlever, enlever, enlever de la substance. Je veux me protéger. Et c'est là où elle a commencé effectivement à rentrer dans l'anorexie. Et c'est le premier... Et très tôt, elle a été voir un psy. Ça c'était aussi, heureusement d'ailleurs, par son anorexie, quand tout d'un coup, effectivement, les parents ont vu la dégrangolade corporelle. À l'époque, l'anorexie, c'était pas encore courant, on n'en parlait pas autant. Et donc... Oui,
- Speaker #1
parce qu'il y a cette question de la honte. C'est-à-dire que pour les gens qui sont nés dans les années 30, 40, 50...
- Speaker #0
Avoir quelqu'un d'aussi...
- Speaker #1
Oui, en plus, il y avait les traumas de la guerre, etc.
- Speaker #0
Et ce n'était pas une maladie autant... Et je viens d'une lignée de femmes où ma grand-mère, c'était tout sur la beauté, ne montre rien, no pain, no gain. C'était vraiment... C'est comment le truc complain ?
- Speaker #1
Never complain, never explain.
- Speaker #0
Exactement. Never complain, never explain. Ça, c'est ma lignée féminine. Et ma mère était ce qu'elle était, sa sœur, aussi toxique qu'elle, peintre, artiste peintre, qui a laissé sa fille chez sa grand-mère paternelle, et ma cousine, elle aussi bipolaire, donc on a tous des traces. quand même de maladie mentale, mais à l'époque effectivement, on ne pouvait pas le dire. Et donc là, si tu veux, on rentre aussi dans une autre phase, c'est justement ma fille, comment on va gérer cette maladie visible, en plus de ça ?
- Speaker #1
Oui. C'est ça, c'est visible. C'est-à-dire qu'il y avait cette question de... On m'a dit quand j'étais plus jeune, on n'est jamais trop maigre, on n'est jamais trop riche. Oui, mais oui. Et c'est un comportement... À l'époque, les gens étaient... Nous, on a encore vécu ça, mais les gens étaient quand même très imprégnés par le modèle aristocratique.
- Speaker #0
Ah mais complètement !
- Speaker #1
Aujourd'hui, la vulgarité, le monde s'est beaucoup américanisé de ce point de vue-là, ou pas dans le meilleur sens du terme. Complètement !
- Speaker #0
Et je te rejoins à 100%, cette délicatesse de ne pas dire, tu vois, ma fille ne va pas bien, mais on ne dit pas ce qu'elle a derrière. Et heureusement, j'ai rencontré à cette époque-là ma psychiatre, qui est restée ma psychiatre durant des années, des années, des années. Et il fallait rentrer dans ce schéma psychiatrique, c'est-à-dire au-delà d'une anorexie mentale, il y avait un comportement borderline. Et ce qu'on disait de ces enfants-là, c'était « Ah, ma fille est difficile, c'est un enfant difficile. Je me suis fait renvoyer de toutes les écoles. Qu'est-ce qu'ils disaient ? Ah, votre fille est trop difficile. » C'était le mot qui revenait. Tu vois, au lieu d'aller dans la maladie elle-même et la mettre en lumière. Et ça, c'était une honte, tu vois.
- Speaker #1
Oui, oui, bien sûr. Oui, parce qu'il ne fallait pas... La maladie, c'est une faiblesse. Il ne faut pas être faible.
- Speaker #0
Tu vois, la différence, excuse-moi de te couper, la différence avec mon frère qui était bègue, on l'emmenait chez le logopédiste. On ne l'emmenait pas voir un psy. Donc, on faisait juste... Qu'est-ce qu'il y a à faire ? Avec la bouche.
- Speaker #1
C'est orthophoniste.
- Speaker #0
En France,
- Speaker #1
on dit orthophoniste.
- Speaker #0
C'était l'orthopédiste. Et qu'est-ce qu'on fait avec juste l'intérieur de cette partie-là de ton corps ? Mais surtout pas là ! Surtout pas !
- Speaker #1
Il ne s'agit pas de relier ça à des sentiments de traumatisme.
- Speaker #0
Exactement.
- Speaker #1
Il y a...
- Speaker #0
Et la preuve, voilà, il est ce qu'il est aujourd'hui.
- Speaker #1
Oui, c'est-à-dire qu'il y a des choses qui ne sont jamais sorties.
- Speaker #0
Surtout pas résolues. Tu vois, en fait... pour revenir à Chloé, dans la peau de ma mère, elle part avec ces bases-là en tant que femme dans la vie, en tant que jeune fille, pas femme. Ça c'est ses bases. Donc ses bases, elles sont fucked up quoi. Parce qu'elle a aucun lien avec son père. Quand elle vit à l'étranger, plus tard, c'est toujours avec sa mère qu'elle parle au téléphone. Et ton père te dit bonjour, et j'entendais mon père tousser à côté, mais jamais il a pris le téléphone pour me dire on parle. Et donc dans cette adolescence-là, quand ma mère a su à propos de mon viol... Elle a simplement dit, mais moi aussi, mais on se tait, et on continue. Tu vois ? C'est ta fameuse phrase anglaise.
- Speaker #1
Never explain, never complain.
- Speaker #0
Never explain, never complain.
- Speaker #1
Et je voudrais, pour terminer un peu là-dessus, mais il y a quelque chose qui... Peut-être que le public ne sait pas forcément. Qu'est-ce qu'on peut mettre derrière ce terme de borderline ? Merci.
- Speaker #0
Très très bonne question parce que d'abord il est très mal utilisé, il est utilisé comme un simple mot, une expression. « Ah mais toi t'es borderline,
- Speaker #1
t'essaies pas du tout ça ! » « T'es à fleur de peau, tu prends des risques. »
- Speaker #0
« T'as besoin d'aller toucher les excès, c'est très fatigant, c'est très très fatigant parce que t'as tout le temps besoin de ressentir quelque chose. » « Ta vie n'est que ressentie. » Donc, tu vois, s'il n'y a pas ce ressenti, effectivement, c'est quelque part tant mieux. Parce que si tu vas bien l'utiliser, heureusement, je pense que l'écriture m'a sauvé. Tu vois, j'avais besoin toujours de... J'ai fait beaucoup de sculptures, j'ai fait de la photographie. Je voulais toucher. Il me fallait de toute façon une part artistique. Et je pense que dans ces tempéraments-là, on a besoin d'aller dans l'émotion. Il ne faut surtout pas... briser l'émotion, et c'est ce qu'on était en train de faire dans cette famille dysfonctionnelle, c'est garder le silence. Donc pour moi, c'était la pire chose qu'on pouvait faire, puisque j'avais constamment besoin d'exprimer mes émotions, et on m'en empêchait. Donc tu imagines bien ce qu'on m'empêchait de faire avec les mots, j'allais le faire avec les gestes. Donc il n'y avait pas de limite.
- Speaker #1
Et puis avec ta propre vie.
- Speaker #0
Et c'est pour ça que, je veux dire, il faut savoir... Transformer ce borderline, passer de l'extrême destruction à quelque chose qui va t'amener quelque chose d'incroyablement beau. Tout ça, c'est un travail que tu dois faire avec quelqu'un. Si tu es livré à toi-même... T'es toujours en train de toucher la mort, toujours.
- Speaker #1
Dans cette expérience des limites. Il n'y a pas de limite. La ligne borderline, c'est la ligne frontière. Et donc de savoir toujours où est la limite, jusqu'où on peut aller.
- Speaker #0
C'est de la provocation. Il y a beaucoup de provocation aussi dans le caractère de Chloé. donc quelque part c'est toujours être sur le fil elle a besoin de ressentir le fil elle a besoin la limite elle a besoin de cette vibration là tu vois et c'est ce qui a fait qu'elle a eu après cette autre étape à un autre âge qui va être 30 ans et peut-être en compte mais en tout cas pour sa première grande partie c'est... Ce sentiment d'abandon n'étant pas résolu, mêlé à un caractère borderline, fait qu'elle va vivre sa vie dans son absolu. Et je ne peux pas, il n'y a zéro regret. de ce que Chloé vit. Zéro.
- Speaker #1
Oui. Et elle ne regarde pas beaucoup en arrière.
- Speaker #0
Non. Et si elle regarde en arrière, c'est pour en être fière. Oui, voilà. Voilà.
- Speaker #1
Donc on vous invite à découvrir ce personnage, spécifiquement dans La peau de ma mère. Maman, tu me manques car tu m'as toujours manqué. Ce manque profond, cette absence indélébile habite Chloé depuis toujours. Je vous invite à un magnifique livre, surtout qui explore les relations mère-fille comme peu de livres, vraiment, avec cette empathie, avec le fait d'arriver à se mettre à la place de cette mère. cette mère qui a elle-même parfois des difficultés à habiter son propre personnage et Chloé qui l'accompagne jusque dans ses derniers instants avec des scènes, surtout dans la deuxième partie du livre, qui sont vraiment très émouvantes. Merci Gareth. Découvrez dès à présent les nouveaux épisodes du podcast Joli Bordel.