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Le Camp de base - Montagne & Aventures

Rediff // Odeurs de rosée et bouses de vache : mais qu’est-ce qui fait courir Paul Bonhomme ?

Rediff // Odeurs de rosée et bouses de vache : mais qu’est-ce qui fait courir Paul Bonhomme ?

53min |17/06/2024
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Description

dernièrement, Paul Bonhomme a bouclé la Grande traversée du Jura en quatre jours : redécouvrez son portrait


Guide de haute montagne, Paul Bonhomme s’illustre en trail, ski de pente raide ou encore en alpinisme. Dans les différentes interviews qu’il a donné, les médias lui pose systématiquement la question du corps, de la difficulté, de la performance.

Mais qu’est-ce qui fait courir Paul Bonhomme ?


Au-delà de la performance, dont il se sert pour avoir plus d’écho, Paul est un ambassadeur de la curiosité, un esthète des odeurs qui peuplent nos paysages de montagne. Une rencontre au sommet, enregistrée dans le cadre des Rencontres Ciné Montagne 2022 ! :)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    je ne connaissais pas tout et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt, j'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, ok, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement.

  • Speaker #1

    Le camp de base. Rencontre au sommet. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce 27e épisode du camp de base, le podcast des rencontres au sommet. Je vous emmène aujourd'hui en Haute-Savoie auprès d'un personnage que vous devez bien connaître si vous suivez les actualités de la montagne. C'est Paul Bonhomme. A 46 ans, ce guide de haute montagne qui a grandi en banlieue parisienne enchaîne les défis en trail, panterelle et alpinisme. Mais bien loin de moi l'idée de vouloir l'interroger sur la performance. Avec Paul, on parle de montagne sensible, de l'odeur de la rosée, mais aussi celle de la bouse de vache. Retour sur une expérience et une superbe rencontre. Bonne écoute ! Bonjour Paul.

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir accepté cette interview pour le camp de base. Alors première question, qui est une question fil rouge dans tous les épisodes du camp de base. Il est où toi ton camp de base et il est composé de quoi ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il est à Cercier, en Haute-Savoie, entre Annecy et Genève, dans la campagne ancienne. J'appelle ça la basse Haute-Savoie, dans les collines. Donc il est composé de collines, de pommiers, d'agriculteurs, de frontaliers, de ma chérie et de mes deux enfants que j'ai avec ma chérie actuelle, parce que mes deux grandes sont ailleurs. et voilà un petit cocon quoi, sympathique pour moi c'est un cocon, pour ma chérie c'est un peu plus dur parce qu'elle fait du télétravail donc pour elle c'est un bureau aussi et moi pas du tout c'est vraiment un endroit où je suis loin des montagnes enfin loin, je suis pas si loin mais je les vois pas, je suis pas complètement dans le milieu donc du coup j'arrive vraiment à me poser et à penser un peu à d'autres trucs quoi

  • Speaker #1

    Il ressemble à quoi les paysages dans lesquels tu habites justement pour les auditeurs et auditrices qui ne connaîtraient pas la Haute-Savoie ?

  • Speaker #0

    C'est de la colline, c'est vraiment de la colline, alors de la colline qui culmine à le Salève, c'est 1003, donc c'est quand même un peu haut quand même, mais c'est de la haute colline, mais voilà, c'est vraiment collinéen, c'est vraiment des collines comme ça, tranquilles, c'est assez paisible.

  • Speaker #1

    Donc, tu es guide de haute montagne, tu es passé par plusieurs métiers de la montagne. Aujourd'hui, tu as 47 ans. Est-ce que tu peux nous raconter peut-être ton histoire ? D'abord, tu as grandi où et qu'est-ce que tu as fait avant la montagne ?

  • Speaker #0

    Je vais essayer d'être pas trop long parce que mon histoire, comme j'ai 47 ans, elle est forcément un peu longue. Je suis né en Belgique, mes deux parents sont néerlandais, donc moi comme je suis né en Belgique, deux parents néerlandais, je suis néerlandais aussi, jusqu'à mes 4 ans, après on a déménagé en banlieue parisienne pour le travail de mon père, à Pontoise, dans le 9-5, et c'est là où j'ai vécu toute mon enfance en fait, jusqu'à mes 18-19 ans, à Pontoise, banlieue parisienne. Vers mes 18-19 ans, mon grand frère avait quitté ses études pour essayer d'être moniteur de ski et accompagnateur. en moyenne montagne et moi j'ai fait deux mois de droit et puis deux mois et puis là j'ai les copains et les copines qui me disaient mais qu'est-ce que tu fous là quoi arrête t'as qu'une seule envie c'est d'aller en montagne donc va en montagne suis ton grand frère et donc c'est ce que j'ai fait jusqu'à j'avais 18 ans donc je suis parti j'ai fait 19 ans à 19 ans j'ai rencontré mon ex-femme Je suis revenu en banlieue parisienne. pour travailler, parce que je ne m'en sortais pas. J'ai raté quatre fois le test technique pour être moniteur de ski. L'accompagnateur, c'était bien, mais ce n'était pas non plus dément pour moi. Et puis, j'étais amoureux, donc j'ai essayé autre chose. J'ai essayé d'être éducateur spécialisé. Je n'ai pas réussi. Jusqu'à mes 20 ans, 21 ans, deux ans encore en banlieue. Puis après, on est revenu en montagne. Mais là, avec complètement autre chose, j'ai fait maçon. Je travaillais sur des chantiers. Et puis là, mon grand frère a décédé. Et puis après, ça a commencé à moins bien se passer avec mon ex-femme. et c'est sur une idée à elle un jour qui me dit comme ça ne se passait pas très bien elle me dit pourquoi tu ne fais pas guide de haute montagne en gros pourquoi tu ne me lâches pas la grappe et moi je me suis dit bah ouais ce serait bien en fait que j'aille un peu plus en montagne alors je lui ai demandé, je lui ai dit mais tu sais ce que ça veut dire ça veut dire qu'on ne se voit plus quoi parce que pour être guide je vais vraiment y aller à fond elle m'a dit d'accord et c'est comme ça que j'ai commencé enfin j'ai fini ma liste de course Et après, on s'est séparés avec mon ex-femme une première fois. J'ai passé mon guide, on s'est remis ensemble. On a eu nos deux enfants, mes deux grandes. Et puis après, on s'est vraiment séparés. Et puis depuis maintenant 2005, j'ai croisé mon... ma compagnie actuelle, ma chérie, ma femme actuelle. Et là, on est ensemble depuis 2005.

  • Speaker #1

    Ok. Est-ce que vous vous rappelez la première fois où vous voyiez la montagne ? Parce que vous avez effectivement grandi en Belgique, puis en banlieue parisienne.

  • Speaker #0

    Je pense que je ne me souviens pas de la première fois où j'ai vu la montagne. Je me souviens par contre... Je me souviens d'être dans la voiture, parce que souvent on partait le soir vers 21h. Mes parents faisaient la route de nuit avec les quatre gosses derrière. Et on arrivait dans les montagnes le matin. Et du coup, moi je dormais, parce que c'était après la classe. Et je dormais toute la nuit. Et puis quand je me réveillais, je voyais les montagnes. Et puis ça dépendait des fois, mais il n'y avait pas tout le temps de la neige, donc je surveillais les abords de la route pour voir quand la neige allait arriver, c'était pour l'hiver. Et puis dès que je voyais la neige, j'étais comme un dingue, donc j'étais le nez collé à la vitre. Et ma mère, parce que moi je ne m'en souviens pas, mais ma mère me disait, à chaque fois tu étais là et tu regardais, et puis tu faisais grosse montagne, grosse montagne, grosse montagne.

  • Speaker #1

    Donc c'est déjà des bons souvenirs depuis le genèse.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Les montagnes, ça a vraiment été très vite quelque chose de très particulier pour moi parce que je pense que j'adorais la nature en règle générale, très attiré par la nature. Quand tu vis dans la banlieue parisienne, c'est sûr que tu n'as pas beaucoup de nature autour de toi. Donc c'était un peu ça. Et les montagnes, c'était la quintessence de la nature pour moi.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu avais déjà des gens que tu disais j'ai envie de faire comme eux, notamment par les films d'expédition ramenée ? Est-ce que tu en regardais ou pas du tout ?

  • Speaker #0

    Non, comme je dis souvent, j'ai quasiment pas fini un seul bouquin de montagne, parce que ça me faisait peur dès qu'ils commençaient à parler de mort et de crevasses et de machins. Je n'arrivais plus à lire et j'avais très très peur de la haute montagne quand j'étais jeune, à une période vers mes 8-9 ans. Je me cherchais au niveau des sports. J'avais fait beaucoup de natation jusqu'à 9 ans. Puis après, j'ai essayé de tennis, mais ça ne me plaisait pas. J'ai essayé d'autres sports et ça ne me plaisait pas trop. Et mes parents ont trouvé un club d'escalade. Alors les clubs d'escalade, dans les années fin 80, c'était des bouts de parpaings avec des prises collées, des prises en bois, quelques prises déjà en résine, mais il n'y en avait pas beaucoup. Et l'idée des clubs d'escalade à l'époque était complètement hors compétition, il n'y avait pas de compétition encore, ou très très peu. Donc on faisait de l'escalade pour aller après en falaise, pour aller en nature après. Et donc ça, ça m'a plu. Et donc j'ai attaqué à vraiment me mettre dans la montagne par plutôt les références que j'ai, c'est Patrick et Linger, forcément. C'était, je pense, le premier avec François Legrand, qui allait après un peu plus tard parce qu'il aillait. commencé à gagner des compétitions et j'admirais un peu son style et donc voilà des gens comme ça c'était donc par l'escalade que j'ai attaqué vraiment à m'intéresser à la montagne Et qu'est-ce qui te faisait rêver justement dans le style de ces deux personnes ? C'était le mouvement, la fluidité, le geste. Et c'était le geste en nature, sur un rocher, sur des beaux paysages derrière. Il y avait Stéphane Glovax aussi. Mon grand frère m'avait offert un bouquin qui s'appelait Rocks Around the World C'était Stéphane Glovax qui avait fait tout le tour du monde. Et tu voyais les falaises ocres au Japon, aux États-Unis. Moi, j'avais qu'une envie, c'était de faire ça.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que ça a vraiment un long contre de la performance, cette idée de fluidité, c'est ce qu'on note jamais. On en parlait avec Gaëtan justement, où il me disait qu'en ski on note toujours la descente, jamais la montée, on note jamais l'art. La fluidité dans le mouvement, on note toujours la performance, est-ce que ça va être long, est-ce que ça va être compliqué, combien il y a de dénivelé en chiffres ? Donc tu étais déjà là-dedans, c'est plutôt l'art de montagne par l'escalade.

  • Speaker #0

    Oui, au tout début, clairement, parce qu'il n'y avait pas de compétition, ou très peu, donc la compétition est arrivée après. Après, je me suis pris au jeu de la compétition et c'est vrai qu'à 16 ans, j'avais envie d'être champion du monde d'escalade. moi j'avais pas du tout les qualités nécessaires mais voilà et puis c'était l'âge aussi c'est l'âge où t'as envie de te confronter aux autres, te prouver des choses etc donc voilà mais c'est vrai qu'au début non pas du tout, au début ce qui m'attirait c'était la nature, c'était les odeurs j'y repense encore maintenant et c'est même pas que j'y repense c'est que tu vois sur mon projet de l'été dernier sur la farandole des écrins pourquoi j'ai eu envie de la farandole c'est à cause des odeurs principalement parce que j'avais envie de ressentir les odeurs de mélèze, les odeurs de rosée sur l'herbe, les odeurs de bouches de vache ou de crottes de mouton. J'avais envie de ces odeurs et de les ressentir vraiment jusqu'à... Parce qu'on les sent d'autant plus qu'on est fatigué. Donc, quand on est fatigué, tu ressens ces odeurs-là. Et ça me rappelle mon enfance et c'est ça qui fait le cercle, en fait, qui fait que j'ai toujours envie d'aller en montagne. C'est pas du tout l'altitude, c'est les impressions, les sensations que j'ai pu vivre quand j'étais jeune.

  • Speaker #1

    C'est marrant cette approche par le nez, je ne l'avais encore jamais entendue. On m'a parlé des sons de la montagne, on m'a parlé de la beauté du paysage, mais jamais du sens que peut être le nez et les odeurs. Alors, qu'est-ce qu'on entend, qu'est-ce qu'on sent en montagne qui est particulier ?

  • Speaker #0

    Mais tout, tout. Non, non, mais c'est assez incroyable. Jusqu'à, tu vois, ça m'arrive encore parfois dans des refuges ou des... Quand je rentre dans un refuge, je sens l'odeur du pain qui n'est pas encore tout à fait sec. Et donc ça a une odeur particulière. Ou bien quand je mets un vêtement, quand je mets une fringue que je n'ai pas vraiment lavée et qui a pris la neige, elle a une odeur particulière la fringue. Et c'est les mêmes odeurs que celles que je ressentais quand j'étais gosse. Et voilà, il y en a plein. Il y en a plein. L'odeur quand tu graisses tes chaussures en cuir, si tu as des chaussures en cuir. Il y en a plein, c'est partout en fait, c'est tout le temps. Je parle souvent de la neige, la neige tu la sens avant qu'elle tombe. Moi j'arrive à sentir l'odeur, enfin je pense que je ne suis pas le seul, j'arrive à sentir l'odeur de la neige avant qu'elle tombe. Je me dis, là ça sent la neige là. Et généralement on ne se loupe pas, personne ne se loupe quand on se dit ça sent la neige parce qu'il y a une atmosphère, une odeur spéciale.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est aussi une manière d'être parce que je me rappelle que mon père quand il était petit avec ma soeur il nous disait, mais vous sentez la neige ou quoi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, c'est exactement ça et du coup il y en a de partout de ces odeurs-là, il y en a une que je recherche en permanence surtout quand je cours, c'est l'odeur du pain l'odeur de la sève de pain qui monte au printemps elle est terrible celle-là elle me fait complètement chavirer et puis ça dure très peu de temps trois semaines,

  • Speaker #1

    même deux semaines Oui

  • Speaker #0

    Ah tu passes à autre chose c'est ça,

  • Speaker #1

    c'est un cycle d'odeurs qui est hyper intéressant tu me disais tout à l'heure hors antenne avant qu'on commence cette interview que t'avais pas toujours eu envie d'être sur les réseaux sociaux que c'était assez nouveau pour toi c'est depuis 5 ou 6 ans qu'est-ce qui t'a fait passer le cap ?

  • Speaker #0

    C'est très simple. Avec un copain, Didier Angelot, guide de haute montagne, on grimpe souvent ensemble. C'est un copain voisin qui n'habite pas loin. Et on regardait un peu ce qui se passait justement au niveau médiatique sur la planète montagne. Et c'était une époque où il y avait encore Wadishtek qui était encore en vie, où il y avait Kylian Jornet qui faisait ses records sur l'Everest. Et on était là, on se disait... Ah ouais, c'est chouette, c'est bien au niveau de la perf, mais on ne parle que de performance dans ce que les gens font en montagne. Et nous, on était là un peu décalés en se disant, mais nous, ce n'est pas ce qui nous a donné envie d'aller en montagne. Et du coup, on s'est dit, tiens, si on essayait de monter des projets, donc ensemble, au début, c'était avec Didier, pour parler d'autre chose que de la performance pure, essayer de raconter des histoires. Alors, la première idée qu'on a eue, c'était un hommage à Umberto Flemmati. qui est toujours en vie, c'est le collègue, le copain de René Desmesons. avec lequel il a fait beaucoup de choses. Et il a ouvert des voies, il était pyrénéen, il est toujours d'ailleurs pyrénéen, Umberto Flemmati, et dans les Balaïtus, il a ouvert des voies en artificiel à l'époque, parce qu'ils n'avaient pas les chaussons, etc. Et donc la première idée, c'était d'essayer de libérer les voies qu'il avait ouvertes autour du Balaïtus avec Didier. Et c'est le premier projet vraiment qui a lancé un peu, et où on s'est dit, on va faire de l'image, on va faire un film, et d'ailleurs on a fait un film. Il est pourri le film. Il y a des copains réalisateurs qui ont bien rattrapé nos images, mais nos images bougent dans tous les sens. Donc, il n'est pas très regardable sur grand écran. C'est Le Voyage d'Umberto. Ça s'appelle. On peut le trouver sur Internet. Et voilà, c'est un peu comme ça qu'on a commencé. Après, on a fait Annecy Chamonix avec les skis, avec Didier. On a essayé de faire une ultra traversée du Viso. On a fait... des projets ensemble et puis moi de mon côté je continuais parce que j'avais un peu plus de dispo que lui, je faisais mes projets aussi en parallèle et c'est comme ça que j'ai attaqué à me remettre à vraiment intégrer les réseaux et à essayer de faire en sorte que ces histoires qu'on essayait de raconter aient de l'écho que le partager au plus grand monde

  • Speaker #1

    Quand tu partages un post quand tu partages un article j'ai vu qu'il y en avait quelques-uns sur Alpine Mag Qu'est-ce que tu veux produire chez les gens, toi ?

  • Speaker #0

    Pas mal de choses. La première des choses, c'est de la curiosité. Essayer que les gens soient curieux de ce qui les entoure. Et surtout en montagne, de ne pas être juste... justement, on ne peut pas être juste les yeux rivés sur la montre ou sur le nombre de dénivelés et essayer de se dire, ah bah tiens, ouais, l'autre là, celui qui est sur les réseaux sociaux, qui s'appelle Paul Bonhomme, il a fait une traversée, qu'est-ce qu'il a voulu faire par là ? Ou bien, quand j'ouvre des lignes en pantraide, c'est... mais attends ça ressemble à rien pourquoi il a ouvert un truc entre les rochers, entre les cailloux et voilà, susciter de la curiosité sur des choses qui sortent justement de la pure performance alors parfois j'utilise aussi la performance pour avoir plus d'écho donc ça fait partie peut-être des projets de temps en temps mais je veux amener les gens vers autre chose et parfois ça marche pas très bien parce qu'on va parler que de la performance dans les médias ou même moi sur les réseaux je suis maladroit parce que j'ai pas de chargé de com donc je suis pas forcément très bon non plus et parfois je tape à côté et je dis ah zut merde c'est

  • Speaker #1

    pas ça que je voulais dire c'est marrant parce que j'étais donc rencontre là toute la semaine et il y a au milieu du public à un donné où j'ai entendu deux personnes qui parlaient et le premier disait à l'autre oh T'as vu samedi soir il y a Paul Bollum, oh la la mais c'est incroyable là le ski de Pantraide mais moi franchement ça me donne des frissons et tout donc je pense que c'est plutôt réussi finalement dans ce que tu produis chez les gens. Et la deuxième chose, c'est cette question de la performance. Effectivement, c'est ce que je te disais avant de commencer l'enregistrement. Je trouve que les médias, parce qu'ils ont peu de temps sur leur antenne, ils te posent beaucoup la question de la performance. Et moi, la question que je me suis posée ce matin en préparant l'interview, c'est pourquoi toi tu te lèves le matin ?

  • Speaker #0

    Moi, je me lève le matin, on va reparler des odeurs, je me lève le matin pour aller chercher les odeurs de mon enfance. Non, mais clairement, je m'en suis rendu compte il n'y a pas si longtemps que ça. Mais clairement, c'est retrouver cette ambiance qui a pu m'envelopper. Et je la retrouve. Et c'est ça qui est chouette. parce que je la retrouverais pas ça serait frustrant mais je la retrouve je la retrouve dans les pantraides parce qu'il y a l'odeur de la neige surtout quand elle prend un peu le soleil c'est super et puis parce que je mets mes pantalons de ski mais je la retrouve aussi en marchant tout simplement donc j'ai pas besoin forcément d'aller faire la performance donc moi ce qui me fait lever c'est me dire tiens je vais passer un bon moment en montagne et ça ça c'est quand je vais sur mes projets après quand je m'entraîne c'est un peu plus compliqué parce que l'entraînement c'est pour moi de plus en plus c'est des boucles autour de la maison pour éviter d'avoir d'utiliser trop la voiture et du coup parfois t'as pas du tout envie de refaire la même boucle que t'as déjà fait une centaine de fois et du coup là c'est autre chose c'est la perspective du projet au final qui me fait me lever qui fait que je vais m'entraîner et je vais m'entraîner pourquoi ? parce que je sais que j'ai encore envie d'explorer mon corps et puis j'ai envie de l'amener dans des recoins qui vont me permettre De nouveau, de ressentir tout ce que j'ai pu ressentir quand j'étais gosse, quand j'en bavais, quand je montais et que je n'avais pas envie de monter, et que ce qui me frappait, c'était encore une fois les odeurs, les couleurs, les lumières, etc. Donc voilà, c'est ça que je vais chercher.

  • Speaker #1

    Cet été, tu es parti pour la farandole des écrins. Tu as traversé tous les écrins et il y a quelque chose que tu as dit dans les médias, c'était la question des refuges et des gardiens de refuge. Pourquoi est-ce que c'était important pour toi de parler de ces personnes ?

  • Speaker #0

    Alors pour être tout à fait honnête, l'idée de cette farandole, elle m'est venue après l'hiver 2021, où j'ai ouvert dix nouvelles lignes de Pantraide à travers les Alpes. Et après ce projet des dilly que j'ai réussi, donc j'ai réussi à les faire ces dilly pendant une saison, du coup j'ai communiqué autour, j'ai partagé, et j'étais là, il y avait quelque chose qui me manquait. Je me disais, ouais c'est chouette, mais c'est trop loin, c'est trop loin des gens, c'est trop extrême, même si je ne parle pas d'extrême quand je fais mes pantraines, mais c'est trop... C'est trop loin de ce que les gens peuvent vivre quand ils vont en montagne par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est corrélé de ce que le commun des mortels peut faire finalement.

  • Speaker #0

    Je me suis dit, zut, mon projet, je me suis éclaté à le faire. Je suis très content et j'étais très fier. Mais moi, par ce projet-là, je voulais parler de création. Je voulais parler d'imagination, de création, de curiosité et puis d'implication au niveau des... c'est le film qui va être aux rencontres là ce soir toute la préparation etc c'est ça qui m'a aussi plu dans ce projet là mais ça tapait un peu à côté au niveau du partage médiatique même si je trouve que les articles étaient plutôt bien mais je trouvais que j'avais pas été assez dans quelque chose qui puisse être compris et abordé par les gens qui vont en montagne du coup j'ai pensé, je me souviens très bien parce que c'était en discutant avec ma mère un soir, je me suis dit ah j'ai envie d'un truc plus simple et Pourquoi pas essayer de faire tous ces refuges ? Et que le but du jeu, le but, ce soit plus du tout les sommets, mais que ça soit les refuges, le but. Et ça change complètement la manière de voir la montagne. C'est-à-dire qu'au lieu que ça soit le haut, l'objectif, l'objectif, il est en bas. Et du coup, comment on fait pour relier tous ces refuges ? avec un petit challenge de temps pour que ça soit suffisamment intéressant pour moi, pour le vivre, et puis aussi impliquant. Ce n'est pas l'idée d'essayer de mettre un temps, de mettre six jours ou moins de six jours sur cette farandole. Ce n'est pas du tout l'idée de faire un record. Ce n'est pas du tout ça. C'est juste que si tu ne mets pas ce temps-là et que tu fais juste tout ça en marchant, tu ne vas pas vivre la même histoire. Tu vas en vivre une super sympa, mais pas forcément la même. Si tu te dis, je vais essayer de faire ça avec mon matos sur le dos, donc un sac de 8 à 10 kg, et puis le plus vite possible. ça veut dire qu'il faut te préparer, donc il faut s'entraîner physiquement, il faut optimiser le matériel, donc se prendre la tête avec le sac, le poids du sac, etc. Donc comme en XP en fait. Après, il faut voir les conditions et puis après, il faut, sur place, quand on le fait, il faut sortir un peu les doigts. Pour moi, c'est beaucoup plus impliquant et du coup, tu rentres vraiment Dans ce que tu es en train de faire, beaucoup plus. Tu es beaucoup moins dans de la, ce que j'aime aussi énormément, dans de la balade où tu laisses ton esprit divaguer et où tu peux penser à ta vie de tous les jours en te baladant, etc. Là, tu es à ce que tu fais, tu es obligé d'être à ce que tu fais. Et ça, j'aime bien.

  • Speaker #1

    Il n'y a plus d'aspect méditatif,

  • Speaker #0

    quoi. Voilà, il n'y a plus d'aspect méditatif. Ce que j'adore en montagne, c'est les moments où tu te sens... en montagne, tu te sens faire partie de la montagne, comme le chamois, comme le bouctin, comme la gentiane. Et là, sur la farandole, il y a eu surtout sur la faim, tu commences à être... Moi, je parle... L'impression que ça m'a donnée, c'est la densité. J'avais l'impression de prendre en densité. C'est-à-dire que tu deviens bout de bois, tu deviens, je ne sais pas... Rocher. Rocher, mais... Tu es... Tu sais comme les vieux montagnards, avec le cuir tanné, etc. Tu as la peau, c'est pareil, toi tu es tanné, tu as les pieds qui sont complètement tannés, tu as des coups de soleil de partout, tu n'arrives plus trop à toucher tes doigts de pieds, parce que tu es tout plein de crampes. Et ça, j'aime beaucoup cette sensation-là. Qu'est-ce que tu vas faire quand tu te lèves ? Je vais d'un point A à un point B, comme le bouquetin, comme le chamois, comme... pas plus, pas moins et c'est plus on s'en fiche s'il y a des sommets au passage. Je vais d'un point A à un point B, je me déplace, c'est tout ce que je fais.

  • Speaker #1

    Et on se met un peu à l'épreuve de la montagne pour en faire partie.

  • Speaker #0

    Voilà. Et oui, on est obligé de la respecter énormément quand on fait ça. Parce que comme on est crevé, on est vraiment fatigué, on est obligé d'être complètement à ce qu'on fait. Ou bien on arrête le projet. tu t'arrêtes et à ce moment-là tu rentres chez toi c'est possible aussi mais quand t'arrives à aller au bout de ta boucle c'est quand même assez extraordinaire et ça n'a rien à voir avec la performance rien à voir t'as

  • Speaker #1

    rencontré énormément de gardiens et de gardiennes de refuge pendant cette farandelle bah ouais qu'est-ce que ça représente pour toi la figure du gardien ? De refuge ?

  • Speaker #0

    Un ami, un ami, un ou une amie. Moi, ce que je trouve extraordinaire avec ces personnages, c'est cette capacité qu'ils ont d'accueillir de manière indéterminée qui que ce soit qui arrive dans leur refuge, chez eux. Ils vont, pas tous, il y en a qui sont bougons ou quoi, mais même s'ils sont bougons, ils vont accueillir tout le monde. de la même façon. Et il n'y a pas de jugement. S'il y a des jugements, ils les gardent pour eux, quand tu vas faire la vaisselle le soir, parfois. Mais sinon, non, il n'y a pas de... Voilà, ils vont accueillir tout le monde. Et ça, je trouve ça incroyable. Je trouve ça incroyable. Que tu sois un très fort alpiniste ou que tu sois le randonneur qui commence, qui découvre la montagne, ils vont t'accueillir pareil. Ils vont te donner un lit, ils vont te faire à manger pareil. Tu ne vas pas avoir de... Et c'est génial pour ça. Tu vois, il n'y a pas de... Ce n'est pas comme si tu allais au restaurant où tu as plusieurs menus ou des vins plus ou moins chers. Non, là, tu vas... Tout le monde a le même repas. Bam, bam. Tout le monde est sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de... La différence sociale, on est dans un lieu où il y a une neutralité qui fait du bien, qui fait vachement de bien. Surtout quand les gardiens font bien leur boulot et je trouve qu'ils le font de mieux en mieux. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #1

    Même s'il y a aussi une souffrance parfois de la part des gardiens de refuge sur les attentes du public.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    On en parlait avec Mélanie. des cosmiques ?

  • Speaker #0

    clairement parce qu'il y a une déconnexion et c'est vachement dur l'équilibre c'est aussi pour ça que je fais mes projets c'est aussi pour ça que je fais la farandole ou des choses comme ça qui essayent de recentrer sur la montagne simple, la montagne pas forcément pure mais la montagne brute, la nature et il y a Dans notre société, l'homme, et c'est pas nouveau, c'est pas moi qui... J'apporte rien de nouveau là-dedans, mais il y a une décorrélation entre l'homme occidental et la nature de plus en plus. Et surtout, encore plus avec les réseaux, encore plus avec les écrans. Aller en forêt, aller se balader en forêt, c'est déjà quelque chose d'incroyable. Aller se balader en forêt de nuit, il n'y a plus personne qui le fait. Alors que moi, quand j'étais gosse, on y allait avec les parents. Ça faisait partie de l'apprentissage de la nature. et du coup quand les gens arrivent dans ces lieux de nature que sont les refuges, parce que ce sont des lieux de nature avant tout ils sont paumés parce qu'ils n'ont plus le confort auquel ils sont habitués et du coup le gardien il est là et il dit ok bon il ne faut pas que je sois trop rude avec eux mais il faut quand même que je leur explique qu'ici c'est rude et ouais donc c'est pas évident du tout mais ça... Je pense qu'en tant qu'athlète, en tant que guide et en tant qu'athlète, on a une responsabilité de montrer la réalité de la chose. Ce n'est pas que je prends mes skis, j'arrive en haut d'une montagne et puis regardez mes beaux virages. Non, tu as fait quoi avant ? Comme dit Gaët, tu es monté, tu as mis tes peaux de phoque, tu t'es entraîné, tu es passé par la case refuge, j'espère. Et si t'as pris l'hélico, montre que t'as pris l'hélico et dis clairement que tout le monde ne peut pas faire ça parce que ça coûte un bras et puis en plus c'est pas souhaitable parce que ça bousille la planète. Donc oui, dire clairement les choses, dire clairement ce qu'on fait sans zapper la partie refuge, sans zapper la partie bivouac, sans zapper l'aspect rustique de ce qu'on est en train de faire, c'est vachement important. Ça peut pas être que de la belle image de la montagne.

  • Speaker #1

    Ce que tu viens de nous dire, ça me fait beaucoup penser aux études de Stéphane Labranche. Il y a un chercheur canadien qui s'installe à Grenoble qui est, me semble-t-il, associé au laboratoire Pacte, qui est sous tutelle du CNRS, de Sciences Po et de l'IUGA à Grenoble. Oui, justement, il met en perspective cette relation entre l'humain et la nature. Ça me fait penser à la chose suivante. Vous êtes, sans le vouloir ou peut-être sans en avoir conscience, je ne sais pas, des sportifs de haut niveau comme ça. En montagne, des sociologues du milieu...

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as envie de travailler avec des chercheurs et de prendre des positions peut-être un peu plus clivantes et un peu plus politiques ? Est-ce que c'est quelque chose que tu envisages, même si tu le fais déjà un peu ?

  • Speaker #1

    Oui, j'y vais doucement parce que déjà, je ne me sens pas... Il y a beaucoup, surtout depuis la farandole, il y a beaucoup de gens qui disent que je suis écolo. Le retour que j'ai de personnes, ils disent... Enfin voilà... alors que pas du tout, moi je me sens pas du tout écolo c'est marrant c'est parce que t'as fait tout ce chemin à pied que les gens se disent ah bah du coup ils vont créer une autre manière je sais pas pourquoi mais j'ai cette casquette et puis c'est pas que depuis la farandole aussi mais ça fait quand même quelques années que j'essaye de recentrer mon activité amateur dans les Alpes et de plus partir en expédition à la base c'était un souci de décalage plutôt sociétal c'est à dire que je me sentais mal à l'aise de communiquer sur mes exploits entre guillemets à l'autre bout de la planète, alors que les gens qui vivaient là, eux ils ne comprennent pas du tout ce que je fais, et puis surtout eux ils gagnent très peu quand moi j'y vais, même si je les paye à m'aider, ils gagnent quand même beaucoup moins que moi le retour que j'ai si je réussis à faire mon exploit. Et donc j'étais mal à l'aise avec ça, avec ce que j'allais chercher pour moi, donc purement égoïstement, et ce que les gens vivaient sur place, qui, eux, étaient plutôt dans le sens Là, toi, tu me files des sous pour que moi, je puisse le redistribuer à toute ma famille parce qu'ils ont besoin de soins, ils ont besoin d'aller faire des études, etc. Et puis, petit à petit, je me suis aussi dit En plus, ce qui est pas mal, c'est que je bousille un peu moins la planète. Donc, le souci de moins avoir d'impact au niveau de ma consommation de CO2. elle est venue petit à petit mais à posteriori on va dire donc oui je me sens pas écolo donc j'ai du mal à revendiquer cette posture là moi j'essaye d'être le plus normal possible parce que je me sens normal, je me sens pas exceptionnel même si je suis là et que les gens vont regarder mes images en disant il est dingue, mais non je suis pas dingue, je suis normal les gars, tu vois je me sens pas du tout exceptionnel, j'ai pas envie de l'être et du coup Prendre une posture, pour moi, ça va être compliqué parce que ce n'est pas comme ça que je suis rentré en montagne. Justement, quand je te parlais tout à l'heure des livres que je n'arrivais pas à finir, moi, dans ma tête, ce que j'ai envie de partager, c'est la rupture avec l'histoire de la montagne en règle générale. Pour moi, l'histoire alpine, elle est très héroïque. Elle est fondée sur l'héroïsation des exploits, la conquête. La dangerosité absolue de la montagne, la vie, la mort, on parle énormément de mort, etc. Alors que moi, tout ce qui m'a amené à la montagne, c'était complètement l'inverse. C'était le bonheur que je pouvais y éprouver et puis les accomplissements que j'ai pu... à voir en montagne. Et du coup, moi, j'essaye de montrer ça avec mes modestes moyens. Et du coup, je n'ai pas envie de rentrer dans quelque chose de très clivant. Même si je mets parfois les pieds dans le plat, parce que, oui, clairement, maintenant, si je ne vais plus à l'étranger, enfin, à l'étranger lointain, pour mes projets personnels, je parle bien que pour mes projets personnels, C'est aussi parce que, bah oui cet été les glaciers ils étaient dans un sale état et que j'arriverais pas à me regarder moins, donc c'est très personnel, je juge pas les autres c'est moi, j'arriverais pas à me regarder dans la glace ou à regarder mes gamins en disant bon là papa il part un mois et demi au Népal juste pourquoi ? Juste pour essayer de réussir un exploit entre guillemets tu vois. Non, je n'y arrive plus. Ok,

  • Speaker #0

    je comprends. Et justement, tu l'as vu ce changement dans les écrans cet été ? J'imagine que oui. Parce qu'en plus, on a vécu un été particulier.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, non, c'est... Après, cet été, c'était très puissant. On le ressentait vraiment beaucoup, surtout... Moi, je suis guide. Mon métier, c'est guide d'haute montagne. C'est comme ça que je gagne ma vie. Et surtout, quand tu commences à te poser des questions sans arrêt de où est-ce que tu vas amener tes clients pour qu'ils soient en sécurité, Et que le danger c'était les éboulements qui étaient... Tu ne savais pas où est-ce que ça pouvait se péter la gueule. Donc c'était un peu compliqué. Tu allais dans des endroits où c'était le plus safe possible, mais ce n'était pas simple. Et après quand tu vas sur les glaciers, ce n'était pas forcément plus dangereux parce que les glaciers étaient vachement ouverts, donc tu passais entre les crevasses. Mais ce n'était pas... agréable à voir. Même s'il y a une certaine beauté aussi, avec un glacier qui est tout fracturé. C'était dérangeant. C'était pas tant visuellement que cette sensation de chaleur globale et ces incendies quand tu rentrais à la maison. Tout ça, toute cette atmosphère avec le Sirocco qui est revenu aussi cet été. Moi, j'étais là, j'étais... Waouh ! Ça y est, on est dedans. Et pour moi... Je ne suis pas optimiste quant au fait qu'on va pouvoir réduire ça, mais par contre la planète, elle, elle va survivre. Le truc, c'est ce que... C'est pour ça que je suis là, je dis, mais en fait, les gars, il faut qu'on sauve notre peau à nous. Tu vois, donc, si moi, j'arrête de voyager, c'est par égoïsme, quelque part. C'est pas égoïsme, mais c'est aussi pour mes enfants. Oui, complètement. Mais c'est pas que de l'altruisme. C'est parce que, putain, moi, j'ai envie qu'on puisse encore, en tout cas que mes enfants, que je puisse voir mes petits-enfants grandir dans un monde où... qui ne soit pas complètement anxiogène. C'est d'abord à ça que je pense. C'est à ma pomme avant les autres. Après, la montagne, dans 50 ans, les Alpes ressemblera au Pyrénées. Il y aura des lacs à la place du glacier blanc, etc. Mais ça ne sera pas forcément moins joli. clairement, parce que les Pyrénées, c'est joli. Donc, ça ne sera pas forcément moins joli, mais ça sera différent. Et il va falloir qu'on fasse les choses différemment là-haut, peut-être. On fera plus de rochers, moins de glaciers, des choses comme ça. La montagne, elle, elle va continuer à survivre. Et puis la planète, de toute façon, elle va nous survivre, nous, de toute façon.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'on change notre sensibilité par rapport au paysage. J'ai un copain qui fait une thèse sur les forêts de Morienne. Et en fait, il y a 100 ou 150 ans, on trouvait ça moche, l'automne. On militait pour l'arbre vert.

  • Speaker #1

    pour que mes arbres ne changent pas de couleur moi pour moi si tu veux c'est aussi pour ça que je suis vachement j'essaye de porter quelque chose dans mes projets cette idée de dire que déjà non la montagne c'est pas dangereux, c'est ce qu'on y fait qui peut être dangereux donc arrêter d'avoir systématiquement peur de la montagne parce que la montagne c'est de la nature si on a peur de la montagne on a peur de la nature donc Et c'est ça qui nous fait faire des conneries, c'est parce qu'on en a peur de cette nature. C'est ça qui fait qu'on n'arrive pas à faire baisser nos chauffages parce qu'on a peur d'avoir froid ou de remettre un pull. Quand tu parles de ça, même à mes parents, moi qui ai 47 ans, ils ont plus de 80 ans. Eux, quand ils étaient gosses, ils mettaient des pulls et puis ils faisaient 15 degrés ou 16 degrés parce qu'ils n'arrivaient pas à chauffer plus, parce qu'ils n'avaient pas les moyens. Alors nous, on s'est protégés du froid, on se protège avec la clim du chaud. On se protège de tout, de la nature, on se protège de la nature. Attendez, à un moment donné, il va falloir qu'on l'accepte cette nature, parce qu'on fait partie intégrante de la nature. Et moi, dans mes projets, c'est ce que je cherche, c'est de faire partie intégrante de cette nature. C'est ça qui peut, si tu fais les choses dans le bon sens, qui peut être complètement jouissif, qui peut être génial. Et c'est ça que j'essaye de transmettre et de partager. C'est ce bonheur qu'il y a. d'être dans la nature et d'être ce bloc de rocher parmi les rochers d'être voilà ce morceau de bois comme tu disais tout à l'heure c'est pas de la conquête alors que pour l'instant on est encore en train d'essayer de conquérir des phases des sommets des machins enfin certains pas tous heureusement on est encore en train de d'utiliser un hélicoptère pour réussir à faire un truc mais t'as pas besoin de réussir à faire ça va faire autre chose sans l'hélico tu vois ça sera tout aussi plaisant c'est ça, c'est essayer de reconnecter avec notre milieu et notre vraie nature parce que nous on est des êtres naturels dans les médias c'est ce qu'on appelle le changement de ligne éditoriale on change la forme on change le front, on change à qui on s'adresse on change comment on le fait c'est pour ça que c'est important de raconter notre histoire de l'alpinisme et de la montagne en règle générale et de notre rapport à notre activité là-haut et ça peut pas être juste ça peut pas être juste de la contemplation parce que encore une fois la contemplation c'est chouette mais il y a un filtre dans la contemplation c'est rentrer dedans c'est rentrer dedans et c'est pour ça que les refuges sont si importants et c'est aussi pour ça qu'ils sont précieux et qu'il faut garder le refuge, pas forcément comme à l'ancienne vachement rustique continuer à faire en sorte que les gens y aillent et continuer à faire en sorte que la société évolue et que maintenant moi je croise des gens ah s'il n'y a pas de douche ils ont du mal Mais même avec une douche, ça reste rustique parce qu'il y a une douche pour X mille personnes et ce n'est pas à l'hôtel. Tant que ce n'est pas des hôtels, je pense que ça restera quand même de toute façon des expériences pour la plupart des gens parce qu'ils n'ont pas l'habitude de la collectivité, du partage de repas, de tout ça. Donc, ce n'est pas parce qu'on introduit les douches en refuge que c'est forcément perdu. Pour ça, je suis optimiste.

  • Speaker #0

    C'est chouette de porter ce message. Je pense qu'il faut qu'on tende à ça, en tout cas. Je pense qu'il faut continuer à ouvrir la montagne, mais je pense qu'il faut faire de la pédagogie et de l'éducation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Pédagogie et éducation, et puis trouver les images et les mots pour que les gens aient un grand bonheur à aller dans ce milieu qui leur fait peur et qui peut potentiellement être dangereux s'ils font des bêtises là-haut. Mais arrêtez de surcommuniquer sur la difficulté et sur la dangerosité de ce milieu, parce que sinon on n'y arrivera jamais.

  • Speaker #0

    Au début de ce podcast, tu disais que quand tu étais plus jeune, tu avais peur de la mort en montagne. Comment est-ce que tu es passé outre ça ?

  • Speaker #1

    Ça s'est fait petit à petit, je pense que ça s'est fait petit à petit. Ce qui m'a vraiment changé, ma manière d'aborder la montagne, c'est cette... C'est suite au décès de mon grand frère au Pakistan, au G6 en 98. Donc moi j'étais avec mon ex-femme, j'étais maçon. J'ai encore continué à faire le maçon pendant quelques années. Puis après, quand je me suis lancé à essayer de devenir guide, la première chose que j'ai faite, c'est j'ai été voir mes parents et je leur ai demandé si je pouvais le faire. Parce qu'ils avaient déjà perdu un enfant en montagne. Je leur ai demandé la permission. Et à partir du moment où ils m'ont accordé cette permission d'aller vers le guide, je me suis dit, ok, moi, dans ma tête, je me suis dit, tu n'as pas le droit d'y rester. Et là, quand tu te mets ça dans la tête, tu l'abordes autrement la montagne. Parce que du coup, avec la peur que tu as, moi j'étais en apprentissage encore, je ne connaissais pas tout, loin de là, et puis je ne connais encore pas tout, heureusement, mais j'ai quand même beaucoup plus d'expérience qu'à l'époque. Et du coup, je ne connaissais pas tout, et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt. J'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, OK, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement, je crimpais avec une corde, je faisais des longueurs comme ça sur les falaises assurées, tu vois, mais tout seul. Ou bien avec des copains, mais je n'en avais pas beaucoup à l'époque. Et puis après, j'allais en montagne avec ma corde et puis je m'auto-assurais et puis je faisais quelques longueurs. Alors parfois, j'en faisais trois, les trois premières. Et puis après, la longueur était trop dure, donc je faisais demi-tour, je rentrais. parfois il faisait grand beau et puis je le sentais pas, j'étais pas en forme donc je faisais demi-tour aussi et j'ai appris en étant assez seul à cette époque là parce que j'avais pas le temps d'attendre que de créer des amitiés pour aller en montagne parce que j'avais pas beaucoup de sous et qu'il fallait que je fasse ma liste de course vraiment très vite donc j'ai appris à gérer ce truc de ok je vais mais dès que j'ai peur, hop j'arrête et Et petit à petit, tu prends en expérience. Donc, tu es de plus en plus... Enfin, comme... Simon Giraud, c'est un expert en neurosciences. Il était d'accord avec moi. Moi, je ne supporte pas l'expression il faut sortir de sa zone de confort Je ne le supporte pas parce que je me dis qu'en montagne, moi, c'est tout l'inverse. Je cherche ma zone de confort. Et lui, il a introduit... Je me suis dit ah tiens, ça, c'est intéressant En fait, ce que tu fais, c'est que tu essayes d'étendre ta zone de confort. Mais... il ne faut pas sortir. Parce que si tu sors de ta zone de confort en montagne, généralement, tu n'es pas bien. Tu n'es pas loin de mourir. Et moi, ce que j'ai fait pendant toutes ces années, c'est que j'ai augmenté ma zone de confort petit à petit avec l'apprentissage, en progressant au niveau du niveau technique. Et puis aussi, à force d'aller en montagne, tu apprends que tu peux aller jusque là. Ou ce qui me faisait peur hier ou il y a un mois, Et bien finalement, j'ai appris, j'ai lu, j'ai observé. Et puis petit à petit, tu vois, je me souviens très bien des premières fois où j'avais la frontale de nuit, où je partais de nuit. Mais j'ai fait demi-tour un paquet de fois. Ça fait flipper, quoi. Tu vois ? Et voilà.

  • Speaker #0

    Mais c'est important aussi, là, tu produis beaucoup d'images, beaucoup de contenus. Si pour l'image, tu te mets en danger... il faut pas et du coup il faut avoir l'expérience pour dire ok j'avais prévu de faire cette image aujourd'hui là ça craint, je me casse et tant pis et c'est important d'avoir cette expérience là parce que parfois on peut être poussé aussi et se dire en fait là il y a la caméra qui filme mais on peut pas faire demi-tour ouais mais moi moi la caméra,

  • Speaker #1

    ce que j'explique souvent les premières fois où j'ai pris la caméra c'est parce que je l'avais à la maison pour mes projets avec Didier et je la sortais pour mes pantraides pour avoir une trace C'était juste pour avoir une espèce d'archive. S'il y a quelqu'un qui me demandait comment elle était la pente, ou qui me demandait si je l'avais vraiment faite, j'étais là, regarde la vidéo. Et puis après, je me suis pris au jeu de l'image. De essayer de faire en sorte que l'image soit jolie, avec les moyens que j'ai. Parce que je n'ai pas envie d'investir trop de sous dans les caméras, 360 et machin. Et surtout, je n'ai pas l'ordinateur assez puissant pour traiter toutes ces images. Donc j'ai une vieille GoPro maintenant, un GoPro 7, tu vois, alors que je ne sais plus où on en est au niveau des GoPro. Et j'essaye de faire l'image la plus intéressante ou celle qui me fait, en tout cas, qui m'intéresse le plus possible, artistiquement, entre guillemets, parce que je ne suis pas un caméraman, et aussi pour donner cette sensation que je peux éprouver sur mes skis quand je suis en pente raide. Donc parfois, je la retourne complètement à 360. pour qu'on voit mieux mes pieds. Parce que si tu la mets dans un sens, tu vois moins bien les pieds que si tu la mets dans un autre. Parfois, je la mets verticale pour qu'on soit plus impressionné par la pente, etc. Donc, je m'amuse vraiment. L'image, pour moi, c'est un prétexte à... Déjà, un truc pour montrer que c'est une archive. Et puis, c'est une manière de m'amuser derrière, à essayer de créer, à mettre de la musique. Parfois, ça m'arrive d'écouter une musique enfin d'entendre une musique et de me dire ah ouais là il y aurait peut-être ces images là qui iraient bien je vais aller faire ce truc là parce que je trouve que la musique irait bien et puis voilà donc tu parles de l'archive c'est hyper important c'est un espèce de devoir de mémoire de la montagne on

  • Speaker #0

    a beaucoup de carnets d'aventure pour moi c'est aussi important qu'un film t'écris beaucoup ?

  • Speaker #1

    Alors non, enfin si, sur mes réseaux j'écris, voilà. En ce moment j'écris plus sur mes réseaux que vraiment dans l'optique de refaire un bouquin. Ouais, ça me permet de partager des idées. Après j'ai toujours écrit, alors pas beaucoup non, j'ai toujours écrit depuis que j'ai 17 ans, mais voilà, ça m'arrive parfois de me réveiller dans la nuit avec des trucs en tête et je les écris. c'est comme ça que j'écris après j'ai envie d'écrire un deuxième bouquin mais j'ai beaucoup de mal à enfin non j'ai envie déjà de digérer bien le premier que j'ai écrit, vraiment de le digérer pour réussir à écrire un autre livre et pas refaire un livre que j'ai déjà écrit donc il faut que je trouve les manières de faire ça c'est dur parce que tu vois par exemple moi quand j'ai regardé tout ce qui existait sur toi comme production je me suis dit mais comment je vais faire quelque chose de différent

  • Speaker #0

    du coup je me reconnais dans ce que tu dis là j'ai une dernière question pour toi quelle est la question qu'un journaliste ne t'a jamais posée que tu aimerais qu'on te pose ?

  • Speaker #1

    ouais ouais mais là il faut que j'y réfléchisse 5 minutes il faut que j'y réfléchisse 5 minutes la question qu'on m'a jamais posée que j'aimerais qu'on me pose Ouais, c'est une question qu'on m'a pas posée. J'ai déjà donné la réponse, mais on m'a jamais posé la question. C'est comment j'aimerais mourir ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très particulier, mais donc je vais te la poser. Comment est-ce que tu aimerais mourir ?

  • Speaker #1

    J'aimerais mourir entouré de mes proches. Voilà, et clairement pas en montagne. Voilà, c'est la réponse que j'avais envie de donner. Et je trouve que c'est quelque chose qui est marquant pour moi parce que j'ai déjà eu des réponses complètement contraires de la part de très proches. Et je trouve que c'est, dans le sens du partage, ce que moi je dis souvent à des jeunes qui viennent me voir ou à des copains, je dis mais en fait... l'important dans ce que tu as envie de faire en montagne, c'est d'abord ce qui se passe en dehors de la montagne. C'est ta vie. Fais-toi une belle vie, que ce soit une vie de famille ou une vie tout seul. Je n'ai rien contre quelqu'un de seul. Mais fais-toi une belle vie avec des bons potes, où tu as envie de rentrer. Et que la montagne, que ce soit un lieu de passage, parce que c'est un lieu de passage. On n'y passe en montagne, on n'y reste jamais. Il faut que ce soit un lieu de passage et pas un lieu pour rester. et si tu te fais une belle vie je pense que tu peux faire longtemps et apprécier longtemps la montagne merci beaucoup

  • Speaker #0

    Paul d'avoir été dans le camp de base de rien, merci à toi et puis un bon film ce soir je pense que c'est assez grisant de présenter son travail et le travail qu'il nous a tenu pendant un petit moment ouais c'est pas moi qui ai bossé dessus,

  • Speaker #1

    c'est Justin et Romain et à vrai dire je suis pas à l'aise avec ce film là parce que je parle beaucoup et on voit beaucoup ma tête et à chaque fois je me dis j'en ai marre de ma tête j'en ai vraiment marre c'est pas que je l'aime pas ce film c'est juste que je suis trop dedans Je pense que les retours que j'en ai sont plutôt... Alors, ce n'est pas un film exceptionnel, c'est un bon film, les gens apprécient. Mais moi, je n'arrive pas à l'apprécier parce que j'ai l'impression qu'il n'y a que ma tronche tout le temps, en permanence, et j'ai beaucoup de mal avec ça.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on deal avec la notoriété comme ça, quand on n'a pas envie de dealer avec la notoriété ?

  • Speaker #1

    En essayant d'être le plus naturel possible. Surtout pas se prendre la tête, se prendre le chou trop. Ça m'arrive de me prendre vraiment le chou, à me dire Ah merde, j'aurais pas dû faire ça, j'aurais pas dû dire ça. Ça m'arrive. Et après, je relativise, je pose un peu les réseaux pendant une ou deux semaines. Et puis, je me recentre sur moi, ma vie de famille. mes proches, mes amis, etc. Et puis, derrière, ça va mieux. Il faut faire des pauses.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Le camp de base épisode 27, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci de nous avoir écoutés. Si vous l'avez aimé, vous pouvez m'envoyer un mot d'amour et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify, ou envisager de partager l'épisode à votre entourage. Ça ne vous engage à rien, mais ça m'aide grandement à faire découvrir le podcast. Le prochain épisode sera diffusé lundi prochain. Et pour suivre nos actualités d'ici là, retrouvez-moi sur Instagram et LinkedIn. Pour aller plus loin, c'est sur www.candebase-podcast.com que ça se passe. A très vite dans le camp de base. Au contre, au sommet.

Description

dernièrement, Paul Bonhomme a bouclé la Grande traversée du Jura en quatre jours : redécouvrez son portrait


Guide de haute montagne, Paul Bonhomme s’illustre en trail, ski de pente raide ou encore en alpinisme. Dans les différentes interviews qu’il a donné, les médias lui pose systématiquement la question du corps, de la difficulté, de la performance.

Mais qu’est-ce qui fait courir Paul Bonhomme ?


Au-delà de la performance, dont il se sert pour avoir plus d’écho, Paul est un ambassadeur de la curiosité, un esthète des odeurs qui peuplent nos paysages de montagne. Une rencontre au sommet, enregistrée dans le cadre des Rencontres Ciné Montagne 2022 ! :)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    je ne connaissais pas tout et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt, j'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, ok, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement.

  • Speaker #1

    Le camp de base. Rencontre au sommet. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce 27e épisode du camp de base, le podcast des rencontres au sommet. Je vous emmène aujourd'hui en Haute-Savoie auprès d'un personnage que vous devez bien connaître si vous suivez les actualités de la montagne. C'est Paul Bonhomme. A 46 ans, ce guide de haute montagne qui a grandi en banlieue parisienne enchaîne les défis en trail, panterelle et alpinisme. Mais bien loin de moi l'idée de vouloir l'interroger sur la performance. Avec Paul, on parle de montagne sensible, de l'odeur de la rosée, mais aussi celle de la bouse de vache. Retour sur une expérience et une superbe rencontre. Bonne écoute ! Bonjour Paul.

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir accepté cette interview pour le camp de base. Alors première question, qui est une question fil rouge dans tous les épisodes du camp de base. Il est où toi ton camp de base et il est composé de quoi ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il est à Cercier, en Haute-Savoie, entre Annecy et Genève, dans la campagne ancienne. J'appelle ça la basse Haute-Savoie, dans les collines. Donc il est composé de collines, de pommiers, d'agriculteurs, de frontaliers, de ma chérie et de mes deux enfants que j'ai avec ma chérie actuelle, parce que mes deux grandes sont ailleurs. et voilà un petit cocon quoi, sympathique pour moi c'est un cocon, pour ma chérie c'est un peu plus dur parce qu'elle fait du télétravail donc pour elle c'est un bureau aussi et moi pas du tout c'est vraiment un endroit où je suis loin des montagnes enfin loin, je suis pas si loin mais je les vois pas, je suis pas complètement dans le milieu donc du coup j'arrive vraiment à me poser et à penser un peu à d'autres trucs quoi

  • Speaker #1

    Il ressemble à quoi les paysages dans lesquels tu habites justement pour les auditeurs et auditrices qui ne connaîtraient pas la Haute-Savoie ?

  • Speaker #0

    C'est de la colline, c'est vraiment de la colline, alors de la colline qui culmine à le Salève, c'est 1003, donc c'est quand même un peu haut quand même, mais c'est de la haute colline, mais voilà, c'est vraiment collinéen, c'est vraiment des collines comme ça, tranquilles, c'est assez paisible.

  • Speaker #1

    Donc, tu es guide de haute montagne, tu es passé par plusieurs métiers de la montagne. Aujourd'hui, tu as 47 ans. Est-ce que tu peux nous raconter peut-être ton histoire ? D'abord, tu as grandi où et qu'est-ce que tu as fait avant la montagne ?

  • Speaker #0

    Je vais essayer d'être pas trop long parce que mon histoire, comme j'ai 47 ans, elle est forcément un peu longue. Je suis né en Belgique, mes deux parents sont néerlandais, donc moi comme je suis né en Belgique, deux parents néerlandais, je suis néerlandais aussi, jusqu'à mes 4 ans, après on a déménagé en banlieue parisienne pour le travail de mon père, à Pontoise, dans le 9-5, et c'est là où j'ai vécu toute mon enfance en fait, jusqu'à mes 18-19 ans, à Pontoise, banlieue parisienne. Vers mes 18-19 ans, mon grand frère avait quitté ses études pour essayer d'être moniteur de ski et accompagnateur. en moyenne montagne et moi j'ai fait deux mois de droit et puis deux mois et puis là j'ai les copains et les copines qui me disaient mais qu'est-ce que tu fous là quoi arrête t'as qu'une seule envie c'est d'aller en montagne donc va en montagne suis ton grand frère et donc c'est ce que j'ai fait jusqu'à j'avais 18 ans donc je suis parti j'ai fait 19 ans à 19 ans j'ai rencontré mon ex-femme Je suis revenu en banlieue parisienne. pour travailler, parce que je ne m'en sortais pas. J'ai raté quatre fois le test technique pour être moniteur de ski. L'accompagnateur, c'était bien, mais ce n'était pas non plus dément pour moi. Et puis, j'étais amoureux, donc j'ai essayé autre chose. J'ai essayé d'être éducateur spécialisé. Je n'ai pas réussi. Jusqu'à mes 20 ans, 21 ans, deux ans encore en banlieue. Puis après, on est revenu en montagne. Mais là, avec complètement autre chose, j'ai fait maçon. Je travaillais sur des chantiers. Et puis là, mon grand frère a décédé. Et puis après, ça a commencé à moins bien se passer avec mon ex-femme. et c'est sur une idée à elle un jour qui me dit comme ça ne se passait pas très bien elle me dit pourquoi tu ne fais pas guide de haute montagne en gros pourquoi tu ne me lâches pas la grappe et moi je me suis dit bah ouais ce serait bien en fait que j'aille un peu plus en montagne alors je lui ai demandé, je lui ai dit mais tu sais ce que ça veut dire ça veut dire qu'on ne se voit plus quoi parce que pour être guide je vais vraiment y aller à fond elle m'a dit d'accord et c'est comme ça que j'ai commencé enfin j'ai fini ma liste de course Et après, on s'est séparés avec mon ex-femme une première fois. J'ai passé mon guide, on s'est remis ensemble. On a eu nos deux enfants, mes deux grandes. Et puis après, on s'est vraiment séparés. Et puis depuis maintenant 2005, j'ai croisé mon... ma compagnie actuelle, ma chérie, ma femme actuelle. Et là, on est ensemble depuis 2005.

  • Speaker #1

    Ok. Est-ce que vous vous rappelez la première fois où vous voyiez la montagne ? Parce que vous avez effectivement grandi en Belgique, puis en banlieue parisienne.

  • Speaker #0

    Je pense que je ne me souviens pas de la première fois où j'ai vu la montagne. Je me souviens par contre... Je me souviens d'être dans la voiture, parce que souvent on partait le soir vers 21h. Mes parents faisaient la route de nuit avec les quatre gosses derrière. Et on arrivait dans les montagnes le matin. Et du coup, moi je dormais, parce que c'était après la classe. Et je dormais toute la nuit. Et puis quand je me réveillais, je voyais les montagnes. Et puis ça dépendait des fois, mais il n'y avait pas tout le temps de la neige, donc je surveillais les abords de la route pour voir quand la neige allait arriver, c'était pour l'hiver. Et puis dès que je voyais la neige, j'étais comme un dingue, donc j'étais le nez collé à la vitre. Et ma mère, parce que moi je ne m'en souviens pas, mais ma mère me disait, à chaque fois tu étais là et tu regardais, et puis tu faisais grosse montagne, grosse montagne, grosse montagne.

  • Speaker #1

    Donc c'est déjà des bons souvenirs depuis le genèse.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Les montagnes, ça a vraiment été très vite quelque chose de très particulier pour moi parce que je pense que j'adorais la nature en règle générale, très attiré par la nature. Quand tu vis dans la banlieue parisienne, c'est sûr que tu n'as pas beaucoup de nature autour de toi. Donc c'était un peu ça. Et les montagnes, c'était la quintessence de la nature pour moi.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu avais déjà des gens que tu disais j'ai envie de faire comme eux, notamment par les films d'expédition ramenée ? Est-ce que tu en regardais ou pas du tout ?

  • Speaker #0

    Non, comme je dis souvent, j'ai quasiment pas fini un seul bouquin de montagne, parce que ça me faisait peur dès qu'ils commençaient à parler de mort et de crevasses et de machins. Je n'arrivais plus à lire et j'avais très très peur de la haute montagne quand j'étais jeune, à une période vers mes 8-9 ans. Je me cherchais au niveau des sports. J'avais fait beaucoup de natation jusqu'à 9 ans. Puis après, j'ai essayé de tennis, mais ça ne me plaisait pas. J'ai essayé d'autres sports et ça ne me plaisait pas trop. Et mes parents ont trouvé un club d'escalade. Alors les clubs d'escalade, dans les années fin 80, c'était des bouts de parpaings avec des prises collées, des prises en bois, quelques prises déjà en résine, mais il n'y en avait pas beaucoup. Et l'idée des clubs d'escalade à l'époque était complètement hors compétition, il n'y avait pas de compétition encore, ou très très peu. Donc on faisait de l'escalade pour aller après en falaise, pour aller en nature après. Et donc ça, ça m'a plu. Et donc j'ai attaqué à vraiment me mettre dans la montagne par plutôt les références que j'ai, c'est Patrick et Linger, forcément. C'était, je pense, le premier avec François Legrand, qui allait après un peu plus tard parce qu'il aillait. commencé à gagner des compétitions et j'admirais un peu son style et donc voilà des gens comme ça c'était donc par l'escalade que j'ai attaqué vraiment à m'intéresser à la montagne Et qu'est-ce qui te faisait rêver justement dans le style de ces deux personnes ? C'était le mouvement, la fluidité, le geste. Et c'était le geste en nature, sur un rocher, sur des beaux paysages derrière. Il y avait Stéphane Glovax aussi. Mon grand frère m'avait offert un bouquin qui s'appelait Rocks Around the World C'était Stéphane Glovax qui avait fait tout le tour du monde. Et tu voyais les falaises ocres au Japon, aux États-Unis. Moi, j'avais qu'une envie, c'était de faire ça.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que ça a vraiment un long contre de la performance, cette idée de fluidité, c'est ce qu'on note jamais. On en parlait avec Gaëtan justement, où il me disait qu'en ski on note toujours la descente, jamais la montée, on note jamais l'art. La fluidité dans le mouvement, on note toujours la performance, est-ce que ça va être long, est-ce que ça va être compliqué, combien il y a de dénivelé en chiffres ? Donc tu étais déjà là-dedans, c'est plutôt l'art de montagne par l'escalade.

  • Speaker #0

    Oui, au tout début, clairement, parce qu'il n'y avait pas de compétition, ou très peu, donc la compétition est arrivée après. Après, je me suis pris au jeu de la compétition et c'est vrai qu'à 16 ans, j'avais envie d'être champion du monde d'escalade. moi j'avais pas du tout les qualités nécessaires mais voilà et puis c'était l'âge aussi c'est l'âge où t'as envie de te confronter aux autres, te prouver des choses etc donc voilà mais c'est vrai qu'au début non pas du tout, au début ce qui m'attirait c'était la nature, c'était les odeurs j'y repense encore maintenant et c'est même pas que j'y repense c'est que tu vois sur mon projet de l'été dernier sur la farandole des écrins pourquoi j'ai eu envie de la farandole c'est à cause des odeurs principalement parce que j'avais envie de ressentir les odeurs de mélèze, les odeurs de rosée sur l'herbe, les odeurs de bouches de vache ou de crottes de mouton. J'avais envie de ces odeurs et de les ressentir vraiment jusqu'à... Parce qu'on les sent d'autant plus qu'on est fatigué. Donc, quand on est fatigué, tu ressens ces odeurs-là. Et ça me rappelle mon enfance et c'est ça qui fait le cercle, en fait, qui fait que j'ai toujours envie d'aller en montagne. C'est pas du tout l'altitude, c'est les impressions, les sensations que j'ai pu vivre quand j'étais jeune.

  • Speaker #1

    C'est marrant cette approche par le nez, je ne l'avais encore jamais entendue. On m'a parlé des sons de la montagne, on m'a parlé de la beauté du paysage, mais jamais du sens que peut être le nez et les odeurs. Alors, qu'est-ce qu'on entend, qu'est-ce qu'on sent en montagne qui est particulier ?

  • Speaker #0

    Mais tout, tout. Non, non, mais c'est assez incroyable. Jusqu'à, tu vois, ça m'arrive encore parfois dans des refuges ou des... Quand je rentre dans un refuge, je sens l'odeur du pain qui n'est pas encore tout à fait sec. Et donc ça a une odeur particulière. Ou bien quand je mets un vêtement, quand je mets une fringue que je n'ai pas vraiment lavée et qui a pris la neige, elle a une odeur particulière la fringue. Et c'est les mêmes odeurs que celles que je ressentais quand j'étais gosse. Et voilà, il y en a plein. Il y en a plein. L'odeur quand tu graisses tes chaussures en cuir, si tu as des chaussures en cuir. Il y en a plein, c'est partout en fait, c'est tout le temps. Je parle souvent de la neige, la neige tu la sens avant qu'elle tombe. Moi j'arrive à sentir l'odeur, enfin je pense que je ne suis pas le seul, j'arrive à sentir l'odeur de la neige avant qu'elle tombe. Je me dis, là ça sent la neige là. Et généralement on ne se loupe pas, personne ne se loupe quand on se dit ça sent la neige parce qu'il y a une atmosphère, une odeur spéciale.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est aussi une manière d'être parce que je me rappelle que mon père quand il était petit avec ma soeur il nous disait, mais vous sentez la neige ou quoi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, c'est exactement ça et du coup il y en a de partout de ces odeurs-là, il y en a une que je recherche en permanence surtout quand je cours, c'est l'odeur du pain l'odeur de la sève de pain qui monte au printemps elle est terrible celle-là elle me fait complètement chavirer et puis ça dure très peu de temps trois semaines,

  • Speaker #1

    même deux semaines Oui

  • Speaker #0

    Ah tu passes à autre chose c'est ça,

  • Speaker #1

    c'est un cycle d'odeurs qui est hyper intéressant tu me disais tout à l'heure hors antenne avant qu'on commence cette interview que t'avais pas toujours eu envie d'être sur les réseaux sociaux que c'était assez nouveau pour toi c'est depuis 5 ou 6 ans qu'est-ce qui t'a fait passer le cap ?

  • Speaker #0

    C'est très simple. Avec un copain, Didier Angelot, guide de haute montagne, on grimpe souvent ensemble. C'est un copain voisin qui n'habite pas loin. Et on regardait un peu ce qui se passait justement au niveau médiatique sur la planète montagne. Et c'était une époque où il y avait encore Wadishtek qui était encore en vie, où il y avait Kylian Jornet qui faisait ses records sur l'Everest. Et on était là, on se disait... Ah ouais, c'est chouette, c'est bien au niveau de la perf, mais on ne parle que de performance dans ce que les gens font en montagne. Et nous, on était là un peu décalés en se disant, mais nous, ce n'est pas ce qui nous a donné envie d'aller en montagne. Et du coup, on s'est dit, tiens, si on essayait de monter des projets, donc ensemble, au début, c'était avec Didier, pour parler d'autre chose que de la performance pure, essayer de raconter des histoires. Alors, la première idée qu'on a eue, c'était un hommage à Umberto Flemmati. qui est toujours en vie, c'est le collègue, le copain de René Desmesons. avec lequel il a fait beaucoup de choses. Et il a ouvert des voies, il était pyrénéen, il est toujours d'ailleurs pyrénéen, Umberto Flemmati, et dans les Balaïtus, il a ouvert des voies en artificiel à l'époque, parce qu'ils n'avaient pas les chaussons, etc. Et donc la première idée, c'était d'essayer de libérer les voies qu'il avait ouvertes autour du Balaïtus avec Didier. Et c'est le premier projet vraiment qui a lancé un peu, et où on s'est dit, on va faire de l'image, on va faire un film, et d'ailleurs on a fait un film. Il est pourri le film. Il y a des copains réalisateurs qui ont bien rattrapé nos images, mais nos images bougent dans tous les sens. Donc, il n'est pas très regardable sur grand écran. C'est Le Voyage d'Umberto. Ça s'appelle. On peut le trouver sur Internet. Et voilà, c'est un peu comme ça qu'on a commencé. Après, on a fait Annecy Chamonix avec les skis, avec Didier. On a essayé de faire une ultra traversée du Viso. On a fait... des projets ensemble et puis moi de mon côté je continuais parce que j'avais un peu plus de dispo que lui, je faisais mes projets aussi en parallèle et c'est comme ça que j'ai attaqué à me remettre à vraiment intégrer les réseaux et à essayer de faire en sorte que ces histoires qu'on essayait de raconter aient de l'écho que le partager au plus grand monde

  • Speaker #1

    Quand tu partages un post quand tu partages un article j'ai vu qu'il y en avait quelques-uns sur Alpine Mag Qu'est-ce que tu veux produire chez les gens, toi ?

  • Speaker #0

    Pas mal de choses. La première des choses, c'est de la curiosité. Essayer que les gens soient curieux de ce qui les entoure. Et surtout en montagne, de ne pas être juste... justement, on ne peut pas être juste les yeux rivés sur la montre ou sur le nombre de dénivelés et essayer de se dire, ah bah tiens, ouais, l'autre là, celui qui est sur les réseaux sociaux, qui s'appelle Paul Bonhomme, il a fait une traversée, qu'est-ce qu'il a voulu faire par là ? Ou bien, quand j'ouvre des lignes en pantraide, c'est... mais attends ça ressemble à rien pourquoi il a ouvert un truc entre les rochers, entre les cailloux et voilà, susciter de la curiosité sur des choses qui sortent justement de la pure performance alors parfois j'utilise aussi la performance pour avoir plus d'écho donc ça fait partie peut-être des projets de temps en temps mais je veux amener les gens vers autre chose et parfois ça marche pas très bien parce qu'on va parler que de la performance dans les médias ou même moi sur les réseaux je suis maladroit parce que j'ai pas de chargé de com donc je suis pas forcément très bon non plus et parfois je tape à côté et je dis ah zut merde c'est

  • Speaker #1

    pas ça que je voulais dire c'est marrant parce que j'étais donc rencontre là toute la semaine et il y a au milieu du public à un donné où j'ai entendu deux personnes qui parlaient et le premier disait à l'autre oh T'as vu samedi soir il y a Paul Bollum, oh la la mais c'est incroyable là le ski de Pantraide mais moi franchement ça me donne des frissons et tout donc je pense que c'est plutôt réussi finalement dans ce que tu produis chez les gens. Et la deuxième chose, c'est cette question de la performance. Effectivement, c'est ce que je te disais avant de commencer l'enregistrement. Je trouve que les médias, parce qu'ils ont peu de temps sur leur antenne, ils te posent beaucoup la question de la performance. Et moi, la question que je me suis posée ce matin en préparant l'interview, c'est pourquoi toi tu te lèves le matin ?

  • Speaker #0

    Moi, je me lève le matin, on va reparler des odeurs, je me lève le matin pour aller chercher les odeurs de mon enfance. Non, mais clairement, je m'en suis rendu compte il n'y a pas si longtemps que ça. Mais clairement, c'est retrouver cette ambiance qui a pu m'envelopper. Et je la retrouve. Et c'est ça qui est chouette. parce que je la retrouverais pas ça serait frustrant mais je la retrouve je la retrouve dans les pantraides parce qu'il y a l'odeur de la neige surtout quand elle prend un peu le soleil c'est super et puis parce que je mets mes pantalons de ski mais je la retrouve aussi en marchant tout simplement donc j'ai pas besoin forcément d'aller faire la performance donc moi ce qui me fait lever c'est me dire tiens je vais passer un bon moment en montagne et ça ça c'est quand je vais sur mes projets après quand je m'entraîne c'est un peu plus compliqué parce que l'entraînement c'est pour moi de plus en plus c'est des boucles autour de la maison pour éviter d'avoir d'utiliser trop la voiture et du coup parfois t'as pas du tout envie de refaire la même boucle que t'as déjà fait une centaine de fois et du coup là c'est autre chose c'est la perspective du projet au final qui me fait me lever qui fait que je vais m'entraîner et je vais m'entraîner pourquoi ? parce que je sais que j'ai encore envie d'explorer mon corps et puis j'ai envie de l'amener dans des recoins qui vont me permettre De nouveau, de ressentir tout ce que j'ai pu ressentir quand j'étais gosse, quand j'en bavais, quand je montais et que je n'avais pas envie de monter, et que ce qui me frappait, c'était encore une fois les odeurs, les couleurs, les lumières, etc. Donc voilà, c'est ça que je vais chercher.

  • Speaker #1

    Cet été, tu es parti pour la farandole des écrins. Tu as traversé tous les écrins et il y a quelque chose que tu as dit dans les médias, c'était la question des refuges et des gardiens de refuge. Pourquoi est-ce que c'était important pour toi de parler de ces personnes ?

  • Speaker #0

    Alors pour être tout à fait honnête, l'idée de cette farandole, elle m'est venue après l'hiver 2021, où j'ai ouvert dix nouvelles lignes de Pantraide à travers les Alpes. Et après ce projet des dilly que j'ai réussi, donc j'ai réussi à les faire ces dilly pendant une saison, du coup j'ai communiqué autour, j'ai partagé, et j'étais là, il y avait quelque chose qui me manquait. Je me disais, ouais c'est chouette, mais c'est trop loin, c'est trop loin des gens, c'est trop extrême, même si je ne parle pas d'extrême quand je fais mes pantraines, mais c'est trop... C'est trop loin de ce que les gens peuvent vivre quand ils vont en montagne par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est corrélé de ce que le commun des mortels peut faire finalement.

  • Speaker #0

    Je me suis dit, zut, mon projet, je me suis éclaté à le faire. Je suis très content et j'étais très fier. Mais moi, par ce projet-là, je voulais parler de création. Je voulais parler d'imagination, de création, de curiosité et puis d'implication au niveau des... c'est le film qui va être aux rencontres là ce soir toute la préparation etc c'est ça qui m'a aussi plu dans ce projet là mais ça tapait un peu à côté au niveau du partage médiatique même si je trouve que les articles étaient plutôt bien mais je trouvais que j'avais pas été assez dans quelque chose qui puisse être compris et abordé par les gens qui vont en montagne du coup j'ai pensé, je me souviens très bien parce que c'était en discutant avec ma mère un soir, je me suis dit ah j'ai envie d'un truc plus simple et Pourquoi pas essayer de faire tous ces refuges ? Et que le but du jeu, le but, ce soit plus du tout les sommets, mais que ça soit les refuges, le but. Et ça change complètement la manière de voir la montagne. C'est-à-dire qu'au lieu que ça soit le haut, l'objectif, l'objectif, il est en bas. Et du coup, comment on fait pour relier tous ces refuges ? avec un petit challenge de temps pour que ça soit suffisamment intéressant pour moi, pour le vivre, et puis aussi impliquant. Ce n'est pas l'idée d'essayer de mettre un temps, de mettre six jours ou moins de six jours sur cette farandole. Ce n'est pas du tout l'idée de faire un record. Ce n'est pas du tout ça. C'est juste que si tu ne mets pas ce temps-là et que tu fais juste tout ça en marchant, tu ne vas pas vivre la même histoire. Tu vas en vivre une super sympa, mais pas forcément la même. Si tu te dis, je vais essayer de faire ça avec mon matos sur le dos, donc un sac de 8 à 10 kg, et puis le plus vite possible. ça veut dire qu'il faut te préparer, donc il faut s'entraîner physiquement, il faut optimiser le matériel, donc se prendre la tête avec le sac, le poids du sac, etc. Donc comme en XP en fait. Après, il faut voir les conditions et puis après, il faut, sur place, quand on le fait, il faut sortir un peu les doigts. Pour moi, c'est beaucoup plus impliquant et du coup, tu rentres vraiment Dans ce que tu es en train de faire, beaucoup plus. Tu es beaucoup moins dans de la, ce que j'aime aussi énormément, dans de la balade où tu laisses ton esprit divaguer et où tu peux penser à ta vie de tous les jours en te baladant, etc. Là, tu es à ce que tu fais, tu es obligé d'être à ce que tu fais. Et ça, j'aime bien.

  • Speaker #1

    Il n'y a plus d'aspect méditatif,

  • Speaker #0

    quoi. Voilà, il n'y a plus d'aspect méditatif. Ce que j'adore en montagne, c'est les moments où tu te sens... en montagne, tu te sens faire partie de la montagne, comme le chamois, comme le bouctin, comme la gentiane. Et là, sur la farandole, il y a eu surtout sur la faim, tu commences à être... Moi, je parle... L'impression que ça m'a donnée, c'est la densité. J'avais l'impression de prendre en densité. C'est-à-dire que tu deviens bout de bois, tu deviens, je ne sais pas... Rocher. Rocher, mais... Tu es... Tu sais comme les vieux montagnards, avec le cuir tanné, etc. Tu as la peau, c'est pareil, toi tu es tanné, tu as les pieds qui sont complètement tannés, tu as des coups de soleil de partout, tu n'arrives plus trop à toucher tes doigts de pieds, parce que tu es tout plein de crampes. Et ça, j'aime beaucoup cette sensation-là. Qu'est-ce que tu vas faire quand tu te lèves ? Je vais d'un point A à un point B, comme le bouquetin, comme le chamois, comme... pas plus, pas moins et c'est plus on s'en fiche s'il y a des sommets au passage. Je vais d'un point A à un point B, je me déplace, c'est tout ce que je fais.

  • Speaker #1

    Et on se met un peu à l'épreuve de la montagne pour en faire partie.

  • Speaker #0

    Voilà. Et oui, on est obligé de la respecter énormément quand on fait ça. Parce que comme on est crevé, on est vraiment fatigué, on est obligé d'être complètement à ce qu'on fait. Ou bien on arrête le projet. tu t'arrêtes et à ce moment-là tu rentres chez toi c'est possible aussi mais quand t'arrives à aller au bout de ta boucle c'est quand même assez extraordinaire et ça n'a rien à voir avec la performance rien à voir t'as

  • Speaker #1

    rencontré énormément de gardiens et de gardiennes de refuge pendant cette farandelle bah ouais qu'est-ce que ça représente pour toi la figure du gardien ? De refuge ?

  • Speaker #0

    Un ami, un ami, un ou une amie. Moi, ce que je trouve extraordinaire avec ces personnages, c'est cette capacité qu'ils ont d'accueillir de manière indéterminée qui que ce soit qui arrive dans leur refuge, chez eux. Ils vont, pas tous, il y en a qui sont bougons ou quoi, mais même s'ils sont bougons, ils vont accueillir tout le monde. de la même façon. Et il n'y a pas de jugement. S'il y a des jugements, ils les gardent pour eux, quand tu vas faire la vaisselle le soir, parfois. Mais sinon, non, il n'y a pas de... Voilà, ils vont accueillir tout le monde. Et ça, je trouve ça incroyable. Je trouve ça incroyable. Que tu sois un très fort alpiniste ou que tu sois le randonneur qui commence, qui découvre la montagne, ils vont t'accueillir pareil. Ils vont te donner un lit, ils vont te faire à manger pareil. Tu ne vas pas avoir de... Et c'est génial pour ça. Tu vois, il n'y a pas de... Ce n'est pas comme si tu allais au restaurant où tu as plusieurs menus ou des vins plus ou moins chers. Non, là, tu vas... Tout le monde a le même repas. Bam, bam. Tout le monde est sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de... La différence sociale, on est dans un lieu où il y a une neutralité qui fait du bien, qui fait vachement de bien. Surtout quand les gardiens font bien leur boulot et je trouve qu'ils le font de mieux en mieux. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #1

    Même s'il y a aussi une souffrance parfois de la part des gardiens de refuge sur les attentes du public.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    On en parlait avec Mélanie. des cosmiques ?

  • Speaker #0

    clairement parce qu'il y a une déconnexion et c'est vachement dur l'équilibre c'est aussi pour ça que je fais mes projets c'est aussi pour ça que je fais la farandole ou des choses comme ça qui essayent de recentrer sur la montagne simple, la montagne pas forcément pure mais la montagne brute, la nature et il y a Dans notre société, l'homme, et c'est pas nouveau, c'est pas moi qui... J'apporte rien de nouveau là-dedans, mais il y a une décorrélation entre l'homme occidental et la nature de plus en plus. Et surtout, encore plus avec les réseaux, encore plus avec les écrans. Aller en forêt, aller se balader en forêt, c'est déjà quelque chose d'incroyable. Aller se balader en forêt de nuit, il n'y a plus personne qui le fait. Alors que moi, quand j'étais gosse, on y allait avec les parents. Ça faisait partie de l'apprentissage de la nature. et du coup quand les gens arrivent dans ces lieux de nature que sont les refuges, parce que ce sont des lieux de nature avant tout ils sont paumés parce qu'ils n'ont plus le confort auquel ils sont habitués et du coup le gardien il est là et il dit ok bon il ne faut pas que je sois trop rude avec eux mais il faut quand même que je leur explique qu'ici c'est rude et ouais donc c'est pas évident du tout mais ça... Je pense qu'en tant qu'athlète, en tant que guide et en tant qu'athlète, on a une responsabilité de montrer la réalité de la chose. Ce n'est pas que je prends mes skis, j'arrive en haut d'une montagne et puis regardez mes beaux virages. Non, tu as fait quoi avant ? Comme dit Gaët, tu es monté, tu as mis tes peaux de phoque, tu t'es entraîné, tu es passé par la case refuge, j'espère. Et si t'as pris l'hélico, montre que t'as pris l'hélico et dis clairement que tout le monde ne peut pas faire ça parce que ça coûte un bras et puis en plus c'est pas souhaitable parce que ça bousille la planète. Donc oui, dire clairement les choses, dire clairement ce qu'on fait sans zapper la partie refuge, sans zapper la partie bivouac, sans zapper l'aspect rustique de ce qu'on est en train de faire, c'est vachement important. Ça peut pas être que de la belle image de la montagne.

  • Speaker #1

    Ce que tu viens de nous dire, ça me fait beaucoup penser aux études de Stéphane Labranche. Il y a un chercheur canadien qui s'installe à Grenoble qui est, me semble-t-il, associé au laboratoire Pacte, qui est sous tutelle du CNRS, de Sciences Po et de l'IUGA à Grenoble. Oui, justement, il met en perspective cette relation entre l'humain et la nature. Ça me fait penser à la chose suivante. Vous êtes, sans le vouloir ou peut-être sans en avoir conscience, je ne sais pas, des sportifs de haut niveau comme ça. En montagne, des sociologues du milieu...

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as envie de travailler avec des chercheurs et de prendre des positions peut-être un peu plus clivantes et un peu plus politiques ? Est-ce que c'est quelque chose que tu envisages, même si tu le fais déjà un peu ?

  • Speaker #1

    Oui, j'y vais doucement parce que déjà, je ne me sens pas... Il y a beaucoup, surtout depuis la farandole, il y a beaucoup de gens qui disent que je suis écolo. Le retour que j'ai de personnes, ils disent... Enfin voilà... alors que pas du tout, moi je me sens pas du tout écolo c'est marrant c'est parce que t'as fait tout ce chemin à pied que les gens se disent ah bah du coup ils vont créer une autre manière je sais pas pourquoi mais j'ai cette casquette et puis c'est pas que depuis la farandole aussi mais ça fait quand même quelques années que j'essaye de recentrer mon activité amateur dans les Alpes et de plus partir en expédition à la base c'était un souci de décalage plutôt sociétal c'est à dire que je me sentais mal à l'aise de communiquer sur mes exploits entre guillemets à l'autre bout de la planète, alors que les gens qui vivaient là, eux ils ne comprennent pas du tout ce que je fais, et puis surtout eux ils gagnent très peu quand moi j'y vais, même si je les paye à m'aider, ils gagnent quand même beaucoup moins que moi le retour que j'ai si je réussis à faire mon exploit. Et donc j'étais mal à l'aise avec ça, avec ce que j'allais chercher pour moi, donc purement égoïstement, et ce que les gens vivaient sur place, qui, eux, étaient plutôt dans le sens Là, toi, tu me files des sous pour que moi, je puisse le redistribuer à toute ma famille parce qu'ils ont besoin de soins, ils ont besoin d'aller faire des études, etc. Et puis, petit à petit, je me suis aussi dit En plus, ce qui est pas mal, c'est que je bousille un peu moins la planète. Donc, le souci de moins avoir d'impact au niveau de ma consommation de CO2. elle est venue petit à petit mais à posteriori on va dire donc oui je me sens pas écolo donc j'ai du mal à revendiquer cette posture là moi j'essaye d'être le plus normal possible parce que je me sens normal, je me sens pas exceptionnel même si je suis là et que les gens vont regarder mes images en disant il est dingue, mais non je suis pas dingue, je suis normal les gars, tu vois je me sens pas du tout exceptionnel, j'ai pas envie de l'être et du coup Prendre une posture, pour moi, ça va être compliqué parce que ce n'est pas comme ça que je suis rentré en montagne. Justement, quand je te parlais tout à l'heure des livres que je n'arrivais pas à finir, moi, dans ma tête, ce que j'ai envie de partager, c'est la rupture avec l'histoire de la montagne en règle générale. Pour moi, l'histoire alpine, elle est très héroïque. Elle est fondée sur l'héroïsation des exploits, la conquête. La dangerosité absolue de la montagne, la vie, la mort, on parle énormément de mort, etc. Alors que moi, tout ce qui m'a amené à la montagne, c'était complètement l'inverse. C'était le bonheur que je pouvais y éprouver et puis les accomplissements que j'ai pu... à voir en montagne. Et du coup, moi, j'essaye de montrer ça avec mes modestes moyens. Et du coup, je n'ai pas envie de rentrer dans quelque chose de très clivant. Même si je mets parfois les pieds dans le plat, parce que, oui, clairement, maintenant, si je ne vais plus à l'étranger, enfin, à l'étranger lointain, pour mes projets personnels, je parle bien que pour mes projets personnels, C'est aussi parce que, bah oui cet été les glaciers ils étaient dans un sale état et que j'arriverais pas à me regarder moins, donc c'est très personnel, je juge pas les autres c'est moi, j'arriverais pas à me regarder dans la glace ou à regarder mes gamins en disant bon là papa il part un mois et demi au Népal juste pourquoi ? Juste pour essayer de réussir un exploit entre guillemets tu vois. Non, je n'y arrive plus. Ok,

  • Speaker #0

    je comprends. Et justement, tu l'as vu ce changement dans les écrans cet été ? J'imagine que oui. Parce qu'en plus, on a vécu un été particulier.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, non, c'est... Après, cet été, c'était très puissant. On le ressentait vraiment beaucoup, surtout... Moi, je suis guide. Mon métier, c'est guide d'haute montagne. C'est comme ça que je gagne ma vie. Et surtout, quand tu commences à te poser des questions sans arrêt de où est-ce que tu vas amener tes clients pour qu'ils soient en sécurité, Et que le danger c'était les éboulements qui étaient... Tu ne savais pas où est-ce que ça pouvait se péter la gueule. Donc c'était un peu compliqué. Tu allais dans des endroits où c'était le plus safe possible, mais ce n'était pas simple. Et après quand tu vas sur les glaciers, ce n'était pas forcément plus dangereux parce que les glaciers étaient vachement ouverts, donc tu passais entre les crevasses. Mais ce n'était pas... agréable à voir. Même s'il y a une certaine beauté aussi, avec un glacier qui est tout fracturé. C'était dérangeant. C'était pas tant visuellement que cette sensation de chaleur globale et ces incendies quand tu rentrais à la maison. Tout ça, toute cette atmosphère avec le Sirocco qui est revenu aussi cet été. Moi, j'étais là, j'étais... Waouh ! Ça y est, on est dedans. Et pour moi... Je ne suis pas optimiste quant au fait qu'on va pouvoir réduire ça, mais par contre la planète, elle, elle va survivre. Le truc, c'est ce que... C'est pour ça que je suis là, je dis, mais en fait, les gars, il faut qu'on sauve notre peau à nous. Tu vois, donc, si moi, j'arrête de voyager, c'est par égoïsme, quelque part. C'est pas égoïsme, mais c'est aussi pour mes enfants. Oui, complètement. Mais c'est pas que de l'altruisme. C'est parce que, putain, moi, j'ai envie qu'on puisse encore, en tout cas que mes enfants, que je puisse voir mes petits-enfants grandir dans un monde où... qui ne soit pas complètement anxiogène. C'est d'abord à ça que je pense. C'est à ma pomme avant les autres. Après, la montagne, dans 50 ans, les Alpes ressemblera au Pyrénées. Il y aura des lacs à la place du glacier blanc, etc. Mais ça ne sera pas forcément moins joli. clairement, parce que les Pyrénées, c'est joli. Donc, ça ne sera pas forcément moins joli, mais ça sera différent. Et il va falloir qu'on fasse les choses différemment là-haut, peut-être. On fera plus de rochers, moins de glaciers, des choses comme ça. La montagne, elle, elle va continuer à survivre. Et puis la planète, de toute façon, elle va nous survivre, nous, de toute façon.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'on change notre sensibilité par rapport au paysage. J'ai un copain qui fait une thèse sur les forêts de Morienne. Et en fait, il y a 100 ou 150 ans, on trouvait ça moche, l'automne. On militait pour l'arbre vert.

  • Speaker #1

    pour que mes arbres ne changent pas de couleur moi pour moi si tu veux c'est aussi pour ça que je suis vachement j'essaye de porter quelque chose dans mes projets cette idée de dire que déjà non la montagne c'est pas dangereux, c'est ce qu'on y fait qui peut être dangereux donc arrêter d'avoir systématiquement peur de la montagne parce que la montagne c'est de la nature si on a peur de la montagne on a peur de la nature donc Et c'est ça qui nous fait faire des conneries, c'est parce qu'on en a peur de cette nature. C'est ça qui fait qu'on n'arrive pas à faire baisser nos chauffages parce qu'on a peur d'avoir froid ou de remettre un pull. Quand tu parles de ça, même à mes parents, moi qui ai 47 ans, ils ont plus de 80 ans. Eux, quand ils étaient gosses, ils mettaient des pulls et puis ils faisaient 15 degrés ou 16 degrés parce qu'ils n'arrivaient pas à chauffer plus, parce qu'ils n'avaient pas les moyens. Alors nous, on s'est protégés du froid, on se protège avec la clim du chaud. On se protège de tout, de la nature, on se protège de la nature. Attendez, à un moment donné, il va falloir qu'on l'accepte cette nature, parce qu'on fait partie intégrante de la nature. Et moi, dans mes projets, c'est ce que je cherche, c'est de faire partie intégrante de cette nature. C'est ça qui peut, si tu fais les choses dans le bon sens, qui peut être complètement jouissif, qui peut être génial. Et c'est ça que j'essaye de transmettre et de partager. C'est ce bonheur qu'il y a. d'être dans la nature et d'être ce bloc de rocher parmi les rochers d'être voilà ce morceau de bois comme tu disais tout à l'heure c'est pas de la conquête alors que pour l'instant on est encore en train d'essayer de conquérir des phases des sommets des machins enfin certains pas tous heureusement on est encore en train de d'utiliser un hélicoptère pour réussir à faire un truc mais t'as pas besoin de réussir à faire ça va faire autre chose sans l'hélico tu vois ça sera tout aussi plaisant c'est ça, c'est essayer de reconnecter avec notre milieu et notre vraie nature parce que nous on est des êtres naturels dans les médias c'est ce qu'on appelle le changement de ligne éditoriale on change la forme on change le front, on change à qui on s'adresse on change comment on le fait c'est pour ça que c'est important de raconter notre histoire de l'alpinisme et de la montagne en règle générale et de notre rapport à notre activité là-haut et ça peut pas être juste ça peut pas être juste de la contemplation parce que encore une fois la contemplation c'est chouette mais il y a un filtre dans la contemplation c'est rentrer dedans c'est rentrer dedans et c'est pour ça que les refuges sont si importants et c'est aussi pour ça qu'ils sont précieux et qu'il faut garder le refuge, pas forcément comme à l'ancienne vachement rustique continuer à faire en sorte que les gens y aillent et continuer à faire en sorte que la société évolue et que maintenant moi je croise des gens ah s'il n'y a pas de douche ils ont du mal Mais même avec une douche, ça reste rustique parce qu'il y a une douche pour X mille personnes et ce n'est pas à l'hôtel. Tant que ce n'est pas des hôtels, je pense que ça restera quand même de toute façon des expériences pour la plupart des gens parce qu'ils n'ont pas l'habitude de la collectivité, du partage de repas, de tout ça. Donc, ce n'est pas parce qu'on introduit les douches en refuge que c'est forcément perdu. Pour ça, je suis optimiste.

  • Speaker #0

    C'est chouette de porter ce message. Je pense qu'il faut qu'on tende à ça, en tout cas. Je pense qu'il faut continuer à ouvrir la montagne, mais je pense qu'il faut faire de la pédagogie et de l'éducation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Pédagogie et éducation, et puis trouver les images et les mots pour que les gens aient un grand bonheur à aller dans ce milieu qui leur fait peur et qui peut potentiellement être dangereux s'ils font des bêtises là-haut. Mais arrêtez de surcommuniquer sur la difficulté et sur la dangerosité de ce milieu, parce que sinon on n'y arrivera jamais.

  • Speaker #0

    Au début de ce podcast, tu disais que quand tu étais plus jeune, tu avais peur de la mort en montagne. Comment est-ce que tu es passé outre ça ?

  • Speaker #1

    Ça s'est fait petit à petit, je pense que ça s'est fait petit à petit. Ce qui m'a vraiment changé, ma manière d'aborder la montagne, c'est cette... C'est suite au décès de mon grand frère au Pakistan, au G6 en 98. Donc moi j'étais avec mon ex-femme, j'étais maçon. J'ai encore continué à faire le maçon pendant quelques années. Puis après, quand je me suis lancé à essayer de devenir guide, la première chose que j'ai faite, c'est j'ai été voir mes parents et je leur ai demandé si je pouvais le faire. Parce qu'ils avaient déjà perdu un enfant en montagne. Je leur ai demandé la permission. Et à partir du moment où ils m'ont accordé cette permission d'aller vers le guide, je me suis dit, ok, moi, dans ma tête, je me suis dit, tu n'as pas le droit d'y rester. Et là, quand tu te mets ça dans la tête, tu l'abordes autrement la montagne. Parce que du coup, avec la peur que tu as, moi j'étais en apprentissage encore, je ne connaissais pas tout, loin de là, et puis je ne connais encore pas tout, heureusement, mais j'ai quand même beaucoup plus d'expérience qu'à l'époque. Et du coup, je ne connaissais pas tout, et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt. J'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, OK, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement, je crimpais avec une corde, je faisais des longueurs comme ça sur les falaises assurées, tu vois, mais tout seul. Ou bien avec des copains, mais je n'en avais pas beaucoup à l'époque. Et puis après, j'allais en montagne avec ma corde et puis je m'auto-assurais et puis je faisais quelques longueurs. Alors parfois, j'en faisais trois, les trois premières. Et puis après, la longueur était trop dure, donc je faisais demi-tour, je rentrais. parfois il faisait grand beau et puis je le sentais pas, j'étais pas en forme donc je faisais demi-tour aussi et j'ai appris en étant assez seul à cette époque là parce que j'avais pas le temps d'attendre que de créer des amitiés pour aller en montagne parce que j'avais pas beaucoup de sous et qu'il fallait que je fasse ma liste de course vraiment très vite donc j'ai appris à gérer ce truc de ok je vais mais dès que j'ai peur, hop j'arrête et Et petit à petit, tu prends en expérience. Donc, tu es de plus en plus... Enfin, comme... Simon Giraud, c'est un expert en neurosciences. Il était d'accord avec moi. Moi, je ne supporte pas l'expression il faut sortir de sa zone de confort Je ne le supporte pas parce que je me dis qu'en montagne, moi, c'est tout l'inverse. Je cherche ma zone de confort. Et lui, il a introduit... Je me suis dit ah tiens, ça, c'est intéressant En fait, ce que tu fais, c'est que tu essayes d'étendre ta zone de confort. Mais... il ne faut pas sortir. Parce que si tu sors de ta zone de confort en montagne, généralement, tu n'es pas bien. Tu n'es pas loin de mourir. Et moi, ce que j'ai fait pendant toutes ces années, c'est que j'ai augmenté ma zone de confort petit à petit avec l'apprentissage, en progressant au niveau du niveau technique. Et puis aussi, à force d'aller en montagne, tu apprends que tu peux aller jusque là. Ou ce qui me faisait peur hier ou il y a un mois, Et bien finalement, j'ai appris, j'ai lu, j'ai observé. Et puis petit à petit, tu vois, je me souviens très bien des premières fois où j'avais la frontale de nuit, où je partais de nuit. Mais j'ai fait demi-tour un paquet de fois. Ça fait flipper, quoi. Tu vois ? Et voilà.

  • Speaker #0

    Mais c'est important aussi, là, tu produis beaucoup d'images, beaucoup de contenus. Si pour l'image, tu te mets en danger... il faut pas et du coup il faut avoir l'expérience pour dire ok j'avais prévu de faire cette image aujourd'hui là ça craint, je me casse et tant pis et c'est important d'avoir cette expérience là parce que parfois on peut être poussé aussi et se dire en fait là il y a la caméra qui filme mais on peut pas faire demi-tour ouais mais moi moi la caméra,

  • Speaker #1

    ce que j'explique souvent les premières fois où j'ai pris la caméra c'est parce que je l'avais à la maison pour mes projets avec Didier et je la sortais pour mes pantraides pour avoir une trace C'était juste pour avoir une espèce d'archive. S'il y a quelqu'un qui me demandait comment elle était la pente, ou qui me demandait si je l'avais vraiment faite, j'étais là, regarde la vidéo. Et puis après, je me suis pris au jeu de l'image. De essayer de faire en sorte que l'image soit jolie, avec les moyens que j'ai. Parce que je n'ai pas envie d'investir trop de sous dans les caméras, 360 et machin. Et surtout, je n'ai pas l'ordinateur assez puissant pour traiter toutes ces images. Donc j'ai une vieille GoPro maintenant, un GoPro 7, tu vois, alors que je ne sais plus où on en est au niveau des GoPro. Et j'essaye de faire l'image la plus intéressante ou celle qui me fait, en tout cas, qui m'intéresse le plus possible, artistiquement, entre guillemets, parce que je ne suis pas un caméraman, et aussi pour donner cette sensation que je peux éprouver sur mes skis quand je suis en pente raide. Donc parfois, je la retourne complètement à 360. pour qu'on voit mieux mes pieds. Parce que si tu la mets dans un sens, tu vois moins bien les pieds que si tu la mets dans un autre. Parfois, je la mets verticale pour qu'on soit plus impressionné par la pente, etc. Donc, je m'amuse vraiment. L'image, pour moi, c'est un prétexte à... Déjà, un truc pour montrer que c'est une archive. Et puis, c'est une manière de m'amuser derrière, à essayer de créer, à mettre de la musique. Parfois, ça m'arrive d'écouter une musique enfin d'entendre une musique et de me dire ah ouais là il y aurait peut-être ces images là qui iraient bien je vais aller faire ce truc là parce que je trouve que la musique irait bien et puis voilà donc tu parles de l'archive c'est hyper important c'est un espèce de devoir de mémoire de la montagne on

  • Speaker #0

    a beaucoup de carnets d'aventure pour moi c'est aussi important qu'un film t'écris beaucoup ?

  • Speaker #1

    Alors non, enfin si, sur mes réseaux j'écris, voilà. En ce moment j'écris plus sur mes réseaux que vraiment dans l'optique de refaire un bouquin. Ouais, ça me permet de partager des idées. Après j'ai toujours écrit, alors pas beaucoup non, j'ai toujours écrit depuis que j'ai 17 ans, mais voilà, ça m'arrive parfois de me réveiller dans la nuit avec des trucs en tête et je les écris. c'est comme ça que j'écris après j'ai envie d'écrire un deuxième bouquin mais j'ai beaucoup de mal à enfin non j'ai envie déjà de digérer bien le premier que j'ai écrit, vraiment de le digérer pour réussir à écrire un autre livre et pas refaire un livre que j'ai déjà écrit donc il faut que je trouve les manières de faire ça c'est dur parce que tu vois par exemple moi quand j'ai regardé tout ce qui existait sur toi comme production je me suis dit mais comment je vais faire quelque chose de différent

  • Speaker #0

    du coup je me reconnais dans ce que tu dis là j'ai une dernière question pour toi quelle est la question qu'un journaliste ne t'a jamais posée que tu aimerais qu'on te pose ?

  • Speaker #1

    ouais ouais mais là il faut que j'y réfléchisse 5 minutes il faut que j'y réfléchisse 5 minutes la question qu'on m'a jamais posée que j'aimerais qu'on me pose Ouais, c'est une question qu'on m'a pas posée. J'ai déjà donné la réponse, mais on m'a jamais posé la question. C'est comment j'aimerais mourir ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très particulier, mais donc je vais te la poser. Comment est-ce que tu aimerais mourir ?

  • Speaker #1

    J'aimerais mourir entouré de mes proches. Voilà, et clairement pas en montagne. Voilà, c'est la réponse que j'avais envie de donner. Et je trouve que c'est quelque chose qui est marquant pour moi parce que j'ai déjà eu des réponses complètement contraires de la part de très proches. Et je trouve que c'est, dans le sens du partage, ce que moi je dis souvent à des jeunes qui viennent me voir ou à des copains, je dis mais en fait... l'important dans ce que tu as envie de faire en montagne, c'est d'abord ce qui se passe en dehors de la montagne. C'est ta vie. Fais-toi une belle vie, que ce soit une vie de famille ou une vie tout seul. Je n'ai rien contre quelqu'un de seul. Mais fais-toi une belle vie avec des bons potes, où tu as envie de rentrer. Et que la montagne, que ce soit un lieu de passage, parce que c'est un lieu de passage. On n'y passe en montagne, on n'y reste jamais. Il faut que ce soit un lieu de passage et pas un lieu pour rester. et si tu te fais une belle vie je pense que tu peux faire longtemps et apprécier longtemps la montagne merci beaucoup

  • Speaker #0

    Paul d'avoir été dans le camp de base de rien, merci à toi et puis un bon film ce soir je pense que c'est assez grisant de présenter son travail et le travail qu'il nous a tenu pendant un petit moment ouais c'est pas moi qui ai bossé dessus,

  • Speaker #1

    c'est Justin et Romain et à vrai dire je suis pas à l'aise avec ce film là parce que je parle beaucoup et on voit beaucoup ma tête et à chaque fois je me dis j'en ai marre de ma tête j'en ai vraiment marre c'est pas que je l'aime pas ce film c'est juste que je suis trop dedans Je pense que les retours que j'en ai sont plutôt... Alors, ce n'est pas un film exceptionnel, c'est un bon film, les gens apprécient. Mais moi, je n'arrive pas à l'apprécier parce que j'ai l'impression qu'il n'y a que ma tronche tout le temps, en permanence, et j'ai beaucoup de mal avec ça.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on deal avec la notoriété comme ça, quand on n'a pas envie de dealer avec la notoriété ?

  • Speaker #1

    En essayant d'être le plus naturel possible. Surtout pas se prendre la tête, se prendre le chou trop. Ça m'arrive de me prendre vraiment le chou, à me dire Ah merde, j'aurais pas dû faire ça, j'aurais pas dû dire ça. Ça m'arrive. Et après, je relativise, je pose un peu les réseaux pendant une ou deux semaines. Et puis, je me recentre sur moi, ma vie de famille. mes proches, mes amis, etc. Et puis, derrière, ça va mieux. Il faut faire des pauses.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Le camp de base épisode 27, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci de nous avoir écoutés. Si vous l'avez aimé, vous pouvez m'envoyer un mot d'amour et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify, ou envisager de partager l'épisode à votre entourage. Ça ne vous engage à rien, mais ça m'aide grandement à faire découvrir le podcast. Le prochain épisode sera diffusé lundi prochain. Et pour suivre nos actualités d'ici là, retrouvez-moi sur Instagram et LinkedIn. Pour aller plus loin, c'est sur www.candebase-podcast.com que ça se passe. A très vite dans le camp de base. Au contre, au sommet.

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Description

dernièrement, Paul Bonhomme a bouclé la Grande traversée du Jura en quatre jours : redécouvrez son portrait


Guide de haute montagne, Paul Bonhomme s’illustre en trail, ski de pente raide ou encore en alpinisme. Dans les différentes interviews qu’il a donné, les médias lui pose systématiquement la question du corps, de la difficulté, de la performance.

Mais qu’est-ce qui fait courir Paul Bonhomme ?


Au-delà de la performance, dont il se sert pour avoir plus d’écho, Paul est un ambassadeur de la curiosité, un esthète des odeurs qui peuplent nos paysages de montagne. Une rencontre au sommet, enregistrée dans le cadre des Rencontres Ciné Montagne 2022 ! :)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    je ne connaissais pas tout et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt, j'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, ok, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement.

  • Speaker #1

    Le camp de base. Rencontre au sommet. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce 27e épisode du camp de base, le podcast des rencontres au sommet. Je vous emmène aujourd'hui en Haute-Savoie auprès d'un personnage que vous devez bien connaître si vous suivez les actualités de la montagne. C'est Paul Bonhomme. A 46 ans, ce guide de haute montagne qui a grandi en banlieue parisienne enchaîne les défis en trail, panterelle et alpinisme. Mais bien loin de moi l'idée de vouloir l'interroger sur la performance. Avec Paul, on parle de montagne sensible, de l'odeur de la rosée, mais aussi celle de la bouse de vache. Retour sur une expérience et une superbe rencontre. Bonne écoute ! Bonjour Paul.

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir accepté cette interview pour le camp de base. Alors première question, qui est une question fil rouge dans tous les épisodes du camp de base. Il est où toi ton camp de base et il est composé de quoi ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il est à Cercier, en Haute-Savoie, entre Annecy et Genève, dans la campagne ancienne. J'appelle ça la basse Haute-Savoie, dans les collines. Donc il est composé de collines, de pommiers, d'agriculteurs, de frontaliers, de ma chérie et de mes deux enfants que j'ai avec ma chérie actuelle, parce que mes deux grandes sont ailleurs. et voilà un petit cocon quoi, sympathique pour moi c'est un cocon, pour ma chérie c'est un peu plus dur parce qu'elle fait du télétravail donc pour elle c'est un bureau aussi et moi pas du tout c'est vraiment un endroit où je suis loin des montagnes enfin loin, je suis pas si loin mais je les vois pas, je suis pas complètement dans le milieu donc du coup j'arrive vraiment à me poser et à penser un peu à d'autres trucs quoi

  • Speaker #1

    Il ressemble à quoi les paysages dans lesquels tu habites justement pour les auditeurs et auditrices qui ne connaîtraient pas la Haute-Savoie ?

  • Speaker #0

    C'est de la colline, c'est vraiment de la colline, alors de la colline qui culmine à le Salève, c'est 1003, donc c'est quand même un peu haut quand même, mais c'est de la haute colline, mais voilà, c'est vraiment collinéen, c'est vraiment des collines comme ça, tranquilles, c'est assez paisible.

  • Speaker #1

    Donc, tu es guide de haute montagne, tu es passé par plusieurs métiers de la montagne. Aujourd'hui, tu as 47 ans. Est-ce que tu peux nous raconter peut-être ton histoire ? D'abord, tu as grandi où et qu'est-ce que tu as fait avant la montagne ?

  • Speaker #0

    Je vais essayer d'être pas trop long parce que mon histoire, comme j'ai 47 ans, elle est forcément un peu longue. Je suis né en Belgique, mes deux parents sont néerlandais, donc moi comme je suis né en Belgique, deux parents néerlandais, je suis néerlandais aussi, jusqu'à mes 4 ans, après on a déménagé en banlieue parisienne pour le travail de mon père, à Pontoise, dans le 9-5, et c'est là où j'ai vécu toute mon enfance en fait, jusqu'à mes 18-19 ans, à Pontoise, banlieue parisienne. Vers mes 18-19 ans, mon grand frère avait quitté ses études pour essayer d'être moniteur de ski et accompagnateur. en moyenne montagne et moi j'ai fait deux mois de droit et puis deux mois et puis là j'ai les copains et les copines qui me disaient mais qu'est-ce que tu fous là quoi arrête t'as qu'une seule envie c'est d'aller en montagne donc va en montagne suis ton grand frère et donc c'est ce que j'ai fait jusqu'à j'avais 18 ans donc je suis parti j'ai fait 19 ans à 19 ans j'ai rencontré mon ex-femme Je suis revenu en banlieue parisienne. pour travailler, parce que je ne m'en sortais pas. J'ai raté quatre fois le test technique pour être moniteur de ski. L'accompagnateur, c'était bien, mais ce n'était pas non plus dément pour moi. Et puis, j'étais amoureux, donc j'ai essayé autre chose. J'ai essayé d'être éducateur spécialisé. Je n'ai pas réussi. Jusqu'à mes 20 ans, 21 ans, deux ans encore en banlieue. Puis après, on est revenu en montagne. Mais là, avec complètement autre chose, j'ai fait maçon. Je travaillais sur des chantiers. Et puis là, mon grand frère a décédé. Et puis après, ça a commencé à moins bien se passer avec mon ex-femme. et c'est sur une idée à elle un jour qui me dit comme ça ne se passait pas très bien elle me dit pourquoi tu ne fais pas guide de haute montagne en gros pourquoi tu ne me lâches pas la grappe et moi je me suis dit bah ouais ce serait bien en fait que j'aille un peu plus en montagne alors je lui ai demandé, je lui ai dit mais tu sais ce que ça veut dire ça veut dire qu'on ne se voit plus quoi parce que pour être guide je vais vraiment y aller à fond elle m'a dit d'accord et c'est comme ça que j'ai commencé enfin j'ai fini ma liste de course Et après, on s'est séparés avec mon ex-femme une première fois. J'ai passé mon guide, on s'est remis ensemble. On a eu nos deux enfants, mes deux grandes. Et puis après, on s'est vraiment séparés. Et puis depuis maintenant 2005, j'ai croisé mon... ma compagnie actuelle, ma chérie, ma femme actuelle. Et là, on est ensemble depuis 2005.

  • Speaker #1

    Ok. Est-ce que vous vous rappelez la première fois où vous voyiez la montagne ? Parce que vous avez effectivement grandi en Belgique, puis en banlieue parisienne.

  • Speaker #0

    Je pense que je ne me souviens pas de la première fois où j'ai vu la montagne. Je me souviens par contre... Je me souviens d'être dans la voiture, parce que souvent on partait le soir vers 21h. Mes parents faisaient la route de nuit avec les quatre gosses derrière. Et on arrivait dans les montagnes le matin. Et du coup, moi je dormais, parce que c'était après la classe. Et je dormais toute la nuit. Et puis quand je me réveillais, je voyais les montagnes. Et puis ça dépendait des fois, mais il n'y avait pas tout le temps de la neige, donc je surveillais les abords de la route pour voir quand la neige allait arriver, c'était pour l'hiver. Et puis dès que je voyais la neige, j'étais comme un dingue, donc j'étais le nez collé à la vitre. Et ma mère, parce que moi je ne m'en souviens pas, mais ma mère me disait, à chaque fois tu étais là et tu regardais, et puis tu faisais grosse montagne, grosse montagne, grosse montagne.

  • Speaker #1

    Donc c'est déjà des bons souvenirs depuis le genèse.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Les montagnes, ça a vraiment été très vite quelque chose de très particulier pour moi parce que je pense que j'adorais la nature en règle générale, très attiré par la nature. Quand tu vis dans la banlieue parisienne, c'est sûr que tu n'as pas beaucoup de nature autour de toi. Donc c'était un peu ça. Et les montagnes, c'était la quintessence de la nature pour moi.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu avais déjà des gens que tu disais j'ai envie de faire comme eux, notamment par les films d'expédition ramenée ? Est-ce que tu en regardais ou pas du tout ?

  • Speaker #0

    Non, comme je dis souvent, j'ai quasiment pas fini un seul bouquin de montagne, parce que ça me faisait peur dès qu'ils commençaient à parler de mort et de crevasses et de machins. Je n'arrivais plus à lire et j'avais très très peur de la haute montagne quand j'étais jeune, à une période vers mes 8-9 ans. Je me cherchais au niveau des sports. J'avais fait beaucoup de natation jusqu'à 9 ans. Puis après, j'ai essayé de tennis, mais ça ne me plaisait pas. J'ai essayé d'autres sports et ça ne me plaisait pas trop. Et mes parents ont trouvé un club d'escalade. Alors les clubs d'escalade, dans les années fin 80, c'était des bouts de parpaings avec des prises collées, des prises en bois, quelques prises déjà en résine, mais il n'y en avait pas beaucoup. Et l'idée des clubs d'escalade à l'époque était complètement hors compétition, il n'y avait pas de compétition encore, ou très très peu. Donc on faisait de l'escalade pour aller après en falaise, pour aller en nature après. Et donc ça, ça m'a plu. Et donc j'ai attaqué à vraiment me mettre dans la montagne par plutôt les références que j'ai, c'est Patrick et Linger, forcément. C'était, je pense, le premier avec François Legrand, qui allait après un peu plus tard parce qu'il aillait. commencé à gagner des compétitions et j'admirais un peu son style et donc voilà des gens comme ça c'était donc par l'escalade que j'ai attaqué vraiment à m'intéresser à la montagne Et qu'est-ce qui te faisait rêver justement dans le style de ces deux personnes ? C'était le mouvement, la fluidité, le geste. Et c'était le geste en nature, sur un rocher, sur des beaux paysages derrière. Il y avait Stéphane Glovax aussi. Mon grand frère m'avait offert un bouquin qui s'appelait Rocks Around the World C'était Stéphane Glovax qui avait fait tout le tour du monde. Et tu voyais les falaises ocres au Japon, aux États-Unis. Moi, j'avais qu'une envie, c'était de faire ça.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que ça a vraiment un long contre de la performance, cette idée de fluidité, c'est ce qu'on note jamais. On en parlait avec Gaëtan justement, où il me disait qu'en ski on note toujours la descente, jamais la montée, on note jamais l'art. La fluidité dans le mouvement, on note toujours la performance, est-ce que ça va être long, est-ce que ça va être compliqué, combien il y a de dénivelé en chiffres ? Donc tu étais déjà là-dedans, c'est plutôt l'art de montagne par l'escalade.

  • Speaker #0

    Oui, au tout début, clairement, parce qu'il n'y avait pas de compétition, ou très peu, donc la compétition est arrivée après. Après, je me suis pris au jeu de la compétition et c'est vrai qu'à 16 ans, j'avais envie d'être champion du monde d'escalade. moi j'avais pas du tout les qualités nécessaires mais voilà et puis c'était l'âge aussi c'est l'âge où t'as envie de te confronter aux autres, te prouver des choses etc donc voilà mais c'est vrai qu'au début non pas du tout, au début ce qui m'attirait c'était la nature, c'était les odeurs j'y repense encore maintenant et c'est même pas que j'y repense c'est que tu vois sur mon projet de l'été dernier sur la farandole des écrins pourquoi j'ai eu envie de la farandole c'est à cause des odeurs principalement parce que j'avais envie de ressentir les odeurs de mélèze, les odeurs de rosée sur l'herbe, les odeurs de bouches de vache ou de crottes de mouton. J'avais envie de ces odeurs et de les ressentir vraiment jusqu'à... Parce qu'on les sent d'autant plus qu'on est fatigué. Donc, quand on est fatigué, tu ressens ces odeurs-là. Et ça me rappelle mon enfance et c'est ça qui fait le cercle, en fait, qui fait que j'ai toujours envie d'aller en montagne. C'est pas du tout l'altitude, c'est les impressions, les sensations que j'ai pu vivre quand j'étais jeune.

  • Speaker #1

    C'est marrant cette approche par le nez, je ne l'avais encore jamais entendue. On m'a parlé des sons de la montagne, on m'a parlé de la beauté du paysage, mais jamais du sens que peut être le nez et les odeurs. Alors, qu'est-ce qu'on entend, qu'est-ce qu'on sent en montagne qui est particulier ?

  • Speaker #0

    Mais tout, tout. Non, non, mais c'est assez incroyable. Jusqu'à, tu vois, ça m'arrive encore parfois dans des refuges ou des... Quand je rentre dans un refuge, je sens l'odeur du pain qui n'est pas encore tout à fait sec. Et donc ça a une odeur particulière. Ou bien quand je mets un vêtement, quand je mets une fringue que je n'ai pas vraiment lavée et qui a pris la neige, elle a une odeur particulière la fringue. Et c'est les mêmes odeurs que celles que je ressentais quand j'étais gosse. Et voilà, il y en a plein. Il y en a plein. L'odeur quand tu graisses tes chaussures en cuir, si tu as des chaussures en cuir. Il y en a plein, c'est partout en fait, c'est tout le temps. Je parle souvent de la neige, la neige tu la sens avant qu'elle tombe. Moi j'arrive à sentir l'odeur, enfin je pense que je ne suis pas le seul, j'arrive à sentir l'odeur de la neige avant qu'elle tombe. Je me dis, là ça sent la neige là. Et généralement on ne se loupe pas, personne ne se loupe quand on se dit ça sent la neige parce qu'il y a une atmosphère, une odeur spéciale.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est aussi une manière d'être parce que je me rappelle que mon père quand il était petit avec ma soeur il nous disait, mais vous sentez la neige ou quoi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, c'est exactement ça et du coup il y en a de partout de ces odeurs-là, il y en a une que je recherche en permanence surtout quand je cours, c'est l'odeur du pain l'odeur de la sève de pain qui monte au printemps elle est terrible celle-là elle me fait complètement chavirer et puis ça dure très peu de temps trois semaines,

  • Speaker #1

    même deux semaines Oui

  • Speaker #0

    Ah tu passes à autre chose c'est ça,

  • Speaker #1

    c'est un cycle d'odeurs qui est hyper intéressant tu me disais tout à l'heure hors antenne avant qu'on commence cette interview que t'avais pas toujours eu envie d'être sur les réseaux sociaux que c'était assez nouveau pour toi c'est depuis 5 ou 6 ans qu'est-ce qui t'a fait passer le cap ?

  • Speaker #0

    C'est très simple. Avec un copain, Didier Angelot, guide de haute montagne, on grimpe souvent ensemble. C'est un copain voisin qui n'habite pas loin. Et on regardait un peu ce qui se passait justement au niveau médiatique sur la planète montagne. Et c'était une époque où il y avait encore Wadishtek qui était encore en vie, où il y avait Kylian Jornet qui faisait ses records sur l'Everest. Et on était là, on se disait... Ah ouais, c'est chouette, c'est bien au niveau de la perf, mais on ne parle que de performance dans ce que les gens font en montagne. Et nous, on était là un peu décalés en se disant, mais nous, ce n'est pas ce qui nous a donné envie d'aller en montagne. Et du coup, on s'est dit, tiens, si on essayait de monter des projets, donc ensemble, au début, c'était avec Didier, pour parler d'autre chose que de la performance pure, essayer de raconter des histoires. Alors, la première idée qu'on a eue, c'était un hommage à Umberto Flemmati. qui est toujours en vie, c'est le collègue, le copain de René Desmesons. avec lequel il a fait beaucoup de choses. Et il a ouvert des voies, il était pyrénéen, il est toujours d'ailleurs pyrénéen, Umberto Flemmati, et dans les Balaïtus, il a ouvert des voies en artificiel à l'époque, parce qu'ils n'avaient pas les chaussons, etc. Et donc la première idée, c'était d'essayer de libérer les voies qu'il avait ouvertes autour du Balaïtus avec Didier. Et c'est le premier projet vraiment qui a lancé un peu, et où on s'est dit, on va faire de l'image, on va faire un film, et d'ailleurs on a fait un film. Il est pourri le film. Il y a des copains réalisateurs qui ont bien rattrapé nos images, mais nos images bougent dans tous les sens. Donc, il n'est pas très regardable sur grand écran. C'est Le Voyage d'Umberto. Ça s'appelle. On peut le trouver sur Internet. Et voilà, c'est un peu comme ça qu'on a commencé. Après, on a fait Annecy Chamonix avec les skis, avec Didier. On a essayé de faire une ultra traversée du Viso. On a fait... des projets ensemble et puis moi de mon côté je continuais parce que j'avais un peu plus de dispo que lui, je faisais mes projets aussi en parallèle et c'est comme ça que j'ai attaqué à me remettre à vraiment intégrer les réseaux et à essayer de faire en sorte que ces histoires qu'on essayait de raconter aient de l'écho que le partager au plus grand monde

  • Speaker #1

    Quand tu partages un post quand tu partages un article j'ai vu qu'il y en avait quelques-uns sur Alpine Mag Qu'est-ce que tu veux produire chez les gens, toi ?

  • Speaker #0

    Pas mal de choses. La première des choses, c'est de la curiosité. Essayer que les gens soient curieux de ce qui les entoure. Et surtout en montagne, de ne pas être juste... justement, on ne peut pas être juste les yeux rivés sur la montre ou sur le nombre de dénivelés et essayer de se dire, ah bah tiens, ouais, l'autre là, celui qui est sur les réseaux sociaux, qui s'appelle Paul Bonhomme, il a fait une traversée, qu'est-ce qu'il a voulu faire par là ? Ou bien, quand j'ouvre des lignes en pantraide, c'est... mais attends ça ressemble à rien pourquoi il a ouvert un truc entre les rochers, entre les cailloux et voilà, susciter de la curiosité sur des choses qui sortent justement de la pure performance alors parfois j'utilise aussi la performance pour avoir plus d'écho donc ça fait partie peut-être des projets de temps en temps mais je veux amener les gens vers autre chose et parfois ça marche pas très bien parce qu'on va parler que de la performance dans les médias ou même moi sur les réseaux je suis maladroit parce que j'ai pas de chargé de com donc je suis pas forcément très bon non plus et parfois je tape à côté et je dis ah zut merde c'est

  • Speaker #1

    pas ça que je voulais dire c'est marrant parce que j'étais donc rencontre là toute la semaine et il y a au milieu du public à un donné où j'ai entendu deux personnes qui parlaient et le premier disait à l'autre oh T'as vu samedi soir il y a Paul Bollum, oh la la mais c'est incroyable là le ski de Pantraide mais moi franchement ça me donne des frissons et tout donc je pense que c'est plutôt réussi finalement dans ce que tu produis chez les gens. Et la deuxième chose, c'est cette question de la performance. Effectivement, c'est ce que je te disais avant de commencer l'enregistrement. Je trouve que les médias, parce qu'ils ont peu de temps sur leur antenne, ils te posent beaucoup la question de la performance. Et moi, la question que je me suis posée ce matin en préparant l'interview, c'est pourquoi toi tu te lèves le matin ?

  • Speaker #0

    Moi, je me lève le matin, on va reparler des odeurs, je me lève le matin pour aller chercher les odeurs de mon enfance. Non, mais clairement, je m'en suis rendu compte il n'y a pas si longtemps que ça. Mais clairement, c'est retrouver cette ambiance qui a pu m'envelopper. Et je la retrouve. Et c'est ça qui est chouette. parce que je la retrouverais pas ça serait frustrant mais je la retrouve je la retrouve dans les pantraides parce qu'il y a l'odeur de la neige surtout quand elle prend un peu le soleil c'est super et puis parce que je mets mes pantalons de ski mais je la retrouve aussi en marchant tout simplement donc j'ai pas besoin forcément d'aller faire la performance donc moi ce qui me fait lever c'est me dire tiens je vais passer un bon moment en montagne et ça ça c'est quand je vais sur mes projets après quand je m'entraîne c'est un peu plus compliqué parce que l'entraînement c'est pour moi de plus en plus c'est des boucles autour de la maison pour éviter d'avoir d'utiliser trop la voiture et du coup parfois t'as pas du tout envie de refaire la même boucle que t'as déjà fait une centaine de fois et du coup là c'est autre chose c'est la perspective du projet au final qui me fait me lever qui fait que je vais m'entraîner et je vais m'entraîner pourquoi ? parce que je sais que j'ai encore envie d'explorer mon corps et puis j'ai envie de l'amener dans des recoins qui vont me permettre De nouveau, de ressentir tout ce que j'ai pu ressentir quand j'étais gosse, quand j'en bavais, quand je montais et que je n'avais pas envie de monter, et que ce qui me frappait, c'était encore une fois les odeurs, les couleurs, les lumières, etc. Donc voilà, c'est ça que je vais chercher.

  • Speaker #1

    Cet été, tu es parti pour la farandole des écrins. Tu as traversé tous les écrins et il y a quelque chose que tu as dit dans les médias, c'était la question des refuges et des gardiens de refuge. Pourquoi est-ce que c'était important pour toi de parler de ces personnes ?

  • Speaker #0

    Alors pour être tout à fait honnête, l'idée de cette farandole, elle m'est venue après l'hiver 2021, où j'ai ouvert dix nouvelles lignes de Pantraide à travers les Alpes. Et après ce projet des dilly que j'ai réussi, donc j'ai réussi à les faire ces dilly pendant une saison, du coup j'ai communiqué autour, j'ai partagé, et j'étais là, il y avait quelque chose qui me manquait. Je me disais, ouais c'est chouette, mais c'est trop loin, c'est trop loin des gens, c'est trop extrême, même si je ne parle pas d'extrême quand je fais mes pantraines, mais c'est trop... C'est trop loin de ce que les gens peuvent vivre quand ils vont en montagne par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est corrélé de ce que le commun des mortels peut faire finalement.

  • Speaker #0

    Je me suis dit, zut, mon projet, je me suis éclaté à le faire. Je suis très content et j'étais très fier. Mais moi, par ce projet-là, je voulais parler de création. Je voulais parler d'imagination, de création, de curiosité et puis d'implication au niveau des... c'est le film qui va être aux rencontres là ce soir toute la préparation etc c'est ça qui m'a aussi plu dans ce projet là mais ça tapait un peu à côté au niveau du partage médiatique même si je trouve que les articles étaient plutôt bien mais je trouvais que j'avais pas été assez dans quelque chose qui puisse être compris et abordé par les gens qui vont en montagne du coup j'ai pensé, je me souviens très bien parce que c'était en discutant avec ma mère un soir, je me suis dit ah j'ai envie d'un truc plus simple et Pourquoi pas essayer de faire tous ces refuges ? Et que le but du jeu, le but, ce soit plus du tout les sommets, mais que ça soit les refuges, le but. Et ça change complètement la manière de voir la montagne. C'est-à-dire qu'au lieu que ça soit le haut, l'objectif, l'objectif, il est en bas. Et du coup, comment on fait pour relier tous ces refuges ? avec un petit challenge de temps pour que ça soit suffisamment intéressant pour moi, pour le vivre, et puis aussi impliquant. Ce n'est pas l'idée d'essayer de mettre un temps, de mettre six jours ou moins de six jours sur cette farandole. Ce n'est pas du tout l'idée de faire un record. Ce n'est pas du tout ça. C'est juste que si tu ne mets pas ce temps-là et que tu fais juste tout ça en marchant, tu ne vas pas vivre la même histoire. Tu vas en vivre une super sympa, mais pas forcément la même. Si tu te dis, je vais essayer de faire ça avec mon matos sur le dos, donc un sac de 8 à 10 kg, et puis le plus vite possible. ça veut dire qu'il faut te préparer, donc il faut s'entraîner physiquement, il faut optimiser le matériel, donc se prendre la tête avec le sac, le poids du sac, etc. Donc comme en XP en fait. Après, il faut voir les conditions et puis après, il faut, sur place, quand on le fait, il faut sortir un peu les doigts. Pour moi, c'est beaucoup plus impliquant et du coup, tu rentres vraiment Dans ce que tu es en train de faire, beaucoup plus. Tu es beaucoup moins dans de la, ce que j'aime aussi énormément, dans de la balade où tu laisses ton esprit divaguer et où tu peux penser à ta vie de tous les jours en te baladant, etc. Là, tu es à ce que tu fais, tu es obligé d'être à ce que tu fais. Et ça, j'aime bien.

  • Speaker #1

    Il n'y a plus d'aspect méditatif,

  • Speaker #0

    quoi. Voilà, il n'y a plus d'aspect méditatif. Ce que j'adore en montagne, c'est les moments où tu te sens... en montagne, tu te sens faire partie de la montagne, comme le chamois, comme le bouctin, comme la gentiane. Et là, sur la farandole, il y a eu surtout sur la faim, tu commences à être... Moi, je parle... L'impression que ça m'a donnée, c'est la densité. J'avais l'impression de prendre en densité. C'est-à-dire que tu deviens bout de bois, tu deviens, je ne sais pas... Rocher. Rocher, mais... Tu es... Tu sais comme les vieux montagnards, avec le cuir tanné, etc. Tu as la peau, c'est pareil, toi tu es tanné, tu as les pieds qui sont complètement tannés, tu as des coups de soleil de partout, tu n'arrives plus trop à toucher tes doigts de pieds, parce que tu es tout plein de crampes. Et ça, j'aime beaucoup cette sensation-là. Qu'est-ce que tu vas faire quand tu te lèves ? Je vais d'un point A à un point B, comme le bouquetin, comme le chamois, comme... pas plus, pas moins et c'est plus on s'en fiche s'il y a des sommets au passage. Je vais d'un point A à un point B, je me déplace, c'est tout ce que je fais.

  • Speaker #1

    Et on se met un peu à l'épreuve de la montagne pour en faire partie.

  • Speaker #0

    Voilà. Et oui, on est obligé de la respecter énormément quand on fait ça. Parce que comme on est crevé, on est vraiment fatigué, on est obligé d'être complètement à ce qu'on fait. Ou bien on arrête le projet. tu t'arrêtes et à ce moment-là tu rentres chez toi c'est possible aussi mais quand t'arrives à aller au bout de ta boucle c'est quand même assez extraordinaire et ça n'a rien à voir avec la performance rien à voir t'as

  • Speaker #1

    rencontré énormément de gardiens et de gardiennes de refuge pendant cette farandelle bah ouais qu'est-ce que ça représente pour toi la figure du gardien ? De refuge ?

  • Speaker #0

    Un ami, un ami, un ou une amie. Moi, ce que je trouve extraordinaire avec ces personnages, c'est cette capacité qu'ils ont d'accueillir de manière indéterminée qui que ce soit qui arrive dans leur refuge, chez eux. Ils vont, pas tous, il y en a qui sont bougons ou quoi, mais même s'ils sont bougons, ils vont accueillir tout le monde. de la même façon. Et il n'y a pas de jugement. S'il y a des jugements, ils les gardent pour eux, quand tu vas faire la vaisselle le soir, parfois. Mais sinon, non, il n'y a pas de... Voilà, ils vont accueillir tout le monde. Et ça, je trouve ça incroyable. Je trouve ça incroyable. Que tu sois un très fort alpiniste ou que tu sois le randonneur qui commence, qui découvre la montagne, ils vont t'accueillir pareil. Ils vont te donner un lit, ils vont te faire à manger pareil. Tu ne vas pas avoir de... Et c'est génial pour ça. Tu vois, il n'y a pas de... Ce n'est pas comme si tu allais au restaurant où tu as plusieurs menus ou des vins plus ou moins chers. Non, là, tu vas... Tout le monde a le même repas. Bam, bam. Tout le monde est sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de... La différence sociale, on est dans un lieu où il y a une neutralité qui fait du bien, qui fait vachement de bien. Surtout quand les gardiens font bien leur boulot et je trouve qu'ils le font de mieux en mieux. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #1

    Même s'il y a aussi une souffrance parfois de la part des gardiens de refuge sur les attentes du public.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    On en parlait avec Mélanie. des cosmiques ?

  • Speaker #0

    clairement parce qu'il y a une déconnexion et c'est vachement dur l'équilibre c'est aussi pour ça que je fais mes projets c'est aussi pour ça que je fais la farandole ou des choses comme ça qui essayent de recentrer sur la montagne simple, la montagne pas forcément pure mais la montagne brute, la nature et il y a Dans notre société, l'homme, et c'est pas nouveau, c'est pas moi qui... J'apporte rien de nouveau là-dedans, mais il y a une décorrélation entre l'homme occidental et la nature de plus en plus. Et surtout, encore plus avec les réseaux, encore plus avec les écrans. Aller en forêt, aller se balader en forêt, c'est déjà quelque chose d'incroyable. Aller se balader en forêt de nuit, il n'y a plus personne qui le fait. Alors que moi, quand j'étais gosse, on y allait avec les parents. Ça faisait partie de l'apprentissage de la nature. et du coup quand les gens arrivent dans ces lieux de nature que sont les refuges, parce que ce sont des lieux de nature avant tout ils sont paumés parce qu'ils n'ont plus le confort auquel ils sont habitués et du coup le gardien il est là et il dit ok bon il ne faut pas que je sois trop rude avec eux mais il faut quand même que je leur explique qu'ici c'est rude et ouais donc c'est pas évident du tout mais ça... Je pense qu'en tant qu'athlète, en tant que guide et en tant qu'athlète, on a une responsabilité de montrer la réalité de la chose. Ce n'est pas que je prends mes skis, j'arrive en haut d'une montagne et puis regardez mes beaux virages. Non, tu as fait quoi avant ? Comme dit Gaët, tu es monté, tu as mis tes peaux de phoque, tu t'es entraîné, tu es passé par la case refuge, j'espère. Et si t'as pris l'hélico, montre que t'as pris l'hélico et dis clairement que tout le monde ne peut pas faire ça parce que ça coûte un bras et puis en plus c'est pas souhaitable parce que ça bousille la planète. Donc oui, dire clairement les choses, dire clairement ce qu'on fait sans zapper la partie refuge, sans zapper la partie bivouac, sans zapper l'aspect rustique de ce qu'on est en train de faire, c'est vachement important. Ça peut pas être que de la belle image de la montagne.

  • Speaker #1

    Ce que tu viens de nous dire, ça me fait beaucoup penser aux études de Stéphane Labranche. Il y a un chercheur canadien qui s'installe à Grenoble qui est, me semble-t-il, associé au laboratoire Pacte, qui est sous tutelle du CNRS, de Sciences Po et de l'IUGA à Grenoble. Oui, justement, il met en perspective cette relation entre l'humain et la nature. Ça me fait penser à la chose suivante. Vous êtes, sans le vouloir ou peut-être sans en avoir conscience, je ne sais pas, des sportifs de haut niveau comme ça. En montagne, des sociologues du milieu...

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as envie de travailler avec des chercheurs et de prendre des positions peut-être un peu plus clivantes et un peu plus politiques ? Est-ce que c'est quelque chose que tu envisages, même si tu le fais déjà un peu ?

  • Speaker #1

    Oui, j'y vais doucement parce que déjà, je ne me sens pas... Il y a beaucoup, surtout depuis la farandole, il y a beaucoup de gens qui disent que je suis écolo. Le retour que j'ai de personnes, ils disent... Enfin voilà... alors que pas du tout, moi je me sens pas du tout écolo c'est marrant c'est parce que t'as fait tout ce chemin à pied que les gens se disent ah bah du coup ils vont créer une autre manière je sais pas pourquoi mais j'ai cette casquette et puis c'est pas que depuis la farandole aussi mais ça fait quand même quelques années que j'essaye de recentrer mon activité amateur dans les Alpes et de plus partir en expédition à la base c'était un souci de décalage plutôt sociétal c'est à dire que je me sentais mal à l'aise de communiquer sur mes exploits entre guillemets à l'autre bout de la planète, alors que les gens qui vivaient là, eux ils ne comprennent pas du tout ce que je fais, et puis surtout eux ils gagnent très peu quand moi j'y vais, même si je les paye à m'aider, ils gagnent quand même beaucoup moins que moi le retour que j'ai si je réussis à faire mon exploit. Et donc j'étais mal à l'aise avec ça, avec ce que j'allais chercher pour moi, donc purement égoïstement, et ce que les gens vivaient sur place, qui, eux, étaient plutôt dans le sens Là, toi, tu me files des sous pour que moi, je puisse le redistribuer à toute ma famille parce qu'ils ont besoin de soins, ils ont besoin d'aller faire des études, etc. Et puis, petit à petit, je me suis aussi dit En plus, ce qui est pas mal, c'est que je bousille un peu moins la planète. Donc, le souci de moins avoir d'impact au niveau de ma consommation de CO2. elle est venue petit à petit mais à posteriori on va dire donc oui je me sens pas écolo donc j'ai du mal à revendiquer cette posture là moi j'essaye d'être le plus normal possible parce que je me sens normal, je me sens pas exceptionnel même si je suis là et que les gens vont regarder mes images en disant il est dingue, mais non je suis pas dingue, je suis normal les gars, tu vois je me sens pas du tout exceptionnel, j'ai pas envie de l'être et du coup Prendre une posture, pour moi, ça va être compliqué parce que ce n'est pas comme ça que je suis rentré en montagne. Justement, quand je te parlais tout à l'heure des livres que je n'arrivais pas à finir, moi, dans ma tête, ce que j'ai envie de partager, c'est la rupture avec l'histoire de la montagne en règle générale. Pour moi, l'histoire alpine, elle est très héroïque. Elle est fondée sur l'héroïsation des exploits, la conquête. La dangerosité absolue de la montagne, la vie, la mort, on parle énormément de mort, etc. Alors que moi, tout ce qui m'a amené à la montagne, c'était complètement l'inverse. C'était le bonheur que je pouvais y éprouver et puis les accomplissements que j'ai pu... à voir en montagne. Et du coup, moi, j'essaye de montrer ça avec mes modestes moyens. Et du coup, je n'ai pas envie de rentrer dans quelque chose de très clivant. Même si je mets parfois les pieds dans le plat, parce que, oui, clairement, maintenant, si je ne vais plus à l'étranger, enfin, à l'étranger lointain, pour mes projets personnels, je parle bien que pour mes projets personnels, C'est aussi parce que, bah oui cet été les glaciers ils étaient dans un sale état et que j'arriverais pas à me regarder moins, donc c'est très personnel, je juge pas les autres c'est moi, j'arriverais pas à me regarder dans la glace ou à regarder mes gamins en disant bon là papa il part un mois et demi au Népal juste pourquoi ? Juste pour essayer de réussir un exploit entre guillemets tu vois. Non, je n'y arrive plus. Ok,

  • Speaker #0

    je comprends. Et justement, tu l'as vu ce changement dans les écrans cet été ? J'imagine que oui. Parce qu'en plus, on a vécu un été particulier.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, non, c'est... Après, cet été, c'était très puissant. On le ressentait vraiment beaucoup, surtout... Moi, je suis guide. Mon métier, c'est guide d'haute montagne. C'est comme ça que je gagne ma vie. Et surtout, quand tu commences à te poser des questions sans arrêt de où est-ce que tu vas amener tes clients pour qu'ils soient en sécurité, Et que le danger c'était les éboulements qui étaient... Tu ne savais pas où est-ce que ça pouvait se péter la gueule. Donc c'était un peu compliqué. Tu allais dans des endroits où c'était le plus safe possible, mais ce n'était pas simple. Et après quand tu vas sur les glaciers, ce n'était pas forcément plus dangereux parce que les glaciers étaient vachement ouverts, donc tu passais entre les crevasses. Mais ce n'était pas... agréable à voir. Même s'il y a une certaine beauté aussi, avec un glacier qui est tout fracturé. C'était dérangeant. C'était pas tant visuellement que cette sensation de chaleur globale et ces incendies quand tu rentrais à la maison. Tout ça, toute cette atmosphère avec le Sirocco qui est revenu aussi cet été. Moi, j'étais là, j'étais... Waouh ! Ça y est, on est dedans. Et pour moi... Je ne suis pas optimiste quant au fait qu'on va pouvoir réduire ça, mais par contre la planète, elle, elle va survivre. Le truc, c'est ce que... C'est pour ça que je suis là, je dis, mais en fait, les gars, il faut qu'on sauve notre peau à nous. Tu vois, donc, si moi, j'arrête de voyager, c'est par égoïsme, quelque part. C'est pas égoïsme, mais c'est aussi pour mes enfants. Oui, complètement. Mais c'est pas que de l'altruisme. C'est parce que, putain, moi, j'ai envie qu'on puisse encore, en tout cas que mes enfants, que je puisse voir mes petits-enfants grandir dans un monde où... qui ne soit pas complètement anxiogène. C'est d'abord à ça que je pense. C'est à ma pomme avant les autres. Après, la montagne, dans 50 ans, les Alpes ressemblera au Pyrénées. Il y aura des lacs à la place du glacier blanc, etc. Mais ça ne sera pas forcément moins joli. clairement, parce que les Pyrénées, c'est joli. Donc, ça ne sera pas forcément moins joli, mais ça sera différent. Et il va falloir qu'on fasse les choses différemment là-haut, peut-être. On fera plus de rochers, moins de glaciers, des choses comme ça. La montagne, elle, elle va continuer à survivre. Et puis la planète, de toute façon, elle va nous survivre, nous, de toute façon.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'on change notre sensibilité par rapport au paysage. J'ai un copain qui fait une thèse sur les forêts de Morienne. Et en fait, il y a 100 ou 150 ans, on trouvait ça moche, l'automne. On militait pour l'arbre vert.

  • Speaker #1

    pour que mes arbres ne changent pas de couleur moi pour moi si tu veux c'est aussi pour ça que je suis vachement j'essaye de porter quelque chose dans mes projets cette idée de dire que déjà non la montagne c'est pas dangereux, c'est ce qu'on y fait qui peut être dangereux donc arrêter d'avoir systématiquement peur de la montagne parce que la montagne c'est de la nature si on a peur de la montagne on a peur de la nature donc Et c'est ça qui nous fait faire des conneries, c'est parce qu'on en a peur de cette nature. C'est ça qui fait qu'on n'arrive pas à faire baisser nos chauffages parce qu'on a peur d'avoir froid ou de remettre un pull. Quand tu parles de ça, même à mes parents, moi qui ai 47 ans, ils ont plus de 80 ans. Eux, quand ils étaient gosses, ils mettaient des pulls et puis ils faisaient 15 degrés ou 16 degrés parce qu'ils n'arrivaient pas à chauffer plus, parce qu'ils n'avaient pas les moyens. Alors nous, on s'est protégés du froid, on se protège avec la clim du chaud. On se protège de tout, de la nature, on se protège de la nature. Attendez, à un moment donné, il va falloir qu'on l'accepte cette nature, parce qu'on fait partie intégrante de la nature. Et moi, dans mes projets, c'est ce que je cherche, c'est de faire partie intégrante de cette nature. C'est ça qui peut, si tu fais les choses dans le bon sens, qui peut être complètement jouissif, qui peut être génial. Et c'est ça que j'essaye de transmettre et de partager. C'est ce bonheur qu'il y a. d'être dans la nature et d'être ce bloc de rocher parmi les rochers d'être voilà ce morceau de bois comme tu disais tout à l'heure c'est pas de la conquête alors que pour l'instant on est encore en train d'essayer de conquérir des phases des sommets des machins enfin certains pas tous heureusement on est encore en train de d'utiliser un hélicoptère pour réussir à faire un truc mais t'as pas besoin de réussir à faire ça va faire autre chose sans l'hélico tu vois ça sera tout aussi plaisant c'est ça, c'est essayer de reconnecter avec notre milieu et notre vraie nature parce que nous on est des êtres naturels dans les médias c'est ce qu'on appelle le changement de ligne éditoriale on change la forme on change le front, on change à qui on s'adresse on change comment on le fait c'est pour ça que c'est important de raconter notre histoire de l'alpinisme et de la montagne en règle générale et de notre rapport à notre activité là-haut et ça peut pas être juste ça peut pas être juste de la contemplation parce que encore une fois la contemplation c'est chouette mais il y a un filtre dans la contemplation c'est rentrer dedans c'est rentrer dedans et c'est pour ça que les refuges sont si importants et c'est aussi pour ça qu'ils sont précieux et qu'il faut garder le refuge, pas forcément comme à l'ancienne vachement rustique continuer à faire en sorte que les gens y aillent et continuer à faire en sorte que la société évolue et que maintenant moi je croise des gens ah s'il n'y a pas de douche ils ont du mal Mais même avec une douche, ça reste rustique parce qu'il y a une douche pour X mille personnes et ce n'est pas à l'hôtel. Tant que ce n'est pas des hôtels, je pense que ça restera quand même de toute façon des expériences pour la plupart des gens parce qu'ils n'ont pas l'habitude de la collectivité, du partage de repas, de tout ça. Donc, ce n'est pas parce qu'on introduit les douches en refuge que c'est forcément perdu. Pour ça, je suis optimiste.

  • Speaker #0

    C'est chouette de porter ce message. Je pense qu'il faut qu'on tende à ça, en tout cas. Je pense qu'il faut continuer à ouvrir la montagne, mais je pense qu'il faut faire de la pédagogie et de l'éducation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Pédagogie et éducation, et puis trouver les images et les mots pour que les gens aient un grand bonheur à aller dans ce milieu qui leur fait peur et qui peut potentiellement être dangereux s'ils font des bêtises là-haut. Mais arrêtez de surcommuniquer sur la difficulté et sur la dangerosité de ce milieu, parce que sinon on n'y arrivera jamais.

  • Speaker #0

    Au début de ce podcast, tu disais que quand tu étais plus jeune, tu avais peur de la mort en montagne. Comment est-ce que tu es passé outre ça ?

  • Speaker #1

    Ça s'est fait petit à petit, je pense que ça s'est fait petit à petit. Ce qui m'a vraiment changé, ma manière d'aborder la montagne, c'est cette... C'est suite au décès de mon grand frère au Pakistan, au G6 en 98. Donc moi j'étais avec mon ex-femme, j'étais maçon. J'ai encore continué à faire le maçon pendant quelques années. Puis après, quand je me suis lancé à essayer de devenir guide, la première chose que j'ai faite, c'est j'ai été voir mes parents et je leur ai demandé si je pouvais le faire. Parce qu'ils avaient déjà perdu un enfant en montagne. Je leur ai demandé la permission. Et à partir du moment où ils m'ont accordé cette permission d'aller vers le guide, je me suis dit, ok, moi, dans ma tête, je me suis dit, tu n'as pas le droit d'y rester. Et là, quand tu te mets ça dans la tête, tu l'abordes autrement la montagne. Parce que du coup, avec la peur que tu as, moi j'étais en apprentissage encore, je ne connaissais pas tout, loin de là, et puis je ne connais encore pas tout, heureusement, mais j'ai quand même beaucoup plus d'expérience qu'à l'époque. Et du coup, je ne connaissais pas tout, et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt. J'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, OK, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement, je crimpais avec une corde, je faisais des longueurs comme ça sur les falaises assurées, tu vois, mais tout seul. Ou bien avec des copains, mais je n'en avais pas beaucoup à l'époque. Et puis après, j'allais en montagne avec ma corde et puis je m'auto-assurais et puis je faisais quelques longueurs. Alors parfois, j'en faisais trois, les trois premières. Et puis après, la longueur était trop dure, donc je faisais demi-tour, je rentrais. parfois il faisait grand beau et puis je le sentais pas, j'étais pas en forme donc je faisais demi-tour aussi et j'ai appris en étant assez seul à cette époque là parce que j'avais pas le temps d'attendre que de créer des amitiés pour aller en montagne parce que j'avais pas beaucoup de sous et qu'il fallait que je fasse ma liste de course vraiment très vite donc j'ai appris à gérer ce truc de ok je vais mais dès que j'ai peur, hop j'arrête et Et petit à petit, tu prends en expérience. Donc, tu es de plus en plus... Enfin, comme... Simon Giraud, c'est un expert en neurosciences. Il était d'accord avec moi. Moi, je ne supporte pas l'expression il faut sortir de sa zone de confort Je ne le supporte pas parce que je me dis qu'en montagne, moi, c'est tout l'inverse. Je cherche ma zone de confort. Et lui, il a introduit... Je me suis dit ah tiens, ça, c'est intéressant En fait, ce que tu fais, c'est que tu essayes d'étendre ta zone de confort. Mais... il ne faut pas sortir. Parce que si tu sors de ta zone de confort en montagne, généralement, tu n'es pas bien. Tu n'es pas loin de mourir. Et moi, ce que j'ai fait pendant toutes ces années, c'est que j'ai augmenté ma zone de confort petit à petit avec l'apprentissage, en progressant au niveau du niveau technique. Et puis aussi, à force d'aller en montagne, tu apprends que tu peux aller jusque là. Ou ce qui me faisait peur hier ou il y a un mois, Et bien finalement, j'ai appris, j'ai lu, j'ai observé. Et puis petit à petit, tu vois, je me souviens très bien des premières fois où j'avais la frontale de nuit, où je partais de nuit. Mais j'ai fait demi-tour un paquet de fois. Ça fait flipper, quoi. Tu vois ? Et voilà.

  • Speaker #0

    Mais c'est important aussi, là, tu produis beaucoup d'images, beaucoup de contenus. Si pour l'image, tu te mets en danger... il faut pas et du coup il faut avoir l'expérience pour dire ok j'avais prévu de faire cette image aujourd'hui là ça craint, je me casse et tant pis et c'est important d'avoir cette expérience là parce que parfois on peut être poussé aussi et se dire en fait là il y a la caméra qui filme mais on peut pas faire demi-tour ouais mais moi moi la caméra,

  • Speaker #1

    ce que j'explique souvent les premières fois où j'ai pris la caméra c'est parce que je l'avais à la maison pour mes projets avec Didier et je la sortais pour mes pantraides pour avoir une trace C'était juste pour avoir une espèce d'archive. S'il y a quelqu'un qui me demandait comment elle était la pente, ou qui me demandait si je l'avais vraiment faite, j'étais là, regarde la vidéo. Et puis après, je me suis pris au jeu de l'image. De essayer de faire en sorte que l'image soit jolie, avec les moyens que j'ai. Parce que je n'ai pas envie d'investir trop de sous dans les caméras, 360 et machin. Et surtout, je n'ai pas l'ordinateur assez puissant pour traiter toutes ces images. Donc j'ai une vieille GoPro maintenant, un GoPro 7, tu vois, alors que je ne sais plus où on en est au niveau des GoPro. Et j'essaye de faire l'image la plus intéressante ou celle qui me fait, en tout cas, qui m'intéresse le plus possible, artistiquement, entre guillemets, parce que je ne suis pas un caméraman, et aussi pour donner cette sensation que je peux éprouver sur mes skis quand je suis en pente raide. Donc parfois, je la retourne complètement à 360. pour qu'on voit mieux mes pieds. Parce que si tu la mets dans un sens, tu vois moins bien les pieds que si tu la mets dans un autre. Parfois, je la mets verticale pour qu'on soit plus impressionné par la pente, etc. Donc, je m'amuse vraiment. L'image, pour moi, c'est un prétexte à... Déjà, un truc pour montrer que c'est une archive. Et puis, c'est une manière de m'amuser derrière, à essayer de créer, à mettre de la musique. Parfois, ça m'arrive d'écouter une musique enfin d'entendre une musique et de me dire ah ouais là il y aurait peut-être ces images là qui iraient bien je vais aller faire ce truc là parce que je trouve que la musique irait bien et puis voilà donc tu parles de l'archive c'est hyper important c'est un espèce de devoir de mémoire de la montagne on

  • Speaker #0

    a beaucoup de carnets d'aventure pour moi c'est aussi important qu'un film t'écris beaucoup ?

  • Speaker #1

    Alors non, enfin si, sur mes réseaux j'écris, voilà. En ce moment j'écris plus sur mes réseaux que vraiment dans l'optique de refaire un bouquin. Ouais, ça me permet de partager des idées. Après j'ai toujours écrit, alors pas beaucoup non, j'ai toujours écrit depuis que j'ai 17 ans, mais voilà, ça m'arrive parfois de me réveiller dans la nuit avec des trucs en tête et je les écris. c'est comme ça que j'écris après j'ai envie d'écrire un deuxième bouquin mais j'ai beaucoup de mal à enfin non j'ai envie déjà de digérer bien le premier que j'ai écrit, vraiment de le digérer pour réussir à écrire un autre livre et pas refaire un livre que j'ai déjà écrit donc il faut que je trouve les manières de faire ça c'est dur parce que tu vois par exemple moi quand j'ai regardé tout ce qui existait sur toi comme production je me suis dit mais comment je vais faire quelque chose de différent

  • Speaker #0

    du coup je me reconnais dans ce que tu dis là j'ai une dernière question pour toi quelle est la question qu'un journaliste ne t'a jamais posée que tu aimerais qu'on te pose ?

  • Speaker #1

    ouais ouais mais là il faut que j'y réfléchisse 5 minutes il faut que j'y réfléchisse 5 minutes la question qu'on m'a jamais posée que j'aimerais qu'on me pose Ouais, c'est une question qu'on m'a pas posée. J'ai déjà donné la réponse, mais on m'a jamais posé la question. C'est comment j'aimerais mourir ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très particulier, mais donc je vais te la poser. Comment est-ce que tu aimerais mourir ?

  • Speaker #1

    J'aimerais mourir entouré de mes proches. Voilà, et clairement pas en montagne. Voilà, c'est la réponse que j'avais envie de donner. Et je trouve que c'est quelque chose qui est marquant pour moi parce que j'ai déjà eu des réponses complètement contraires de la part de très proches. Et je trouve que c'est, dans le sens du partage, ce que moi je dis souvent à des jeunes qui viennent me voir ou à des copains, je dis mais en fait... l'important dans ce que tu as envie de faire en montagne, c'est d'abord ce qui se passe en dehors de la montagne. C'est ta vie. Fais-toi une belle vie, que ce soit une vie de famille ou une vie tout seul. Je n'ai rien contre quelqu'un de seul. Mais fais-toi une belle vie avec des bons potes, où tu as envie de rentrer. Et que la montagne, que ce soit un lieu de passage, parce que c'est un lieu de passage. On n'y passe en montagne, on n'y reste jamais. Il faut que ce soit un lieu de passage et pas un lieu pour rester. et si tu te fais une belle vie je pense que tu peux faire longtemps et apprécier longtemps la montagne merci beaucoup

  • Speaker #0

    Paul d'avoir été dans le camp de base de rien, merci à toi et puis un bon film ce soir je pense que c'est assez grisant de présenter son travail et le travail qu'il nous a tenu pendant un petit moment ouais c'est pas moi qui ai bossé dessus,

  • Speaker #1

    c'est Justin et Romain et à vrai dire je suis pas à l'aise avec ce film là parce que je parle beaucoup et on voit beaucoup ma tête et à chaque fois je me dis j'en ai marre de ma tête j'en ai vraiment marre c'est pas que je l'aime pas ce film c'est juste que je suis trop dedans Je pense que les retours que j'en ai sont plutôt... Alors, ce n'est pas un film exceptionnel, c'est un bon film, les gens apprécient. Mais moi, je n'arrive pas à l'apprécier parce que j'ai l'impression qu'il n'y a que ma tronche tout le temps, en permanence, et j'ai beaucoup de mal avec ça.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on deal avec la notoriété comme ça, quand on n'a pas envie de dealer avec la notoriété ?

  • Speaker #1

    En essayant d'être le plus naturel possible. Surtout pas se prendre la tête, se prendre le chou trop. Ça m'arrive de me prendre vraiment le chou, à me dire Ah merde, j'aurais pas dû faire ça, j'aurais pas dû dire ça. Ça m'arrive. Et après, je relativise, je pose un peu les réseaux pendant une ou deux semaines. Et puis, je me recentre sur moi, ma vie de famille. mes proches, mes amis, etc. Et puis, derrière, ça va mieux. Il faut faire des pauses.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Le camp de base épisode 27, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci de nous avoir écoutés. Si vous l'avez aimé, vous pouvez m'envoyer un mot d'amour et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify, ou envisager de partager l'épisode à votre entourage. Ça ne vous engage à rien, mais ça m'aide grandement à faire découvrir le podcast. Le prochain épisode sera diffusé lundi prochain. Et pour suivre nos actualités d'ici là, retrouvez-moi sur Instagram et LinkedIn. Pour aller plus loin, c'est sur www.candebase-podcast.com que ça se passe. A très vite dans le camp de base. Au contre, au sommet.

Description

dernièrement, Paul Bonhomme a bouclé la Grande traversée du Jura en quatre jours : redécouvrez son portrait


Guide de haute montagne, Paul Bonhomme s’illustre en trail, ski de pente raide ou encore en alpinisme. Dans les différentes interviews qu’il a donné, les médias lui pose systématiquement la question du corps, de la difficulté, de la performance.

Mais qu’est-ce qui fait courir Paul Bonhomme ?


Au-delà de la performance, dont il se sert pour avoir plus d’écho, Paul est un ambassadeur de la curiosité, un esthète des odeurs qui peuplent nos paysages de montagne. Une rencontre au sommet, enregistrée dans le cadre des Rencontres Ciné Montagne 2022 ! :)


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    je ne connaissais pas tout et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt, j'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, ok, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement.

  • Speaker #1

    Le camp de base. Rencontre au sommet. Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans ce 27e épisode du camp de base, le podcast des rencontres au sommet. Je vous emmène aujourd'hui en Haute-Savoie auprès d'un personnage que vous devez bien connaître si vous suivez les actualités de la montagne. C'est Paul Bonhomme. A 46 ans, ce guide de haute montagne qui a grandi en banlieue parisienne enchaîne les défis en trail, panterelle et alpinisme. Mais bien loin de moi l'idée de vouloir l'interroger sur la performance. Avec Paul, on parle de montagne sensible, de l'odeur de la rosée, mais aussi celle de la bouse de vache. Retour sur une expérience et une superbe rencontre. Bonne écoute ! Bonjour Paul.

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'avoir accepté cette interview pour le camp de base. Alors première question, qui est une question fil rouge dans tous les épisodes du camp de base. Il est où toi ton camp de base et il est composé de quoi ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il est à Cercier, en Haute-Savoie, entre Annecy et Genève, dans la campagne ancienne. J'appelle ça la basse Haute-Savoie, dans les collines. Donc il est composé de collines, de pommiers, d'agriculteurs, de frontaliers, de ma chérie et de mes deux enfants que j'ai avec ma chérie actuelle, parce que mes deux grandes sont ailleurs. et voilà un petit cocon quoi, sympathique pour moi c'est un cocon, pour ma chérie c'est un peu plus dur parce qu'elle fait du télétravail donc pour elle c'est un bureau aussi et moi pas du tout c'est vraiment un endroit où je suis loin des montagnes enfin loin, je suis pas si loin mais je les vois pas, je suis pas complètement dans le milieu donc du coup j'arrive vraiment à me poser et à penser un peu à d'autres trucs quoi

  • Speaker #1

    Il ressemble à quoi les paysages dans lesquels tu habites justement pour les auditeurs et auditrices qui ne connaîtraient pas la Haute-Savoie ?

  • Speaker #0

    C'est de la colline, c'est vraiment de la colline, alors de la colline qui culmine à le Salève, c'est 1003, donc c'est quand même un peu haut quand même, mais c'est de la haute colline, mais voilà, c'est vraiment collinéen, c'est vraiment des collines comme ça, tranquilles, c'est assez paisible.

  • Speaker #1

    Donc, tu es guide de haute montagne, tu es passé par plusieurs métiers de la montagne. Aujourd'hui, tu as 47 ans. Est-ce que tu peux nous raconter peut-être ton histoire ? D'abord, tu as grandi où et qu'est-ce que tu as fait avant la montagne ?

  • Speaker #0

    Je vais essayer d'être pas trop long parce que mon histoire, comme j'ai 47 ans, elle est forcément un peu longue. Je suis né en Belgique, mes deux parents sont néerlandais, donc moi comme je suis né en Belgique, deux parents néerlandais, je suis néerlandais aussi, jusqu'à mes 4 ans, après on a déménagé en banlieue parisienne pour le travail de mon père, à Pontoise, dans le 9-5, et c'est là où j'ai vécu toute mon enfance en fait, jusqu'à mes 18-19 ans, à Pontoise, banlieue parisienne. Vers mes 18-19 ans, mon grand frère avait quitté ses études pour essayer d'être moniteur de ski et accompagnateur. en moyenne montagne et moi j'ai fait deux mois de droit et puis deux mois et puis là j'ai les copains et les copines qui me disaient mais qu'est-ce que tu fous là quoi arrête t'as qu'une seule envie c'est d'aller en montagne donc va en montagne suis ton grand frère et donc c'est ce que j'ai fait jusqu'à j'avais 18 ans donc je suis parti j'ai fait 19 ans à 19 ans j'ai rencontré mon ex-femme Je suis revenu en banlieue parisienne. pour travailler, parce que je ne m'en sortais pas. J'ai raté quatre fois le test technique pour être moniteur de ski. L'accompagnateur, c'était bien, mais ce n'était pas non plus dément pour moi. Et puis, j'étais amoureux, donc j'ai essayé autre chose. J'ai essayé d'être éducateur spécialisé. Je n'ai pas réussi. Jusqu'à mes 20 ans, 21 ans, deux ans encore en banlieue. Puis après, on est revenu en montagne. Mais là, avec complètement autre chose, j'ai fait maçon. Je travaillais sur des chantiers. Et puis là, mon grand frère a décédé. Et puis après, ça a commencé à moins bien se passer avec mon ex-femme. et c'est sur une idée à elle un jour qui me dit comme ça ne se passait pas très bien elle me dit pourquoi tu ne fais pas guide de haute montagne en gros pourquoi tu ne me lâches pas la grappe et moi je me suis dit bah ouais ce serait bien en fait que j'aille un peu plus en montagne alors je lui ai demandé, je lui ai dit mais tu sais ce que ça veut dire ça veut dire qu'on ne se voit plus quoi parce que pour être guide je vais vraiment y aller à fond elle m'a dit d'accord et c'est comme ça que j'ai commencé enfin j'ai fini ma liste de course Et après, on s'est séparés avec mon ex-femme une première fois. J'ai passé mon guide, on s'est remis ensemble. On a eu nos deux enfants, mes deux grandes. Et puis après, on s'est vraiment séparés. Et puis depuis maintenant 2005, j'ai croisé mon... ma compagnie actuelle, ma chérie, ma femme actuelle. Et là, on est ensemble depuis 2005.

  • Speaker #1

    Ok. Est-ce que vous vous rappelez la première fois où vous voyiez la montagne ? Parce que vous avez effectivement grandi en Belgique, puis en banlieue parisienne.

  • Speaker #0

    Je pense que je ne me souviens pas de la première fois où j'ai vu la montagne. Je me souviens par contre... Je me souviens d'être dans la voiture, parce que souvent on partait le soir vers 21h. Mes parents faisaient la route de nuit avec les quatre gosses derrière. Et on arrivait dans les montagnes le matin. Et du coup, moi je dormais, parce que c'était après la classe. Et je dormais toute la nuit. Et puis quand je me réveillais, je voyais les montagnes. Et puis ça dépendait des fois, mais il n'y avait pas tout le temps de la neige, donc je surveillais les abords de la route pour voir quand la neige allait arriver, c'était pour l'hiver. Et puis dès que je voyais la neige, j'étais comme un dingue, donc j'étais le nez collé à la vitre. Et ma mère, parce que moi je ne m'en souviens pas, mais ma mère me disait, à chaque fois tu étais là et tu regardais, et puis tu faisais grosse montagne, grosse montagne, grosse montagne.

  • Speaker #1

    Donc c'est déjà des bons souvenirs depuis le genèse.

  • Speaker #0

    Oui, oui, oui. Les montagnes, ça a vraiment été très vite quelque chose de très particulier pour moi parce que je pense que j'adorais la nature en règle générale, très attiré par la nature. Quand tu vis dans la banlieue parisienne, c'est sûr que tu n'as pas beaucoup de nature autour de toi. Donc c'était un peu ça. Et les montagnes, c'était la quintessence de la nature pour moi.

  • Speaker #1

    Et est-ce que tu avais déjà des gens que tu disais j'ai envie de faire comme eux, notamment par les films d'expédition ramenée ? Est-ce que tu en regardais ou pas du tout ?

  • Speaker #0

    Non, comme je dis souvent, j'ai quasiment pas fini un seul bouquin de montagne, parce que ça me faisait peur dès qu'ils commençaient à parler de mort et de crevasses et de machins. Je n'arrivais plus à lire et j'avais très très peur de la haute montagne quand j'étais jeune, à une période vers mes 8-9 ans. Je me cherchais au niveau des sports. J'avais fait beaucoup de natation jusqu'à 9 ans. Puis après, j'ai essayé de tennis, mais ça ne me plaisait pas. J'ai essayé d'autres sports et ça ne me plaisait pas trop. Et mes parents ont trouvé un club d'escalade. Alors les clubs d'escalade, dans les années fin 80, c'était des bouts de parpaings avec des prises collées, des prises en bois, quelques prises déjà en résine, mais il n'y en avait pas beaucoup. Et l'idée des clubs d'escalade à l'époque était complètement hors compétition, il n'y avait pas de compétition encore, ou très très peu. Donc on faisait de l'escalade pour aller après en falaise, pour aller en nature après. Et donc ça, ça m'a plu. Et donc j'ai attaqué à vraiment me mettre dans la montagne par plutôt les références que j'ai, c'est Patrick et Linger, forcément. C'était, je pense, le premier avec François Legrand, qui allait après un peu plus tard parce qu'il aillait. commencé à gagner des compétitions et j'admirais un peu son style et donc voilà des gens comme ça c'était donc par l'escalade que j'ai attaqué vraiment à m'intéresser à la montagne Et qu'est-ce qui te faisait rêver justement dans le style de ces deux personnes ? C'était le mouvement, la fluidité, le geste. Et c'était le geste en nature, sur un rocher, sur des beaux paysages derrière. Il y avait Stéphane Glovax aussi. Mon grand frère m'avait offert un bouquin qui s'appelait Rocks Around the World C'était Stéphane Glovax qui avait fait tout le tour du monde. Et tu voyais les falaises ocres au Japon, aux États-Unis. Moi, j'avais qu'une envie, c'était de faire ça.

  • Speaker #1

    C'est marrant parce que ça a vraiment un long contre de la performance, cette idée de fluidité, c'est ce qu'on note jamais. On en parlait avec Gaëtan justement, où il me disait qu'en ski on note toujours la descente, jamais la montée, on note jamais l'art. La fluidité dans le mouvement, on note toujours la performance, est-ce que ça va être long, est-ce que ça va être compliqué, combien il y a de dénivelé en chiffres ? Donc tu étais déjà là-dedans, c'est plutôt l'art de montagne par l'escalade.

  • Speaker #0

    Oui, au tout début, clairement, parce qu'il n'y avait pas de compétition, ou très peu, donc la compétition est arrivée après. Après, je me suis pris au jeu de la compétition et c'est vrai qu'à 16 ans, j'avais envie d'être champion du monde d'escalade. moi j'avais pas du tout les qualités nécessaires mais voilà et puis c'était l'âge aussi c'est l'âge où t'as envie de te confronter aux autres, te prouver des choses etc donc voilà mais c'est vrai qu'au début non pas du tout, au début ce qui m'attirait c'était la nature, c'était les odeurs j'y repense encore maintenant et c'est même pas que j'y repense c'est que tu vois sur mon projet de l'été dernier sur la farandole des écrins pourquoi j'ai eu envie de la farandole c'est à cause des odeurs principalement parce que j'avais envie de ressentir les odeurs de mélèze, les odeurs de rosée sur l'herbe, les odeurs de bouches de vache ou de crottes de mouton. J'avais envie de ces odeurs et de les ressentir vraiment jusqu'à... Parce qu'on les sent d'autant plus qu'on est fatigué. Donc, quand on est fatigué, tu ressens ces odeurs-là. Et ça me rappelle mon enfance et c'est ça qui fait le cercle, en fait, qui fait que j'ai toujours envie d'aller en montagne. C'est pas du tout l'altitude, c'est les impressions, les sensations que j'ai pu vivre quand j'étais jeune.

  • Speaker #1

    C'est marrant cette approche par le nez, je ne l'avais encore jamais entendue. On m'a parlé des sons de la montagne, on m'a parlé de la beauté du paysage, mais jamais du sens que peut être le nez et les odeurs. Alors, qu'est-ce qu'on entend, qu'est-ce qu'on sent en montagne qui est particulier ?

  • Speaker #0

    Mais tout, tout. Non, non, mais c'est assez incroyable. Jusqu'à, tu vois, ça m'arrive encore parfois dans des refuges ou des... Quand je rentre dans un refuge, je sens l'odeur du pain qui n'est pas encore tout à fait sec. Et donc ça a une odeur particulière. Ou bien quand je mets un vêtement, quand je mets une fringue que je n'ai pas vraiment lavée et qui a pris la neige, elle a une odeur particulière la fringue. Et c'est les mêmes odeurs que celles que je ressentais quand j'étais gosse. Et voilà, il y en a plein. Il y en a plein. L'odeur quand tu graisses tes chaussures en cuir, si tu as des chaussures en cuir. Il y en a plein, c'est partout en fait, c'est tout le temps. Je parle souvent de la neige, la neige tu la sens avant qu'elle tombe. Moi j'arrive à sentir l'odeur, enfin je pense que je ne suis pas le seul, j'arrive à sentir l'odeur de la neige avant qu'elle tombe. Je me dis, là ça sent la neige là. Et généralement on ne se loupe pas, personne ne se loupe quand on se dit ça sent la neige parce qu'il y a une atmosphère, une odeur spéciale.

  • Speaker #1

    Oui, et puis c'est aussi une manière d'être parce que je me rappelle que mon père quand il était petit avec ma soeur il nous disait, mais vous sentez la neige ou quoi ?

  • Speaker #0

    Oui, c'est ça, c'est exactement ça et du coup il y en a de partout de ces odeurs-là, il y en a une que je recherche en permanence surtout quand je cours, c'est l'odeur du pain l'odeur de la sève de pain qui monte au printemps elle est terrible celle-là elle me fait complètement chavirer et puis ça dure très peu de temps trois semaines,

  • Speaker #1

    même deux semaines Oui

  • Speaker #0

    Ah tu passes à autre chose c'est ça,

  • Speaker #1

    c'est un cycle d'odeurs qui est hyper intéressant tu me disais tout à l'heure hors antenne avant qu'on commence cette interview que t'avais pas toujours eu envie d'être sur les réseaux sociaux que c'était assez nouveau pour toi c'est depuis 5 ou 6 ans qu'est-ce qui t'a fait passer le cap ?

  • Speaker #0

    C'est très simple. Avec un copain, Didier Angelot, guide de haute montagne, on grimpe souvent ensemble. C'est un copain voisin qui n'habite pas loin. Et on regardait un peu ce qui se passait justement au niveau médiatique sur la planète montagne. Et c'était une époque où il y avait encore Wadishtek qui était encore en vie, où il y avait Kylian Jornet qui faisait ses records sur l'Everest. Et on était là, on se disait... Ah ouais, c'est chouette, c'est bien au niveau de la perf, mais on ne parle que de performance dans ce que les gens font en montagne. Et nous, on était là un peu décalés en se disant, mais nous, ce n'est pas ce qui nous a donné envie d'aller en montagne. Et du coup, on s'est dit, tiens, si on essayait de monter des projets, donc ensemble, au début, c'était avec Didier, pour parler d'autre chose que de la performance pure, essayer de raconter des histoires. Alors, la première idée qu'on a eue, c'était un hommage à Umberto Flemmati. qui est toujours en vie, c'est le collègue, le copain de René Desmesons. avec lequel il a fait beaucoup de choses. Et il a ouvert des voies, il était pyrénéen, il est toujours d'ailleurs pyrénéen, Umberto Flemmati, et dans les Balaïtus, il a ouvert des voies en artificiel à l'époque, parce qu'ils n'avaient pas les chaussons, etc. Et donc la première idée, c'était d'essayer de libérer les voies qu'il avait ouvertes autour du Balaïtus avec Didier. Et c'est le premier projet vraiment qui a lancé un peu, et où on s'est dit, on va faire de l'image, on va faire un film, et d'ailleurs on a fait un film. Il est pourri le film. Il y a des copains réalisateurs qui ont bien rattrapé nos images, mais nos images bougent dans tous les sens. Donc, il n'est pas très regardable sur grand écran. C'est Le Voyage d'Umberto. Ça s'appelle. On peut le trouver sur Internet. Et voilà, c'est un peu comme ça qu'on a commencé. Après, on a fait Annecy Chamonix avec les skis, avec Didier. On a essayé de faire une ultra traversée du Viso. On a fait... des projets ensemble et puis moi de mon côté je continuais parce que j'avais un peu plus de dispo que lui, je faisais mes projets aussi en parallèle et c'est comme ça que j'ai attaqué à me remettre à vraiment intégrer les réseaux et à essayer de faire en sorte que ces histoires qu'on essayait de raconter aient de l'écho que le partager au plus grand monde

  • Speaker #1

    Quand tu partages un post quand tu partages un article j'ai vu qu'il y en avait quelques-uns sur Alpine Mag Qu'est-ce que tu veux produire chez les gens, toi ?

  • Speaker #0

    Pas mal de choses. La première des choses, c'est de la curiosité. Essayer que les gens soient curieux de ce qui les entoure. Et surtout en montagne, de ne pas être juste... justement, on ne peut pas être juste les yeux rivés sur la montre ou sur le nombre de dénivelés et essayer de se dire, ah bah tiens, ouais, l'autre là, celui qui est sur les réseaux sociaux, qui s'appelle Paul Bonhomme, il a fait une traversée, qu'est-ce qu'il a voulu faire par là ? Ou bien, quand j'ouvre des lignes en pantraide, c'est... mais attends ça ressemble à rien pourquoi il a ouvert un truc entre les rochers, entre les cailloux et voilà, susciter de la curiosité sur des choses qui sortent justement de la pure performance alors parfois j'utilise aussi la performance pour avoir plus d'écho donc ça fait partie peut-être des projets de temps en temps mais je veux amener les gens vers autre chose et parfois ça marche pas très bien parce qu'on va parler que de la performance dans les médias ou même moi sur les réseaux je suis maladroit parce que j'ai pas de chargé de com donc je suis pas forcément très bon non plus et parfois je tape à côté et je dis ah zut merde c'est

  • Speaker #1

    pas ça que je voulais dire c'est marrant parce que j'étais donc rencontre là toute la semaine et il y a au milieu du public à un donné où j'ai entendu deux personnes qui parlaient et le premier disait à l'autre oh T'as vu samedi soir il y a Paul Bollum, oh la la mais c'est incroyable là le ski de Pantraide mais moi franchement ça me donne des frissons et tout donc je pense que c'est plutôt réussi finalement dans ce que tu produis chez les gens. Et la deuxième chose, c'est cette question de la performance. Effectivement, c'est ce que je te disais avant de commencer l'enregistrement. Je trouve que les médias, parce qu'ils ont peu de temps sur leur antenne, ils te posent beaucoup la question de la performance. Et moi, la question que je me suis posée ce matin en préparant l'interview, c'est pourquoi toi tu te lèves le matin ?

  • Speaker #0

    Moi, je me lève le matin, on va reparler des odeurs, je me lève le matin pour aller chercher les odeurs de mon enfance. Non, mais clairement, je m'en suis rendu compte il n'y a pas si longtemps que ça. Mais clairement, c'est retrouver cette ambiance qui a pu m'envelopper. Et je la retrouve. Et c'est ça qui est chouette. parce que je la retrouverais pas ça serait frustrant mais je la retrouve je la retrouve dans les pantraides parce qu'il y a l'odeur de la neige surtout quand elle prend un peu le soleil c'est super et puis parce que je mets mes pantalons de ski mais je la retrouve aussi en marchant tout simplement donc j'ai pas besoin forcément d'aller faire la performance donc moi ce qui me fait lever c'est me dire tiens je vais passer un bon moment en montagne et ça ça c'est quand je vais sur mes projets après quand je m'entraîne c'est un peu plus compliqué parce que l'entraînement c'est pour moi de plus en plus c'est des boucles autour de la maison pour éviter d'avoir d'utiliser trop la voiture et du coup parfois t'as pas du tout envie de refaire la même boucle que t'as déjà fait une centaine de fois et du coup là c'est autre chose c'est la perspective du projet au final qui me fait me lever qui fait que je vais m'entraîner et je vais m'entraîner pourquoi ? parce que je sais que j'ai encore envie d'explorer mon corps et puis j'ai envie de l'amener dans des recoins qui vont me permettre De nouveau, de ressentir tout ce que j'ai pu ressentir quand j'étais gosse, quand j'en bavais, quand je montais et que je n'avais pas envie de monter, et que ce qui me frappait, c'était encore une fois les odeurs, les couleurs, les lumières, etc. Donc voilà, c'est ça que je vais chercher.

  • Speaker #1

    Cet été, tu es parti pour la farandole des écrins. Tu as traversé tous les écrins et il y a quelque chose que tu as dit dans les médias, c'était la question des refuges et des gardiens de refuge. Pourquoi est-ce que c'était important pour toi de parler de ces personnes ?

  • Speaker #0

    Alors pour être tout à fait honnête, l'idée de cette farandole, elle m'est venue après l'hiver 2021, où j'ai ouvert dix nouvelles lignes de Pantraide à travers les Alpes. Et après ce projet des dilly que j'ai réussi, donc j'ai réussi à les faire ces dilly pendant une saison, du coup j'ai communiqué autour, j'ai partagé, et j'étais là, il y avait quelque chose qui me manquait. Je me disais, ouais c'est chouette, mais c'est trop loin, c'est trop loin des gens, c'est trop extrême, même si je ne parle pas d'extrême quand je fais mes pantraines, mais c'est trop... C'est trop loin de ce que les gens peuvent vivre quand ils vont en montagne par eux-mêmes.

  • Speaker #1

    C'est corrélé de ce que le commun des mortels peut faire finalement.

  • Speaker #0

    Je me suis dit, zut, mon projet, je me suis éclaté à le faire. Je suis très content et j'étais très fier. Mais moi, par ce projet-là, je voulais parler de création. Je voulais parler d'imagination, de création, de curiosité et puis d'implication au niveau des... c'est le film qui va être aux rencontres là ce soir toute la préparation etc c'est ça qui m'a aussi plu dans ce projet là mais ça tapait un peu à côté au niveau du partage médiatique même si je trouve que les articles étaient plutôt bien mais je trouvais que j'avais pas été assez dans quelque chose qui puisse être compris et abordé par les gens qui vont en montagne du coup j'ai pensé, je me souviens très bien parce que c'était en discutant avec ma mère un soir, je me suis dit ah j'ai envie d'un truc plus simple et Pourquoi pas essayer de faire tous ces refuges ? Et que le but du jeu, le but, ce soit plus du tout les sommets, mais que ça soit les refuges, le but. Et ça change complètement la manière de voir la montagne. C'est-à-dire qu'au lieu que ça soit le haut, l'objectif, l'objectif, il est en bas. Et du coup, comment on fait pour relier tous ces refuges ? avec un petit challenge de temps pour que ça soit suffisamment intéressant pour moi, pour le vivre, et puis aussi impliquant. Ce n'est pas l'idée d'essayer de mettre un temps, de mettre six jours ou moins de six jours sur cette farandole. Ce n'est pas du tout l'idée de faire un record. Ce n'est pas du tout ça. C'est juste que si tu ne mets pas ce temps-là et que tu fais juste tout ça en marchant, tu ne vas pas vivre la même histoire. Tu vas en vivre une super sympa, mais pas forcément la même. Si tu te dis, je vais essayer de faire ça avec mon matos sur le dos, donc un sac de 8 à 10 kg, et puis le plus vite possible. ça veut dire qu'il faut te préparer, donc il faut s'entraîner physiquement, il faut optimiser le matériel, donc se prendre la tête avec le sac, le poids du sac, etc. Donc comme en XP en fait. Après, il faut voir les conditions et puis après, il faut, sur place, quand on le fait, il faut sortir un peu les doigts. Pour moi, c'est beaucoup plus impliquant et du coup, tu rentres vraiment Dans ce que tu es en train de faire, beaucoup plus. Tu es beaucoup moins dans de la, ce que j'aime aussi énormément, dans de la balade où tu laisses ton esprit divaguer et où tu peux penser à ta vie de tous les jours en te baladant, etc. Là, tu es à ce que tu fais, tu es obligé d'être à ce que tu fais. Et ça, j'aime bien.

  • Speaker #1

    Il n'y a plus d'aspect méditatif,

  • Speaker #0

    quoi. Voilà, il n'y a plus d'aspect méditatif. Ce que j'adore en montagne, c'est les moments où tu te sens... en montagne, tu te sens faire partie de la montagne, comme le chamois, comme le bouctin, comme la gentiane. Et là, sur la farandole, il y a eu surtout sur la faim, tu commences à être... Moi, je parle... L'impression que ça m'a donnée, c'est la densité. J'avais l'impression de prendre en densité. C'est-à-dire que tu deviens bout de bois, tu deviens, je ne sais pas... Rocher. Rocher, mais... Tu es... Tu sais comme les vieux montagnards, avec le cuir tanné, etc. Tu as la peau, c'est pareil, toi tu es tanné, tu as les pieds qui sont complètement tannés, tu as des coups de soleil de partout, tu n'arrives plus trop à toucher tes doigts de pieds, parce que tu es tout plein de crampes. Et ça, j'aime beaucoup cette sensation-là. Qu'est-ce que tu vas faire quand tu te lèves ? Je vais d'un point A à un point B, comme le bouquetin, comme le chamois, comme... pas plus, pas moins et c'est plus on s'en fiche s'il y a des sommets au passage. Je vais d'un point A à un point B, je me déplace, c'est tout ce que je fais.

  • Speaker #1

    Et on se met un peu à l'épreuve de la montagne pour en faire partie.

  • Speaker #0

    Voilà. Et oui, on est obligé de la respecter énormément quand on fait ça. Parce que comme on est crevé, on est vraiment fatigué, on est obligé d'être complètement à ce qu'on fait. Ou bien on arrête le projet. tu t'arrêtes et à ce moment-là tu rentres chez toi c'est possible aussi mais quand t'arrives à aller au bout de ta boucle c'est quand même assez extraordinaire et ça n'a rien à voir avec la performance rien à voir t'as

  • Speaker #1

    rencontré énormément de gardiens et de gardiennes de refuge pendant cette farandelle bah ouais qu'est-ce que ça représente pour toi la figure du gardien ? De refuge ?

  • Speaker #0

    Un ami, un ami, un ou une amie. Moi, ce que je trouve extraordinaire avec ces personnages, c'est cette capacité qu'ils ont d'accueillir de manière indéterminée qui que ce soit qui arrive dans leur refuge, chez eux. Ils vont, pas tous, il y en a qui sont bougons ou quoi, mais même s'ils sont bougons, ils vont accueillir tout le monde. de la même façon. Et il n'y a pas de jugement. S'il y a des jugements, ils les gardent pour eux, quand tu vas faire la vaisselle le soir, parfois. Mais sinon, non, il n'y a pas de... Voilà, ils vont accueillir tout le monde. Et ça, je trouve ça incroyable. Je trouve ça incroyable. Que tu sois un très fort alpiniste ou que tu sois le randonneur qui commence, qui découvre la montagne, ils vont t'accueillir pareil. Ils vont te donner un lit, ils vont te faire à manger pareil. Tu ne vas pas avoir de... Et c'est génial pour ça. Tu vois, il n'y a pas de... Ce n'est pas comme si tu allais au restaurant où tu as plusieurs menus ou des vins plus ou moins chers. Non, là, tu vas... Tout le monde a le même repas. Bam, bam. Tout le monde est sur un pied d'égalité. Il n'y a pas de... La différence sociale, on est dans un lieu où il y a une neutralité qui fait du bien, qui fait vachement de bien. Surtout quand les gardiens font bien leur boulot et je trouve qu'ils le font de mieux en mieux. Et ça, c'est génial.

  • Speaker #1

    Même s'il y a aussi une souffrance parfois de la part des gardiens de refuge sur les attentes du public.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    On en parlait avec Mélanie. des cosmiques ?

  • Speaker #0

    clairement parce qu'il y a une déconnexion et c'est vachement dur l'équilibre c'est aussi pour ça que je fais mes projets c'est aussi pour ça que je fais la farandole ou des choses comme ça qui essayent de recentrer sur la montagne simple, la montagne pas forcément pure mais la montagne brute, la nature et il y a Dans notre société, l'homme, et c'est pas nouveau, c'est pas moi qui... J'apporte rien de nouveau là-dedans, mais il y a une décorrélation entre l'homme occidental et la nature de plus en plus. Et surtout, encore plus avec les réseaux, encore plus avec les écrans. Aller en forêt, aller se balader en forêt, c'est déjà quelque chose d'incroyable. Aller se balader en forêt de nuit, il n'y a plus personne qui le fait. Alors que moi, quand j'étais gosse, on y allait avec les parents. Ça faisait partie de l'apprentissage de la nature. et du coup quand les gens arrivent dans ces lieux de nature que sont les refuges, parce que ce sont des lieux de nature avant tout ils sont paumés parce qu'ils n'ont plus le confort auquel ils sont habitués et du coup le gardien il est là et il dit ok bon il ne faut pas que je sois trop rude avec eux mais il faut quand même que je leur explique qu'ici c'est rude et ouais donc c'est pas évident du tout mais ça... Je pense qu'en tant qu'athlète, en tant que guide et en tant qu'athlète, on a une responsabilité de montrer la réalité de la chose. Ce n'est pas que je prends mes skis, j'arrive en haut d'une montagne et puis regardez mes beaux virages. Non, tu as fait quoi avant ? Comme dit Gaët, tu es monté, tu as mis tes peaux de phoque, tu t'es entraîné, tu es passé par la case refuge, j'espère. Et si t'as pris l'hélico, montre que t'as pris l'hélico et dis clairement que tout le monde ne peut pas faire ça parce que ça coûte un bras et puis en plus c'est pas souhaitable parce que ça bousille la planète. Donc oui, dire clairement les choses, dire clairement ce qu'on fait sans zapper la partie refuge, sans zapper la partie bivouac, sans zapper l'aspect rustique de ce qu'on est en train de faire, c'est vachement important. Ça peut pas être que de la belle image de la montagne.

  • Speaker #1

    Ce que tu viens de nous dire, ça me fait beaucoup penser aux études de Stéphane Labranche. Il y a un chercheur canadien qui s'installe à Grenoble qui est, me semble-t-il, associé au laboratoire Pacte, qui est sous tutelle du CNRS, de Sciences Po et de l'IUGA à Grenoble. Oui, justement, il met en perspective cette relation entre l'humain et la nature. Ça me fait penser à la chose suivante. Vous êtes, sans le vouloir ou peut-être sans en avoir conscience, je ne sais pas, des sportifs de haut niveau comme ça. En montagne, des sociologues du milieu...

  • Speaker #0

    Est-ce que toi, tu as envie de travailler avec des chercheurs et de prendre des positions peut-être un peu plus clivantes et un peu plus politiques ? Est-ce que c'est quelque chose que tu envisages, même si tu le fais déjà un peu ?

  • Speaker #1

    Oui, j'y vais doucement parce que déjà, je ne me sens pas... Il y a beaucoup, surtout depuis la farandole, il y a beaucoup de gens qui disent que je suis écolo. Le retour que j'ai de personnes, ils disent... Enfin voilà... alors que pas du tout, moi je me sens pas du tout écolo c'est marrant c'est parce que t'as fait tout ce chemin à pied que les gens se disent ah bah du coup ils vont créer une autre manière je sais pas pourquoi mais j'ai cette casquette et puis c'est pas que depuis la farandole aussi mais ça fait quand même quelques années que j'essaye de recentrer mon activité amateur dans les Alpes et de plus partir en expédition à la base c'était un souci de décalage plutôt sociétal c'est à dire que je me sentais mal à l'aise de communiquer sur mes exploits entre guillemets à l'autre bout de la planète, alors que les gens qui vivaient là, eux ils ne comprennent pas du tout ce que je fais, et puis surtout eux ils gagnent très peu quand moi j'y vais, même si je les paye à m'aider, ils gagnent quand même beaucoup moins que moi le retour que j'ai si je réussis à faire mon exploit. Et donc j'étais mal à l'aise avec ça, avec ce que j'allais chercher pour moi, donc purement égoïstement, et ce que les gens vivaient sur place, qui, eux, étaient plutôt dans le sens Là, toi, tu me files des sous pour que moi, je puisse le redistribuer à toute ma famille parce qu'ils ont besoin de soins, ils ont besoin d'aller faire des études, etc. Et puis, petit à petit, je me suis aussi dit En plus, ce qui est pas mal, c'est que je bousille un peu moins la planète. Donc, le souci de moins avoir d'impact au niveau de ma consommation de CO2. elle est venue petit à petit mais à posteriori on va dire donc oui je me sens pas écolo donc j'ai du mal à revendiquer cette posture là moi j'essaye d'être le plus normal possible parce que je me sens normal, je me sens pas exceptionnel même si je suis là et que les gens vont regarder mes images en disant il est dingue, mais non je suis pas dingue, je suis normal les gars, tu vois je me sens pas du tout exceptionnel, j'ai pas envie de l'être et du coup Prendre une posture, pour moi, ça va être compliqué parce que ce n'est pas comme ça que je suis rentré en montagne. Justement, quand je te parlais tout à l'heure des livres que je n'arrivais pas à finir, moi, dans ma tête, ce que j'ai envie de partager, c'est la rupture avec l'histoire de la montagne en règle générale. Pour moi, l'histoire alpine, elle est très héroïque. Elle est fondée sur l'héroïsation des exploits, la conquête. La dangerosité absolue de la montagne, la vie, la mort, on parle énormément de mort, etc. Alors que moi, tout ce qui m'a amené à la montagne, c'était complètement l'inverse. C'était le bonheur que je pouvais y éprouver et puis les accomplissements que j'ai pu... à voir en montagne. Et du coup, moi, j'essaye de montrer ça avec mes modestes moyens. Et du coup, je n'ai pas envie de rentrer dans quelque chose de très clivant. Même si je mets parfois les pieds dans le plat, parce que, oui, clairement, maintenant, si je ne vais plus à l'étranger, enfin, à l'étranger lointain, pour mes projets personnels, je parle bien que pour mes projets personnels, C'est aussi parce que, bah oui cet été les glaciers ils étaient dans un sale état et que j'arriverais pas à me regarder moins, donc c'est très personnel, je juge pas les autres c'est moi, j'arriverais pas à me regarder dans la glace ou à regarder mes gamins en disant bon là papa il part un mois et demi au Népal juste pourquoi ? Juste pour essayer de réussir un exploit entre guillemets tu vois. Non, je n'y arrive plus. Ok,

  • Speaker #0

    je comprends. Et justement, tu l'as vu ce changement dans les écrans cet été ? J'imagine que oui. Parce qu'en plus, on a vécu un été particulier.

  • Speaker #1

    Oui, oui. Oui, non, c'est... Après, cet été, c'était très puissant. On le ressentait vraiment beaucoup, surtout... Moi, je suis guide. Mon métier, c'est guide d'haute montagne. C'est comme ça que je gagne ma vie. Et surtout, quand tu commences à te poser des questions sans arrêt de où est-ce que tu vas amener tes clients pour qu'ils soient en sécurité, Et que le danger c'était les éboulements qui étaient... Tu ne savais pas où est-ce que ça pouvait se péter la gueule. Donc c'était un peu compliqué. Tu allais dans des endroits où c'était le plus safe possible, mais ce n'était pas simple. Et après quand tu vas sur les glaciers, ce n'était pas forcément plus dangereux parce que les glaciers étaient vachement ouverts, donc tu passais entre les crevasses. Mais ce n'était pas... agréable à voir. Même s'il y a une certaine beauté aussi, avec un glacier qui est tout fracturé. C'était dérangeant. C'était pas tant visuellement que cette sensation de chaleur globale et ces incendies quand tu rentrais à la maison. Tout ça, toute cette atmosphère avec le Sirocco qui est revenu aussi cet été. Moi, j'étais là, j'étais... Waouh ! Ça y est, on est dedans. Et pour moi... Je ne suis pas optimiste quant au fait qu'on va pouvoir réduire ça, mais par contre la planète, elle, elle va survivre. Le truc, c'est ce que... C'est pour ça que je suis là, je dis, mais en fait, les gars, il faut qu'on sauve notre peau à nous. Tu vois, donc, si moi, j'arrête de voyager, c'est par égoïsme, quelque part. C'est pas égoïsme, mais c'est aussi pour mes enfants. Oui, complètement. Mais c'est pas que de l'altruisme. C'est parce que, putain, moi, j'ai envie qu'on puisse encore, en tout cas que mes enfants, que je puisse voir mes petits-enfants grandir dans un monde où... qui ne soit pas complètement anxiogène. C'est d'abord à ça que je pense. C'est à ma pomme avant les autres. Après, la montagne, dans 50 ans, les Alpes ressemblera au Pyrénées. Il y aura des lacs à la place du glacier blanc, etc. Mais ça ne sera pas forcément moins joli. clairement, parce que les Pyrénées, c'est joli. Donc, ça ne sera pas forcément moins joli, mais ça sera différent. Et il va falloir qu'on fasse les choses différemment là-haut, peut-être. On fera plus de rochers, moins de glaciers, des choses comme ça. La montagne, elle, elle va continuer à survivre. Et puis la planète, de toute façon, elle va nous survivre, nous, de toute façon.

  • Speaker #0

    Il va falloir qu'on change notre sensibilité par rapport au paysage. J'ai un copain qui fait une thèse sur les forêts de Morienne. Et en fait, il y a 100 ou 150 ans, on trouvait ça moche, l'automne. On militait pour l'arbre vert.

  • Speaker #1

    pour que mes arbres ne changent pas de couleur moi pour moi si tu veux c'est aussi pour ça que je suis vachement j'essaye de porter quelque chose dans mes projets cette idée de dire que déjà non la montagne c'est pas dangereux, c'est ce qu'on y fait qui peut être dangereux donc arrêter d'avoir systématiquement peur de la montagne parce que la montagne c'est de la nature si on a peur de la montagne on a peur de la nature donc Et c'est ça qui nous fait faire des conneries, c'est parce qu'on en a peur de cette nature. C'est ça qui fait qu'on n'arrive pas à faire baisser nos chauffages parce qu'on a peur d'avoir froid ou de remettre un pull. Quand tu parles de ça, même à mes parents, moi qui ai 47 ans, ils ont plus de 80 ans. Eux, quand ils étaient gosses, ils mettaient des pulls et puis ils faisaient 15 degrés ou 16 degrés parce qu'ils n'arrivaient pas à chauffer plus, parce qu'ils n'avaient pas les moyens. Alors nous, on s'est protégés du froid, on se protège avec la clim du chaud. On se protège de tout, de la nature, on se protège de la nature. Attendez, à un moment donné, il va falloir qu'on l'accepte cette nature, parce qu'on fait partie intégrante de la nature. Et moi, dans mes projets, c'est ce que je cherche, c'est de faire partie intégrante de cette nature. C'est ça qui peut, si tu fais les choses dans le bon sens, qui peut être complètement jouissif, qui peut être génial. Et c'est ça que j'essaye de transmettre et de partager. C'est ce bonheur qu'il y a. d'être dans la nature et d'être ce bloc de rocher parmi les rochers d'être voilà ce morceau de bois comme tu disais tout à l'heure c'est pas de la conquête alors que pour l'instant on est encore en train d'essayer de conquérir des phases des sommets des machins enfin certains pas tous heureusement on est encore en train de d'utiliser un hélicoptère pour réussir à faire un truc mais t'as pas besoin de réussir à faire ça va faire autre chose sans l'hélico tu vois ça sera tout aussi plaisant c'est ça, c'est essayer de reconnecter avec notre milieu et notre vraie nature parce que nous on est des êtres naturels dans les médias c'est ce qu'on appelle le changement de ligne éditoriale on change la forme on change le front, on change à qui on s'adresse on change comment on le fait c'est pour ça que c'est important de raconter notre histoire de l'alpinisme et de la montagne en règle générale et de notre rapport à notre activité là-haut et ça peut pas être juste ça peut pas être juste de la contemplation parce que encore une fois la contemplation c'est chouette mais il y a un filtre dans la contemplation c'est rentrer dedans c'est rentrer dedans et c'est pour ça que les refuges sont si importants et c'est aussi pour ça qu'ils sont précieux et qu'il faut garder le refuge, pas forcément comme à l'ancienne vachement rustique continuer à faire en sorte que les gens y aillent et continuer à faire en sorte que la société évolue et que maintenant moi je croise des gens ah s'il n'y a pas de douche ils ont du mal Mais même avec une douche, ça reste rustique parce qu'il y a une douche pour X mille personnes et ce n'est pas à l'hôtel. Tant que ce n'est pas des hôtels, je pense que ça restera quand même de toute façon des expériences pour la plupart des gens parce qu'ils n'ont pas l'habitude de la collectivité, du partage de repas, de tout ça. Donc, ce n'est pas parce qu'on introduit les douches en refuge que c'est forcément perdu. Pour ça, je suis optimiste.

  • Speaker #0

    C'est chouette de porter ce message. Je pense qu'il faut qu'on tende à ça, en tout cas. Je pense qu'il faut continuer à ouvrir la montagne, mais je pense qu'il faut faire de la pédagogie et de l'éducation.

  • Speaker #1

    Oui, c'est ça. Pédagogie et éducation, et puis trouver les images et les mots pour que les gens aient un grand bonheur à aller dans ce milieu qui leur fait peur et qui peut potentiellement être dangereux s'ils font des bêtises là-haut. Mais arrêtez de surcommuniquer sur la difficulté et sur la dangerosité de ce milieu, parce que sinon on n'y arrivera jamais.

  • Speaker #0

    Au début de ce podcast, tu disais que quand tu étais plus jeune, tu avais peur de la mort en montagne. Comment est-ce que tu es passé outre ça ?

  • Speaker #1

    Ça s'est fait petit à petit, je pense que ça s'est fait petit à petit. Ce qui m'a vraiment changé, ma manière d'aborder la montagne, c'est cette... C'est suite au décès de mon grand frère au Pakistan, au G6 en 98. Donc moi j'étais avec mon ex-femme, j'étais maçon. J'ai encore continué à faire le maçon pendant quelques années. Puis après, quand je me suis lancé à essayer de devenir guide, la première chose que j'ai faite, c'est j'ai été voir mes parents et je leur ai demandé si je pouvais le faire. Parce qu'ils avaient déjà perdu un enfant en montagne. Je leur ai demandé la permission. Et à partir du moment où ils m'ont accordé cette permission d'aller vers le guide, je me suis dit, ok, moi, dans ma tête, je me suis dit, tu n'as pas le droit d'y rester. Et là, quand tu te mets ça dans la tête, tu l'abordes autrement la montagne. Parce que du coup, avec la peur que tu as, moi j'étais en apprentissage encore, je ne connaissais pas tout, loin de là, et puis je ne connais encore pas tout, heureusement, mais j'ai quand même beaucoup plus d'expérience qu'à l'époque. Et du coup, je ne connaissais pas tout, et du coup, j'avais mes limites. Et quand je sentais que j'allais vers ces limites-là, que je n'étais pas suffisamment prêt. J'ai encore remis la main sur un de mes carnets de l'époque, il y a deux jours, où j'écrivais, j'ai écrit, OK, bon, là, je ne suis pas encore prêt pour faire ça. J'ai fait demi-tour aujourd'hui parce que je n'étais pas encore prêt. Et je faisais demi-tour. Et j'ai appris à aller, tu vois, faire des allers-retours entre, bon, je me prépare physiquement, je crimpais avec une corde, je faisais des longueurs comme ça sur les falaises assurées, tu vois, mais tout seul. Ou bien avec des copains, mais je n'en avais pas beaucoup à l'époque. Et puis après, j'allais en montagne avec ma corde et puis je m'auto-assurais et puis je faisais quelques longueurs. Alors parfois, j'en faisais trois, les trois premières. Et puis après, la longueur était trop dure, donc je faisais demi-tour, je rentrais. parfois il faisait grand beau et puis je le sentais pas, j'étais pas en forme donc je faisais demi-tour aussi et j'ai appris en étant assez seul à cette époque là parce que j'avais pas le temps d'attendre que de créer des amitiés pour aller en montagne parce que j'avais pas beaucoup de sous et qu'il fallait que je fasse ma liste de course vraiment très vite donc j'ai appris à gérer ce truc de ok je vais mais dès que j'ai peur, hop j'arrête et Et petit à petit, tu prends en expérience. Donc, tu es de plus en plus... Enfin, comme... Simon Giraud, c'est un expert en neurosciences. Il était d'accord avec moi. Moi, je ne supporte pas l'expression il faut sortir de sa zone de confort Je ne le supporte pas parce que je me dis qu'en montagne, moi, c'est tout l'inverse. Je cherche ma zone de confort. Et lui, il a introduit... Je me suis dit ah tiens, ça, c'est intéressant En fait, ce que tu fais, c'est que tu essayes d'étendre ta zone de confort. Mais... il ne faut pas sortir. Parce que si tu sors de ta zone de confort en montagne, généralement, tu n'es pas bien. Tu n'es pas loin de mourir. Et moi, ce que j'ai fait pendant toutes ces années, c'est que j'ai augmenté ma zone de confort petit à petit avec l'apprentissage, en progressant au niveau du niveau technique. Et puis aussi, à force d'aller en montagne, tu apprends que tu peux aller jusque là. Ou ce qui me faisait peur hier ou il y a un mois, Et bien finalement, j'ai appris, j'ai lu, j'ai observé. Et puis petit à petit, tu vois, je me souviens très bien des premières fois où j'avais la frontale de nuit, où je partais de nuit. Mais j'ai fait demi-tour un paquet de fois. Ça fait flipper, quoi. Tu vois ? Et voilà.

  • Speaker #0

    Mais c'est important aussi, là, tu produis beaucoup d'images, beaucoup de contenus. Si pour l'image, tu te mets en danger... il faut pas et du coup il faut avoir l'expérience pour dire ok j'avais prévu de faire cette image aujourd'hui là ça craint, je me casse et tant pis et c'est important d'avoir cette expérience là parce que parfois on peut être poussé aussi et se dire en fait là il y a la caméra qui filme mais on peut pas faire demi-tour ouais mais moi moi la caméra,

  • Speaker #1

    ce que j'explique souvent les premières fois où j'ai pris la caméra c'est parce que je l'avais à la maison pour mes projets avec Didier et je la sortais pour mes pantraides pour avoir une trace C'était juste pour avoir une espèce d'archive. S'il y a quelqu'un qui me demandait comment elle était la pente, ou qui me demandait si je l'avais vraiment faite, j'étais là, regarde la vidéo. Et puis après, je me suis pris au jeu de l'image. De essayer de faire en sorte que l'image soit jolie, avec les moyens que j'ai. Parce que je n'ai pas envie d'investir trop de sous dans les caméras, 360 et machin. Et surtout, je n'ai pas l'ordinateur assez puissant pour traiter toutes ces images. Donc j'ai une vieille GoPro maintenant, un GoPro 7, tu vois, alors que je ne sais plus où on en est au niveau des GoPro. Et j'essaye de faire l'image la plus intéressante ou celle qui me fait, en tout cas, qui m'intéresse le plus possible, artistiquement, entre guillemets, parce que je ne suis pas un caméraman, et aussi pour donner cette sensation que je peux éprouver sur mes skis quand je suis en pente raide. Donc parfois, je la retourne complètement à 360. pour qu'on voit mieux mes pieds. Parce que si tu la mets dans un sens, tu vois moins bien les pieds que si tu la mets dans un autre. Parfois, je la mets verticale pour qu'on soit plus impressionné par la pente, etc. Donc, je m'amuse vraiment. L'image, pour moi, c'est un prétexte à... Déjà, un truc pour montrer que c'est une archive. Et puis, c'est une manière de m'amuser derrière, à essayer de créer, à mettre de la musique. Parfois, ça m'arrive d'écouter une musique enfin d'entendre une musique et de me dire ah ouais là il y aurait peut-être ces images là qui iraient bien je vais aller faire ce truc là parce que je trouve que la musique irait bien et puis voilà donc tu parles de l'archive c'est hyper important c'est un espèce de devoir de mémoire de la montagne on

  • Speaker #0

    a beaucoup de carnets d'aventure pour moi c'est aussi important qu'un film t'écris beaucoup ?

  • Speaker #1

    Alors non, enfin si, sur mes réseaux j'écris, voilà. En ce moment j'écris plus sur mes réseaux que vraiment dans l'optique de refaire un bouquin. Ouais, ça me permet de partager des idées. Après j'ai toujours écrit, alors pas beaucoup non, j'ai toujours écrit depuis que j'ai 17 ans, mais voilà, ça m'arrive parfois de me réveiller dans la nuit avec des trucs en tête et je les écris. c'est comme ça que j'écris après j'ai envie d'écrire un deuxième bouquin mais j'ai beaucoup de mal à enfin non j'ai envie déjà de digérer bien le premier que j'ai écrit, vraiment de le digérer pour réussir à écrire un autre livre et pas refaire un livre que j'ai déjà écrit donc il faut que je trouve les manières de faire ça c'est dur parce que tu vois par exemple moi quand j'ai regardé tout ce qui existait sur toi comme production je me suis dit mais comment je vais faire quelque chose de différent

  • Speaker #0

    du coup je me reconnais dans ce que tu dis là j'ai une dernière question pour toi quelle est la question qu'un journaliste ne t'a jamais posée que tu aimerais qu'on te pose ?

  • Speaker #1

    ouais ouais mais là il faut que j'y réfléchisse 5 minutes il faut que j'y réfléchisse 5 minutes la question qu'on m'a jamais posée que j'aimerais qu'on me pose Ouais, c'est une question qu'on m'a pas posée. J'ai déjà donné la réponse, mais on m'a jamais posé la question. C'est comment j'aimerais mourir ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est très particulier, mais donc je vais te la poser. Comment est-ce que tu aimerais mourir ?

  • Speaker #1

    J'aimerais mourir entouré de mes proches. Voilà, et clairement pas en montagne. Voilà, c'est la réponse que j'avais envie de donner. Et je trouve que c'est quelque chose qui est marquant pour moi parce que j'ai déjà eu des réponses complètement contraires de la part de très proches. Et je trouve que c'est, dans le sens du partage, ce que moi je dis souvent à des jeunes qui viennent me voir ou à des copains, je dis mais en fait... l'important dans ce que tu as envie de faire en montagne, c'est d'abord ce qui se passe en dehors de la montagne. C'est ta vie. Fais-toi une belle vie, que ce soit une vie de famille ou une vie tout seul. Je n'ai rien contre quelqu'un de seul. Mais fais-toi une belle vie avec des bons potes, où tu as envie de rentrer. Et que la montagne, que ce soit un lieu de passage, parce que c'est un lieu de passage. On n'y passe en montagne, on n'y reste jamais. Il faut que ce soit un lieu de passage et pas un lieu pour rester. et si tu te fais une belle vie je pense que tu peux faire longtemps et apprécier longtemps la montagne merci beaucoup

  • Speaker #0

    Paul d'avoir été dans le camp de base de rien, merci à toi et puis un bon film ce soir je pense que c'est assez grisant de présenter son travail et le travail qu'il nous a tenu pendant un petit moment ouais c'est pas moi qui ai bossé dessus,

  • Speaker #1

    c'est Justin et Romain et à vrai dire je suis pas à l'aise avec ce film là parce que je parle beaucoup et on voit beaucoup ma tête et à chaque fois je me dis j'en ai marre de ma tête j'en ai vraiment marre c'est pas que je l'aime pas ce film c'est juste que je suis trop dedans Je pense que les retours que j'en ai sont plutôt... Alors, ce n'est pas un film exceptionnel, c'est un bon film, les gens apprécient. Mais moi, je n'arrive pas à l'apprécier parce que j'ai l'impression qu'il n'y a que ma tronche tout le temps, en permanence, et j'ai beaucoup de mal avec ça.

  • Speaker #0

    Comment est-ce qu'on deal avec la notoriété comme ça, quand on n'a pas envie de dealer avec la notoriété ?

  • Speaker #1

    En essayant d'être le plus naturel possible. Surtout pas se prendre la tête, se prendre le chou trop. Ça m'arrive de me prendre vraiment le chou, à me dire Ah merde, j'aurais pas dû faire ça, j'aurais pas dû dire ça. Ça m'arrive. Et après, je relativise, je pose un peu les réseaux pendant une ou deux semaines. Et puis, je me recentre sur moi, ma vie de famille. mes proches, mes amis, etc. Et puis, derrière, ça va mieux. Il faut faire des pauses.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup.

  • Speaker #1

    Merci à toi.

  • Speaker #0

    Le camp de base épisode 27, c'est terminé pour aujourd'hui. Merci de nous avoir écoutés. Si vous l'avez aimé, vous pouvez m'envoyer un mot d'amour et 5 étoiles sur Apple Podcasts ou Spotify, ou envisager de partager l'épisode à votre entourage. Ça ne vous engage à rien, mais ça m'aide grandement à faire découvrir le podcast. Le prochain épisode sera diffusé lundi prochain. Et pour suivre nos actualités d'ici là, retrouvez-moi sur Instagram et LinkedIn. Pour aller plus loin, c'est sur www.candebase-podcast.com que ça se passe. A très vite dans le camp de base. Au contre, au sommet.

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