- Speaker #0
Bonjour à toutes et à tous, je suis Camille Lhomme, entrepreneur dans l'hôtellerie et la restauration depuis 2012 à La Ciotat. Fondatrice de la Maison de Famille, une collection de sites d'exception au bord de la mer, dans le dernier nez où nous enregistrons aujourd'hui, Casa Abeille, un hôtel particulier vu sur le port-vieux Ciotadin, ouvert en 2024, imaginé en famille avec ma mère et mes trois sœurs. Plus qu'un lieu, une expérience à part entière. Pourquoi nos invités ont-ils choisi La Ciotat ? Cette ville sans chichi, parfaitement imparfaite, décousue, pleine de culots où l'on se mène toute l'année, détestée puis adorée, cette cité à l'ADN marseillais est devenue depuis quelques années un coup de cœur assuré, après une opération séduction sans fin à laquelle on ne s'attendait plus. On rit aujourd'hui de cet effet boomerang, l'exemple d'un désengagement porté par ceux qui ont quitté leur ville trop tôt et qui le regrettent aujourd'hui. Il ne fallait pas fuir, il fallait y croire. Alors méfie comme dit-il.
- Speaker #1
Alors pour ce deuxième épisode, j'ai la chance d'accueillir à Casa Abeil l'auteur-photographe siotadin Bernard Plaussu. Adepte de la photo non banale, tu associes l'image au quotidien, l'humain, le voyage, la réalité. À 13 ans, tu découvres la photo lors d'un séjour dans le Sahara avec ton père. Alors coup de foudre ou vocation, 67 ans. plus tard, la photo toujours omniprésente dans ta vie. Alors, que s'est-il passé dans ce Sahara ? Et est-ce que tu as toujours ton brownie flash ?
- Speaker #2
En fait, c'est une histoire familiale. Mon père était le photographe de Roger Frison Roche. Ils avaient fait du ski au Sahara en 1937. Il y a beaucoup de photos de montagnes qui sortent signées Albert Flossy. C'est mon père. Donc, j'ai été élevé dans la photo et à 13 ans, il a eu L'intelligence, l'intuition de m'initier au désert. Donc il m'a emmené à Gardaïa, à Warglad, en Algérie. Non seulement il m'a emmené, mais il m'a acheté un Broniflash, un petit appareil. Et donc j'ai fait mes premières photos, qui sont les mêmes que celles que je fais maintenant.
- Speaker #1
Est-ce que tu l'as toujours cet appareil ?
- Speaker #2
C'était un petit appareil, tu sais, c'était pour avoir l'air d'un photographe, le Broniflash. Il avait un énorme flash. Bon. Donc en fait, il m'a initié à la photo, au désert et au voyage. D'un coup, tout. Toute ma vie a été faite sur ce voyage, finalement.
- Speaker #1
Donc tout a commencé dans ce Sahara. Oui,
- Speaker #2
c'est initiatique.
- Speaker #1
Alors, né au Vietnam, tu as parcouru le monde entier. Anti-sédentarité, c'est à la Ausha que toi et ta famille avez fait le choix. de vous ancrer. Grâce à ton accessibilité, j'ai l'opportunité de suivre ton travail de près depuis des années, d'acheter tes livres de photos à la Ciotat, de participer à tes projets Ciotadin, d'être le témoin d'une de tes vies, celle que tu traverses ici car tu as eu mille vies. La Ciotadin m'affectionne tout particulièrement. L'un de tes traits de caractère qui m'émeut le plus est celui de la transmission bienveillante.
- Speaker #2
Oui, c'est gentil ça.
- Speaker #1
Tu donnes de ton temps aux nouvelles générations de photographes. Tu les suis, les conseilles, les rencontres. Nous avons organisé ensemble cet hiver une rencontre dans ton atelier maison avec la photographe marseillaise Charlotte Lapalue. Un moment rare et sincère des livres photos dédicacés que vous avez échangés. Une émotion chargée de conseils et d'admiration. Alors Bernard Plaussu, maître ou mentor de la photo ?
- Speaker #2
Maître, je ne sais pas. Il n'y a pas pire crétin que les artistes qui croient qu'ils ont réussi. On n'est jamais maître, il faut rester jeune. Mentor, c'est le mot peut-être un peu trop fort, mais ce qui est vrai, c'est que j'aime la photo des autres. Je ne suis pas omnivélé par mes photos. D'ailleurs, j'avais une très belle collection de photos des autres photographes que j'ai offert à la MEP. Il y avait 900 photos, c'était énorme. Donc, mentor, je ne sais pas, mais oui, un peu, il y a un peu de ça. Bon, mais je crois que quand on est mentor, c'est quand on en a besoin. On a besoin d'aimer. Et c'est important en ce moment, avec tout ce qui se passe, toute la haine. L'affaire de la guerre et tout, plus que jamais, il faut être mentor et participer.
- Speaker #1
Et s'intéresser à l'autre.
- Speaker #2
Le côté maître, moi par exemple, je viens de sortir un livre sur le peintre Morandi, de sa maison, je l'appelle maître. Mais on ne peut pas s'appeler soi-même maître, c'est de très mauvais goût. Je ne suis plus photographe. Le reste, on verra, c'est le destin.
- Speaker #1
Alors, mêler les lignes de la chair à l'objet, percer l'image par l'émotion, figer le mouvement sans le condamner, Faire résister la couleur dans le temps, honorer les matières en les rendant presque tactiles, le gris plossu ne bave pas, il s'impose par le ton d'une aire plossue.
- Speaker #2
T'as dit des choses tellement belles que je vois pas ce que je peux rajouter. C'était beau ou là tout ce que tu viens de dire ?
- Speaker #1
C'est ce que je ressens quand je vois tes photos en tout cas.
- Speaker #2
Non, il y a une rigueur. J'ai aimé toutes sortes de choses en art, jusqu'au jour où j'ai rencontré Corot, le peintre le plus classique. Et je me suis rendu compte que le classique peut être très moderne. À la limite, j'aime bien comme définition des mots dire que je suis classique moderne. La rigueur est le mot qui est bien parce que la tradition française de photographie, c'est le 50 mm. Le 50 mm, c'est l'objectif qui ne fait aucun effet. Il ne déforme pas comme le grand angle. Il n'aplatit pas comme l'était l'objectif. C'est la vision. Ça s'appelle la proxémie. C'est la distance juste aux choses. C'est Edward Hall qui avait écrit ça dans... la dimension cachée. J'aime mieux le mot rigueur qu'autre chose. Il faut rester dans la savriété. Par exemple, pourquoi j'ai ma peinte comme Morandi ? Parce que c'est très sauve, c'est très rigoureux. La rigueur, c'est le contraire du spectacle, du mativu. Par exemple, une anecdote. J'avais une expo à Santa Fe. Un jour, j'avais un copain américain qui était dans l'expo et il m'en a parlé après. Il y avait des gens qui regardaient et qui disaient, oh, it's easy, I can do it. C'est facile, je peux le faire. Il m'a dit, I turn around. Et je leur ai dit, « Just try » . Je me suis tourné, j'avais dit, « Essayez » . C'est ça, tu vois. Alors, la photographie, pour moi, il y a une chose qui éclate. Je fais partie d'un livre sur les photos d'Isabelle Huffert, par tous les photographes. Il y a tous les grands noms. Tu tournes les pages, et tout d'un coup, il y a une photo plus forte que les grands noms. Et c'est son mari.
- Speaker #1
Ah oui.
- Speaker #2
Donc là, on touche au cœur de la photographie. Si ce n'est pas sincère, ça n'a aucun intérêt.
- Speaker #1
Parce qu'il a capté peut-être quelque chose qui était différent des autres.
- Speaker #2
Les autres sont très belles, les photos.
- Speaker #1
Oui, bien sûr, mais il y a une émotion rare et différente.
- Speaker #2
Mais il y a un petit truc en plus. Peut-être que ça s'appelle la tendresse ? Oui. Moi, j'aime bien mettre de la tendresse dans mes photos. C'est un photographe tendre.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai.
- Speaker #2
Féminin, je suis féminin.
- Speaker #1
Il y a toujours une fibre. Oui, tout à fait.
- Speaker #2
Ça compte.
- Speaker #1
Oui, c'est vrai. Et surtout, tu sais peut-être photographier la femme différemment aussi.
- Speaker #2
Dans notre couple avec Françoise, que j'ai beaucoup photographié et qui était photographe aussi, un jour elle m'a dit, elle ne disait jamais rien, elle était très réservée, et elle m'a dit j'aime beaucoup tes photographies de femmes. Et ça m'a touché ça, parce que je trouve que c'est important.
- Speaker #1
Complètement, du coup de la part d'un homme.
- Speaker #2
C'est une anecdote.
- Speaker #1
Bernard, depuis combien de temps tu vis à La Ciotat ? Et quel est ton lien avec cette ville ?
- Speaker #2
En fait, ça a été une longue histoire. On a vité en Andalousie, on a vité 4 ans. Et ? Nos parents vieillissaient, donc il fallait trouver un endroit où aller. Sa famille, elle, était à Toulouse, la mienne à Grenoble. Où aller ? Donc en fait, la Ciotat, c'est à mi-chemin. C'est venu par hasard. En fait, c'est Agnès, Agnès V, qui m'a présenté Catherine et Jean-Michel Freedom, qui nous ont logés à l'époque. On est restés plusieurs jours à la Ciotat grâce à eux. Et après, il y a un centre photo dans le Nord-Fat-Calais, centre Nord-Fat-Calais, qui est dirigé par un de nos filles, Pierre Devins. Et Pierre m'a dit, mais j'ai mon ami d'enfance qui vit à La Ciotat, qui est peintre, qui s'appelle Claude Clément. Donc après, on a logé chez Claude Clément et après, on est resté en 91.
- Speaker #1
Et tu n'en es jamais parti ?
- Speaker #2
Pour moi, c'est étrange parce que, comment dire, je n'ai jamais voulu être sédentaire. Je n'aime pas être sédentaire, je déteste ça. Maintenant, j'essaie en plus que je vais rester toujours à La Ciotat.
- Speaker #1
C'est le dernier moyen.
- Speaker #2
Parce que Françoise est enterrée ici. Oui. Donc, je vais la rejoindre bientôt, tu vois. Donc ça se terminera à La Ciotat. Mais finalement, c'est pas plus mal, c'est une ville de l'image.
- Speaker #1
Oui, c'est un bon choix.
- Speaker #2
Le hasard a fait un très bon choix. Parce que je ne suis pas venue à La Ciotat à cause de l'histoire du cinéma. Ça m'est tombé par hasard, cette histoire.
- Speaker #1
Et finalement, ça a du sens.
- Speaker #2
C'est un hasard complet. Et finalement, c'est une ville visuelle.
- Speaker #1
Alors, 300 livres photos à ton actif, 10 livres photos par an, une nouvelle décennie qui s'ouvre à toi. Et à un rythme démesuré, quel est ton secret ?
- Speaker #2
Alors, le secret, moi je n'ai pas mon bac, je n'ai aucun diplôme, mais je parle trois langues, l'américain et le mexicain, qui n'est pas l'anglais et l'espagnol. L'américain, ce n'est pas de l'anglais. Donc partout, à l'aise, et du coup, ces 300 livres, c'est dû au fait qu'il y a des livres belges, américains, mexicains, italiens, espagnols, portugais, grecs, anglais, il y a des livres dans tous les pays. C'est ça qui a fait le chiffre élevé de 300. Ce qui est intéressant dans les 300 Eccles, c'est qu'il n'y en a aucun pareil. Par contre, il y a une unité de ton, et on en revient à ce qu'on disait au début, c'est uniquement des photos au 50 mm. On est toujours dans la sobriété. Que ce soit la réserve géologique ou Glamour, qui est un livre sur le charme, il y a une unité de ton, toujours, toujours. Les deux petites vagues sont faites avec les mêmes objectifs que cette femme de dos.
- Speaker #1
Incroyable. Le livre glamour,
- Speaker #2
un bijou. Un peu, c'était comme dans le cinéma, le caméraman Raoul Coutard filmait pour Trifaut et Godard. Et en fait, il y avait une unité de temps à cause de Raoul Coutard, ou grâce à Raoul Coutard plutôt. Pour moi, c'est important cette unité de temps pour ne pas s'égarer en faisant tout et n'importe quoi. Bien sûr.
- Speaker #1
Alors, quand tu as visité ce lieu ici, Casa Abeille, l'hiver dernier, pour la première fois.
- Speaker #2
C'est magnifique.
- Speaker #1
Moi, j'aurais voulu te présenter une vue sur le port vieux d'un ciel bleu, uniforme, dégagé. Et c'est un ciel chargé qui s'est invité ce jour-là, un ciel nuancé, dégradé. Et en t'approchant de cette fenêtre, tu as justement approuvé cette palette. Tu as même regretté d'avoir oublié ton appareil photo ce jour-là. Et tu m'as parlé de ce gris qui est pour toi une couleur qui a du sens, qui est assez rare à la Ausha finalement. Alors le fait que les ciels gris soient assez rares, est-ce que c'est un sentiment pénible ? Un sentiment de rareté à la Ciotat ?
- Speaker #2
Tu les vois très bien quand ils font le TGV. Tout le monde adore la Provence. Tu traverses la Bourgogne, il y a des gros nuages gris à la Corot. C'est magnifique. Et tu arrives dans le sud et c'est écrasé de soleil. Dans le sud, c'est vert et bleu. En Bourgogne, c'est marron et vert gras. J'aime les deux, mais je ne sais pas pourquoi, je ne pourrais pas le dire, mais je préfère le mauvais temps. D'ailleurs, souvent je dis la même chose, le beau temps des photographes, c'est le mauvais temps. Bon, pourquoi ? J'ai aucune idée. J'ai aucune idée. C'est assez étrange parce que je vis dans le Midi, alors que je ne suis pas du tout un amoureux du soleil. À la limite, le Midi que j'aime, c'est maintenant, en hiver, quand ça ressemble à la Bretagne. Par exemple, la Flage à côté de chez moi, je ne suis pas allé depuis deux années. Ce n'est pas pour ça que je suis ici. Françoise, elle, elle aimait, après ses courses, longer la mer, voir la mer. Moi, je suis un homme de montagne, je suis dauphinois, donc je suis un homme de montagne qui vit dans le Midi. Bon, si je suis ici, c'est que ça me plaît. Mais c'est un hasard qui m'a amené ici. Dès qu'arrive le beau temps, je me renferme et je reste chez moi.
- Speaker #1
Donc la Ausha, tu préfères la photographier plutôt en couleur ou en noir et blanc ? Parce que tu parles...
- Speaker #2
Alors ça c'est compliqué.
- Speaker #1
Tu parles d'une ligne de sport.
- Speaker #2
On ne peut pas préférer. Il y a deux choses. Il y a le hasard. Il y a des matins où tu sors avec un film couleur. Tu ne sais pas pourquoi, il ne se passe rien. Il y a des matins où tu sors avec du noir et blanc. Je laisse le hasard me dire qu'est-ce qu'il faut faire.
- Speaker #1
Parce qu'il y a aussi le tirage fraisson en fait
- Speaker #2
Couleur c'est des tirages mat Le tirage des fraissons Mais tu vois par exemple j'ai une énorme boîte Italie Un fraisson, il y a 200 photos Il y a quelques photos Très ensoleillées en calèbre C'est moins intéressant Que le mauvais temps Il n'y a rien à faire
- Speaker #1
Quoi je ne sais pas Parce que Cartier-Bresson disait que le noir et blanc C'est la force émotive Toi tu parles d'une ligne de force Et c'est vrai que tu m'as toujours dit la couleur, oui, mais surtout en fraissons et en grand angle.
- Speaker #2
Le grand angle, ça déforme la réalité complètement, c'est théâtral. Je ne crois pas que la réalité soit théâtrale, parce qu'au contraire, c'est très banal la réalité. J'ai fait un petit livre amusant sur ça avec Sergio Leone, avec qui j'étais très amé. Pour montrer le surréalisme des choses banales, j'ai fait un petit livre qui s'appelle Le Surbanalisme. C'est un livre fait en 71. À l'époque où je travaillais avec Léon, ça parle de ça, ça parle du surréalisme, du réel. Qu'est-ce qu'on peut dire de plus là-dessus ?
- Speaker #1
Non mais c'est bien. Est-ce que tu éprouves toujours du plaisir à photographier la Ausha ? Est-ce que tu photographies la Ausha ?
- Speaker #2
Alors beaucoup. Même si je ne vais pas à la plage de l'été et que je m'enferme chez moi, j'ai beaucoup photographié la Ausha. C'est photogénique, c'est une ville intéressante. C'est pas un mouroir de vieux bronzés. Il y a de la vie, il y a des lycées, il y a de la vie à la Ausha. Il y a de la vie.
- Speaker #1
C'est-à-dire que c'est à diversité ?
- Speaker #2
Tout le midi, je pense que je ne suis pas le seul, que c'est l'endroit le plus intéressant. Même si on n'est jamais de la Ausha, quand on a enterré ma femme, il y avait beaucoup de gens de la Ausha qui sont venus dont je ne me doutais pas qu'ils viendraient. Et tout d'un coup, il y a quelque chose qui s'est passé dans ma tête, ah mais il l'aimait bien.
- Speaker #1
Oui, oui, parce qu'il...
- Speaker #2
Et je ne m'y attendais pas. Donc ça, ça m'a touché, c'est peut-être une des raisons pour lesquelles je veux finir ma vie à la Ausha.
- Speaker #1
Le siotadin est très humain.
- Speaker #2
Le siotadin qui a une réputation d'être siotadin, de si t'es pas siotadin t'es rien. C'est pas si simple. Ils étaient là à l'enterrement. Ils m'y attendaient pas du tout.
- Speaker #1
Oui, il y a une vérité.
- Speaker #2
C'était les gens où ils achetaient... C'est les légumes, le garage, les gens de la ville, tu vois ? Ils étaient là, ils étaient là, et c'est pas moi qui les avais prévenus.
- Speaker #1
Ça s'explique,
- Speaker #2
et donc il y a eu un enterrement siotadin. Je pense qu'il faut dire les choses comme ça. Ça explique pourquoi on vit quelque part aussi.
- Speaker #1
Tout à fait. Alors tu en parlais avant, moi je remarque une présence démesurée de photographes à la Ausha. Cette ville les attire-t-il particulièrement pour sa lumière, sa diversité de paysages ? C'est vrai que c'est une petite ville, mais on a quand même une diversité. Et puis même avec les saisons, une lumière qui est différente, plus dorée l'hiver, plus forte, plus aveuglante l'été. Alors c'est vrai qu'Antoine Lumière, qui était photographe et résidentie au Tadin, avec ses deux fils et leur famille, Louis et Auguste Lumière, créateurs de l'autochrome. On peut d'ailleurs depuis peu découvrir les autocromes de la famille Lumière à la gare de la Ausha, qui est une exposition permanente. On s'y est croisé. Vous avez croisé l'inauguration il y a quelques temps. Alors du coup, La Ciotat, est-ce que c'est une ville de photographie, selon toi ?
- Speaker #2
C'est une ville d'images photographiques, mais c'est aussi une ville de peintres. On a tout de même à La Ciotat la plus belle calanque sur 200 kilomètres, Figaro. C'est un endroit exceptionnel. Je te raconte une anecdote. Un peintre américain, Sam Scott, il vient me voir. Il se fait attaquer à la gare de Marseille, on lui vole ses affaires. Grave, un couteau, enfin grave. Il arrive à La Ciotat désespéré. Je lui ai dit, tu vas voir. Je l'emmène à Figaro. Je lui ai dit, ne regarde pas. Ouvre les yeux, je te le dirai. Et tout d'un coup, on arrive sur le côté de l'escalier. Et je lui ai dit, Sam, Braque a peint cette calanque en 1906. Et j'ai cru qu'il s'évanouissait. De beauté. Quelque part, ça a complètement réglé le drame qu'il venait de vivre. Il a oublié le couteau, le vol et tout. Et du coup, il est revenu à la CETA plusieurs fois. En vacances, chez Claude Clément, le peintre que je connais, il a rencontré pas mal de peintres ici, André Guénon. Il y a un autre truc, c'est même des gens très intéressants. Il y a une très grande peintre à la Ciotat, qui est Lili Legovello, je ne sais pas si tu vois qui c'est. C'est un très très beau boulot. C'est la ville où est né Olivier Laronde, qui est le plus grand poète français des Firaunvaux. Il est né à la Ciotat, Olivier Laronde. C'est vraiment important. Il est parti à Paris, au Piedman, à la vente de couteaux et tout. Mais c'est le meilleur. C'est le meilleur poète à Frère Rimbaud. Il a été élevé ici. Moi, ça m'émeut. T'imagines,
- Speaker #1
Olivier ? Oui, mais les gens ne savent pas forcément ça. En fait, c'est ça, la Ciutat, c'est une terre de talents cachés. Complètement. On ne se rend pas compte de ça.
- Speaker #2
Et le rôle d'autres gens. Mais quand on sait des choses comme ça... Tu vois, j'étais dans le train l'autre jour, et il y avait des touristes qui regardaient les cartes de la région. Bon, je les ai regardées. Et avant d'arriver à la Ciutat, je leur ai dit, est-ce que je peux vous parler une seconde ? Je leur ai dit, écoutez, je vois que vous êtes des touristes, j'ai que deux choses à vous dire. Allez voir Figaro à la Ciotat et allez voir l'île de Fort-Croux. Ils m'ont dit, ah c'est gentil, merci, on ira. Mais tu vois, je les ai vus qui cherchaient quoi faire. Et je leur ai dit, immédiatement, Figaro.
- Speaker #1
Bien sûr.
- Speaker #2
C'est tout de même un lieu exceptionnel.
- Speaker #1
Oui, c'est assez unique.
- Speaker #2
C'est l'histoire de la beauté, Figaro. Il y a à la fois la nature et il y a une fascination des chantiers. Les grues, c'est la tour Eiffel du Midi. Il y a des endroits où ils ont enlevé les grues, les villes industrielles. Et à La Ciotat, ils ont très bien fait de garder ça. C'est une tour Eiffel.
- Speaker #1
Oui, et puis patrimoine culturel. C'est ce qu'on observe en arrivant à La Ciotat.
- Speaker #2
Il ne faut pas les enlever.
- Speaker #1
Non, c'est vrai.
- Speaker #2
C'est un fin de réfère pour beaucoup, beaucoup de gens. Tous les gens qui veulent voir autre chose que la plage et les beignets, ils savent que à La Ciotat, il y a encore les grues.
- Speaker #1
Oui, et puis tu démarques, tu pourrais prendre n'importe quelle photo de port méditerranéen. Ici, il reste unique par rapport à... Et c'est comme ça qu'on se démarque aussi.
- Speaker #2
Donc, il y a plein d'éléments.
- Speaker #1
Alors, ta photo a des allures de cinéma. On la vit, elle sort presque de son cadre. On a presque envie de la voir en mouvement. L'autre jour, tu m'as dit, quelle est la différence entre la photo et le cinéma ? Autour de la caméra, le réalisateur est encadré d'une équipe. Le photographe, lui, agit seul. La photographie est-elle un sentiment de liberté ?
- Speaker #2
C'est un truc de solitaire. Je ne pourrais pas travailler avec dix personnes autour de moi. Ça reste un mystère pour moi. Je sais que c'est bien. Ma jeunesse, elle est complètement cinéphile. J'avais la chance d'habiter pas loin de la Cinémathèque à Paris, donc je voyais trois films par jour, au lieu d'aller au lycée. Donc j'aime le cinéma, mais je ne pourrais pas en faire. Ceci dit, le photographe, c'est aussi un travail d'équipe. Il y a l'éditeur, le tireur, le maquettiste. On n'est pas seul. C'est la même chose et ce n'est pas la même chose. En fait, il y a quelqu'un qui en parle très bien de ça, c'est Alain Vergala. Il parle très très bien, il y a un film qui a été fait sur moi. Il y a Christophe Vertoux qui a dit une seule phrase aussi, c'est un historien de la photo. Il a dit, est-ce que Flossu est cinégraphe ou photoaste ? C'est assez joli, je trouve, comme jeu de mots. Je suis les deux.
- Speaker #1
Est-ce que tu as un rituel siotadin, une habitude dans ton quotidien que tu aimes particulièrement à la Ausha et nulle part ailleurs ?
- Speaker #2
Un rituel ? Ah oui, oui. Mon QG, pour tout mon travail, tous les rendez-vous, les directeurs de musées, tout le monde, c'est la crêperie. À côté de la farandole, la crêperie de Dominique. C'est un grand collectionneur d'art contemporain. Dominique était le meilleur ami de Mystique, tu sais. Il est là, il a une crêperie à la Ausha. Il connaît tout le milieu. C'est mon QG. J'emmène tous les gens qui viennent du milieu du cinéma, musée et tout. On va là. Et après, on marche le long de la plage. Je vais dans d'autres endroits.
- Speaker #1
Mais la crêperie ?
- Speaker #2
J'ai cette maniaquerie qu'ont les gens de plus en plus avec l'âge. Par exemple, à Paris, c'est le Select. Je vais toujours au Select. On a l'impression que Maudie Vianney est encore là. Oui. À la Ausha.
- Speaker #1
Et ta crêpe préférée, du coup ?
- Speaker #2
En fait, je prends toujours la tarticrêpe. C'est une abondance. Je suis montagnard, je suis dauphinois, donc c'est pas facile de trouver des choses au fromage à la ciata. En plus, le gag, c'est que j'ai vécu des années sur la côte mexicaine, des années en Andalousie, des années dans les îles italiennes, maintenant ici, et je mange pas de poisson. Mais j'arrive, je sens une sardine, c'est obligé de changer de pièce, tu vois. Donc c'est bizarre d'habiter au bord de la mer et de changer de poisson. Ça énerve des gens.
- Speaker #1
Alors, j'ai le même problème. C'est ça, je mange que...
- Speaker #2
C'est comme ça. Mais j'aime ni le thon, ni... Pourquoi, je ne sais pas. Même l'odeur, de toute façon... Iodée. Oui, l'odeur iodée. Mais en même temps, avec le temps, j'ai arrêté le canard, j'ai arrêté le poulet, j'ai arrêté beaucoup de vêtements pour des tas de raisons.
- Speaker #1
Alors, tes projets, si tu as d'un en 2025 ?
- Speaker #2
Bon, il y en a un qui est en cours, mais ce n'est pas encore lancé officiellement.
- Speaker #1
Donc, il y en a un.
- Speaker #2
Celui avec Jean-Louis. Voilà. Je ne peux pas me permettre de le dire tant que lui ne m'a pas dit, parle-en.
- Speaker #1
Donc, il y en aura un bientôt qui est un beau projet. On peut parler du projet de la sortie du livre photo de Pauline Croze à la Ausha, qui sera en vente au Café de l'Orloge.
- Speaker #2
Je vais la faire, laisse.
- Speaker #1
Voilà, ça, on fait la soirée de lancement, justement, avec Pauline Croze et ton éditeur. Le collectif de cartes postales avec trois autres photographes ciotadins. qui sera en vente au Café de l'Horloge au printemps. Donc ça, c'est super. Donc quatre photographes, dont Bernard. Alors, on en a parlé. Allergique à la sédentarité, la Ciotat, dernière étape, dernier voyage. Donc a priori, tu restes ici, mais tu continues à bouger énormément quand même. La semaine dernière à Paris, tu es basée à la Ciotat, mais c'est vrai que tu aimes avoir une mobilité constante, toujours des projets en cours. Alors,
- Speaker #2
j'ai bougé beaucoup parce que quand je partais, Françoise était à la maison. Et quand elle partait en Inde ou en Syrie ou en voyage, moi je gardais la maison, je voyage moins. Dans les projets, il y a pas mal de choses. Il y a un gros projet avec le musée de Grenoble, un gros projet avec le musée de Saint-Etienne, qui est un très bon musée d'art moderne. Mais à une émission de Laura Delaire, elle m'a demandé qu'est-ce qui me ferait plaisir. Et j'ai répondu spontanément de rencontrer Pauline Croze, parce que j'aime beaucoup cette jeune musicienne. Et ça a marché. Un copain à moi a trouvé sa trace. Et du coup... elle est venue à la CETA passer la journée donc j'ai fait toute la journée des photos de Pauline et on sort un petit livre, un tout petit carnet à 6 euros, enfin un gros livre et ça va s'appeler une journée à la CETA Pauline Croce,
- Speaker #1
une journée à la CETA je crois qu'elle a eu un coup de coeur Pauline ça va être très joli et donc ce livre de photos sera en vente au Café de l'Horloge tout l'été tout l'été avec un petit livre sur Isabelle Hiffert photographié au Lutetia et les deux livres sortent en même temps ...
- Speaker #2
J'aime bien cette idée de faire des petits livres à cher de gens connus.
- Speaker #1
C'est aussi l'accès à la culture pour tous. Parce qu'aujourd'hui, de pouvoir s'acheter un livre photo, c'est peut-être un budget. Là, c'est quand même un micro-prix.
- Speaker #2
C'est rare, un livre à 6 euros, c'est rare.
- Speaker #1
Exactement. Une belle démarche, en tout cas. On parle aussi de l'exposition qui se termine, mais qui est super à Marseille.
- Speaker #2
En ce moment, il y a un regard de province. Les années 60, toutes les années californiennes. J'étais en plein dedans quand j'avais 20 ans. Je suis arrivé là par hasard. C'est des cafés américains du Mexique qui m'ont emmené. Et je suis arrivé un an avant le Summer of Love. Carmel, Big Sur, San Francisco. Après, de là, je suis parti en Inde. Ça, c'est toute l'histoire de la génération entre Vipnik et Hippie. Je ne l'avais jamais montré, cette série-là. C'est Adeline Dumont, un regard de France, qui m'a dit, il faut montrer ça, il faut montrer ça. Personne ne connaît. Effectivement, il y a beaucoup de monde qui y va. Oui,
- Speaker #1
c'est une très belle expo.
- Speaker #2
Il y a beaucoup de jeunes, c'est vrai, il y a ou des gens très âgés qui ont la nostalgie de notre jeunesse, ou des jeunes très jeunes qui ont la curiosité de notre jeunesse. C'est ça. Il y a plus de gens d'âge extrême que de gens entre les deux. Oui,
- Speaker #1
c'est exactement ça.
- Speaker #2
C'est fascinant. Et pour les aînés, ils retrouvent leurs souvenirs.
- Speaker #1
Alors tu n'es pas sur les... Les réseaux sociaux, où est-ce qu'on peut suivre ton actualité ?
- Speaker #2
Je n'ai pas de curriculum vitae, je ne suis sur aucun réseau, je sais qu'il y a plein de choses qui sortent sur moi, je ne les connais pas, je ne les ai pas vues, les différents films qui ont été tournés sur moi, je ne peux pas les voir. Ça ne m'appartient pas, je n'ai pas envie de me voir, ça ne m'appartient pas. Je sais que, par exemple, il y avait un truc dans la carte Evresson, interdisait qu'on le photographie. Je crois qu'il avait raison, parce qu'il faut garder l'anonymat. Oui. Bon, c'est vrai qu'à la Ausha...
- Speaker #1
Est-ce que tu l'as, l'anonymat à la Ausha ?
- Speaker #2
Je ne peux plus faire être connue. Quand tu deviens connue, ça change les rapports des gens. Tu as les faux amis, les vrais ennemis. Il vaut mieux ne pas être connue. C'est une engeance d'être connue.
- Speaker #1
Mais je pense qu'à la Ausha, c'est ça qui est bien, justement. C'est que tu peux te balader encore incognito. Les gens... C'est une ville qui est encore habitée par des Ciotadins qui sont nés à la Ausha. Des gens simples et qui vivent simplement et qui ont leur quotidien.
- Speaker #2
C'est une vie vraie. C'est une vie vraie. C'est ça. Il y en a, il y en a.
- Speaker #1
Heureusement. Bon, merci Bernard pour cet échange, ton temps. Ça va ? Ta bienveillance et tes photos qui nous font changer, moi elles me font changer. Et vous pouvez suivre l'actualité de la Maison de Famille sur Instagram et retrouver le podcast La Mer est belle sur Apple Podcasts, Deezer et Spotify. Et à très bientôt pour un nouveau bain, si tu as bain. Merci. Un grand merci à la bienveillante Caroline Bandel, productrice de ce podcast La Mer est belle. On est fan de son podcast, si inspirant, si terradieuse. La Ciotat, elle a saisi son potentiel il y a bien longtemps. La bande-son Rainbogirl a été réalisée par Haro, artiste ciotadène, multicasquette de talent, dont l'EP est disponible sur Spotify Deezer Appel Musique. A très bientôt pour un nouveau bain !