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La vie en rouge

Je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir

Je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir

11min |26/05/2024
Play
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Je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir

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11min |26/05/2024
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Description

Dans cet épisode, Esther, 58 ans, qui a connu la prostitution à partir de ses 45 ans suite à de la violence conjugale, nous parle de l'illusion de pouvoir qu'elle avait alors qu'elle était dans le système, et de la réalité de la violence qu'elle subissait. Elle parle aussi d'un système où règne le mensonge, l'illusion, l'exploitation de la vulnérabilité.
Esther est anglophone, elle a enregistré en français, qu'elle parle couramment. Si vous souhaitez l'écouter avec des sous-titres, rendez-vous sur Youtube. Le témoignage d'Esther est par ailleurs disponible sur le site du Mouvement du Nid, à l'adresse ci-dessous :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast aborde des sujets difficiles, notamment des violences sexuelles.

  • Speaker #1

    On nous parle souvent du choix. Elles ont choisi. Elles aiment ça. Elles savent où elles vont.

  • Speaker #0

    Nous, survivantes d'inceste, de violences intrafamiliales ou de prostitution, on cherche la dissociation.

  • Speaker #2

    Nous, les survivantes de la prostitution, on est les dernières oubliées du mouvement MeToo.

  • Speaker #1

    Moi, je n'avais pas l'impression que c'était un métier. C'était un calvaire. Maintenant, j'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé.

  • Speaker #0

    Comment une banale jeune fille qui a... Pas spécialement de problème dans sa vie, il peut se retrouver sur le chemin de la prostitution.

  • Speaker #1

    Je suis survivante de la rue, je suis survivante de la prostitution.

  • Speaker #2

    J'avais envie de tout détruire, de casser toute ma vie. Je me retrouvais dans la prostitution de nouveau.

  • Speaker #0

    On ne peut pas guérir le viol avec le viol.

  • Speaker #2

    On a survécu.

  • Speaker #0

    La vie en rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. Épisode 11, je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Esther et je viens de Londres. J'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé. Alors c'est un peu différent que les femmes qui se trouvent dans la situation de prostitution quand elles sont beaucoup plus jeunes.

  • Speaker #0

    C'est suite à une relation avec un conjoint violent en fait que ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je me suis sortie d'un rapport où il y avait de la violence et de l'abus psychologique. J'étais dans un état un peu fragile et j'ai rencontré un homme avec lequel j'ai commencé à faire les scénarios de BDSM. Je pensais qu'il aurait pu me protéger, mais le prix pour ça c'était qu'il a commencé à me protéger avec des copains. Et après j'ai fait quelques films de BDSM. J'étais sur le point de perdre le logement, j'avais pas de boulot, j'avais pas de l'argent. J'ai rencontré une femme qui faisait les photos de charme. Quand je parlais avec elle, elle m'a dit pourquoi faire ça sans demander l'argent. Et à ce moment-là, je me suis dit, oui, c'est évident. En fait, j'ai découvert qu'il y avait un profil dans un site internet où les clients prostituaires rencontrent des femmes. C'est comme ça que j'ai commencé. Je n'étais pas protégé ou aidé par ma famille à cette époque-là. J'avais l'impression qu'il n'y avait personne qui s'occupait de moi. Ce mec qui m'a introduit à la BDSM, c'était comme le seul homme qui s'occupe de moi. C'était ça l'impression que j'avais. Je faisais beaucoup de choses qui répétaient les actes qu'on trouve dans le BDSM et tout ça. Les clients veulent souvent répéter ce qu'ils voient sur les films porno. Ça devient de plus en plus violent. Le porno en ligne, c'est la compétition entre le porno et les actes de violence dans la guerre et tout ça qu'on voit partout. Il y a 25 ans, c'était rare qu'on voyait par exemple les vidéos de les gens qui se font décapiter. Mais maintenant c'est presque partout. C'est ça la compétition pour les films pornos. Les scénarios qui se passent à Guantanamo, les gens qui travaillent dans les prisons, les chambres de torture et tout ça, ces gens savent bien comment ça change quelqu'un d'être victime des choses comme ça. Je faisais les films pendant que j'étais dans la situation de prostitution parce qu'il y avait des clients qui payaient pour ça. J'ai vendu les films sur mon profil. Les films, c'est comme les chansons à Spotify ou les vidéos à YouTube. Si vous êtes bien connu, les clients payent beaucoup plus pour ça. Alors c'est comme la publicité, c'est rien que ça. Si les films sont libres.

  • Speaker #0

    Si les vidéos sont gratuites, mais ça sert à ce que les clients payent plus cher.

  • Speaker #1

    Il y avait les clients qui demandaient, est-ce que vous pouvez faire un film avec ce scénario comme ça ? Des fois c'était le client qui avait été dans le film.

  • Speaker #0

    Ce sont les clients prostitueurs et le marché qui est organisé qui font qu'il y a une hiérarchie entre les différentes femmes qui sont prises dans la prostitution.

  • Speaker #1

    Oui, il y a une hiérarchie entre les femmes qui sont bien connues dans le porno. Ça dépend de l'accent que tu as, de l'origine ethnique. Les hommes fétichisent l'appartenance et l'origine ethnique des femmes dans le porno et aussi dans la prostitution. Partout dans le monde, il y a les femmes qui donnent moins de valeur. C'est un peu comme l'orientalisme et tout ça. Les hommes européens, américains, ils pensent Ah, mais pour ces femmes-là, c'est toujours normal, c'est de la nature et tout ça. Alors, pourquoi payer ? Il ne faut pas payer plus. Mais s'ils pensent que vous avez les origines plus élevées dans la société, ils paient plus.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à ce moment-là, tu revendiquais ou pas ? Ou est-ce que tu avais déjà l'impression de subir quelque chose ?

  • Speaker #1

    Je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir. Quand vous avez de l'argent, vous dépensez beaucoup de l'argent et après il n'y a rien. J'habitais dans un quartier très riche et le loyer était très haut. Mais aussi les clients attendent que vous vous habillez d'une façon, avec des vêtements qui coûtent très cher. J'étais trapped.

  • Speaker #0

    Piégé ?

  • Speaker #1

    Oui, mais aussi je ne connais personne qui était dehors de ce mode de vie. Je ne connais que les personnes dans la situation de prostitution, les proxénètes ou les clients. Ça s'est passé très vite. J'ai perdu le contact avec les amis que j'avais avant et tout ça parce que j'avais l'honte. J'avais l'honte, mais au même temps je disais que j'avais le pouvoir. En fait, c'était comme une espèce de me défendre.

  • Speaker #0

    Une défense contre...

  • Speaker #1

    Une défense contre ce qui s'est passé.

  • Speaker #0

    Ce qui t'arrivait.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant si tu peux nous raconter la façon dont ça s'est arrêté.

  • Speaker #1

    C'était comme dans les pièces de théâtre. Il y a le déus ex machina. Ma famille a découvert comment je gagnerais l'argent. Je t'ai invité... au dîner avec ma famille. J'ai dit non quand ils m'ont demandé que j'arrête tout ce que je fais. Et quelques jours après, il y avait des infirmiers qui arrivent chez moi. Et j'ai répété, j'ai le pouvoir et tout ça. Le jour avant, j'avais fait plusieurs tatouages. J'avais des tatouages partout et j'ai fait ça parce que j'étais sûre que j'allais mourir. Alors, en même temps que j'étais sûre que j'allais mourir, mais j'avais pas l'idée de comment éviter tout ça, je disais aux infirmières, moi j'ai le pouvoir, j'ai la chance, tout ça. Deux jours après, il y avait des psychiatres et des infirmiers et des flics qui arrivent à mon appart pour m'emprunter à l'hôpital psychiatrique. J'étais en colère, mais il y avait un infirmier qui me demandait Pourquoi vous êtes en colère ? Me voilà dans un hôpital psychiatrique. Une personne en situation de prostitution, il y a quelqu'un qui me croit. Je me suis rendu compte qu'il y avait des gens qui s'occupaient de moi. J'ai raconté comment je suis entré dans la situation. L'infirmière a essayé de faire ce qu'il pouvait faire pour changer les choses. Quand j'ai quitté l'hôpital après quelques semaines, les médecins ont trouvé le logement pour moi. C'était très important parce que j'étais presque deux ans dans les foyers. Quand j'avais des problèmes, quand j'étais dans le foyer, peut-être des fois je pensais, je trouvais un client comme ça, mais je pensais toujours à l'infirmière. Je pensais que je ne veux pas rendre...

  • Speaker #0

    Décevoir l'infirmière qui t'avait cru.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Donc en fait, il y a des moments pendant ces deux ans dans le foyer où c'était difficile, et tu n'avais pas d'argent, et tu ne savais pas toujours comment sortir, et tu pensais à retourner à la prostitution. Si je comprends bien, tu n'avais pas de troubles psychiatriques.

  • Speaker #1

    Après quelques années, je me demandais, c'était bizarre que, en même temps, je pensais à l'intérieur que j'allais mourir, mais je disais aux gens que j'avais le pouvoir. Et c'est comme ça que je me suis rendu compte que j'avais deux personnalités en même temps. C'est vrai que j'étais malade. J'étais tellement isolée parce que je connaissais pas les gens qui n'étaient pas dans la situation de prostitution. Quand j'étais dehors, j'ai rencontré beaucoup de femmes depuis que j'ai commencé à faire les choses avec l'activisme et tout ça, où on n'a fait tout à fait rien dans exactement les mêmes circonstances. C'est juste bien privilégié en fait. La situation de prostitution, ça va pour les autres, mais ça ne va pas pour les familles de grand statut.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es toujours en colère ?

  • Speaker #1

    Non. Ma famille avait raison. Je travaille avec les gens qui ont des difficultés psychiatriques.

  • Speaker #0

    Qui se remettent d'une maladie psychiatrique ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Je m'occupe de la santé.

  • Speaker #0

    La santé mentale ?

  • Speaker #1

    Oui. Je gagnais beaucoup moins d'argent. C'est beaucoup plus simple et j'ai les heures de travail. Des fois, j'ai rencontré des clients à 2h du matin, 8h du matin, 4h de l'après-midi. C'est pas du tout régulier et comme ça, j'avais du mal à dormir et c'est difficile de manger, de s'occuper de la santé physique. C'est beaucoup plus calme comme vie et c'est pour ça que j'ai plus de colère. Nous,

  • Speaker #2

    Alexine, Anne, Esther, Lexi, Rosalie, Rosane, Valérie, qui avons connu la prostitution et qui avons pu nous en sortir, nous avons conçu et réalisé ce podcast pour parler entre nous, pour dire ce qu'est vraiment la prostitution. Si vous aussi vous avez vécu ou vivez encore de la prostitution, sous quelque forme que ce soit, et vous avez envie d'en parler, vous pouvez nous contacter sur les comptes Instagram ou TikTok de La Vie en Rouge.

  • Speaker #0

    La Vie en Rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. L'ensemble des épisodes sont disponibles sur les plateformes habituelles. Avec le soutien éditorial, logistique et financier du Mouvement du Nid, enregistré au studio La Poudre à la Cité Audacieuse. Merci à la Fondation des Femmes pour son soutien indéfectible à toutes les femmes victimes de violences.

Description

Dans cet épisode, Esther, 58 ans, qui a connu la prostitution à partir de ses 45 ans suite à de la violence conjugale, nous parle de l'illusion de pouvoir qu'elle avait alors qu'elle était dans le système, et de la réalité de la violence qu'elle subissait. Elle parle aussi d'un système où règne le mensonge, l'illusion, l'exploitation de la vulnérabilité.
Esther est anglophone, elle a enregistré en français, qu'elle parle couramment. Si vous souhaitez l'écouter avec des sous-titres, rendez-vous sur Youtube. Le témoignage d'Esther est par ailleurs disponible sur le site du Mouvement du Nid, à l'adresse ci-dessous :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast aborde des sujets difficiles, notamment des violences sexuelles.

  • Speaker #1

    On nous parle souvent du choix. Elles ont choisi. Elles aiment ça. Elles savent où elles vont.

  • Speaker #0

    Nous, survivantes d'inceste, de violences intrafamiliales ou de prostitution, on cherche la dissociation.

  • Speaker #2

    Nous, les survivantes de la prostitution, on est les dernières oubliées du mouvement MeToo.

  • Speaker #1

    Moi, je n'avais pas l'impression que c'était un métier. C'était un calvaire. Maintenant, j'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé.

  • Speaker #0

    Comment une banale jeune fille qui a... Pas spécialement de problème dans sa vie, il peut se retrouver sur le chemin de la prostitution.

  • Speaker #1

    Je suis survivante de la rue, je suis survivante de la prostitution.

  • Speaker #2

    J'avais envie de tout détruire, de casser toute ma vie. Je me retrouvais dans la prostitution de nouveau.

  • Speaker #0

    On ne peut pas guérir le viol avec le viol.

  • Speaker #2

    On a survécu.

  • Speaker #0

    La vie en rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. Épisode 11, je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Esther et je viens de Londres. J'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé. Alors c'est un peu différent que les femmes qui se trouvent dans la situation de prostitution quand elles sont beaucoup plus jeunes.

  • Speaker #0

    C'est suite à une relation avec un conjoint violent en fait que ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je me suis sortie d'un rapport où il y avait de la violence et de l'abus psychologique. J'étais dans un état un peu fragile et j'ai rencontré un homme avec lequel j'ai commencé à faire les scénarios de BDSM. Je pensais qu'il aurait pu me protéger, mais le prix pour ça c'était qu'il a commencé à me protéger avec des copains. Et après j'ai fait quelques films de BDSM. J'étais sur le point de perdre le logement, j'avais pas de boulot, j'avais pas de l'argent. J'ai rencontré une femme qui faisait les photos de charme. Quand je parlais avec elle, elle m'a dit pourquoi faire ça sans demander l'argent. Et à ce moment-là, je me suis dit, oui, c'est évident. En fait, j'ai découvert qu'il y avait un profil dans un site internet où les clients prostituaires rencontrent des femmes. C'est comme ça que j'ai commencé. Je n'étais pas protégé ou aidé par ma famille à cette époque-là. J'avais l'impression qu'il n'y avait personne qui s'occupait de moi. Ce mec qui m'a introduit à la BDSM, c'était comme le seul homme qui s'occupe de moi. C'était ça l'impression que j'avais. Je faisais beaucoup de choses qui répétaient les actes qu'on trouve dans le BDSM et tout ça. Les clients veulent souvent répéter ce qu'ils voient sur les films porno. Ça devient de plus en plus violent. Le porno en ligne, c'est la compétition entre le porno et les actes de violence dans la guerre et tout ça qu'on voit partout. Il y a 25 ans, c'était rare qu'on voyait par exemple les vidéos de les gens qui se font décapiter. Mais maintenant c'est presque partout. C'est ça la compétition pour les films pornos. Les scénarios qui se passent à Guantanamo, les gens qui travaillent dans les prisons, les chambres de torture et tout ça, ces gens savent bien comment ça change quelqu'un d'être victime des choses comme ça. Je faisais les films pendant que j'étais dans la situation de prostitution parce qu'il y avait des clients qui payaient pour ça. J'ai vendu les films sur mon profil. Les films, c'est comme les chansons à Spotify ou les vidéos à YouTube. Si vous êtes bien connu, les clients payent beaucoup plus pour ça. Alors c'est comme la publicité, c'est rien que ça. Si les films sont libres.

  • Speaker #0

    Si les vidéos sont gratuites, mais ça sert à ce que les clients payent plus cher.

  • Speaker #1

    Il y avait les clients qui demandaient, est-ce que vous pouvez faire un film avec ce scénario comme ça ? Des fois c'était le client qui avait été dans le film.

  • Speaker #0

    Ce sont les clients prostitueurs et le marché qui est organisé qui font qu'il y a une hiérarchie entre les différentes femmes qui sont prises dans la prostitution.

  • Speaker #1

    Oui, il y a une hiérarchie entre les femmes qui sont bien connues dans le porno. Ça dépend de l'accent que tu as, de l'origine ethnique. Les hommes fétichisent l'appartenance et l'origine ethnique des femmes dans le porno et aussi dans la prostitution. Partout dans le monde, il y a les femmes qui donnent moins de valeur. C'est un peu comme l'orientalisme et tout ça. Les hommes européens, américains, ils pensent Ah, mais pour ces femmes-là, c'est toujours normal, c'est de la nature et tout ça. Alors, pourquoi payer ? Il ne faut pas payer plus. Mais s'ils pensent que vous avez les origines plus élevées dans la société, ils paient plus.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à ce moment-là, tu revendiquais ou pas ? Ou est-ce que tu avais déjà l'impression de subir quelque chose ?

  • Speaker #1

    Je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir. Quand vous avez de l'argent, vous dépensez beaucoup de l'argent et après il n'y a rien. J'habitais dans un quartier très riche et le loyer était très haut. Mais aussi les clients attendent que vous vous habillez d'une façon, avec des vêtements qui coûtent très cher. J'étais trapped.

  • Speaker #0

    Piégé ?

  • Speaker #1

    Oui, mais aussi je ne connais personne qui était dehors de ce mode de vie. Je ne connais que les personnes dans la situation de prostitution, les proxénètes ou les clients. Ça s'est passé très vite. J'ai perdu le contact avec les amis que j'avais avant et tout ça parce que j'avais l'honte. J'avais l'honte, mais au même temps je disais que j'avais le pouvoir. En fait, c'était comme une espèce de me défendre.

  • Speaker #0

    Une défense contre...

  • Speaker #1

    Une défense contre ce qui s'est passé.

  • Speaker #0

    Ce qui t'arrivait.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant si tu peux nous raconter la façon dont ça s'est arrêté.

  • Speaker #1

    C'était comme dans les pièces de théâtre. Il y a le déus ex machina. Ma famille a découvert comment je gagnerais l'argent. Je t'ai invité... au dîner avec ma famille. J'ai dit non quand ils m'ont demandé que j'arrête tout ce que je fais. Et quelques jours après, il y avait des infirmiers qui arrivent chez moi. Et j'ai répété, j'ai le pouvoir et tout ça. Le jour avant, j'avais fait plusieurs tatouages. J'avais des tatouages partout et j'ai fait ça parce que j'étais sûre que j'allais mourir. Alors, en même temps que j'étais sûre que j'allais mourir, mais j'avais pas l'idée de comment éviter tout ça, je disais aux infirmières, moi j'ai le pouvoir, j'ai la chance, tout ça. Deux jours après, il y avait des psychiatres et des infirmiers et des flics qui arrivent à mon appart pour m'emprunter à l'hôpital psychiatrique. J'étais en colère, mais il y avait un infirmier qui me demandait Pourquoi vous êtes en colère ? Me voilà dans un hôpital psychiatrique. Une personne en situation de prostitution, il y a quelqu'un qui me croit. Je me suis rendu compte qu'il y avait des gens qui s'occupaient de moi. J'ai raconté comment je suis entré dans la situation. L'infirmière a essayé de faire ce qu'il pouvait faire pour changer les choses. Quand j'ai quitté l'hôpital après quelques semaines, les médecins ont trouvé le logement pour moi. C'était très important parce que j'étais presque deux ans dans les foyers. Quand j'avais des problèmes, quand j'étais dans le foyer, peut-être des fois je pensais, je trouvais un client comme ça, mais je pensais toujours à l'infirmière. Je pensais que je ne veux pas rendre...

  • Speaker #0

    Décevoir l'infirmière qui t'avait cru.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Donc en fait, il y a des moments pendant ces deux ans dans le foyer où c'était difficile, et tu n'avais pas d'argent, et tu ne savais pas toujours comment sortir, et tu pensais à retourner à la prostitution. Si je comprends bien, tu n'avais pas de troubles psychiatriques.

  • Speaker #1

    Après quelques années, je me demandais, c'était bizarre que, en même temps, je pensais à l'intérieur que j'allais mourir, mais je disais aux gens que j'avais le pouvoir. Et c'est comme ça que je me suis rendu compte que j'avais deux personnalités en même temps. C'est vrai que j'étais malade. J'étais tellement isolée parce que je connaissais pas les gens qui n'étaient pas dans la situation de prostitution. Quand j'étais dehors, j'ai rencontré beaucoup de femmes depuis que j'ai commencé à faire les choses avec l'activisme et tout ça, où on n'a fait tout à fait rien dans exactement les mêmes circonstances. C'est juste bien privilégié en fait. La situation de prostitution, ça va pour les autres, mais ça ne va pas pour les familles de grand statut.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es toujours en colère ?

  • Speaker #1

    Non. Ma famille avait raison. Je travaille avec les gens qui ont des difficultés psychiatriques.

  • Speaker #0

    Qui se remettent d'une maladie psychiatrique ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Je m'occupe de la santé.

  • Speaker #0

    La santé mentale ?

  • Speaker #1

    Oui. Je gagnais beaucoup moins d'argent. C'est beaucoup plus simple et j'ai les heures de travail. Des fois, j'ai rencontré des clients à 2h du matin, 8h du matin, 4h de l'après-midi. C'est pas du tout régulier et comme ça, j'avais du mal à dormir et c'est difficile de manger, de s'occuper de la santé physique. C'est beaucoup plus calme comme vie et c'est pour ça que j'ai plus de colère. Nous,

  • Speaker #2

    Alexine, Anne, Esther, Lexi, Rosalie, Rosane, Valérie, qui avons connu la prostitution et qui avons pu nous en sortir, nous avons conçu et réalisé ce podcast pour parler entre nous, pour dire ce qu'est vraiment la prostitution. Si vous aussi vous avez vécu ou vivez encore de la prostitution, sous quelque forme que ce soit, et vous avez envie d'en parler, vous pouvez nous contacter sur les comptes Instagram ou TikTok de La Vie en Rouge.

  • Speaker #0

    La Vie en Rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. L'ensemble des épisodes sont disponibles sur les plateformes habituelles. Avec le soutien éditorial, logistique et financier du Mouvement du Nid, enregistré au studio La Poudre à la Cité Audacieuse. Merci à la Fondation des Femmes pour son soutien indéfectible à toutes les femmes victimes de violences.

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Dans cet épisode, Esther, 58 ans, qui a connu la prostitution à partir de ses 45 ans suite à de la violence conjugale, nous parle de l'illusion de pouvoir qu'elle avait alors qu'elle était dans le système, et de la réalité de la violence qu'elle subissait. Elle parle aussi d'un système où règne le mensonge, l'illusion, l'exploitation de la vulnérabilité.
Esther est anglophone, elle a enregistré en français, qu'elle parle couramment. Si vous souhaitez l'écouter avec des sous-titres, rendez-vous sur Youtube. Le témoignage d'Esther est par ailleurs disponible sur le site du Mouvement du Nid, à l'adresse ci-dessous :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast aborde des sujets difficiles, notamment des violences sexuelles.

  • Speaker #1

    On nous parle souvent du choix. Elles ont choisi. Elles aiment ça. Elles savent où elles vont.

  • Speaker #0

    Nous, survivantes d'inceste, de violences intrafamiliales ou de prostitution, on cherche la dissociation.

  • Speaker #2

    Nous, les survivantes de la prostitution, on est les dernières oubliées du mouvement MeToo.

  • Speaker #1

    Moi, je n'avais pas l'impression que c'était un métier. C'était un calvaire. Maintenant, j'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé.

  • Speaker #0

    Comment une banale jeune fille qui a... Pas spécialement de problème dans sa vie, il peut se retrouver sur le chemin de la prostitution.

  • Speaker #1

    Je suis survivante de la rue, je suis survivante de la prostitution.

  • Speaker #2

    J'avais envie de tout détruire, de casser toute ma vie. Je me retrouvais dans la prostitution de nouveau.

  • Speaker #0

    On ne peut pas guérir le viol avec le viol.

  • Speaker #2

    On a survécu.

  • Speaker #0

    La vie en rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. Épisode 11, je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Esther et je viens de Londres. J'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé. Alors c'est un peu différent que les femmes qui se trouvent dans la situation de prostitution quand elles sont beaucoup plus jeunes.

  • Speaker #0

    C'est suite à une relation avec un conjoint violent en fait que ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je me suis sortie d'un rapport où il y avait de la violence et de l'abus psychologique. J'étais dans un état un peu fragile et j'ai rencontré un homme avec lequel j'ai commencé à faire les scénarios de BDSM. Je pensais qu'il aurait pu me protéger, mais le prix pour ça c'était qu'il a commencé à me protéger avec des copains. Et après j'ai fait quelques films de BDSM. J'étais sur le point de perdre le logement, j'avais pas de boulot, j'avais pas de l'argent. J'ai rencontré une femme qui faisait les photos de charme. Quand je parlais avec elle, elle m'a dit pourquoi faire ça sans demander l'argent. Et à ce moment-là, je me suis dit, oui, c'est évident. En fait, j'ai découvert qu'il y avait un profil dans un site internet où les clients prostituaires rencontrent des femmes. C'est comme ça que j'ai commencé. Je n'étais pas protégé ou aidé par ma famille à cette époque-là. J'avais l'impression qu'il n'y avait personne qui s'occupait de moi. Ce mec qui m'a introduit à la BDSM, c'était comme le seul homme qui s'occupe de moi. C'était ça l'impression que j'avais. Je faisais beaucoup de choses qui répétaient les actes qu'on trouve dans le BDSM et tout ça. Les clients veulent souvent répéter ce qu'ils voient sur les films porno. Ça devient de plus en plus violent. Le porno en ligne, c'est la compétition entre le porno et les actes de violence dans la guerre et tout ça qu'on voit partout. Il y a 25 ans, c'était rare qu'on voyait par exemple les vidéos de les gens qui se font décapiter. Mais maintenant c'est presque partout. C'est ça la compétition pour les films pornos. Les scénarios qui se passent à Guantanamo, les gens qui travaillent dans les prisons, les chambres de torture et tout ça, ces gens savent bien comment ça change quelqu'un d'être victime des choses comme ça. Je faisais les films pendant que j'étais dans la situation de prostitution parce qu'il y avait des clients qui payaient pour ça. J'ai vendu les films sur mon profil. Les films, c'est comme les chansons à Spotify ou les vidéos à YouTube. Si vous êtes bien connu, les clients payent beaucoup plus pour ça. Alors c'est comme la publicité, c'est rien que ça. Si les films sont libres.

  • Speaker #0

    Si les vidéos sont gratuites, mais ça sert à ce que les clients payent plus cher.

  • Speaker #1

    Il y avait les clients qui demandaient, est-ce que vous pouvez faire un film avec ce scénario comme ça ? Des fois c'était le client qui avait été dans le film.

  • Speaker #0

    Ce sont les clients prostitueurs et le marché qui est organisé qui font qu'il y a une hiérarchie entre les différentes femmes qui sont prises dans la prostitution.

  • Speaker #1

    Oui, il y a une hiérarchie entre les femmes qui sont bien connues dans le porno. Ça dépend de l'accent que tu as, de l'origine ethnique. Les hommes fétichisent l'appartenance et l'origine ethnique des femmes dans le porno et aussi dans la prostitution. Partout dans le monde, il y a les femmes qui donnent moins de valeur. C'est un peu comme l'orientalisme et tout ça. Les hommes européens, américains, ils pensent Ah, mais pour ces femmes-là, c'est toujours normal, c'est de la nature et tout ça. Alors, pourquoi payer ? Il ne faut pas payer plus. Mais s'ils pensent que vous avez les origines plus élevées dans la société, ils paient plus.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à ce moment-là, tu revendiquais ou pas ? Ou est-ce que tu avais déjà l'impression de subir quelque chose ?

  • Speaker #1

    Je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir. Quand vous avez de l'argent, vous dépensez beaucoup de l'argent et après il n'y a rien. J'habitais dans un quartier très riche et le loyer était très haut. Mais aussi les clients attendent que vous vous habillez d'une façon, avec des vêtements qui coûtent très cher. J'étais trapped.

  • Speaker #0

    Piégé ?

  • Speaker #1

    Oui, mais aussi je ne connais personne qui était dehors de ce mode de vie. Je ne connais que les personnes dans la situation de prostitution, les proxénètes ou les clients. Ça s'est passé très vite. J'ai perdu le contact avec les amis que j'avais avant et tout ça parce que j'avais l'honte. J'avais l'honte, mais au même temps je disais que j'avais le pouvoir. En fait, c'était comme une espèce de me défendre.

  • Speaker #0

    Une défense contre...

  • Speaker #1

    Une défense contre ce qui s'est passé.

  • Speaker #0

    Ce qui t'arrivait.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant si tu peux nous raconter la façon dont ça s'est arrêté.

  • Speaker #1

    C'était comme dans les pièces de théâtre. Il y a le déus ex machina. Ma famille a découvert comment je gagnerais l'argent. Je t'ai invité... au dîner avec ma famille. J'ai dit non quand ils m'ont demandé que j'arrête tout ce que je fais. Et quelques jours après, il y avait des infirmiers qui arrivent chez moi. Et j'ai répété, j'ai le pouvoir et tout ça. Le jour avant, j'avais fait plusieurs tatouages. J'avais des tatouages partout et j'ai fait ça parce que j'étais sûre que j'allais mourir. Alors, en même temps que j'étais sûre que j'allais mourir, mais j'avais pas l'idée de comment éviter tout ça, je disais aux infirmières, moi j'ai le pouvoir, j'ai la chance, tout ça. Deux jours après, il y avait des psychiatres et des infirmiers et des flics qui arrivent à mon appart pour m'emprunter à l'hôpital psychiatrique. J'étais en colère, mais il y avait un infirmier qui me demandait Pourquoi vous êtes en colère ? Me voilà dans un hôpital psychiatrique. Une personne en situation de prostitution, il y a quelqu'un qui me croit. Je me suis rendu compte qu'il y avait des gens qui s'occupaient de moi. J'ai raconté comment je suis entré dans la situation. L'infirmière a essayé de faire ce qu'il pouvait faire pour changer les choses. Quand j'ai quitté l'hôpital après quelques semaines, les médecins ont trouvé le logement pour moi. C'était très important parce que j'étais presque deux ans dans les foyers. Quand j'avais des problèmes, quand j'étais dans le foyer, peut-être des fois je pensais, je trouvais un client comme ça, mais je pensais toujours à l'infirmière. Je pensais que je ne veux pas rendre...

  • Speaker #0

    Décevoir l'infirmière qui t'avait cru.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Donc en fait, il y a des moments pendant ces deux ans dans le foyer où c'était difficile, et tu n'avais pas d'argent, et tu ne savais pas toujours comment sortir, et tu pensais à retourner à la prostitution. Si je comprends bien, tu n'avais pas de troubles psychiatriques.

  • Speaker #1

    Après quelques années, je me demandais, c'était bizarre que, en même temps, je pensais à l'intérieur que j'allais mourir, mais je disais aux gens que j'avais le pouvoir. Et c'est comme ça que je me suis rendu compte que j'avais deux personnalités en même temps. C'est vrai que j'étais malade. J'étais tellement isolée parce que je connaissais pas les gens qui n'étaient pas dans la situation de prostitution. Quand j'étais dehors, j'ai rencontré beaucoup de femmes depuis que j'ai commencé à faire les choses avec l'activisme et tout ça, où on n'a fait tout à fait rien dans exactement les mêmes circonstances. C'est juste bien privilégié en fait. La situation de prostitution, ça va pour les autres, mais ça ne va pas pour les familles de grand statut.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es toujours en colère ?

  • Speaker #1

    Non. Ma famille avait raison. Je travaille avec les gens qui ont des difficultés psychiatriques.

  • Speaker #0

    Qui se remettent d'une maladie psychiatrique ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Je m'occupe de la santé.

  • Speaker #0

    La santé mentale ?

  • Speaker #1

    Oui. Je gagnais beaucoup moins d'argent. C'est beaucoup plus simple et j'ai les heures de travail. Des fois, j'ai rencontré des clients à 2h du matin, 8h du matin, 4h de l'après-midi. C'est pas du tout régulier et comme ça, j'avais du mal à dormir et c'est difficile de manger, de s'occuper de la santé physique. C'est beaucoup plus calme comme vie et c'est pour ça que j'ai plus de colère. Nous,

  • Speaker #2

    Alexine, Anne, Esther, Lexi, Rosalie, Rosane, Valérie, qui avons connu la prostitution et qui avons pu nous en sortir, nous avons conçu et réalisé ce podcast pour parler entre nous, pour dire ce qu'est vraiment la prostitution. Si vous aussi vous avez vécu ou vivez encore de la prostitution, sous quelque forme que ce soit, et vous avez envie d'en parler, vous pouvez nous contacter sur les comptes Instagram ou TikTok de La Vie en Rouge.

  • Speaker #0

    La Vie en Rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. L'ensemble des épisodes sont disponibles sur les plateformes habituelles. Avec le soutien éditorial, logistique et financier du Mouvement du Nid, enregistré au studio La Poudre à la Cité Audacieuse. Merci à la Fondation des Femmes pour son soutien indéfectible à toutes les femmes victimes de violences.

Description

Dans cet épisode, Esther, 58 ans, qui a connu la prostitution à partir de ses 45 ans suite à de la violence conjugale, nous parle de l'illusion de pouvoir qu'elle avait alors qu'elle était dans le système, et de la réalité de la violence qu'elle subissait. Elle parle aussi d'un système où règne le mensonge, l'illusion, l'exploitation de la vulnérabilité.
Esther est anglophone, elle a enregistré en français, qu'elle parle couramment. Si vous souhaitez l'écouter avec des sous-titres, rendez-vous sur Youtube. Le témoignage d'Esther est par ailleurs disponible sur le site du Mouvement du Nid, à l'adresse ci-dessous :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast aborde des sujets difficiles, notamment des violences sexuelles.

  • Speaker #1

    On nous parle souvent du choix. Elles ont choisi. Elles aiment ça. Elles savent où elles vont.

  • Speaker #0

    Nous, survivantes d'inceste, de violences intrafamiliales ou de prostitution, on cherche la dissociation.

  • Speaker #2

    Nous, les survivantes de la prostitution, on est les dernières oubliées du mouvement MeToo.

  • Speaker #1

    Moi, je n'avais pas l'impression que c'était un métier. C'était un calvaire. Maintenant, j'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé.

  • Speaker #0

    Comment une banale jeune fille qui a... Pas spécialement de problème dans sa vie, il peut se retrouver sur le chemin de la prostitution.

  • Speaker #1

    Je suis survivante de la rue, je suis survivante de la prostitution.

  • Speaker #2

    J'avais envie de tout détruire, de casser toute ma vie. Je me retrouvais dans la prostitution de nouveau.

  • Speaker #0

    On ne peut pas guérir le viol avec le viol.

  • Speaker #2

    On a survécu.

  • Speaker #0

    La vie en rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. Épisode 11, je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir.

  • Speaker #1

    Je m'appelle Esther et je viens de Londres. J'ai 58 ans. J'avais 45 ans quand j'ai commencé. Alors c'est un peu différent que les femmes qui se trouvent dans la situation de prostitution quand elles sont beaucoup plus jeunes.

  • Speaker #0

    C'est suite à une relation avec un conjoint violent en fait que ça s'est passé ?

  • Speaker #1

    Je me suis sortie d'un rapport où il y avait de la violence et de l'abus psychologique. J'étais dans un état un peu fragile et j'ai rencontré un homme avec lequel j'ai commencé à faire les scénarios de BDSM. Je pensais qu'il aurait pu me protéger, mais le prix pour ça c'était qu'il a commencé à me protéger avec des copains. Et après j'ai fait quelques films de BDSM. J'étais sur le point de perdre le logement, j'avais pas de boulot, j'avais pas de l'argent. J'ai rencontré une femme qui faisait les photos de charme. Quand je parlais avec elle, elle m'a dit pourquoi faire ça sans demander l'argent. Et à ce moment-là, je me suis dit, oui, c'est évident. En fait, j'ai découvert qu'il y avait un profil dans un site internet où les clients prostituaires rencontrent des femmes. C'est comme ça que j'ai commencé. Je n'étais pas protégé ou aidé par ma famille à cette époque-là. J'avais l'impression qu'il n'y avait personne qui s'occupait de moi. Ce mec qui m'a introduit à la BDSM, c'était comme le seul homme qui s'occupe de moi. C'était ça l'impression que j'avais. Je faisais beaucoup de choses qui répétaient les actes qu'on trouve dans le BDSM et tout ça. Les clients veulent souvent répéter ce qu'ils voient sur les films porno. Ça devient de plus en plus violent. Le porno en ligne, c'est la compétition entre le porno et les actes de violence dans la guerre et tout ça qu'on voit partout. Il y a 25 ans, c'était rare qu'on voyait par exemple les vidéos de les gens qui se font décapiter. Mais maintenant c'est presque partout. C'est ça la compétition pour les films pornos. Les scénarios qui se passent à Guantanamo, les gens qui travaillent dans les prisons, les chambres de torture et tout ça, ces gens savent bien comment ça change quelqu'un d'être victime des choses comme ça. Je faisais les films pendant que j'étais dans la situation de prostitution parce qu'il y avait des clients qui payaient pour ça. J'ai vendu les films sur mon profil. Les films, c'est comme les chansons à Spotify ou les vidéos à YouTube. Si vous êtes bien connu, les clients payent beaucoup plus pour ça. Alors c'est comme la publicité, c'est rien que ça. Si les films sont libres.

  • Speaker #0

    Si les vidéos sont gratuites, mais ça sert à ce que les clients payent plus cher.

  • Speaker #1

    Il y avait les clients qui demandaient, est-ce que vous pouvez faire un film avec ce scénario comme ça ? Des fois c'était le client qui avait été dans le film.

  • Speaker #0

    Ce sont les clients prostitueurs et le marché qui est organisé qui font qu'il y a une hiérarchie entre les différentes femmes qui sont prises dans la prostitution.

  • Speaker #1

    Oui, il y a une hiérarchie entre les femmes qui sont bien connues dans le porno. Ça dépend de l'accent que tu as, de l'origine ethnique. Les hommes fétichisent l'appartenance et l'origine ethnique des femmes dans le porno et aussi dans la prostitution. Partout dans le monde, il y a les femmes qui donnent moins de valeur. C'est un peu comme l'orientalisme et tout ça. Les hommes européens, américains, ils pensent Ah, mais pour ces femmes-là, c'est toujours normal, c'est de la nature et tout ça. Alors, pourquoi payer ? Il ne faut pas payer plus. Mais s'ils pensent que vous avez les origines plus élevées dans la société, ils paient plus.

  • Speaker #0

    Est-ce qu'à ce moment-là, tu revendiquais ou pas ? Ou est-ce que tu avais déjà l'impression de subir quelque chose ?

  • Speaker #1

    Je pensais que c'était moi qui avais le pouvoir. Quand vous avez de l'argent, vous dépensez beaucoup de l'argent et après il n'y a rien. J'habitais dans un quartier très riche et le loyer était très haut. Mais aussi les clients attendent que vous vous habillez d'une façon, avec des vêtements qui coûtent très cher. J'étais trapped.

  • Speaker #0

    Piégé ?

  • Speaker #1

    Oui, mais aussi je ne connais personne qui était dehors de ce mode de vie. Je ne connais que les personnes dans la situation de prostitution, les proxénètes ou les clients. Ça s'est passé très vite. J'ai perdu le contact avec les amis que j'avais avant et tout ça parce que j'avais l'honte. J'avais l'honte, mais au même temps je disais que j'avais le pouvoir. En fait, c'était comme une espèce de me défendre.

  • Speaker #0

    Une défense contre...

  • Speaker #1

    Une défense contre ce qui s'est passé.

  • Speaker #0

    Ce qui t'arrivait.

  • Speaker #1

    Oui, oui, c'est ça.

  • Speaker #0

    C'est intéressant si tu peux nous raconter la façon dont ça s'est arrêté.

  • Speaker #1

    C'était comme dans les pièces de théâtre. Il y a le déus ex machina. Ma famille a découvert comment je gagnerais l'argent. Je t'ai invité... au dîner avec ma famille. J'ai dit non quand ils m'ont demandé que j'arrête tout ce que je fais. Et quelques jours après, il y avait des infirmiers qui arrivent chez moi. Et j'ai répété, j'ai le pouvoir et tout ça. Le jour avant, j'avais fait plusieurs tatouages. J'avais des tatouages partout et j'ai fait ça parce que j'étais sûre que j'allais mourir. Alors, en même temps que j'étais sûre que j'allais mourir, mais j'avais pas l'idée de comment éviter tout ça, je disais aux infirmières, moi j'ai le pouvoir, j'ai la chance, tout ça. Deux jours après, il y avait des psychiatres et des infirmiers et des flics qui arrivent à mon appart pour m'emprunter à l'hôpital psychiatrique. J'étais en colère, mais il y avait un infirmier qui me demandait Pourquoi vous êtes en colère ? Me voilà dans un hôpital psychiatrique. Une personne en situation de prostitution, il y a quelqu'un qui me croit. Je me suis rendu compte qu'il y avait des gens qui s'occupaient de moi. J'ai raconté comment je suis entré dans la situation. L'infirmière a essayé de faire ce qu'il pouvait faire pour changer les choses. Quand j'ai quitté l'hôpital après quelques semaines, les médecins ont trouvé le logement pour moi. C'était très important parce que j'étais presque deux ans dans les foyers. Quand j'avais des problèmes, quand j'étais dans le foyer, peut-être des fois je pensais, je trouvais un client comme ça, mais je pensais toujours à l'infirmière. Je pensais que je ne veux pas rendre...

  • Speaker #0

    Décevoir l'infirmière qui t'avait cru.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui.

  • Speaker #0

    Donc en fait, il y a des moments pendant ces deux ans dans le foyer où c'était difficile, et tu n'avais pas d'argent, et tu ne savais pas toujours comment sortir, et tu pensais à retourner à la prostitution. Si je comprends bien, tu n'avais pas de troubles psychiatriques.

  • Speaker #1

    Après quelques années, je me demandais, c'était bizarre que, en même temps, je pensais à l'intérieur que j'allais mourir, mais je disais aux gens que j'avais le pouvoir. Et c'est comme ça que je me suis rendu compte que j'avais deux personnalités en même temps. C'est vrai que j'étais malade. J'étais tellement isolée parce que je connaissais pas les gens qui n'étaient pas dans la situation de prostitution. Quand j'étais dehors, j'ai rencontré beaucoup de femmes depuis que j'ai commencé à faire les choses avec l'activisme et tout ça, où on n'a fait tout à fait rien dans exactement les mêmes circonstances. C'est juste bien privilégié en fait. La situation de prostitution, ça va pour les autres, mais ça ne va pas pour les familles de grand statut.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu es toujours en colère ?

  • Speaker #1

    Non. Ma famille avait raison. Je travaille avec les gens qui ont des difficultés psychiatriques.

  • Speaker #0

    Qui se remettent d'une maladie psychiatrique ?

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Je m'occupe de la santé.

  • Speaker #0

    La santé mentale ?

  • Speaker #1

    Oui. Je gagnais beaucoup moins d'argent. C'est beaucoup plus simple et j'ai les heures de travail. Des fois, j'ai rencontré des clients à 2h du matin, 8h du matin, 4h de l'après-midi. C'est pas du tout régulier et comme ça, j'avais du mal à dormir et c'est difficile de manger, de s'occuper de la santé physique. C'est beaucoup plus calme comme vie et c'est pour ça que j'ai plus de colère. Nous,

  • Speaker #2

    Alexine, Anne, Esther, Lexi, Rosalie, Rosane, Valérie, qui avons connu la prostitution et qui avons pu nous en sortir, nous avons conçu et réalisé ce podcast pour parler entre nous, pour dire ce qu'est vraiment la prostitution. Si vous aussi vous avez vécu ou vivez encore de la prostitution, sous quelque forme que ce soit, et vous avez envie d'en parler, vous pouvez nous contacter sur les comptes Instagram ou TikTok de La Vie en Rouge.

  • Speaker #0

    La Vie en Rouge, un podcast conçu et réalisé par des femmes ayant connu la prostitution. L'ensemble des épisodes sont disponibles sur les plateformes habituelles. Avec le soutien éditorial, logistique et financier du Mouvement du Nid, enregistré au studio La Poudre à la Cité Audacieuse. Merci à la Fondation des Femmes pour son soutien indéfectible à toutes les femmes victimes de violences.

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