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LA PETITE HISTOIRE

Le mythe assassin

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29min |18/04/2024
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LA PETITE HISTOIRE

Le mythe assassin

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29min |18/04/2024
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Description

Nous sommes en Août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Marañón, une source de l’Amazone. Mais parmi le groupe de rafteurs… seuls 2 vont revenir en vie.

L’un d’eux c’est Pascal Moreno. Il a écrit l’ouvrage Le mythe assassin, son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu. Un livre dans lequel il revient sur l’enquête qu’il a menée pendant plusieurs décennies pour comprendre ce qui était arrivé à ses équipiers de l’expédition.


La Petite Histoire est un podcast de La Fabrik Audio. Un épisode bonus écrit, présenté et mixé par Florent Mounier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Nous sommes en août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Maragnon, une source de l'Amazone. Mais parmi le groupe de rafters, seuls deux vont revenir en vie. L'un d'eux, c'est Pascal Moreno. Alors que s'est-il passé là-bas ? Pascal Moreno a écrit l'ouvrage Le mythe assassin une enquête qui lui a permis de revenir sur ce terrible drame. C'est en quelque sorte son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu.

  • #1

    La Fabrique Audio présente La Petite Histoire. C'est une soirée de septembre en fin de saison un peu tristounette sur le bord du Gave de Pau. Et à ce moment mon ami me précise qu'il va recevoir un jeune homme qui a comme objectif de... descendre et de découvrir, descendre sur près de 1000 km, ce qui est considéré à ce moment-là comme la source de l'Amazone. Cette source étant le Maragnon. Il faut savoir qu'aujourd'hui, elle a évolué, puisque ce n'est plus le Maragnon qui est considéré comme la source. Mais à cette époque, c'était véritablement le début de ce fleuve majestueux.

  • #0

    Alors cet homme-là, il s'appelle Bruno. En tout cas, c'est comme ça que tu vas l'appeler dans ton ouvrage, parce que tu as changé l'ensemble des prénoms pour respecter l'identité de chacun. Qu'est-ce qu'il va te dire, ce Bruno, sur l'expédition qu'il s'apprête à mener d'ici quelques semaines ?

  • #1

    Avant tout, il va nous parler de... de la rivière Rennes, qui est l'Amazone, et aujourd'hui le plus grand fleuve au monde, qui représente environ un cinquième du débit d'eau douce au monde. C'est comme pour un montagnard à affronter l'Everest, c'est vraiment le Graal. J'ai retrouvé un petit peu dans la littérature plusieurs écrivains qui ont écrit justement sur cette rivière. C'est une rivière tumultueuse. et puis surtout inconnue, puisqu'elle franchit des canyons qui ont été inexplorés, si ce n'est juste pendant l'entre-deux-guerres, par un Allemand, Herbert Rettlinger, qui a navigué une vingtaine de kilomètres. Il a failli laisser la vie, d'ailleurs, dans des conditions un petit peu... Un petit peu limite pour cette époque.

  • #0

    Donc vous êtes là dans cette soirée en train de parler d'aventure, de parler du Maragnon, de cette éventuelle future expédition. Qu'est-ce que tu entrevois chez lui, chez ce Bruno ?

  • #1

    Dans son discours, il est quand même assez structuré parce qu'il va... proposé comme une expédition avec une équipe structurée. Ils nous précisent qu'il y aura une équipe médicale, des techniciens de la navigation, et puis des gens des médias, notamment un film qui devrait être fait et qui devrait être porté par une chaîne de télévision.

  • #0

    Donc, si je comprends bien, c'est une équipe qui est en train de se mettre en place, c'est une équipe de combien de personnes ?

  • #1

    10 personnes avec plusieurs embarcations, donc la possibilité aussi d'assurer la sécurité, je dirais, sur la navigation.

  • #0

    Une équipe médicale pour ce projet, on l'a compris, une équipe de télé également. Et puis alors, côté aventurier, ils recherchent qui finalement comme aventurier ce Bruno ?

  • #1

    Ils venaient rechercher essentiellement des guides, des guides de rivière, des professionnels de la rivière. Et c'était la raison pour laquelle... Il avait pris contact avec mon ami Mathias. En ce qui me concerne, j'ai pris un temps avant de prendre ma décision, puisqu'il me l'a proposé effectivement. Mais j'ai pris un temps, puisque j'étais moi-même fonctionnaire d'État, et il était un peu difficile de me mettre en disponibilité. Donc j'ai dû négocier. D'autre part, c'est vrai que le financement... Ce n'était pas ce qui était prévu à l'origine, donc le chef d'expédition a été contraint de réduire la voilure en personnel.

  • #0

    Donc au lieu de partir à 11 ou 12, vous vous retrouvez à 5 dans cette aventure, c'est ça ?

  • #1

    Tout à fait, 5 avec deux embarcations et essentiellement des gens de la rivière. Et lui devait assurer la couverture médiatique de cette expédition. Merci. concernant le film, les financements n'étant pas là, il avait été annulé.

  • #0

    Quand on est aventurier comme toi, Pascal, tu n'en étais pas à ta première aventure, qu'est-ce qu'on vient rechercher chez un chef de projet, un chef d'aventure, un chef d'expédition comme Bruno ?

  • #1

    D'abord, quelqu'un de structuré, qui a étudié l'environnement dans lequel on va se poser, quelqu'un qui est capable aussi de manager une équipe, quelqu'un qui va être capable... de dire non, d'arrêter la machine si le danger est vraiment trop présent.

  • #0

    Pascal, toi au moment de l'aventure, tu es jeune, tu as 30 ans, mais les autres coéquipiers sont encore plus jeunes que toi.

  • #1

    Complètement. Dans le groupe, je suis le plus âgé. Donc pour Mathias, mon ami... qui va participer au recrutement des guides, je vais être celui qui va essayer de poser l'équipe et qui va essayer d'aider à prendre les décisions les plus judicieuses au niveau de la sécurité, sachant que comme tous, personnellement, j'ai envie d'assurer cette expédition jusqu'à son terme.

  • #0

    Le défi est donc lancé. Dans ton livre, Pascal, tu parles d'un projet insensé et magique. Pourquoi insensé, pourquoi magique ?

  • #1

    Alors, insensé parce qu'on va naviguer une rivière inconnue avec des dangers qui vraisemblablement vont être relativement importants. L'Amazon, ça reste quand même un lieu magique assez peu connu et entouré de tout un tas de légendes et d'histoires. Donc c'est ce côté magique qui va aussi m'attirer.

  • #0

    Allez c'est parti, c'est le jour du départ, sauf que ce jour-là il y a un changement et de taille, l'un des équipiers n'a pas pu venir. Finalement c'est François qui vous rejoint au pied levé et qui vient donc faire un remplacement de dernière minute. Ça se fait ça dans le monde de l'aventure, de changer des équipes au dernier moment ?

  • #1

    De préférence non bien sûr, mais dans le cas présent il fallait absolument compléter l'équipe puisqu'on avait prévu deux embarcations. Une technique de navigation un petit peu particulière qui nécessitait quand même la présence au moins de 2 à 3 équipés par embarcation. Donc le chef d'expédition était dans l'obligation de recruter au plus tôt un guide qu'il est allé chercher sur les cours d'eau des Halles.

  • #0

    Alors la première fois que tu rencontres François, en tout cas c'est comme ça que tu l'appelles dans ton ouvrage, au premier abord il éveille ta sympathie ou pas vraiment ?

  • #1

    Pas exactement, c'est le petit jeune qui va nous faire des remarques et des réflexions souvent désobligeantes. Et je dois dire que je n'apprécie pas forcément, ça ne met pas forcément une ambiance des plus sereines dans l'équipe.

  • #0

    Atterrissage au Pérou, arrivée à Lima, et là vous êtes aussitôt plongée dans une ambiance lourde qui règne dans le pays avec de nombreux militaires dans les rues. Il se passe quoi à ce moment-là au Pérou ?

  • #1

    Alors le Pérou est dans un état, je dirais, quasiment de guerre civile, puisqu'on peut observer la montée de la subversion, subversion qui a été pilotée à l'époque par ce qu'on appelait le groupe des sentiers lumineux et du MRTA, le mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, qui était juste à la limite de faire basculer l'État à ce moment-là. Donc la ville... Notre entrée, notre première entrée dans Lima était un peu particulière parce qu'on découvrait vraiment une... Une ville en guerre, les attentats sur les sites stratégiques aussi, les bombes sur les sites stratégiques, les impacts de balles sur les murs, etc. Et ça pour nous c'était du cinéma. Et heureusement qu'à notre arrivée j'avais une amie péruvienne que j'avais rencontrée à Toulouse et qui nous a reçus je dirais à l'aéroport avec son compagnon et qui nous a guidés sur nos premiers pas en nous expliquant un petit peu ce qui se... se passer dans cette ville.

  • #0

    L'arrivée est assez compliquée, je dirais, pour votre groupe, parce que vous devez faire des papiers administratifs, on ne veut pas vous rendre votre matériel, vous avez beaucoup de matos, vous devez le récupérer absolument, et ça, ça met des premières tensions dans le groupe.

  • #1

    Complètement. Et ça, là aussi, dans notre logique occidentale, nous n'imaginions pas toute cette corruption et tous ces problèmes qui pouvaient se présenter à nous. Pour nous, dans notre démarche, on devait sortir de l'aéroport avec notre matériel sans aucun problème. Et là, ça a duré près d'une semaine en allant chercher. des avocats, en mettant la pression, puis surtout, à la fin, en étant aidé par le ministère du tourisme et par une personne du ministère du tourisme qui nous a permis de sortir notre matériel et de nous sortir de cette impasse.

  • #0

    Ce premier moment de tension dans le groupe te permet d'observer les attitudes des uns et des autres. Il y en a un que tu observes, c'est Bruno qui semble avoir quelques attitudes violentes. Et alors il y a une personnalité qui semble garder, elle, son sang-froid en toute situation, c'est Léo. Et alors tu vas te confier à lui sur Bruno, sur ses emportements.

  • #1

    Complètement, j'ai tout de suite pensé qu'il me fallait attirer l'ensemble de l'équipe pour nous opposer un petit peu à cette violence et à cette fougue qui se traduisait par de la violence de la part de Bruno. Donc j'ai essayé de m'attirer un petit peu l'attention de l'ensemble de l'équipe pour essayer d'apaiser et surtout éviter la prise de risque parce que je sentais vraiment que l'environnement était dangereux.

  • #0

    Ça y est, après quelques semaines de galère, vous avez enfin récupéré votre matériel. C'est parti, l'aventure commence. Vous embarquez dans un 4x4, c'est Ricardo qui va conduire ce 4x4. Vous vous mettez en route et direction donc le Maragnon ?

  • #1

    Complètement. Alors le départ s'est fait quasiment de nuit, puisque dès que nous avons récupéré le matériel, pour nous, il fallait que l'on parte le plus vite possible et qu'on quitte cette ville qui nous semblait... qui nous semblait très dangereuse. Le problème, c'est qu'à l'extérieur, nous avons rencontré d'abord une série de contrôles militaires qui ont fait monter encore un cran, je dirais, dans cette tension. Et puis ensuite, ça a été l'accès à la cordillère. pour rejoindre le camp de base. Alors nous sommes arrêtés dans un village, on va dire oui c'est une milice, mais surtout c'est un groupe qui vient de célébrer une espèce de fête et un des hommes du groupe transporte une tête de taureau qui vient d'être transie, le taureau étant le symbole de l'envahisseur espagnol. Et avec cette tête de taureau il vient... percuter notre 4x4. Et je sens effectivement que la bascule peut être très rapide et très violente. À plusieurs occasions, j'ai pu noter que ça pouvait très vite mal tourner. Il se trouve aussi que nous étions accompagnés par un médecin qui connaissait un petit peu l'environnement, mais qui nous accompagnait de façon très occasionnelle jusqu'à notre camp de base, et qui nous expliquait que c'était vraiment très dangereux.

  • #0

    Ricardo, le guide, va vous mettre en garde plusieurs fois sur les senderistas. N'oubliez jamais que nous sommes en pleine zone contrôlée par les sentiers lumineux qui sont partout. Ils sont dans les villages, ils sont dans les montagnes, donc faites attention. Et alors ça, ça fait bien rire Bruno qui va dire, je cite, Vous commencez à me courir avec vos senderistas à la con, foutez-moi la paix, je sais ce que j'ai à faire.

  • #1

    Il vit dans son monde. Sa seule préoccupation et le seul monde dans lequel il vit, c'est la descente de cette rivière. et point et il en reste là en franchissant un lieu avec des habitations on constate qu'on n'était pas forcément les bienvenus et ça c'était je dirais la conséquence de cette ambiance un petit peu tendue et puis de la présence de blancs dans un environnement qu'on n'avait quasiment jamais vu et puis Je suis bien constaté que pour les habitants des villages, on était considérés comme des gringos. D'ailleurs, on nous appelait gringos. Les gens ne faisaient pas du tout la différence entre ce que pouvait être un Français, ce que pouvait être quelqu'un qui venait faire une expédition pour découvrir les sources de l'Amazone. Nous étions des gringos avec tout le côté négatif que ça peut avoir. ça pouvait entraîner.

  • #0

    À ce moment-là, il y en a un qui commence à ralentir le groupe. C'est François, qui a le mal des montagnes sans doute, et qui s'arrête de plus en plus souvent pour vomir.

  • #1

    Complètement. Nous allons accéder à une altitude relativement importante puisqu'on passera proche de 4 500, voire un peu plus. Donc effectivement, là, ça commence à mal tourner pour lui. Et je sens que le reste de l'équipe, c'est-à-dire les trois autres, commence à piétiner et à considérer qu'en fait, c'est un boulet. Il est surtout là pour freiner. l'expédition. Et connaissant les symptômes du mal aigu des montagnes, je pensais que ça pouvait être très vite et très mal tourné.

  • #0

    Bruno, lui, il est de plus en plus agacé de la situation, du fait d'être ralenti par François qui se sent mal. Et donc, à un moment donné, il va se redresser, il va lancer à l'ensemble du groupe d'un ton cassant. J'ai trop investi dans le projet, personne ne va m'empêcher d'aller jusqu'au bout, même si je dois me séparer de l'un d'entre nous, mort ou vif. Toi, tu réagis comment à cette phrase ?

  • #1

    Je considère que le contexte lui fait dire des choses qui vont au-delà de sa pensée. J'ai toujours à ce moment-là l'espoir de le faire revenir dans le droit chemin et de lui expliquer, de lui faire comprendre qu'effectivement, on a tous envie d'aller au bout de cette expédition, mais il est hors de question d'imaginer... que l'un d'entre nous puisse y rester. Ça, pour moi, c'est impossible. Je ferai tout ce que je pourrais pour faire arrêter cette expédition s'il le faut. Alors, dans mon esprit, pour moi, je souhaitais toujours aller au bout de cette expédition, d'autant plus qu'il me semblait que nous pouvions assurer la sécurité du groupe, puisque le fait d'avoir deux bateaux était quand même une garantie de sécurité en cas de problème.

  • #0

    Et là, tu vas te poser pour la première fois la question, je te cite dans ton livre, Faut-il que je m'oppose physiquement à la folie de Bruno et des deux autres, ou que je déclare simplement forfait en abandonnant le combat ?

  • #1

    Cette décision, en fait, elle était parue évidente le jour où François était vraiment très très malade et qu'il ne pouvait plus bouger à ce moment-là. Lorsque j'ai vu les trois autres nous laisser et nous préciser qu'il n'était pas possible de rester une journée de plus de façon à ce que... François se repose. Là, j'ai bien compris que ce n'était plus possible. Pour moi, on avait franchi le Rubicon. On ne pouvait plus rester dans cet environnement. Je sentais vraiment qu'on risquait la vie de quelqu'un et il fallait absolument qu'on sorte de cette affaire, quitte à les laisser partir. Et puis, j'abandonnais le projet de ramener le groupe à de meilleurs principes.

  • #0

    Pascal, toi, t'as vraiment pensé qu'il était vraiment très mal, François, et qu'éventuellement, il allait y passer ?

  • #1

    Oui, parce qu'il était vraiment particulièrement mal, d'autant qu'on n'avait plus rien pour le soigner. J'étais pas... vraiment certains qui puissent s'en sortir. Donc je me suis posé tout un tas de questions, mais la réponse était simple, on ne pouvait pas avancer, on ne pouvait plus avancer dans ces conditions-là, parce qu'il en était incapable. Donc pour moi c'était de rester jusqu'à temps qu'il aille mieux, quitte à y passer quelques temps.

  • #0

    Finalement, la rupture est consommée, ça y est, il y a désormais deux équipes. Une première équipe qui continue l'expédition, elle est menée par Bruno, le chef d'expédition. Et puis, il y a ton équipe à toi avec François. Vous, vous avez décidé d'arrêter cette expédition, d'arrêter cette aventure et de regagner dans un premier temps Lima, puis la France. Le retour en France va se faire non sans grandes difficultés. Il y a à nouveau des problèmes administratifs, mais enfin, ça y est, vous réussissez au bout de quelques semaines à embarquer dans un avion. Retour donc... En France, et au bout de quelques semaines, nous sommes le 28 octobre, toi tu es dans un restaurant Pascal, et on vient t'apporter une très mauvaise nouvelle qui va changer radicalement ta vie à jamais.

  • #1

    Oui complètement, alors en fait c'est une amie qui m'appelle pour me préciser qu'une expédition française sur l'Amazone est portée disparue. Il y a quelques jours,

  • #0

    au cours du ralph, dans une réserve à Guaruna, une dispute aurait éclaté entre les membres d'une expédition. Bruno Rossell, 28 ans, Léo Davrou, 25 ans, Patrick Muller, 24 ans, leur compagnon péripéen Edison Sanchez, 27 ans, étudiant en orographie, et les habitants de la communauté indienne. Cette dispute se serait achevée par le massacre des quatre jeunes gens.

  • #1

    Pour commencer, c'est le doute. Je ne veux pas croire à cette version des fêtes. Et puis, il y a un autre phénomène, c'est l'apparition dans le groupe d'un Péruvien. Je me pose la question, parce que lorsque nous nous sommes quittés, ils étaient tous les trois. Donc, pourquoi aurait-il récupéré quelqu'un ? Alors, bien sûr, on peut imaginer que quelqu'un pouvait les aider dans le cadre du guidage sur la rivière. mais il y avait trop de questions en suspens pour que je prenne l'information comme ça de façon brute. Il s'est passé quelque chose d'assez troublant, je dirais, à ce moment-là. Cette amie péruvienne qui nous avait accompagnés sur Lima, vivant à Toulouse, me précise qu'elle a un ami à... Un Péruvien qui vient d'arriver sur Toulouse, il y a peu de temps, qui vient visiter sa famille, etc. Elle me propose d'aller lui rendre visite. Et ce que nous faisons, un samedi après-midi, nous nous y rendons. Et au moment où je rentre dans l'appartement et que je m'adresse à cette personne, Il me dit effectivement, j'ai entendu parler de cette histoire, etc. Et il me dit, mais comment s'appelle le Péruvien qui a accompagné votre ami ? À ce moment-là, je lui ai donné le nom, Edison Sanchez. Et à ce moment-là, il me précise... C'est presque miraculeux parce que c'est un Péruvien à Toulouse et il me précise que c'est en fait son ami d'enfance, ce qui paraît quasiment improbable. Et étant son ami d'enfance, il me dit mais je vais t'accompagner pour savoir exactement ce qu'il en est, s'il y a des gens qui ont pu survivre, etc. Je vais t'accompagner dans tes démarches. de façon à peut-être aller plus loin. Néanmoins, je souhaite qu'on ne parle pas de moi parce que je n'ai pas envie d'avoir des pressions sur Lima, etc. Alors il se trouve que le fait de rencontrer cette personne qui est un ami d'enfance du Péruvien me permet de rentrer directement en contact avec les familles, la famille, je dirais, de ce Péruvien, ce que je fais directement par téléphone. Un des frères me précise, il me dit qu'il nous donnera des informations à partir du moment où quelqu'un vient à Lima pour mettre en place une enquête. Donc nous partons dans cet objectif et savoir si on peut sauver quelqu'un. Je souhaitais quand même une protection de la part de notre diplomatie et puis m'entourer quand même, même si ce n'était pas forcément évident, de la protection à la fois judiciaire et policière locale. Et nous avons souhaité refaire le trajet en interrogeant autour de nous.

  • #0

    Ton enquête va durer plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années même. Au bout du compte, quel est ton regard sur la situation ? Qu'est-ce qui s'est réellement passé d'après toi ? Est-ce qu'il s'agit d'un assassinat ?

  • #1

    Alors, d'abord, je dirais les raisons. Les raisons sont d'une part le vol. Et puis, sur cette région vivent ce qu'on appelle les Awahouna. Les Awahouna sont des Jivaro. Alors, les Jivaro... Le monde sait, ce sont des Indiens relativement médicaux.

  • #0

    Il y a des rumeurs qui vont arriver à tes oreilles, des rumeurs qui circulent dans tous les villages, surtout ceux du fin fond de la cordillère des Andes. On raconte que, je cite, des gringos seraient venus à une époque dans la forêt pour massacrer des enfants et des vieillards afin de prélever leur sang et leur graisse.

  • #1

    Alors effectivement, un vieux mythe indien qui raconte que... Très précis, c'est le mythe des Pistakos, qui a évolué dans le temps, qui existait déjà à l'époque pré-Inca et Inca. Puis ensuite, en fait, ces monstres sont devenus les conquistadors. Et puis, il y a eu une transformation dans le temps, un mythe qui a préexisté et qui existe toujours.

  • #0

    Et donc, selon toi, Pascal, il y aurait un lien entre ce mythe qui circule dans la cordillère des Andes et... Et l'assassinat de tes coéquipiers ?

  • #1

    Cette suspicion de mythe. On aurait pris le groupe, et notamment le groupe des Français, pour des piches tacos. Et c'était l'occasion de les éliminer d'une part, et puis de récupérer leur... Leur matériel. Ensuite, dans le détail, j'ai pu détailler le déroulé et les dernières heures où ils ont été appréhendés sur le bord d'une rivière et là, ils ont été massacrés. Alors, séparés avec le Péruvien. mais aussi lui-même éliminé pour éviter de voir des témoins, de laisser des témoins.

  • #0

    Il y a même un élément fort qui vient confirmer cette hypothèse de cet assassinat. On aurait vu, c'est une infirmière qui l'a raconté, flotter dans le Maragnon des cadavres, avec notamment des chevelures blondes.

  • #1

    Complètement. Il faut savoir que des cadavres... Dans ces environnements, il y en a très très très très très régulièrement. Mais celui-là était particulier parce qu'effectivement, avec une couleur de peau particulière et puis avec une chevelure particulière qui pouvait laisser croire qu'en fait, on n'avait pas affaire des Amérindiens mais à des Blancs. Alors je me suis toujours posé la question, est-ce que j'aurais fait quelque chose, est-ce que j'aurais dit quelque chose qui aurait pu faire basculer ? Mais avec le temps et surtout avec l'écriture de ce livre, je crois que je m'en suis sorti. Ça a été une façon de sortir un peu de cet impasse et de comprendre qu'en fait... Ça s'est fait parce qu'il y a tout un tas de circonstances qui se sont mises en place. Aujourd'hui, c'est vrai que je vois le livre comme quelque chose de complètement indépendant. Je m'en suis complètement détaché.

  • #0

    Lui, François, il n'a pas eu ce besoin, comme tu l'as eu, de revenir sur les lieux du drame. Il n'a pas eu forcément cette culpabilité du survivant, d'après toi ?

  • #1

    Alors lui, je pense que lui est allé loin quand même dans son... dans sa souffrance. Et bien sûr, il a très mal vécu la réaction du groupe. Et il a voulu occulter ce moment de vie. Alors il se trouve que je l'ai retrouvé il y a peu de temps. Et effectivement... La relation est un peu bizarre parce qu'elle a complètement changé. J'ai plus affaire à ce jeune plein de remarques et de réflexions, je dirais, désobligeantes. Mais effectivement, pour lui, ça reste un moment très, très, très difficile qu'il a voulu occulter.

  • #0

    Dans ton livre, Le mythe assassin, tu dis que la descente du Maragnon restera à jamais la pire expérience de ta vie, Pascal.

  • #1

    Alors à la fois, j'ai envie de dire la pire et paradoxalement, j'ai presque envie de dire que c'est les moments pour lesquels on s'est retrouvé avec un seul objectif, c'est-à-dire survivre, étaient presque les meilleurs de ma vie. Parce que c'est vraiment des moments où... L'objectif est simple, l'idée étant de survivre, on évite de se poser d'autres questions. Je veux dire, la vie est simple.

  • #0

    Merci à toi Pascal Moreno d'être venu nous raconter cette aventure. Le mythe assassin, c'est ton ouvrage aux éditions Le Lys Bleu, un ouvrage d'ailleurs que tu as mis quelques années à accoucher.

  • #1

    Oui, effectivement, j'aime bien le terme accoucher parce qu'on sait séparer maintenant. La Fabrique Audio présente La Petite Histoire Vous souhaitez devenir sponsor de ce podcast ?

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Nous sommes en Août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Marañón, une source de l’Amazone. Mais parmi le groupe de rafteurs… seuls 2 vont revenir en vie.

L’un d’eux c’est Pascal Moreno. Il a écrit l’ouvrage Le mythe assassin, son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu. Un livre dans lequel il revient sur l’enquête qu’il a menée pendant plusieurs décennies pour comprendre ce qui était arrivé à ses équipiers de l’expédition.


La Petite Histoire est un podcast de La Fabrik Audio. Un épisode bonus écrit, présenté et mixé par Florent Mounier.


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  • #0

    Nous sommes en août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Maragnon, une source de l'Amazone. Mais parmi le groupe de rafters, seuls deux vont revenir en vie. L'un d'eux, c'est Pascal Moreno. Alors que s'est-il passé là-bas ? Pascal Moreno a écrit l'ouvrage Le mythe assassin une enquête qui lui a permis de revenir sur ce terrible drame. C'est en quelque sorte son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu.

  • #1

    La Fabrique Audio présente La Petite Histoire. C'est une soirée de septembre en fin de saison un peu tristounette sur le bord du Gave de Pau. Et à ce moment mon ami me précise qu'il va recevoir un jeune homme qui a comme objectif de... descendre et de découvrir, descendre sur près de 1000 km, ce qui est considéré à ce moment-là comme la source de l'Amazone. Cette source étant le Maragnon. Il faut savoir qu'aujourd'hui, elle a évolué, puisque ce n'est plus le Maragnon qui est considéré comme la source. Mais à cette époque, c'était véritablement le début de ce fleuve majestueux.

  • #0

    Alors cet homme-là, il s'appelle Bruno. En tout cas, c'est comme ça que tu vas l'appeler dans ton ouvrage, parce que tu as changé l'ensemble des prénoms pour respecter l'identité de chacun. Qu'est-ce qu'il va te dire, ce Bruno, sur l'expédition qu'il s'apprête à mener d'ici quelques semaines ?

  • #1

    Avant tout, il va nous parler de... de la rivière Rennes, qui est l'Amazone, et aujourd'hui le plus grand fleuve au monde, qui représente environ un cinquième du débit d'eau douce au monde. C'est comme pour un montagnard à affronter l'Everest, c'est vraiment le Graal. J'ai retrouvé un petit peu dans la littérature plusieurs écrivains qui ont écrit justement sur cette rivière. C'est une rivière tumultueuse. et puis surtout inconnue, puisqu'elle franchit des canyons qui ont été inexplorés, si ce n'est juste pendant l'entre-deux-guerres, par un Allemand, Herbert Rettlinger, qui a navigué une vingtaine de kilomètres. Il a failli laisser la vie, d'ailleurs, dans des conditions un petit peu... Un petit peu limite pour cette époque.

  • #0

    Donc vous êtes là dans cette soirée en train de parler d'aventure, de parler du Maragnon, de cette éventuelle future expédition. Qu'est-ce que tu entrevois chez lui, chez ce Bruno ?

  • #1

    Dans son discours, il est quand même assez structuré parce qu'il va... proposé comme une expédition avec une équipe structurée. Ils nous précisent qu'il y aura une équipe médicale, des techniciens de la navigation, et puis des gens des médias, notamment un film qui devrait être fait et qui devrait être porté par une chaîne de télévision.

  • #0

    Donc, si je comprends bien, c'est une équipe qui est en train de se mettre en place, c'est une équipe de combien de personnes ?

  • #1

    10 personnes avec plusieurs embarcations, donc la possibilité aussi d'assurer la sécurité, je dirais, sur la navigation.

  • #0

    Une équipe médicale pour ce projet, on l'a compris, une équipe de télé également. Et puis alors, côté aventurier, ils recherchent qui finalement comme aventurier ce Bruno ?

  • #1

    Ils venaient rechercher essentiellement des guides, des guides de rivière, des professionnels de la rivière. Et c'était la raison pour laquelle... Il avait pris contact avec mon ami Mathias. En ce qui me concerne, j'ai pris un temps avant de prendre ma décision, puisqu'il me l'a proposé effectivement. Mais j'ai pris un temps, puisque j'étais moi-même fonctionnaire d'État, et il était un peu difficile de me mettre en disponibilité. Donc j'ai dû négocier. D'autre part, c'est vrai que le financement... Ce n'était pas ce qui était prévu à l'origine, donc le chef d'expédition a été contraint de réduire la voilure en personnel.

  • #0

    Donc au lieu de partir à 11 ou 12, vous vous retrouvez à 5 dans cette aventure, c'est ça ?

  • #1

    Tout à fait, 5 avec deux embarcations et essentiellement des gens de la rivière. Et lui devait assurer la couverture médiatique de cette expédition. Merci. concernant le film, les financements n'étant pas là, il avait été annulé.

  • #0

    Quand on est aventurier comme toi, Pascal, tu n'en étais pas à ta première aventure, qu'est-ce qu'on vient rechercher chez un chef de projet, un chef d'aventure, un chef d'expédition comme Bruno ?

  • #1

    D'abord, quelqu'un de structuré, qui a étudié l'environnement dans lequel on va se poser, quelqu'un qui est capable aussi de manager une équipe, quelqu'un qui va être capable... de dire non, d'arrêter la machine si le danger est vraiment trop présent.

  • #0

    Pascal, toi au moment de l'aventure, tu es jeune, tu as 30 ans, mais les autres coéquipiers sont encore plus jeunes que toi.

  • #1

    Complètement. Dans le groupe, je suis le plus âgé. Donc pour Mathias, mon ami... qui va participer au recrutement des guides, je vais être celui qui va essayer de poser l'équipe et qui va essayer d'aider à prendre les décisions les plus judicieuses au niveau de la sécurité, sachant que comme tous, personnellement, j'ai envie d'assurer cette expédition jusqu'à son terme.

  • #0

    Le défi est donc lancé. Dans ton livre, Pascal, tu parles d'un projet insensé et magique. Pourquoi insensé, pourquoi magique ?

  • #1

    Alors, insensé parce qu'on va naviguer une rivière inconnue avec des dangers qui vraisemblablement vont être relativement importants. L'Amazon, ça reste quand même un lieu magique assez peu connu et entouré de tout un tas de légendes et d'histoires. Donc c'est ce côté magique qui va aussi m'attirer.

  • #0

    Allez c'est parti, c'est le jour du départ, sauf que ce jour-là il y a un changement et de taille, l'un des équipiers n'a pas pu venir. Finalement c'est François qui vous rejoint au pied levé et qui vient donc faire un remplacement de dernière minute. Ça se fait ça dans le monde de l'aventure, de changer des équipes au dernier moment ?

  • #1

    De préférence non bien sûr, mais dans le cas présent il fallait absolument compléter l'équipe puisqu'on avait prévu deux embarcations. Une technique de navigation un petit peu particulière qui nécessitait quand même la présence au moins de 2 à 3 équipés par embarcation. Donc le chef d'expédition était dans l'obligation de recruter au plus tôt un guide qu'il est allé chercher sur les cours d'eau des Halles.

  • #0

    Alors la première fois que tu rencontres François, en tout cas c'est comme ça que tu l'appelles dans ton ouvrage, au premier abord il éveille ta sympathie ou pas vraiment ?

  • #1

    Pas exactement, c'est le petit jeune qui va nous faire des remarques et des réflexions souvent désobligeantes. Et je dois dire que je n'apprécie pas forcément, ça ne met pas forcément une ambiance des plus sereines dans l'équipe.

  • #0

    Atterrissage au Pérou, arrivée à Lima, et là vous êtes aussitôt plongée dans une ambiance lourde qui règne dans le pays avec de nombreux militaires dans les rues. Il se passe quoi à ce moment-là au Pérou ?

  • #1

    Alors le Pérou est dans un état, je dirais, quasiment de guerre civile, puisqu'on peut observer la montée de la subversion, subversion qui a été pilotée à l'époque par ce qu'on appelait le groupe des sentiers lumineux et du MRTA, le mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, qui était juste à la limite de faire basculer l'État à ce moment-là. Donc la ville... Notre entrée, notre première entrée dans Lima était un peu particulière parce qu'on découvrait vraiment une... Une ville en guerre, les attentats sur les sites stratégiques aussi, les bombes sur les sites stratégiques, les impacts de balles sur les murs, etc. Et ça pour nous c'était du cinéma. Et heureusement qu'à notre arrivée j'avais une amie péruvienne que j'avais rencontrée à Toulouse et qui nous a reçus je dirais à l'aéroport avec son compagnon et qui nous a guidés sur nos premiers pas en nous expliquant un petit peu ce qui se... se passer dans cette ville.

  • #0

    L'arrivée est assez compliquée, je dirais, pour votre groupe, parce que vous devez faire des papiers administratifs, on ne veut pas vous rendre votre matériel, vous avez beaucoup de matos, vous devez le récupérer absolument, et ça, ça met des premières tensions dans le groupe.

  • #1

    Complètement. Et ça, là aussi, dans notre logique occidentale, nous n'imaginions pas toute cette corruption et tous ces problèmes qui pouvaient se présenter à nous. Pour nous, dans notre démarche, on devait sortir de l'aéroport avec notre matériel sans aucun problème. Et là, ça a duré près d'une semaine en allant chercher. des avocats, en mettant la pression, puis surtout, à la fin, en étant aidé par le ministère du tourisme et par une personne du ministère du tourisme qui nous a permis de sortir notre matériel et de nous sortir de cette impasse.

  • #0

    Ce premier moment de tension dans le groupe te permet d'observer les attitudes des uns et des autres. Il y en a un que tu observes, c'est Bruno qui semble avoir quelques attitudes violentes. Et alors il y a une personnalité qui semble garder, elle, son sang-froid en toute situation, c'est Léo. Et alors tu vas te confier à lui sur Bruno, sur ses emportements.

  • #1

    Complètement, j'ai tout de suite pensé qu'il me fallait attirer l'ensemble de l'équipe pour nous opposer un petit peu à cette violence et à cette fougue qui se traduisait par de la violence de la part de Bruno. Donc j'ai essayé de m'attirer un petit peu l'attention de l'ensemble de l'équipe pour essayer d'apaiser et surtout éviter la prise de risque parce que je sentais vraiment que l'environnement était dangereux.

  • #0

    Ça y est, après quelques semaines de galère, vous avez enfin récupéré votre matériel. C'est parti, l'aventure commence. Vous embarquez dans un 4x4, c'est Ricardo qui va conduire ce 4x4. Vous vous mettez en route et direction donc le Maragnon ?

  • #1

    Complètement. Alors le départ s'est fait quasiment de nuit, puisque dès que nous avons récupéré le matériel, pour nous, il fallait que l'on parte le plus vite possible et qu'on quitte cette ville qui nous semblait... qui nous semblait très dangereuse. Le problème, c'est qu'à l'extérieur, nous avons rencontré d'abord une série de contrôles militaires qui ont fait monter encore un cran, je dirais, dans cette tension. Et puis ensuite, ça a été l'accès à la cordillère. pour rejoindre le camp de base. Alors nous sommes arrêtés dans un village, on va dire oui c'est une milice, mais surtout c'est un groupe qui vient de célébrer une espèce de fête et un des hommes du groupe transporte une tête de taureau qui vient d'être transie, le taureau étant le symbole de l'envahisseur espagnol. Et avec cette tête de taureau il vient... percuter notre 4x4. Et je sens effectivement que la bascule peut être très rapide et très violente. À plusieurs occasions, j'ai pu noter que ça pouvait très vite mal tourner. Il se trouve aussi que nous étions accompagnés par un médecin qui connaissait un petit peu l'environnement, mais qui nous accompagnait de façon très occasionnelle jusqu'à notre camp de base, et qui nous expliquait que c'était vraiment très dangereux.

  • #0

    Ricardo, le guide, va vous mettre en garde plusieurs fois sur les senderistas. N'oubliez jamais que nous sommes en pleine zone contrôlée par les sentiers lumineux qui sont partout. Ils sont dans les villages, ils sont dans les montagnes, donc faites attention. Et alors ça, ça fait bien rire Bruno qui va dire, je cite, Vous commencez à me courir avec vos senderistas à la con, foutez-moi la paix, je sais ce que j'ai à faire.

  • #1

    Il vit dans son monde. Sa seule préoccupation et le seul monde dans lequel il vit, c'est la descente de cette rivière. et point et il en reste là en franchissant un lieu avec des habitations on constate qu'on n'était pas forcément les bienvenus et ça c'était je dirais la conséquence de cette ambiance un petit peu tendue et puis de la présence de blancs dans un environnement qu'on n'avait quasiment jamais vu et puis Je suis bien constaté que pour les habitants des villages, on était considérés comme des gringos. D'ailleurs, on nous appelait gringos. Les gens ne faisaient pas du tout la différence entre ce que pouvait être un Français, ce que pouvait être quelqu'un qui venait faire une expédition pour découvrir les sources de l'Amazone. Nous étions des gringos avec tout le côté négatif que ça peut avoir. ça pouvait entraîner.

  • #0

    À ce moment-là, il y en a un qui commence à ralentir le groupe. C'est François, qui a le mal des montagnes sans doute, et qui s'arrête de plus en plus souvent pour vomir.

  • #1

    Complètement. Nous allons accéder à une altitude relativement importante puisqu'on passera proche de 4 500, voire un peu plus. Donc effectivement, là, ça commence à mal tourner pour lui. Et je sens que le reste de l'équipe, c'est-à-dire les trois autres, commence à piétiner et à considérer qu'en fait, c'est un boulet. Il est surtout là pour freiner. l'expédition. Et connaissant les symptômes du mal aigu des montagnes, je pensais que ça pouvait être très vite et très mal tourné.

  • #0

    Bruno, lui, il est de plus en plus agacé de la situation, du fait d'être ralenti par François qui se sent mal. Et donc, à un moment donné, il va se redresser, il va lancer à l'ensemble du groupe d'un ton cassant. J'ai trop investi dans le projet, personne ne va m'empêcher d'aller jusqu'au bout, même si je dois me séparer de l'un d'entre nous, mort ou vif. Toi, tu réagis comment à cette phrase ?

  • #1

    Je considère que le contexte lui fait dire des choses qui vont au-delà de sa pensée. J'ai toujours à ce moment-là l'espoir de le faire revenir dans le droit chemin et de lui expliquer, de lui faire comprendre qu'effectivement, on a tous envie d'aller au bout de cette expédition, mais il est hors de question d'imaginer... que l'un d'entre nous puisse y rester. Ça, pour moi, c'est impossible. Je ferai tout ce que je pourrais pour faire arrêter cette expédition s'il le faut. Alors, dans mon esprit, pour moi, je souhaitais toujours aller au bout de cette expédition, d'autant plus qu'il me semblait que nous pouvions assurer la sécurité du groupe, puisque le fait d'avoir deux bateaux était quand même une garantie de sécurité en cas de problème.

  • #0

    Et là, tu vas te poser pour la première fois la question, je te cite dans ton livre, Faut-il que je m'oppose physiquement à la folie de Bruno et des deux autres, ou que je déclare simplement forfait en abandonnant le combat ?

  • #1

    Cette décision, en fait, elle était parue évidente le jour où François était vraiment très très malade et qu'il ne pouvait plus bouger à ce moment-là. Lorsque j'ai vu les trois autres nous laisser et nous préciser qu'il n'était pas possible de rester une journée de plus de façon à ce que... François se repose. Là, j'ai bien compris que ce n'était plus possible. Pour moi, on avait franchi le Rubicon. On ne pouvait plus rester dans cet environnement. Je sentais vraiment qu'on risquait la vie de quelqu'un et il fallait absolument qu'on sorte de cette affaire, quitte à les laisser partir. Et puis, j'abandonnais le projet de ramener le groupe à de meilleurs principes.

  • #0

    Pascal, toi, t'as vraiment pensé qu'il était vraiment très mal, François, et qu'éventuellement, il allait y passer ?

  • #1

    Oui, parce qu'il était vraiment particulièrement mal, d'autant qu'on n'avait plus rien pour le soigner. J'étais pas... vraiment certains qui puissent s'en sortir. Donc je me suis posé tout un tas de questions, mais la réponse était simple, on ne pouvait pas avancer, on ne pouvait plus avancer dans ces conditions-là, parce qu'il en était incapable. Donc pour moi c'était de rester jusqu'à temps qu'il aille mieux, quitte à y passer quelques temps.

  • #0

    Finalement, la rupture est consommée, ça y est, il y a désormais deux équipes. Une première équipe qui continue l'expédition, elle est menée par Bruno, le chef d'expédition. Et puis, il y a ton équipe à toi avec François. Vous, vous avez décidé d'arrêter cette expédition, d'arrêter cette aventure et de regagner dans un premier temps Lima, puis la France. Le retour en France va se faire non sans grandes difficultés. Il y a à nouveau des problèmes administratifs, mais enfin, ça y est, vous réussissez au bout de quelques semaines à embarquer dans un avion. Retour donc... En France, et au bout de quelques semaines, nous sommes le 28 octobre, toi tu es dans un restaurant Pascal, et on vient t'apporter une très mauvaise nouvelle qui va changer radicalement ta vie à jamais.

  • #1

    Oui complètement, alors en fait c'est une amie qui m'appelle pour me préciser qu'une expédition française sur l'Amazone est portée disparue. Il y a quelques jours,

  • #0

    au cours du ralph, dans une réserve à Guaruna, une dispute aurait éclaté entre les membres d'une expédition. Bruno Rossell, 28 ans, Léo Davrou, 25 ans, Patrick Muller, 24 ans, leur compagnon péripéen Edison Sanchez, 27 ans, étudiant en orographie, et les habitants de la communauté indienne. Cette dispute se serait achevée par le massacre des quatre jeunes gens.

  • #1

    Pour commencer, c'est le doute. Je ne veux pas croire à cette version des fêtes. Et puis, il y a un autre phénomène, c'est l'apparition dans le groupe d'un Péruvien. Je me pose la question, parce que lorsque nous nous sommes quittés, ils étaient tous les trois. Donc, pourquoi aurait-il récupéré quelqu'un ? Alors, bien sûr, on peut imaginer que quelqu'un pouvait les aider dans le cadre du guidage sur la rivière. mais il y avait trop de questions en suspens pour que je prenne l'information comme ça de façon brute. Il s'est passé quelque chose d'assez troublant, je dirais, à ce moment-là. Cette amie péruvienne qui nous avait accompagnés sur Lima, vivant à Toulouse, me précise qu'elle a un ami à... Un Péruvien qui vient d'arriver sur Toulouse, il y a peu de temps, qui vient visiter sa famille, etc. Elle me propose d'aller lui rendre visite. Et ce que nous faisons, un samedi après-midi, nous nous y rendons. Et au moment où je rentre dans l'appartement et que je m'adresse à cette personne, Il me dit effectivement, j'ai entendu parler de cette histoire, etc. Et il me dit, mais comment s'appelle le Péruvien qui a accompagné votre ami ? À ce moment-là, je lui ai donné le nom, Edison Sanchez. Et à ce moment-là, il me précise... C'est presque miraculeux parce que c'est un Péruvien à Toulouse et il me précise que c'est en fait son ami d'enfance, ce qui paraît quasiment improbable. Et étant son ami d'enfance, il me dit mais je vais t'accompagner pour savoir exactement ce qu'il en est, s'il y a des gens qui ont pu survivre, etc. Je vais t'accompagner dans tes démarches. de façon à peut-être aller plus loin. Néanmoins, je souhaite qu'on ne parle pas de moi parce que je n'ai pas envie d'avoir des pressions sur Lima, etc. Alors il se trouve que le fait de rencontrer cette personne qui est un ami d'enfance du Péruvien me permet de rentrer directement en contact avec les familles, la famille, je dirais, de ce Péruvien, ce que je fais directement par téléphone. Un des frères me précise, il me dit qu'il nous donnera des informations à partir du moment où quelqu'un vient à Lima pour mettre en place une enquête. Donc nous partons dans cet objectif et savoir si on peut sauver quelqu'un. Je souhaitais quand même une protection de la part de notre diplomatie et puis m'entourer quand même, même si ce n'était pas forcément évident, de la protection à la fois judiciaire et policière locale. Et nous avons souhaité refaire le trajet en interrogeant autour de nous.

  • #0

    Ton enquête va durer plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années même. Au bout du compte, quel est ton regard sur la situation ? Qu'est-ce qui s'est réellement passé d'après toi ? Est-ce qu'il s'agit d'un assassinat ?

  • #1

    Alors, d'abord, je dirais les raisons. Les raisons sont d'une part le vol. Et puis, sur cette région vivent ce qu'on appelle les Awahouna. Les Awahouna sont des Jivaro. Alors, les Jivaro... Le monde sait, ce sont des Indiens relativement médicaux.

  • #0

    Il y a des rumeurs qui vont arriver à tes oreilles, des rumeurs qui circulent dans tous les villages, surtout ceux du fin fond de la cordillère des Andes. On raconte que, je cite, des gringos seraient venus à une époque dans la forêt pour massacrer des enfants et des vieillards afin de prélever leur sang et leur graisse.

  • #1

    Alors effectivement, un vieux mythe indien qui raconte que... Très précis, c'est le mythe des Pistakos, qui a évolué dans le temps, qui existait déjà à l'époque pré-Inca et Inca. Puis ensuite, en fait, ces monstres sont devenus les conquistadors. Et puis, il y a eu une transformation dans le temps, un mythe qui a préexisté et qui existe toujours.

  • #0

    Et donc, selon toi, Pascal, il y aurait un lien entre ce mythe qui circule dans la cordillère des Andes et... Et l'assassinat de tes coéquipiers ?

  • #1

    Cette suspicion de mythe. On aurait pris le groupe, et notamment le groupe des Français, pour des piches tacos. Et c'était l'occasion de les éliminer d'une part, et puis de récupérer leur... Leur matériel. Ensuite, dans le détail, j'ai pu détailler le déroulé et les dernières heures où ils ont été appréhendés sur le bord d'une rivière et là, ils ont été massacrés. Alors, séparés avec le Péruvien. mais aussi lui-même éliminé pour éviter de voir des témoins, de laisser des témoins.

  • #0

    Il y a même un élément fort qui vient confirmer cette hypothèse de cet assassinat. On aurait vu, c'est une infirmière qui l'a raconté, flotter dans le Maragnon des cadavres, avec notamment des chevelures blondes.

  • #1

    Complètement. Il faut savoir que des cadavres... Dans ces environnements, il y en a très très très très très régulièrement. Mais celui-là était particulier parce qu'effectivement, avec une couleur de peau particulière et puis avec une chevelure particulière qui pouvait laisser croire qu'en fait, on n'avait pas affaire des Amérindiens mais à des Blancs. Alors je me suis toujours posé la question, est-ce que j'aurais fait quelque chose, est-ce que j'aurais dit quelque chose qui aurait pu faire basculer ? Mais avec le temps et surtout avec l'écriture de ce livre, je crois que je m'en suis sorti. Ça a été une façon de sortir un peu de cet impasse et de comprendre qu'en fait... Ça s'est fait parce qu'il y a tout un tas de circonstances qui se sont mises en place. Aujourd'hui, c'est vrai que je vois le livre comme quelque chose de complètement indépendant. Je m'en suis complètement détaché.

  • #0

    Lui, François, il n'a pas eu ce besoin, comme tu l'as eu, de revenir sur les lieux du drame. Il n'a pas eu forcément cette culpabilité du survivant, d'après toi ?

  • #1

    Alors lui, je pense que lui est allé loin quand même dans son... dans sa souffrance. Et bien sûr, il a très mal vécu la réaction du groupe. Et il a voulu occulter ce moment de vie. Alors il se trouve que je l'ai retrouvé il y a peu de temps. Et effectivement... La relation est un peu bizarre parce qu'elle a complètement changé. J'ai plus affaire à ce jeune plein de remarques et de réflexions, je dirais, désobligeantes. Mais effectivement, pour lui, ça reste un moment très, très, très difficile qu'il a voulu occulter.

  • #0

    Dans ton livre, Le mythe assassin, tu dis que la descente du Maragnon restera à jamais la pire expérience de ta vie, Pascal.

  • #1

    Alors à la fois, j'ai envie de dire la pire et paradoxalement, j'ai presque envie de dire que c'est les moments pour lesquels on s'est retrouvé avec un seul objectif, c'est-à-dire survivre, étaient presque les meilleurs de ma vie. Parce que c'est vraiment des moments où... L'objectif est simple, l'idée étant de survivre, on évite de se poser d'autres questions. Je veux dire, la vie est simple.

  • #0

    Merci à toi Pascal Moreno d'être venu nous raconter cette aventure. Le mythe assassin, c'est ton ouvrage aux éditions Le Lys Bleu, un ouvrage d'ailleurs que tu as mis quelques années à accoucher.

  • #1

    Oui, effectivement, j'aime bien le terme accoucher parce qu'on sait séparer maintenant. La Fabrique Audio présente La Petite Histoire Vous souhaitez devenir sponsor de ce podcast ?

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Description

Nous sommes en Août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Marañón, une source de l’Amazone. Mais parmi le groupe de rafteurs… seuls 2 vont revenir en vie.

L’un d’eux c’est Pascal Moreno. Il a écrit l’ouvrage Le mythe assassin, son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu. Un livre dans lequel il revient sur l’enquête qu’il a menée pendant plusieurs décennies pour comprendre ce qui était arrivé à ses équipiers de l’expédition.


La Petite Histoire est un podcast de La Fabrik Audio. Un épisode bonus écrit, présenté et mixé par Florent Mounier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Nous sommes en août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Maragnon, une source de l'Amazone. Mais parmi le groupe de rafters, seuls deux vont revenir en vie. L'un d'eux, c'est Pascal Moreno. Alors que s'est-il passé là-bas ? Pascal Moreno a écrit l'ouvrage Le mythe assassin une enquête qui lui a permis de revenir sur ce terrible drame. C'est en quelque sorte son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu.

  • #1

    La Fabrique Audio présente La Petite Histoire. C'est une soirée de septembre en fin de saison un peu tristounette sur le bord du Gave de Pau. Et à ce moment mon ami me précise qu'il va recevoir un jeune homme qui a comme objectif de... descendre et de découvrir, descendre sur près de 1000 km, ce qui est considéré à ce moment-là comme la source de l'Amazone. Cette source étant le Maragnon. Il faut savoir qu'aujourd'hui, elle a évolué, puisque ce n'est plus le Maragnon qui est considéré comme la source. Mais à cette époque, c'était véritablement le début de ce fleuve majestueux.

  • #0

    Alors cet homme-là, il s'appelle Bruno. En tout cas, c'est comme ça que tu vas l'appeler dans ton ouvrage, parce que tu as changé l'ensemble des prénoms pour respecter l'identité de chacun. Qu'est-ce qu'il va te dire, ce Bruno, sur l'expédition qu'il s'apprête à mener d'ici quelques semaines ?

  • #1

    Avant tout, il va nous parler de... de la rivière Rennes, qui est l'Amazone, et aujourd'hui le plus grand fleuve au monde, qui représente environ un cinquième du débit d'eau douce au monde. C'est comme pour un montagnard à affronter l'Everest, c'est vraiment le Graal. J'ai retrouvé un petit peu dans la littérature plusieurs écrivains qui ont écrit justement sur cette rivière. C'est une rivière tumultueuse. et puis surtout inconnue, puisqu'elle franchit des canyons qui ont été inexplorés, si ce n'est juste pendant l'entre-deux-guerres, par un Allemand, Herbert Rettlinger, qui a navigué une vingtaine de kilomètres. Il a failli laisser la vie, d'ailleurs, dans des conditions un petit peu... Un petit peu limite pour cette époque.

  • #0

    Donc vous êtes là dans cette soirée en train de parler d'aventure, de parler du Maragnon, de cette éventuelle future expédition. Qu'est-ce que tu entrevois chez lui, chez ce Bruno ?

  • #1

    Dans son discours, il est quand même assez structuré parce qu'il va... proposé comme une expédition avec une équipe structurée. Ils nous précisent qu'il y aura une équipe médicale, des techniciens de la navigation, et puis des gens des médias, notamment un film qui devrait être fait et qui devrait être porté par une chaîne de télévision.

  • #0

    Donc, si je comprends bien, c'est une équipe qui est en train de se mettre en place, c'est une équipe de combien de personnes ?

  • #1

    10 personnes avec plusieurs embarcations, donc la possibilité aussi d'assurer la sécurité, je dirais, sur la navigation.

  • #0

    Une équipe médicale pour ce projet, on l'a compris, une équipe de télé également. Et puis alors, côté aventurier, ils recherchent qui finalement comme aventurier ce Bruno ?

  • #1

    Ils venaient rechercher essentiellement des guides, des guides de rivière, des professionnels de la rivière. Et c'était la raison pour laquelle... Il avait pris contact avec mon ami Mathias. En ce qui me concerne, j'ai pris un temps avant de prendre ma décision, puisqu'il me l'a proposé effectivement. Mais j'ai pris un temps, puisque j'étais moi-même fonctionnaire d'État, et il était un peu difficile de me mettre en disponibilité. Donc j'ai dû négocier. D'autre part, c'est vrai que le financement... Ce n'était pas ce qui était prévu à l'origine, donc le chef d'expédition a été contraint de réduire la voilure en personnel.

  • #0

    Donc au lieu de partir à 11 ou 12, vous vous retrouvez à 5 dans cette aventure, c'est ça ?

  • #1

    Tout à fait, 5 avec deux embarcations et essentiellement des gens de la rivière. Et lui devait assurer la couverture médiatique de cette expédition. Merci. concernant le film, les financements n'étant pas là, il avait été annulé.

  • #0

    Quand on est aventurier comme toi, Pascal, tu n'en étais pas à ta première aventure, qu'est-ce qu'on vient rechercher chez un chef de projet, un chef d'aventure, un chef d'expédition comme Bruno ?

  • #1

    D'abord, quelqu'un de structuré, qui a étudié l'environnement dans lequel on va se poser, quelqu'un qui est capable aussi de manager une équipe, quelqu'un qui va être capable... de dire non, d'arrêter la machine si le danger est vraiment trop présent.

  • #0

    Pascal, toi au moment de l'aventure, tu es jeune, tu as 30 ans, mais les autres coéquipiers sont encore plus jeunes que toi.

  • #1

    Complètement. Dans le groupe, je suis le plus âgé. Donc pour Mathias, mon ami... qui va participer au recrutement des guides, je vais être celui qui va essayer de poser l'équipe et qui va essayer d'aider à prendre les décisions les plus judicieuses au niveau de la sécurité, sachant que comme tous, personnellement, j'ai envie d'assurer cette expédition jusqu'à son terme.

  • #0

    Le défi est donc lancé. Dans ton livre, Pascal, tu parles d'un projet insensé et magique. Pourquoi insensé, pourquoi magique ?

  • #1

    Alors, insensé parce qu'on va naviguer une rivière inconnue avec des dangers qui vraisemblablement vont être relativement importants. L'Amazon, ça reste quand même un lieu magique assez peu connu et entouré de tout un tas de légendes et d'histoires. Donc c'est ce côté magique qui va aussi m'attirer.

  • #0

    Allez c'est parti, c'est le jour du départ, sauf que ce jour-là il y a un changement et de taille, l'un des équipiers n'a pas pu venir. Finalement c'est François qui vous rejoint au pied levé et qui vient donc faire un remplacement de dernière minute. Ça se fait ça dans le monde de l'aventure, de changer des équipes au dernier moment ?

  • #1

    De préférence non bien sûr, mais dans le cas présent il fallait absolument compléter l'équipe puisqu'on avait prévu deux embarcations. Une technique de navigation un petit peu particulière qui nécessitait quand même la présence au moins de 2 à 3 équipés par embarcation. Donc le chef d'expédition était dans l'obligation de recruter au plus tôt un guide qu'il est allé chercher sur les cours d'eau des Halles.

  • #0

    Alors la première fois que tu rencontres François, en tout cas c'est comme ça que tu l'appelles dans ton ouvrage, au premier abord il éveille ta sympathie ou pas vraiment ?

  • #1

    Pas exactement, c'est le petit jeune qui va nous faire des remarques et des réflexions souvent désobligeantes. Et je dois dire que je n'apprécie pas forcément, ça ne met pas forcément une ambiance des plus sereines dans l'équipe.

  • #0

    Atterrissage au Pérou, arrivée à Lima, et là vous êtes aussitôt plongée dans une ambiance lourde qui règne dans le pays avec de nombreux militaires dans les rues. Il se passe quoi à ce moment-là au Pérou ?

  • #1

    Alors le Pérou est dans un état, je dirais, quasiment de guerre civile, puisqu'on peut observer la montée de la subversion, subversion qui a été pilotée à l'époque par ce qu'on appelait le groupe des sentiers lumineux et du MRTA, le mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, qui était juste à la limite de faire basculer l'État à ce moment-là. Donc la ville... Notre entrée, notre première entrée dans Lima était un peu particulière parce qu'on découvrait vraiment une... Une ville en guerre, les attentats sur les sites stratégiques aussi, les bombes sur les sites stratégiques, les impacts de balles sur les murs, etc. Et ça pour nous c'était du cinéma. Et heureusement qu'à notre arrivée j'avais une amie péruvienne que j'avais rencontrée à Toulouse et qui nous a reçus je dirais à l'aéroport avec son compagnon et qui nous a guidés sur nos premiers pas en nous expliquant un petit peu ce qui se... se passer dans cette ville.

  • #0

    L'arrivée est assez compliquée, je dirais, pour votre groupe, parce que vous devez faire des papiers administratifs, on ne veut pas vous rendre votre matériel, vous avez beaucoup de matos, vous devez le récupérer absolument, et ça, ça met des premières tensions dans le groupe.

  • #1

    Complètement. Et ça, là aussi, dans notre logique occidentale, nous n'imaginions pas toute cette corruption et tous ces problèmes qui pouvaient se présenter à nous. Pour nous, dans notre démarche, on devait sortir de l'aéroport avec notre matériel sans aucun problème. Et là, ça a duré près d'une semaine en allant chercher. des avocats, en mettant la pression, puis surtout, à la fin, en étant aidé par le ministère du tourisme et par une personne du ministère du tourisme qui nous a permis de sortir notre matériel et de nous sortir de cette impasse.

  • #0

    Ce premier moment de tension dans le groupe te permet d'observer les attitudes des uns et des autres. Il y en a un que tu observes, c'est Bruno qui semble avoir quelques attitudes violentes. Et alors il y a une personnalité qui semble garder, elle, son sang-froid en toute situation, c'est Léo. Et alors tu vas te confier à lui sur Bruno, sur ses emportements.

  • #1

    Complètement, j'ai tout de suite pensé qu'il me fallait attirer l'ensemble de l'équipe pour nous opposer un petit peu à cette violence et à cette fougue qui se traduisait par de la violence de la part de Bruno. Donc j'ai essayé de m'attirer un petit peu l'attention de l'ensemble de l'équipe pour essayer d'apaiser et surtout éviter la prise de risque parce que je sentais vraiment que l'environnement était dangereux.

  • #0

    Ça y est, après quelques semaines de galère, vous avez enfin récupéré votre matériel. C'est parti, l'aventure commence. Vous embarquez dans un 4x4, c'est Ricardo qui va conduire ce 4x4. Vous vous mettez en route et direction donc le Maragnon ?

  • #1

    Complètement. Alors le départ s'est fait quasiment de nuit, puisque dès que nous avons récupéré le matériel, pour nous, il fallait que l'on parte le plus vite possible et qu'on quitte cette ville qui nous semblait... qui nous semblait très dangereuse. Le problème, c'est qu'à l'extérieur, nous avons rencontré d'abord une série de contrôles militaires qui ont fait monter encore un cran, je dirais, dans cette tension. Et puis ensuite, ça a été l'accès à la cordillère. pour rejoindre le camp de base. Alors nous sommes arrêtés dans un village, on va dire oui c'est une milice, mais surtout c'est un groupe qui vient de célébrer une espèce de fête et un des hommes du groupe transporte une tête de taureau qui vient d'être transie, le taureau étant le symbole de l'envahisseur espagnol. Et avec cette tête de taureau il vient... percuter notre 4x4. Et je sens effectivement que la bascule peut être très rapide et très violente. À plusieurs occasions, j'ai pu noter que ça pouvait très vite mal tourner. Il se trouve aussi que nous étions accompagnés par un médecin qui connaissait un petit peu l'environnement, mais qui nous accompagnait de façon très occasionnelle jusqu'à notre camp de base, et qui nous expliquait que c'était vraiment très dangereux.

  • #0

    Ricardo, le guide, va vous mettre en garde plusieurs fois sur les senderistas. N'oubliez jamais que nous sommes en pleine zone contrôlée par les sentiers lumineux qui sont partout. Ils sont dans les villages, ils sont dans les montagnes, donc faites attention. Et alors ça, ça fait bien rire Bruno qui va dire, je cite, Vous commencez à me courir avec vos senderistas à la con, foutez-moi la paix, je sais ce que j'ai à faire.

  • #1

    Il vit dans son monde. Sa seule préoccupation et le seul monde dans lequel il vit, c'est la descente de cette rivière. et point et il en reste là en franchissant un lieu avec des habitations on constate qu'on n'était pas forcément les bienvenus et ça c'était je dirais la conséquence de cette ambiance un petit peu tendue et puis de la présence de blancs dans un environnement qu'on n'avait quasiment jamais vu et puis Je suis bien constaté que pour les habitants des villages, on était considérés comme des gringos. D'ailleurs, on nous appelait gringos. Les gens ne faisaient pas du tout la différence entre ce que pouvait être un Français, ce que pouvait être quelqu'un qui venait faire une expédition pour découvrir les sources de l'Amazone. Nous étions des gringos avec tout le côté négatif que ça peut avoir. ça pouvait entraîner.

  • #0

    À ce moment-là, il y en a un qui commence à ralentir le groupe. C'est François, qui a le mal des montagnes sans doute, et qui s'arrête de plus en plus souvent pour vomir.

  • #1

    Complètement. Nous allons accéder à une altitude relativement importante puisqu'on passera proche de 4 500, voire un peu plus. Donc effectivement, là, ça commence à mal tourner pour lui. Et je sens que le reste de l'équipe, c'est-à-dire les trois autres, commence à piétiner et à considérer qu'en fait, c'est un boulet. Il est surtout là pour freiner. l'expédition. Et connaissant les symptômes du mal aigu des montagnes, je pensais que ça pouvait être très vite et très mal tourné.

  • #0

    Bruno, lui, il est de plus en plus agacé de la situation, du fait d'être ralenti par François qui se sent mal. Et donc, à un moment donné, il va se redresser, il va lancer à l'ensemble du groupe d'un ton cassant. J'ai trop investi dans le projet, personne ne va m'empêcher d'aller jusqu'au bout, même si je dois me séparer de l'un d'entre nous, mort ou vif. Toi, tu réagis comment à cette phrase ?

  • #1

    Je considère que le contexte lui fait dire des choses qui vont au-delà de sa pensée. J'ai toujours à ce moment-là l'espoir de le faire revenir dans le droit chemin et de lui expliquer, de lui faire comprendre qu'effectivement, on a tous envie d'aller au bout de cette expédition, mais il est hors de question d'imaginer... que l'un d'entre nous puisse y rester. Ça, pour moi, c'est impossible. Je ferai tout ce que je pourrais pour faire arrêter cette expédition s'il le faut. Alors, dans mon esprit, pour moi, je souhaitais toujours aller au bout de cette expédition, d'autant plus qu'il me semblait que nous pouvions assurer la sécurité du groupe, puisque le fait d'avoir deux bateaux était quand même une garantie de sécurité en cas de problème.

  • #0

    Et là, tu vas te poser pour la première fois la question, je te cite dans ton livre, Faut-il que je m'oppose physiquement à la folie de Bruno et des deux autres, ou que je déclare simplement forfait en abandonnant le combat ?

  • #1

    Cette décision, en fait, elle était parue évidente le jour où François était vraiment très très malade et qu'il ne pouvait plus bouger à ce moment-là. Lorsque j'ai vu les trois autres nous laisser et nous préciser qu'il n'était pas possible de rester une journée de plus de façon à ce que... François se repose. Là, j'ai bien compris que ce n'était plus possible. Pour moi, on avait franchi le Rubicon. On ne pouvait plus rester dans cet environnement. Je sentais vraiment qu'on risquait la vie de quelqu'un et il fallait absolument qu'on sorte de cette affaire, quitte à les laisser partir. Et puis, j'abandonnais le projet de ramener le groupe à de meilleurs principes.

  • #0

    Pascal, toi, t'as vraiment pensé qu'il était vraiment très mal, François, et qu'éventuellement, il allait y passer ?

  • #1

    Oui, parce qu'il était vraiment particulièrement mal, d'autant qu'on n'avait plus rien pour le soigner. J'étais pas... vraiment certains qui puissent s'en sortir. Donc je me suis posé tout un tas de questions, mais la réponse était simple, on ne pouvait pas avancer, on ne pouvait plus avancer dans ces conditions-là, parce qu'il en était incapable. Donc pour moi c'était de rester jusqu'à temps qu'il aille mieux, quitte à y passer quelques temps.

  • #0

    Finalement, la rupture est consommée, ça y est, il y a désormais deux équipes. Une première équipe qui continue l'expédition, elle est menée par Bruno, le chef d'expédition. Et puis, il y a ton équipe à toi avec François. Vous, vous avez décidé d'arrêter cette expédition, d'arrêter cette aventure et de regagner dans un premier temps Lima, puis la France. Le retour en France va se faire non sans grandes difficultés. Il y a à nouveau des problèmes administratifs, mais enfin, ça y est, vous réussissez au bout de quelques semaines à embarquer dans un avion. Retour donc... En France, et au bout de quelques semaines, nous sommes le 28 octobre, toi tu es dans un restaurant Pascal, et on vient t'apporter une très mauvaise nouvelle qui va changer radicalement ta vie à jamais.

  • #1

    Oui complètement, alors en fait c'est une amie qui m'appelle pour me préciser qu'une expédition française sur l'Amazone est portée disparue. Il y a quelques jours,

  • #0

    au cours du ralph, dans une réserve à Guaruna, une dispute aurait éclaté entre les membres d'une expédition. Bruno Rossell, 28 ans, Léo Davrou, 25 ans, Patrick Muller, 24 ans, leur compagnon péripéen Edison Sanchez, 27 ans, étudiant en orographie, et les habitants de la communauté indienne. Cette dispute se serait achevée par le massacre des quatre jeunes gens.

  • #1

    Pour commencer, c'est le doute. Je ne veux pas croire à cette version des fêtes. Et puis, il y a un autre phénomène, c'est l'apparition dans le groupe d'un Péruvien. Je me pose la question, parce que lorsque nous nous sommes quittés, ils étaient tous les trois. Donc, pourquoi aurait-il récupéré quelqu'un ? Alors, bien sûr, on peut imaginer que quelqu'un pouvait les aider dans le cadre du guidage sur la rivière. mais il y avait trop de questions en suspens pour que je prenne l'information comme ça de façon brute. Il s'est passé quelque chose d'assez troublant, je dirais, à ce moment-là. Cette amie péruvienne qui nous avait accompagnés sur Lima, vivant à Toulouse, me précise qu'elle a un ami à... Un Péruvien qui vient d'arriver sur Toulouse, il y a peu de temps, qui vient visiter sa famille, etc. Elle me propose d'aller lui rendre visite. Et ce que nous faisons, un samedi après-midi, nous nous y rendons. Et au moment où je rentre dans l'appartement et que je m'adresse à cette personne, Il me dit effectivement, j'ai entendu parler de cette histoire, etc. Et il me dit, mais comment s'appelle le Péruvien qui a accompagné votre ami ? À ce moment-là, je lui ai donné le nom, Edison Sanchez. Et à ce moment-là, il me précise... C'est presque miraculeux parce que c'est un Péruvien à Toulouse et il me précise que c'est en fait son ami d'enfance, ce qui paraît quasiment improbable. Et étant son ami d'enfance, il me dit mais je vais t'accompagner pour savoir exactement ce qu'il en est, s'il y a des gens qui ont pu survivre, etc. Je vais t'accompagner dans tes démarches. de façon à peut-être aller plus loin. Néanmoins, je souhaite qu'on ne parle pas de moi parce que je n'ai pas envie d'avoir des pressions sur Lima, etc. Alors il se trouve que le fait de rencontrer cette personne qui est un ami d'enfance du Péruvien me permet de rentrer directement en contact avec les familles, la famille, je dirais, de ce Péruvien, ce que je fais directement par téléphone. Un des frères me précise, il me dit qu'il nous donnera des informations à partir du moment où quelqu'un vient à Lima pour mettre en place une enquête. Donc nous partons dans cet objectif et savoir si on peut sauver quelqu'un. Je souhaitais quand même une protection de la part de notre diplomatie et puis m'entourer quand même, même si ce n'était pas forcément évident, de la protection à la fois judiciaire et policière locale. Et nous avons souhaité refaire le trajet en interrogeant autour de nous.

  • #0

    Ton enquête va durer plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années même. Au bout du compte, quel est ton regard sur la situation ? Qu'est-ce qui s'est réellement passé d'après toi ? Est-ce qu'il s'agit d'un assassinat ?

  • #1

    Alors, d'abord, je dirais les raisons. Les raisons sont d'une part le vol. Et puis, sur cette région vivent ce qu'on appelle les Awahouna. Les Awahouna sont des Jivaro. Alors, les Jivaro... Le monde sait, ce sont des Indiens relativement médicaux.

  • #0

    Il y a des rumeurs qui vont arriver à tes oreilles, des rumeurs qui circulent dans tous les villages, surtout ceux du fin fond de la cordillère des Andes. On raconte que, je cite, des gringos seraient venus à une époque dans la forêt pour massacrer des enfants et des vieillards afin de prélever leur sang et leur graisse.

  • #1

    Alors effectivement, un vieux mythe indien qui raconte que... Très précis, c'est le mythe des Pistakos, qui a évolué dans le temps, qui existait déjà à l'époque pré-Inca et Inca. Puis ensuite, en fait, ces monstres sont devenus les conquistadors. Et puis, il y a eu une transformation dans le temps, un mythe qui a préexisté et qui existe toujours.

  • #0

    Et donc, selon toi, Pascal, il y aurait un lien entre ce mythe qui circule dans la cordillère des Andes et... Et l'assassinat de tes coéquipiers ?

  • #1

    Cette suspicion de mythe. On aurait pris le groupe, et notamment le groupe des Français, pour des piches tacos. Et c'était l'occasion de les éliminer d'une part, et puis de récupérer leur... Leur matériel. Ensuite, dans le détail, j'ai pu détailler le déroulé et les dernières heures où ils ont été appréhendés sur le bord d'une rivière et là, ils ont été massacrés. Alors, séparés avec le Péruvien. mais aussi lui-même éliminé pour éviter de voir des témoins, de laisser des témoins.

  • #0

    Il y a même un élément fort qui vient confirmer cette hypothèse de cet assassinat. On aurait vu, c'est une infirmière qui l'a raconté, flotter dans le Maragnon des cadavres, avec notamment des chevelures blondes.

  • #1

    Complètement. Il faut savoir que des cadavres... Dans ces environnements, il y en a très très très très très régulièrement. Mais celui-là était particulier parce qu'effectivement, avec une couleur de peau particulière et puis avec une chevelure particulière qui pouvait laisser croire qu'en fait, on n'avait pas affaire des Amérindiens mais à des Blancs. Alors je me suis toujours posé la question, est-ce que j'aurais fait quelque chose, est-ce que j'aurais dit quelque chose qui aurait pu faire basculer ? Mais avec le temps et surtout avec l'écriture de ce livre, je crois que je m'en suis sorti. Ça a été une façon de sortir un peu de cet impasse et de comprendre qu'en fait... Ça s'est fait parce qu'il y a tout un tas de circonstances qui se sont mises en place. Aujourd'hui, c'est vrai que je vois le livre comme quelque chose de complètement indépendant. Je m'en suis complètement détaché.

  • #0

    Lui, François, il n'a pas eu ce besoin, comme tu l'as eu, de revenir sur les lieux du drame. Il n'a pas eu forcément cette culpabilité du survivant, d'après toi ?

  • #1

    Alors lui, je pense que lui est allé loin quand même dans son... dans sa souffrance. Et bien sûr, il a très mal vécu la réaction du groupe. Et il a voulu occulter ce moment de vie. Alors il se trouve que je l'ai retrouvé il y a peu de temps. Et effectivement... La relation est un peu bizarre parce qu'elle a complètement changé. J'ai plus affaire à ce jeune plein de remarques et de réflexions, je dirais, désobligeantes. Mais effectivement, pour lui, ça reste un moment très, très, très difficile qu'il a voulu occulter.

  • #0

    Dans ton livre, Le mythe assassin, tu dis que la descente du Maragnon restera à jamais la pire expérience de ta vie, Pascal.

  • #1

    Alors à la fois, j'ai envie de dire la pire et paradoxalement, j'ai presque envie de dire que c'est les moments pour lesquels on s'est retrouvé avec un seul objectif, c'est-à-dire survivre, étaient presque les meilleurs de ma vie. Parce que c'est vraiment des moments où... L'objectif est simple, l'idée étant de survivre, on évite de se poser d'autres questions. Je veux dire, la vie est simple.

  • #0

    Merci à toi Pascal Moreno d'être venu nous raconter cette aventure. Le mythe assassin, c'est ton ouvrage aux éditions Le Lys Bleu, un ouvrage d'ailleurs que tu as mis quelques années à accoucher.

  • #1

    Oui, effectivement, j'aime bien le terme accoucher parce qu'on sait séparer maintenant. La Fabrique Audio présente La Petite Histoire Vous souhaitez devenir sponsor de ce podcast ?

Description

Nous sommes en Août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Marañón, une source de l’Amazone. Mais parmi le groupe de rafteurs… seuls 2 vont revenir en vie.

L’un d’eux c’est Pascal Moreno. Il a écrit l’ouvrage Le mythe assassin, son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu. Un livre dans lequel il revient sur l’enquête qu’il a menée pendant plusieurs décennies pour comprendre ce qui était arrivé à ses équipiers de l’expédition.


La Petite Histoire est un podcast de La Fabrik Audio. Un épisode bonus écrit, présenté et mixé par Florent Mounier.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • #0

    Nous sommes en août 1989. Un groupe de jeunes aventuriers part au Pérou pour naviguer sur le Maragnon, une source de l'Amazone. Mais parmi le groupe de rafters, seuls deux vont revenir en vie. L'un d'eux, c'est Pascal Moreno. Alors que s'est-il passé là-bas ? Pascal Moreno a écrit l'ouvrage Le mythe assassin une enquête qui lui a permis de revenir sur ce terrible drame. C'est en quelque sorte son carnet de voyage aux éditions Le Lys Bleu.

  • #1

    La Fabrique Audio présente La Petite Histoire. C'est une soirée de septembre en fin de saison un peu tristounette sur le bord du Gave de Pau. Et à ce moment mon ami me précise qu'il va recevoir un jeune homme qui a comme objectif de... descendre et de découvrir, descendre sur près de 1000 km, ce qui est considéré à ce moment-là comme la source de l'Amazone. Cette source étant le Maragnon. Il faut savoir qu'aujourd'hui, elle a évolué, puisque ce n'est plus le Maragnon qui est considéré comme la source. Mais à cette époque, c'était véritablement le début de ce fleuve majestueux.

  • #0

    Alors cet homme-là, il s'appelle Bruno. En tout cas, c'est comme ça que tu vas l'appeler dans ton ouvrage, parce que tu as changé l'ensemble des prénoms pour respecter l'identité de chacun. Qu'est-ce qu'il va te dire, ce Bruno, sur l'expédition qu'il s'apprête à mener d'ici quelques semaines ?

  • #1

    Avant tout, il va nous parler de... de la rivière Rennes, qui est l'Amazone, et aujourd'hui le plus grand fleuve au monde, qui représente environ un cinquième du débit d'eau douce au monde. C'est comme pour un montagnard à affronter l'Everest, c'est vraiment le Graal. J'ai retrouvé un petit peu dans la littérature plusieurs écrivains qui ont écrit justement sur cette rivière. C'est une rivière tumultueuse. et puis surtout inconnue, puisqu'elle franchit des canyons qui ont été inexplorés, si ce n'est juste pendant l'entre-deux-guerres, par un Allemand, Herbert Rettlinger, qui a navigué une vingtaine de kilomètres. Il a failli laisser la vie, d'ailleurs, dans des conditions un petit peu... Un petit peu limite pour cette époque.

  • #0

    Donc vous êtes là dans cette soirée en train de parler d'aventure, de parler du Maragnon, de cette éventuelle future expédition. Qu'est-ce que tu entrevois chez lui, chez ce Bruno ?

  • #1

    Dans son discours, il est quand même assez structuré parce qu'il va... proposé comme une expédition avec une équipe structurée. Ils nous précisent qu'il y aura une équipe médicale, des techniciens de la navigation, et puis des gens des médias, notamment un film qui devrait être fait et qui devrait être porté par une chaîne de télévision.

  • #0

    Donc, si je comprends bien, c'est une équipe qui est en train de se mettre en place, c'est une équipe de combien de personnes ?

  • #1

    10 personnes avec plusieurs embarcations, donc la possibilité aussi d'assurer la sécurité, je dirais, sur la navigation.

  • #0

    Une équipe médicale pour ce projet, on l'a compris, une équipe de télé également. Et puis alors, côté aventurier, ils recherchent qui finalement comme aventurier ce Bruno ?

  • #1

    Ils venaient rechercher essentiellement des guides, des guides de rivière, des professionnels de la rivière. Et c'était la raison pour laquelle... Il avait pris contact avec mon ami Mathias. En ce qui me concerne, j'ai pris un temps avant de prendre ma décision, puisqu'il me l'a proposé effectivement. Mais j'ai pris un temps, puisque j'étais moi-même fonctionnaire d'État, et il était un peu difficile de me mettre en disponibilité. Donc j'ai dû négocier. D'autre part, c'est vrai que le financement... Ce n'était pas ce qui était prévu à l'origine, donc le chef d'expédition a été contraint de réduire la voilure en personnel.

  • #0

    Donc au lieu de partir à 11 ou 12, vous vous retrouvez à 5 dans cette aventure, c'est ça ?

  • #1

    Tout à fait, 5 avec deux embarcations et essentiellement des gens de la rivière. Et lui devait assurer la couverture médiatique de cette expédition. Merci. concernant le film, les financements n'étant pas là, il avait été annulé.

  • #0

    Quand on est aventurier comme toi, Pascal, tu n'en étais pas à ta première aventure, qu'est-ce qu'on vient rechercher chez un chef de projet, un chef d'aventure, un chef d'expédition comme Bruno ?

  • #1

    D'abord, quelqu'un de structuré, qui a étudié l'environnement dans lequel on va se poser, quelqu'un qui est capable aussi de manager une équipe, quelqu'un qui va être capable... de dire non, d'arrêter la machine si le danger est vraiment trop présent.

  • #0

    Pascal, toi au moment de l'aventure, tu es jeune, tu as 30 ans, mais les autres coéquipiers sont encore plus jeunes que toi.

  • #1

    Complètement. Dans le groupe, je suis le plus âgé. Donc pour Mathias, mon ami... qui va participer au recrutement des guides, je vais être celui qui va essayer de poser l'équipe et qui va essayer d'aider à prendre les décisions les plus judicieuses au niveau de la sécurité, sachant que comme tous, personnellement, j'ai envie d'assurer cette expédition jusqu'à son terme.

  • #0

    Le défi est donc lancé. Dans ton livre, Pascal, tu parles d'un projet insensé et magique. Pourquoi insensé, pourquoi magique ?

  • #1

    Alors, insensé parce qu'on va naviguer une rivière inconnue avec des dangers qui vraisemblablement vont être relativement importants. L'Amazon, ça reste quand même un lieu magique assez peu connu et entouré de tout un tas de légendes et d'histoires. Donc c'est ce côté magique qui va aussi m'attirer.

  • #0

    Allez c'est parti, c'est le jour du départ, sauf que ce jour-là il y a un changement et de taille, l'un des équipiers n'a pas pu venir. Finalement c'est François qui vous rejoint au pied levé et qui vient donc faire un remplacement de dernière minute. Ça se fait ça dans le monde de l'aventure, de changer des équipes au dernier moment ?

  • #1

    De préférence non bien sûr, mais dans le cas présent il fallait absolument compléter l'équipe puisqu'on avait prévu deux embarcations. Une technique de navigation un petit peu particulière qui nécessitait quand même la présence au moins de 2 à 3 équipés par embarcation. Donc le chef d'expédition était dans l'obligation de recruter au plus tôt un guide qu'il est allé chercher sur les cours d'eau des Halles.

  • #0

    Alors la première fois que tu rencontres François, en tout cas c'est comme ça que tu l'appelles dans ton ouvrage, au premier abord il éveille ta sympathie ou pas vraiment ?

  • #1

    Pas exactement, c'est le petit jeune qui va nous faire des remarques et des réflexions souvent désobligeantes. Et je dois dire que je n'apprécie pas forcément, ça ne met pas forcément une ambiance des plus sereines dans l'équipe.

  • #0

    Atterrissage au Pérou, arrivée à Lima, et là vous êtes aussitôt plongée dans une ambiance lourde qui règne dans le pays avec de nombreux militaires dans les rues. Il se passe quoi à ce moment-là au Pérou ?

  • #1

    Alors le Pérou est dans un état, je dirais, quasiment de guerre civile, puisqu'on peut observer la montée de la subversion, subversion qui a été pilotée à l'époque par ce qu'on appelait le groupe des sentiers lumineux et du MRTA, le mouvement révolutionnaire Tupac Amaru, qui était juste à la limite de faire basculer l'État à ce moment-là. Donc la ville... Notre entrée, notre première entrée dans Lima était un peu particulière parce qu'on découvrait vraiment une... Une ville en guerre, les attentats sur les sites stratégiques aussi, les bombes sur les sites stratégiques, les impacts de balles sur les murs, etc. Et ça pour nous c'était du cinéma. Et heureusement qu'à notre arrivée j'avais une amie péruvienne que j'avais rencontrée à Toulouse et qui nous a reçus je dirais à l'aéroport avec son compagnon et qui nous a guidés sur nos premiers pas en nous expliquant un petit peu ce qui se... se passer dans cette ville.

  • #0

    L'arrivée est assez compliquée, je dirais, pour votre groupe, parce que vous devez faire des papiers administratifs, on ne veut pas vous rendre votre matériel, vous avez beaucoup de matos, vous devez le récupérer absolument, et ça, ça met des premières tensions dans le groupe.

  • #1

    Complètement. Et ça, là aussi, dans notre logique occidentale, nous n'imaginions pas toute cette corruption et tous ces problèmes qui pouvaient se présenter à nous. Pour nous, dans notre démarche, on devait sortir de l'aéroport avec notre matériel sans aucun problème. Et là, ça a duré près d'une semaine en allant chercher. des avocats, en mettant la pression, puis surtout, à la fin, en étant aidé par le ministère du tourisme et par une personne du ministère du tourisme qui nous a permis de sortir notre matériel et de nous sortir de cette impasse.

  • #0

    Ce premier moment de tension dans le groupe te permet d'observer les attitudes des uns et des autres. Il y en a un que tu observes, c'est Bruno qui semble avoir quelques attitudes violentes. Et alors il y a une personnalité qui semble garder, elle, son sang-froid en toute situation, c'est Léo. Et alors tu vas te confier à lui sur Bruno, sur ses emportements.

  • #1

    Complètement, j'ai tout de suite pensé qu'il me fallait attirer l'ensemble de l'équipe pour nous opposer un petit peu à cette violence et à cette fougue qui se traduisait par de la violence de la part de Bruno. Donc j'ai essayé de m'attirer un petit peu l'attention de l'ensemble de l'équipe pour essayer d'apaiser et surtout éviter la prise de risque parce que je sentais vraiment que l'environnement était dangereux.

  • #0

    Ça y est, après quelques semaines de galère, vous avez enfin récupéré votre matériel. C'est parti, l'aventure commence. Vous embarquez dans un 4x4, c'est Ricardo qui va conduire ce 4x4. Vous vous mettez en route et direction donc le Maragnon ?

  • #1

    Complètement. Alors le départ s'est fait quasiment de nuit, puisque dès que nous avons récupéré le matériel, pour nous, il fallait que l'on parte le plus vite possible et qu'on quitte cette ville qui nous semblait... qui nous semblait très dangereuse. Le problème, c'est qu'à l'extérieur, nous avons rencontré d'abord une série de contrôles militaires qui ont fait monter encore un cran, je dirais, dans cette tension. Et puis ensuite, ça a été l'accès à la cordillère. pour rejoindre le camp de base. Alors nous sommes arrêtés dans un village, on va dire oui c'est une milice, mais surtout c'est un groupe qui vient de célébrer une espèce de fête et un des hommes du groupe transporte une tête de taureau qui vient d'être transie, le taureau étant le symbole de l'envahisseur espagnol. Et avec cette tête de taureau il vient... percuter notre 4x4. Et je sens effectivement que la bascule peut être très rapide et très violente. À plusieurs occasions, j'ai pu noter que ça pouvait très vite mal tourner. Il se trouve aussi que nous étions accompagnés par un médecin qui connaissait un petit peu l'environnement, mais qui nous accompagnait de façon très occasionnelle jusqu'à notre camp de base, et qui nous expliquait que c'était vraiment très dangereux.

  • #0

    Ricardo, le guide, va vous mettre en garde plusieurs fois sur les senderistas. N'oubliez jamais que nous sommes en pleine zone contrôlée par les sentiers lumineux qui sont partout. Ils sont dans les villages, ils sont dans les montagnes, donc faites attention. Et alors ça, ça fait bien rire Bruno qui va dire, je cite, Vous commencez à me courir avec vos senderistas à la con, foutez-moi la paix, je sais ce que j'ai à faire.

  • #1

    Il vit dans son monde. Sa seule préoccupation et le seul monde dans lequel il vit, c'est la descente de cette rivière. et point et il en reste là en franchissant un lieu avec des habitations on constate qu'on n'était pas forcément les bienvenus et ça c'était je dirais la conséquence de cette ambiance un petit peu tendue et puis de la présence de blancs dans un environnement qu'on n'avait quasiment jamais vu et puis Je suis bien constaté que pour les habitants des villages, on était considérés comme des gringos. D'ailleurs, on nous appelait gringos. Les gens ne faisaient pas du tout la différence entre ce que pouvait être un Français, ce que pouvait être quelqu'un qui venait faire une expédition pour découvrir les sources de l'Amazone. Nous étions des gringos avec tout le côté négatif que ça peut avoir. ça pouvait entraîner.

  • #0

    À ce moment-là, il y en a un qui commence à ralentir le groupe. C'est François, qui a le mal des montagnes sans doute, et qui s'arrête de plus en plus souvent pour vomir.

  • #1

    Complètement. Nous allons accéder à une altitude relativement importante puisqu'on passera proche de 4 500, voire un peu plus. Donc effectivement, là, ça commence à mal tourner pour lui. Et je sens que le reste de l'équipe, c'est-à-dire les trois autres, commence à piétiner et à considérer qu'en fait, c'est un boulet. Il est surtout là pour freiner. l'expédition. Et connaissant les symptômes du mal aigu des montagnes, je pensais que ça pouvait être très vite et très mal tourné.

  • #0

    Bruno, lui, il est de plus en plus agacé de la situation, du fait d'être ralenti par François qui se sent mal. Et donc, à un moment donné, il va se redresser, il va lancer à l'ensemble du groupe d'un ton cassant. J'ai trop investi dans le projet, personne ne va m'empêcher d'aller jusqu'au bout, même si je dois me séparer de l'un d'entre nous, mort ou vif. Toi, tu réagis comment à cette phrase ?

  • #1

    Je considère que le contexte lui fait dire des choses qui vont au-delà de sa pensée. J'ai toujours à ce moment-là l'espoir de le faire revenir dans le droit chemin et de lui expliquer, de lui faire comprendre qu'effectivement, on a tous envie d'aller au bout de cette expédition, mais il est hors de question d'imaginer... que l'un d'entre nous puisse y rester. Ça, pour moi, c'est impossible. Je ferai tout ce que je pourrais pour faire arrêter cette expédition s'il le faut. Alors, dans mon esprit, pour moi, je souhaitais toujours aller au bout de cette expédition, d'autant plus qu'il me semblait que nous pouvions assurer la sécurité du groupe, puisque le fait d'avoir deux bateaux était quand même une garantie de sécurité en cas de problème.

  • #0

    Et là, tu vas te poser pour la première fois la question, je te cite dans ton livre, Faut-il que je m'oppose physiquement à la folie de Bruno et des deux autres, ou que je déclare simplement forfait en abandonnant le combat ?

  • #1

    Cette décision, en fait, elle était parue évidente le jour où François était vraiment très très malade et qu'il ne pouvait plus bouger à ce moment-là. Lorsque j'ai vu les trois autres nous laisser et nous préciser qu'il n'était pas possible de rester une journée de plus de façon à ce que... François se repose. Là, j'ai bien compris que ce n'était plus possible. Pour moi, on avait franchi le Rubicon. On ne pouvait plus rester dans cet environnement. Je sentais vraiment qu'on risquait la vie de quelqu'un et il fallait absolument qu'on sorte de cette affaire, quitte à les laisser partir. Et puis, j'abandonnais le projet de ramener le groupe à de meilleurs principes.

  • #0

    Pascal, toi, t'as vraiment pensé qu'il était vraiment très mal, François, et qu'éventuellement, il allait y passer ?

  • #1

    Oui, parce qu'il était vraiment particulièrement mal, d'autant qu'on n'avait plus rien pour le soigner. J'étais pas... vraiment certains qui puissent s'en sortir. Donc je me suis posé tout un tas de questions, mais la réponse était simple, on ne pouvait pas avancer, on ne pouvait plus avancer dans ces conditions-là, parce qu'il en était incapable. Donc pour moi c'était de rester jusqu'à temps qu'il aille mieux, quitte à y passer quelques temps.

  • #0

    Finalement, la rupture est consommée, ça y est, il y a désormais deux équipes. Une première équipe qui continue l'expédition, elle est menée par Bruno, le chef d'expédition. Et puis, il y a ton équipe à toi avec François. Vous, vous avez décidé d'arrêter cette expédition, d'arrêter cette aventure et de regagner dans un premier temps Lima, puis la France. Le retour en France va se faire non sans grandes difficultés. Il y a à nouveau des problèmes administratifs, mais enfin, ça y est, vous réussissez au bout de quelques semaines à embarquer dans un avion. Retour donc... En France, et au bout de quelques semaines, nous sommes le 28 octobre, toi tu es dans un restaurant Pascal, et on vient t'apporter une très mauvaise nouvelle qui va changer radicalement ta vie à jamais.

  • #1

    Oui complètement, alors en fait c'est une amie qui m'appelle pour me préciser qu'une expédition française sur l'Amazone est portée disparue. Il y a quelques jours,

  • #0

    au cours du ralph, dans une réserve à Guaruna, une dispute aurait éclaté entre les membres d'une expédition. Bruno Rossell, 28 ans, Léo Davrou, 25 ans, Patrick Muller, 24 ans, leur compagnon péripéen Edison Sanchez, 27 ans, étudiant en orographie, et les habitants de la communauté indienne. Cette dispute se serait achevée par le massacre des quatre jeunes gens.

  • #1

    Pour commencer, c'est le doute. Je ne veux pas croire à cette version des fêtes. Et puis, il y a un autre phénomène, c'est l'apparition dans le groupe d'un Péruvien. Je me pose la question, parce que lorsque nous nous sommes quittés, ils étaient tous les trois. Donc, pourquoi aurait-il récupéré quelqu'un ? Alors, bien sûr, on peut imaginer que quelqu'un pouvait les aider dans le cadre du guidage sur la rivière. mais il y avait trop de questions en suspens pour que je prenne l'information comme ça de façon brute. Il s'est passé quelque chose d'assez troublant, je dirais, à ce moment-là. Cette amie péruvienne qui nous avait accompagnés sur Lima, vivant à Toulouse, me précise qu'elle a un ami à... Un Péruvien qui vient d'arriver sur Toulouse, il y a peu de temps, qui vient visiter sa famille, etc. Elle me propose d'aller lui rendre visite. Et ce que nous faisons, un samedi après-midi, nous nous y rendons. Et au moment où je rentre dans l'appartement et que je m'adresse à cette personne, Il me dit effectivement, j'ai entendu parler de cette histoire, etc. Et il me dit, mais comment s'appelle le Péruvien qui a accompagné votre ami ? À ce moment-là, je lui ai donné le nom, Edison Sanchez. Et à ce moment-là, il me précise... C'est presque miraculeux parce que c'est un Péruvien à Toulouse et il me précise que c'est en fait son ami d'enfance, ce qui paraît quasiment improbable. Et étant son ami d'enfance, il me dit mais je vais t'accompagner pour savoir exactement ce qu'il en est, s'il y a des gens qui ont pu survivre, etc. Je vais t'accompagner dans tes démarches. de façon à peut-être aller plus loin. Néanmoins, je souhaite qu'on ne parle pas de moi parce que je n'ai pas envie d'avoir des pressions sur Lima, etc. Alors il se trouve que le fait de rencontrer cette personne qui est un ami d'enfance du Péruvien me permet de rentrer directement en contact avec les familles, la famille, je dirais, de ce Péruvien, ce que je fais directement par téléphone. Un des frères me précise, il me dit qu'il nous donnera des informations à partir du moment où quelqu'un vient à Lima pour mettre en place une enquête. Donc nous partons dans cet objectif et savoir si on peut sauver quelqu'un. Je souhaitais quand même une protection de la part de notre diplomatie et puis m'entourer quand même, même si ce n'était pas forcément évident, de la protection à la fois judiciaire et policière locale. Et nous avons souhaité refaire le trajet en interrogeant autour de nous.

  • #0

    Ton enquête va durer plusieurs semaines, plusieurs mois, plusieurs années même. Au bout du compte, quel est ton regard sur la situation ? Qu'est-ce qui s'est réellement passé d'après toi ? Est-ce qu'il s'agit d'un assassinat ?

  • #1

    Alors, d'abord, je dirais les raisons. Les raisons sont d'une part le vol. Et puis, sur cette région vivent ce qu'on appelle les Awahouna. Les Awahouna sont des Jivaro. Alors, les Jivaro... Le monde sait, ce sont des Indiens relativement médicaux.

  • #0

    Il y a des rumeurs qui vont arriver à tes oreilles, des rumeurs qui circulent dans tous les villages, surtout ceux du fin fond de la cordillère des Andes. On raconte que, je cite, des gringos seraient venus à une époque dans la forêt pour massacrer des enfants et des vieillards afin de prélever leur sang et leur graisse.

  • #1

    Alors effectivement, un vieux mythe indien qui raconte que... Très précis, c'est le mythe des Pistakos, qui a évolué dans le temps, qui existait déjà à l'époque pré-Inca et Inca. Puis ensuite, en fait, ces monstres sont devenus les conquistadors. Et puis, il y a eu une transformation dans le temps, un mythe qui a préexisté et qui existe toujours.

  • #0

    Et donc, selon toi, Pascal, il y aurait un lien entre ce mythe qui circule dans la cordillère des Andes et... Et l'assassinat de tes coéquipiers ?

  • #1

    Cette suspicion de mythe. On aurait pris le groupe, et notamment le groupe des Français, pour des piches tacos. Et c'était l'occasion de les éliminer d'une part, et puis de récupérer leur... Leur matériel. Ensuite, dans le détail, j'ai pu détailler le déroulé et les dernières heures où ils ont été appréhendés sur le bord d'une rivière et là, ils ont été massacrés. Alors, séparés avec le Péruvien. mais aussi lui-même éliminé pour éviter de voir des témoins, de laisser des témoins.

  • #0

    Il y a même un élément fort qui vient confirmer cette hypothèse de cet assassinat. On aurait vu, c'est une infirmière qui l'a raconté, flotter dans le Maragnon des cadavres, avec notamment des chevelures blondes.

  • #1

    Complètement. Il faut savoir que des cadavres... Dans ces environnements, il y en a très très très très très régulièrement. Mais celui-là était particulier parce qu'effectivement, avec une couleur de peau particulière et puis avec une chevelure particulière qui pouvait laisser croire qu'en fait, on n'avait pas affaire des Amérindiens mais à des Blancs. Alors je me suis toujours posé la question, est-ce que j'aurais fait quelque chose, est-ce que j'aurais dit quelque chose qui aurait pu faire basculer ? Mais avec le temps et surtout avec l'écriture de ce livre, je crois que je m'en suis sorti. Ça a été une façon de sortir un peu de cet impasse et de comprendre qu'en fait... Ça s'est fait parce qu'il y a tout un tas de circonstances qui se sont mises en place. Aujourd'hui, c'est vrai que je vois le livre comme quelque chose de complètement indépendant. Je m'en suis complètement détaché.

  • #0

    Lui, François, il n'a pas eu ce besoin, comme tu l'as eu, de revenir sur les lieux du drame. Il n'a pas eu forcément cette culpabilité du survivant, d'après toi ?

  • #1

    Alors lui, je pense que lui est allé loin quand même dans son... dans sa souffrance. Et bien sûr, il a très mal vécu la réaction du groupe. Et il a voulu occulter ce moment de vie. Alors il se trouve que je l'ai retrouvé il y a peu de temps. Et effectivement... La relation est un peu bizarre parce qu'elle a complètement changé. J'ai plus affaire à ce jeune plein de remarques et de réflexions, je dirais, désobligeantes. Mais effectivement, pour lui, ça reste un moment très, très, très difficile qu'il a voulu occulter.

  • #0

    Dans ton livre, Le mythe assassin, tu dis que la descente du Maragnon restera à jamais la pire expérience de ta vie, Pascal.

  • #1

    Alors à la fois, j'ai envie de dire la pire et paradoxalement, j'ai presque envie de dire que c'est les moments pour lesquels on s'est retrouvé avec un seul objectif, c'est-à-dire survivre, étaient presque les meilleurs de ma vie. Parce que c'est vraiment des moments où... L'objectif est simple, l'idée étant de survivre, on évite de se poser d'autres questions. Je veux dire, la vie est simple.

  • #0

    Merci à toi Pascal Moreno d'être venu nous raconter cette aventure. Le mythe assassin, c'est ton ouvrage aux éditions Le Lys Bleu, un ouvrage d'ailleurs que tu as mis quelques années à accoucher.

  • #1

    Oui, effectivement, j'aime bien le terme accoucher parce qu'on sait séparer maintenant. La Fabrique Audio présente La Petite Histoire Vous souhaitez devenir sponsor de ce podcast ?

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