Speaker #1Je suis Thomas Clouet, je suis architecte, architecte du patrimoine et architecte en chef des monuments historiques depuis... Tout récemment, architecte du patrimoine, quel métier est-ce C'est une branche du métier d'architecte qui est spécialisée dans l'intervention sur le bâti ancien en général, et en particulier pour ce qui me concerne la restauration des monuments historiques. Quelles sont les particularités du travail sur le bâti ancien Déjà, il faut apprendre à le connaître, à l'étudier, à l'identifier. Identifier toutes les composantes de ce bâti ancien, de ce bâti qui existe, c'est l'une des premières missions de l'architecte du patrimoine. Et puis ensuite se déroulent les missions de maîtrise d'œuvre de manière tout à fait usuelle, comme pour tout projet d'architecture, avec différentes phases qui se succèdent, depuis l'avant-projet ou l'esquisse jusqu'à la réalisation des travaux, leur réception, et parfois les relevés de réserve, ou quand ça se passe mal, la garantie de parfait achèvement. En fait, qu'on soit architecte, architecte du patrimoine, architecte en chef des monuments historiques, les missions globalement sont les mêmes. L'architecte du patrimoine, c'est un diplôme, c'est-à-dire que c'est un diplôme... qui permet d'accéder à la maîtrise d'œuvres sur les monuments historiques classés en général et architecte en chef des monuments historiques. C'est donc un titre à l'issue d'un concours, un concours de la fonction publique de l'État qui permet pour le compte de l'État de restaurer les monuments historiques qui lui appartiennent. Comment suis-je arrivé au métier d'architecte et à me spécialiser dans le patrimoine Depuis longtemps, je m'intéresse au patrimoine, aux monuments historiques. Moi je ne m'en souviens pas, mais mes parents m'ont raconté que dès que j'avais 4 ou 5 ans, j'étais déjà très intéressé par les anciennes églises ou les châteaux. Ça a commencé, paraît-il, lors de vacances en Auvergne, avec les églises romanes d'Auvergne. Donc sujet d'intérêt précoce, et ensuite parcours relativement habituel, je suppose. En tout cas, j'ai fait des études d'architecture à Strasbourg, la suite de quoi je commençais à travailler. Et parallèlement, je me suis spécialisé dans le patrimoine, en suivant les cours de l'école de Ausha. Et puis, tout récemment, j'ai tenté le concours d'architecte en chef des monuments historiques. Et par bonheur, par chance, j'ai été reçu. La formation d'architecte se déroule aujourd'hui en 5 ans, plus un petit complément pour pouvoir exercer la maîtrise d'œuvre, pour pouvoir signer des plans. Alors quand moi, j'ai fait mes études, parce que je ne suis plus si jeune que ça, c'était un petit peu différent. C'était en 6 ans. Mais pas pour moi, parce que j'ai fait une école un petit peu différente des autres. J'ai étudié à l'École nationale supérieure des arts et industries de Strasbourg, qui ne porte pas. plus ce nom-là, qui s'appelle INSA désormais, qui elle dispensait des cours, en tout cas délivré un diplôme en quatre ans à l'issue d'une année de classe préparatoire. Ça faisait cinq ans après le bac malgré tout au total. Alors le diplôme d'architecte du patrimoine est livré à l'issue de deux ans d'études mais avec des cours parsemés sur l'année, c'est-à-dire qu'il y a environ deux jours de cours toutes les deux semaines, ce qui permet de travailler en parallèle. Ce n'est pas vraiment des cours du soir mais ça permet de bosser. Et pour ce qui est de devenir architecte en chef des monuments historiques, donc là c'est un titre... qui est donnée à l'issue d'un concours. C'est un concours de recrutement, tout simplement. L'État recrute des fonctionnaires pour à la fois surveiller, il y a des missions de conseil, de surveillance, et également assurer les missions de maîtrise d'œuvre sur les monuments historiques classés qui lui appartiennent. C'est un concours, donc il y a un nombre de places ouvertes, et ensuite, on est reçu ou on ne l'est pas. On peut parler des épreuves, donc c'est un concours qui a la particularité d'être assez long sur la durée. Puisque là, il y aura eu presque deux ans entre les inscriptions et la publication des résultats. C'est un concours qui comporte trois séries d'épreuves. Une première série d'épreuves écrites, qui comprend trois épreuves, deux loges d'une durée de 12 heures chacune. L'une pour établir un projet de confortation structurelle, une petite étude structurelle, projet de confortation et de restauration à la suite. Une autre épreuve, c'est un projet... plus de restauration et d'aménagement. Et enfin, une troisième épreuve qui est la plus courte, sur une durée de 5 heures, c'est une dissertation sur un sujet d'histoire de l'architecture. Donc on nous soumet deux sujets et on en choisit un. Donc ça, ce sont pour les épreuves écrites. On a lieu ensuite deux épreuves orales. Lors de la première, les candidats doivent se présenter, présenter leur parcours, comment ils en sont arrivés là. et ce qu'ils aiment, ce dont ils ont envie. Puis on peut être interrogé sur tout un tas de sujets liés au métier d'architecte en chef des monuments historiques. Ça va du droit du patrimoine, aux sujets techniques ou de mise en œuvre de matériaux. Et puis il y a une deuxième épreuve qui là est construite autour d'un sujet qu'on distribue aux candidats. Donc le sujet c'est environ 20 ou 25 pages de documents. Ça peut être des plans, ça peut être des photos, ça peut être des rapports écrits sur un monument en particulier. Généralement c'est un monument qui a des problèmes. Et donc il s'agit devant le jury de présenter ce monument, ce qu'on en a compris, identifier ces différentes périodes de construction, les problèmes qu'il peut avoir d'un point de vue structurel, sanitaire, de fonctionnement, de respect de la réglementation, et ensuite de présenter comment on interviendrait sur ce monument, à laquelle partie d'intervention, de restauration, on adopterait. Donc ça c'était la deuxième série d'épreuves. Et enfin une dernière épreuve, mais qui elle se déroule sur un... temps long, c'est-à-dire qu'on ne fait ça à genoux, on est libre, donc pendant une durée de 7 mois. Et donc là, on tire un sujet au sort dans un chapeau. Il s'agit d'un monument qui, là encore, un peu de la même façon, présente souvent des problèmes sanitaires ou structurels ou de fonctionnement, de réutilisation. Parfois ce sont des monuments abandonnés. Et donc, à nous de proposer un projet qui répond à tout cela. Et donc là, pour le coup, on a le droit, on a même le devoir d'aller se renseigner dans les centres d'archives pour consulter les archives des anciennes restaurations, ou la construction du bâtiment, ou de ses réparations anciennes. Ensuite, il faut en faire le relevé. On utilise un bâtiment, on commence par essayer d'abord de prendre connaissance de ses caractéristiques dimensionnelles, pour établir des plans, des coupes, des façades. En plus, comme c'est un concours... qui existe depuis longtemps. On aime bien, en tout cas le jury aime bien que les relevés soient jolis, qu'ils soient beaux, qu'ils soient en couleur, qu'ils soient aquarellés, qu'ils soient ombrés. Donc on se fait très plaisir là-dessus. Et ensuite, un projet de restauration, d'aménagement. Enfin voilà, ça dépend des monuments. Là, d'expérience, il y avait des sujets vraiment très variés qui ont été tirés au sort dans différentes régions de France par les candidats. Je travaille à l'agence de BDM, qui est une agence spécialisée dans l'intervention sur le patrimoine ancien, sur les monuments historiques, qui a été fondée par quatre architectes en chef des monuments historiques, justement, il y a une quinzaine d'années. Donc j'y travaille en tant que collaborateur d'architectes en chef. Et donc désormais, puisque je viens d'être reçu moi-même au concours d'architectes en chef, ça signifie que l'État va me confier un ou plusieurs monuments en charge. Alors évidemment, ça va modifier... un petit peu mes habitudes ou en tout cas ma façon de travailler au bureau. Alors je resterai au bureau, je pense que c'est vraiment une chance de travailler dans une agence de cette envergure et j'ai tout intérêt à y rester, d'autant que je m'entends parfaitement avec mes collègues et mes associés. Simplement, voilà, ce sera une façon un petit peu différente. Je serai davantage autonome, mais l'avantage de ces agences, c'est qu'on peut facilement partager et s'entraider. Nous travaillons à l'agence de BDM sur des projets très variés, des monuments de toutes les époques, depuis l'Antiquité jusqu'au XXe siècle, et depuis un corps de ferme jusqu'aux grandes cathédrales ou aux grands palais nationaux. On aborde donc le patrimoine sous toutes ses facettes, à la fois du... du point de vue de l'histoire de l'architecture, des types d'interventions, de restauration. Parfois, il s'agit aussi de mise aux normes techniques, tout simplement, ou d'adapter les monuments à des usages ou des fonctionnalités nouvelles. Voilà, il y a de la restauration pure, il y a beaucoup d'autres interventions très différentes. Et ensuite, plus dans le détail, on travaille à toutes les phases d'une opération, depuis le relevé, qu'on peut faire traditionnellement avec un mètre ruban. Alors aujourd'hui, on a des mètres laser et des niveaux, mais... Le travail est toujours plus ou moins le même. Parfois, on se fait aider par des géomètres. Ça existe également, qui ont du matériel aujourd'hui plus sophistiqué. Et puis ensuite, il y a les phases de diagnostic, les phases d'avant-projet, les phases de projet, puis le suivi des travaux. Mais finalement, tout ça est assez proche du milieu de l'architecture en général. Hormis l'étude du bâtiment existant, quand vous construisez une école ou un hôpital ou un logement, ça suit à peu près les mêmes étapes. J'ai découvert BDM, alors en fait, j'ai été embauché par Jacques... Moulin avant 2BDM. J'ai été embauché par Jacques Moulin en 2005 et c'est lui qui, avec trois confrères, trois associés, architecte en chef également, a fondé 2BDM en 2009. Et donc les quatre agences des quatre architectes en chef se sont retrouvées dans le même bocal au 1er janvier 2010. Voilà la naissance de 2BDM. Je constate assez régulièrement le fossé qu'il peut y avoir entre l'image que Monsieur Tout-le-Monde peut se faire du boulot d'architecte et la réalité des choses. En tout cas, le sentiment que j'en ai, c'est que beaucoup de gens nous imaginent un petit peu artistes, un petit peu dans les domaines des arts, on fait de la conception, tout ça est très sympathique. En réalité, le boulot est un petit peu différent. Il y a pas mal de tâches administratives, il y a surtout beaucoup de réglementations à respecter. aussi beaucoup de responsabilités. Le boulot d'architecte, en tout cas, quand il y a un problème dans un bâtiment, généralement, le premier qu'on vient chercher, c'est l'architecte, d'autant plus que, généralement, il est plutôt bien assuré. Il y a ce fossé qui existe entre les réalités, je pense, et l'imaginaire de beaucoup de monde.