- Speaker #0
Journal de bord d'un élu local, c'est l'épisode 138, l'extension du Golfe des Bordes, le projet d'une ère révolue, dont c'est la première partie. Ce sera un double épisode avec notre invitée Catherine, et c'est parti !
- Speaker #1
Bonjour Nicolas !
- Speaker #2
Salut Gaël !
- Speaker #1
Nicolas, aujourd'hui, on reçoit Catherine, Catherine, coordinatrice des luttes locales de la région Centre. Bonjour Catherine.
- Speaker #3
Bonjour. Bonjour à vous deux.
- Speaker #1
Bonjour. Alors, on va parler d'une histoire de golf. Tu m'en parles, Nicolas, depuis avant l'été. Donc, ça fait un moment que tu es investi. C'est quoi cette histoire de golf ? On n'a pas déjà fait un épisode sur un golf ?
- Speaker #2
Si, on a fait un épisode sur le golf des Pomoraux, qui était un golf qui avait prévu de s'installer sur Saint-Laurent-Nouant, auquel on s'était opposé. et dont le préfet n'a pas validé le projet.
- Speaker #1
Victoire donc.
- Speaker #2
Victoire, tout à fait. Et en fait, à Saint-Laurent-d'Ouen, il y avait déjà un golfe préexistant qui s'appelle le Golfe des Bordes. Et aujourd'hui, ce golfe fermé, réservé à une élite, il a engagé de longue date un agrandissement qui est absolument pharaonique. Et on arrive dans un nouveau dépôt de demande d'agrandissement pour 150 hectares. Et on a décidé... avec Catherine de s'y opposer.
- Speaker #1
Catherine, dans quelle mesure tu coordonnes les luttes locales en région centre, mais tu fais aussi partie d'un collectif qui est contre ce golf ?
- Speaker #3
Ah oui, alors en fait, quand on a découvert ce projet de golf, d'extension de golf, en fait, la coopération des luttes locales, qui est une plateforme, une sorte de plateforme d'entraide entre les différentes luttes, Que l'on soit monté en association ou en collectif ou en individuel en fait, se réunissent de temps à autre et communiquent et échangent. Et on s'est dit, on va tous mettre la main à la patte parce que ce projet est, comme l'a dit Nicolas, pharaonique, hors du temps et destructeur.
- Speaker #1
C'est quoi pharaonique ? Parce que du coup, je ne vois pas trop ce que vous voulez dire par là.
- Speaker #2
Le site en lui-même, il fait 560 hectares.
- Speaker #1
Là actuellement ?
- Speaker #2
actuellement, 560 hectares un hectare c'est 10 000 m² si tu veux le centre-ville de Blois c'est moins de 20 hectares, donc quand tu dis 150 hectares c'est plusieurs fois le centre-ville de Blois que tu vas défricher en forêt en une seule fois en quelques années dans le massif de la Sologne là aujourd'hui ce site il est donc en zone nature à 2000 c'est à dire une zone de protection de la nature parce qu'il y a un certain nombre d'espèces rares à cet endroit là d'intérêt européen... Donc il est dans la zone nature à 2000 du massif de Solon et il est aussi dans la zone UNESCO du Val-de-Loire, donc une zone patrimoniale qu'on est censé protéger.
- Speaker #1
Ah bah ça tombe bien, alors il ne pourrait pas pouvoir se faire si jamais on a tout ça pour se protéger.
- Speaker #3
Malheureusement, oui. En tout cas, nous on va essayer de faire en sorte qu'il ne se réalise pas.
- Speaker #2
En fait, c'est vrai que c'est complètement dingue parce que c'est vraiment un projet... pour une élite fortunée on va dire que c'est un entre-soi sécurisé dans lequel tu peux pas rentrer, tu peux rentrer que sur cooptation, c'est 100 000 euros le droit d'entrée 100
- Speaker #1
000 euros ?
- Speaker #2
Ah ouais c'est bien il faut avoir, t'as que 20% réservé à une clientèle locale et une clientèle locale c'est quelqu'un qui a une grande propriété dans les 120 kilomètres donc en gros c'est uniquement pour une clientèle étrangère euh... d'Angleterre, Australie, etc. qui arrivent en hélicoptère ou en avion dans une ville proche. Et qui repartent à la City de Londres l'après-midi. Donc tu as plein d'articles là-dessus sur le Figaro, Rune Sheet, etc. qui vont t'expliquer que au maximum, ils ont 12 personnes par jour. Qu'il y a 250 personnes aujourd'hui inscrites pour user de ces 560 hectares. Donc c'est vraiment un truc de luxe où seules les lits c'est une sorte de privilège d'avoir le droit de rentrer dans ce golfe et pour faire agrandir ce golf ils vont tout raser au détriment des populations locales et de la nature quoi donc là aujourd'hui fait combien de quelle taille tu as dit 150 hectares non aujourd'hui fait la propriété fait 560 hectares d'accord mais dans ces 560 hectares il ya une partie qui a jamais été aménagé et donc dans ces 560 hectares il ya 150 hectares qui dans lequel ils vont agrandir la partie projet, c'est-à-dire faire une extension, faire des villas de luxe, des dizaines de villas de luxe qui sont vendues entre 1 et 3 millions d'euros, à peu près 90 villas de luxe, un hôtel 5 étoiles qui vont rénover avec des suites hôtelières à côté, un kart, une piscine en plein air pour que, si je l'encore, je vais laisser la presse ce qu'on a pu lire, mais pour que madame puisse aller à la piscine pendant que monsieur golfe. sexiste. Si je le dis comme ça. Voilà. Et voilà. Il y a un spa, il y a des magasins privés, ce qu'ils appellent le village, pour pouvoir ne pas avoir à sortir du site, tu vas pouvoir tout acheter sur place et te faire plaisir. Et pour ça, ils ont vraiment privatisé l'espace. Avant, il y avait des chemins communaux. Les habitants ne peuvent plus utiliser ces chemins communaux parce que quand ils ont acheté des hectares supplémentaires pour prévoir l'agrandissement, c'est de la privatisation. Oui,
- Speaker #1
mais c'est à eux, du coup, ils peuvent en faire ce qu'ils veulent, non ?
- Speaker #3
Pas les chemins communaux. Les chemins communaux, normalement, doivent rester communaux, sauf s'il y a des transactions réalisées avec les élus locaux, avec la mairie.
- Speaker #2
Donc là, c'est la mairie qui a accepté de vendre, en effet, ces espaces-là. Si tu veux, originellement, ça faisait un peu plus de 300 hectares, ça appartenait au baron Bic. Le baron Bic... Vous connaissez, c'est celui qui a inventé les stylobiques. Oui, rasoir. Et puis, il a fait une première rénovation. Et puis, autour de 2012, ils avaient engagé ce premier projet pharaonique. Et ça avait été accepté par le préfet. Donc, ce truc où il y avait ces centaines de villas, d'hôtels, etc. et d'agrandissement de golf qui était prévu. Sauf que comme ce n'était pas rentable, ça ne s'est pas fait dans les quatre ans qui ont suivi. Donc, tu vois, ils ont déposé une demande d'autorisation de défrichement. pour pouvoir faire leur projet à la préfecture en 2012. Puis comme en 2016-2018, ce n'était toujours pas fait, l'autorisation est tombée. Et après, ça a été repris par Rune Shield.
- Speaker #3
Voilà, c'est ça. En fait, quand le baron Bic est décédé, forcément, il y a eu un rachat. Le rachat s'est effectué sur la valeur estimée du projet. Et pour estimer un projet, il faut forcément le développer. Parce qu'en fait, il était déjà le... Le golf n'était déjà plus rentable et donc il a fallu construire un projet. Ce projet-là incluait donc l'agrandissement et le parc hôtelier et blablabla. Parce qu'en fait, il faut l'objectif du golf, mais en même temps, c'est ce qui est précisé à peu près dans les textes et les promotions de la Fédération Française de Golf. En fait, il faut garder les gens sur place au moins un week-end. Et pour garder les gens au moins un week-end sur place, il faut un complexe hôtelier qui va avec.
- Speaker #1
Mais c'est pour que ça profite un peu au territoire qu'on reste un week-end ? Pourquoi ?
- Speaker #3
Non, non, non. En fait, c'est la renommée. Ça va être la renommée peut-être. Je ne sais pas. En fait, on ne voit pas du tout l'intérêt que les locaux vont pouvoir tirer de cet agrandissement ou de cette course au plus, plus, plus, plus. D'où l'idée de Pharaonic.
- Speaker #2
Là, c'est vraiment une question de standing. Tu as un kart. de prévu, un centre équestre. L'idée, c'est que quand ils arrivent, il y ait tout sur place. C'est vraiment une question de standing pour montrer que tu es dans le très très haut de gamme. Après, localement, en effet, est-ce que c'est intéressant ? Le comité de commune de Grand-Chambord, son directeur général des services, il va nous dire, oui, en fait, c'est notre seul grand projet et ça va créer de l'emploi et c'est intéressant parce que si demain, la centrale nucléaire de Saint-Laurent nous renferme, au moins, ça aura créé de l'emploi. Donc, après, là où c'est peu entendable, c'est que déjà, la centrale nucléaire, on vient d'annoncer qu'elle va être reconduite pour 10 ans. Que les retombées économiques d'un lieu comme ça sont sans commune mesure, c'est-à-dire des centaines de fois inférieures à ce que rapporte la centrale. Que le type d'emploi qui est proposé, en réalité, est-ce que c'est vraiment pour des locaux ? Souvent, il faut parler plusieurs langues. Ce n'est pas des emplois d'ingénieurs comme tu peux trouver à la centrale. Et surtout, le nombre d'emplois par écart créé, c'est ridicule. Or, aujourd'hui, dans les... Quoi, t'as dit ? D'emplois par hectare artificialisés. Ah oui, d'accord. Aujourd'hui, en fait, quand on autorise normalement des artificialisations, comme le foncier devient rare et qu'il faut faire attention, on a tous entendu parler de la loi zéro artificialisation nette, une manière de prioriser les projets, normalement, c'est de dire, quand vous artificialisez pour l'économie, on va regarder le nombre d'emplois par hectare artificialisés. Une industrie, par exemple, ça va créer énormément d'emplois par hectare, alors que de la logistique, beaucoup moins. Et alors un golf comme ça, encore moins. Oui. Donc t'essayes de faire en sorte que... quand tu te retrouves à artificialiser pour l'économie, tu essaies au moins d'avoir un coût-impact-rapport sur les emplois créés qui reste intéressant.
- Speaker #1
On a fait une petite pause parce que tu as reçu un colis.
- Speaker #2
C'est bientôt Noël.
- Speaker #1
C'est bientôt Noël. Et du coup, tu parlais de chantage à l'emploi.
- Speaker #2
Ouais, ou à l'économie. Et donc je disais que par rapport à Saint-Laurent, ça va sans commune mesure. Et en plus de ça, ils ont eu des... des... des exonérations de taxes dans le cadre d'un PUP. Tu te souviens ce que ça veut dire PUP ? Projet Urbain Partenariat. Projet Urbain Partenariat, en gros... Comme c'est eux qui ont financé leur raccordement au réseau, ils sont exemptés de taxes pendant quelques années dans un accord qui est trouvé entre la commune et eux. Donc, bref, c'est...
- Speaker #1
C'est technique, là. Mais en gros, il y a des arrangements, c'est ça que tu veux dire ? Il y a eu des choses ?
- Speaker #2
Oui, il y a eu des arrangements.
- Speaker #1
Chantage à l'emploi, on peut utiliser ce terme-là ?
- Speaker #3
C'est classique. C'est classique dans tous les projets d'aménagement du territoire, en fait. Les entreprises, elles arrivent avec une promesse d'emploi qui n'est pas forcément à tenir, mais qui n'est pas forcément tenue. Si elle est tenue, elle n'est pas tenue sur la durée. Mais ça, elles ne peuvent pas s'engager sur la durée.
- Speaker #2
Et en tout cas, ce qu'on peut dire sur l'économie, c'est qu'il y a eu beaucoup de financement public en plus pour soutenir ce projet ?
- Speaker #4
J'aimerais revenir sur mon affirmation, car non, il n'y a pas eu d'investissement public dans le projet. Par contre, il y a eu des promesses assez conséquentes et assez choquantes. Ça mérite d'être explicité. En 2022, Nicolas Peruchot, qui était président du conseil départemental dont il s'est retiré depuis, suite à des soupçons de fraude financière, voilà, question de villa en Corse, d'accusation dans les Pandora Papers pour évasion fiscale, va annoncer à la presse, aux côtés de Jean-François Copé, qui est l'avocat du projet, un soutien financier de la Banque des Territoires à hauteur de 40% des fonds propres injectés dans le projet.
- Speaker #2
Et on parle...
- Speaker #4
dans ce même article, de 580 millions d'euros d'investissement qui sont prévus pour la partie construction.
- Speaker #2
Alors,
- Speaker #4
la Banque des Territoires, c'est quoi ? La Banque des Territoires, c'est une des filiales de la Caisse des dépôts et consignations, un groupe public qui est censé être au service de l'intérêt général, sous la surveillance et la garantie du Parlement, pour permettre un développement durable, dans un sens de transition écologique et de cohésion sociale. Depuis, on a voulu savoir si ces promesses étaient réelles et si elles avaient un impact concret. Et on a eu accès à une convention de partenariat entre la Caisse des dépôts et consignations et la communauté commune du Grand Chambord qui explicite la création d'une société d'études le 5 mars 2021 entre la Caisse des dépôts et consignations et le fonds d'investissement anglo-saxon Rune Shield Partners qui est propriétaire du Golfe des Bordes Internationales et qui chargeait... d'étudier les conditions pour une entrée de la Caisse des dépôts et consignations en position d'investisseur minoritaire sur le projet et qui mobiliserait, je cite, des fonds propres et des crédits d'ingénierie. Et je cite encore, le choix de ce projet, c'est notamment investir pour développer du tourisme éco-responsable et la préservation de sites naturels en marche sur la tête. Et on lit aussi dans cette convention que la Caisse des dépôts et ses filiales, qui sont un groupe public au service de la terre générale, sont là pour investir pour un développement durable et plus attractif des territoires au service aussi d'une cohésion sociale et territoriale. Et donc oui, ils seraient co-investisseurs de ce projet qui devrait impacter des zones naturelles classées Natura 2000 à l'échelle européenne et à destination de quelques privilégiés seulement qui font des trajets qui viennent de l'autre bout de la planète pour venir ici. des investissements plus conséquents pour quelques-uns.
- Speaker #1
On a parlé tout à l'heure de 100 000 euros pour entrer et donc, et de nos amis Peruchot et Copé, ils sont membres du Golfe ?
- Speaker #2
Je n'en ai aucune idée.
- Speaker #3
D'une manière générale, en fait, c'est ça, c'est ce qui est en échange d'un investissement sur le territoire, les élus locaux, en fait, Je ne vais pas dire déroule le tapis rouge, mais pas loin. Considérant qu'il y aura des retombées au moins politiques, si ce n'est économiques, mais au moins politiques, généralement, sur les prochains mandats à venir. Il n'y a jamais, jamais, jamais, jamais, dans aucun des projets qu'on a pu voir, sur lesquels nous on lutte en tout cas, il n'y a jamais de vision à long terme. Jamais.
- Speaker #2
Et alors là, l'investisseur, parce qu'on ne l'a pas dit, mais l'investisseur c'est un fonds de pension anglais qui s'appelle Rundschild, qui... Ah oui, qui est en 2019 arrivé investi. Donc tout l'argent que va générer ce projet, il part en plus pour des actionnaires étrangers. C'est-à-dire qu'on va donner de l'argent public qui va fluir à l'étranger. Alors il n'y a pas que RuneShield pour rénover l'hôtel 5 étoiles. Ils sont associés à un autre groupe qui s'appelle Sixth Sense, qui communique justement beaucoup sur leur côté. on est green et on est des amis de la nature. Alors qu'en fait, on donne une impression de nature extraordinaire quand on est sur le site. Mais pour ça, on aura quand même défriché et tué énormément d'espèces, cassé des corridors écologiques. Et ce groupe-là, il a été racheté justement autour des années 2019 par IHG, qui est un énorme groupe hôtelier avec comme actionnaire notamment Black Rocks. qui a été déjà critiqué pour son impact environnemental dans le rapport de l'entreprise, qui a été critiqué pour la manière dont il traitait ses salariés parce que notamment ils ont d'autres chaînes d'hôtels intercontinentales où il y avait eu pas mal d'articles de presse donc c'est pas des enfants de coeur tout cet argent il s'évade vers ces gens là
- Speaker #1
C'est chouette, c'est un très beau projet. Non, en fait, en gros, ce qui est intéressant, et on n'a pas forcément parlé, c'est comment vous vous luttez avec votre collectif. On a un bon point de vue sur ce que c'est que le projet. Je vous propose d'en parler dans un prochain épisode, si ça vous convient. Ça marche. Allez, merci beaucoup.