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La voix des libéraux

Médecins secteur 3, qui sont-ils ?

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37min |08/07/2024
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Médecins secteur 3, qui sont-ils ?

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Description

Nous allons parler, dans cet épisode, d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années : les déconventionnements.
Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement.


Aujourd'hui, nous allons nous intéresser aux médecins ayant fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? 


On en parle avec : 

- Dr Séverine Steenkiste, médecin généraliste à Chambourcy (78)
- Dr Rosalie Nguyen, médecin généraliste au Blanc-Mesnil (93)
- Dr Joubine Nadjahi. médecin généraliste à Créteil (94)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast est animé par la journaliste Sidonie Watrigan.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, merci d'être avec nous pour ce quatorzième épisode de La Voix des Libéraux, un podcast proposé par l'URPS Île-de-France. Notre souhait, notre objectif, vous le savez, c'est répondre sans langue de bois à toutes vos interrogations, vous médecins d'Île-de-France, sur un sujet précis. On va parler d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années, ce sont les déconventionnements. Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement. Aujourd'hui, on va s'intéresser aux médecins qui ont fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? On va poser la question et surtout solliciter le témoignage de trois médecins généralistes déconventionnés. D'abord, Séverine Stenkist, bonjour.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes médecin généraliste à Chambourcy. Rosaline Guyenne, bonjour. Bonjour. Médecin généraliste au Blanc-Ménil et Joubine Nadjaï. Bonjour. Bonjour. Vous êtes médecin généraliste à Créteil. Peut-être une première question pour vous, très simple, Joubine. Est-ce qu'on peut rappeler le principe du conventionnement des secteurs 1, 2 et 3 ?

  • Speaker #3

    Eh bien, écoutez, d'abord, il y a le conventionnement 1, c'est-à-dire que les médecins libéraux sont soumis à une tarification qui est réglée par la CPAM et profitent de certains forfaits, de certaines rémunérations, toujours par la CPAM, mais qui ne peuvent pas augmenter le prix de leur consultation tout seul. Le secteur 2, ce sont des médecins qui sont une tarification libre, mais on ne peut arriver en secteur 2 que si on a fait 2 à 3 ans de clinica. Et le secteur 3, le médecin ne travaille plus avec la sécurité sociale ou presque plus. C'est-à-dire que ces actes ne sont pas remboursés et la tarification est libre.

  • Speaker #1

    C'est donc pour ça, vous trois, que vous êtes passés de secteur 1 directement à secteur 3, parce que médecin généraliste dit ne fait pas de clinica. C'est ça l'idée ?

  • Speaker #3

    Voilà.

  • Speaker #2

    Il y a quand même quelques clinica ou assistana, mais c'est vrai qu'il y a peu de postes. Et j'ai aussi connu des confrères qui, en ayant fait plusieurs années d'assistana, ont eu des difficultés à le faire valoir pour être en secteur 2. Donc ce n'est pas impossible, mais c'est plus difficile, on va dire.

  • Speaker #1

    Donc Séverine, comme vous avez pris la parole, c'est vous que je vais interroger en premier sur les motivations qui vous ont conduite à passer en secteur 3. Vous étiez en secteur 1 jusqu'à octobre 2023.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Avant, en préparant l'émission, on discutait un peu, et vous m'avez dit, mais vous m'auriez dit ça il y a trois ans, passer en secteur 3, pour moi c'était lunaire et impossible. Qu'est-ce qui a changé ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que j'ai cru exercer toute ma vie en secteur 1, mais entre les négociations conventionnelles qui se sont extrêmement mal passées, le fait d'avoir de plus en plus des consultations longues, et donc on ne peut pas revaloriser en termes d'honoraires, J'ai commencé à avoir un sentiment de mal-être et j'ai réalisé qu'en réalité, j'étais comme dans un étau, où soit je faisais des consultations longues et l'exercice de la médecine que je veux faire, où j'aime beaucoup mettre en avant la prévention, faire un vrai bilan pour chaque patient, et du coup, je ne me sentais pas très bien rémunérée en termes de taux horaires, où soit je pouvais faire mes consultations plus rapidement. avoir un chiffre d'affaires plus satisfaisant. Mais en réalité, en fin de journée, je ne me sentais pas très bien, pas satisfaite de mon travail. Et puis même des fois, je me demandais, est-ce que si j'avais eu plus de temps, est-ce que je n'aurais pas fait les choses différemment ? Donc voilà, quand c'est occasionnel, ça ne pose pas de problème. Mais quand ça devient quotidien et pluricotidien, ça commence à peser.

  • Speaker #1

    La principale motivation, c'est donc la question de la gestion du temps pour vous. Même question à vous, Rosalie.

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire que moi je me suis déconventionnée parce que je ne pouvais plus travailler en secteur conventionnel. J'étais arrivée au bout de ce que je pouvais faire, de ce que je pouvais donner, et malgré tout j'avais le sentiment de ne pas pouvoir satisfaire toutes les demandes de mes patients.

  • Speaker #1

    Vous avez un exemple concret ?

  • Speaker #0

    Un exemple concret, j'en ai des tonnes. Mais si je vous dis que je travaillais de 9h du matin jusqu'à minuit et que malgré tout, je n'avais pas vu tous les patients qui se présentaient au cabinet et que je rentre à la maison et que je ne peux pas m'endormir parce que tout simplement, je repense encore à ce que je n'ai pas fait, ce que je n'ai pas pu faire et aux erreurs que j'ai pu commiser aussi, je ne pouvais plus continuer comme ça.

  • Speaker #1

    Jobine ?

  • Speaker #3

    Moi, j'ai donné pour la convention, puisque j'ai fait quand même 28 ans de convention secteur 1, et moi personnellement j'étais fatigué par la paperasserie de la CPAM, les demandes incessantes de patients, souvent non justifiées, le fait de subir les forfaits, le sentiment d'être plutôt salarié que libéral, et ne pas pouvoir faire ce que j'avais envie de faire, c'est-à-dire passer du temps avec les patients. Et pareil, beaucoup d'heures de temps et pour pas grand chose. Donc pas grand chose. Moi, ce que je voulais, c'est pour la médecine, je pense qu'il faut passer du temps avec les patients. Et là, c'est plus possible. C'est plus possible parce que là, c'était devenu, quel acte je peux faire ? pour gagner mieux ma vie. Et ça, ça ne doit pas être dans l'esprit d'un médecin.

  • Speaker #1

    La question du temps, vous le dites tous. La question de la charge mentale, elle est quand même importante. C'est quelque chose, par exemple, Séverine, qui vous a motivée à franchir le pas ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire que pour avoir un chiffre d'affaires satisfaisant, il faut quand même voir suffisamment de patients. Et même sans faire tant d'actes que ça, quand on cumule beaucoup de consultations complexes, c'est quand même difficile à la fin de la journée.

  • Speaker #1

    Donc ce qu'on entend dans ce que vous dites, et ce que disait aussi Joubine, c'est que l'idée, c'est que vous faites de la discrimination à l'entrée. C'est-à-dire que quand vous êtes encore en secteur 1, vous êtes obligée de choisir des cas moins complexes ?

  • Speaker #2

    Ah non, moi je ne le faisais pas. Moi je trouvais ça tellement satisfaisant de... Je sais qu'il y a des médecins généralistes sectorains qui le font. J'ai des patients qui essayent de déménager, une patiente qui a une sclérose en plaques qui n'arrive pas à retrouver un médecin parce qu'elle est considérée comme trop complexe.

  • Speaker #1

    Et on lui a dit, clairement ?

  • Speaker #2

    Oui, on lui a dit. J'ai plusieurs patients à qui on l'a formulé clairement. Moi, je n'ai jamais voulu agir de cette façon-là. Mais par contre, en ayant de plus en plus de patients complexes ou en souffrant d'une manière générale, mon temps de consultation moyen est de plus en plus long. J'ai une population assez âgée. Avant, je l'exerçais au Muro, j'avais une population assez fragile et compliquée au niveau social. Là, j'ai une population polypathologique et âgée, avec même des patients jeunes qui ne vont pas forcément très bien. Moi, ce qui m'étonne le plus, c'est que des fois, je vois sur mon planning un patient de 35 ans, on pourrait se dire, bon, ça va être plus rapide. Et je suis vraiment étonnée du niveau de stress. Parmi la population plus jeune, et que des fois j'ai des consultations qui peuvent être même plus longues avec des patients de 30-40 ans que des patients de 80 ans aussi, donc c'est pas forcément un patient âgé qui va être forcément long et un patient plus jeune avec une consultation plus courte, ça dépend de beaucoup de paramètres.

  • Speaker #1

    Donc, retrouver du temps médical, prendre soin de ses patients, faire de la prévention, aussi se préserver en termes de charge mentale. On comprend bien les motivations. Est-ce qu'il y en a d'autres qu'on n'a pas citées avant de parler de l'élément vraiment déclencheur, du passage à l'acte, on va dire, vers le secteur 3 ? Vous avez d'autres éléments de motivation à ajouter ?

  • Speaker #0

    Bon, non.

  • Speaker #1

    Alors, quand vous êtes passé dans le secteur 3, j'aimerais bien savoir, un, comment ça s'est passé, comment ça a été vécu, et par votre entourage et par vos patients. Rosalie ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon entourage, de toute façon, j'étais pratiquement en rupture avec mon conjoint parce qu'il me disait que je n'étais jamais présente à la maison. Donc, il a dû arrêter de travailler pour s'occuper de nos trois enfants. Donc, de toute façon, il a été ravi que je passe en secteur 3 et que j'ai enfin des horaires raisonnables. mes patients, je dirais qu'un patient sur deux a exprimé son mécontentement ou son incompréhension. Vis-à-vis de ce choix, j'ai dû expliquer individuellement avec chaque patient. Ça m'a pris beaucoup, beaucoup de temps aussi en consultation pour vraiment faire comprendre la raison et que ce n'était pas une raison financière, comme beaucoup pouvaient le penser ou en tout cas le supposer. Et un patient sur deux, du coup, comprenait parfaitement et a été... Ils ont même remarqué que les rendez-vous étaient plus faciles à prendre. Je n'avais plus des délais de rendez-vous de cinq semaines. Je peux prendre des rendez-vous des patients le jour même ou le lendemain. J'étais plus disposée à les écouter. Je prenais plus de temps avec chaque patient. Ça a changé toute la consultation, en fait. Je redécouvrais mes patients, des patients que je voyais trop, trop vite. Plusieurs fois par an, mais trop vite, c'est ce qu'on a fini par dire. C'est qu'il vaut mieux avoir une consultation qui dure 20-30 minutes, deux fois par an, plutôt qu'une consultation tous les mois qui dure 10 minutes.

  • Speaker #3

    Diminuer le nombre de consultations, prendre mon temps et s'occuper des patients, de la prévention, de tout ça. Et j'en suis très content.

  • Speaker #1

    Un élément que vous pointiez effectivement dans la préparation de cette émission, c'était de dire que la sécurité sociale est souvent très déconnectée. De la réalité de l'état des patients, notamment, je crois que c'est vous Séverine qui me l'avez dit, post-Covid, mais vous en avez un peu parlé, même les jeunes ont des pathologies un peu compliquées, complexes à gérer et que c'est hyper important, non pas de consacrer 5 minutes, mais éventuellement jusqu'à 45 minutes pour chaque patient.

  • Speaker #2

    Je partage exactement le même point de vue que mes confrères et notamment Rosalie qui disait je trouve ça vraiment plus pertinent de voir un patient 30 minutes que 3 fois 10 ou 2 fois 15. En fait, ce n'est pas pareil. Surtout quand on veut vraiment avoir un tour d'horizon de la santé d'un patient en termes de prévention, des multiples pathologies, c'est différent. Je trouve ça beaucoup plus logique d'avoir plus de temps à un moment donné et de voir un patient moins souvent, surtout dans une société où... C'est plus compliqué pour les patients de venir souvent chez le médecin. Des fois, les patients âgés, il y a quand même quelqu'un de la famille qui a pris une demi-journée pour l'accompagner. Donc comment dire, ah bah non, c'est un seul motif, une consultation. Bah non, on ne peut pas faire ça. Du coup, c'est vrai que ça change beaucoup de choses de se sentir plus à l'aise pour le faire réellement.

  • Speaker #1

    C'est pas un élément qui a été entendu, ça, par l'assurance maladie, au moment notamment des assises du déconventionnement ? Ce processus de l'accompagnement du patient, de la prévention, du nécessaire temps médical, c'est quelque chose dont on parle beaucoup dans ce podcast, retrouver du temps médical, ça n'a pas été abordé et entendu ?

  • Speaker #2

    Je n'ai pas fait partie des négociations conventionnelles, donc je ne sais pas ce qui s'est passé. Le problème de l'assurance maladie, c'est que c'est des quotations... qui ne sont pas faciles à utiliser. Par exemple, les visites à domicile, vous avez un système de visite longue une fois par trimestre. Pour les patients de plus de 80 ans en ALD, moi j'étais la championne, 79 ans en ALD ou 81 ans pas en ALD. Ou si vous avez besoin d'avoir deux consultations, une situation qui est plus complexe pendant quelques mois, et vous avez besoin de le voir plus fréquemment pendant un trimestre, vous ne pouvez le faire qu'une seule fois.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il faut qu'il rentre dans des cases très précises,

  • Speaker #2

    avec des contraintes très précises. Un patient qui sort d'hospitalisation pour motif chronique, c'est dans le mois qui suit. Si vous le voyez un mois et demi après, c'est cuit. Ou alors vous le faites en disant que vous n'êtes pas dans les clous. Donc l'évaluation de la dépression, vous avez une cotation à 1000 tonnes. Vous pouvez très bien voir un patient, pendant un mois, il y a besoin d'un accompagnement plus poussé, donc cette cotation, vous ne pouvez l'utiliser qu'une seule fois, une fois par an. Alors que des patients qui sont en mal-être, en réalité, il y a bien trois consultations qui sont quand même très longues. Et puis, des fois, vous n'avez pas envie de tout... Enfin, voilà, vous avez besoin de plus de temps avec un patient, on est médecin, on a Bac plus 9, ça ne rentre pas toujours dans les clous, quoi. En fait, le système conventionnel est fait. Pour mettre tous les médecins dans le même panier, alors que chaque médecin a ses particularités, notamment en médecine générale, je pense que c'est encore plus vrai que dans d'autres spécialités. En fonction de nous, là où on est plus à l'aise, c'est vrai que je fais beaucoup de polypathologie, qu'il y a d'autres médecins qui vont faire beaucoup plus d'aigus. En fonction de la population qu'on a, est-ce qu'on a une population jeune et dynamique, ou une population en zone rurale, ou âgée, polypathologique ? Est-ce qu'il y a des médecins qui sont très à l'aise avec le côté soutien psychologique ? Et en fait, on ne peut pas avoir une consultation à l'acte alors qu'on est tous différents avec des populations différentes. Il y a aussi des médecins qui aiment bien avoir des consultations courtes et c'est leur fonctionnement et c'est des très bons médecins. Et c'est comme ça, ils ont besoin que ce soit très dynamique dans une journée et d'autres qui ont besoin de plus de temps. Mais j'ai quand même le sentiment que beaucoup de jeunes médecins ont besoin de temps de faire les choses comme ils le souhaitent. Et du coup, d'être bloqué dans ce système-là, c'est hyper frustrant.

  • Speaker #1

    Il y a un élément important, Rosalie en a parlé très rapidement, mais c'est sur la relation que vous avez à vos patients depuis que vous êtes passés en secteur 3. J'ai bien noté la nécessaire acculturation au fait que vous y passiez et leur faire comprendre pourquoi vous le faites, mais depuis que vous êtes en secteur 3, qu'est-ce qui a changé avec vos patients ?

  • Speaker #0

    Ce qui a changé, c'est que déjà je ne ressens plus la colère que je ressentais et l'injustice que je ressentais tout au long de la journée quand il fallait que je facture, que je cote et que je télétransmette ma cotation à la Sécurité sociale. Quand j'estimais que la consultation était longue parce que le patient est revenu après un certain temps d'hospitalisation et qu'il fallait que je réévalue tout son traitement, toute l'histoire de sa maladie, etc. et que j'y passais du temps et qu'il fallait que je cote une cotation permise par la Sécurité sociale et que je ne pouvais pas la faire parce qu'elle était permise seulement sur 30 jours et que le patient ne peut me voir qu'au bout de 5 semaines parce que c'était mes délais de rendez-vous, j'étais très fâchée. Donc plutôt que de penser effectivement à mon patient, à son bien-être, qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que je dois encore faire, en cliquant sur la cotation, je me disais mais c'est pas possible, c'est refusé. C'est totalement injuste. Donc toute cette colère est partie. Là, actuellement, je ne me concentre que sur la santé du patient. Voilà. Uniquement sur ce qu'il me dit, je l'écoute. Et pas sur, tiens, quel jour on est aujourd'hui, est-ce que ça fait six mois que je l'ai vu, est-ce que ça fait trois mois que je l'ai vu ? Voilà.

  • Speaker #1

    La relation aux patients et surtout la façon dont maintenant les patients vous considèrent aussi, parce que ça c'est une autre forme de question autour de ça.

  • Speaker #3

    Moi, je voudrais faire un peu d'histoire. Et quand vous lisez l'avis d'Avicenne, qui a été vraiment, pour moi c'était un génie pour son époque, il disait, j'ai retenu surtout deux choses qu'il disait. Premièrement, il disait, quand on vieillit, il faut faire très attention à ce qu'on mange. Il faut faire du sport, c'est quand même quelqu'un qui est né en 950, quelqu'un qui disait en 950, je ne sais pas moi, à 40 ans, donc dans l'année 1000, il disait il faut faire du sport, c'était quand même un génie. Et puis deuxièmement, il disait la médecine, c'est d'abord la prévention. et parfois la guérison. Donc ce qui m'a apporté, c'est que maintenant, je peux faire de la prévention. J'ai le temps. Je ne me pose pas de questions à me dire, il faut que je vois. Le nerf de la guerre, c'est aussi, il ne faut pas oublier, on est chef d'entreprise, donc il faut que ça roule. Moi, j'ai une secrétaire, il faut que j'assure sa paye, etc. Donc là, je ne me pose plus de questions en disant, combien de consultations il faut que je fasse, j'ai adapté mon temps avec le prix de mes consultations. Et puis voilà, je fais beaucoup de prévention, ce que j'ai toujours aimé, et je suis content. Et puis les patients sont contents, et puis qu'ils me disent, vous êtes moins stressé, vous êtes plus souriant, vous pensez à tout, c'est encore pire. Donc c'est ça, la prévention, c'est ça. C'est fatigant de faire de la prévention, de l'éducation, c'est très fatigant. Et pour ça, il faut une bonne rémunération. Et le secteur 3, pour moi, c'est ça.

  • Speaker #1

    Séverine, vous l'avez ajouté ? Rosalie, pardon ?

  • Speaker #0

    Je réagis par rapport à ce que dit Joubine et ce que vous posiez comme question tout à l'heure par rapport à la relation avec le patient. Là, je suis maître de stage et j'ai encore plus de plaisir à enseigner, plus de temps à enseigner aux internes qui passent. Et avant-hier, avec mon interne, je lui disais Mais tu vois, ce qui est beau dans notre métier, c'est que quand le patient rentre, il a le visage fermé. Il souffre, il a des choses qu'il t'exprime, mais des choses qu'il n'exprime pas. Et ce qui est hallucinant, c'est que si toi, tu portes vraiment ton attention sur ton patient, tu vas découvrir des choses qu'il n'a même pas dit, ton patient. Et à la sortie du cabinet, il a le sourire. Et effectivement, c'est ça qui est magique. C'est de pouvoir soulager le patient de tous ses maux. et lui redonner un bien-être, un confort. Il s'est senti compris, il s'est senti soigné. Il a eu plus que ce qu'il demandait, en général.

  • Speaker #2

    Moi, de mon côté, j'ai remarqué que mon niveau de stress a diminué de manière très importante. Et que quand j'étais en secteur 1, j'étais tout le temps stressée. Je ne m'en rendais même plus compte. Il y avait des journées où j'étais plus stressée que d'autres, mais j'avais un niveau de stress permanent. J'ai l'impression de tout le temps courir. C'était une course de vitesse, de ne pas être trop en retard, d'essayer de faire son possible, d'être toujours un spécialiste à appeler et ne s'arrêter pas. Et même quand j'avais passé des très bonnes journées où j'étais contente de ce que j'avais fait, je me sentais vidée en rentrant chez moi. Et que là, mon niveau de stress a vraiment diminué, je suis beaucoup plus détendue en consultation, j'avais tendance à m'énerver facilement et je garde beaucoup mieux mon calme. Le soir, j'ai beaucoup plus d'énergie, mon mari... Il me l'a dit très rapidement. Il m'a dit, tu n'as pas le même visage en rentrant le soir, tu es souriant, tu es bien, tu as beaucoup plus d'énergie. Donc ça, vraiment, je le ressens. Et c'est tellement plaisant de pouvoir prendre le temps avec le patient sans se dire, mince, on n'est pas bien rémunéré. C'est vraiment... En plus, en termes de services médicaux rendus, en réalité, on va beaucoup plus loin, puisque la prévention, c'est le centre de tout en médecine. Oui. Il ne suffit pas de dire à un patient qu'il faudrait faire du sport, diminuer le sel. C'est comment y parvenir ? On peut dire plein de choses. Allez-y, faites du sport, faites ceci, faites cela. Oui, ok, merci, c'est bien. Mais c'est comment faire concrètement pour arrêter de fumer, pour diminuer l'alcool, pour arrêter les somnifères. Comment faire dans son planning, finalement, pour faire du sport ? Comment les encourager petit à petit ? Commence un petit peu, puis petit à petit, on va de plus en plus loin. Et ça, en fait, en termes de services médicaux rendus, on va beaucoup plus loin que si on fait un DU de micronutrition, de tout ce qu'on veut. Bien sûr, c'est utile, mais en fait, il y a beaucoup de médecins généralistes qui adorent la médecine générale et qui font aussi d'autres formations complémentaires pour être mieux rémunérés. Et c'est très bien pour les médecins passionnés qui ont envie de faire ça. Mais... Je suis sûre que si on rémunérait mieux la médecine générale, parmi les médecins généralistes, le temps consacré à la vraie médecine générale augmenterait. Voilà, c'est ça qui est dommage.

  • Speaker #1

    On ne l'a pas évoqué, c'est quand même un sujet qu'il faut qu'on aborde, puisque vous en parliez, la question de la rémunération. Vous disiez que le choix n'était pas lié du tout à une question d'argent, mais tout de même, puisque c'est lié, quand on se consacre plus de temps à ses patients, il faut être mieux rémunéré. Très simplement, et si vous le voulez bien, comment vous avez conçu vos grilles tarifaires et est-ce qu'elles ont bougé depuis que vous êtes déconventionné ?

  • Speaker #2

    Moi de mon côté, j'avais mis 55 euros pour 20 minutes de consultation et un tarif de 85 pour 40 minutes.

  • Speaker #1

    Donc en fonction du temps.

  • Speaker #2

    Et les visites à domicile à 100 euros. Et j'avais mis moins pour les patients CMU et moins si un patient par exemple il vient pour un motif aigu, qu'il faut le revoir trois jours après, je prends des honoraires moindres. Mais en fait, en réalité, je passe 30 minutes par consultation quasiment. Personne ne prend d'emblée le tarif de consultation, c'est pour moi. Pour l'instant, je n'ai pas évolué malgré les tarifs. Mais en janvier 2025, je compte partir sur des consultations de renouvellement. Partir à 30 minutes, je n'ai pas encore acté. Et faire des consultations de 20 minutes pour les consultations d'urgence.

  • Speaker #0

    C'est toujours difficile de s'évaluer soi-même quand on n'a jamais eu l'occasion d'évaluer notre travail et la valeur de nos consultations. Donc, ce qui s'est passé, c'est qu'on a regardé la moyenne européenne. Moi, j'ai regardé la moyenne européenne. Effectivement, c'est 50 euros environ. Je me suis dit, ma consultation est dure 20, 30, 40 minutes. Ça peut être que deux, trois fois le tarif de base de la consultation, le tarif de la Sécurité sociale. Donc, j'ai quand même donné des repères pour les patients en leur disant qu'une consultation de base, c'était 50 euros. que si vraiment elle dépassait, enfin si ça fait très longtemps que je n'ai pas vu le patient, ou si c'est un nouveau patient, où il faut reprendre tout un dossier médical, ou si les consultations durent plus de 30 minutes, ou s'éternisent, ça peut être des tarifs supérieurs. Je donne aussi une base de 70 euros. Pour les visites à domicile, étant donné que je fais 20 minutes de trajet, aller 20 minutes retour et 30 minutes sur place, Je me suis dit, c'est pas possible que je fasse une visite tarif sécu à 35 euros, ou même 70 euros la visite longue. Donc j'ai donné cette base au patient en disant que c'était 70 euros, mais ça pouvait aller jusqu'à 120 euros si vraiment je passais beaucoup de temps. Et que c'était tout à fait, avec tact et mesure, négociable avec le patient aussi. D'accord,

  • Speaker #1

    donc il y a une acceptabilité aussi du delta, c'est-à-dire que vous arrivez sur une visite par exemple où on se dit on va payer 70, 75, et finalement si c'est plus long, le patient accepte de payer 120 sans problème.

  • Speaker #0

    Oui, et pour pouvoir mettre ça en place et puis ne pas... Pas... prendre les gens à revers. Je les appelle avant, parce que quand c'est des nouveaux patients, souvent d'ailleurs maintenant les visites à domicile, c'est des nouveaux patients qui m'appellent, parce qu'ils ne trouvent pas de médecins qui viennent à domicile. Donc ils m'appellent et puis on discute ensemble et on parle directement du tarif aussi, en disant là vous habitez où, je vais mettre combien de temps et je vais passer combien de temps.

  • Speaker #1

    Donc c'est très transparent et c'est très libéral dans l'approche en fait.

  • Speaker #0

    C'est très libéral dans l'approche et c'est surtout, moi j'ai découvert en secteur 3, la notion du tact et mesure. enfin, je peux faire des actes gratuits. Enfin, je peux faire des actes moins chers aux personnes qui ne peuvent pas payer. Ça, c'est des choses qu'on ne faisait pas avant.

  • Speaker #1

    Et ça, vous le faites ?

  • Speaker #0

    Oui, je le fais. Je le fais. Je le fais. Je pense que je le fais trop, mais je le fais.

  • Speaker #3

    Alors, moi, c'est très étonnant, mais les 50 euros, ça faisait peur à beaucoup de personnes. Donc du coup moi j'ai mis 45, mais j'ai pas mis en temps moi, j'ai mis en nombre de problèmes. Donc 1 à 2 problèmes c'est 45 euros, et entre 3 et 5 problèmes c'est 70 euros.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire j'arrive avec 2 problèmes identifiés mais vous m'en trouvez 4 ?

  • Speaker #3

    Ça fera 70.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a été accepté aussi ?

  • Speaker #1

    Aussi. Par contre, il n'y a pas de notion de temps, moi.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Je peux passer 10 minutes, je peux passer 40 minutes, même si c'est un ou deux problèmes. Je peux passer du temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous y retrouvez, vous ? Alors, au-delà, on l'a bien compris, du bien-être, de moins de stress, du fait que vous êtes content de faire de la prévention et tout ça. Au-delà de tout ça, est-ce que vous vous y retrouvez financièrement ?

  • Speaker #1

    Alors moi je me permets de parler, avec Rosalie on est passé en même temps en secteur 3, et donc après elle vous en dira. Moi depuis fin août, j'attends que l'URSSAF me demande des sous en secteur 3. Donc pour l'instant je ne peux pas vous répondre parce que je ne sais pas combien ils vont me demander, mais en gros, alors franchement moi ce que je pense du secteur 3. par rapport à un moment où j'étais secteur 1. Moi, je vais gagner la même chose, mais on va payer un peu plus de charges. Mais comme on a augmenté le prix des consultations, qu'on voit moins de patients, on est plus tranquille, etc. Il ne faut pas croire qu'en secteur 3, on va être riche. Ce n'est pas vrai. On passe en secteur 3 pour être un peu plus tranquille et pour faire de la vraie médecine. Voilà. et on paye plus de charges, il faut prendre sa pré-retraite en main aussi, puisqu'on arrête de payer la CARF et la complémentaire retraite. Il faut accepter ça. Il ne faut pas aller faire du secteur 3 parce que je vais être riche. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Secteur 3, plus de CAMF ?

  • Speaker #1

    Non, la complémentaire retraite.

  • Speaker #2

    Alors, je confirme qu'on ne passe pas en secteur 3 du tout pour le but de s'enrichir. Moi, je suis fauchée. Mon conjoint ne travaille plus.

  • Speaker #0

    Pro d'actes gratuits.

  • Speaker #2

    Pro d'actes gratuits. Mon conjoint ne travaille plus parce qu'il est homme au foyer. Il est très bien comme ça. Moi, ça me rassure aussi parce que du coup, j'ai plus de liberté de marge de manœuvre dans mes horaires. Et on peut parler librement de ces revenus. Moi, je n'ai pas de problème avec les chiffres. Si avant je me versais un salaire de 6 500 euros par mois net, maintenant je me verse un salaire de 5 000. Voilà, parce qu'effectivement, je mets quand même de côté, parce que je ne sais pas à quelle sauce je vais être mangée aussi au niveau de l'URSSAF. Et je pense qu'il faut que je mette de côté pour toutes mes cotisations, toutes mes charges, 60% de mon chiffre d'affaires. Donc, je me verse 5 000 euros. Et les mois où je ne travaille pas, comme là, je vais partir un mois en vacances, en congé, c'est zéro. Donc voilà, on change de rythme de travail et c'est très bien ainsi. On s'y retrouve de la même manière que mes patients retrouvent de la qualité dans mon travail, je retrouve aussi de la qualité de vie en ayant passé le décompensionnement.

  • Speaker #3

    Moi aussi, j'ai un petit peu diminué mon chiffre d'affaires, mais c'est aussi que j'ai fait le choix de diminuer aussi mon temps de travail. J'ai deux enfants en bas âge et c'est important là d'en profiter. Une fois qu'on augmente son activité en libéral, c'est compliqué de revenir en arrière. Donc là, je surfe un petit peu sur le côté tranquillité avant de réaugmenter. Moi, mes revenus l'année dernière, quand j'étais conventionnée, ils me convenaient. Ce qui ne me convenait pas, c'est les revenus que j'avais par rapport... À mon niveau d'études, aux risques que je prends, au niveau de responsabilité et au temps réel de travail et au niveau de stress. C'est tout ça qu'il faut mettre en balance, ce n'est pas juste un revenu posé, c'est ce qu'on fait pour avoir ce revenu-là.

  • Speaker #0

    C'est ce que disait Rosalie, c'est très compliqué finalement de chiffrer la valeur de son travail.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. Après, on n'est quand même pas très à l'aise de demander, ce n'est pas si facile que ça, de demander ses honoraires en sachant que les patients ne sont pas remboursés. Ce n'est quand même pas confortable, il faut être honnête. Maintenant, quelque chose qu'on n'a pas encore abordé, c'est que moi, en consultation, je n'ai pas du tout le sentiment d'avoir fait le tri sur les patients riches. Parce que moi, c'était très mal vu dans ma famille que je me déconventionne. Beaucoup de remarques, ça va être la médecine pour les riches. Et voilà, j'appréhendais un petit peu ça. Maintenant, moi je suis toute jeune, j'ai 35 ans, et je ne me voyais pas rester plus de 30 ans avec un système où en fait c'est toujours plus de mesures difficiles pour nous, avec de moins en moins d'avantages, où on se sent bloqué de plus en plus dans ce système. Donc il fallait que je fasse quelque chose, quitte à gagner moins. Il faut prendre son destin entre ses mains. Et les patients, en réalité, ce qui a le plus changé pour moi, c'est plus d'avoir les patients qui sont respectueux envers les médecins et envers moi. Ça peut paraître surprenant, mais j'ai des patients de revenus très confortables qui sont partis, et ceux qui m'ont fait le plus la morale, c'est dans les patients les plus aisés.

  • Speaker #0

    Vous avez les moyens, finalement ?

  • Speaker #3

    Ah oui, dans des patients qui ont des revenus, mais que jamais j'approcherais. Et je ne vais pas dire le contraire, il y a quand même des patients... avec peu de revenus qui sont partis. Je veux dire, la vie n'est pas aussi rose que je pourrais... Voilà, il faut être réaliste. Mais ces patients-là, ceux qui m'ont... Déjà, ils m'ont dit très gentiment qu'ils allaient partir, qu'ils me remerciaient et qu'ils respectaient mon choix et voire ils m'encourageaient certains. Voilà, donc j'ai quand même des... Voilà, j'ai une patientelle avant des mureaux. Dans ceux qui sont restés depuis mon installation à Chambourcy, en fait, j'en ai très, très peu qui sont partis.

  • Speaker #0

    Je vais oser la question, mais vous avez gagné en qualité de passion ?

  • Speaker #3

    En fait, on dit souvent qu'une patientèle reflète le médecin au bout de plusieurs années. Et comme ma première installation, c'était en janvier 2020, et que j'ai changé d'installation dans une ville très différente, ma patientèle ne reflétait pas encore ma personnalité. Donc j'avais des patients... Il y a quand même le sentiment, moi, je trouve, d'être médecin généraliste, il y avait un peu un côté ces derniers temps où j'avais l'impression que les patients allaient au guichet de la poste demander leur timbre et ceci et cela, que le prof de gym, il a dit qu'il faudrait une IRM du genou. Ou quand des fois c'est pas ma voisine qui a rien à voir dans le milieu de la santé qui pense ça. Et franchement, honnêtement, c'est quand même consternant.

  • Speaker #0

    Et c'est un peu ce qui n'arrive plus depuis que vous êtes en secteur 3 ?

  • Speaker #3

    Non, quasiment pas. Ou pas du tout de la même manière. Une interrogation qui est très différente. Et de me dire je voudrais ceci, me rajoutez moi cela et machin. Non, ça n'arrive pas. Il y a un côté... Mais c'est une liste de course quoi. Oui, il y en a toujours quand un petit peu leur liste de course, ça les rassure. Mais c'est pas présenté de la même manière. C'est pour ça que je suis beaucoup plus détendue, parce que les patients sont beaucoup plus agréables et respectueux. Ils ne sont pas moins complexes. J'ai une patientelle qui est très diversifiée, avec des patients retraités, des patients qui ont peu de moyens, des patients aisés, des patients qui sont d'origine étrangère. J'ai même des patients des Mureaux qui ont déménagé, qui ont fait une heure de route pour venir me voir, alors qu'ils avaient rendez-vous avec un secteur 1. En réalité, c'est quoi la vision qu'on a de la santé, la vision qu'on a du médecin ? Je trouve que ça joue beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous l'avez remarqué, ça aussi, le changement d'attitude de votre patientèle, ou peut-être le changement même de patientèle ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis tout à fait d'accord. Moi, j'ai beaucoup de patients qui m'ont quitté, c'était les plus aisés. Donc, c'est très étonnant. On ne comprend pas. Alors, le changement de patientèle, il y a pas mal de jeunes. On se rend compte qu'il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de médecin traitant, donc qui sont contents de nous avoir. Mais surtout ce qu'il y a c'est que les autres patients qui sont restés, ils ne viennent pas pour des petites choses ou des choses comme ça. C'est des petits problèmes. Ils viennent vraiment pour... C'est réfléchi. C'est-à-dire avec le prix qu'ils vont payer, ils ne viennent pas vous demander de bottes de Deliprane. Enfin j'exagère, mais voilà, c'est réfléchi. Ils viennent avec des demandes très précises et c'est agréable. C'est agréable, d'accord ? Plus de bobologie quoi. Oui, il n'y a plus de bobologie. Et après, je viendrai sur le prix. Je vais vous raconter une petite histoire très rapidement. J'ai une personne qui a quelques années qui m'a dit je suis allé voir tel spécialiste en nutrition, etc. qui est connu, c'est le spécialiste, il est sur Paris. Et qui m'a dit, alors j'ai dit ah oui, il m'a dit ah bah il m'a pris, je vous parle de ça il y a 10 ans, il m'a pris 70 euros. Et j'ai dit ah bon ? Et qu'est-ce qu'il vous a dit ? Et il m'a dit la même chose que vous. J'ai dit, ah bah ça va alors. Alors qu'est-ce que vous allez faire ? Elle dit, bah je vais l'écouter parce qu'elle m'a pris 70 euros. Vous voyez ? Donc là, vous vous posez des questions. Vous vous dites, mais c'est pas possible. Bon, bien sûr, à la fin de la consultation, elle m'a dit, combien je vous donne ? J'ai dit 70, puisque j'ai dit la même chose. Mais elle m'a payé à l'époque, c'était 23 euros. Donc elle m'a dit, bah non, non. Elle a rigolé, elle a dit, non, non, c'est 23 euros. Voilà. Donc c'est ça, c'est bête, hein. C'est bête. C'est vous payez, donc vous écoutez. voilà c'est comme ça, l'être humain est comme ça

  • Speaker #0

    Allez une dernière question avec une réponse à mon avis qui sera très rapide de la part de vous trois, revenir en arrière est-ce que vous y pensez ?

  • Speaker #1

    Moi c'est possible parce que c'est bien quand même que les gens c'est une longue histoire Elle sera pas si courte finalement la réponse C'est une longue histoire c'est à dire qu'en fait moi je veux bien revenir en secteur 2 pour que les patients soient remboursés quand même une certaine parti, mais je ne veux pas adhérer à l'optam ou pas optam, je ne veux plus que la sécurité sociale intervienne dans ce que je dois faire dans mon métier. Voilà.

  • Speaker #2

    C'est pratiquement pareil, c'est-à-dire que ce qui me fait regretter le secteur 1 où j'étais, c'est le remboursement de mes patients. C'est-à-dire que si maintenant la sécurité sociale reconnaît que je fais le même travail, voire même mieux mon travail actuellement que quand j'étais en secteur 1, et rembourse les patients de la même manière qu'ils remboursent les patients qui voient un médecin en secteur 1, même tarif, je ne demande même pas qu'ils remboursent le tarif que je pratique, Il s'agit d'une simple décision.

  • Speaker #0

    Juste prendre une part ?

  • Speaker #2

    Juste une part, juste une part. C'est par simple décision ministérielle. Donc moi j'attends ça avec impatience. Et bien sûr, je suis secteur ce que vous voulez. Mais du moment que je suis remboursée, je reviendrai avec plaisir.

  • Speaker #3

    Moi aussi c'est assez similaire, c'est que je pourrais, je suis pas, voilà je trouve qu'il y a des choses qui sont positives aussi avec l'assurance maladie, je continue de télétransmettre mes feuilles de soins, de télétransmettre les arrêts maladie, s'il y a des choses qui sont positives, oui. Donc moi ce serait revenir si c'est du secteur 2 et pareil non-optam, les obligations, les machins, c'est mort. Ou du secteur 1 si on peut, enfin un secteur 1 si on pouvait faire en fonction du temps de consultation. Ouais ça c'est... Ça, ce serait possible. Mais j'ajouterais quand même une nuance, que c'est aussi possible. Si on veut rendre notre exercice plus compliqué en secteur 3 et qu'on n'aille pas sur ces directions-là, et que comme on est des vilains petits canards qui sommes en secteur 3, et si on veut nous pourrir notre exercice en pensant qu'on va revenir en secteur 1, ma réponse serait que je serais capable de quitter la médecine générale, de changer complètement de secteur, et voire même de quitter la médecine. Voilà, donc pour moi, ces côtés où... On peut se demander des fois s'il est politique par des décisions un petit peu simplistes, on va encore plus compliquer, les contraindre pour les faire revenir dans le bon chemin. Non, moi, je reviens dans le bon chemin et mon contraint, je tiens à ma liberté, à mon indépendance. Et j'adore la médecine générale, c'est un choix d'avoir fait de la médecine générale. J'aime la médecine générale, mais pas à n'importe quel prix. Et si on veut me contraindre dans mon métier, je serai capable de quitter la médecine complètement.

  • Speaker #0

    Un grand merci à tous les trois pour votre franchise, votre témoignage. Merci donc à Séverine Stenckit, à très bientôt, Rosaline Guyenne et Joubine Nadjaï, et à très bientôt pour un prochain podcast de l'URPS.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Nous allons parler, dans cet épisode, d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années : les déconventionnements.
Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement.


Aujourd'hui, nous allons nous intéresser aux médecins ayant fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? 


On en parle avec : 

- Dr Séverine Steenkiste, médecin généraliste à Chambourcy (78)
- Dr Rosalie Nguyen, médecin généraliste au Blanc-Mesnil (93)
- Dr Joubine Nadjahi. médecin généraliste à Créteil (94)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast est animé par la journaliste Sidonie Watrigan.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, merci d'être avec nous pour ce quatorzième épisode de La Voix des Libéraux, un podcast proposé par l'URPS Île-de-France. Notre souhait, notre objectif, vous le savez, c'est répondre sans langue de bois à toutes vos interrogations, vous médecins d'Île-de-France, sur un sujet précis. On va parler d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années, ce sont les déconventionnements. Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement. Aujourd'hui, on va s'intéresser aux médecins qui ont fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? On va poser la question et surtout solliciter le témoignage de trois médecins généralistes déconventionnés. D'abord, Séverine Stenkist, bonjour.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes médecin généraliste à Chambourcy. Rosaline Guyenne, bonjour. Bonjour. Médecin généraliste au Blanc-Ménil et Joubine Nadjaï. Bonjour. Bonjour. Vous êtes médecin généraliste à Créteil. Peut-être une première question pour vous, très simple, Joubine. Est-ce qu'on peut rappeler le principe du conventionnement des secteurs 1, 2 et 3 ?

  • Speaker #3

    Eh bien, écoutez, d'abord, il y a le conventionnement 1, c'est-à-dire que les médecins libéraux sont soumis à une tarification qui est réglée par la CPAM et profitent de certains forfaits, de certaines rémunérations, toujours par la CPAM, mais qui ne peuvent pas augmenter le prix de leur consultation tout seul. Le secteur 2, ce sont des médecins qui sont une tarification libre, mais on ne peut arriver en secteur 2 que si on a fait 2 à 3 ans de clinica. Et le secteur 3, le médecin ne travaille plus avec la sécurité sociale ou presque plus. C'est-à-dire que ces actes ne sont pas remboursés et la tarification est libre.

  • Speaker #1

    C'est donc pour ça, vous trois, que vous êtes passés de secteur 1 directement à secteur 3, parce que médecin généraliste dit ne fait pas de clinica. C'est ça l'idée ?

  • Speaker #3

    Voilà.

  • Speaker #2

    Il y a quand même quelques clinica ou assistana, mais c'est vrai qu'il y a peu de postes. Et j'ai aussi connu des confrères qui, en ayant fait plusieurs années d'assistana, ont eu des difficultés à le faire valoir pour être en secteur 2. Donc ce n'est pas impossible, mais c'est plus difficile, on va dire.

  • Speaker #1

    Donc Séverine, comme vous avez pris la parole, c'est vous que je vais interroger en premier sur les motivations qui vous ont conduite à passer en secteur 3. Vous étiez en secteur 1 jusqu'à octobre 2023.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Avant, en préparant l'émission, on discutait un peu, et vous m'avez dit, mais vous m'auriez dit ça il y a trois ans, passer en secteur 3, pour moi c'était lunaire et impossible. Qu'est-ce qui a changé ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que j'ai cru exercer toute ma vie en secteur 1, mais entre les négociations conventionnelles qui se sont extrêmement mal passées, le fait d'avoir de plus en plus des consultations longues, et donc on ne peut pas revaloriser en termes d'honoraires, J'ai commencé à avoir un sentiment de mal-être et j'ai réalisé qu'en réalité, j'étais comme dans un étau, où soit je faisais des consultations longues et l'exercice de la médecine que je veux faire, où j'aime beaucoup mettre en avant la prévention, faire un vrai bilan pour chaque patient, et du coup, je ne me sentais pas très bien rémunérée en termes de taux horaires, où soit je pouvais faire mes consultations plus rapidement. avoir un chiffre d'affaires plus satisfaisant. Mais en réalité, en fin de journée, je ne me sentais pas très bien, pas satisfaite de mon travail. Et puis même des fois, je me demandais, est-ce que si j'avais eu plus de temps, est-ce que je n'aurais pas fait les choses différemment ? Donc voilà, quand c'est occasionnel, ça ne pose pas de problème. Mais quand ça devient quotidien et pluricotidien, ça commence à peser.

  • Speaker #1

    La principale motivation, c'est donc la question de la gestion du temps pour vous. Même question à vous, Rosalie.

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire que moi je me suis déconventionnée parce que je ne pouvais plus travailler en secteur conventionnel. J'étais arrivée au bout de ce que je pouvais faire, de ce que je pouvais donner, et malgré tout j'avais le sentiment de ne pas pouvoir satisfaire toutes les demandes de mes patients.

  • Speaker #1

    Vous avez un exemple concret ?

  • Speaker #0

    Un exemple concret, j'en ai des tonnes. Mais si je vous dis que je travaillais de 9h du matin jusqu'à minuit et que malgré tout, je n'avais pas vu tous les patients qui se présentaient au cabinet et que je rentre à la maison et que je ne peux pas m'endormir parce que tout simplement, je repense encore à ce que je n'ai pas fait, ce que je n'ai pas pu faire et aux erreurs que j'ai pu commiser aussi, je ne pouvais plus continuer comme ça.

  • Speaker #1

    Jobine ?

  • Speaker #3

    Moi, j'ai donné pour la convention, puisque j'ai fait quand même 28 ans de convention secteur 1, et moi personnellement j'étais fatigué par la paperasserie de la CPAM, les demandes incessantes de patients, souvent non justifiées, le fait de subir les forfaits, le sentiment d'être plutôt salarié que libéral, et ne pas pouvoir faire ce que j'avais envie de faire, c'est-à-dire passer du temps avec les patients. Et pareil, beaucoup d'heures de temps et pour pas grand chose. Donc pas grand chose. Moi, ce que je voulais, c'est pour la médecine, je pense qu'il faut passer du temps avec les patients. Et là, c'est plus possible. C'est plus possible parce que là, c'était devenu, quel acte je peux faire ? pour gagner mieux ma vie. Et ça, ça ne doit pas être dans l'esprit d'un médecin.

  • Speaker #1

    La question du temps, vous le dites tous. La question de la charge mentale, elle est quand même importante. C'est quelque chose, par exemple, Séverine, qui vous a motivée à franchir le pas ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire que pour avoir un chiffre d'affaires satisfaisant, il faut quand même voir suffisamment de patients. Et même sans faire tant d'actes que ça, quand on cumule beaucoup de consultations complexes, c'est quand même difficile à la fin de la journée.

  • Speaker #1

    Donc ce qu'on entend dans ce que vous dites, et ce que disait aussi Joubine, c'est que l'idée, c'est que vous faites de la discrimination à l'entrée. C'est-à-dire que quand vous êtes encore en secteur 1, vous êtes obligée de choisir des cas moins complexes ?

  • Speaker #2

    Ah non, moi je ne le faisais pas. Moi je trouvais ça tellement satisfaisant de... Je sais qu'il y a des médecins généralistes sectorains qui le font. J'ai des patients qui essayent de déménager, une patiente qui a une sclérose en plaques qui n'arrive pas à retrouver un médecin parce qu'elle est considérée comme trop complexe.

  • Speaker #1

    Et on lui a dit, clairement ?

  • Speaker #2

    Oui, on lui a dit. J'ai plusieurs patients à qui on l'a formulé clairement. Moi, je n'ai jamais voulu agir de cette façon-là. Mais par contre, en ayant de plus en plus de patients complexes ou en souffrant d'une manière générale, mon temps de consultation moyen est de plus en plus long. J'ai une population assez âgée. Avant, je l'exerçais au Muro, j'avais une population assez fragile et compliquée au niveau social. Là, j'ai une population polypathologique et âgée, avec même des patients jeunes qui ne vont pas forcément très bien. Moi, ce qui m'étonne le plus, c'est que des fois, je vois sur mon planning un patient de 35 ans, on pourrait se dire, bon, ça va être plus rapide. Et je suis vraiment étonnée du niveau de stress. Parmi la population plus jeune, et que des fois j'ai des consultations qui peuvent être même plus longues avec des patients de 30-40 ans que des patients de 80 ans aussi, donc c'est pas forcément un patient âgé qui va être forcément long et un patient plus jeune avec une consultation plus courte, ça dépend de beaucoup de paramètres.

  • Speaker #1

    Donc, retrouver du temps médical, prendre soin de ses patients, faire de la prévention, aussi se préserver en termes de charge mentale. On comprend bien les motivations. Est-ce qu'il y en a d'autres qu'on n'a pas citées avant de parler de l'élément vraiment déclencheur, du passage à l'acte, on va dire, vers le secteur 3 ? Vous avez d'autres éléments de motivation à ajouter ?

  • Speaker #0

    Bon, non.

  • Speaker #1

    Alors, quand vous êtes passé dans le secteur 3, j'aimerais bien savoir, un, comment ça s'est passé, comment ça a été vécu, et par votre entourage et par vos patients. Rosalie ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon entourage, de toute façon, j'étais pratiquement en rupture avec mon conjoint parce qu'il me disait que je n'étais jamais présente à la maison. Donc, il a dû arrêter de travailler pour s'occuper de nos trois enfants. Donc, de toute façon, il a été ravi que je passe en secteur 3 et que j'ai enfin des horaires raisonnables. mes patients, je dirais qu'un patient sur deux a exprimé son mécontentement ou son incompréhension. Vis-à-vis de ce choix, j'ai dû expliquer individuellement avec chaque patient. Ça m'a pris beaucoup, beaucoup de temps aussi en consultation pour vraiment faire comprendre la raison et que ce n'était pas une raison financière, comme beaucoup pouvaient le penser ou en tout cas le supposer. Et un patient sur deux, du coup, comprenait parfaitement et a été... Ils ont même remarqué que les rendez-vous étaient plus faciles à prendre. Je n'avais plus des délais de rendez-vous de cinq semaines. Je peux prendre des rendez-vous des patients le jour même ou le lendemain. J'étais plus disposée à les écouter. Je prenais plus de temps avec chaque patient. Ça a changé toute la consultation, en fait. Je redécouvrais mes patients, des patients que je voyais trop, trop vite. Plusieurs fois par an, mais trop vite, c'est ce qu'on a fini par dire. C'est qu'il vaut mieux avoir une consultation qui dure 20-30 minutes, deux fois par an, plutôt qu'une consultation tous les mois qui dure 10 minutes.

  • Speaker #3

    Diminuer le nombre de consultations, prendre mon temps et s'occuper des patients, de la prévention, de tout ça. Et j'en suis très content.

  • Speaker #1

    Un élément que vous pointiez effectivement dans la préparation de cette émission, c'était de dire que la sécurité sociale est souvent très déconnectée. De la réalité de l'état des patients, notamment, je crois que c'est vous Séverine qui me l'avez dit, post-Covid, mais vous en avez un peu parlé, même les jeunes ont des pathologies un peu compliquées, complexes à gérer et que c'est hyper important, non pas de consacrer 5 minutes, mais éventuellement jusqu'à 45 minutes pour chaque patient.

  • Speaker #2

    Je partage exactement le même point de vue que mes confrères et notamment Rosalie qui disait je trouve ça vraiment plus pertinent de voir un patient 30 minutes que 3 fois 10 ou 2 fois 15. En fait, ce n'est pas pareil. Surtout quand on veut vraiment avoir un tour d'horizon de la santé d'un patient en termes de prévention, des multiples pathologies, c'est différent. Je trouve ça beaucoup plus logique d'avoir plus de temps à un moment donné et de voir un patient moins souvent, surtout dans une société où... C'est plus compliqué pour les patients de venir souvent chez le médecin. Des fois, les patients âgés, il y a quand même quelqu'un de la famille qui a pris une demi-journée pour l'accompagner. Donc comment dire, ah bah non, c'est un seul motif, une consultation. Bah non, on ne peut pas faire ça. Du coup, c'est vrai que ça change beaucoup de choses de se sentir plus à l'aise pour le faire réellement.

  • Speaker #1

    C'est pas un élément qui a été entendu, ça, par l'assurance maladie, au moment notamment des assises du déconventionnement ? Ce processus de l'accompagnement du patient, de la prévention, du nécessaire temps médical, c'est quelque chose dont on parle beaucoup dans ce podcast, retrouver du temps médical, ça n'a pas été abordé et entendu ?

  • Speaker #2

    Je n'ai pas fait partie des négociations conventionnelles, donc je ne sais pas ce qui s'est passé. Le problème de l'assurance maladie, c'est que c'est des quotations... qui ne sont pas faciles à utiliser. Par exemple, les visites à domicile, vous avez un système de visite longue une fois par trimestre. Pour les patients de plus de 80 ans en ALD, moi j'étais la championne, 79 ans en ALD ou 81 ans pas en ALD. Ou si vous avez besoin d'avoir deux consultations, une situation qui est plus complexe pendant quelques mois, et vous avez besoin de le voir plus fréquemment pendant un trimestre, vous ne pouvez le faire qu'une seule fois.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il faut qu'il rentre dans des cases très précises,

  • Speaker #2

    avec des contraintes très précises. Un patient qui sort d'hospitalisation pour motif chronique, c'est dans le mois qui suit. Si vous le voyez un mois et demi après, c'est cuit. Ou alors vous le faites en disant que vous n'êtes pas dans les clous. Donc l'évaluation de la dépression, vous avez une cotation à 1000 tonnes. Vous pouvez très bien voir un patient, pendant un mois, il y a besoin d'un accompagnement plus poussé, donc cette cotation, vous ne pouvez l'utiliser qu'une seule fois, une fois par an. Alors que des patients qui sont en mal-être, en réalité, il y a bien trois consultations qui sont quand même très longues. Et puis, des fois, vous n'avez pas envie de tout... Enfin, voilà, vous avez besoin de plus de temps avec un patient, on est médecin, on a Bac plus 9, ça ne rentre pas toujours dans les clous, quoi. En fait, le système conventionnel est fait. Pour mettre tous les médecins dans le même panier, alors que chaque médecin a ses particularités, notamment en médecine générale, je pense que c'est encore plus vrai que dans d'autres spécialités. En fonction de nous, là où on est plus à l'aise, c'est vrai que je fais beaucoup de polypathologie, qu'il y a d'autres médecins qui vont faire beaucoup plus d'aigus. En fonction de la population qu'on a, est-ce qu'on a une population jeune et dynamique, ou une population en zone rurale, ou âgée, polypathologique ? Est-ce qu'il y a des médecins qui sont très à l'aise avec le côté soutien psychologique ? Et en fait, on ne peut pas avoir une consultation à l'acte alors qu'on est tous différents avec des populations différentes. Il y a aussi des médecins qui aiment bien avoir des consultations courtes et c'est leur fonctionnement et c'est des très bons médecins. Et c'est comme ça, ils ont besoin que ce soit très dynamique dans une journée et d'autres qui ont besoin de plus de temps. Mais j'ai quand même le sentiment que beaucoup de jeunes médecins ont besoin de temps de faire les choses comme ils le souhaitent. Et du coup, d'être bloqué dans ce système-là, c'est hyper frustrant.

  • Speaker #1

    Il y a un élément important, Rosalie en a parlé très rapidement, mais c'est sur la relation que vous avez à vos patients depuis que vous êtes passés en secteur 3. J'ai bien noté la nécessaire acculturation au fait que vous y passiez et leur faire comprendre pourquoi vous le faites, mais depuis que vous êtes en secteur 3, qu'est-ce qui a changé avec vos patients ?

  • Speaker #0

    Ce qui a changé, c'est que déjà je ne ressens plus la colère que je ressentais et l'injustice que je ressentais tout au long de la journée quand il fallait que je facture, que je cote et que je télétransmette ma cotation à la Sécurité sociale. Quand j'estimais que la consultation était longue parce que le patient est revenu après un certain temps d'hospitalisation et qu'il fallait que je réévalue tout son traitement, toute l'histoire de sa maladie, etc. et que j'y passais du temps et qu'il fallait que je cote une cotation permise par la Sécurité sociale et que je ne pouvais pas la faire parce qu'elle était permise seulement sur 30 jours et que le patient ne peut me voir qu'au bout de 5 semaines parce que c'était mes délais de rendez-vous, j'étais très fâchée. Donc plutôt que de penser effectivement à mon patient, à son bien-être, qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que je dois encore faire, en cliquant sur la cotation, je me disais mais c'est pas possible, c'est refusé. C'est totalement injuste. Donc toute cette colère est partie. Là, actuellement, je ne me concentre que sur la santé du patient. Voilà. Uniquement sur ce qu'il me dit, je l'écoute. Et pas sur, tiens, quel jour on est aujourd'hui, est-ce que ça fait six mois que je l'ai vu, est-ce que ça fait trois mois que je l'ai vu ? Voilà.

  • Speaker #1

    La relation aux patients et surtout la façon dont maintenant les patients vous considèrent aussi, parce que ça c'est une autre forme de question autour de ça.

  • Speaker #3

    Moi, je voudrais faire un peu d'histoire. Et quand vous lisez l'avis d'Avicenne, qui a été vraiment, pour moi c'était un génie pour son époque, il disait, j'ai retenu surtout deux choses qu'il disait. Premièrement, il disait, quand on vieillit, il faut faire très attention à ce qu'on mange. Il faut faire du sport, c'est quand même quelqu'un qui est né en 950, quelqu'un qui disait en 950, je ne sais pas moi, à 40 ans, donc dans l'année 1000, il disait il faut faire du sport, c'était quand même un génie. Et puis deuxièmement, il disait la médecine, c'est d'abord la prévention. et parfois la guérison. Donc ce qui m'a apporté, c'est que maintenant, je peux faire de la prévention. J'ai le temps. Je ne me pose pas de questions à me dire, il faut que je vois. Le nerf de la guerre, c'est aussi, il ne faut pas oublier, on est chef d'entreprise, donc il faut que ça roule. Moi, j'ai une secrétaire, il faut que j'assure sa paye, etc. Donc là, je ne me pose plus de questions en disant, combien de consultations il faut que je fasse, j'ai adapté mon temps avec le prix de mes consultations. Et puis voilà, je fais beaucoup de prévention, ce que j'ai toujours aimé, et je suis content. Et puis les patients sont contents, et puis qu'ils me disent, vous êtes moins stressé, vous êtes plus souriant, vous pensez à tout, c'est encore pire. Donc c'est ça, la prévention, c'est ça. C'est fatigant de faire de la prévention, de l'éducation, c'est très fatigant. Et pour ça, il faut une bonne rémunération. Et le secteur 3, pour moi, c'est ça.

  • Speaker #1

    Séverine, vous l'avez ajouté ? Rosalie, pardon ?

  • Speaker #0

    Je réagis par rapport à ce que dit Joubine et ce que vous posiez comme question tout à l'heure par rapport à la relation avec le patient. Là, je suis maître de stage et j'ai encore plus de plaisir à enseigner, plus de temps à enseigner aux internes qui passent. Et avant-hier, avec mon interne, je lui disais Mais tu vois, ce qui est beau dans notre métier, c'est que quand le patient rentre, il a le visage fermé. Il souffre, il a des choses qu'il t'exprime, mais des choses qu'il n'exprime pas. Et ce qui est hallucinant, c'est que si toi, tu portes vraiment ton attention sur ton patient, tu vas découvrir des choses qu'il n'a même pas dit, ton patient. Et à la sortie du cabinet, il a le sourire. Et effectivement, c'est ça qui est magique. C'est de pouvoir soulager le patient de tous ses maux. et lui redonner un bien-être, un confort. Il s'est senti compris, il s'est senti soigné. Il a eu plus que ce qu'il demandait, en général.

  • Speaker #2

    Moi, de mon côté, j'ai remarqué que mon niveau de stress a diminué de manière très importante. Et que quand j'étais en secteur 1, j'étais tout le temps stressée. Je ne m'en rendais même plus compte. Il y avait des journées où j'étais plus stressée que d'autres, mais j'avais un niveau de stress permanent. J'ai l'impression de tout le temps courir. C'était une course de vitesse, de ne pas être trop en retard, d'essayer de faire son possible, d'être toujours un spécialiste à appeler et ne s'arrêter pas. Et même quand j'avais passé des très bonnes journées où j'étais contente de ce que j'avais fait, je me sentais vidée en rentrant chez moi. Et que là, mon niveau de stress a vraiment diminué, je suis beaucoup plus détendue en consultation, j'avais tendance à m'énerver facilement et je garde beaucoup mieux mon calme. Le soir, j'ai beaucoup plus d'énergie, mon mari... Il me l'a dit très rapidement. Il m'a dit, tu n'as pas le même visage en rentrant le soir, tu es souriant, tu es bien, tu as beaucoup plus d'énergie. Donc ça, vraiment, je le ressens. Et c'est tellement plaisant de pouvoir prendre le temps avec le patient sans se dire, mince, on n'est pas bien rémunéré. C'est vraiment... En plus, en termes de services médicaux rendus, en réalité, on va beaucoup plus loin, puisque la prévention, c'est le centre de tout en médecine. Oui. Il ne suffit pas de dire à un patient qu'il faudrait faire du sport, diminuer le sel. C'est comment y parvenir ? On peut dire plein de choses. Allez-y, faites du sport, faites ceci, faites cela. Oui, ok, merci, c'est bien. Mais c'est comment faire concrètement pour arrêter de fumer, pour diminuer l'alcool, pour arrêter les somnifères. Comment faire dans son planning, finalement, pour faire du sport ? Comment les encourager petit à petit ? Commence un petit peu, puis petit à petit, on va de plus en plus loin. Et ça, en fait, en termes de services médicaux rendus, on va beaucoup plus loin que si on fait un DU de micronutrition, de tout ce qu'on veut. Bien sûr, c'est utile, mais en fait, il y a beaucoup de médecins généralistes qui adorent la médecine générale et qui font aussi d'autres formations complémentaires pour être mieux rémunérés. Et c'est très bien pour les médecins passionnés qui ont envie de faire ça. Mais... Je suis sûre que si on rémunérait mieux la médecine générale, parmi les médecins généralistes, le temps consacré à la vraie médecine générale augmenterait. Voilà, c'est ça qui est dommage.

  • Speaker #1

    On ne l'a pas évoqué, c'est quand même un sujet qu'il faut qu'on aborde, puisque vous en parliez, la question de la rémunération. Vous disiez que le choix n'était pas lié du tout à une question d'argent, mais tout de même, puisque c'est lié, quand on se consacre plus de temps à ses patients, il faut être mieux rémunéré. Très simplement, et si vous le voulez bien, comment vous avez conçu vos grilles tarifaires et est-ce qu'elles ont bougé depuis que vous êtes déconventionné ?

  • Speaker #2

    Moi de mon côté, j'avais mis 55 euros pour 20 minutes de consultation et un tarif de 85 pour 40 minutes.

  • Speaker #1

    Donc en fonction du temps.

  • Speaker #2

    Et les visites à domicile à 100 euros. Et j'avais mis moins pour les patients CMU et moins si un patient par exemple il vient pour un motif aigu, qu'il faut le revoir trois jours après, je prends des honoraires moindres. Mais en fait, en réalité, je passe 30 minutes par consultation quasiment. Personne ne prend d'emblée le tarif de consultation, c'est pour moi. Pour l'instant, je n'ai pas évolué malgré les tarifs. Mais en janvier 2025, je compte partir sur des consultations de renouvellement. Partir à 30 minutes, je n'ai pas encore acté. Et faire des consultations de 20 minutes pour les consultations d'urgence.

  • Speaker #0

    C'est toujours difficile de s'évaluer soi-même quand on n'a jamais eu l'occasion d'évaluer notre travail et la valeur de nos consultations. Donc, ce qui s'est passé, c'est qu'on a regardé la moyenne européenne. Moi, j'ai regardé la moyenne européenne. Effectivement, c'est 50 euros environ. Je me suis dit, ma consultation est dure 20, 30, 40 minutes. Ça peut être que deux, trois fois le tarif de base de la consultation, le tarif de la Sécurité sociale. Donc, j'ai quand même donné des repères pour les patients en leur disant qu'une consultation de base, c'était 50 euros. que si vraiment elle dépassait, enfin si ça fait très longtemps que je n'ai pas vu le patient, ou si c'est un nouveau patient, où il faut reprendre tout un dossier médical, ou si les consultations durent plus de 30 minutes, ou s'éternisent, ça peut être des tarifs supérieurs. Je donne aussi une base de 70 euros. Pour les visites à domicile, étant donné que je fais 20 minutes de trajet, aller 20 minutes retour et 30 minutes sur place, Je me suis dit, c'est pas possible que je fasse une visite tarif sécu à 35 euros, ou même 70 euros la visite longue. Donc j'ai donné cette base au patient en disant que c'était 70 euros, mais ça pouvait aller jusqu'à 120 euros si vraiment je passais beaucoup de temps. Et que c'était tout à fait, avec tact et mesure, négociable avec le patient aussi. D'accord,

  • Speaker #1

    donc il y a une acceptabilité aussi du delta, c'est-à-dire que vous arrivez sur une visite par exemple où on se dit on va payer 70, 75, et finalement si c'est plus long, le patient accepte de payer 120 sans problème.

  • Speaker #0

    Oui, et pour pouvoir mettre ça en place et puis ne pas... Pas... prendre les gens à revers. Je les appelle avant, parce que quand c'est des nouveaux patients, souvent d'ailleurs maintenant les visites à domicile, c'est des nouveaux patients qui m'appellent, parce qu'ils ne trouvent pas de médecins qui viennent à domicile. Donc ils m'appellent et puis on discute ensemble et on parle directement du tarif aussi, en disant là vous habitez où, je vais mettre combien de temps et je vais passer combien de temps.

  • Speaker #1

    Donc c'est très transparent et c'est très libéral dans l'approche en fait.

  • Speaker #0

    C'est très libéral dans l'approche et c'est surtout, moi j'ai découvert en secteur 3, la notion du tact et mesure. enfin, je peux faire des actes gratuits. Enfin, je peux faire des actes moins chers aux personnes qui ne peuvent pas payer. Ça, c'est des choses qu'on ne faisait pas avant.

  • Speaker #1

    Et ça, vous le faites ?

  • Speaker #0

    Oui, je le fais. Je le fais. Je le fais. Je pense que je le fais trop, mais je le fais.

  • Speaker #3

    Alors, moi, c'est très étonnant, mais les 50 euros, ça faisait peur à beaucoup de personnes. Donc du coup moi j'ai mis 45, mais j'ai pas mis en temps moi, j'ai mis en nombre de problèmes. Donc 1 à 2 problèmes c'est 45 euros, et entre 3 et 5 problèmes c'est 70 euros.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire j'arrive avec 2 problèmes identifiés mais vous m'en trouvez 4 ?

  • Speaker #3

    Ça fera 70.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a été accepté aussi ?

  • Speaker #1

    Aussi. Par contre, il n'y a pas de notion de temps, moi.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Je peux passer 10 minutes, je peux passer 40 minutes, même si c'est un ou deux problèmes. Je peux passer du temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous y retrouvez, vous ? Alors, au-delà, on l'a bien compris, du bien-être, de moins de stress, du fait que vous êtes content de faire de la prévention et tout ça. Au-delà de tout ça, est-ce que vous vous y retrouvez financièrement ?

  • Speaker #1

    Alors moi je me permets de parler, avec Rosalie on est passé en même temps en secteur 3, et donc après elle vous en dira. Moi depuis fin août, j'attends que l'URSSAF me demande des sous en secteur 3. Donc pour l'instant je ne peux pas vous répondre parce que je ne sais pas combien ils vont me demander, mais en gros, alors franchement moi ce que je pense du secteur 3. par rapport à un moment où j'étais secteur 1. Moi, je vais gagner la même chose, mais on va payer un peu plus de charges. Mais comme on a augmenté le prix des consultations, qu'on voit moins de patients, on est plus tranquille, etc. Il ne faut pas croire qu'en secteur 3, on va être riche. Ce n'est pas vrai. On passe en secteur 3 pour être un peu plus tranquille et pour faire de la vraie médecine. Voilà. et on paye plus de charges, il faut prendre sa pré-retraite en main aussi, puisqu'on arrête de payer la CARF et la complémentaire retraite. Il faut accepter ça. Il ne faut pas aller faire du secteur 3 parce que je vais être riche. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Secteur 3, plus de CAMF ?

  • Speaker #1

    Non, la complémentaire retraite.

  • Speaker #2

    Alors, je confirme qu'on ne passe pas en secteur 3 du tout pour le but de s'enrichir. Moi, je suis fauchée. Mon conjoint ne travaille plus.

  • Speaker #0

    Pro d'actes gratuits.

  • Speaker #2

    Pro d'actes gratuits. Mon conjoint ne travaille plus parce qu'il est homme au foyer. Il est très bien comme ça. Moi, ça me rassure aussi parce que du coup, j'ai plus de liberté de marge de manœuvre dans mes horaires. Et on peut parler librement de ces revenus. Moi, je n'ai pas de problème avec les chiffres. Si avant je me versais un salaire de 6 500 euros par mois net, maintenant je me verse un salaire de 5 000. Voilà, parce qu'effectivement, je mets quand même de côté, parce que je ne sais pas à quelle sauce je vais être mangée aussi au niveau de l'URSSAF. Et je pense qu'il faut que je mette de côté pour toutes mes cotisations, toutes mes charges, 60% de mon chiffre d'affaires. Donc, je me verse 5 000 euros. Et les mois où je ne travaille pas, comme là, je vais partir un mois en vacances, en congé, c'est zéro. Donc voilà, on change de rythme de travail et c'est très bien ainsi. On s'y retrouve de la même manière que mes patients retrouvent de la qualité dans mon travail, je retrouve aussi de la qualité de vie en ayant passé le décompensionnement.

  • Speaker #3

    Moi aussi, j'ai un petit peu diminué mon chiffre d'affaires, mais c'est aussi que j'ai fait le choix de diminuer aussi mon temps de travail. J'ai deux enfants en bas âge et c'est important là d'en profiter. Une fois qu'on augmente son activité en libéral, c'est compliqué de revenir en arrière. Donc là, je surfe un petit peu sur le côté tranquillité avant de réaugmenter. Moi, mes revenus l'année dernière, quand j'étais conventionnée, ils me convenaient. Ce qui ne me convenait pas, c'est les revenus que j'avais par rapport... À mon niveau d'études, aux risques que je prends, au niveau de responsabilité et au temps réel de travail et au niveau de stress. C'est tout ça qu'il faut mettre en balance, ce n'est pas juste un revenu posé, c'est ce qu'on fait pour avoir ce revenu-là.

  • Speaker #0

    C'est ce que disait Rosalie, c'est très compliqué finalement de chiffrer la valeur de son travail.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. Après, on n'est quand même pas très à l'aise de demander, ce n'est pas si facile que ça, de demander ses honoraires en sachant que les patients ne sont pas remboursés. Ce n'est quand même pas confortable, il faut être honnête. Maintenant, quelque chose qu'on n'a pas encore abordé, c'est que moi, en consultation, je n'ai pas du tout le sentiment d'avoir fait le tri sur les patients riches. Parce que moi, c'était très mal vu dans ma famille que je me déconventionne. Beaucoup de remarques, ça va être la médecine pour les riches. Et voilà, j'appréhendais un petit peu ça. Maintenant, moi je suis toute jeune, j'ai 35 ans, et je ne me voyais pas rester plus de 30 ans avec un système où en fait c'est toujours plus de mesures difficiles pour nous, avec de moins en moins d'avantages, où on se sent bloqué de plus en plus dans ce système. Donc il fallait que je fasse quelque chose, quitte à gagner moins. Il faut prendre son destin entre ses mains. Et les patients, en réalité, ce qui a le plus changé pour moi, c'est plus d'avoir les patients qui sont respectueux envers les médecins et envers moi. Ça peut paraître surprenant, mais j'ai des patients de revenus très confortables qui sont partis, et ceux qui m'ont fait le plus la morale, c'est dans les patients les plus aisés.

  • Speaker #0

    Vous avez les moyens, finalement ?

  • Speaker #3

    Ah oui, dans des patients qui ont des revenus, mais que jamais j'approcherais. Et je ne vais pas dire le contraire, il y a quand même des patients... avec peu de revenus qui sont partis. Je veux dire, la vie n'est pas aussi rose que je pourrais... Voilà, il faut être réaliste. Mais ces patients-là, ceux qui m'ont... Déjà, ils m'ont dit très gentiment qu'ils allaient partir, qu'ils me remerciaient et qu'ils respectaient mon choix et voire ils m'encourageaient certains. Voilà, donc j'ai quand même des... Voilà, j'ai une patientelle avant des mureaux. Dans ceux qui sont restés depuis mon installation à Chambourcy, en fait, j'en ai très, très peu qui sont partis.

  • Speaker #0

    Je vais oser la question, mais vous avez gagné en qualité de passion ?

  • Speaker #3

    En fait, on dit souvent qu'une patientèle reflète le médecin au bout de plusieurs années. Et comme ma première installation, c'était en janvier 2020, et que j'ai changé d'installation dans une ville très différente, ma patientèle ne reflétait pas encore ma personnalité. Donc j'avais des patients... Il y a quand même le sentiment, moi, je trouve, d'être médecin généraliste, il y avait un peu un côté ces derniers temps où j'avais l'impression que les patients allaient au guichet de la poste demander leur timbre et ceci et cela, que le prof de gym, il a dit qu'il faudrait une IRM du genou. Ou quand des fois c'est pas ma voisine qui a rien à voir dans le milieu de la santé qui pense ça. Et franchement, honnêtement, c'est quand même consternant.

  • Speaker #0

    Et c'est un peu ce qui n'arrive plus depuis que vous êtes en secteur 3 ?

  • Speaker #3

    Non, quasiment pas. Ou pas du tout de la même manière. Une interrogation qui est très différente. Et de me dire je voudrais ceci, me rajoutez moi cela et machin. Non, ça n'arrive pas. Il y a un côté... Mais c'est une liste de course quoi. Oui, il y en a toujours quand un petit peu leur liste de course, ça les rassure. Mais c'est pas présenté de la même manière. C'est pour ça que je suis beaucoup plus détendue, parce que les patients sont beaucoup plus agréables et respectueux. Ils ne sont pas moins complexes. J'ai une patientelle qui est très diversifiée, avec des patients retraités, des patients qui ont peu de moyens, des patients aisés, des patients qui sont d'origine étrangère. J'ai même des patients des Mureaux qui ont déménagé, qui ont fait une heure de route pour venir me voir, alors qu'ils avaient rendez-vous avec un secteur 1. En réalité, c'est quoi la vision qu'on a de la santé, la vision qu'on a du médecin ? Je trouve que ça joue beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous l'avez remarqué, ça aussi, le changement d'attitude de votre patientèle, ou peut-être le changement même de patientèle ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis tout à fait d'accord. Moi, j'ai beaucoup de patients qui m'ont quitté, c'était les plus aisés. Donc, c'est très étonnant. On ne comprend pas. Alors, le changement de patientèle, il y a pas mal de jeunes. On se rend compte qu'il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de médecin traitant, donc qui sont contents de nous avoir. Mais surtout ce qu'il y a c'est que les autres patients qui sont restés, ils ne viennent pas pour des petites choses ou des choses comme ça. C'est des petits problèmes. Ils viennent vraiment pour... C'est réfléchi. C'est-à-dire avec le prix qu'ils vont payer, ils ne viennent pas vous demander de bottes de Deliprane. Enfin j'exagère, mais voilà, c'est réfléchi. Ils viennent avec des demandes très précises et c'est agréable. C'est agréable, d'accord ? Plus de bobologie quoi. Oui, il n'y a plus de bobologie. Et après, je viendrai sur le prix. Je vais vous raconter une petite histoire très rapidement. J'ai une personne qui a quelques années qui m'a dit je suis allé voir tel spécialiste en nutrition, etc. qui est connu, c'est le spécialiste, il est sur Paris. Et qui m'a dit, alors j'ai dit ah oui, il m'a dit ah bah il m'a pris, je vous parle de ça il y a 10 ans, il m'a pris 70 euros. Et j'ai dit ah bon ? Et qu'est-ce qu'il vous a dit ? Et il m'a dit la même chose que vous. J'ai dit, ah bah ça va alors. Alors qu'est-ce que vous allez faire ? Elle dit, bah je vais l'écouter parce qu'elle m'a pris 70 euros. Vous voyez ? Donc là, vous vous posez des questions. Vous vous dites, mais c'est pas possible. Bon, bien sûr, à la fin de la consultation, elle m'a dit, combien je vous donne ? J'ai dit 70, puisque j'ai dit la même chose. Mais elle m'a payé à l'époque, c'était 23 euros. Donc elle m'a dit, bah non, non. Elle a rigolé, elle a dit, non, non, c'est 23 euros. Voilà. Donc c'est ça, c'est bête, hein. C'est bête. C'est vous payez, donc vous écoutez. voilà c'est comme ça, l'être humain est comme ça

  • Speaker #0

    Allez une dernière question avec une réponse à mon avis qui sera très rapide de la part de vous trois, revenir en arrière est-ce que vous y pensez ?

  • Speaker #1

    Moi c'est possible parce que c'est bien quand même que les gens c'est une longue histoire Elle sera pas si courte finalement la réponse C'est une longue histoire c'est à dire qu'en fait moi je veux bien revenir en secteur 2 pour que les patients soient remboursés quand même une certaine parti, mais je ne veux pas adhérer à l'optam ou pas optam, je ne veux plus que la sécurité sociale intervienne dans ce que je dois faire dans mon métier. Voilà.

  • Speaker #2

    C'est pratiquement pareil, c'est-à-dire que ce qui me fait regretter le secteur 1 où j'étais, c'est le remboursement de mes patients. C'est-à-dire que si maintenant la sécurité sociale reconnaît que je fais le même travail, voire même mieux mon travail actuellement que quand j'étais en secteur 1, et rembourse les patients de la même manière qu'ils remboursent les patients qui voient un médecin en secteur 1, même tarif, je ne demande même pas qu'ils remboursent le tarif que je pratique, Il s'agit d'une simple décision.

  • Speaker #0

    Juste prendre une part ?

  • Speaker #2

    Juste une part, juste une part. C'est par simple décision ministérielle. Donc moi j'attends ça avec impatience. Et bien sûr, je suis secteur ce que vous voulez. Mais du moment que je suis remboursée, je reviendrai avec plaisir.

  • Speaker #3

    Moi aussi c'est assez similaire, c'est que je pourrais, je suis pas, voilà je trouve qu'il y a des choses qui sont positives aussi avec l'assurance maladie, je continue de télétransmettre mes feuilles de soins, de télétransmettre les arrêts maladie, s'il y a des choses qui sont positives, oui. Donc moi ce serait revenir si c'est du secteur 2 et pareil non-optam, les obligations, les machins, c'est mort. Ou du secteur 1 si on peut, enfin un secteur 1 si on pouvait faire en fonction du temps de consultation. Ouais ça c'est... Ça, ce serait possible. Mais j'ajouterais quand même une nuance, que c'est aussi possible. Si on veut rendre notre exercice plus compliqué en secteur 3 et qu'on n'aille pas sur ces directions-là, et que comme on est des vilains petits canards qui sommes en secteur 3, et si on veut nous pourrir notre exercice en pensant qu'on va revenir en secteur 1, ma réponse serait que je serais capable de quitter la médecine générale, de changer complètement de secteur, et voire même de quitter la médecine. Voilà, donc pour moi, ces côtés où... On peut se demander des fois s'il est politique par des décisions un petit peu simplistes, on va encore plus compliquer, les contraindre pour les faire revenir dans le bon chemin. Non, moi, je reviens dans le bon chemin et mon contraint, je tiens à ma liberté, à mon indépendance. Et j'adore la médecine générale, c'est un choix d'avoir fait de la médecine générale. J'aime la médecine générale, mais pas à n'importe quel prix. Et si on veut me contraindre dans mon métier, je serai capable de quitter la médecine complètement.

  • Speaker #0

    Un grand merci à tous les trois pour votre franchise, votre témoignage. Merci donc à Séverine Stenckit, à très bientôt, Rosaline Guyenne et Joubine Nadjaï, et à très bientôt pour un prochain podcast de l'URPS.

  • Speaker #1

    Merci.

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Description

Nous allons parler, dans cet épisode, d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années : les déconventionnements.
Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement.


Aujourd'hui, nous allons nous intéresser aux médecins ayant fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? 


On en parle avec : 

- Dr Séverine Steenkiste, médecin généraliste à Chambourcy (78)
- Dr Rosalie Nguyen, médecin généraliste au Blanc-Mesnil (93)
- Dr Joubine Nadjahi. médecin généraliste à Créteil (94)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast est animé par la journaliste Sidonie Watrigan.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, merci d'être avec nous pour ce quatorzième épisode de La Voix des Libéraux, un podcast proposé par l'URPS Île-de-France. Notre souhait, notre objectif, vous le savez, c'est répondre sans langue de bois à toutes vos interrogations, vous médecins d'Île-de-France, sur un sujet précis. On va parler d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années, ce sont les déconventionnements. Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement. Aujourd'hui, on va s'intéresser aux médecins qui ont fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? On va poser la question et surtout solliciter le témoignage de trois médecins généralistes déconventionnés. D'abord, Séverine Stenkist, bonjour.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes médecin généraliste à Chambourcy. Rosaline Guyenne, bonjour. Bonjour. Médecin généraliste au Blanc-Ménil et Joubine Nadjaï. Bonjour. Bonjour. Vous êtes médecin généraliste à Créteil. Peut-être une première question pour vous, très simple, Joubine. Est-ce qu'on peut rappeler le principe du conventionnement des secteurs 1, 2 et 3 ?

  • Speaker #3

    Eh bien, écoutez, d'abord, il y a le conventionnement 1, c'est-à-dire que les médecins libéraux sont soumis à une tarification qui est réglée par la CPAM et profitent de certains forfaits, de certaines rémunérations, toujours par la CPAM, mais qui ne peuvent pas augmenter le prix de leur consultation tout seul. Le secteur 2, ce sont des médecins qui sont une tarification libre, mais on ne peut arriver en secteur 2 que si on a fait 2 à 3 ans de clinica. Et le secteur 3, le médecin ne travaille plus avec la sécurité sociale ou presque plus. C'est-à-dire que ces actes ne sont pas remboursés et la tarification est libre.

  • Speaker #1

    C'est donc pour ça, vous trois, que vous êtes passés de secteur 1 directement à secteur 3, parce que médecin généraliste dit ne fait pas de clinica. C'est ça l'idée ?

  • Speaker #3

    Voilà.

  • Speaker #2

    Il y a quand même quelques clinica ou assistana, mais c'est vrai qu'il y a peu de postes. Et j'ai aussi connu des confrères qui, en ayant fait plusieurs années d'assistana, ont eu des difficultés à le faire valoir pour être en secteur 2. Donc ce n'est pas impossible, mais c'est plus difficile, on va dire.

  • Speaker #1

    Donc Séverine, comme vous avez pris la parole, c'est vous que je vais interroger en premier sur les motivations qui vous ont conduite à passer en secteur 3. Vous étiez en secteur 1 jusqu'à octobre 2023.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Avant, en préparant l'émission, on discutait un peu, et vous m'avez dit, mais vous m'auriez dit ça il y a trois ans, passer en secteur 3, pour moi c'était lunaire et impossible. Qu'est-ce qui a changé ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que j'ai cru exercer toute ma vie en secteur 1, mais entre les négociations conventionnelles qui se sont extrêmement mal passées, le fait d'avoir de plus en plus des consultations longues, et donc on ne peut pas revaloriser en termes d'honoraires, J'ai commencé à avoir un sentiment de mal-être et j'ai réalisé qu'en réalité, j'étais comme dans un étau, où soit je faisais des consultations longues et l'exercice de la médecine que je veux faire, où j'aime beaucoup mettre en avant la prévention, faire un vrai bilan pour chaque patient, et du coup, je ne me sentais pas très bien rémunérée en termes de taux horaires, où soit je pouvais faire mes consultations plus rapidement. avoir un chiffre d'affaires plus satisfaisant. Mais en réalité, en fin de journée, je ne me sentais pas très bien, pas satisfaite de mon travail. Et puis même des fois, je me demandais, est-ce que si j'avais eu plus de temps, est-ce que je n'aurais pas fait les choses différemment ? Donc voilà, quand c'est occasionnel, ça ne pose pas de problème. Mais quand ça devient quotidien et pluricotidien, ça commence à peser.

  • Speaker #1

    La principale motivation, c'est donc la question de la gestion du temps pour vous. Même question à vous, Rosalie.

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire que moi je me suis déconventionnée parce que je ne pouvais plus travailler en secteur conventionnel. J'étais arrivée au bout de ce que je pouvais faire, de ce que je pouvais donner, et malgré tout j'avais le sentiment de ne pas pouvoir satisfaire toutes les demandes de mes patients.

  • Speaker #1

    Vous avez un exemple concret ?

  • Speaker #0

    Un exemple concret, j'en ai des tonnes. Mais si je vous dis que je travaillais de 9h du matin jusqu'à minuit et que malgré tout, je n'avais pas vu tous les patients qui se présentaient au cabinet et que je rentre à la maison et que je ne peux pas m'endormir parce que tout simplement, je repense encore à ce que je n'ai pas fait, ce que je n'ai pas pu faire et aux erreurs que j'ai pu commiser aussi, je ne pouvais plus continuer comme ça.

  • Speaker #1

    Jobine ?

  • Speaker #3

    Moi, j'ai donné pour la convention, puisque j'ai fait quand même 28 ans de convention secteur 1, et moi personnellement j'étais fatigué par la paperasserie de la CPAM, les demandes incessantes de patients, souvent non justifiées, le fait de subir les forfaits, le sentiment d'être plutôt salarié que libéral, et ne pas pouvoir faire ce que j'avais envie de faire, c'est-à-dire passer du temps avec les patients. Et pareil, beaucoup d'heures de temps et pour pas grand chose. Donc pas grand chose. Moi, ce que je voulais, c'est pour la médecine, je pense qu'il faut passer du temps avec les patients. Et là, c'est plus possible. C'est plus possible parce que là, c'était devenu, quel acte je peux faire ? pour gagner mieux ma vie. Et ça, ça ne doit pas être dans l'esprit d'un médecin.

  • Speaker #1

    La question du temps, vous le dites tous. La question de la charge mentale, elle est quand même importante. C'est quelque chose, par exemple, Séverine, qui vous a motivée à franchir le pas ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire que pour avoir un chiffre d'affaires satisfaisant, il faut quand même voir suffisamment de patients. Et même sans faire tant d'actes que ça, quand on cumule beaucoup de consultations complexes, c'est quand même difficile à la fin de la journée.

  • Speaker #1

    Donc ce qu'on entend dans ce que vous dites, et ce que disait aussi Joubine, c'est que l'idée, c'est que vous faites de la discrimination à l'entrée. C'est-à-dire que quand vous êtes encore en secteur 1, vous êtes obligée de choisir des cas moins complexes ?

  • Speaker #2

    Ah non, moi je ne le faisais pas. Moi je trouvais ça tellement satisfaisant de... Je sais qu'il y a des médecins généralistes sectorains qui le font. J'ai des patients qui essayent de déménager, une patiente qui a une sclérose en plaques qui n'arrive pas à retrouver un médecin parce qu'elle est considérée comme trop complexe.

  • Speaker #1

    Et on lui a dit, clairement ?

  • Speaker #2

    Oui, on lui a dit. J'ai plusieurs patients à qui on l'a formulé clairement. Moi, je n'ai jamais voulu agir de cette façon-là. Mais par contre, en ayant de plus en plus de patients complexes ou en souffrant d'une manière générale, mon temps de consultation moyen est de plus en plus long. J'ai une population assez âgée. Avant, je l'exerçais au Muro, j'avais une population assez fragile et compliquée au niveau social. Là, j'ai une population polypathologique et âgée, avec même des patients jeunes qui ne vont pas forcément très bien. Moi, ce qui m'étonne le plus, c'est que des fois, je vois sur mon planning un patient de 35 ans, on pourrait se dire, bon, ça va être plus rapide. Et je suis vraiment étonnée du niveau de stress. Parmi la population plus jeune, et que des fois j'ai des consultations qui peuvent être même plus longues avec des patients de 30-40 ans que des patients de 80 ans aussi, donc c'est pas forcément un patient âgé qui va être forcément long et un patient plus jeune avec une consultation plus courte, ça dépend de beaucoup de paramètres.

  • Speaker #1

    Donc, retrouver du temps médical, prendre soin de ses patients, faire de la prévention, aussi se préserver en termes de charge mentale. On comprend bien les motivations. Est-ce qu'il y en a d'autres qu'on n'a pas citées avant de parler de l'élément vraiment déclencheur, du passage à l'acte, on va dire, vers le secteur 3 ? Vous avez d'autres éléments de motivation à ajouter ?

  • Speaker #0

    Bon, non.

  • Speaker #1

    Alors, quand vous êtes passé dans le secteur 3, j'aimerais bien savoir, un, comment ça s'est passé, comment ça a été vécu, et par votre entourage et par vos patients. Rosalie ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon entourage, de toute façon, j'étais pratiquement en rupture avec mon conjoint parce qu'il me disait que je n'étais jamais présente à la maison. Donc, il a dû arrêter de travailler pour s'occuper de nos trois enfants. Donc, de toute façon, il a été ravi que je passe en secteur 3 et que j'ai enfin des horaires raisonnables. mes patients, je dirais qu'un patient sur deux a exprimé son mécontentement ou son incompréhension. Vis-à-vis de ce choix, j'ai dû expliquer individuellement avec chaque patient. Ça m'a pris beaucoup, beaucoup de temps aussi en consultation pour vraiment faire comprendre la raison et que ce n'était pas une raison financière, comme beaucoup pouvaient le penser ou en tout cas le supposer. Et un patient sur deux, du coup, comprenait parfaitement et a été... Ils ont même remarqué que les rendez-vous étaient plus faciles à prendre. Je n'avais plus des délais de rendez-vous de cinq semaines. Je peux prendre des rendez-vous des patients le jour même ou le lendemain. J'étais plus disposée à les écouter. Je prenais plus de temps avec chaque patient. Ça a changé toute la consultation, en fait. Je redécouvrais mes patients, des patients que je voyais trop, trop vite. Plusieurs fois par an, mais trop vite, c'est ce qu'on a fini par dire. C'est qu'il vaut mieux avoir une consultation qui dure 20-30 minutes, deux fois par an, plutôt qu'une consultation tous les mois qui dure 10 minutes.

  • Speaker #3

    Diminuer le nombre de consultations, prendre mon temps et s'occuper des patients, de la prévention, de tout ça. Et j'en suis très content.

  • Speaker #1

    Un élément que vous pointiez effectivement dans la préparation de cette émission, c'était de dire que la sécurité sociale est souvent très déconnectée. De la réalité de l'état des patients, notamment, je crois que c'est vous Séverine qui me l'avez dit, post-Covid, mais vous en avez un peu parlé, même les jeunes ont des pathologies un peu compliquées, complexes à gérer et que c'est hyper important, non pas de consacrer 5 minutes, mais éventuellement jusqu'à 45 minutes pour chaque patient.

  • Speaker #2

    Je partage exactement le même point de vue que mes confrères et notamment Rosalie qui disait je trouve ça vraiment plus pertinent de voir un patient 30 minutes que 3 fois 10 ou 2 fois 15. En fait, ce n'est pas pareil. Surtout quand on veut vraiment avoir un tour d'horizon de la santé d'un patient en termes de prévention, des multiples pathologies, c'est différent. Je trouve ça beaucoup plus logique d'avoir plus de temps à un moment donné et de voir un patient moins souvent, surtout dans une société où... C'est plus compliqué pour les patients de venir souvent chez le médecin. Des fois, les patients âgés, il y a quand même quelqu'un de la famille qui a pris une demi-journée pour l'accompagner. Donc comment dire, ah bah non, c'est un seul motif, une consultation. Bah non, on ne peut pas faire ça. Du coup, c'est vrai que ça change beaucoup de choses de se sentir plus à l'aise pour le faire réellement.

  • Speaker #1

    C'est pas un élément qui a été entendu, ça, par l'assurance maladie, au moment notamment des assises du déconventionnement ? Ce processus de l'accompagnement du patient, de la prévention, du nécessaire temps médical, c'est quelque chose dont on parle beaucoup dans ce podcast, retrouver du temps médical, ça n'a pas été abordé et entendu ?

  • Speaker #2

    Je n'ai pas fait partie des négociations conventionnelles, donc je ne sais pas ce qui s'est passé. Le problème de l'assurance maladie, c'est que c'est des quotations... qui ne sont pas faciles à utiliser. Par exemple, les visites à domicile, vous avez un système de visite longue une fois par trimestre. Pour les patients de plus de 80 ans en ALD, moi j'étais la championne, 79 ans en ALD ou 81 ans pas en ALD. Ou si vous avez besoin d'avoir deux consultations, une situation qui est plus complexe pendant quelques mois, et vous avez besoin de le voir plus fréquemment pendant un trimestre, vous ne pouvez le faire qu'une seule fois.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il faut qu'il rentre dans des cases très précises,

  • Speaker #2

    avec des contraintes très précises. Un patient qui sort d'hospitalisation pour motif chronique, c'est dans le mois qui suit. Si vous le voyez un mois et demi après, c'est cuit. Ou alors vous le faites en disant que vous n'êtes pas dans les clous. Donc l'évaluation de la dépression, vous avez une cotation à 1000 tonnes. Vous pouvez très bien voir un patient, pendant un mois, il y a besoin d'un accompagnement plus poussé, donc cette cotation, vous ne pouvez l'utiliser qu'une seule fois, une fois par an. Alors que des patients qui sont en mal-être, en réalité, il y a bien trois consultations qui sont quand même très longues. Et puis, des fois, vous n'avez pas envie de tout... Enfin, voilà, vous avez besoin de plus de temps avec un patient, on est médecin, on a Bac plus 9, ça ne rentre pas toujours dans les clous, quoi. En fait, le système conventionnel est fait. Pour mettre tous les médecins dans le même panier, alors que chaque médecin a ses particularités, notamment en médecine générale, je pense que c'est encore plus vrai que dans d'autres spécialités. En fonction de nous, là où on est plus à l'aise, c'est vrai que je fais beaucoup de polypathologie, qu'il y a d'autres médecins qui vont faire beaucoup plus d'aigus. En fonction de la population qu'on a, est-ce qu'on a une population jeune et dynamique, ou une population en zone rurale, ou âgée, polypathologique ? Est-ce qu'il y a des médecins qui sont très à l'aise avec le côté soutien psychologique ? Et en fait, on ne peut pas avoir une consultation à l'acte alors qu'on est tous différents avec des populations différentes. Il y a aussi des médecins qui aiment bien avoir des consultations courtes et c'est leur fonctionnement et c'est des très bons médecins. Et c'est comme ça, ils ont besoin que ce soit très dynamique dans une journée et d'autres qui ont besoin de plus de temps. Mais j'ai quand même le sentiment que beaucoup de jeunes médecins ont besoin de temps de faire les choses comme ils le souhaitent. Et du coup, d'être bloqué dans ce système-là, c'est hyper frustrant.

  • Speaker #1

    Il y a un élément important, Rosalie en a parlé très rapidement, mais c'est sur la relation que vous avez à vos patients depuis que vous êtes passés en secteur 3. J'ai bien noté la nécessaire acculturation au fait que vous y passiez et leur faire comprendre pourquoi vous le faites, mais depuis que vous êtes en secteur 3, qu'est-ce qui a changé avec vos patients ?

  • Speaker #0

    Ce qui a changé, c'est que déjà je ne ressens plus la colère que je ressentais et l'injustice que je ressentais tout au long de la journée quand il fallait que je facture, que je cote et que je télétransmette ma cotation à la Sécurité sociale. Quand j'estimais que la consultation était longue parce que le patient est revenu après un certain temps d'hospitalisation et qu'il fallait que je réévalue tout son traitement, toute l'histoire de sa maladie, etc. et que j'y passais du temps et qu'il fallait que je cote une cotation permise par la Sécurité sociale et que je ne pouvais pas la faire parce qu'elle était permise seulement sur 30 jours et que le patient ne peut me voir qu'au bout de 5 semaines parce que c'était mes délais de rendez-vous, j'étais très fâchée. Donc plutôt que de penser effectivement à mon patient, à son bien-être, qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que je dois encore faire, en cliquant sur la cotation, je me disais mais c'est pas possible, c'est refusé. C'est totalement injuste. Donc toute cette colère est partie. Là, actuellement, je ne me concentre que sur la santé du patient. Voilà. Uniquement sur ce qu'il me dit, je l'écoute. Et pas sur, tiens, quel jour on est aujourd'hui, est-ce que ça fait six mois que je l'ai vu, est-ce que ça fait trois mois que je l'ai vu ? Voilà.

  • Speaker #1

    La relation aux patients et surtout la façon dont maintenant les patients vous considèrent aussi, parce que ça c'est une autre forme de question autour de ça.

  • Speaker #3

    Moi, je voudrais faire un peu d'histoire. Et quand vous lisez l'avis d'Avicenne, qui a été vraiment, pour moi c'était un génie pour son époque, il disait, j'ai retenu surtout deux choses qu'il disait. Premièrement, il disait, quand on vieillit, il faut faire très attention à ce qu'on mange. Il faut faire du sport, c'est quand même quelqu'un qui est né en 950, quelqu'un qui disait en 950, je ne sais pas moi, à 40 ans, donc dans l'année 1000, il disait il faut faire du sport, c'était quand même un génie. Et puis deuxièmement, il disait la médecine, c'est d'abord la prévention. et parfois la guérison. Donc ce qui m'a apporté, c'est que maintenant, je peux faire de la prévention. J'ai le temps. Je ne me pose pas de questions à me dire, il faut que je vois. Le nerf de la guerre, c'est aussi, il ne faut pas oublier, on est chef d'entreprise, donc il faut que ça roule. Moi, j'ai une secrétaire, il faut que j'assure sa paye, etc. Donc là, je ne me pose plus de questions en disant, combien de consultations il faut que je fasse, j'ai adapté mon temps avec le prix de mes consultations. Et puis voilà, je fais beaucoup de prévention, ce que j'ai toujours aimé, et je suis content. Et puis les patients sont contents, et puis qu'ils me disent, vous êtes moins stressé, vous êtes plus souriant, vous pensez à tout, c'est encore pire. Donc c'est ça, la prévention, c'est ça. C'est fatigant de faire de la prévention, de l'éducation, c'est très fatigant. Et pour ça, il faut une bonne rémunération. Et le secteur 3, pour moi, c'est ça.

  • Speaker #1

    Séverine, vous l'avez ajouté ? Rosalie, pardon ?

  • Speaker #0

    Je réagis par rapport à ce que dit Joubine et ce que vous posiez comme question tout à l'heure par rapport à la relation avec le patient. Là, je suis maître de stage et j'ai encore plus de plaisir à enseigner, plus de temps à enseigner aux internes qui passent. Et avant-hier, avec mon interne, je lui disais Mais tu vois, ce qui est beau dans notre métier, c'est que quand le patient rentre, il a le visage fermé. Il souffre, il a des choses qu'il t'exprime, mais des choses qu'il n'exprime pas. Et ce qui est hallucinant, c'est que si toi, tu portes vraiment ton attention sur ton patient, tu vas découvrir des choses qu'il n'a même pas dit, ton patient. Et à la sortie du cabinet, il a le sourire. Et effectivement, c'est ça qui est magique. C'est de pouvoir soulager le patient de tous ses maux. et lui redonner un bien-être, un confort. Il s'est senti compris, il s'est senti soigné. Il a eu plus que ce qu'il demandait, en général.

  • Speaker #2

    Moi, de mon côté, j'ai remarqué que mon niveau de stress a diminué de manière très importante. Et que quand j'étais en secteur 1, j'étais tout le temps stressée. Je ne m'en rendais même plus compte. Il y avait des journées où j'étais plus stressée que d'autres, mais j'avais un niveau de stress permanent. J'ai l'impression de tout le temps courir. C'était une course de vitesse, de ne pas être trop en retard, d'essayer de faire son possible, d'être toujours un spécialiste à appeler et ne s'arrêter pas. Et même quand j'avais passé des très bonnes journées où j'étais contente de ce que j'avais fait, je me sentais vidée en rentrant chez moi. Et que là, mon niveau de stress a vraiment diminué, je suis beaucoup plus détendue en consultation, j'avais tendance à m'énerver facilement et je garde beaucoup mieux mon calme. Le soir, j'ai beaucoup plus d'énergie, mon mari... Il me l'a dit très rapidement. Il m'a dit, tu n'as pas le même visage en rentrant le soir, tu es souriant, tu es bien, tu as beaucoup plus d'énergie. Donc ça, vraiment, je le ressens. Et c'est tellement plaisant de pouvoir prendre le temps avec le patient sans se dire, mince, on n'est pas bien rémunéré. C'est vraiment... En plus, en termes de services médicaux rendus, en réalité, on va beaucoup plus loin, puisque la prévention, c'est le centre de tout en médecine. Oui. Il ne suffit pas de dire à un patient qu'il faudrait faire du sport, diminuer le sel. C'est comment y parvenir ? On peut dire plein de choses. Allez-y, faites du sport, faites ceci, faites cela. Oui, ok, merci, c'est bien. Mais c'est comment faire concrètement pour arrêter de fumer, pour diminuer l'alcool, pour arrêter les somnifères. Comment faire dans son planning, finalement, pour faire du sport ? Comment les encourager petit à petit ? Commence un petit peu, puis petit à petit, on va de plus en plus loin. Et ça, en fait, en termes de services médicaux rendus, on va beaucoup plus loin que si on fait un DU de micronutrition, de tout ce qu'on veut. Bien sûr, c'est utile, mais en fait, il y a beaucoup de médecins généralistes qui adorent la médecine générale et qui font aussi d'autres formations complémentaires pour être mieux rémunérés. Et c'est très bien pour les médecins passionnés qui ont envie de faire ça. Mais... Je suis sûre que si on rémunérait mieux la médecine générale, parmi les médecins généralistes, le temps consacré à la vraie médecine générale augmenterait. Voilà, c'est ça qui est dommage.

  • Speaker #1

    On ne l'a pas évoqué, c'est quand même un sujet qu'il faut qu'on aborde, puisque vous en parliez, la question de la rémunération. Vous disiez que le choix n'était pas lié du tout à une question d'argent, mais tout de même, puisque c'est lié, quand on se consacre plus de temps à ses patients, il faut être mieux rémunéré. Très simplement, et si vous le voulez bien, comment vous avez conçu vos grilles tarifaires et est-ce qu'elles ont bougé depuis que vous êtes déconventionné ?

  • Speaker #2

    Moi de mon côté, j'avais mis 55 euros pour 20 minutes de consultation et un tarif de 85 pour 40 minutes.

  • Speaker #1

    Donc en fonction du temps.

  • Speaker #2

    Et les visites à domicile à 100 euros. Et j'avais mis moins pour les patients CMU et moins si un patient par exemple il vient pour un motif aigu, qu'il faut le revoir trois jours après, je prends des honoraires moindres. Mais en fait, en réalité, je passe 30 minutes par consultation quasiment. Personne ne prend d'emblée le tarif de consultation, c'est pour moi. Pour l'instant, je n'ai pas évolué malgré les tarifs. Mais en janvier 2025, je compte partir sur des consultations de renouvellement. Partir à 30 minutes, je n'ai pas encore acté. Et faire des consultations de 20 minutes pour les consultations d'urgence.

  • Speaker #0

    C'est toujours difficile de s'évaluer soi-même quand on n'a jamais eu l'occasion d'évaluer notre travail et la valeur de nos consultations. Donc, ce qui s'est passé, c'est qu'on a regardé la moyenne européenne. Moi, j'ai regardé la moyenne européenne. Effectivement, c'est 50 euros environ. Je me suis dit, ma consultation est dure 20, 30, 40 minutes. Ça peut être que deux, trois fois le tarif de base de la consultation, le tarif de la Sécurité sociale. Donc, j'ai quand même donné des repères pour les patients en leur disant qu'une consultation de base, c'était 50 euros. que si vraiment elle dépassait, enfin si ça fait très longtemps que je n'ai pas vu le patient, ou si c'est un nouveau patient, où il faut reprendre tout un dossier médical, ou si les consultations durent plus de 30 minutes, ou s'éternisent, ça peut être des tarifs supérieurs. Je donne aussi une base de 70 euros. Pour les visites à domicile, étant donné que je fais 20 minutes de trajet, aller 20 minutes retour et 30 minutes sur place, Je me suis dit, c'est pas possible que je fasse une visite tarif sécu à 35 euros, ou même 70 euros la visite longue. Donc j'ai donné cette base au patient en disant que c'était 70 euros, mais ça pouvait aller jusqu'à 120 euros si vraiment je passais beaucoup de temps. Et que c'était tout à fait, avec tact et mesure, négociable avec le patient aussi. D'accord,

  • Speaker #1

    donc il y a une acceptabilité aussi du delta, c'est-à-dire que vous arrivez sur une visite par exemple où on se dit on va payer 70, 75, et finalement si c'est plus long, le patient accepte de payer 120 sans problème.

  • Speaker #0

    Oui, et pour pouvoir mettre ça en place et puis ne pas... Pas... prendre les gens à revers. Je les appelle avant, parce que quand c'est des nouveaux patients, souvent d'ailleurs maintenant les visites à domicile, c'est des nouveaux patients qui m'appellent, parce qu'ils ne trouvent pas de médecins qui viennent à domicile. Donc ils m'appellent et puis on discute ensemble et on parle directement du tarif aussi, en disant là vous habitez où, je vais mettre combien de temps et je vais passer combien de temps.

  • Speaker #1

    Donc c'est très transparent et c'est très libéral dans l'approche en fait.

  • Speaker #0

    C'est très libéral dans l'approche et c'est surtout, moi j'ai découvert en secteur 3, la notion du tact et mesure. enfin, je peux faire des actes gratuits. Enfin, je peux faire des actes moins chers aux personnes qui ne peuvent pas payer. Ça, c'est des choses qu'on ne faisait pas avant.

  • Speaker #1

    Et ça, vous le faites ?

  • Speaker #0

    Oui, je le fais. Je le fais. Je le fais. Je pense que je le fais trop, mais je le fais.

  • Speaker #3

    Alors, moi, c'est très étonnant, mais les 50 euros, ça faisait peur à beaucoup de personnes. Donc du coup moi j'ai mis 45, mais j'ai pas mis en temps moi, j'ai mis en nombre de problèmes. Donc 1 à 2 problèmes c'est 45 euros, et entre 3 et 5 problèmes c'est 70 euros.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire j'arrive avec 2 problèmes identifiés mais vous m'en trouvez 4 ?

  • Speaker #3

    Ça fera 70.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a été accepté aussi ?

  • Speaker #1

    Aussi. Par contre, il n'y a pas de notion de temps, moi.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Je peux passer 10 minutes, je peux passer 40 minutes, même si c'est un ou deux problèmes. Je peux passer du temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous y retrouvez, vous ? Alors, au-delà, on l'a bien compris, du bien-être, de moins de stress, du fait que vous êtes content de faire de la prévention et tout ça. Au-delà de tout ça, est-ce que vous vous y retrouvez financièrement ?

  • Speaker #1

    Alors moi je me permets de parler, avec Rosalie on est passé en même temps en secteur 3, et donc après elle vous en dira. Moi depuis fin août, j'attends que l'URSSAF me demande des sous en secteur 3. Donc pour l'instant je ne peux pas vous répondre parce que je ne sais pas combien ils vont me demander, mais en gros, alors franchement moi ce que je pense du secteur 3. par rapport à un moment où j'étais secteur 1. Moi, je vais gagner la même chose, mais on va payer un peu plus de charges. Mais comme on a augmenté le prix des consultations, qu'on voit moins de patients, on est plus tranquille, etc. Il ne faut pas croire qu'en secteur 3, on va être riche. Ce n'est pas vrai. On passe en secteur 3 pour être un peu plus tranquille et pour faire de la vraie médecine. Voilà. et on paye plus de charges, il faut prendre sa pré-retraite en main aussi, puisqu'on arrête de payer la CARF et la complémentaire retraite. Il faut accepter ça. Il ne faut pas aller faire du secteur 3 parce que je vais être riche. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Secteur 3, plus de CAMF ?

  • Speaker #1

    Non, la complémentaire retraite.

  • Speaker #2

    Alors, je confirme qu'on ne passe pas en secteur 3 du tout pour le but de s'enrichir. Moi, je suis fauchée. Mon conjoint ne travaille plus.

  • Speaker #0

    Pro d'actes gratuits.

  • Speaker #2

    Pro d'actes gratuits. Mon conjoint ne travaille plus parce qu'il est homme au foyer. Il est très bien comme ça. Moi, ça me rassure aussi parce que du coup, j'ai plus de liberté de marge de manœuvre dans mes horaires. Et on peut parler librement de ces revenus. Moi, je n'ai pas de problème avec les chiffres. Si avant je me versais un salaire de 6 500 euros par mois net, maintenant je me verse un salaire de 5 000. Voilà, parce qu'effectivement, je mets quand même de côté, parce que je ne sais pas à quelle sauce je vais être mangée aussi au niveau de l'URSSAF. Et je pense qu'il faut que je mette de côté pour toutes mes cotisations, toutes mes charges, 60% de mon chiffre d'affaires. Donc, je me verse 5 000 euros. Et les mois où je ne travaille pas, comme là, je vais partir un mois en vacances, en congé, c'est zéro. Donc voilà, on change de rythme de travail et c'est très bien ainsi. On s'y retrouve de la même manière que mes patients retrouvent de la qualité dans mon travail, je retrouve aussi de la qualité de vie en ayant passé le décompensionnement.

  • Speaker #3

    Moi aussi, j'ai un petit peu diminué mon chiffre d'affaires, mais c'est aussi que j'ai fait le choix de diminuer aussi mon temps de travail. J'ai deux enfants en bas âge et c'est important là d'en profiter. Une fois qu'on augmente son activité en libéral, c'est compliqué de revenir en arrière. Donc là, je surfe un petit peu sur le côté tranquillité avant de réaugmenter. Moi, mes revenus l'année dernière, quand j'étais conventionnée, ils me convenaient. Ce qui ne me convenait pas, c'est les revenus que j'avais par rapport... À mon niveau d'études, aux risques que je prends, au niveau de responsabilité et au temps réel de travail et au niveau de stress. C'est tout ça qu'il faut mettre en balance, ce n'est pas juste un revenu posé, c'est ce qu'on fait pour avoir ce revenu-là.

  • Speaker #0

    C'est ce que disait Rosalie, c'est très compliqué finalement de chiffrer la valeur de son travail.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. Après, on n'est quand même pas très à l'aise de demander, ce n'est pas si facile que ça, de demander ses honoraires en sachant que les patients ne sont pas remboursés. Ce n'est quand même pas confortable, il faut être honnête. Maintenant, quelque chose qu'on n'a pas encore abordé, c'est que moi, en consultation, je n'ai pas du tout le sentiment d'avoir fait le tri sur les patients riches. Parce que moi, c'était très mal vu dans ma famille que je me déconventionne. Beaucoup de remarques, ça va être la médecine pour les riches. Et voilà, j'appréhendais un petit peu ça. Maintenant, moi je suis toute jeune, j'ai 35 ans, et je ne me voyais pas rester plus de 30 ans avec un système où en fait c'est toujours plus de mesures difficiles pour nous, avec de moins en moins d'avantages, où on se sent bloqué de plus en plus dans ce système. Donc il fallait que je fasse quelque chose, quitte à gagner moins. Il faut prendre son destin entre ses mains. Et les patients, en réalité, ce qui a le plus changé pour moi, c'est plus d'avoir les patients qui sont respectueux envers les médecins et envers moi. Ça peut paraître surprenant, mais j'ai des patients de revenus très confortables qui sont partis, et ceux qui m'ont fait le plus la morale, c'est dans les patients les plus aisés.

  • Speaker #0

    Vous avez les moyens, finalement ?

  • Speaker #3

    Ah oui, dans des patients qui ont des revenus, mais que jamais j'approcherais. Et je ne vais pas dire le contraire, il y a quand même des patients... avec peu de revenus qui sont partis. Je veux dire, la vie n'est pas aussi rose que je pourrais... Voilà, il faut être réaliste. Mais ces patients-là, ceux qui m'ont... Déjà, ils m'ont dit très gentiment qu'ils allaient partir, qu'ils me remerciaient et qu'ils respectaient mon choix et voire ils m'encourageaient certains. Voilà, donc j'ai quand même des... Voilà, j'ai une patientelle avant des mureaux. Dans ceux qui sont restés depuis mon installation à Chambourcy, en fait, j'en ai très, très peu qui sont partis.

  • Speaker #0

    Je vais oser la question, mais vous avez gagné en qualité de passion ?

  • Speaker #3

    En fait, on dit souvent qu'une patientèle reflète le médecin au bout de plusieurs années. Et comme ma première installation, c'était en janvier 2020, et que j'ai changé d'installation dans une ville très différente, ma patientèle ne reflétait pas encore ma personnalité. Donc j'avais des patients... Il y a quand même le sentiment, moi, je trouve, d'être médecin généraliste, il y avait un peu un côté ces derniers temps où j'avais l'impression que les patients allaient au guichet de la poste demander leur timbre et ceci et cela, que le prof de gym, il a dit qu'il faudrait une IRM du genou. Ou quand des fois c'est pas ma voisine qui a rien à voir dans le milieu de la santé qui pense ça. Et franchement, honnêtement, c'est quand même consternant.

  • Speaker #0

    Et c'est un peu ce qui n'arrive plus depuis que vous êtes en secteur 3 ?

  • Speaker #3

    Non, quasiment pas. Ou pas du tout de la même manière. Une interrogation qui est très différente. Et de me dire je voudrais ceci, me rajoutez moi cela et machin. Non, ça n'arrive pas. Il y a un côté... Mais c'est une liste de course quoi. Oui, il y en a toujours quand un petit peu leur liste de course, ça les rassure. Mais c'est pas présenté de la même manière. C'est pour ça que je suis beaucoup plus détendue, parce que les patients sont beaucoup plus agréables et respectueux. Ils ne sont pas moins complexes. J'ai une patientelle qui est très diversifiée, avec des patients retraités, des patients qui ont peu de moyens, des patients aisés, des patients qui sont d'origine étrangère. J'ai même des patients des Mureaux qui ont déménagé, qui ont fait une heure de route pour venir me voir, alors qu'ils avaient rendez-vous avec un secteur 1. En réalité, c'est quoi la vision qu'on a de la santé, la vision qu'on a du médecin ? Je trouve que ça joue beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous l'avez remarqué, ça aussi, le changement d'attitude de votre patientèle, ou peut-être le changement même de patientèle ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis tout à fait d'accord. Moi, j'ai beaucoup de patients qui m'ont quitté, c'était les plus aisés. Donc, c'est très étonnant. On ne comprend pas. Alors, le changement de patientèle, il y a pas mal de jeunes. On se rend compte qu'il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de médecin traitant, donc qui sont contents de nous avoir. Mais surtout ce qu'il y a c'est que les autres patients qui sont restés, ils ne viennent pas pour des petites choses ou des choses comme ça. C'est des petits problèmes. Ils viennent vraiment pour... C'est réfléchi. C'est-à-dire avec le prix qu'ils vont payer, ils ne viennent pas vous demander de bottes de Deliprane. Enfin j'exagère, mais voilà, c'est réfléchi. Ils viennent avec des demandes très précises et c'est agréable. C'est agréable, d'accord ? Plus de bobologie quoi. Oui, il n'y a plus de bobologie. Et après, je viendrai sur le prix. Je vais vous raconter une petite histoire très rapidement. J'ai une personne qui a quelques années qui m'a dit je suis allé voir tel spécialiste en nutrition, etc. qui est connu, c'est le spécialiste, il est sur Paris. Et qui m'a dit, alors j'ai dit ah oui, il m'a dit ah bah il m'a pris, je vous parle de ça il y a 10 ans, il m'a pris 70 euros. Et j'ai dit ah bon ? Et qu'est-ce qu'il vous a dit ? Et il m'a dit la même chose que vous. J'ai dit, ah bah ça va alors. Alors qu'est-ce que vous allez faire ? Elle dit, bah je vais l'écouter parce qu'elle m'a pris 70 euros. Vous voyez ? Donc là, vous vous posez des questions. Vous vous dites, mais c'est pas possible. Bon, bien sûr, à la fin de la consultation, elle m'a dit, combien je vous donne ? J'ai dit 70, puisque j'ai dit la même chose. Mais elle m'a payé à l'époque, c'était 23 euros. Donc elle m'a dit, bah non, non. Elle a rigolé, elle a dit, non, non, c'est 23 euros. Voilà. Donc c'est ça, c'est bête, hein. C'est bête. C'est vous payez, donc vous écoutez. voilà c'est comme ça, l'être humain est comme ça

  • Speaker #0

    Allez une dernière question avec une réponse à mon avis qui sera très rapide de la part de vous trois, revenir en arrière est-ce que vous y pensez ?

  • Speaker #1

    Moi c'est possible parce que c'est bien quand même que les gens c'est une longue histoire Elle sera pas si courte finalement la réponse C'est une longue histoire c'est à dire qu'en fait moi je veux bien revenir en secteur 2 pour que les patients soient remboursés quand même une certaine parti, mais je ne veux pas adhérer à l'optam ou pas optam, je ne veux plus que la sécurité sociale intervienne dans ce que je dois faire dans mon métier. Voilà.

  • Speaker #2

    C'est pratiquement pareil, c'est-à-dire que ce qui me fait regretter le secteur 1 où j'étais, c'est le remboursement de mes patients. C'est-à-dire que si maintenant la sécurité sociale reconnaît que je fais le même travail, voire même mieux mon travail actuellement que quand j'étais en secteur 1, et rembourse les patients de la même manière qu'ils remboursent les patients qui voient un médecin en secteur 1, même tarif, je ne demande même pas qu'ils remboursent le tarif que je pratique, Il s'agit d'une simple décision.

  • Speaker #0

    Juste prendre une part ?

  • Speaker #2

    Juste une part, juste une part. C'est par simple décision ministérielle. Donc moi j'attends ça avec impatience. Et bien sûr, je suis secteur ce que vous voulez. Mais du moment que je suis remboursée, je reviendrai avec plaisir.

  • Speaker #3

    Moi aussi c'est assez similaire, c'est que je pourrais, je suis pas, voilà je trouve qu'il y a des choses qui sont positives aussi avec l'assurance maladie, je continue de télétransmettre mes feuilles de soins, de télétransmettre les arrêts maladie, s'il y a des choses qui sont positives, oui. Donc moi ce serait revenir si c'est du secteur 2 et pareil non-optam, les obligations, les machins, c'est mort. Ou du secteur 1 si on peut, enfin un secteur 1 si on pouvait faire en fonction du temps de consultation. Ouais ça c'est... Ça, ce serait possible. Mais j'ajouterais quand même une nuance, que c'est aussi possible. Si on veut rendre notre exercice plus compliqué en secteur 3 et qu'on n'aille pas sur ces directions-là, et que comme on est des vilains petits canards qui sommes en secteur 3, et si on veut nous pourrir notre exercice en pensant qu'on va revenir en secteur 1, ma réponse serait que je serais capable de quitter la médecine générale, de changer complètement de secteur, et voire même de quitter la médecine. Voilà, donc pour moi, ces côtés où... On peut se demander des fois s'il est politique par des décisions un petit peu simplistes, on va encore plus compliquer, les contraindre pour les faire revenir dans le bon chemin. Non, moi, je reviens dans le bon chemin et mon contraint, je tiens à ma liberté, à mon indépendance. Et j'adore la médecine générale, c'est un choix d'avoir fait de la médecine générale. J'aime la médecine générale, mais pas à n'importe quel prix. Et si on veut me contraindre dans mon métier, je serai capable de quitter la médecine complètement.

  • Speaker #0

    Un grand merci à tous les trois pour votre franchise, votre témoignage. Merci donc à Séverine Stenckit, à très bientôt, Rosaline Guyenne et Joubine Nadjaï, et à très bientôt pour un prochain podcast de l'URPS.

  • Speaker #1

    Merci.

Description

Nous allons parler, dans cet épisode, d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années : les déconventionnements.
Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement.


Aujourd'hui, nous allons nous intéresser aux médecins ayant fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? 


On en parle avec : 

- Dr Séverine Steenkiste, médecin généraliste à Chambourcy (78)
- Dr Rosalie Nguyen, médecin généraliste au Blanc-Mesnil (93)
- Dr Joubine Nadjahi. médecin généraliste à Créteil (94)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Ce podcast est animé par la journaliste Sidonie Watrigan.

  • Speaker #1

    Bonjour à tous, merci d'être avec nous pour ce quatorzième épisode de La Voix des Libéraux, un podcast proposé par l'URPS Île-de-France. Notre souhait, notre objectif, vous le savez, c'est répondre sans langue de bois à toutes vos interrogations, vous médecins d'Île-de-France, sur un sujet précis. On va parler d'une tendance aujourd'hui qui s'affirme depuis quelques années, ce sont les déconventionnements. Ils augmentent sensiblement en Île-de-France. Sur les quelques 5000 lettres d'intention envoyées par les médecins généralistes français, 10% viennent de praticiens franciliens, selon les chiffres du site déconventionnement.fr. Mais attention, lettres d'intention ne veut pas dire acte de déconventionnement. Aujourd'hui, on va s'intéresser aux médecins qui ont fait le choix du secteur 3. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils fait ce choix ? Qu'est-ce qui a changé depuis qu'ils ont coupé les ponts avec la Sécurité sociale ? Quelle est leur relation maintenant avec leurs patients ? On va poser la question et surtout solliciter le témoignage de trois médecins généralistes déconventionnés. D'abord, Séverine Stenkist, bonjour.

  • Speaker #2

    Bonjour.

  • Speaker #1

    Vous êtes médecin généraliste à Chambourcy. Rosaline Guyenne, bonjour. Bonjour. Médecin généraliste au Blanc-Ménil et Joubine Nadjaï. Bonjour. Bonjour. Vous êtes médecin généraliste à Créteil. Peut-être une première question pour vous, très simple, Joubine. Est-ce qu'on peut rappeler le principe du conventionnement des secteurs 1, 2 et 3 ?

  • Speaker #3

    Eh bien, écoutez, d'abord, il y a le conventionnement 1, c'est-à-dire que les médecins libéraux sont soumis à une tarification qui est réglée par la CPAM et profitent de certains forfaits, de certaines rémunérations, toujours par la CPAM, mais qui ne peuvent pas augmenter le prix de leur consultation tout seul. Le secteur 2, ce sont des médecins qui sont une tarification libre, mais on ne peut arriver en secteur 2 que si on a fait 2 à 3 ans de clinica. Et le secteur 3, le médecin ne travaille plus avec la sécurité sociale ou presque plus. C'est-à-dire que ces actes ne sont pas remboursés et la tarification est libre.

  • Speaker #1

    C'est donc pour ça, vous trois, que vous êtes passés de secteur 1 directement à secteur 3, parce que médecin généraliste dit ne fait pas de clinica. C'est ça l'idée ?

  • Speaker #3

    Voilà.

  • Speaker #2

    Il y a quand même quelques clinica ou assistana, mais c'est vrai qu'il y a peu de postes. Et j'ai aussi connu des confrères qui, en ayant fait plusieurs années d'assistana, ont eu des difficultés à le faire valoir pour être en secteur 2. Donc ce n'est pas impossible, mais c'est plus difficile, on va dire.

  • Speaker #1

    Donc Séverine, comme vous avez pris la parole, c'est vous que je vais interroger en premier sur les motivations qui vous ont conduite à passer en secteur 3. Vous étiez en secteur 1 jusqu'à octobre 2023.

  • Speaker #2

    Tout à fait.

  • Speaker #1

    Avant, en préparant l'émission, on discutait un peu, et vous m'avez dit, mais vous m'auriez dit ça il y a trois ans, passer en secteur 3, pour moi c'était lunaire et impossible. Qu'est-ce qui a changé ?

  • Speaker #2

    Oui, c'est vrai que j'ai cru exercer toute ma vie en secteur 1, mais entre les négociations conventionnelles qui se sont extrêmement mal passées, le fait d'avoir de plus en plus des consultations longues, et donc on ne peut pas revaloriser en termes d'honoraires, J'ai commencé à avoir un sentiment de mal-être et j'ai réalisé qu'en réalité, j'étais comme dans un étau, où soit je faisais des consultations longues et l'exercice de la médecine que je veux faire, où j'aime beaucoup mettre en avant la prévention, faire un vrai bilan pour chaque patient, et du coup, je ne me sentais pas très bien rémunérée en termes de taux horaires, où soit je pouvais faire mes consultations plus rapidement. avoir un chiffre d'affaires plus satisfaisant. Mais en réalité, en fin de journée, je ne me sentais pas très bien, pas satisfaite de mon travail. Et puis même des fois, je me demandais, est-ce que si j'avais eu plus de temps, est-ce que je n'aurais pas fait les choses différemment ? Donc voilà, quand c'est occasionnel, ça ne pose pas de problème. Mais quand ça devient quotidien et pluricotidien, ça commence à peser.

  • Speaker #1

    La principale motivation, c'est donc la question de la gestion du temps pour vous. Même question à vous, Rosalie.

  • Speaker #0

    Oui, c'est-à-dire que moi je me suis déconventionnée parce que je ne pouvais plus travailler en secteur conventionnel. J'étais arrivée au bout de ce que je pouvais faire, de ce que je pouvais donner, et malgré tout j'avais le sentiment de ne pas pouvoir satisfaire toutes les demandes de mes patients.

  • Speaker #1

    Vous avez un exemple concret ?

  • Speaker #0

    Un exemple concret, j'en ai des tonnes. Mais si je vous dis que je travaillais de 9h du matin jusqu'à minuit et que malgré tout, je n'avais pas vu tous les patients qui se présentaient au cabinet et que je rentre à la maison et que je ne peux pas m'endormir parce que tout simplement, je repense encore à ce que je n'ai pas fait, ce que je n'ai pas pu faire et aux erreurs que j'ai pu commiser aussi, je ne pouvais plus continuer comme ça.

  • Speaker #1

    Jobine ?

  • Speaker #3

    Moi, j'ai donné pour la convention, puisque j'ai fait quand même 28 ans de convention secteur 1, et moi personnellement j'étais fatigué par la paperasserie de la CPAM, les demandes incessantes de patients, souvent non justifiées, le fait de subir les forfaits, le sentiment d'être plutôt salarié que libéral, et ne pas pouvoir faire ce que j'avais envie de faire, c'est-à-dire passer du temps avec les patients. Et pareil, beaucoup d'heures de temps et pour pas grand chose. Donc pas grand chose. Moi, ce que je voulais, c'est pour la médecine, je pense qu'il faut passer du temps avec les patients. Et là, c'est plus possible. C'est plus possible parce que là, c'était devenu, quel acte je peux faire ? pour gagner mieux ma vie. Et ça, ça ne doit pas être dans l'esprit d'un médecin.

  • Speaker #1

    La question du temps, vous le dites tous. La question de la charge mentale, elle est quand même importante. C'est quelque chose, par exemple, Séverine, qui vous a motivée à franchir le pas ?

  • Speaker #2

    C'est-à-dire que pour avoir un chiffre d'affaires satisfaisant, il faut quand même voir suffisamment de patients. Et même sans faire tant d'actes que ça, quand on cumule beaucoup de consultations complexes, c'est quand même difficile à la fin de la journée.

  • Speaker #1

    Donc ce qu'on entend dans ce que vous dites, et ce que disait aussi Joubine, c'est que l'idée, c'est que vous faites de la discrimination à l'entrée. C'est-à-dire que quand vous êtes encore en secteur 1, vous êtes obligée de choisir des cas moins complexes ?

  • Speaker #2

    Ah non, moi je ne le faisais pas. Moi je trouvais ça tellement satisfaisant de... Je sais qu'il y a des médecins généralistes sectorains qui le font. J'ai des patients qui essayent de déménager, une patiente qui a une sclérose en plaques qui n'arrive pas à retrouver un médecin parce qu'elle est considérée comme trop complexe.

  • Speaker #1

    Et on lui a dit, clairement ?

  • Speaker #2

    Oui, on lui a dit. J'ai plusieurs patients à qui on l'a formulé clairement. Moi, je n'ai jamais voulu agir de cette façon-là. Mais par contre, en ayant de plus en plus de patients complexes ou en souffrant d'une manière générale, mon temps de consultation moyen est de plus en plus long. J'ai une population assez âgée. Avant, je l'exerçais au Muro, j'avais une population assez fragile et compliquée au niveau social. Là, j'ai une population polypathologique et âgée, avec même des patients jeunes qui ne vont pas forcément très bien. Moi, ce qui m'étonne le plus, c'est que des fois, je vois sur mon planning un patient de 35 ans, on pourrait se dire, bon, ça va être plus rapide. Et je suis vraiment étonnée du niveau de stress. Parmi la population plus jeune, et que des fois j'ai des consultations qui peuvent être même plus longues avec des patients de 30-40 ans que des patients de 80 ans aussi, donc c'est pas forcément un patient âgé qui va être forcément long et un patient plus jeune avec une consultation plus courte, ça dépend de beaucoup de paramètres.

  • Speaker #1

    Donc, retrouver du temps médical, prendre soin de ses patients, faire de la prévention, aussi se préserver en termes de charge mentale. On comprend bien les motivations. Est-ce qu'il y en a d'autres qu'on n'a pas citées avant de parler de l'élément vraiment déclencheur, du passage à l'acte, on va dire, vers le secteur 3 ? Vous avez d'autres éléments de motivation à ajouter ?

  • Speaker #0

    Bon, non.

  • Speaker #1

    Alors, quand vous êtes passé dans le secteur 3, j'aimerais bien savoir, un, comment ça s'est passé, comment ça a été vécu, et par votre entourage et par vos patients. Rosalie ?

  • Speaker #0

    Alors moi, mon entourage, de toute façon, j'étais pratiquement en rupture avec mon conjoint parce qu'il me disait que je n'étais jamais présente à la maison. Donc, il a dû arrêter de travailler pour s'occuper de nos trois enfants. Donc, de toute façon, il a été ravi que je passe en secteur 3 et que j'ai enfin des horaires raisonnables. mes patients, je dirais qu'un patient sur deux a exprimé son mécontentement ou son incompréhension. Vis-à-vis de ce choix, j'ai dû expliquer individuellement avec chaque patient. Ça m'a pris beaucoup, beaucoup de temps aussi en consultation pour vraiment faire comprendre la raison et que ce n'était pas une raison financière, comme beaucoup pouvaient le penser ou en tout cas le supposer. Et un patient sur deux, du coup, comprenait parfaitement et a été... Ils ont même remarqué que les rendez-vous étaient plus faciles à prendre. Je n'avais plus des délais de rendez-vous de cinq semaines. Je peux prendre des rendez-vous des patients le jour même ou le lendemain. J'étais plus disposée à les écouter. Je prenais plus de temps avec chaque patient. Ça a changé toute la consultation, en fait. Je redécouvrais mes patients, des patients que je voyais trop, trop vite. Plusieurs fois par an, mais trop vite, c'est ce qu'on a fini par dire. C'est qu'il vaut mieux avoir une consultation qui dure 20-30 minutes, deux fois par an, plutôt qu'une consultation tous les mois qui dure 10 minutes.

  • Speaker #3

    Diminuer le nombre de consultations, prendre mon temps et s'occuper des patients, de la prévention, de tout ça. Et j'en suis très content.

  • Speaker #1

    Un élément que vous pointiez effectivement dans la préparation de cette émission, c'était de dire que la sécurité sociale est souvent très déconnectée. De la réalité de l'état des patients, notamment, je crois que c'est vous Séverine qui me l'avez dit, post-Covid, mais vous en avez un peu parlé, même les jeunes ont des pathologies un peu compliquées, complexes à gérer et que c'est hyper important, non pas de consacrer 5 minutes, mais éventuellement jusqu'à 45 minutes pour chaque patient.

  • Speaker #2

    Je partage exactement le même point de vue que mes confrères et notamment Rosalie qui disait je trouve ça vraiment plus pertinent de voir un patient 30 minutes que 3 fois 10 ou 2 fois 15. En fait, ce n'est pas pareil. Surtout quand on veut vraiment avoir un tour d'horizon de la santé d'un patient en termes de prévention, des multiples pathologies, c'est différent. Je trouve ça beaucoup plus logique d'avoir plus de temps à un moment donné et de voir un patient moins souvent, surtout dans une société où... C'est plus compliqué pour les patients de venir souvent chez le médecin. Des fois, les patients âgés, il y a quand même quelqu'un de la famille qui a pris une demi-journée pour l'accompagner. Donc comment dire, ah bah non, c'est un seul motif, une consultation. Bah non, on ne peut pas faire ça. Du coup, c'est vrai que ça change beaucoup de choses de se sentir plus à l'aise pour le faire réellement.

  • Speaker #1

    C'est pas un élément qui a été entendu, ça, par l'assurance maladie, au moment notamment des assises du déconventionnement ? Ce processus de l'accompagnement du patient, de la prévention, du nécessaire temps médical, c'est quelque chose dont on parle beaucoup dans ce podcast, retrouver du temps médical, ça n'a pas été abordé et entendu ?

  • Speaker #2

    Je n'ai pas fait partie des négociations conventionnelles, donc je ne sais pas ce qui s'est passé. Le problème de l'assurance maladie, c'est que c'est des quotations... qui ne sont pas faciles à utiliser. Par exemple, les visites à domicile, vous avez un système de visite longue une fois par trimestre. Pour les patients de plus de 80 ans en ALD, moi j'étais la championne, 79 ans en ALD ou 81 ans pas en ALD. Ou si vous avez besoin d'avoir deux consultations, une situation qui est plus complexe pendant quelques mois, et vous avez besoin de le voir plus fréquemment pendant un trimestre, vous ne pouvez le faire qu'une seule fois.

  • Speaker #1

    Ça veut dire qu'il faut qu'il rentre dans des cases très précises,

  • Speaker #2

    avec des contraintes très précises. Un patient qui sort d'hospitalisation pour motif chronique, c'est dans le mois qui suit. Si vous le voyez un mois et demi après, c'est cuit. Ou alors vous le faites en disant que vous n'êtes pas dans les clous. Donc l'évaluation de la dépression, vous avez une cotation à 1000 tonnes. Vous pouvez très bien voir un patient, pendant un mois, il y a besoin d'un accompagnement plus poussé, donc cette cotation, vous ne pouvez l'utiliser qu'une seule fois, une fois par an. Alors que des patients qui sont en mal-être, en réalité, il y a bien trois consultations qui sont quand même très longues. Et puis, des fois, vous n'avez pas envie de tout... Enfin, voilà, vous avez besoin de plus de temps avec un patient, on est médecin, on a Bac plus 9, ça ne rentre pas toujours dans les clous, quoi. En fait, le système conventionnel est fait. Pour mettre tous les médecins dans le même panier, alors que chaque médecin a ses particularités, notamment en médecine générale, je pense que c'est encore plus vrai que dans d'autres spécialités. En fonction de nous, là où on est plus à l'aise, c'est vrai que je fais beaucoup de polypathologie, qu'il y a d'autres médecins qui vont faire beaucoup plus d'aigus. En fonction de la population qu'on a, est-ce qu'on a une population jeune et dynamique, ou une population en zone rurale, ou âgée, polypathologique ? Est-ce qu'il y a des médecins qui sont très à l'aise avec le côté soutien psychologique ? Et en fait, on ne peut pas avoir une consultation à l'acte alors qu'on est tous différents avec des populations différentes. Il y a aussi des médecins qui aiment bien avoir des consultations courtes et c'est leur fonctionnement et c'est des très bons médecins. Et c'est comme ça, ils ont besoin que ce soit très dynamique dans une journée et d'autres qui ont besoin de plus de temps. Mais j'ai quand même le sentiment que beaucoup de jeunes médecins ont besoin de temps de faire les choses comme ils le souhaitent. Et du coup, d'être bloqué dans ce système-là, c'est hyper frustrant.

  • Speaker #1

    Il y a un élément important, Rosalie en a parlé très rapidement, mais c'est sur la relation que vous avez à vos patients depuis que vous êtes passés en secteur 3. J'ai bien noté la nécessaire acculturation au fait que vous y passiez et leur faire comprendre pourquoi vous le faites, mais depuis que vous êtes en secteur 3, qu'est-ce qui a changé avec vos patients ?

  • Speaker #0

    Ce qui a changé, c'est que déjà je ne ressens plus la colère que je ressentais et l'injustice que je ressentais tout au long de la journée quand il fallait que je facture, que je cote et que je télétransmette ma cotation à la Sécurité sociale. Quand j'estimais que la consultation était longue parce que le patient est revenu après un certain temps d'hospitalisation et qu'il fallait que je réévalue tout son traitement, toute l'histoire de sa maladie, etc. et que j'y passais du temps et qu'il fallait que je cote une cotation permise par la Sécurité sociale et que je ne pouvais pas la faire parce qu'elle était permise seulement sur 30 jours et que le patient ne peut me voir qu'au bout de 5 semaines parce que c'était mes délais de rendez-vous, j'étais très fâchée. Donc plutôt que de penser effectivement à mon patient, à son bien-être, qu'est-ce que j'ai fait, qu'est-ce que je dois encore faire, en cliquant sur la cotation, je me disais mais c'est pas possible, c'est refusé. C'est totalement injuste. Donc toute cette colère est partie. Là, actuellement, je ne me concentre que sur la santé du patient. Voilà. Uniquement sur ce qu'il me dit, je l'écoute. Et pas sur, tiens, quel jour on est aujourd'hui, est-ce que ça fait six mois que je l'ai vu, est-ce que ça fait trois mois que je l'ai vu ? Voilà.

  • Speaker #1

    La relation aux patients et surtout la façon dont maintenant les patients vous considèrent aussi, parce que ça c'est une autre forme de question autour de ça.

  • Speaker #3

    Moi, je voudrais faire un peu d'histoire. Et quand vous lisez l'avis d'Avicenne, qui a été vraiment, pour moi c'était un génie pour son époque, il disait, j'ai retenu surtout deux choses qu'il disait. Premièrement, il disait, quand on vieillit, il faut faire très attention à ce qu'on mange. Il faut faire du sport, c'est quand même quelqu'un qui est né en 950, quelqu'un qui disait en 950, je ne sais pas moi, à 40 ans, donc dans l'année 1000, il disait il faut faire du sport, c'était quand même un génie. Et puis deuxièmement, il disait la médecine, c'est d'abord la prévention. et parfois la guérison. Donc ce qui m'a apporté, c'est que maintenant, je peux faire de la prévention. J'ai le temps. Je ne me pose pas de questions à me dire, il faut que je vois. Le nerf de la guerre, c'est aussi, il ne faut pas oublier, on est chef d'entreprise, donc il faut que ça roule. Moi, j'ai une secrétaire, il faut que j'assure sa paye, etc. Donc là, je ne me pose plus de questions en disant, combien de consultations il faut que je fasse, j'ai adapté mon temps avec le prix de mes consultations. Et puis voilà, je fais beaucoup de prévention, ce que j'ai toujours aimé, et je suis content. Et puis les patients sont contents, et puis qu'ils me disent, vous êtes moins stressé, vous êtes plus souriant, vous pensez à tout, c'est encore pire. Donc c'est ça, la prévention, c'est ça. C'est fatigant de faire de la prévention, de l'éducation, c'est très fatigant. Et pour ça, il faut une bonne rémunération. Et le secteur 3, pour moi, c'est ça.

  • Speaker #1

    Séverine, vous l'avez ajouté ? Rosalie, pardon ?

  • Speaker #0

    Je réagis par rapport à ce que dit Joubine et ce que vous posiez comme question tout à l'heure par rapport à la relation avec le patient. Là, je suis maître de stage et j'ai encore plus de plaisir à enseigner, plus de temps à enseigner aux internes qui passent. Et avant-hier, avec mon interne, je lui disais Mais tu vois, ce qui est beau dans notre métier, c'est que quand le patient rentre, il a le visage fermé. Il souffre, il a des choses qu'il t'exprime, mais des choses qu'il n'exprime pas. Et ce qui est hallucinant, c'est que si toi, tu portes vraiment ton attention sur ton patient, tu vas découvrir des choses qu'il n'a même pas dit, ton patient. Et à la sortie du cabinet, il a le sourire. Et effectivement, c'est ça qui est magique. C'est de pouvoir soulager le patient de tous ses maux. et lui redonner un bien-être, un confort. Il s'est senti compris, il s'est senti soigné. Il a eu plus que ce qu'il demandait, en général.

  • Speaker #2

    Moi, de mon côté, j'ai remarqué que mon niveau de stress a diminué de manière très importante. Et que quand j'étais en secteur 1, j'étais tout le temps stressée. Je ne m'en rendais même plus compte. Il y avait des journées où j'étais plus stressée que d'autres, mais j'avais un niveau de stress permanent. J'ai l'impression de tout le temps courir. C'était une course de vitesse, de ne pas être trop en retard, d'essayer de faire son possible, d'être toujours un spécialiste à appeler et ne s'arrêter pas. Et même quand j'avais passé des très bonnes journées où j'étais contente de ce que j'avais fait, je me sentais vidée en rentrant chez moi. Et que là, mon niveau de stress a vraiment diminué, je suis beaucoup plus détendue en consultation, j'avais tendance à m'énerver facilement et je garde beaucoup mieux mon calme. Le soir, j'ai beaucoup plus d'énergie, mon mari... Il me l'a dit très rapidement. Il m'a dit, tu n'as pas le même visage en rentrant le soir, tu es souriant, tu es bien, tu as beaucoup plus d'énergie. Donc ça, vraiment, je le ressens. Et c'est tellement plaisant de pouvoir prendre le temps avec le patient sans se dire, mince, on n'est pas bien rémunéré. C'est vraiment... En plus, en termes de services médicaux rendus, en réalité, on va beaucoup plus loin, puisque la prévention, c'est le centre de tout en médecine. Oui. Il ne suffit pas de dire à un patient qu'il faudrait faire du sport, diminuer le sel. C'est comment y parvenir ? On peut dire plein de choses. Allez-y, faites du sport, faites ceci, faites cela. Oui, ok, merci, c'est bien. Mais c'est comment faire concrètement pour arrêter de fumer, pour diminuer l'alcool, pour arrêter les somnifères. Comment faire dans son planning, finalement, pour faire du sport ? Comment les encourager petit à petit ? Commence un petit peu, puis petit à petit, on va de plus en plus loin. Et ça, en fait, en termes de services médicaux rendus, on va beaucoup plus loin que si on fait un DU de micronutrition, de tout ce qu'on veut. Bien sûr, c'est utile, mais en fait, il y a beaucoup de médecins généralistes qui adorent la médecine générale et qui font aussi d'autres formations complémentaires pour être mieux rémunérés. Et c'est très bien pour les médecins passionnés qui ont envie de faire ça. Mais... Je suis sûre que si on rémunérait mieux la médecine générale, parmi les médecins généralistes, le temps consacré à la vraie médecine générale augmenterait. Voilà, c'est ça qui est dommage.

  • Speaker #1

    On ne l'a pas évoqué, c'est quand même un sujet qu'il faut qu'on aborde, puisque vous en parliez, la question de la rémunération. Vous disiez que le choix n'était pas lié du tout à une question d'argent, mais tout de même, puisque c'est lié, quand on se consacre plus de temps à ses patients, il faut être mieux rémunéré. Très simplement, et si vous le voulez bien, comment vous avez conçu vos grilles tarifaires et est-ce qu'elles ont bougé depuis que vous êtes déconventionné ?

  • Speaker #2

    Moi de mon côté, j'avais mis 55 euros pour 20 minutes de consultation et un tarif de 85 pour 40 minutes.

  • Speaker #1

    Donc en fonction du temps.

  • Speaker #2

    Et les visites à domicile à 100 euros. Et j'avais mis moins pour les patients CMU et moins si un patient par exemple il vient pour un motif aigu, qu'il faut le revoir trois jours après, je prends des honoraires moindres. Mais en fait, en réalité, je passe 30 minutes par consultation quasiment. Personne ne prend d'emblée le tarif de consultation, c'est pour moi. Pour l'instant, je n'ai pas évolué malgré les tarifs. Mais en janvier 2025, je compte partir sur des consultations de renouvellement. Partir à 30 minutes, je n'ai pas encore acté. Et faire des consultations de 20 minutes pour les consultations d'urgence.

  • Speaker #0

    C'est toujours difficile de s'évaluer soi-même quand on n'a jamais eu l'occasion d'évaluer notre travail et la valeur de nos consultations. Donc, ce qui s'est passé, c'est qu'on a regardé la moyenne européenne. Moi, j'ai regardé la moyenne européenne. Effectivement, c'est 50 euros environ. Je me suis dit, ma consultation est dure 20, 30, 40 minutes. Ça peut être que deux, trois fois le tarif de base de la consultation, le tarif de la Sécurité sociale. Donc, j'ai quand même donné des repères pour les patients en leur disant qu'une consultation de base, c'était 50 euros. que si vraiment elle dépassait, enfin si ça fait très longtemps que je n'ai pas vu le patient, ou si c'est un nouveau patient, où il faut reprendre tout un dossier médical, ou si les consultations durent plus de 30 minutes, ou s'éternisent, ça peut être des tarifs supérieurs. Je donne aussi une base de 70 euros. Pour les visites à domicile, étant donné que je fais 20 minutes de trajet, aller 20 minutes retour et 30 minutes sur place, Je me suis dit, c'est pas possible que je fasse une visite tarif sécu à 35 euros, ou même 70 euros la visite longue. Donc j'ai donné cette base au patient en disant que c'était 70 euros, mais ça pouvait aller jusqu'à 120 euros si vraiment je passais beaucoup de temps. Et que c'était tout à fait, avec tact et mesure, négociable avec le patient aussi. D'accord,

  • Speaker #1

    donc il y a une acceptabilité aussi du delta, c'est-à-dire que vous arrivez sur une visite par exemple où on se dit on va payer 70, 75, et finalement si c'est plus long, le patient accepte de payer 120 sans problème.

  • Speaker #0

    Oui, et pour pouvoir mettre ça en place et puis ne pas... Pas... prendre les gens à revers. Je les appelle avant, parce que quand c'est des nouveaux patients, souvent d'ailleurs maintenant les visites à domicile, c'est des nouveaux patients qui m'appellent, parce qu'ils ne trouvent pas de médecins qui viennent à domicile. Donc ils m'appellent et puis on discute ensemble et on parle directement du tarif aussi, en disant là vous habitez où, je vais mettre combien de temps et je vais passer combien de temps.

  • Speaker #1

    Donc c'est très transparent et c'est très libéral dans l'approche en fait.

  • Speaker #0

    C'est très libéral dans l'approche et c'est surtout, moi j'ai découvert en secteur 3, la notion du tact et mesure. enfin, je peux faire des actes gratuits. Enfin, je peux faire des actes moins chers aux personnes qui ne peuvent pas payer. Ça, c'est des choses qu'on ne faisait pas avant.

  • Speaker #1

    Et ça, vous le faites ?

  • Speaker #0

    Oui, je le fais. Je le fais. Je le fais. Je pense que je le fais trop, mais je le fais.

  • Speaker #3

    Alors, moi, c'est très étonnant, mais les 50 euros, ça faisait peur à beaucoup de personnes. Donc du coup moi j'ai mis 45, mais j'ai pas mis en temps moi, j'ai mis en nombre de problèmes. Donc 1 à 2 problèmes c'est 45 euros, et entre 3 et 5 problèmes c'est 70 euros.

  • Speaker #1

    C'est-à-dire j'arrive avec 2 problèmes identifiés mais vous m'en trouvez 4 ?

  • Speaker #3

    Ça fera 70.

  • Speaker #0

    Et ça, ça a été accepté aussi ?

  • Speaker #1

    Aussi. Par contre, il n'y a pas de notion de temps, moi.

  • Speaker #0

    D'accord.

  • Speaker #1

    Je peux passer 10 minutes, je peux passer 40 minutes, même si c'est un ou deux problèmes. Je peux passer du temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous vous y retrouvez, vous ? Alors, au-delà, on l'a bien compris, du bien-être, de moins de stress, du fait que vous êtes content de faire de la prévention et tout ça. Au-delà de tout ça, est-ce que vous vous y retrouvez financièrement ?

  • Speaker #1

    Alors moi je me permets de parler, avec Rosalie on est passé en même temps en secteur 3, et donc après elle vous en dira. Moi depuis fin août, j'attends que l'URSSAF me demande des sous en secteur 3. Donc pour l'instant je ne peux pas vous répondre parce que je ne sais pas combien ils vont me demander, mais en gros, alors franchement moi ce que je pense du secteur 3. par rapport à un moment où j'étais secteur 1. Moi, je vais gagner la même chose, mais on va payer un peu plus de charges. Mais comme on a augmenté le prix des consultations, qu'on voit moins de patients, on est plus tranquille, etc. Il ne faut pas croire qu'en secteur 3, on va être riche. Ce n'est pas vrai. On passe en secteur 3 pour être un peu plus tranquille et pour faire de la vraie médecine. Voilà. et on paye plus de charges, il faut prendre sa pré-retraite en main aussi, puisqu'on arrête de payer la CARF et la complémentaire retraite. Il faut accepter ça. Il ne faut pas aller faire du secteur 3 parce que je vais être riche. Ça, ce n'est pas possible.

  • Speaker #0

    Secteur 3, plus de CAMF ?

  • Speaker #1

    Non, la complémentaire retraite.

  • Speaker #2

    Alors, je confirme qu'on ne passe pas en secteur 3 du tout pour le but de s'enrichir. Moi, je suis fauchée. Mon conjoint ne travaille plus.

  • Speaker #0

    Pro d'actes gratuits.

  • Speaker #2

    Pro d'actes gratuits. Mon conjoint ne travaille plus parce qu'il est homme au foyer. Il est très bien comme ça. Moi, ça me rassure aussi parce que du coup, j'ai plus de liberté de marge de manœuvre dans mes horaires. Et on peut parler librement de ces revenus. Moi, je n'ai pas de problème avec les chiffres. Si avant je me versais un salaire de 6 500 euros par mois net, maintenant je me verse un salaire de 5 000. Voilà, parce qu'effectivement, je mets quand même de côté, parce que je ne sais pas à quelle sauce je vais être mangée aussi au niveau de l'URSSAF. Et je pense qu'il faut que je mette de côté pour toutes mes cotisations, toutes mes charges, 60% de mon chiffre d'affaires. Donc, je me verse 5 000 euros. Et les mois où je ne travaille pas, comme là, je vais partir un mois en vacances, en congé, c'est zéro. Donc voilà, on change de rythme de travail et c'est très bien ainsi. On s'y retrouve de la même manière que mes patients retrouvent de la qualité dans mon travail, je retrouve aussi de la qualité de vie en ayant passé le décompensionnement.

  • Speaker #3

    Moi aussi, j'ai un petit peu diminué mon chiffre d'affaires, mais c'est aussi que j'ai fait le choix de diminuer aussi mon temps de travail. J'ai deux enfants en bas âge et c'est important là d'en profiter. Une fois qu'on augmente son activité en libéral, c'est compliqué de revenir en arrière. Donc là, je surfe un petit peu sur le côté tranquillité avant de réaugmenter. Moi, mes revenus l'année dernière, quand j'étais conventionnée, ils me convenaient. Ce qui ne me convenait pas, c'est les revenus que j'avais par rapport... À mon niveau d'études, aux risques que je prends, au niveau de responsabilité et au temps réel de travail et au niveau de stress. C'est tout ça qu'il faut mettre en balance, ce n'est pas juste un revenu posé, c'est ce qu'on fait pour avoir ce revenu-là.

  • Speaker #0

    C'est ce que disait Rosalie, c'est très compliqué finalement de chiffrer la valeur de son travail.

  • Speaker #3

    Oui, complètement. Après, on n'est quand même pas très à l'aise de demander, ce n'est pas si facile que ça, de demander ses honoraires en sachant que les patients ne sont pas remboursés. Ce n'est quand même pas confortable, il faut être honnête. Maintenant, quelque chose qu'on n'a pas encore abordé, c'est que moi, en consultation, je n'ai pas du tout le sentiment d'avoir fait le tri sur les patients riches. Parce que moi, c'était très mal vu dans ma famille que je me déconventionne. Beaucoup de remarques, ça va être la médecine pour les riches. Et voilà, j'appréhendais un petit peu ça. Maintenant, moi je suis toute jeune, j'ai 35 ans, et je ne me voyais pas rester plus de 30 ans avec un système où en fait c'est toujours plus de mesures difficiles pour nous, avec de moins en moins d'avantages, où on se sent bloqué de plus en plus dans ce système. Donc il fallait que je fasse quelque chose, quitte à gagner moins. Il faut prendre son destin entre ses mains. Et les patients, en réalité, ce qui a le plus changé pour moi, c'est plus d'avoir les patients qui sont respectueux envers les médecins et envers moi. Ça peut paraître surprenant, mais j'ai des patients de revenus très confortables qui sont partis, et ceux qui m'ont fait le plus la morale, c'est dans les patients les plus aisés.

  • Speaker #0

    Vous avez les moyens, finalement ?

  • Speaker #3

    Ah oui, dans des patients qui ont des revenus, mais que jamais j'approcherais. Et je ne vais pas dire le contraire, il y a quand même des patients... avec peu de revenus qui sont partis. Je veux dire, la vie n'est pas aussi rose que je pourrais... Voilà, il faut être réaliste. Mais ces patients-là, ceux qui m'ont... Déjà, ils m'ont dit très gentiment qu'ils allaient partir, qu'ils me remerciaient et qu'ils respectaient mon choix et voire ils m'encourageaient certains. Voilà, donc j'ai quand même des... Voilà, j'ai une patientelle avant des mureaux. Dans ceux qui sont restés depuis mon installation à Chambourcy, en fait, j'en ai très, très peu qui sont partis.

  • Speaker #0

    Je vais oser la question, mais vous avez gagné en qualité de passion ?

  • Speaker #3

    En fait, on dit souvent qu'une patientèle reflète le médecin au bout de plusieurs années. Et comme ma première installation, c'était en janvier 2020, et que j'ai changé d'installation dans une ville très différente, ma patientèle ne reflétait pas encore ma personnalité. Donc j'avais des patients... Il y a quand même le sentiment, moi, je trouve, d'être médecin généraliste, il y avait un peu un côté ces derniers temps où j'avais l'impression que les patients allaient au guichet de la poste demander leur timbre et ceci et cela, que le prof de gym, il a dit qu'il faudrait une IRM du genou. Ou quand des fois c'est pas ma voisine qui a rien à voir dans le milieu de la santé qui pense ça. Et franchement, honnêtement, c'est quand même consternant.

  • Speaker #0

    Et c'est un peu ce qui n'arrive plus depuis que vous êtes en secteur 3 ?

  • Speaker #3

    Non, quasiment pas. Ou pas du tout de la même manière. Une interrogation qui est très différente. Et de me dire je voudrais ceci, me rajoutez moi cela et machin. Non, ça n'arrive pas. Il y a un côté... Mais c'est une liste de course quoi. Oui, il y en a toujours quand un petit peu leur liste de course, ça les rassure. Mais c'est pas présenté de la même manière. C'est pour ça que je suis beaucoup plus détendue, parce que les patients sont beaucoup plus agréables et respectueux. Ils ne sont pas moins complexes. J'ai une patientelle qui est très diversifiée, avec des patients retraités, des patients qui ont peu de moyens, des patients aisés, des patients qui sont d'origine étrangère. J'ai même des patients des Mureaux qui ont déménagé, qui ont fait une heure de route pour venir me voir, alors qu'ils avaient rendez-vous avec un secteur 1. En réalité, c'est quoi la vision qu'on a de la santé, la vision qu'on a du médecin ? Je trouve que ça joue beaucoup plus.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous l'avez remarqué, ça aussi, le changement d'attitude de votre patientèle, ou peut-être le changement même de patientèle ?

  • Speaker #1

    Alors, je suis tout à fait d'accord. Moi, j'ai beaucoup de patients qui m'ont quitté, c'était les plus aisés. Donc, c'est très étonnant. On ne comprend pas. Alors, le changement de patientèle, il y a pas mal de jeunes. On se rend compte qu'il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de médecin traitant, donc qui sont contents de nous avoir. Mais surtout ce qu'il y a c'est que les autres patients qui sont restés, ils ne viennent pas pour des petites choses ou des choses comme ça. C'est des petits problèmes. Ils viennent vraiment pour... C'est réfléchi. C'est-à-dire avec le prix qu'ils vont payer, ils ne viennent pas vous demander de bottes de Deliprane. Enfin j'exagère, mais voilà, c'est réfléchi. Ils viennent avec des demandes très précises et c'est agréable. C'est agréable, d'accord ? Plus de bobologie quoi. Oui, il n'y a plus de bobologie. Et après, je viendrai sur le prix. Je vais vous raconter une petite histoire très rapidement. J'ai une personne qui a quelques années qui m'a dit je suis allé voir tel spécialiste en nutrition, etc. qui est connu, c'est le spécialiste, il est sur Paris. Et qui m'a dit, alors j'ai dit ah oui, il m'a dit ah bah il m'a pris, je vous parle de ça il y a 10 ans, il m'a pris 70 euros. Et j'ai dit ah bon ? Et qu'est-ce qu'il vous a dit ? Et il m'a dit la même chose que vous. J'ai dit, ah bah ça va alors. Alors qu'est-ce que vous allez faire ? Elle dit, bah je vais l'écouter parce qu'elle m'a pris 70 euros. Vous voyez ? Donc là, vous vous posez des questions. Vous vous dites, mais c'est pas possible. Bon, bien sûr, à la fin de la consultation, elle m'a dit, combien je vous donne ? J'ai dit 70, puisque j'ai dit la même chose. Mais elle m'a payé à l'époque, c'était 23 euros. Donc elle m'a dit, bah non, non. Elle a rigolé, elle a dit, non, non, c'est 23 euros. Voilà. Donc c'est ça, c'est bête, hein. C'est bête. C'est vous payez, donc vous écoutez. voilà c'est comme ça, l'être humain est comme ça

  • Speaker #0

    Allez une dernière question avec une réponse à mon avis qui sera très rapide de la part de vous trois, revenir en arrière est-ce que vous y pensez ?

  • Speaker #1

    Moi c'est possible parce que c'est bien quand même que les gens c'est une longue histoire Elle sera pas si courte finalement la réponse C'est une longue histoire c'est à dire qu'en fait moi je veux bien revenir en secteur 2 pour que les patients soient remboursés quand même une certaine parti, mais je ne veux pas adhérer à l'optam ou pas optam, je ne veux plus que la sécurité sociale intervienne dans ce que je dois faire dans mon métier. Voilà.

  • Speaker #2

    C'est pratiquement pareil, c'est-à-dire que ce qui me fait regretter le secteur 1 où j'étais, c'est le remboursement de mes patients. C'est-à-dire que si maintenant la sécurité sociale reconnaît que je fais le même travail, voire même mieux mon travail actuellement que quand j'étais en secteur 1, et rembourse les patients de la même manière qu'ils remboursent les patients qui voient un médecin en secteur 1, même tarif, je ne demande même pas qu'ils remboursent le tarif que je pratique, Il s'agit d'une simple décision.

  • Speaker #0

    Juste prendre une part ?

  • Speaker #2

    Juste une part, juste une part. C'est par simple décision ministérielle. Donc moi j'attends ça avec impatience. Et bien sûr, je suis secteur ce que vous voulez. Mais du moment que je suis remboursée, je reviendrai avec plaisir.

  • Speaker #3

    Moi aussi c'est assez similaire, c'est que je pourrais, je suis pas, voilà je trouve qu'il y a des choses qui sont positives aussi avec l'assurance maladie, je continue de télétransmettre mes feuilles de soins, de télétransmettre les arrêts maladie, s'il y a des choses qui sont positives, oui. Donc moi ce serait revenir si c'est du secteur 2 et pareil non-optam, les obligations, les machins, c'est mort. Ou du secteur 1 si on peut, enfin un secteur 1 si on pouvait faire en fonction du temps de consultation. Ouais ça c'est... Ça, ce serait possible. Mais j'ajouterais quand même une nuance, que c'est aussi possible. Si on veut rendre notre exercice plus compliqué en secteur 3 et qu'on n'aille pas sur ces directions-là, et que comme on est des vilains petits canards qui sommes en secteur 3, et si on veut nous pourrir notre exercice en pensant qu'on va revenir en secteur 1, ma réponse serait que je serais capable de quitter la médecine générale, de changer complètement de secteur, et voire même de quitter la médecine. Voilà, donc pour moi, ces côtés où... On peut se demander des fois s'il est politique par des décisions un petit peu simplistes, on va encore plus compliquer, les contraindre pour les faire revenir dans le bon chemin. Non, moi, je reviens dans le bon chemin et mon contraint, je tiens à ma liberté, à mon indépendance. Et j'adore la médecine générale, c'est un choix d'avoir fait de la médecine générale. J'aime la médecine générale, mais pas à n'importe quel prix. Et si on veut me contraindre dans mon métier, je serai capable de quitter la médecine complètement.

  • Speaker #0

    Un grand merci à tous les trois pour votre franchise, votre témoignage. Merci donc à Séverine Stenckit, à très bientôt, Rosaline Guyenne et Joubine Nadjaï, et à très bientôt pour un prochain podcast de l'URPS.

  • Speaker #1

    Merci.

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