Speaker #0Le projet de Malpassé est né dans les années 1940. Alors à l'époque, le sud-est de la France connaît une expansion rapide. L'agriculture se développe, le tourisme commence à s'imposer et les villes du littoral comme Fréjus, Saint-Raphaël manquent d'eau. Le Rayran, affluent, capricieux, semble tout de même idéal pour y faire un barrage. En 1946, les études commencent. On choisit un barrage. voûtant béton, une prouesse technique très moderne pour l'époque. Ce barrage sera mince, élégant. Il devrait reporter la pression de l'eau sur les parois rocheuses, réduisant ainsi la quantité de matériaux nécessaires. Le chantier va démarrer en 1952 et il va s'achever deux ans plus tard, en 1954. Le barrage mesure finalement 60 mètres de hauteur pour 222 mètres de long. Derrière ce barrage, un lac artificiel qui retient jusqu'à 50 millions de mètres cubes d'eau. Tout semble parfait. Mais problème, car sous la surface, le sol est moins stable qu'il n'y paraît. En effet, la roche, qui est une roche proche du granit sur laquelle repose le barrage, présente des fractures naturelles. Les géologues commencent à avertir les ingénieurs. Il faudrait surveiller le pied gauche du barrage. du ciment dans les fissures et choisir avec prudence le niveau maximal du réservoir. Oui, ça c'est bien joli, mais à l'époque, on n'a pas le temps. La France se reconstruit, les moyens manquent, les études se font vite, parfois trop vite, alors on continue. Et en 1954, le barrage est donc mis en service. L'eau monte lentement, année après année, à cause d'une grande sécheresse dans la région et à cause d'une société minière en amont du barrage qui fait tout. pour retarder son expropriation et exploiter au maximum la mine. Bien, les années passent et nous sommes en novembre 1959. Ce mois-là de novembre est marqué par des pluies records. En 15 jours, il va tomber près de 500 mm d'eau sur la région, soit l'équivalent de plusieurs mois de pluie. Alors ce mois de novembre 1959, le rayon grossit. et il commence même à sortir de son lit. La retenue du barrage se remplit à vue d'œil. Le 1er décembre, le niveau de la retenue est au plus haut. En bas du barrage, des techniciens remarquent des suintements dans la roche côté gauche. Côté gauche, tiens, tiens, c'est ce fameux côté dont avaient déjà parlé les géologues. De l'eau semble commencer à s'infiltrer à la base du barrage. La roche ne semble pas si imp... perméable que ça. Le chef de poste, André Ferrault, prévient les autorités compétentes du problème. Selon lui, il faudrait ouvrir sans tarder la vanne de vidange qui permettrait ainsi d'évacuer une partie de l'eau de la retenue pour réduire la pression sur le barrage et sur les roches. Mais un problème se pose, un nouveau problème. En aval, un pont autoroutier Merci. est en construction. Donc, libérer brutalement l'eau pourrait l'endommager. Alors on temporise, on attend. Le 2 décembre de cette même année, vers 18h, l'ordre est finalement donné d'ouvrir la vanne. André Ferrault s'exécute. Il ouvre la vanne, mais la retenue d'eau est tellement pleine, proche du débordement, que ce geste ne va pas changer grand-chose. La pression sur la roche du côté gauche est trop forte et à 21h13 de ce 2 décembre 1959, la terre tremble. Un bruit vient fendre le silence de la vallée. Le barrage de Malpassé vient de céder. C'est toute la partie gauche qui lâche, emportant avec elle toute la voûte du barrage, libérant ainsi toute l'eau de la retenue, soit plus de 40 millions de mètres cubes d'eau que rien ne pourra arrêter. Une vague de 50 mètres de hauteur dévale la vallée. Et elle emporte cette vague tout sur son passage. Des maisons d'ouvriers, des routes, des arbres, tout y passe. Et à cette époque, il n'y a pas d'alarme pour les habitants, pas de SMS qui pourrait arriver sur un téléphone portable. Rien. Alors la vague continue à déferler. Des camions sont projetés sur des centaines de mètres. Des maisons sont arrachées à leur fondation. Et à 21h35, la vague... qui ne fait plus que, entre guillemets, 12 mètres de hauteur, arrive sur Fréjus. Elle inonde le parc EDF qui plonge la ville dans le noir avant de s'engouffrer dans les rues de la ville. Elle dévaste les quartiers neufs, contourne le vieux centre perché sur la colline, puis elle finit sa course dans la mer. Tout ça n'aura duré que 20 minutes. 20 pauvres minutes, 20 minutes de chaos, 20 minutes d'horreur. Le barrage, lui... Il n'existe plus. Alors le lendemain matin, les secours et les habitants ne peuvent que constater les dégâts et compter les victimes. Et il y en a beaucoup des victimes. 423 victimes, dont 135 enfants. 951 bâtiments touchés, dont 155 entièrement détruits. Les agriculteurs ont perdu plus de 1000 hectares de terre. sur place, les pompiers arrivent accompagnés par la Croix-Rouge ainsi que par l'armée. Et la vision est vraiment dure parce que les gens sont en train d'errer dans la boue à la recherche de leurs proches et même à la recherche de leur maison pour certains. Quelques jours plus tard, le président de la République, Charles de Gaulle à l'époque, va se rendre sur place pour constater lui-même et promettre toute l'aide de l'État pour que je cite Fréjus renaisse. Alors une enquête va évidemment être ouverte pour déterminer les causes et les responsabilités de ce drame. Les experts découvrent que le rocher d'appui gauche, sous la voûte du barrage, présentait une fracture invisible. Sous la pression de l'eau, cette fissure se serait élargie, créant ainsi une surpression qui a littéralement soulevé la base de l'ouvrage. Donc en quelques secondes, la structure s'est rompue. Le rapport final va évoquer une combinaison fatale, des conditions géologiques défavorables, des pluies historiquement fortes et des décisions humaines tardives. Aucun responsable ne sera condamné et le drame sera finalement classé comme accident exceptionnel. Après mal passé, vous l'imaginez, rien ne sera plus jamais pareil. L'État va mettre en place des plans d'alerte pour les barrages de plus de 20 mètres. La géotechnique et la mécanique des roches vont devenir des disciplines à part entière. Et en 1962, un nouveau barrage va voir le jour. Plus en amont cette fois-ci. Le barrage de Saint-Cassien. C'est le nom de ce nouveau barrage, conçu avec des marges de sécurité bien supérieures. Et aujourd'hui encore, les ruines du barrage de Malpassé peuvent se visiter. On peut y marcher entre les blocs de béton brisé, certains aussi gros que des maisons. Voilà les amis pour cette petite histoire de ce drame autour de Malpassé. Est-ce que vous connaissiez cette catastrophe ? Nous, je vous avoue qu'on l'a un petit peu découverte, cette catastrophe, en l'écrivant ce texte avec Sébastien Girard. Si cet épisode vous a plu, n'hésitez pas à le liker, le commenter, le partager comme d'habitude autour de vous. Et quant à nous, on se dit à très vite pour une nouvelle petite histoire. Salut !