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Le Camp de base - Montagne & Aventures

Sophie Lavaud : gravir les 14 sommets de + de 8000m

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53min |27/01/2025
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Description

Mon invitée du jour n'est autre que Sophie Lavaud, l'alpiniste franco-suisse qui, en 2023, a gravé son nom dans l’histoire en devenant la première femme à boucler les quatorze sommets de plus de 8000 mètres.

Avec son ascension du Nanga Parbat, la "montagne tueuse", elle clôture une décennie d'efforts intenses et devient une référence dans le monde de l'alpinisme.


Dans cet épisode, Sophie me raconte ses débuts en montagne, marqués par une passion naissante après une première ascension du Mont Blanc en 2004, puis un trek en Himalaya. De la danse classique, où elle a acquis une discipline de fer, à la conquête des plus hauts sommets de l’Himalaya, elle partage son évolution dans ce sport exigeant. Sa quête des 8000 mètres, qui débute en 2012, est une aventure progressive, mais aussi une lutte contre les obstacles physiques et mentaux imposés par les altitudes extrêmes.

Ecoutez cet épisode du Camp de base, c'est aller à la rencontre des défis de l'alpinisme à haute altitude, comme l'hypoxie, qui altère non seulement les capacités physiques mais aussi la prise de décision. Sophie met en lumière l'importance de la gestion des risques et de la coordination avec son équipe, notamment les Sherpas, pour réussir une ascension de ce type. Elle insiste sur la nécessité de prendre des décisions collectives, en tenant compte de la météo et des imprévus.


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🎧 Le Camp de base, c’est le podcast des rencontres au sommet et de la montagne racontée avec passion, dans vos oreilles, tous les lundis dès 5h du matin. 🌄


Lire l'article complet sur le site internet : https://campdebase-podcast.com/sophie-lavaud-alpinisme/

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Transcription

  • Speaker #0

    En 2022, avec Sangé, on a réussi le Lhotse au printemps et on enchaîne directement sur le Nanga. Et là, j'ai été happée par une intoxication alimentaire qui m'a torpillée le ventre la veille du départ pour le sommet. Et je ne sais pas comment j'ai réussi à aller jusqu'au cantrois, mais avec des douleurs de ventre. épouvantable et j'ai décidé de faire 24 heures au camp 3 pour essayer de calmer les douleurs et clairement je n'avais pas l'énergie pour poursuivre et en fait les alpinistes qui ont tenté le sommet la nuit où on a attendu justement au camp 3, ils ont rebroussé le chemin parce que les conditions avaient trop changé en fait on a trop attendu en 2022 et les conditions de la montagne s'étaient tellement altérées que ça devenait dangereux, ils n'ont pas réussi le sommet et donc on a abandonné c'est pour ça qu'il y a cette tension un petit peu aussi quand on y retourne en 2023 de justement pousser pour pour pas attendre trop et prendre les premières fenêtres météo et pas faire la même erreur le

  • Speaker #1

    26 juin 2023 pakistan sommet du nanga parbatt 8000 126 mètres d'altitude sophie lavaux et dawa sangha cher pas se hisse sur les derniers mètres qui les séparent du sommet mais aussi d'un exploit qui fera entrer Sophie dans la légende. Le Summit Push, depuis le Camp 3 à 6800 mètres, a été long et intense. Le Nanga est probablement le sommet le plus difficile des 14 sommets de notre planète, qui culmine à plus de 8000 mètres. En ce 26 juin 2023, Sophie Laveau devient donc le premier Français, le premier Canadien et la première Suissesse à boucler les 14 dans un jour blanc. La joie de ce moment historique a probablement été intense, inimaginable pour le commun des mortels que je représente. Cette aventure, elle a commencé avec une montée au sommet du Mont Blanc en 2004, pour celle qui estime être une madame tout le monde.

  • Speaker #0

    Il y a cette première étape qui est entre le camp 1 et le camp 2, donc justement le passage de ce mur Kinshoffer, qui reste quand même le point clé et la difficulté. Ensuite, la météo se maintient, donc on a pu enchaîner et partir sur le camp 3. Le camp 3, il y a cet aléa de l'emplacement. Vu qu'on décide de ne pas faire de camp 4, il faut quand même aller au plus haut possible. Il y a un espèce de petit îlot rocheux, donc on va mettre les tentes à cet endroit-là. Après, de nouveau, c'est chaque fois questionner Yann, Guizaine Daner, par rapport à la météo, est-ce que ça se maintient, la fenêtre ? On était en fin de fenêtre météo et le mauvais temps devait arriver. Et on part en fait vers 18h pour le sommet. Avec un temps classique, on est toujours sur ces sommets de pouche, au minimum sur une vingtaine d'heures, avec un retour au camp 3. Le sommet, on est dans une espèce de météo, un peu de brouillard, laiteux, il n'y a pas de vue. Il y a la préoccupation de la descente parce que les 600 derniers mètres ne sont pas sécurisés. Moi, je suis vraiment inquiète pour la descente. Mais il y a quand même un moment d'émotion gravé avec Sangé au sommet. Christine Arila, elle est arrivée au sommet avant, et en fait, je la croise quand elle est en train de redescendre, et nous, on est vraiment en train d'arriver. Là, le fait de la voir redescendre, et elle me dit, mais ça y est, il y est, etc., il y a eu là peut-être vraiment le... Le moment fort aussi parce que je savais qu'on allait y arriver. Voilà, c'est plus des flashs, des moments comme ça parce que c'est longues heures qui s'étirent pendant toute la nuit. Autre où on est juste focalisé sur le halo de la frontale et de mettre un pied devant l'autre. Voilà, c'est long, c'est long, c'est long. Mais ça c'est le propre de ces sommets de pouche sur ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Erhard Loretam, du troisième homme au 14-8000 a dit Le problème avec les 8000, c'est comme avec les cacahuètes, il ne faut jamais commencer. Alors, quels ont été les moteurs de Sophie Laveau, qui, un beau jour à 36 ans, a décidé de quitter une carrière dans l'hôtellerie de luxe et dans l'univers des cosmétiques ? J'ai la chance de pouvoir discuter avec Sophie aujourd'hui dans le camp de base pour lancer le premier épisode de cette quatrième saison. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne écoute. en espérant que vous prendrez autant de plaisir à l'écouter parler que j'en ai eu à la rencontrer. Merci infiniment aux éditions Glénat d'avoir rendu cela possible. Le livre Les 14 000 de Sophie Laveau, co-écrit avec François Damilano, que vous entendrez dans quelques semaines sur le Canvas, constitue un magnifique livre de voyage proposant des points de vue originaux autant qu'historiques sur les 14 plus hautes montagnes du monde. Et si vous avez aimé cet épisode, Je serais ravie de recueillir vos commentaires sur Apple Podcasts, Spotify et YouTube. Restez bien jusqu'au bout de cet épisode, parce qu'avec les éditions Glénat, on a une surprise pour vous, et je vous en parle juste après cet entretien. Bonjour Sophie !

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'être dans le camp de base aujourd'hui. Pour moi, ce n'est pas facile de t'interviewer, même si c'est super parce que tu as fait déjà tellement d'interviews. Dans le camp de base, j'essaye toujours de poser de nouvelles questions, des choses qui n'ont pas été entendues ailleurs, mais sans jamais rentrer dans le personnel. J'ai beaucoup réfléchi cette nuit.

  • Speaker #0

    J'espère que tu as dormi un petit peu.

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais quand je vois que tu ne dors pas pendant 24 heures au-delà de 6 000 mètres,

  • Speaker #0

    je me dis que ça va aller,

  • Speaker #1

    il y a de la marge. Première question que je pose à tous les invités du camp de base. Il est où, toi, ton camp de base ? Il est composé de quoi pour être bien ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il peut être n'importe où, mais c'est surtout ma tente. J'ai fait un petit calcul. Je crois que j'ai dormi plus de trois ans dans une tente au-dessus de 5000 mètres. Et en fait, c'est le seul endroit vraiment où je peux recréer une intimité. Il faut que ma tente soit... confortable et c'est très important. Justement quand on est comme ça dans des environnements hostiles pendant des semaines et des semaines, il faut un endroit où on peut aller se reposer, s'isoler, donc c'est ma tente. Très bien.

  • Speaker #1

    Tu aimes à dire que tu es comme Madame Tout-le-Monde, que tu n'es pas une performeuse. Tu as un déclic en 2004 quand tu fais le pari avec un ami. Oui. d'arriver au sommet du Mont Blanc. Alors moi, j'aimerais bien comprendre un peu dans quel milieu tu as grandi, elle ressemble à quoi ton enfance et finalement, c'est quoi tes connaissances de la montagne et de l'alpinisme qu'on t'a transmises ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis née à Lausanne, en Suisse, et on avait un appartement dans la vallée de Chamonix quand on était enfant. Donc, je dis souvent, j'ai appris à marcher en même temps qu'à skier. Donc, on a quand même été dans un univers de montagne avec mon frère très jeune. Et on passait la moitié de l'été, les vacances scolaires aussi à la montagne. En revanche, il n'y a pas d'alpinistes dans la famille. Donc, il n'y a pas de cette culture de la grimpe qu'on peut inculquer aux enfants très jeunes. D'ailleurs, j'adore grimper, mais je suis une bille parce que justement, j'ai commencé trop tard. En revanche, ma discipline de cœur... Quand j'étais jeune, c'était la danse classique. Donc j'ai fait presque 15 ans de danse classique, de ballet, vraiment à haut niveau, au point que je voulais arrêter l'école et me consacrer à cette carrière. Et comme j'étais quand même assez bonne à l'école et que c'était assez facile pour moi, mon père m'a toujours dit « il faut que tu passes ton bac et puis après tu feras ce que tu veux » . Et donc il y a des années où je me suis retrouvée avec l'école traditionnelle, pas aménagée, et une quinzaine d'heures de danse par semaine. Donc c'était toute ma vie. J'étais à l'école et à la danse. L'année juste avant les auditions, pour potentiellement rentrer dans une compagnie, j'ai eu conjointement un gros problème de dos et une appendicite à la limite de la péritonite. Et donc j'ai dû arrêter. Et en fait, cette année, presque une année avec un corset, a fait que j'ai tellement perdu que quand j'ai repris, le niveau avait... trop baissé et j'ai dû abandonner. Et en fait, ça a été assez traumatisant parce que je m'étais projetée dans ma vie comme danseuse, avec le rêve d'une danseuse étoile, je pense, comme toutes les petites filles qui font de la danse. Donc la transition a été longue, mais après, je raconte ça parce que je pense que du moment où j'ai mis des chaussons d'escalade, déjà, il y a une sensation qui est très similaire aux chaussons de pointe. Donc c'est un univers complètement différent et avec finalement pas mal de similitudes, d'équilibres et autres. Et je pense que c'est pour ça que j'ai accroché à la grimpe. Et après, par la suite, dans cette quête d'altitude, c'est finalement le mental. Le mental qui joue un rôle très très important. Et je pense que cette discipline du corps que j'ai eue toutes ces années avec la danse classique m'a beaucoup aidée. Et m'aide encore aujourd'hui. dans cet effort intense qu'il faut fournir quand on grimpe ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Et puis il y a une rigueur aussi dans l'entraînement, dans la danse classique.

  • Speaker #0

    Une rigueur, une discipline, une hygiène de vie qui est vraiment indispensable. Donc oui, il y a beaucoup de similitudes en fait.

  • Speaker #1

    À quel moment tu les enfiles ces chaussons d'escalade ?

  • Speaker #0

    Ah, quand est-ce que j'ai commencé ? Oui, au début 2000, à peu près, dans ces Ausha. En fait, j'avais commencé à faire quelques ascensions. Et puis, il y a effectivement ce Mont Blanc de 2004. Et donc, j'avais un ami d'enfance qui vivait à Chamonix. Et je suis allée le voir et je lui ai dit, apprends-moi l'alpinisme. J'ai envie. Et on a fait beaucoup ensemble et c'est lui qui m'a initiée.

  • Speaker #1

    C'est tombé comme ça. Un jour, tu t'es dit, je veux faire de l'alpinisme.

  • Speaker #0

    Oui, je me suis dit, c'est quelque chose qui... qui devraient me plaire. Donc, j'ai envie d'apprendre la technique de l'alpinisme, en fait. Et puis, de nouveau, c'est des bons prétextes pour partir en montagne, faire des choses avec des amis, et puis apprendre Piolet-Crampon, etc.

  • Speaker #1

    Tu as trois nationalités. Tu es française, suisse et canadienne. Comment est-ce que chacune de ces nationalités joue dans ta persévérance et dans ton rapport à la montagne ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas lié, mais... L'origine de la famille, mes parents sont français et mon papa est immigré au Canada, c'est jeune. Et maman, à l'époque, était hôtesse de l'air, à Air France, et elle faisait des paris Montréal, jusqu'au jour où elle est parvenue. Elle est restée, ils se sont mariés là-bas, etc. D'où le naturalisé canadien, d'où le passeport canadien. Et quand ils sont rentrés en Europe, ils sont venus en Suisse. Et donc avec mon frère, on est nés en Suisse. D'où le troisième passeport. Ce qui est rigolo, c'est qu'en fonction d'où je me trouve, l'entourage s'approprie la nationalité. Donc quand je suis en Suisse, alors je suis suisse. Quand je suis à Lausanne, je suis vauloise parce que je suis née à Lausanne. Quand je suis en France, je suis française. Et quand je vais au Canada, je suis canadienne. Donc chacun s'approprie le précaré. Donc c'est rigolo.

  • Speaker #1

    Surtout dans ce record, en fait, je m'imagine que c'est une fierté. Lausanne, c'est une très jolie ville médiévale. On retrouve le musée de l'Elysée. Le musée de l'Elysée qui abrite une collection, qui est une collection assez incroyable de photographies d'Ela Maillard. Ela Maillard qui a traversé la Chine par les territoires ouïghours de Pékin au Cachemire. En 1935, est-ce que tu as eu l'occasion de voir cette collection de photographies ?

  • Speaker #0

    Alors non, je n'ai pas eu l'occasion de la voir. En revanche, Alexandra Davini, Laila Mayar, ce sont des noms qui résonnent d'aventurières extraordinaires pour qui j'ai vraiment beaucoup d'admiration. Et j'ai travaillé à Genève dans un institut de coaching qui s'appelait l'Institut Futura 21. Et... On a inauguré les nouveaux bureaux et la directrice de l'Institut a nommé des salles, nos salles de conférences et de cours. Il y avait la salle El Amaya et il y avait la salle Sophie Laveau. Et donc j'ai toujours été très flattée d'avoir mon nom à côté de celui d'El Amaya.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut faire justement un petit retour en arrière ? Et que tu me racontes après le Mont Blanc, donc tu te dis que tu vas faire un autre 4000, puis un 5000, puis tu sais la théorie des petits pas, on va toujours un peu plus loin ?

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. C'est un pas après l'autre, un sommet après l'autre, et puis après on verra. C'est vrai que je parle toujours, après ce Mont Blanc, les voyages et la découverte d'autres sommets, de l'altitude et autres. Dans l'intervalle de ces grands voyages, j'ai vraiment beaucoup, justement, avec cet ami, apprends-moi l'alpinisme, on a fait beaucoup, beaucoup d'ascensions dans les Alpes. Mais c'est vrai que j'ai... J'ai été quand même attirée assez vite par l'altitude, par aller toujours un peu plus haut. Ce n'était pas forcément la technique, aller dans le dur, de plus en plus dur. C'était plus d'aller découvrir et aller un peu plus haut. Et donc, c'est comme ça que je passe un 5000, après 6000, après 7000 et puis après la barre des 8000. Mais il y a quand même 10 ans qui s'écoulent entre un Mont-Blanc 2004 et un Everest en 2014. Donc voilà, de nouveau, on est sur du temps long. Je ne suis pas une hoxtague qui s'est réveillée un matin en disant « tiens, je vais aller gravir l'Everest » . Et l'année d'après, j'étais au sommet. Non, ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est passé.

  • Speaker #1

    Justement, quel regard tu portes sur ce jeune homme qui a tout lâché et qui s'est dit « je vais aller faire l'Everest » .

  • Speaker #0

    Eh bien, pourquoi pas ? Mais pourquoi pas ? Je veux dire, d'avoir un rêve d'Everest peut prendre n'importe qui, quelque part. Après, c'est comment on s'y prend. Et là, de se dédier complètement à ça, de s'être entraîné. Il a fait les choses correctement. Il s'est bien entouré. Alors oui, il y a des moyens, il y a beaucoup de choses. Mais ce n'est pas parce qu'on est youtubeur qu'on n'a pas le droit d'avoir un rêve d'Everest. C'est clair.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rappelles la première fois que tu mets les pieds en Himalaya ? C'était en quelle année ?

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens très bien quand je vais en Himalaya la première fois. Je suis partie avec mon frère en fait. On est parti en trek en Himalaya. Mon frère avait un ami qui a épousé une Sherpani, une Népalaise. Elle s'appelle Lakti et elle était une des premières femmes guides de trek au Népal. Les femmes ont eu du mal et ont toujours encore aujourd'hui du mal à s'affranchir. quand elles veulent sortir des rangs de mère de famille. Mais il y en a de plus en plus. Mais à l'époque, l'acti était vraiment une des premières. Et elle avait appris le français, donc elle travaillait pour Aliber. Et en fait, elle a organisé hors saison, parce qu'on y était en février, donc il faisait un froid de dingue. Mais il n'y avait personne. On devait aller au camp de base de l'Everest, sauf que les lodges étaient fermés. parce qu'on était complètement hors saison. Et on a bifurqué dans la vallée de Chukung et on a fait ce qu'on appelle le Chukungri, qui est un 5005. Et ça a été un des premiers déclics après, dans ce début, ce démarrage d'aller un petit peu en altitude. Et en fait, on l'a su au retour, mais ce voyage préparait leur... Leur mariage, ils préparaient leur mariage. Et quelques mois après, on a été conviés à Paris pour le mariage de Lacti et Olivier, qui était un très très joli mariage.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de Katmandou, qui est une ville qui fourmille, des sourires ténébalaises, de la pauvreté. Est-ce que tu peux nous raconter les paysages que toi tu gardes de Katmandou ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on nous dit toujours ? Que c'est un bordel sympathique. Parce que c'est vrai que c'est un chaos total. Mais il y a un trafic épouvantable. Mais tout le monde roule à 20 à l'heure. Tout le monde, c'est « pousse-toi là que je passe » , etc. Mais c'est toujours courtois. Et de nouveau, on est dans cet état d'esprit Donc on a complètement perdu ici, d'une manière générale, c'est l'entraide, vraiment. Donc effectivement, c'est très pauvre, c'est pollué, il y a des mendiants, les marchands de fruits et légumes qui, avec leur petite carriole, sont tout le temps au coin des rues. Donc on achète ses fruits et légumes sur le chemin, en rentrant chez soi ou moi, dans mon petit hôtel où j'ai mes habitudes. dans le quartier de Bodnath, qui est le quartier bouddhiste. Quand j'arrive à Katmandou, je vais voir la stupa. J'ai des habitudes comme ça. Alors, je pense que je ne pourrais pas vivre à Katmandou, justement à cause de la pollution. En revanche, j'ai toujours plaisir à y passer quelques jours. Et je trouve que ce qualificatif de bordel sympathique, ça qualifie bien la ville.

  • Speaker #1

    Vous parlez des femmes et de la montagne ? Je vais recevoir Anne-Benoît Jeannin dans un des épisodes suivants du camp de base. Elle a écrit un livre et elle a réalisé un film sur l'alpinisme comme émancipation des Népalaises dans une société... qui est quand même assez misogyne. Dans cette expédition, comme dans tout ce qu'on voit à l'écran en termes d'alpinisme, une femme qui fait de l'alpinisme comme vous, elle est forcément entourée d'hommes. Est-ce qu'en 11 ans, on vous a déjà proposé, ou vous avez déjà rencontré une femme Sherpani, ou est-ce qu'on vous a déjà proposé d'être accompagnée par une femme sur une de vos expéditions ? Est-ce que vous avez observé ? L'émancipation toute relative dont parle Anne dans ses films et dans son livre.

  • Speaker #0

    Donc on parle des Sherpas, il faut toujours distinguer l'ethnie du job.

  • Speaker #1

    La communauté Sherpa.

  • Speaker #0

    Donc qui est une ethnie, qui est une caste. Et comme les populations des contreforts de l'Himalaya sont les Sherpas essentiellement qui vivent toujours. C'est les premières personnes qui ont été embauchées dans les années 50-60 dans les conquêtes de l'Himalaya. Et donc le nom de Sherpa est devenu le nom du job. Mais c'est leur nom. Si je prends Sangé, son nom complet c'est Dawah Sangé Sherpa. Et Sherpa c'est son nom de famille. Donc ça, il faut juste distinguer ça. Il n'y a pas de Sherpa femmes qui travaillent sur les montagnes, qui font de l'aide au portage, de l'assistance aux grimpeurs, etc. Il n'y a pas de femmes. En revanche, il y a des femmes guides de trek maintenant et il y a des femmes qui grimpent, qui elles-mêmes se font assister par des Sherpas. Et la plus connue après les premières conquêtes avec Passang Lamu, etc., il y a une Sherpani qui a épousé un Hollandais qui s'appelle Maya Sherpa et qui a commencé à grimper des 8000. Elle est très connue parce que justement, elle était dans les premières. Après, elle a inspiré d'autres jeunes femmes qui ont commencé à grimper. Donc, il n'y a pas Sanglamo, parce que tout le monde, à peu près tous, s'appellent tous pareil.

  • Speaker #1

    Pas Sanglamo Akita, qui a épousé un Japonais. Voilà.

  • Speaker #0

    Et Dawai Anzum, je ne sais pas qui, est la première femme aujourd'hui népalaise guide de haute montagne. Donc, il n'y en a qu'une. Et donc, c'est trois, que ce soit Maya... Ba Sang et Dao Yangzong, elles étaient toutes les trois avec moi sur 2017, sauf erreur, sur l'expédition du Kanchenjunga. Et c'est vraiment les trois icônes très connues. Aujourd'hui, il y en a plus. Donc, petit à petit. Évidemment, c'est dur. Il y a Fung Jo qui a battu un record de vitesse sur l'Everest la saison dernière. Il y a Pournima Ausha où j'ai fait la... première expédition avec elle en 2017 et qui aujourd'hui elle est dans la course aux 14 donc bien sûr que ça reste difficile pour elle bien sûr que elles doivent casser les codes de la société qui effectivement est assez encore très macho mais petit à petit on commence à voir des femmes sur les camps de base pareil au pakistan Les premières expéditions au Pakistan, j'étais en général la seule femme. Petit à petit, il y a eu des étrangères. Et là, sur le Nanga Parbat, par exemple, il y avait trois jeunes femmes pakistanaises qui tentaient l'ascension. Alors évidemment, ce sont des jeunes femmes qui sont d'un milieu privilégié, qui en général vivent à l'étranger. Mais n'empêche qu'elles sont pakistanaises et elles portent les couleurs du pays. Et ça permet un tout petit peu de... petit peu d'avancer dans l'émancipation des femmes dans le contexte de la grimpe mais il ya encore du chemin à faire quand même est ce que vous êtes partie de celles qui ont eu besoin d'avoir des modèles féminins pour vous lancer non c'est pas des modèles qui est le facteur déclenchant chez moi en revanche quand j'ai commencé à découvrir à apprendre à me documenter quand même sur le sur le milieu j'ai rencontré en quelle année je crois c'est en 2016 ni vesmeroy qui a un parcours, donc qui a réussi les 14 8000 avec son mari, et qui a renoncé. Elle aurait dû être la première à réussir les 14 8000. Et elle a renoncé à ce podium, on peut dire ça comme ça, parce qu'elle a grimpé tous les sommets avec son mari. Ils ont dû interrompre leurs expéditions parce qu'il a eu un cancer. Et elle est restée à son chevet pendant quatre ans. Il s'en est remis et ils ont terminé après. Donc, j'aime beaucoup l'histoire. parce que c'est justement une histoire d'amour avant tout. Et puis, ils ont grimpé dans un style très épuré. C'est une histoire d'amour en montagne, de couple.

  • Speaker #1

    Alors si tu veux bien, on va revenir aux sensations et aux émotions de l'alpinisme. Qu'est-ce que tu te dis ? Au sommet de ton premier 8000, ça doit être une expérience incroyable.

  • Speaker #0

    Atteindre le sommet de ces montagnes, effectivement de ces grandes montagnes à plus de 8000 mètres, c'est vrai que ça procure une émotion toujours très particulière, le fait d'y être arrivé. Et puis, il y a toujours ce petit chose qui est au fond de la tête qui dit, mais t'es qu'au sommet, il faut redescendre. Quand on a la possibilité d'avoir une météo clémente, évidemment, il y a tout ce qu'on voit autour. On s'imprègne de toutes ces images. Le Shishapangma de 2012, où finalement je ne vais qu'au sommet central, mais à l'époque, je ne savais pas la différence entre le sommet central et le sommet principal. Toujours est-il qu'on était dans une espèce de brume. On avait dû faire 24 heures de pause au camp 3. C'était toute une sorte de découverte permanente. et alors oui j'ai le souvenir des photos de cette joie qu'on a au sommet il y a toujours cette hypoxie qui met toujours un peu et avec les années est-ce que c'est les photos qui me rappellent ces souvenirs ou est-ce que c'est vraiment des souvenirs c'est toujours un petit peu mélangé mais j'ai un souvenir très clair que la météo était assez instable et que Ça allait se gâter, donc il fallait qu'on descende. Et donc on est descendu et la tempête s'est levée d'ailleurs quand on est arrivé au camp 3. Donc il y a toujours cette préoccupation de la descente finalement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'hypoxie, donc l'hypoxie c'est ce phénomène de manque d'oxygène. Comment est-ce qu'on fait dans un sport comme l'alpinisme où il faut prendre des décisions rapides pour rester en vie ?

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement on maîtrise ce qui se passe ? Parce que tu as l'air d'écrire un phénomène un peu brumeux.

  • Speaker #1

    Rien n'est rapide au-dessus de 8000 mètres. Ça c'est vraiment, on pourrait presque parler de l'éloge de la lenteur, avec le paradoxe de justement ces records où il faut toujours aller plus vite, etc. Mais l'hypoxie, donc ce manque d'oxygène, altère complètement le fonctionnement du corps et et du cerveau. C'est ce qui rend l'univers extrême et dangereux parce que justement la capacité de réflexion est altérée il se passe régulièrement de la prise de mauvaises décisions dues à l'hypoxie d'où pour moi l'importance d'évoluer en binôme avec en l'occurrence un Sherpa donc Dao Asang et Sherpa qui me connaît très bien, moi je le connais très bien Parce que les prémices d'un mal aigu des montagnes potentiels souvent se traduisent par de l'incohérence. De l'incohérence de mouvement, de l'incohérence de comportement, de parole ou autre. Donc, c'est important que la personne qui grimpe avec toi te connaisse pour justement éventuellement pallier ou réagir s'il y a quelque chose qui cloche. Et puis moi, je ne suis pas une solitaire. Je n'aime pas faire les choses toute seule. Donc, de toute façon, j'aime être entourée et avoir une équipe avec moi au-delà de la simple sécurité. Le Nanga Parbat, c'est un petit peu comme le K2. C'est des montagnes qui ont des histoires dramatiques. Il y a une partie de l'imaginaire. qui exacerbe l'environnement et qui renvoie quand même une image assez effrayante, on va dire. Donc le Nanga, quand on dit on va au Nanga, c'est un peu comme quand on va au K2, c'est « waouh, ça va être dur et on va en baver » . Et c'est vrai que la particularité du Nanga Parbat, c'est que quand on est au pied de la montagne, donc au camp de base, on voit le sommet. On est vraiment face à cette immense paroi. Ce qui n'est pas le cas de tous les 8000, dans le sens où souvent les distances sont longues, donc le cheminement sur la montagne fait qu'on ne voit pas le sommet. Donc la perspective est très différente. Et là, on est planté devant cette face. Et donc on passe notre temps à avoir les yeux rivés sur la paroi et à se dire, mais mon Dieu, comment on va faire ? C'est vrai que ce n'est pas la plus accessible pour terminer.

  • Speaker #0

    À quoi elle ressemble cette...

  • Speaker #1

    On est sur une montagne qui peut être soit découpée soit en trois camps d'altitude, soit en quatre. Nous on a fait le choix de faire que trois camps. Parfois, c'est arrivé plusieurs fois, mais parfois le fait d'avoir à déplacer tout le matériel jusqu'au camp 4, qui veut dire c'est le portage des tentes, des réchauds, de la nourriture, donc il faut de la nourriture supplémentaire parce que ça implique une nuit supplémentaire, etc. Le bénéfice d'un camp supplémentaire n'est pas forcément... judicieux. Et là, donc, le camp 3, on l'a fait, justement, l'originalité de ce positionnement qui est... On est au-dessus de l'emplacement classique du camp 3, mais on est quand même sur un dénivelé de 1300 mètres de dénivelé pour le sommet de Pouches, qui est énorme. Et la particularité du Nanga Parbat, c'est quand même la section entre le camp 1 et le camp 2, avec le passage du fameux mur du Kinshoffer. qui est une paroi rocheuse verticale de 150 mètres qu'il faut grimper après avoir remonté tout le grand couloir qui fait déjà plus de 1000 mètres de dénivelé. Donc c'est vraiment la partie technique, sans oublier quand même, parce qu'on est encore de nouveau dans cet univers hypoxique et de très haute altitude, mais toute la partie sommitale, donc les 600 derniers mètres, qui sont aussi une énorme pente de neige. qu'on a gravi un peu dans le brouillard et dans des conditions difficiles de météo. Il n'y a pas beaucoup de jokers, j'ai envie de dire, sur le Nanga. Il y a peu d'endroits où, si on fait une erreur technique, on ne risque pas la mort. Donc elle est dans le top 5 des plus ardus, j'ai envie de dire, quand même.

  • Speaker #0

    Comment tu la prépares, cette expédition ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas choisi de finir par le Nanga. Toujours le choix des expéditions se fait en fonction des opportunités de l'année. Alors soit je sais qu'il y a une expédition qui se monte sur un sommet, donc je me greffe à cette expédition. Soit moi j'ai envie d'aller sur tel sommet, donc je fais le tam-tam et je réunis l'équipe où on se coalise entre grimpeurs qui veulent aller sur la même montagne. L'idée étant de mutualiser les coûts, de partager les coûts du camp de base et des permis d'ascension pour minimiser les... Je pensais le réussir en 2022 et le dernier aurait dû être le Shishapangua, parce que la Chine était encore fermée à l'époque. Et en fait, je loupe le Nanga de 2022. Entre-temps, le Tibet ouvre, donc j'ai l'opportunité d'y aller au printemps 2023. Je réussis et donc c'est le Nanga qui arrive en dernier. Et d'où la difficulté de François Dami-Lanneau sur le scénario du film. Parce qu'il a vendu aux télés un scénario qui devait se passer sur le chicha Pangmar. Et en fait, on est partis au Nanga Parbat.

  • Speaker #0

    Tu parles du film de François Damilano, Le Dernier Sommet. Moi, j'ai été absolument bluffée par les images. On voit vraiment là, sur le camp 3, cette toute petite tente qui s'accroche comme ça dans la montagne. On n'a jamais autant l'idée de pente, même en ski de pente raide, quand... on voit une image là c'est vraiment très très impressionnant et d'ailleurs ça me fait rebondir sur le fait que tu as l'air là complètement lucide parce que tu as l'expérience précédente d'une avalanche et tu dis au groupe quand tu arrives nous ne restons pas là il faut qu'on aille plus loin plus haut pour se trouver un éperon rocheux pour ne pas risquer une avalanche et tu connais ça puisque tu l'as vécu sur une précédente expédition alors merci ulysse lefebvre pour les images de drones

  • Speaker #1

    et cette technologie qui permet d'avoir des angles de prise de vue qui donnent des perspectives différentes. Oui, de nouveau, le Nanga Parbat, c'est ma 22e expédition. On apprend beaucoup, donc l'expérience fait que, justement, cet état hypoxique, on va dire, en général, il se manifeste au-dessus de 8000 mètres. Même si au-dessus de 7000, on commence à être en difficulté. Mais voilà, après, on est en équipe, on discute. Et c'est vrai que les décisions, elles sont prises ensemble. Et très souvent, la personne avec qui je prends les décisions, c'est Sangé.

  • Speaker #0

    On voit qu'il y a une décision dans le groupe. Mais il y a aussi quelque chose de très intéressant, c'est-à-dire qu'au camp de base, quand vous avez une fenêtre météo, il y a un espèce de conciliabule entre toutes les expéditions qui sont là pour le Summit Push, pour dire, OK, comment est-ce qu'on s'organise pour ne pas se marcher sur les pieds ? Je pense que je ne l'avais jamais vu documenté ainsi. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est fréquent. C'est fréquent sur les camps de base. que les membres des expéditions croisent les informations. Et c'est surtout dans l'idée que tous ensemble, on va être plus forts. Et le point clé de ces discussions ou de ces rencontres, c'est de décider de l'ouverture de la voie. Parce qu'à part les grandes montagnes, qu'on va dire les populaires, qui sont l'Everest, le Manaslu à l'automne, ces montagnes où il y a... qui sont très, très organisées, où il y a ce qu'on appelle une fixing team, une équipe de tête qui va ouvrir la voie et sécuriser les parties techniques avec des cordes fixes, d'où son nom de fixing team, qui est dédiée. Sur les autres expéditions, il n'y a pas. Il n'y a pas cette équipe. Donc il faut... s'organiser pour décider quels sont les Sherpas qui vont aller en éclaireur, on va dire. Au Pakistan, c'est la même chose. Il y a aussi des ouvreurs pakistanais. Il faut que tout ce petit monde s'entende et se décide pour s'organiser. Donc c'est ça. En fait, ces réunions, elles servent à ça. Et là, comme il y avait beaucoup de... Il y a eu des difficultés sur cet été 2023 avec... une lenteur de délivrance des visas. Donc il y a des Sherpas qui étaient encore restés à Katmandou à attendre les visas. Donc tout est en retard. Donc on est un petit peu dans la précipitation. Il y a la contrainte de la météo avec des fenêtres très très serrées quand même. Et le Nanga a cette particularité d'avoir ces grandes pentes. Et plus on va vers le mois de juillet et le rejel est mauvais. Et donc, on arrive à des situations dangereuses. Qui dit pas de rejel, dit chute de pierre. Et donc, ça devient très dangereux. Et donc, la saison du grimpe du Nanga, elle est très petite. Donc, c'est pour ça que c'est important que les chefs d'expédition se réunissent pour pouvoir optimiser vraiment cette stratégie.

  • Speaker #0

    C'est fou, on voit vraiment la stratégie. C'est ça, c'est une stratégie.

  • Speaker #1

    Oui. Mais moi, c'est aussi au-delà de la performance et d'arriver au sommet, de tenter le sommet. Moi, ce que je trouve toujours intéressant, justement, sur ces camps de base, c'est de décider de cette stratégie d'ascension, quand est-ce qu'on y va ou pas. Et dans les conférences, parce que je donne beaucoup de conférences, je dis, le patron, le boss de toute l'expédition, il est dans son salon à Chamonix. Il s'appelle Yann et c'est le météorologue. Pourquoi ? Parce que c'est lui qui donne le go. C'est lui qui me dit, qui prend la responsabilité de me dire « Non, n'y va pas. Oui, vas-y. Monte. Non, ne redescends pas. » Parce que si tu restes 24 heures dans la tente, la fenêtre météo, elle arrive et il me connaît et il sait plus ou moins calculer le temps. Par exemple, si je prends l'exemple du Manaslu de 2022, on est monté au camp 4 dans une tempête épouvantable, avec des vents à plus de 60 km heure et autres. Tout le monde redescendait. J'avais vraiment l'impression d'être à contre-courant. Et je me disais, mais qu'est-ce qu'on fout là ? Et on était dans la tente balottée avec le vent et autres. Et j'ai pris le téléphone satellite et j'ai dit, mais pourquoi on est là ? Et il me dit, mais t'inquiète pas. Le vent tombe entre minuit et 9h du matin. Et tu as le temps d'aller faire ton sommet. Donc, ne descends pas. Et il a eu raison. Et à partir d'11h, le vent a commencé à baisser. À minuit, on a commencé à se préparer, etc. Et j'ai eu le temps de faire le sommet dans des conditions exceptionnelles parce qu'il n'y avait pratiquement personne. Donc, voilà, c'est un peu aussi tout cet esprit d'équipe, tous les gens qui m'entourent.

  • Speaker #0

    En qui tu as une confiance finalement débordante ?

  • Speaker #1

    Oui. Lien de confiance, il est absolu. Si on doute, si je commence à douter des prévisions de Yann, je vais commencer à aller voir l'expédacoté, lui demander sa météo, etc. Mais en fait, avec les années, tout le monde a compris que moi, j'avais quand même une météo qui était quand même très, très performante. Donc, c'est plutôt les autres qui viennent me demander des conseils.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, c'est un moment qui m'a marqué, c'est que... Tu notes ce que Yann te dit dans un carnet. C'est la question de la mémoire, en fait, que je veux avancer ici. Tu dis aussi que la mémoire, elle est bien faite, que très rapidement, ton cerveau balaye le négatif pour ne garder que le positif. Comment est-ce que tu gardes la mémoire de tes expéditions ? Est-ce que tu écris beaucoup dans ces carnets ?

  • Speaker #1

    Alors, ces carnets, oui. Depuis le tout début, mais même avant les expéditions à 8000, à chaque fois que j'ai fait des voyages, j'ai emmené des carnets. des carnets de notes. Donc j'ai un tiroir qui est rempli de carnets de notes. Et l'idée, en expé, c'est effectivement d'écrire une page par jour de ces petits carnets. Alors ça permet effectivement de garder déjà ce qu'on fait dans la journée, si c'est un jour de repos ou si c'est un jour où on bouge, avec le dénivelé, l'itinéraire, qu'est-ce qu'on a fait, les temps, les altitudes, et puis le ressenti. de la journée, ou ce qui s'est passé, ou s'il n'y a rien, ce qui ne se passe rien. Ce qui arrive quand même quand on est sur des jours de repos, camp de base ou autre. En fait, après, ils partent dans le tiroir. Et puis, quand on est rentré plus en détail dans le projet du livre avec François, où j'avais justement besoin de ... d'écrire un carnet. Par expédition, je me suis replongée dans ces carnets. C'était un moment très chouette, en fait. Parce qu'il y a plein de choses, évidemment, que j'oublie. Et le fait de se replonger dans ces carnets, on replonge quand même dans l'expédition, parce qu'il y a les noms des autres grimpeurs, des gens qui nous ont accompagnés, le ressenti, la météo du moment, etc. Enfin, il y a plein de choses, les anecdotes. et vraiment le dérouler. Et ça me fait le même effet quand je replonge dans les photos. J'ai une banque de photos, j'en ai tellement. L'exercice de l'iconographie du livre m'a permis de me replonger vraiment dans chaque expédition, dans chaque paquet de photos. C'était vraiment très chouette de reparcourir tout ça.

  • Speaker #0

    C'est un travail d'archiviste en plus. De venir fouiller, de gratter.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et justement, dans la recherche des thèmes pour les carnets du livre, il y en a, c'était évident. Il y en a, la montagne, je savais exactement ce que je voulais raconter. Et puis d'autres, c'était moins évident, moins marquant. Donc, j'ai été reparcourir tout ça. Et puis là, c'est comme ça que des fois, l'idée, elle est venue. La première question,

  • Speaker #0

    parole qui t'est prêtée dans le film, c'est celle où tu revendiques la non-performance de ce que tu fais. Et même, tu doutes de tes capacités. Est-ce que les gens, aujourd'hui, te croient quand tu dis que tu ne vas pas sur ces 14 8000 pour établir un record ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il me croit ou pas. Finalement, peu importe. Mais c'est vraiment ma façon d'avoir abordé ce grand rêve. Au début, c'était un espèce de rêve de Graal. de quelque chose assez d'inaccessible. J'ai mis voire plusieurs années finalement avant d'assumer le projet et d'en parler. Et au début, je disais non, non, je repars en XP. Mais c'est vrai que j'ai toujours eu cette philosophie du pas à pas, d'une XP après l'autre. Et puis après, on verra. Parce que les obstacles Et plus on y va, et plus je m'en suis rendue compte que les obstacles sont tellement présents. Il peut y avoir un accident, se casser la jambe et puis ça s'arrête. Il y a tellement de choses, que ce soit maintenir cette condition physique qui me permet de partir et de repartir en expédition, les conditions sur la montagne. les aléas météo qui peuvent se produire. Il y a tellement de facteurs qui peuvent nous mettre en échec que ça paraît presque quelque chose d'insurmontable. Et donc, pour justement éviter la pression, pour éviter de promettre des choses, notamment vis-à-vis des sponsors ou des partenaires et autres, de promettre quelque chose que je ne vais pas tenir. Je suis toujours restée dans un précaré d'une année, en disant, voilà, cette année, je vais essayer de faire ça, et puis après, on verra. Et puis, au fur et à mesure, ça a marché. Mais je reste assez convaincue que le fait, justement, de se préserver de cette pression potentielle fait que peut-être j'ai renoncé, parfois, plus facilement. Et je reste convaincue que le renoncement à plus de 8000 mètres, il sauve la vie.

  • Speaker #0

    On me l'a beaucoup dit au fil des interviews que j'ai menées dans tous les sports, que ce soit en alpi, en pantraide. On m'a toujours dit faire un retour en arrière, c'est se sauver la vie et c'est important. Alors la montagne, c'est aussi des échecs dans la quête des 14 8000. Vous en avez eu quelques-uns, mais aussi on peut dire que l'alpinisme, il y a... une prédominance de la mort. C'est quoi la meilleure façon d'atteindre le sommet ?

  • Speaker #1

    Si on connaissait la meilleure façon d'atteindre le sommet, je pense que tout le monde l'appliquerait. Il n'y a vraiment pas de recette magique. En revanche, l'expérience peut minimiser les risques. L'équipe, bien sûr, l'entourage. Je reste convaincue que seule en Himalaya, je ne vais aller nulle part. Donc ça c'est aussi un credo de conférence qui fait que c'est une façon de revaloriser les équipes, les gens qui m'entourent, non pas pour minimiser ce que je fais, mais pour donner vraiment, remettre en perspective tous les gens qui nous entourent. On peut citer ne serait-ce que le cuisinier du camp de base. Si le cuisinier ne nous fait pas bien à manger et qu'on est tous malades, personne ne va aller au sommet. Donc, c'est des perspectives comme ça que je trouve toujours intéressantes de mentionner. Il faut quand même l'admettre, il y a quand même un facteur chance dans les conditions. Plus j'observe ces montagnes, et moi, je comprends vraiment les avalanches, ça reste un truc quand même assez mystérieux. Un pont de crevasse qui cède, pourquoi il cède à tel moment ? Alors oui, c'est peut-être parce qu'on est dans l'après-midi et que ça a chauffé, mais il y a 100 personnes qui passent. qui passent, et puis la 101e, ça cède. Enfin bref, il y a des aléas et qu'il faut intégrer. Le risque zéro, évidemment, n'existe pas. Et puis, je pense qu'il faut être conscient de sa capacité physique, ses compétences, savoir renoncer. Cette quête de record, peut-être, peut mettre en danger aussi plus facilement, parce qu'on va pousser, pousser, pousser le bouchon. Alors, où on met le curseur ? C'est aussi très, très relatif. Ce n'est pas la réponse. Et puis, peut-être quand même qu'il y a une bonne petite étoile là-haut qui était bien présente. Donc, il ne faut pas non plus peut-être en abuser.

  • Speaker #0

    J'ai écrit hier soir dans mon carnet personnel, en rentrant de la projection, que rien ne vous prédestinait à la montagne. D'autant que vous n'êtes pas une alpiniste comme les autres. Vous prenez l'anti-performance. Et que finalement, quand la vie voulait nous emmener quelque part... elle arrivait toujours à nous emmener là où elle voulait il y a une forme de destin quand même dans ce que vous avez vécu alors il y a beaucoup de volonté,

  • Speaker #1

    beaucoup d'entraînement mais il y a une forme de destin alors on peut appeler ça du destin je sais pas ou de voie à suivre après moi j'ai les pieds quand même bien sur terre et je pense que c'est c'est

  • Speaker #0

    un choix de vie oui parce que vous quittez tout en fait vous quittez votre travail c'est ça

  • Speaker #1

    Et quand les gens me disent « Ah, mais tu as de la chance, tu vis de ta passion » , je dis « Non, non, ce n'est pas de la chance du tout » . Et c'est vraiment beaucoup, beaucoup de travail de la Léa, de prendre la décision de démissionner d'un job avec un salaire confortable et de se lancer à plein temps dans cette activité qui devient du coup une profession, d'être en recherche. de financement. Et merci, merci à tous les sponsors et les partenaires qui m'ont accompagnée pendant toutes ces années, parce que sans eux, ça ne se fait pas. Donc voilà, c'est des rencontres, c'est plein de choses à mettre ensemble, mais au final, c'est beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #0

    C'est facile en 2024, quand on est Sophie Laveau, de trouver des sponsors ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas facile. Non, non, non, non, ça, c'est jamais facile. Alors après, de nouveau, j'ai jamais eu à renoncer à une expédition par manque de moyens. Donc merci les sponsors, parce que justement, c'est que je me débrouille quand même pas trop mal pour trouver ces sous. Mais on est dans une époque où je pense qu'il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de projets, il y a des projets magnifiques. Il y a beaucoup de gens qui cherchent de l'argent. Et donc, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile. Et justement, le paradoxe, ce n'est pas parce qu'on a fait un film ou des films, un livre, on passe à la télé, on a des jolis logos sur notre doudoune, que la vie est facile.

  • Speaker #0

    D'autant que vous êtes quand même interviewée par des pointures. J'ai vu que vous aviez fait pas mal de podcasts. Vous avez été interviewée sur France Inter plusieurs fois. Vous êtes entourée de France Inter Milano, Lys Lefebvre.

  • Speaker #1

    Oui, mais justement, c'est le paradoxe. C'est que cette exposition médiatique laisse penser qu'on y est arrivé, et que c'est facile, et qu'il y a des sponsors, et que tout va bien. Mais non, ça reste toujours une quête d'une année sur l'autre. Et donc, avis aux amateurs, s'il y a une inspiration à vouloir poursuivre ce sponsoring. Vous êtes les bienvenus. Très bien,

  • Speaker #0

    ce sera entendu, en tout cas j'espère. Merci infiniment Sophie d'avoir été dans le camp de base aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Et voilà, ce premier épisode de la saison 4 avec Sophie Laveau est terminé pour aujourd'hui. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. N'oubliez pas de le partager avec votre entourage s'il vous a plu. On a une surprise pour vous avec les éditions Glénat. On vous permet de remporter le livre co-écrit par Sophie Laveau et François Damilano, Les 14 sommets de Sophie Laveau. C'est très simple, vous laissez un commentaire sur... le podcast sur Apple Podcasts, ou sous l'épisode de Sophie Laveau spécifiquement sur YouTube ou Spotify. Vous avez jusqu'au 10 février pour ce faire. Je tire au sort le 11 février à midi. Je vous souhaite une bonne journée, une bonne soirée, et je vous dis à très vite dans le camp de base. Rencontre au sommet !

Description

Mon invitée du jour n'est autre que Sophie Lavaud, l'alpiniste franco-suisse qui, en 2023, a gravé son nom dans l’histoire en devenant la première femme à boucler les quatorze sommets de plus de 8000 mètres.

Avec son ascension du Nanga Parbat, la "montagne tueuse", elle clôture une décennie d'efforts intenses et devient une référence dans le monde de l'alpinisme.


Dans cet épisode, Sophie me raconte ses débuts en montagne, marqués par une passion naissante après une première ascension du Mont Blanc en 2004, puis un trek en Himalaya. De la danse classique, où elle a acquis une discipline de fer, à la conquête des plus hauts sommets de l’Himalaya, elle partage son évolution dans ce sport exigeant. Sa quête des 8000 mètres, qui débute en 2012, est une aventure progressive, mais aussi une lutte contre les obstacles physiques et mentaux imposés par les altitudes extrêmes.

Ecoutez cet épisode du Camp de base, c'est aller à la rencontre des défis de l'alpinisme à haute altitude, comme l'hypoxie, qui altère non seulement les capacités physiques mais aussi la prise de décision. Sophie met en lumière l'importance de la gestion des risques et de la coordination avec son équipe, notamment les Sherpas, pour réussir une ascension de ce type. Elle insiste sur la nécessité de prendre des décisions collectives, en tenant compte de la météo et des imprévus.


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🎧 Le Camp de base, c’est le podcast des rencontres au sommet et de la montagne racontée avec passion, dans vos oreilles, tous les lundis dès 5h du matin. 🌄


Lire l'article complet sur le site internet : https://campdebase-podcast.com/sophie-lavaud-alpinisme/

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Transcription

  • Speaker #0

    En 2022, avec Sangé, on a réussi le Lhotse au printemps et on enchaîne directement sur le Nanga. Et là, j'ai été happée par une intoxication alimentaire qui m'a torpillée le ventre la veille du départ pour le sommet. Et je ne sais pas comment j'ai réussi à aller jusqu'au cantrois, mais avec des douleurs de ventre. épouvantable et j'ai décidé de faire 24 heures au camp 3 pour essayer de calmer les douleurs et clairement je n'avais pas l'énergie pour poursuivre et en fait les alpinistes qui ont tenté le sommet la nuit où on a attendu justement au camp 3, ils ont rebroussé le chemin parce que les conditions avaient trop changé en fait on a trop attendu en 2022 et les conditions de la montagne s'étaient tellement altérées que ça devenait dangereux, ils n'ont pas réussi le sommet et donc on a abandonné c'est pour ça qu'il y a cette tension un petit peu aussi quand on y retourne en 2023 de justement pousser pour pour pas attendre trop et prendre les premières fenêtres météo et pas faire la même erreur le

  • Speaker #1

    26 juin 2023 pakistan sommet du nanga parbatt 8000 126 mètres d'altitude sophie lavaux et dawa sangha cher pas se hisse sur les derniers mètres qui les séparent du sommet mais aussi d'un exploit qui fera entrer Sophie dans la légende. Le Summit Push, depuis le Camp 3 à 6800 mètres, a été long et intense. Le Nanga est probablement le sommet le plus difficile des 14 sommets de notre planète, qui culmine à plus de 8000 mètres. En ce 26 juin 2023, Sophie Laveau devient donc le premier Français, le premier Canadien et la première Suissesse à boucler les 14 dans un jour blanc. La joie de ce moment historique a probablement été intense, inimaginable pour le commun des mortels que je représente. Cette aventure, elle a commencé avec une montée au sommet du Mont Blanc en 2004, pour celle qui estime être une madame tout le monde.

  • Speaker #0

    Il y a cette première étape qui est entre le camp 1 et le camp 2, donc justement le passage de ce mur Kinshoffer, qui reste quand même le point clé et la difficulté. Ensuite, la météo se maintient, donc on a pu enchaîner et partir sur le camp 3. Le camp 3, il y a cet aléa de l'emplacement. Vu qu'on décide de ne pas faire de camp 4, il faut quand même aller au plus haut possible. Il y a un espèce de petit îlot rocheux, donc on va mettre les tentes à cet endroit-là. Après, de nouveau, c'est chaque fois questionner Yann, Guizaine Daner, par rapport à la météo, est-ce que ça se maintient, la fenêtre ? On était en fin de fenêtre météo et le mauvais temps devait arriver. Et on part en fait vers 18h pour le sommet. Avec un temps classique, on est toujours sur ces sommets de pouche, au minimum sur une vingtaine d'heures, avec un retour au camp 3. Le sommet, on est dans une espèce de météo, un peu de brouillard, laiteux, il n'y a pas de vue. Il y a la préoccupation de la descente parce que les 600 derniers mètres ne sont pas sécurisés. Moi, je suis vraiment inquiète pour la descente. Mais il y a quand même un moment d'émotion gravé avec Sangé au sommet. Christine Arila, elle est arrivée au sommet avant, et en fait, je la croise quand elle est en train de redescendre, et nous, on est vraiment en train d'arriver. Là, le fait de la voir redescendre, et elle me dit, mais ça y est, il y est, etc., il y a eu là peut-être vraiment le... Le moment fort aussi parce que je savais qu'on allait y arriver. Voilà, c'est plus des flashs, des moments comme ça parce que c'est longues heures qui s'étirent pendant toute la nuit. Autre où on est juste focalisé sur le halo de la frontale et de mettre un pied devant l'autre. Voilà, c'est long, c'est long, c'est long. Mais ça c'est le propre de ces sommets de pouche sur ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Erhard Loretam, du troisième homme au 14-8000 a dit Le problème avec les 8000, c'est comme avec les cacahuètes, il ne faut jamais commencer. Alors, quels ont été les moteurs de Sophie Laveau, qui, un beau jour à 36 ans, a décidé de quitter une carrière dans l'hôtellerie de luxe et dans l'univers des cosmétiques ? J'ai la chance de pouvoir discuter avec Sophie aujourd'hui dans le camp de base pour lancer le premier épisode de cette quatrième saison. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne écoute. en espérant que vous prendrez autant de plaisir à l'écouter parler que j'en ai eu à la rencontrer. Merci infiniment aux éditions Glénat d'avoir rendu cela possible. Le livre Les 14 000 de Sophie Laveau, co-écrit avec François Damilano, que vous entendrez dans quelques semaines sur le Canvas, constitue un magnifique livre de voyage proposant des points de vue originaux autant qu'historiques sur les 14 plus hautes montagnes du monde. Et si vous avez aimé cet épisode, Je serais ravie de recueillir vos commentaires sur Apple Podcasts, Spotify et YouTube. Restez bien jusqu'au bout de cet épisode, parce qu'avec les éditions Glénat, on a une surprise pour vous, et je vous en parle juste après cet entretien. Bonjour Sophie !

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'être dans le camp de base aujourd'hui. Pour moi, ce n'est pas facile de t'interviewer, même si c'est super parce que tu as fait déjà tellement d'interviews. Dans le camp de base, j'essaye toujours de poser de nouvelles questions, des choses qui n'ont pas été entendues ailleurs, mais sans jamais rentrer dans le personnel. J'ai beaucoup réfléchi cette nuit.

  • Speaker #0

    J'espère que tu as dormi un petit peu.

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais quand je vois que tu ne dors pas pendant 24 heures au-delà de 6 000 mètres,

  • Speaker #0

    je me dis que ça va aller,

  • Speaker #1

    il y a de la marge. Première question que je pose à tous les invités du camp de base. Il est où, toi, ton camp de base ? Il est composé de quoi pour être bien ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il peut être n'importe où, mais c'est surtout ma tente. J'ai fait un petit calcul. Je crois que j'ai dormi plus de trois ans dans une tente au-dessus de 5000 mètres. Et en fait, c'est le seul endroit vraiment où je peux recréer une intimité. Il faut que ma tente soit... confortable et c'est très important. Justement quand on est comme ça dans des environnements hostiles pendant des semaines et des semaines, il faut un endroit où on peut aller se reposer, s'isoler, donc c'est ma tente. Très bien.

  • Speaker #1

    Tu aimes à dire que tu es comme Madame Tout-le-Monde, que tu n'es pas une performeuse. Tu as un déclic en 2004 quand tu fais le pari avec un ami. Oui. d'arriver au sommet du Mont Blanc. Alors moi, j'aimerais bien comprendre un peu dans quel milieu tu as grandi, elle ressemble à quoi ton enfance et finalement, c'est quoi tes connaissances de la montagne et de l'alpinisme qu'on t'a transmises ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis née à Lausanne, en Suisse, et on avait un appartement dans la vallée de Chamonix quand on était enfant. Donc, je dis souvent, j'ai appris à marcher en même temps qu'à skier. Donc, on a quand même été dans un univers de montagne avec mon frère très jeune. Et on passait la moitié de l'été, les vacances scolaires aussi à la montagne. En revanche, il n'y a pas d'alpinistes dans la famille. Donc, il n'y a pas de cette culture de la grimpe qu'on peut inculquer aux enfants très jeunes. D'ailleurs, j'adore grimper, mais je suis une bille parce que justement, j'ai commencé trop tard. En revanche, ma discipline de cœur... Quand j'étais jeune, c'était la danse classique. Donc j'ai fait presque 15 ans de danse classique, de ballet, vraiment à haut niveau, au point que je voulais arrêter l'école et me consacrer à cette carrière. Et comme j'étais quand même assez bonne à l'école et que c'était assez facile pour moi, mon père m'a toujours dit « il faut que tu passes ton bac et puis après tu feras ce que tu veux » . Et donc il y a des années où je me suis retrouvée avec l'école traditionnelle, pas aménagée, et une quinzaine d'heures de danse par semaine. Donc c'était toute ma vie. J'étais à l'école et à la danse. L'année juste avant les auditions, pour potentiellement rentrer dans une compagnie, j'ai eu conjointement un gros problème de dos et une appendicite à la limite de la péritonite. Et donc j'ai dû arrêter. Et en fait, cette année, presque une année avec un corset, a fait que j'ai tellement perdu que quand j'ai repris, le niveau avait... trop baissé et j'ai dû abandonner. Et en fait, ça a été assez traumatisant parce que je m'étais projetée dans ma vie comme danseuse, avec le rêve d'une danseuse étoile, je pense, comme toutes les petites filles qui font de la danse. Donc la transition a été longue, mais après, je raconte ça parce que je pense que du moment où j'ai mis des chaussons d'escalade, déjà, il y a une sensation qui est très similaire aux chaussons de pointe. Donc c'est un univers complètement différent et avec finalement pas mal de similitudes, d'équilibres et autres. Et je pense que c'est pour ça que j'ai accroché à la grimpe. Et après, par la suite, dans cette quête d'altitude, c'est finalement le mental. Le mental qui joue un rôle très très important. Et je pense que cette discipline du corps que j'ai eue toutes ces années avec la danse classique m'a beaucoup aidée. Et m'aide encore aujourd'hui. dans cet effort intense qu'il faut fournir quand on grimpe ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Et puis il y a une rigueur aussi dans l'entraînement, dans la danse classique.

  • Speaker #0

    Une rigueur, une discipline, une hygiène de vie qui est vraiment indispensable. Donc oui, il y a beaucoup de similitudes en fait.

  • Speaker #1

    À quel moment tu les enfiles ces chaussons d'escalade ?

  • Speaker #0

    Ah, quand est-ce que j'ai commencé ? Oui, au début 2000, à peu près, dans ces Ausha. En fait, j'avais commencé à faire quelques ascensions. Et puis, il y a effectivement ce Mont Blanc de 2004. Et donc, j'avais un ami d'enfance qui vivait à Chamonix. Et je suis allée le voir et je lui ai dit, apprends-moi l'alpinisme. J'ai envie. Et on a fait beaucoup ensemble et c'est lui qui m'a initiée.

  • Speaker #1

    C'est tombé comme ça. Un jour, tu t'es dit, je veux faire de l'alpinisme.

  • Speaker #0

    Oui, je me suis dit, c'est quelque chose qui... qui devraient me plaire. Donc, j'ai envie d'apprendre la technique de l'alpinisme, en fait. Et puis, de nouveau, c'est des bons prétextes pour partir en montagne, faire des choses avec des amis, et puis apprendre Piolet-Crampon, etc.

  • Speaker #1

    Tu as trois nationalités. Tu es française, suisse et canadienne. Comment est-ce que chacune de ces nationalités joue dans ta persévérance et dans ton rapport à la montagne ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas lié, mais... L'origine de la famille, mes parents sont français et mon papa est immigré au Canada, c'est jeune. Et maman, à l'époque, était hôtesse de l'air, à Air France, et elle faisait des paris Montréal, jusqu'au jour où elle est parvenue. Elle est restée, ils se sont mariés là-bas, etc. D'où le naturalisé canadien, d'où le passeport canadien. Et quand ils sont rentrés en Europe, ils sont venus en Suisse. Et donc avec mon frère, on est nés en Suisse. D'où le troisième passeport. Ce qui est rigolo, c'est qu'en fonction d'où je me trouve, l'entourage s'approprie la nationalité. Donc quand je suis en Suisse, alors je suis suisse. Quand je suis à Lausanne, je suis vauloise parce que je suis née à Lausanne. Quand je suis en France, je suis française. Et quand je vais au Canada, je suis canadienne. Donc chacun s'approprie le précaré. Donc c'est rigolo.

  • Speaker #1

    Surtout dans ce record, en fait, je m'imagine que c'est une fierté. Lausanne, c'est une très jolie ville médiévale. On retrouve le musée de l'Elysée. Le musée de l'Elysée qui abrite une collection, qui est une collection assez incroyable de photographies d'Ela Maillard. Ela Maillard qui a traversé la Chine par les territoires ouïghours de Pékin au Cachemire. En 1935, est-ce que tu as eu l'occasion de voir cette collection de photographies ?

  • Speaker #0

    Alors non, je n'ai pas eu l'occasion de la voir. En revanche, Alexandra Davini, Laila Mayar, ce sont des noms qui résonnent d'aventurières extraordinaires pour qui j'ai vraiment beaucoup d'admiration. Et j'ai travaillé à Genève dans un institut de coaching qui s'appelait l'Institut Futura 21. Et... On a inauguré les nouveaux bureaux et la directrice de l'Institut a nommé des salles, nos salles de conférences et de cours. Il y avait la salle El Amaya et il y avait la salle Sophie Laveau. Et donc j'ai toujours été très flattée d'avoir mon nom à côté de celui d'El Amaya.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut faire justement un petit retour en arrière ? Et que tu me racontes après le Mont Blanc, donc tu te dis que tu vas faire un autre 4000, puis un 5000, puis tu sais la théorie des petits pas, on va toujours un peu plus loin ?

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. C'est un pas après l'autre, un sommet après l'autre, et puis après on verra. C'est vrai que je parle toujours, après ce Mont Blanc, les voyages et la découverte d'autres sommets, de l'altitude et autres. Dans l'intervalle de ces grands voyages, j'ai vraiment beaucoup, justement, avec cet ami, apprends-moi l'alpinisme, on a fait beaucoup, beaucoup d'ascensions dans les Alpes. Mais c'est vrai que j'ai... J'ai été quand même attirée assez vite par l'altitude, par aller toujours un peu plus haut. Ce n'était pas forcément la technique, aller dans le dur, de plus en plus dur. C'était plus d'aller découvrir et aller un peu plus haut. Et donc, c'est comme ça que je passe un 5000, après 6000, après 7000 et puis après la barre des 8000. Mais il y a quand même 10 ans qui s'écoulent entre un Mont-Blanc 2004 et un Everest en 2014. Donc voilà, de nouveau, on est sur du temps long. Je ne suis pas une hoxtague qui s'est réveillée un matin en disant « tiens, je vais aller gravir l'Everest » . Et l'année d'après, j'étais au sommet. Non, ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est passé.

  • Speaker #1

    Justement, quel regard tu portes sur ce jeune homme qui a tout lâché et qui s'est dit « je vais aller faire l'Everest » .

  • Speaker #0

    Eh bien, pourquoi pas ? Mais pourquoi pas ? Je veux dire, d'avoir un rêve d'Everest peut prendre n'importe qui, quelque part. Après, c'est comment on s'y prend. Et là, de se dédier complètement à ça, de s'être entraîné. Il a fait les choses correctement. Il s'est bien entouré. Alors oui, il y a des moyens, il y a beaucoup de choses. Mais ce n'est pas parce qu'on est youtubeur qu'on n'a pas le droit d'avoir un rêve d'Everest. C'est clair.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rappelles la première fois que tu mets les pieds en Himalaya ? C'était en quelle année ?

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens très bien quand je vais en Himalaya la première fois. Je suis partie avec mon frère en fait. On est parti en trek en Himalaya. Mon frère avait un ami qui a épousé une Sherpani, une Népalaise. Elle s'appelle Lakti et elle était une des premières femmes guides de trek au Népal. Les femmes ont eu du mal et ont toujours encore aujourd'hui du mal à s'affranchir. quand elles veulent sortir des rangs de mère de famille. Mais il y en a de plus en plus. Mais à l'époque, l'acti était vraiment une des premières. Et elle avait appris le français, donc elle travaillait pour Aliber. Et en fait, elle a organisé hors saison, parce qu'on y était en février, donc il faisait un froid de dingue. Mais il n'y avait personne. On devait aller au camp de base de l'Everest, sauf que les lodges étaient fermés. parce qu'on était complètement hors saison. Et on a bifurqué dans la vallée de Chukung et on a fait ce qu'on appelle le Chukungri, qui est un 5005. Et ça a été un des premiers déclics après, dans ce début, ce démarrage d'aller un petit peu en altitude. Et en fait, on l'a su au retour, mais ce voyage préparait leur... Leur mariage, ils préparaient leur mariage. Et quelques mois après, on a été conviés à Paris pour le mariage de Lacti et Olivier, qui était un très très joli mariage.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de Katmandou, qui est une ville qui fourmille, des sourires ténébalaises, de la pauvreté. Est-ce que tu peux nous raconter les paysages que toi tu gardes de Katmandou ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on nous dit toujours ? Que c'est un bordel sympathique. Parce que c'est vrai que c'est un chaos total. Mais il y a un trafic épouvantable. Mais tout le monde roule à 20 à l'heure. Tout le monde, c'est « pousse-toi là que je passe » , etc. Mais c'est toujours courtois. Et de nouveau, on est dans cet état d'esprit Donc on a complètement perdu ici, d'une manière générale, c'est l'entraide, vraiment. Donc effectivement, c'est très pauvre, c'est pollué, il y a des mendiants, les marchands de fruits et légumes qui, avec leur petite carriole, sont tout le temps au coin des rues. Donc on achète ses fruits et légumes sur le chemin, en rentrant chez soi ou moi, dans mon petit hôtel où j'ai mes habitudes. dans le quartier de Bodnath, qui est le quartier bouddhiste. Quand j'arrive à Katmandou, je vais voir la stupa. J'ai des habitudes comme ça. Alors, je pense que je ne pourrais pas vivre à Katmandou, justement à cause de la pollution. En revanche, j'ai toujours plaisir à y passer quelques jours. Et je trouve que ce qualificatif de bordel sympathique, ça qualifie bien la ville.

  • Speaker #1

    Vous parlez des femmes et de la montagne ? Je vais recevoir Anne-Benoît Jeannin dans un des épisodes suivants du camp de base. Elle a écrit un livre et elle a réalisé un film sur l'alpinisme comme émancipation des Népalaises dans une société... qui est quand même assez misogyne. Dans cette expédition, comme dans tout ce qu'on voit à l'écran en termes d'alpinisme, une femme qui fait de l'alpinisme comme vous, elle est forcément entourée d'hommes. Est-ce qu'en 11 ans, on vous a déjà proposé, ou vous avez déjà rencontré une femme Sherpani, ou est-ce qu'on vous a déjà proposé d'être accompagnée par une femme sur une de vos expéditions ? Est-ce que vous avez observé ? L'émancipation toute relative dont parle Anne dans ses films et dans son livre.

  • Speaker #0

    Donc on parle des Sherpas, il faut toujours distinguer l'ethnie du job.

  • Speaker #1

    La communauté Sherpa.

  • Speaker #0

    Donc qui est une ethnie, qui est une caste. Et comme les populations des contreforts de l'Himalaya sont les Sherpas essentiellement qui vivent toujours. C'est les premières personnes qui ont été embauchées dans les années 50-60 dans les conquêtes de l'Himalaya. Et donc le nom de Sherpa est devenu le nom du job. Mais c'est leur nom. Si je prends Sangé, son nom complet c'est Dawah Sangé Sherpa. Et Sherpa c'est son nom de famille. Donc ça, il faut juste distinguer ça. Il n'y a pas de Sherpa femmes qui travaillent sur les montagnes, qui font de l'aide au portage, de l'assistance aux grimpeurs, etc. Il n'y a pas de femmes. En revanche, il y a des femmes guides de trek maintenant et il y a des femmes qui grimpent, qui elles-mêmes se font assister par des Sherpas. Et la plus connue après les premières conquêtes avec Passang Lamu, etc., il y a une Sherpani qui a épousé un Hollandais qui s'appelle Maya Sherpa et qui a commencé à grimper des 8000. Elle est très connue parce que justement, elle était dans les premières. Après, elle a inspiré d'autres jeunes femmes qui ont commencé à grimper. Donc, il n'y a pas Sanglamo, parce que tout le monde, à peu près tous, s'appellent tous pareil.

  • Speaker #1

    Pas Sanglamo Akita, qui a épousé un Japonais. Voilà.

  • Speaker #0

    Et Dawai Anzum, je ne sais pas qui, est la première femme aujourd'hui népalaise guide de haute montagne. Donc, il n'y en a qu'une. Et donc, c'est trois, que ce soit Maya... Ba Sang et Dao Yangzong, elles étaient toutes les trois avec moi sur 2017, sauf erreur, sur l'expédition du Kanchenjunga. Et c'est vraiment les trois icônes très connues. Aujourd'hui, il y en a plus. Donc, petit à petit. Évidemment, c'est dur. Il y a Fung Jo qui a battu un record de vitesse sur l'Everest la saison dernière. Il y a Pournima Ausha où j'ai fait la... première expédition avec elle en 2017 et qui aujourd'hui elle est dans la course aux 14 donc bien sûr que ça reste difficile pour elle bien sûr que elles doivent casser les codes de la société qui effectivement est assez encore très macho mais petit à petit on commence à voir des femmes sur les camps de base pareil au pakistan Les premières expéditions au Pakistan, j'étais en général la seule femme. Petit à petit, il y a eu des étrangères. Et là, sur le Nanga Parbat, par exemple, il y avait trois jeunes femmes pakistanaises qui tentaient l'ascension. Alors évidemment, ce sont des jeunes femmes qui sont d'un milieu privilégié, qui en général vivent à l'étranger. Mais n'empêche qu'elles sont pakistanaises et elles portent les couleurs du pays. Et ça permet un tout petit peu de... petit peu d'avancer dans l'émancipation des femmes dans le contexte de la grimpe mais il ya encore du chemin à faire quand même est ce que vous êtes partie de celles qui ont eu besoin d'avoir des modèles féminins pour vous lancer non c'est pas des modèles qui est le facteur déclenchant chez moi en revanche quand j'ai commencé à découvrir à apprendre à me documenter quand même sur le sur le milieu j'ai rencontré en quelle année je crois c'est en 2016 ni vesmeroy qui a un parcours, donc qui a réussi les 14 8000 avec son mari, et qui a renoncé. Elle aurait dû être la première à réussir les 14 8000. Et elle a renoncé à ce podium, on peut dire ça comme ça, parce qu'elle a grimpé tous les sommets avec son mari. Ils ont dû interrompre leurs expéditions parce qu'il a eu un cancer. Et elle est restée à son chevet pendant quatre ans. Il s'en est remis et ils ont terminé après. Donc, j'aime beaucoup l'histoire. parce que c'est justement une histoire d'amour avant tout. Et puis, ils ont grimpé dans un style très épuré. C'est une histoire d'amour en montagne, de couple.

  • Speaker #1

    Alors si tu veux bien, on va revenir aux sensations et aux émotions de l'alpinisme. Qu'est-ce que tu te dis ? Au sommet de ton premier 8000, ça doit être une expérience incroyable.

  • Speaker #0

    Atteindre le sommet de ces montagnes, effectivement de ces grandes montagnes à plus de 8000 mètres, c'est vrai que ça procure une émotion toujours très particulière, le fait d'y être arrivé. Et puis, il y a toujours ce petit chose qui est au fond de la tête qui dit, mais t'es qu'au sommet, il faut redescendre. Quand on a la possibilité d'avoir une météo clémente, évidemment, il y a tout ce qu'on voit autour. On s'imprègne de toutes ces images. Le Shishapangma de 2012, où finalement je ne vais qu'au sommet central, mais à l'époque, je ne savais pas la différence entre le sommet central et le sommet principal. Toujours est-il qu'on était dans une espèce de brume. On avait dû faire 24 heures de pause au camp 3. C'était toute une sorte de découverte permanente. et alors oui j'ai le souvenir des photos de cette joie qu'on a au sommet il y a toujours cette hypoxie qui met toujours un peu et avec les années est-ce que c'est les photos qui me rappellent ces souvenirs ou est-ce que c'est vraiment des souvenirs c'est toujours un petit peu mélangé mais j'ai un souvenir très clair que la météo était assez instable et que Ça allait se gâter, donc il fallait qu'on descende. Et donc on est descendu et la tempête s'est levée d'ailleurs quand on est arrivé au camp 3. Donc il y a toujours cette préoccupation de la descente finalement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'hypoxie, donc l'hypoxie c'est ce phénomène de manque d'oxygène. Comment est-ce qu'on fait dans un sport comme l'alpinisme où il faut prendre des décisions rapides pour rester en vie ?

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement on maîtrise ce qui se passe ? Parce que tu as l'air d'écrire un phénomène un peu brumeux.

  • Speaker #1

    Rien n'est rapide au-dessus de 8000 mètres. Ça c'est vraiment, on pourrait presque parler de l'éloge de la lenteur, avec le paradoxe de justement ces records où il faut toujours aller plus vite, etc. Mais l'hypoxie, donc ce manque d'oxygène, altère complètement le fonctionnement du corps et et du cerveau. C'est ce qui rend l'univers extrême et dangereux parce que justement la capacité de réflexion est altérée il se passe régulièrement de la prise de mauvaises décisions dues à l'hypoxie d'où pour moi l'importance d'évoluer en binôme avec en l'occurrence un Sherpa donc Dao Asang et Sherpa qui me connaît très bien, moi je le connais très bien Parce que les prémices d'un mal aigu des montagnes potentiels souvent se traduisent par de l'incohérence. De l'incohérence de mouvement, de l'incohérence de comportement, de parole ou autre. Donc, c'est important que la personne qui grimpe avec toi te connaisse pour justement éventuellement pallier ou réagir s'il y a quelque chose qui cloche. Et puis moi, je ne suis pas une solitaire. Je n'aime pas faire les choses toute seule. Donc, de toute façon, j'aime être entourée et avoir une équipe avec moi au-delà de la simple sécurité. Le Nanga Parbat, c'est un petit peu comme le K2. C'est des montagnes qui ont des histoires dramatiques. Il y a une partie de l'imaginaire. qui exacerbe l'environnement et qui renvoie quand même une image assez effrayante, on va dire. Donc le Nanga, quand on dit on va au Nanga, c'est un peu comme quand on va au K2, c'est « waouh, ça va être dur et on va en baver » . Et c'est vrai que la particularité du Nanga Parbat, c'est que quand on est au pied de la montagne, donc au camp de base, on voit le sommet. On est vraiment face à cette immense paroi. Ce qui n'est pas le cas de tous les 8000, dans le sens où souvent les distances sont longues, donc le cheminement sur la montagne fait qu'on ne voit pas le sommet. Donc la perspective est très différente. Et là, on est planté devant cette face. Et donc on passe notre temps à avoir les yeux rivés sur la paroi et à se dire, mais mon Dieu, comment on va faire ? C'est vrai que ce n'est pas la plus accessible pour terminer.

  • Speaker #0

    À quoi elle ressemble cette...

  • Speaker #1

    On est sur une montagne qui peut être soit découpée soit en trois camps d'altitude, soit en quatre. Nous on a fait le choix de faire que trois camps. Parfois, c'est arrivé plusieurs fois, mais parfois le fait d'avoir à déplacer tout le matériel jusqu'au camp 4, qui veut dire c'est le portage des tentes, des réchauds, de la nourriture, donc il faut de la nourriture supplémentaire parce que ça implique une nuit supplémentaire, etc. Le bénéfice d'un camp supplémentaire n'est pas forcément... judicieux. Et là, donc, le camp 3, on l'a fait, justement, l'originalité de ce positionnement qui est... On est au-dessus de l'emplacement classique du camp 3, mais on est quand même sur un dénivelé de 1300 mètres de dénivelé pour le sommet de Pouches, qui est énorme. Et la particularité du Nanga Parbat, c'est quand même la section entre le camp 1 et le camp 2, avec le passage du fameux mur du Kinshoffer. qui est une paroi rocheuse verticale de 150 mètres qu'il faut grimper après avoir remonté tout le grand couloir qui fait déjà plus de 1000 mètres de dénivelé. Donc c'est vraiment la partie technique, sans oublier quand même, parce qu'on est encore de nouveau dans cet univers hypoxique et de très haute altitude, mais toute la partie sommitale, donc les 600 derniers mètres, qui sont aussi une énorme pente de neige. qu'on a gravi un peu dans le brouillard et dans des conditions difficiles de météo. Il n'y a pas beaucoup de jokers, j'ai envie de dire, sur le Nanga. Il y a peu d'endroits où, si on fait une erreur technique, on ne risque pas la mort. Donc elle est dans le top 5 des plus ardus, j'ai envie de dire, quand même.

  • Speaker #0

    Comment tu la prépares, cette expédition ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas choisi de finir par le Nanga. Toujours le choix des expéditions se fait en fonction des opportunités de l'année. Alors soit je sais qu'il y a une expédition qui se monte sur un sommet, donc je me greffe à cette expédition. Soit moi j'ai envie d'aller sur tel sommet, donc je fais le tam-tam et je réunis l'équipe où on se coalise entre grimpeurs qui veulent aller sur la même montagne. L'idée étant de mutualiser les coûts, de partager les coûts du camp de base et des permis d'ascension pour minimiser les... Je pensais le réussir en 2022 et le dernier aurait dû être le Shishapangua, parce que la Chine était encore fermée à l'époque. Et en fait, je loupe le Nanga de 2022. Entre-temps, le Tibet ouvre, donc j'ai l'opportunité d'y aller au printemps 2023. Je réussis et donc c'est le Nanga qui arrive en dernier. Et d'où la difficulté de François Dami-Lanneau sur le scénario du film. Parce qu'il a vendu aux télés un scénario qui devait se passer sur le chicha Pangmar. Et en fait, on est partis au Nanga Parbat.

  • Speaker #0

    Tu parles du film de François Damilano, Le Dernier Sommet. Moi, j'ai été absolument bluffée par les images. On voit vraiment là, sur le camp 3, cette toute petite tente qui s'accroche comme ça dans la montagne. On n'a jamais autant l'idée de pente, même en ski de pente raide, quand... on voit une image là c'est vraiment très très impressionnant et d'ailleurs ça me fait rebondir sur le fait que tu as l'air là complètement lucide parce que tu as l'expérience précédente d'une avalanche et tu dis au groupe quand tu arrives nous ne restons pas là il faut qu'on aille plus loin plus haut pour se trouver un éperon rocheux pour ne pas risquer une avalanche et tu connais ça puisque tu l'as vécu sur une précédente expédition alors merci ulysse lefebvre pour les images de drones

  • Speaker #1

    et cette technologie qui permet d'avoir des angles de prise de vue qui donnent des perspectives différentes. Oui, de nouveau, le Nanga Parbat, c'est ma 22e expédition. On apprend beaucoup, donc l'expérience fait que, justement, cet état hypoxique, on va dire, en général, il se manifeste au-dessus de 8000 mètres. Même si au-dessus de 7000, on commence à être en difficulté. Mais voilà, après, on est en équipe, on discute. Et c'est vrai que les décisions, elles sont prises ensemble. Et très souvent, la personne avec qui je prends les décisions, c'est Sangé.

  • Speaker #0

    On voit qu'il y a une décision dans le groupe. Mais il y a aussi quelque chose de très intéressant, c'est-à-dire qu'au camp de base, quand vous avez une fenêtre météo, il y a un espèce de conciliabule entre toutes les expéditions qui sont là pour le Summit Push, pour dire, OK, comment est-ce qu'on s'organise pour ne pas se marcher sur les pieds ? Je pense que je ne l'avais jamais vu documenté ainsi. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est fréquent. C'est fréquent sur les camps de base. que les membres des expéditions croisent les informations. Et c'est surtout dans l'idée que tous ensemble, on va être plus forts. Et le point clé de ces discussions ou de ces rencontres, c'est de décider de l'ouverture de la voie. Parce qu'à part les grandes montagnes, qu'on va dire les populaires, qui sont l'Everest, le Manaslu à l'automne, ces montagnes où il y a... qui sont très, très organisées, où il y a ce qu'on appelle une fixing team, une équipe de tête qui va ouvrir la voie et sécuriser les parties techniques avec des cordes fixes, d'où son nom de fixing team, qui est dédiée. Sur les autres expéditions, il n'y a pas. Il n'y a pas cette équipe. Donc il faut... s'organiser pour décider quels sont les Sherpas qui vont aller en éclaireur, on va dire. Au Pakistan, c'est la même chose. Il y a aussi des ouvreurs pakistanais. Il faut que tout ce petit monde s'entende et se décide pour s'organiser. Donc c'est ça. En fait, ces réunions, elles servent à ça. Et là, comme il y avait beaucoup de... Il y a eu des difficultés sur cet été 2023 avec... une lenteur de délivrance des visas. Donc il y a des Sherpas qui étaient encore restés à Katmandou à attendre les visas. Donc tout est en retard. Donc on est un petit peu dans la précipitation. Il y a la contrainte de la météo avec des fenêtres très très serrées quand même. Et le Nanga a cette particularité d'avoir ces grandes pentes. Et plus on va vers le mois de juillet et le rejel est mauvais. Et donc, on arrive à des situations dangereuses. Qui dit pas de rejel, dit chute de pierre. Et donc, ça devient très dangereux. Et donc, la saison du grimpe du Nanga, elle est très petite. Donc, c'est pour ça que c'est important que les chefs d'expédition se réunissent pour pouvoir optimiser vraiment cette stratégie.

  • Speaker #0

    C'est fou, on voit vraiment la stratégie. C'est ça, c'est une stratégie.

  • Speaker #1

    Oui. Mais moi, c'est aussi au-delà de la performance et d'arriver au sommet, de tenter le sommet. Moi, ce que je trouve toujours intéressant, justement, sur ces camps de base, c'est de décider de cette stratégie d'ascension, quand est-ce qu'on y va ou pas. Et dans les conférences, parce que je donne beaucoup de conférences, je dis, le patron, le boss de toute l'expédition, il est dans son salon à Chamonix. Il s'appelle Yann et c'est le météorologue. Pourquoi ? Parce que c'est lui qui donne le go. C'est lui qui me dit, qui prend la responsabilité de me dire « Non, n'y va pas. Oui, vas-y. Monte. Non, ne redescends pas. » Parce que si tu restes 24 heures dans la tente, la fenêtre météo, elle arrive et il me connaît et il sait plus ou moins calculer le temps. Par exemple, si je prends l'exemple du Manaslu de 2022, on est monté au camp 4 dans une tempête épouvantable, avec des vents à plus de 60 km heure et autres. Tout le monde redescendait. J'avais vraiment l'impression d'être à contre-courant. Et je me disais, mais qu'est-ce qu'on fout là ? Et on était dans la tente balottée avec le vent et autres. Et j'ai pris le téléphone satellite et j'ai dit, mais pourquoi on est là ? Et il me dit, mais t'inquiète pas. Le vent tombe entre minuit et 9h du matin. Et tu as le temps d'aller faire ton sommet. Donc, ne descends pas. Et il a eu raison. Et à partir d'11h, le vent a commencé à baisser. À minuit, on a commencé à se préparer, etc. Et j'ai eu le temps de faire le sommet dans des conditions exceptionnelles parce qu'il n'y avait pratiquement personne. Donc, voilà, c'est un peu aussi tout cet esprit d'équipe, tous les gens qui m'entourent.

  • Speaker #0

    En qui tu as une confiance finalement débordante ?

  • Speaker #1

    Oui. Lien de confiance, il est absolu. Si on doute, si je commence à douter des prévisions de Yann, je vais commencer à aller voir l'expédacoté, lui demander sa météo, etc. Mais en fait, avec les années, tout le monde a compris que moi, j'avais quand même une météo qui était quand même très, très performante. Donc, c'est plutôt les autres qui viennent me demander des conseils.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, c'est un moment qui m'a marqué, c'est que... Tu notes ce que Yann te dit dans un carnet. C'est la question de la mémoire, en fait, que je veux avancer ici. Tu dis aussi que la mémoire, elle est bien faite, que très rapidement, ton cerveau balaye le négatif pour ne garder que le positif. Comment est-ce que tu gardes la mémoire de tes expéditions ? Est-ce que tu écris beaucoup dans ces carnets ?

  • Speaker #1

    Alors, ces carnets, oui. Depuis le tout début, mais même avant les expéditions à 8000, à chaque fois que j'ai fait des voyages, j'ai emmené des carnets. des carnets de notes. Donc j'ai un tiroir qui est rempli de carnets de notes. Et l'idée, en expé, c'est effectivement d'écrire une page par jour de ces petits carnets. Alors ça permet effectivement de garder déjà ce qu'on fait dans la journée, si c'est un jour de repos ou si c'est un jour où on bouge, avec le dénivelé, l'itinéraire, qu'est-ce qu'on a fait, les temps, les altitudes, et puis le ressenti. de la journée, ou ce qui s'est passé, ou s'il n'y a rien, ce qui ne se passe rien. Ce qui arrive quand même quand on est sur des jours de repos, camp de base ou autre. En fait, après, ils partent dans le tiroir. Et puis, quand on est rentré plus en détail dans le projet du livre avec François, où j'avais justement besoin de ... d'écrire un carnet. Par expédition, je me suis replongée dans ces carnets. C'était un moment très chouette, en fait. Parce qu'il y a plein de choses, évidemment, que j'oublie. Et le fait de se replonger dans ces carnets, on replonge quand même dans l'expédition, parce qu'il y a les noms des autres grimpeurs, des gens qui nous ont accompagnés, le ressenti, la météo du moment, etc. Enfin, il y a plein de choses, les anecdotes. et vraiment le dérouler. Et ça me fait le même effet quand je replonge dans les photos. J'ai une banque de photos, j'en ai tellement. L'exercice de l'iconographie du livre m'a permis de me replonger vraiment dans chaque expédition, dans chaque paquet de photos. C'était vraiment très chouette de reparcourir tout ça.

  • Speaker #0

    C'est un travail d'archiviste en plus. De venir fouiller, de gratter.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et justement, dans la recherche des thèmes pour les carnets du livre, il y en a, c'était évident. Il y en a, la montagne, je savais exactement ce que je voulais raconter. Et puis d'autres, c'était moins évident, moins marquant. Donc, j'ai été reparcourir tout ça. Et puis là, c'est comme ça que des fois, l'idée, elle est venue. La première question,

  • Speaker #0

    parole qui t'est prêtée dans le film, c'est celle où tu revendiques la non-performance de ce que tu fais. Et même, tu doutes de tes capacités. Est-ce que les gens, aujourd'hui, te croient quand tu dis que tu ne vas pas sur ces 14 8000 pour établir un record ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il me croit ou pas. Finalement, peu importe. Mais c'est vraiment ma façon d'avoir abordé ce grand rêve. Au début, c'était un espèce de rêve de Graal. de quelque chose assez d'inaccessible. J'ai mis voire plusieurs années finalement avant d'assumer le projet et d'en parler. Et au début, je disais non, non, je repars en XP. Mais c'est vrai que j'ai toujours eu cette philosophie du pas à pas, d'une XP après l'autre. Et puis après, on verra. Parce que les obstacles Et plus on y va, et plus je m'en suis rendue compte que les obstacles sont tellement présents. Il peut y avoir un accident, se casser la jambe et puis ça s'arrête. Il y a tellement de choses, que ce soit maintenir cette condition physique qui me permet de partir et de repartir en expédition, les conditions sur la montagne. les aléas météo qui peuvent se produire. Il y a tellement de facteurs qui peuvent nous mettre en échec que ça paraît presque quelque chose d'insurmontable. Et donc, pour justement éviter la pression, pour éviter de promettre des choses, notamment vis-à-vis des sponsors ou des partenaires et autres, de promettre quelque chose que je ne vais pas tenir. Je suis toujours restée dans un précaré d'une année, en disant, voilà, cette année, je vais essayer de faire ça, et puis après, on verra. Et puis, au fur et à mesure, ça a marché. Mais je reste assez convaincue que le fait, justement, de se préserver de cette pression potentielle fait que peut-être j'ai renoncé, parfois, plus facilement. Et je reste convaincue que le renoncement à plus de 8000 mètres, il sauve la vie.

  • Speaker #0

    On me l'a beaucoup dit au fil des interviews que j'ai menées dans tous les sports, que ce soit en alpi, en pantraide. On m'a toujours dit faire un retour en arrière, c'est se sauver la vie et c'est important. Alors la montagne, c'est aussi des échecs dans la quête des 14 8000. Vous en avez eu quelques-uns, mais aussi on peut dire que l'alpinisme, il y a... une prédominance de la mort. C'est quoi la meilleure façon d'atteindre le sommet ?

  • Speaker #1

    Si on connaissait la meilleure façon d'atteindre le sommet, je pense que tout le monde l'appliquerait. Il n'y a vraiment pas de recette magique. En revanche, l'expérience peut minimiser les risques. L'équipe, bien sûr, l'entourage. Je reste convaincue que seule en Himalaya, je ne vais aller nulle part. Donc ça c'est aussi un credo de conférence qui fait que c'est une façon de revaloriser les équipes, les gens qui m'entourent, non pas pour minimiser ce que je fais, mais pour donner vraiment, remettre en perspective tous les gens qui nous entourent. On peut citer ne serait-ce que le cuisinier du camp de base. Si le cuisinier ne nous fait pas bien à manger et qu'on est tous malades, personne ne va aller au sommet. Donc, c'est des perspectives comme ça que je trouve toujours intéressantes de mentionner. Il faut quand même l'admettre, il y a quand même un facteur chance dans les conditions. Plus j'observe ces montagnes, et moi, je comprends vraiment les avalanches, ça reste un truc quand même assez mystérieux. Un pont de crevasse qui cède, pourquoi il cède à tel moment ? Alors oui, c'est peut-être parce qu'on est dans l'après-midi et que ça a chauffé, mais il y a 100 personnes qui passent. qui passent, et puis la 101e, ça cède. Enfin bref, il y a des aléas et qu'il faut intégrer. Le risque zéro, évidemment, n'existe pas. Et puis, je pense qu'il faut être conscient de sa capacité physique, ses compétences, savoir renoncer. Cette quête de record, peut-être, peut mettre en danger aussi plus facilement, parce qu'on va pousser, pousser, pousser le bouchon. Alors, où on met le curseur ? C'est aussi très, très relatif. Ce n'est pas la réponse. Et puis, peut-être quand même qu'il y a une bonne petite étoile là-haut qui était bien présente. Donc, il ne faut pas non plus peut-être en abuser.

  • Speaker #0

    J'ai écrit hier soir dans mon carnet personnel, en rentrant de la projection, que rien ne vous prédestinait à la montagne. D'autant que vous n'êtes pas une alpiniste comme les autres. Vous prenez l'anti-performance. Et que finalement, quand la vie voulait nous emmener quelque part... elle arrivait toujours à nous emmener là où elle voulait il y a une forme de destin quand même dans ce que vous avez vécu alors il y a beaucoup de volonté,

  • Speaker #1

    beaucoup d'entraînement mais il y a une forme de destin alors on peut appeler ça du destin je sais pas ou de voie à suivre après moi j'ai les pieds quand même bien sur terre et je pense que c'est c'est

  • Speaker #0

    un choix de vie oui parce que vous quittez tout en fait vous quittez votre travail c'est ça

  • Speaker #1

    Et quand les gens me disent « Ah, mais tu as de la chance, tu vis de ta passion » , je dis « Non, non, ce n'est pas de la chance du tout » . Et c'est vraiment beaucoup, beaucoup de travail de la Léa, de prendre la décision de démissionner d'un job avec un salaire confortable et de se lancer à plein temps dans cette activité qui devient du coup une profession, d'être en recherche. de financement. Et merci, merci à tous les sponsors et les partenaires qui m'ont accompagnée pendant toutes ces années, parce que sans eux, ça ne se fait pas. Donc voilà, c'est des rencontres, c'est plein de choses à mettre ensemble, mais au final, c'est beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #0

    C'est facile en 2024, quand on est Sophie Laveau, de trouver des sponsors ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas facile. Non, non, non, non, ça, c'est jamais facile. Alors après, de nouveau, j'ai jamais eu à renoncer à une expédition par manque de moyens. Donc merci les sponsors, parce que justement, c'est que je me débrouille quand même pas trop mal pour trouver ces sous. Mais on est dans une époque où je pense qu'il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de projets, il y a des projets magnifiques. Il y a beaucoup de gens qui cherchent de l'argent. Et donc, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile. Et justement, le paradoxe, ce n'est pas parce qu'on a fait un film ou des films, un livre, on passe à la télé, on a des jolis logos sur notre doudoune, que la vie est facile.

  • Speaker #0

    D'autant que vous êtes quand même interviewée par des pointures. J'ai vu que vous aviez fait pas mal de podcasts. Vous avez été interviewée sur France Inter plusieurs fois. Vous êtes entourée de France Inter Milano, Lys Lefebvre.

  • Speaker #1

    Oui, mais justement, c'est le paradoxe. C'est que cette exposition médiatique laisse penser qu'on y est arrivé, et que c'est facile, et qu'il y a des sponsors, et que tout va bien. Mais non, ça reste toujours une quête d'une année sur l'autre. Et donc, avis aux amateurs, s'il y a une inspiration à vouloir poursuivre ce sponsoring. Vous êtes les bienvenus. Très bien,

  • Speaker #0

    ce sera entendu, en tout cas j'espère. Merci infiniment Sophie d'avoir été dans le camp de base aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Et voilà, ce premier épisode de la saison 4 avec Sophie Laveau est terminé pour aujourd'hui. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. N'oubliez pas de le partager avec votre entourage s'il vous a plu. On a une surprise pour vous avec les éditions Glénat. On vous permet de remporter le livre co-écrit par Sophie Laveau et François Damilano, Les 14 sommets de Sophie Laveau. C'est très simple, vous laissez un commentaire sur... le podcast sur Apple Podcasts, ou sous l'épisode de Sophie Laveau spécifiquement sur YouTube ou Spotify. Vous avez jusqu'au 10 février pour ce faire. Je tire au sort le 11 février à midi. Je vous souhaite une bonne journée, une bonne soirée, et je vous dis à très vite dans le camp de base. Rencontre au sommet !

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Description

Mon invitée du jour n'est autre que Sophie Lavaud, l'alpiniste franco-suisse qui, en 2023, a gravé son nom dans l’histoire en devenant la première femme à boucler les quatorze sommets de plus de 8000 mètres.

Avec son ascension du Nanga Parbat, la "montagne tueuse", elle clôture une décennie d'efforts intenses et devient une référence dans le monde de l'alpinisme.


Dans cet épisode, Sophie me raconte ses débuts en montagne, marqués par une passion naissante après une première ascension du Mont Blanc en 2004, puis un trek en Himalaya. De la danse classique, où elle a acquis une discipline de fer, à la conquête des plus hauts sommets de l’Himalaya, elle partage son évolution dans ce sport exigeant. Sa quête des 8000 mètres, qui débute en 2012, est une aventure progressive, mais aussi une lutte contre les obstacles physiques et mentaux imposés par les altitudes extrêmes.

Ecoutez cet épisode du Camp de base, c'est aller à la rencontre des défis de l'alpinisme à haute altitude, comme l'hypoxie, qui altère non seulement les capacités physiques mais aussi la prise de décision. Sophie met en lumière l'importance de la gestion des risques et de la coordination avec son équipe, notamment les Sherpas, pour réussir une ascension de ce type. Elle insiste sur la nécessité de prendre des décisions collectives, en tenant compte de la météo et des imprévus.


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🎧 Le Camp de base, c’est le podcast des rencontres au sommet et de la montagne racontée avec passion, dans vos oreilles, tous les lundis dès 5h du matin. 🌄


Lire l'article complet sur le site internet : https://campdebase-podcast.com/sophie-lavaud-alpinisme/

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Transcription

  • Speaker #0

    En 2022, avec Sangé, on a réussi le Lhotse au printemps et on enchaîne directement sur le Nanga. Et là, j'ai été happée par une intoxication alimentaire qui m'a torpillée le ventre la veille du départ pour le sommet. Et je ne sais pas comment j'ai réussi à aller jusqu'au cantrois, mais avec des douleurs de ventre. épouvantable et j'ai décidé de faire 24 heures au camp 3 pour essayer de calmer les douleurs et clairement je n'avais pas l'énergie pour poursuivre et en fait les alpinistes qui ont tenté le sommet la nuit où on a attendu justement au camp 3, ils ont rebroussé le chemin parce que les conditions avaient trop changé en fait on a trop attendu en 2022 et les conditions de la montagne s'étaient tellement altérées que ça devenait dangereux, ils n'ont pas réussi le sommet et donc on a abandonné c'est pour ça qu'il y a cette tension un petit peu aussi quand on y retourne en 2023 de justement pousser pour pour pas attendre trop et prendre les premières fenêtres météo et pas faire la même erreur le

  • Speaker #1

    26 juin 2023 pakistan sommet du nanga parbatt 8000 126 mètres d'altitude sophie lavaux et dawa sangha cher pas se hisse sur les derniers mètres qui les séparent du sommet mais aussi d'un exploit qui fera entrer Sophie dans la légende. Le Summit Push, depuis le Camp 3 à 6800 mètres, a été long et intense. Le Nanga est probablement le sommet le plus difficile des 14 sommets de notre planète, qui culmine à plus de 8000 mètres. En ce 26 juin 2023, Sophie Laveau devient donc le premier Français, le premier Canadien et la première Suissesse à boucler les 14 dans un jour blanc. La joie de ce moment historique a probablement été intense, inimaginable pour le commun des mortels que je représente. Cette aventure, elle a commencé avec une montée au sommet du Mont Blanc en 2004, pour celle qui estime être une madame tout le monde.

  • Speaker #0

    Il y a cette première étape qui est entre le camp 1 et le camp 2, donc justement le passage de ce mur Kinshoffer, qui reste quand même le point clé et la difficulté. Ensuite, la météo se maintient, donc on a pu enchaîner et partir sur le camp 3. Le camp 3, il y a cet aléa de l'emplacement. Vu qu'on décide de ne pas faire de camp 4, il faut quand même aller au plus haut possible. Il y a un espèce de petit îlot rocheux, donc on va mettre les tentes à cet endroit-là. Après, de nouveau, c'est chaque fois questionner Yann, Guizaine Daner, par rapport à la météo, est-ce que ça se maintient, la fenêtre ? On était en fin de fenêtre météo et le mauvais temps devait arriver. Et on part en fait vers 18h pour le sommet. Avec un temps classique, on est toujours sur ces sommets de pouche, au minimum sur une vingtaine d'heures, avec un retour au camp 3. Le sommet, on est dans une espèce de météo, un peu de brouillard, laiteux, il n'y a pas de vue. Il y a la préoccupation de la descente parce que les 600 derniers mètres ne sont pas sécurisés. Moi, je suis vraiment inquiète pour la descente. Mais il y a quand même un moment d'émotion gravé avec Sangé au sommet. Christine Arila, elle est arrivée au sommet avant, et en fait, je la croise quand elle est en train de redescendre, et nous, on est vraiment en train d'arriver. Là, le fait de la voir redescendre, et elle me dit, mais ça y est, il y est, etc., il y a eu là peut-être vraiment le... Le moment fort aussi parce que je savais qu'on allait y arriver. Voilà, c'est plus des flashs, des moments comme ça parce que c'est longues heures qui s'étirent pendant toute la nuit. Autre où on est juste focalisé sur le halo de la frontale et de mettre un pied devant l'autre. Voilà, c'est long, c'est long, c'est long. Mais ça c'est le propre de ces sommets de pouche sur ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Erhard Loretam, du troisième homme au 14-8000 a dit Le problème avec les 8000, c'est comme avec les cacahuètes, il ne faut jamais commencer. Alors, quels ont été les moteurs de Sophie Laveau, qui, un beau jour à 36 ans, a décidé de quitter une carrière dans l'hôtellerie de luxe et dans l'univers des cosmétiques ? J'ai la chance de pouvoir discuter avec Sophie aujourd'hui dans le camp de base pour lancer le premier épisode de cette quatrième saison. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne écoute. en espérant que vous prendrez autant de plaisir à l'écouter parler que j'en ai eu à la rencontrer. Merci infiniment aux éditions Glénat d'avoir rendu cela possible. Le livre Les 14 000 de Sophie Laveau, co-écrit avec François Damilano, que vous entendrez dans quelques semaines sur le Canvas, constitue un magnifique livre de voyage proposant des points de vue originaux autant qu'historiques sur les 14 plus hautes montagnes du monde. Et si vous avez aimé cet épisode, Je serais ravie de recueillir vos commentaires sur Apple Podcasts, Spotify et YouTube. Restez bien jusqu'au bout de cet épisode, parce qu'avec les éditions Glénat, on a une surprise pour vous, et je vous en parle juste après cet entretien. Bonjour Sophie !

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'être dans le camp de base aujourd'hui. Pour moi, ce n'est pas facile de t'interviewer, même si c'est super parce que tu as fait déjà tellement d'interviews. Dans le camp de base, j'essaye toujours de poser de nouvelles questions, des choses qui n'ont pas été entendues ailleurs, mais sans jamais rentrer dans le personnel. J'ai beaucoup réfléchi cette nuit.

  • Speaker #0

    J'espère que tu as dormi un petit peu.

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais quand je vois que tu ne dors pas pendant 24 heures au-delà de 6 000 mètres,

  • Speaker #0

    je me dis que ça va aller,

  • Speaker #1

    il y a de la marge. Première question que je pose à tous les invités du camp de base. Il est où, toi, ton camp de base ? Il est composé de quoi pour être bien ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il peut être n'importe où, mais c'est surtout ma tente. J'ai fait un petit calcul. Je crois que j'ai dormi plus de trois ans dans une tente au-dessus de 5000 mètres. Et en fait, c'est le seul endroit vraiment où je peux recréer une intimité. Il faut que ma tente soit... confortable et c'est très important. Justement quand on est comme ça dans des environnements hostiles pendant des semaines et des semaines, il faut un endroit où on peut aller se reposer, s'isoler, donc c'est ma tente. Très bien.

  • Speaker #1

    Tu aimes à dire que tu es comme Madame Tout-le-Monde, que tu n'es pas une performeuse. Tu as un déclic en 2004 quand tu fais le pari avec un ami. Oui. d'arriver au sommet du Mont Blanc. Alors moi, j'aimerais bien comprendre un peu dans quel milieu tu as grandi, elle ressemble à quoi ton enfance et finalement, c'est quoi tes connaissances de la montagne et de l'alpinisme qu'on t'a transmises ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis née à Lausanne, en Suisse, et on avait un appartement dans la vallée de Chamonix quand on était enfant. Donc, je dis souvent, j'ai appris à marcher en même temps qu'à skier. Donc, on a quand même été dans un univers de montagne avec mon frère très jeune. Et on passait la moitié de l'été, les vacances scolaires aussi à la montagne. En revanche, il n'y a pas d'alpinistes dans la famille. Donc, il n'y a pas de cette culture de la grimpe qu'on peut inculquer aux enfants très jeunes. D'ailleurs, j'adore grimper, mais je suis une bille parce que justement, j'ai commencé trop tard. En revanche, ma discipline de cœur... Quand j'étais jeune, c'était la danse classique. Donc j'ai fait presque 15 ans de danse classique, de ballet, vraiment à haut niveau, au point que je voulais arrêter l'école et me consacrer à cette carrière. Et comme j'étais quand même assez bonne à l'école et que c'était assez facile pour moi, mon père m'a toujours dit « il faut que tu passes ton bac et puis après tu feras ce que tu veux » . Et donc il y a des années où je me suis retrouvée avec l'école traditionnelle, pas aménagée, et une quinzaine d'heures de danse par semaine. Donc c'était toute ma vie. J'étais à l'école et à la danse. L'année juste avant les auditions, pour potentiellement rentrer dans une compagnie, j'ai eu conjointement un gros problème de dos et une appendicite à la limite de la péritonite. Et donc j'ai dû arrêter. Et en fait, cette année, presque une année avec un corset, a fait que j'ai tellement perdu que quand j'ai repris, le niveau avait... trop baissé et j'ai dû abandonner. Et en fait, ça a été assez traumatisant parce que je m'étais projetée dans ma vie comme danseuse, avec le rêve d'une danseuse étoile, je pense, comme toutes les petites filles qui font de la danse. Donc la transition a été longue, mais après, je raconte ça parce que je pense que du moment où j'ai mis des chaussons d'escalade, déjà, il y a une sensation qui est très similaire aux chaussons de pointe. Donc c'est un univers complètement différent et avec finalement pas mal de similitudes, d'équilibres et autres. Et je pense que c'est pour ça que j'ai accroché à la grimpe. Et après, par la suite, dans cette quête d'altitude, c'est finalement le mental. Le mental qui joue un rôle très très important. Et je pense que cette discipline du corps que j'ai eue toutes ces années avec la danse classique m'a beaucoup aidée. Et m'aide encore aujourd'hui. dans cet effort intense qu'il faut fournir quand on grimpe ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Et puis il y a une rigueur aussi dans l'entraînement, dans la danse classique.

  • Speaker #0

    Une rigueur, une discipline, une hygiène de vie qui est vraiment indispensable. Donc oui, il y a beaucoup de similitudes en fait.

  • Speaker #1

    À quel moment tu les enfiles ces chaussons d'escalade ?

  • Speaker #0

    Ah, quand est-ce que j'ai commencé ? Oui, au début 2000, à peu près, dans ces Ausha. En fait, j'avais commencé à faire quelques ascensions. Et puis, il y a effectivement ce Mont Blanc de 2004. Et donc, j'avais un ami d'enfance qui vivait à Chamonix. Et je suis allée le voir et je lui ai dit, apprends-moi l'alpinisme. J'ai envie. Et on a fait beaucoup ensemble et c'est lui qui m'a initiée.

  • Speaker #1

    C'est tombé comme ça. Un jour, tu t'es dit, je veux faire de l'alpinisme.

  • Speaker #0

    Oui, je me suis dit, c'est quelque chose qui... qui devraient me plaire. Donc, j'ai envie d'apprendre la technique de l'alpinisme, en fait. Et puis, de nouveau, c'est des bons prétextes pour partir en montagne, faire des choses avec des amis, et puis apprendre Piolet-Crampon, etc.

  • Speaker #1

    Tu as trois nationalités. Tu es française, suisse et canadienne. Comment est-ce que chacune de ces nationalités joue dans ta persévérance et dans ton rapport à la montagne ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas lié, mais... L'origine de la famille, mes parents sont français et mon papa est immigré au Canada, c'est jeune. Et maman, à l'époque, était hôtesse de l'air, à Air France, et elle faisait des paris Montréal, jusqu'au jour où elle est parvenue. Elle est restée, ils se sont mariés là-bas, etc. D'où le naturalisé canadien, d'où le passeport canadien. Et quand ils sont rentrés en Europe, ils sont venus en Suisse. Et donc avec mon frère, on est nés en Suisse. D'où le troisième passeport. Ce qui est rigolo, c'est qu'en fonction d'où je me trouve, l'entourage s'approprie la nationalité. Donc quand je suis en Suisse, alors je suis suisse. Quand je suis à Lausanne, je suis vauloise parce que je suis née à Lausanne. Quand je suis en France, je suis française. Et quand je vais au Canada, je suis canadienne. Donc chacun s'approprie le précaré. Donc c'est rigolo.

  • Speaker #1

    Surtout dans ce record, en fait, je m'imagine que c'est une fierté. Lausanne, c'est une très jolie ville médiévale. On retrouve le musée de l'Elysée. Le musée de l'Elysée qui abrite une collection, qui est une collection assez incroyable de photographies d'Ela Maillard. Ela Maillard qui a traversé la Chine par les territoires ouïghours de Pékin au Cachemire. En 1935, est-ce que tu as eu l'occasion de voir cette collection de photographies ?

  • Speaker #0

    Alors non, je n'ai pas eu l'occasion de la voir. En revanche, Alexandra Davini, Laila Mayar, ce sont des noms qui résonnent d'aventurières extraordinaires pour qui j'ai vraiment beaucoup d'admiration. Et j'ai travaillé à Genève dans un institut de coaching qui s'appelait l'Institut Futura 21. Et... On a inauguré les nouveaux bureaux et la directrice de l'Institut a nommé des salles, nos salles de conférences et de cours. Il y avait la salle El Amaya et il y avait la salle Sophie Laveau. Et donc j'ai toujours été très flattée d'avoir mon nom à côté de celui d'El Amaya.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut faire justement un petit retour en arrière ? Et que tu me racontes après le Mont Blanc, donc tu te dis que tu vas faire un autre 4000, puis un 5000, puis tu sais la théorie des petits pas, on va toujours un peu plus loin ?

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. C'est un pas après l'autre, un sommet après l'autre, et puis après on verra. C'est vrai que je parle toujours, après ce Mont Blanc, les voyages et la découverte d'autres sommets, de l'altitude et autres. Dans l'intervalle de ces grands voyages, j'ai vraiment beaucoup, justement, avec cet ami, apprends-moi l'alpinisme, on a fait beaucoup, beaucoup d'ascensions dans les Alpes. Mais c'est vrai que j'ai... J'ai été quand même attirée assez vite par l'altitude, par aller toujours un peu plus haut. Ce n'était pas forcément la technique, aller dans le dur, de plus en plus dur. C'était plus d'aller découvrir et aller un peu plus haut. Et donc, c'est comme ça que je passe un 5000, après 6000, après 7000 et puis après la barre des 8000. Mais il y a quand même 10 ans qui s'écoulent entre un Mont-Blanc 2004 et un Everest en 2014. Donc voilà, de nouveau, on est sur du temps long. Je ne suis pas une hoxtague qui s'est réveillée un matin en disant « tiens, je vais aller gravir l'Everest » . Et l'année d'après, j'étais au sommet. Non, ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est passé.

  • Speaker #1

    Justement, quel regard tu portes sur ce jeune homme qui a tout lâché et qui s'est dit « je vais aller faire l'Everest » .

  • Speaker #0

    Eh bien, pourquoi pas ? Mais pourquoi pas ? Je veux dire, d'avoir un rêve d'Everest peut prendre n'importe qui, quelque part. Après, c'est comment on s'y prend. Et là, de se dédier complètement à ça, de s'être entraîné. Il a fait les choses correctement. Il s'est bien entouré. Alors oui, il y a des moyens, il y a beaucoup de choses. Mais ce n'est pas parce qu'on est youtubeur qu'on n'a pas le droit d'avoir un rêve d'Everest. C'est clair.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rappelles la première fois que tu mets les pieds en Himalaya ? C'était en quelle année ?

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens très bien quand je vais en Himalaya la première fois. Je suis partie avec mon frère en fait. On est parti en trek en Himalaya. Mon frère avait un ami qui a épousé une Sherpani, une Népalaise. Elle s'appelle Lakti et elle était une des premières femmes guides de trek au Népal. Les femmes ont eu du mal et ont toujours encore aujourd'hui du mal à s'affranchir. quand elles veulent sortir des rangs de mère de famille. Mais il y en a de plus en plus. Mais à l'époque, l'acti était vraiment une des premières. Et elle avait appris le français, donc elle travaillait pour Aliber. Et en fait, elle a organisé hors saison, parce qu'on y était en février, donc il faisait un froid de dingue. Mais il n'y avait personne. On devait aller au camp de base de l'Everest, sauf que les lodges étaient fermés. parce qu'on était complètement hors saison. Et on a bifurqué dans la vallée de Chukung et on a fait ce qu'on appelle le Chukungri, qui est un 5005. Et ça a été un des premiers déclics après, dans ce début, ce démarrage d'aller un petit peu en altitude. Et en fait, on l'a su au retour, mais ce voyage préparait leur... Leur mariage, ils préparaient leur mariage. Et quelques mois après, on a été conviés à Paris pour le mariage de Lacti et Olivier, qui était un très très joli mariage.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de Katmandou, qui est une ville qui fourmille, des sourires ténébalaises, de la pauvreté. Est-ce que tu peux nous raconter les paysages que toi tu gardes de Katmandou ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on nous dit toujours ? Que c'est un bordel sympathique. Parce que c'est vrai que c'est un chaos total. Mais il y a un trafic épouvantable. Mais tout le monde roule à 20 à l'heure. Tout le monde, c'est « pousse-toi là que je passe » , etc. Mais c'est toujours courtois. Et de nouveau, on est dans cet état d'esprit Donc on a complètement perdu ici, d'une manière générale, c'est l'entraide, vraiment. Donc effectivement, c'est très pauvre, c'est pollué, il y a des mendiants, les marchands de fruits et légumes qui, avec leur petite carriole, sont tout le temps au coin des rues. Donc on achète ses fruits et légumes sur le chemin, en rentrant chez soi ou moi, dans mon petit hôtel où j'ai mes habitudes. dans le quartier de Bodnath, qui est le quartier bouddhiste. Quand j'arrive à Katmandou, je vais voir la stupa. J'ai des habitudes comme ça. Alors, je pense que je ne pourrais pas vivre à Katmandou, justement à cause de la pollution. En revanche, j'ai toujours plaisir à y passer quelques jours. Et je trouve que ce qualificatif de bordel sympathique, ça qualifie bien la ville.

  • Speaker #1

    Vous parlez des femmes et de la montagne ? Je vais recevoir Anne-Benoît Jeannin dans un des épisodes suivants du camp de base. Elle a écrit un livre et elle a réalisé un film sur l'alpinisme comme émancipation des Népalaises dans une société... qui est quand même assez misogyne. Dans cette expédition, comme dans tout ce qu'on voit à l'écran en termes d'alpinisme, une femme qui fait de l'alpinisme comme vous, elle est forcément entourée d'hommes. Est-ce qu'en 11 ans, on vous a déjà proposé, ou vous avez déjà rencontré une femme Sherpani, ou est-ce qu'on vous a déjà proposé d'être accompagnée par une femme sur une de vos expéditions ? Est-ce que vous avez observé ? L'émancipation toute relative dont parle Anne dans ses films et dans son livre.

  • Speaker #0

    Donc on parle des Sherpas, il faut toujours distinguer l'ethnie du job.

  • Speaker #1

    La communauté Sherpa.

  • Speaker #0

    Donc qui est une ethnie, qui est une caste. Et comme les populations des contreforts de l'Himalaya sont les Sherpas essentiellement qui vivent toujours. C'est les premières personnes qui ont été embauchées dans les années 50-60 dans les conquêtes de l'Himalaya. Et donc le nom de Sherpa est devenu le nom du job. Mais c'est leur nom. Si je prends Sangé, son nom complet c'est Dawah Sangé Sherpa. Et Sherpa c'est son nom de famille. Donc ça, il faut juste distinguer ça. Il n'y a pas de Sherpa femmes qui travaillent sur les montagnes, qui font de l'aide au portage, de l'assistance aux grimpeurs, etc. Il n'y a pas de femmes. En revanche, il y a des femmes guides de trek maintenant et il y a des femmes qui grimpent, qui elles-mêmes se font assister par des Sherpas. Et la plus connue après les premières conquêtes avec Passang Lamu, etc., il y a une Sherpani qui a épousé un Hollandais qui s'appelle Maya Sherpa et qui a commencé à grimper des 8000. Elle est très connue parce que justement, elle était dans les premières. Après, elle a inspiré d'autres jeunes femmes qui ont commencé à grimper. Donc, il n'y a pas Sanglamo, parce que tout le monde, à peu près tous, s'appellent tous pareil.

  • Speaker #1

    Pas Sanglamo Akita, qui a épousé un Japonais. Voilà.

  • Speaker #0

    Et Dawai Anzum, je ne sais pas qui, est la première femme aujourd'hui népalaise guide de haute montagne. Donc, il n'y en a qu'une. Et donc, c'est trois, que ce soit Maya... Ba Sang et Dao Yangzong, elles étaient toutes les trois avec moi sur 2017, sauf erreur, sur l'expédition du Kanchenjunga. Et c'est vraiment les trois icônes très connues. Aujourd'hui, il y en a plus. Donc, petit à petit. Évidemment, c'est dur. Il y a Fung Jo qui a battu un record de vitesse sur l'Everest la saison dernière. Il y a Pournima Ausha où j'ai fait la... première expédition avec elle en 2017 et qui aujourd'hui elle est dans la course aux 14 donc bien sûr que ça reste difficile pour elle bien sûr que elles doivent casser les codes de la société qui effectivement est assez encore très macho mais petit à petit on commence à voir des femmes sur les camps de base pareil au pakistan Les premières expéditions au Pakistan, j'étais en général la seule femme. Petit à petit, il y a eu des étrangères. Et là, sur le Nanga Parbat, par exemple, il y avait trois jeunes femmes pakistanaises qui tentaient l'ascension. Alors évidemment, ce sont des jeunes femmes qui sont d'un milieu privilégié, qui en général vivent à l'étranger. Mais n'empêche qu'elles sont pakistanaises et elles portent les couleurs du pays. Et ça permet un tout petit peu de... petit peu d'avancer dans l'émancipation des femmes dans le contexte de la grimpe mais il ya encore du chemin à faire quand même est ce que vous êtes partie de celles qui ont eu besoin d'avoir des modèles féminins pour vous lancer non c'est pas des modèles qui est le facteur déclenchant chez moi en revanche quand j'ai commencé à découvrir à apprendre à me documenter quand même sur le sur le milieu j'ai rencontré en quelle année je crois c'est en 2016 ni vesmeroy qui a un parcours, donc qui a réussi les 14 8000 avec son mari, et qui a renoncé. Elle aurait dû être la première à réussir les 14 8000. Et elle a renoncé à ce podium, on peut dire ça comme ça, parce qu'elle a grimpé tous les sommets avec son mari. Ils ont dû interrompre leurs expéditions parce qu'il a eu un cancer. Et elle est restée à son chevet pendant quatre ans. Il s'en est remis et ils ont terminé après. Donc, j'aime beaucoup l'histoire. parce que c'est justement une histoire d'amour avant tout. Et puis, ils ont grimpé dans un style très épuré. C'est une histoire d'amour en montagne, de couple.

  • Speaker #1

    Alors si tu veux bien, on va revenir aux sensations et aux émotions de l'alpinisme. Qu'est-ce que tu te dis ? Au sommet de ton premier 8000, ça doit être une expérience incroyable.

  • Speaker #0

    Atteindre le sommet de ces montagnes, effectivement de ces grandes montagnes à plus de 8000 mètres, c'est vrai que ça procure une émotion toujours très particulière, le fait d'y être arrivé. Et puis, il y a toujours ce petit chose qui est au fond de la tête qui dit, mais t'es qu'au sommet, il faut redescendre. Quand on a la possibilité d'avoir une météo clémente, évidemment, il y a tout ce qu'on voit autour. On s'imprègne de toutes ces images. Le Shishapangma de 2012, où finalement je ne vais qu'au sommet central, mais à l'époque, je ne savais pas la différence entre le sommet central et le sommet principal. Toujours est-il qu'on était dans une espèce de brume. On avait dû faire 24 heures de pause au camp 3. C'était toute une sorte de découverte permanente. et alors oui j'ai le souvenir des photos de cette joie qu'on a au sommet il y a toujours cette hypoxie qui met toujours un peu et avec les années est-ce que c'est les photos qui me rappellent ces souvenirs ou est-ce que c'est vraiment des souvenirs c'est toujours un petit peu mélangé mais j'ai un souvenir très clair que la météo était assez instable et que Ça allait se gâter, donc il fallait qu'on descende. Et donc on est descendu et la tempête s'est levée d'ailleurs quand on est arrivé au camp 3. Donc il y a toujours cette préoccupation de la descente finalement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'hypoxie, donc l'hypoxie c'est ce phénomène de manque d'oxygène. Comment est-ce qu'on fait dans un sport comme l'alpinisme où il faut prendre des décisions rapides pour rester en vie ?

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement on maîtrise ce qui se passe ? Parce que tu as l'air d'écrire un phénomène un peu brumeux.

  • Speaker #1

    Rien n'est rapide au-dessus de 8000 mètres. Ça c'est vraiment, on pourrait presque parler de l'éloge de la lenteur, avec le paradoxe de justement ces records où il faut toujours aller plus vite, etc. Mais l'hypoxie, donc ce manque d'oxygène, altère complètement le fonctionnement du corps et et du cerveau. C'est ce qui rend l'univers extrême et dangereux parce que justement la capacité de réflexion est altérée il se passe régulièrement de la prise de mauvaises décisions dues à l'hypoxie d'où pour moi l'importance d'évoluer en binôme avec en l'occurrence un Sherpa donc Dao Asang et Sherpa qui me connaît très bien, moi je le connais très bien Parce que les prémices d'un mal aigu des montagnes potentiels souvent se traduisent par de l'incohérence. De l'incohérence de mouvement, de l'incohérence de comportement, de parole ou autre. Donc, c'est important que la personne qui grimpe avec toi te connaisse pour justement éventuellement pallier ou réagir s'il y a quelque chose qui cloche. Et puis moi, je ne suis pas une solitaire. Je n'aime pas faire les choses toute seule. Donc, de toute façon, j'aime être entourée et avoir une équipe avec moi au-delà de la simple sécurité. Le Nanga Parbat, c'est un petit peu comme le K2. C'est des montagnes qui ont des histoires dramatiques. Il y a une partie de l'imaginaire. qui exacerbe l'environnement et qui renvoie quand même une image assez effrayante, on va dire. Donc le Nanga, quand on dit on va au Nanga, c'est un peu comme quand on va au K2, c'est « waouh, ça va être dur et on va en baver » . Et c'est vrai que la particularité du Nanga Parbat, c'est que quand on est au pied de la montagne, donc au camp de base, on voit le sommet. On est vraiment face à cette immense paroi. Ce qui n'est pas le cas de tous les 8000, dans le sens où souvent les distances sont longues, donc le cheminement sur la montagne fait qu'on ne voit pas le sommet. Donc la perspective est très différente. Et là, on est planté devant cette face. Et donc on passe notre temps à avoir les yeux rivés sur la paroi et à se dire, mais mon Dieu, comment on va faire ? C'est vrai que ce n'est pas la plus accessible pour terminer.

  • Speaker #0

    À quoi elle ressemble cette...

  • Speaker #1

    On est sur une montagne qui peut être soit découpée soit en trois camps d'altitude, soit en quatre. Nous on a fait le choix de faire que trois camps. Parfois, c'est arrivé plusieurs fois, mais parfois le fait d'avoir à déplacer tout le matériel jusqu'au camp 4, qui veut dire c'est le portage des tentes, des réchauds, de la nourriture, donc il faut de la nourriture supplémentaire parce que ça implique une nuit supplémentaire, etc. Le bénéfice d'un camp supplémentaire n'est pas forcément... judicieux. Et là, donc, le camp 3, on l'a fait, justement, l'originalité de ce positionnement qui est... On est au-dessus de l'emplacement classique du camp 3, mais on est quand même sur un dénivelé de 1300 mètres de dénivelé pour le sommet de Pouches, qui est énorme. Et la particularité du Nanga Parbat, c'est quand même la section entre le camp 1 et le camp 2, avec le passage du fameux mur du Kinshoffer. qui est une paroi rocheuse verticale de 150 mètres qu'il faut grimper après avoir remonté tout le grand couloir qui fait déjà plus de 1000 mètres de dénivelé. Donc c'est vraiment la partie technique, sans oublier quand même, parce qu'on est encore de nouveau dans cet univers hypoxique et de très haute altitude, mais toute la partie sommitale, donc les 600 derniers mètres, qui sont aussi une énorme pente de neige. qu'on a gravi un peu dans le brouillard et dans des conditions difficiles de météo. Il n'y a pas beaucoup de jokers, j'ai envie de dire, sur le Nanga. Il y a peu d'endroits où, si on fait une erreur technique, on ne risque pas la mort. Donc elle est dans le top 5 des plus ardus, j'ai envie de dire, quand même.

  • Speaker #0

    Comment tu la prépares, cette expédition ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas choisi de finir par le Nanga. Toujours le choix des expéditions se fait en fonction des opportunités de l'année. Alors soit je sais qu'il y a une expédition qui se monte sur un sommet, donc je me greffe à cette expédition. Soit moi j'ai envie d'aller sur tel sommet, donc je fais le tam-tam et je réunis l'équipe où on se coalise entre grimpeurs qui veulent aller sur la même montagne. L'idée étant de mutualiser les coûts, de partager les coûts du camp de base et des permis d'ascension pour minimiser les... Je pensais le réussir en 2022 et le dernier aurait dû être le Shishapangua, parce que la Chine était encore fermée à l'époque. Et en fait, je loupe le Nanga de 2022. Entre-temps, le Tibet ouvre, donc j'ai l'opportunité d'y aller au printemps 2023. Je réussis et donc c'est le Nanga qui arrive en dernier. Et d'où la difficulté de François Dami-Lanneau sur le scénario du film. Parce qu'il a vendu aux télés un scénario qui devait se passer sur le chicha Pangmar. Et en fait, on est partis au Nanga Parbat.

  • Speaker #0

    Tu parles du film de François Damilano, Le Dernier Sommet. Moi, j'ai été absolument bluffée par les images. On voit vraiment là, sur le camp 3, cette toute petite tente qui s'accroche comme ça dans la montagne. On n'a jamais autant l'idée de pente, même en ski de pente raide, quand... on voit une image là c'est vraiment très très impressionnant et d'ailleurs ça me fait rebondir sur le fait que tu as l'air là complètement lucide parce que tu as l'expérience précédente d'une avalanche et tu dis au groupe quand tu arrives nous ne restons pas là il faut qu'on aille plus loin plus haut pour se trouver un éperon rocheux pour ne pas risquer une avalanche et tu connais ça puisque tu l'as vécu sur une précédente expédition alors merci ulysse lefebvre pour les images de drones

  • Speaker #1

    et cette technologie qui permet d'avoir des angles de prise de vue qui donnent des perspectives différentes. Oui, de nouveau, le Nanga Parbat, c'est ma 22e expédition. On apprend beaucoup, donc l'expérience fait que, justement, cet état hypoxique, on va dire, en général, il se manifeste au-dessus de 8000 mètres. Même si au-dessus de 7000, on commence à être en difficulté. Mais voilà, après, on est en équipe, on discute. Et c'est vrai que les décisions, elles sont prises ensemble. Et très souvent, la personne avec qui je prends les décisions, c'est Sangé.

  • Speaker #0

    On voit qu'il y a une décision dans le groupe. Mais il y a aussi quelque chose de très intéressant, c'est-à-dire qu'au camp de base, quand vous avez une fenêtre météo, il y a un espèce de conciliabule entre toutes les expéditions qui sont là pour le Summit Push, pour dire, OK, comment est-ce qu'on s'organise pour ne pas se marcher sur les pieds ? Je pense que je ne l'avais jamais vu documenté ainsi. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est fréquent. C'est fréquent sur les camps de base. que les membres des expéditions croisent les informations. Et c'est surtout dans l'idée que tous ensemble, on va être plus forts. Et le point clé de ces discussions ou de ces rencontres, c'est de décider de l'ouverture de la voie. Parce qu'à part les grandes montagnes, qu'on va dire les populaires, qui sont l'Everest, le Manaslu à l'automne, ces montagnes où il y a... qui sont très, très organisées, où il y a ce qu'on appelle une fixing team, une équipe de tête qui va ouvrir la voie et sécuriser les parties techniques avec des cordes fixes, d'où son nom de fixing team, qui est dédiée. Sur les autres expéditions, il n'y a pas. Il n'y a pas cette équipe. Donc il faut... s'organiser pour décider quels sont les Sherpas qui vont aller en éclaireur, on va dire. Au Pakistan, c'est la même chose. Il y a aussi des ouvreurs pakistanais. Il faut que tout ce petit monde s'entende et se décide pour s'organiser. Donc c'est ça. En fait, ces réunions, elles servent à ça. Et là, comme il y avait beaucoup de... Il y a eu des difficultés sur cet été 2023 avec... une lenteur de délivrance des visas. Donc il y a des Sherpas qui étaient encore restés à Katmandou à attendre les visas. Donc tout est en retard. Donc on est un petit peu dans la précipitation. Il y a la contrainte de la météo avec des fenêtres très très serrées quand même. Et le Nanga a cette particularité d'avoir ces grandes pentes. Et plus on va vers le mois de juillet et le rejel est mauvais. Et donc, on arrive à des situations dangereuses. Qui dit pas de rejel, dit chute de pierre. Et donc, ça devient très dangereux. Et donc, la saison du grimpe du Nanga, elle est très petite. Donc, c'est pour ça que c'est important que les chefs d'expédition se réunissent pour pouvoir optimiser vraiment cette stratégie.

  • Speaker #0

    C'est fou, on voit vraiment la stratégie. C'est ça, c'est une stratégie.

  • Speaker #1

    Oui. Mais moi, c'est aussi au-delà de la performance et d'arriver au sommet, de tenter le sommet. Moi, ce que je trouve toujours intéressant, justement, sur ces camps de base, c'est de décider de cette stratégie d'ascension, quand est-ce qu'on y va ou pas. Et dans les conférences, parce que je donne beaucoup de conférences, je dis, le patron, le boss de toute l'expédition, il est dans son salon à Chamonix. Il s'appelle Yann et c'est le météorologue. Pourquoi ? Parce que c'est lui qui donne le go. C'est lui qui me dit, qui prend la responsabilité de me dire « Non, n'y va pas. Oui, vas-y. Monte. Non, ne redescends pas. » Parce que si tu restes 24 heures dans la tente, la fenêtre météo, elle arrive et il me connaît et il sait plus ou moins calculer le temps. Par exemple, si je prends l'exemple du Manaslu de 2022, on est monté au camp 4 dans une tempête épouvantable, avec des vents à plus de 60 km heure et autres. Tout le monde redescendait. J'avais vraiment l'impression d'être à contre-courant. Et je me disais, mais qu'est-ce qu'on fout là ? Et on était dans la tente balottée avec le vent et autres. Et j'ai pris le téléphone satellite et j'ai dit, mais pourquoi on est là ? Et il me dit, mais t'inquiète pas. Le vent tombe entre minuit et 9h du matin. Et tu as le temps d'aller faire ton sommet. Donc, ne descends pas. Et il a eu raison. Et à partir d'11h, le vent a commencé à baisser. À minuit, on a commencé à se préparer, etc. Et j'ai eu le temps de faire le sommet dans des conditions exceptionnelles parce qu'il n'y avait pratiquement personne. Donc, voilà, c'est un peu aussi tout cet esprit d'équipe, tous les gens qui m'entourent.

  • Speaker #0

    En qui tu as une confiance finalement débordante ?

  • Speaker #1

    Oui. Lien de confiance, il est absolu. Si on doute, si je commence à douter des prévisions de Yann, je vais commencer à aller voir l'expédacoté, lui demander sa météo, etc. Mais en fait, avec les années, tout le monde a compris que moi, j'avais quand même une météo qui était quand même très, très performante. Donc, c'est plutôt les autres qui viennent me demander des conseils.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, c'est un moment qui m'a marqué, c'est que... Tu notes ce que Yann te dit dans un carnet. C'est la question de la mémoire, en fait, que je veux avancer ici. Tu dis aussi que la mémoire, elle est bien faite, que très rapidement, ton cerveau balaye le négatif pour ne garder que le positif. Comment est-ce que tu gardes la mémoire de tes expéditions ? Est-ce que tu écris beaucoup dans ces carnets ?

  • Speaker #1

    Alors, ces carnets, oui. Depuis le tout début, mais même avant les expéditions à 8000, à chaque fois que j'ai fait des voyages, j'ai emmené des carnets. des carnets de notes. Donc j'ai un tiroir qui est rempli de carnets de notes. Et l'idée, en expé, c'est effectivement d'écrire une page par jour de ces petits carnets. Alors ça permet effectivement de garder déjà ce qu'on fait dans la journée, si c'est un jour de repos ou si c'est un jour où on bouge, avec le dénivelé, l'itinéraire, qu'est-ce qu'on a fait, les temps, les altitudes, et puis le ressenti. de la journée, ou ce qui s'est passé, ou s'il n'y a rien, ce qui ne se passe rien. Ce qui arrive quand même quand on est sur des jours de repos, camp de base ou autre. En fait, après, ils partent dans le tiroir. Et puis, quand on est rentré plus en détail dans le projet du livre avec François, où j'avais justement besoin de ... d'écrire un carnet. Par expédition, je me suis replongée dans ces carnets. C'était un moment très chouette, en fait. Parce qu'il y a plein de choses, évidemment, que j'oublie. Et le fait de se replonger dans ces carnets, on replonge quand même dans l'expédition, parce qu'il y a les noms des autres grimpeurs, des gens qui nous ont accompagnés, le ressenti, la météo du moment, etc. Enfin, il y a plein de choses, les anecdotes. et vraiment le dérouler. Et ça me fait le même effet quand je replonge dans les photos. J'ai une banque de photos, j'en ai tellement. L'exercice de l'iconographie du livre m'a permis de me replonger vraiment dans chaque expédition, dans chaque paquet de photos. C'était vraiment très chouette de reparcourir tout ça.

  • Speaker #0

    C'est un travail d'archiviste en plus. De venir fouiller, de gratter.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et justement, dans la recherche des thèmes pour les carnets du livre, il y en a, c'était évident. Il y en a, la montagne, je savais exactement ce que je voulais raconter. Et puis d'autres, c'était moins évident, moins marquant. Donc, j'ai été reparcourir tout ça. Et puis là, c'est comme ça que des fois, l'idée, elle est venue. La première question,

  • Speaker #0

    parole qui t'est prêtée dans le film, c'est celle où tu revendiques la non-performance de ce que tu fais. Et même, tu doutes de tes capacités. Est-ce que les gens, aujourd'hui, te croient quand tu dis que tu ne vas pas sur ces 14 8000 pour établir un record ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il me croit ou pas. Finalement, peu importe. Mais c'est vraiment ma façon d'avoir abordé ce grand rêve. Au début, c'était un espèce de rêve de Graal. de quelque chose assez d'inaccessible. J'ai mis voire plusieurs années finalement avant d'assumer le projet et d'en parler. Et au début, je disais non, non, je repars en XP. Mais c'est vrai que j'ai toujours eu cette philosophie du pas à pas, d'une XP après l'autre. Et puis après, on verra. Parce que les obstacles Et plus on y va, et plus je m'en suis rendue compte que les obstacles sont tellement présents. Il peut y avoir un accident, se casser la jambe et puis ça s'arrête. Il y a tellement de choses, que ce soit maintenir cette condition physique qui me permet de partir et de repartir en expédition, les conditions sur la montagne. les aléas météo qui peuvent se produire. Il y a tellement de facteurs qui peuvent nous mettre en échec que ça paraît presque quelque chose d'insurmontable. Et donc, pour justement éviter la pression, pour éviter de promettre des choses, notamment vis-à-vis des sponsors ou des partenaires et autres, de promettre quelque chose que je ne vais pas tenir. Je suis toujours restée dans un précaré d'une année, en disant, voilà, cette année, je vais essayer de faire ça, et puis après, on verra. Et puis, au fur et à mesure, ça a marché. Mais je reste assez convaincue que le fait, justement, de se préserver de cette pression potentielle fait que peut-être j'ai renoncé, parfois, plus facilement. Et je reste convaincue que le renoncement à plus de 8000 mètres, il sauve la vie.

  • Speaker #0

    On me l'a beaucoup dit au fil des interviews que j'ai menées dans tous les sports, que ce soit en alpi, en pantraide. On m'a toujours dit faire un retour en arrière, c'est se sauver la vie et c'est important. Alors la montagne, c'est aussi des échecs dans la quête des 14 8000. Vous en avez eu quelques-uns, mais aussi on peut dire que l'alpinisme, il y a... une prédominance de la mort. C'est quoi la meilleure façon d'atteindre le sommet ?

  • Speaker #1

    Si on connaissait la meilleure façon d'atteindre le sommet, je pense que tout le monde l'appliquerait. Il n'y a vraiment pas de recette magique. En revanche, l'expérience peut minimiser les risques. L'équipe, bien sûr, l'entourage. Je reste convaincue que seule en Himalaya, je ne vais aller nulle part. Donc ça c'est aussi un credo de conférence qui fait que c'est une façon de revaloriser les équipes, les gens qui m'entourent, non pas pour minimiser ce que je fais, mais pour donner vraiment, remettre en perspective tous les gens qui nous entourent. On peut citer ne serait-ce que le cuisinier du camp de base. Si le cuisinier ne nous fait pas bien à manger et qu'on est tous malades, personne ne va aller au sommet. Donc, c'est des perspectives comme ça que je trouve toujours intéressantes de mentionner. Il faut quand même l'admettre, il y a quand même un facteur chance dans les conditions. Plus j'observe ces montagnes, et moi, je comprends vraiment les avalanches, ça reste un truc quand même assez mystérieux. Un pont de crevasse qui cède, pourquoi il cède à tel moment ? Alors oui, c'est peut-être parce qu'on est dans l'après-midi et que ça a chauffé, mais il y a 100 personnes qui passent. qui passent, et puis la 101e, ça cède. Enfin bref, il y a des aléas et qu'il faut intégrer. Le risque zéro, évidemment, n'existe pas. Et puis, je pense qu'il faut être conscient de sa capacité physique, ses compétences, savoir renoncer. Cette quête de record, peut-être, peut mettre en danger aussi plus facilement, parce qu'on va pousser, pousser, pousser le bouchon. Alors, où on met le curseur ? C'est aussi très, très relatif. Ce n'est pas la réponse. Et puis, peut-être quand même qu'il y a une bonne petite étoile là-haut qui était bien présente. Donc, il ne faut pas non plus peut-être en abuser.

  • Speaker #0

    J'ai écrit hier soir dans mon carnet personnel, en rentrant de la projection, que rien ne vous prédestinait à la montagne. D'autant que vous n'êtes pas une alpiniste comme les autres. Vous prenez l'anti-performance. Et que finalement, quand la vie voulait nous emmener quelque part... elle arrivait toujours à nous emmener là où elle voulait il y a une forme de destin quand même dans ce que vous avez vécu alors il y a beaucoup de volonté,

  • Speaker #1

    beaucoup d'entraînement mais il y a une forme de destin alors on peut appeler ça du destin je sais pas ou de voie à suivre après moi j'ai les pieds quand même bien sur terre et je pense que c'est c'est

  • Speaker #0

    un choix de vie oui parce que vous quittez tout en fait vous quittez votre travail c'est ça

  • Speaker #1

    Et quand les gens me disent « Ah, mais tu as de la chance, tu vis de ta passion » , je dis « Non, non, ce n'est pas de la chance du tout » . Et c'est vraiment beaucoup, beaucoup de travail de la Léa, de prendre la décision de démissionner d'un job avec un salaire confortable et de se lancer à plein temps dans cette activité qui devient du coup une profession, d'être en recherche. de financement. Et merci, merci à tous les sponsors et les partenaires qui m'ont accompagnée pendant toutes ces années, parce que sans eux, ça ne se fait pas. Donc voilà, c'est des rencontres, c'est plein de choses à mettre ensemble, mais au final, c'est beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #0

    C'est facile en 2024, quand on est Sophie Laveau, de trouver des sponsors ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas facile. Non, non, non, non, ça, c'est jamais facile. Alors après, de nouveau, j'ai jamais eu à renoncer à une expédition par manque de moyens. Donc merci les sponsors, parce que justement, c'est que je me débrouille quand même pas trop mal pour trouver ces sous. Mais on est dans une époque où je pense qu'il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de projets, il y a des projets magnifiques. Il y a beaucoup de gens qui cherchent de l'argent. Et donc, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile. Et justement, le paradoxe, ce n'est pas parce qu'on a fait un film ou des films, un livre, on passe à la télé, on a des jolis logos sur notre doudoune, que la vie est facile.

  • Speaker #0

    D'autant que vous êtes quand même interviewée par des pointures. J'ai vu que vous aviez fait pas mal de podcasts. Vous avez été interviewée sur France Inter plusieurs fois. Vous êtes entourée de France Inter Milano, Lys Lefebvre.

  • Speaker #1

    Oui, mais justement, c'est le paradoxe. C'est que cette exposition médiatique laisse penser qu'on y est arrivé, et que c'est facile, et qu'il y a des sponsors, et que tout va bien. Mais non, ça reste toujours une quête d'une année sur l'autre. Et donc, avis aux amateurs, s'il y a une inspiration à vouloir poursuivre ce sponsoring. Vous êtes les bienvenus. Très bien,

  • Speaker #0

    ce sera entendu, en tout cas j'espère. Merci infiniment Sophie d'avoir été dans le camp de base aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Et voilà, ce premier épisode de la saison 4 avec Sophie Laveau est terminé pour aujourd'hui. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. N'oubliez pas de le partager avec votre entourage s'il vous a plu. On a une surprise pour vous avec les éditions Glénat. On vous permet de remporter le livre co-écrit par Sophie Laveau et François Damilano, Les 14 sommets de Sophie Laveau. C'est très simple, vous laissez un commentaire sur... le podcast sur Apple Podcasts, ou sous l'épisode de Sophie Laveau spécifiquement sur YouTube ou Spotify. Vous avez jusqu'au 10 février pour ce faire. Je tire au sort le 11 février à midi. Je vous souhaite une bonne journée, une bonne soirée, et je vous dis à très vite dans le camp de base. Rencontre au sommet !

Description

Mon invitée du jour n'est autre que Sophie Lavaud, l'alpiniste franco-suisse qui, en 2023, a gravé son nom dans l’histoire en devenant la première femme à boucler les quatorze sommets de plus de 8000 mètres.

Avec son ascension du Nanga Parbat, la "montagne tueuse", elle clôture une décennie d'efforts intenses et devient une référence dans le monde de l'alpinisme.


Dans cet épisode, Sophie me raconte ses débuts en montagne, marqués par une passion naissante après une première ascension du Mont Blanc en 2004, puis un trek en Himalaya. De la danse classique, où elle a acquis une discipline de fer, à la conquête des plus hauts sommets de l’Himalaya, elle partage son évolution dans ce sport exigeant. Sa quête des 8000 mètres, qui débute en 2012, est une aventure progressive, mais aussi une lutte contre les obstacles physiques et mentaux imposés par les altitudes extrêmes.

Ecoutez cet épisode du Camp de base, c'est aller à la rencontre des défis de l'alpinisme à haute altitude, comme l'hypoxie, qui altère non seulement les capacités physiques mais aussi la prise de décision. Sophie met en lumière l'importance de la gestion des risques et de la coordination avec son équipe, notamment les Sherpas, pour réussir une ascension de ce type. Elle insiste sur la nécessité de prendre des décisions collectives, en tenant compte de la météo et des imprévus.


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🎧 Le Camp de base, c’est le podcast des rencontres au sommet et de la montagne racontée avec passion, dans vos oreilles, tous les lundis dès 5h du matin. 🌄


Lire l'article complet sur le site internet : https://campdebase-podcast.com/sophie-lavaud-alpinisme/

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Transcription

  • Speaker #0

    En 2022, avec Sangé, on a réussi le Lhotse au printemps et on enchaîne directement sur le Nanga. Et là, j'ai été happée par une intoxication alimentaire qui m'a torpillée le ventre la veille du départ pour le sommet. Et je ne sais pas comment j'ai réussi à aller jusqu'au cantrois, mais avec des douleurs de ventre. épouvantable et j'ai décidé de faire 24 heures au camp 3 pour essayer de calmer les douleurs et clairement je n'avais pas l'énergie pour poursuivre et en fait les alpinistes qui ont tenté le sommet la nuit où on a attendu justement au camp 3, ils ont rebroussé le chemin parce que les conditions avaient trop changé en fait on a trop attendu en 2022 et les conditions de la montagne s'étaient tellement altérées que ça devenait dangereux, ils n'ont pas réussi le sommet et donc on a abandonné c'est pour ça qu'il y a cette tension un petit peu aussi quand on y retourne en 2023 de justement pousser pour pour pas attendre trop et prendre les premières fenêtres météo et pas faire la même erreur le

  • Speaker #1

    26 juin 2023 pakistan sommet du nanga parbatt 8000 126 mètres d'altitude sophie lavaux et dawa sangha cher pas se hisse sur les derniers mètres qui les séparent du sommet mais aussi d'un exploit qui fera entrer Sophie dans la légende. Le Summit Push, depuis le Camp 3 à 6800 mètres, a été long et intense. Le Nanga est probablement le sommet le plus difficile des 14 sommets de notre planète, qui culmine à plus de 8000 mètres. En ce 26 juin 2023, Sophie Laveau devient donc le premier Français, le premier Canadien et la première Suissesse à boucler les 14 dans un jour blanc. La joie de ce moment historique a probablement été intense, inimaginable pour le commun des mortels que je représente. Cette aventure, elle a commencé avec une montée au sommet du Mont Blanc en 2004, pour celle qui estime être une madame tout le monde.

  • Speaker #0

    Il y a cette première étape qui est entre le camp 1 et le camp 2, donc justement le passage de ce mur Kinshoffer, qui reste quand même le point clé et la difficulté. Ensuite, la météo se maintient, donc on a pu enchaîner et partir sur le camp 3. Le camp 3, il y a cet aléa de l'emplacement. Vu qu'on décide de ne pas faire de camp 4, il faut quand même aller au plus haut possible. Il y a un espèce de petit îlot rocheux, donc on va mettre les tentes à cet endroit-là. Après, de nouveau, c'est chaque fois questionner Yann, Guizaine Daner, par rapport à la météo, est-ce que ça se maintient, la fenêtre ? On était en fin de fenêtre météo et le mauvais temps devait arriver. Et on part en fait vers 18h pour le sommet. Avec un temps classique, on est toujours sur ces sommets de pouche, au minimum sur une vingtaine d'heures, avec un retour au camp 3. Le sommet, on est dans une espèce de météo, un peu de brouillard, laiteux, il n'y a pas de vue. Il y a la préoccupation de la descente parce que les 600 derniers mètres ne sont pas sécurisés. Moi, je suis vraiment inquiète pour la descente. Mais il y a quand même un moment d'émotion gravé avec Sangé au sommet. Christine Arila, elle est arrivée au sommet avant, et en fait, je la croise quand elle est en train de redescendre, et nous, on est vraiment en train d'arriver. Là, le fait de la voir redescendre, et elle me dit, mais ça y est, il y est, etc., il y a eu là peut-être vraiment le... Le moment fort aussi parce que je savais qu'on allait y arriver. Voilà, c'est plus des flashs, des moments comme ça parce que c'est longues heures qui s'étirent pendant toute la nuit. Autre où on est juste focalisé sur le halo de la frontale et de mettre un pied devant l'autre. Voilà, c'est long, c'est long, c'est long. Mais ça c'est le propre de ces sommets de pouche sur ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Erhard Loretam, du troisième homme au 14-8000 a dit Le problème avec les 8000, c'est comme avec les cacahuètes, il ne faut jamais commencer. Alors, quels ont été les moteurs de Sophie Laveau, qui, un beau jour à 36 ans, a décidé de quitter une carrière dans l'hôtellerie de luxe et dans l'univers des cosmétiques ? J'ai la chance de pouvoir discuter avec Sophie aujourd'hui dans le camp de base pour lancer le premier épisode de cette quatrième saison. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne écoute. en espérant que vous prendrez autant de plaisir à l'écouter parler que j'en ai eu à la rencontrer. Merci infiniment aux éditions Glénat d'avoir rendu cela possible. Le livre Les 14 000 de Sophie Laveau, co-écrit avec François Damilano, que vous entendrez dans quelques semaines sur le Canvas, constitue un magnifique livre de voyage proposant des points de vue originaux autant qu'historiques sur les 14 plus hautes montagnes du monde. Et si vous avez aimé cet épisode, Je serais ravie de recueillir vos commentaires sur Apple Podcasts, Spotify et YouTube. Restez bien jusqu'au bout de cet épisode, parce qu'avec les éditions Glénat, on a une surprise pour vous, et je vous en parle juste après cet entretien. Bonjour Sophie !

  • Speaker #0

    Bonjour Émilie !

  • Speaker #1

    Merci beaucoup d'être dans le camp de base aujourd'hui. Pour moi, ce n'est pas facile de t'interviewer, même si c'est super parce que tu as fait déjà tellement d'interviews. Dans le camp de base, j'essaye toujours de poser de nouvelles questions, des choses qui n'ont pas été entendues ailleurs, mais sans jamais rentrer dans le personnel. J'ai beaucoup réfléchi cette nuit.

  • Speaker #0

    J'espère que tu as dormi un petit peu.

  • Speaker #1

    Un petit peu, mais quand je vois que tu ne dors pas pendant 24 heures au-delà de 6 000 mètres,

  • Speaker #0

    je me dis que ça va aller,

  • Speaker #1

    il y a de la marge. Première question que je pose à tous les invités du camp de base. Il est où, toi, ton camp de base ? Il est composé de quoi pour être bien ?

  • Speaker #0

    Mon camp de base, il peut être n'importe où, mais c'est surtout ma tente. J'ai fait un petit calcul. Je crois que j'ai dormi plus de trois ans dans une tente au-dessus de 5000 mètres. Et en fait, c'est le seul endroit vraiment où je peux recréer une intimité. Il faut que ma tente soit... confortable et c'est très important. Justement quand on est comme ça dans des environnements hostiles pendant des semaines et des semaines, il faut un endroit où on peut aller se reposer, s'isoler, donc c'est ma tente. Très bien.

  • Speaker #1

    Tu aimes à dire que tu es comme Madame Tout-le-Monde, que tu n'es pas une performeuse. Tu as un déclic en 2004 quand tu fais le pari avec un ami. Oui. d'arriver au sommet du Mont Blanc. Alors moi, j'aimerais bien comprendre un peu dans quel milieu tu as grandi, elle ressemble à quoi ton enfance et finalement, c'est quoi tes connaissances de la montagne et de l'alpinisme qu'on t'a transmises ?

  • Speaker #0

    Moi, je suis née à Lausanne, en Suisse, et on avait un appartement dans la vallée de Chamonix quand on était enfant. Donc, je dis souvent, j'ai appris à marcher en même temps qu'à skier. Donc, on a quand même été dans un univers de montagne avec mon frère très jeune. Et on passait la moitié de l'été, les vacances scolaires aussi à la montagne. En revanche, il n'y a pas d'alpinistes dans la famille. Donc, il n'y a pas de cette culture de la grimpe qu'on peut inculquer aux enfants très jeunes. D'ailleurs, j'adore grimper, mais je suis une bille parce que justement, j'ai commencé trop tard. En revanche, ma discipline de cœur... Quand j'étais jeune, c'était la danse classique. Donc j'ai fait presque 15 ans de danse classique, de ballet, vraiment à haut niveau, au point que je voulais arrêter l'école et me consacrer à cette carrière. Et comme j'étais quand même assez bonne à l'école et que c'était assez facile pour moi, mon père m'a toujours dit « il faut que tu passes ton bac et puis après tu feras ce que tu veux » . Et donc il y a des années où je me suis retrouvée avec l'école traditionnelle, pas aménagée, et une quinzaine d'heures de danse par semaine. Donc c'était toute ma vie. J'étais à l'école et à la danse. L'année juste avant les auditions, pour potentiellement rentrer dans une compagnie, j'ai eu conjointement un gros problème de dos et une appendicite à la limite de la péritonite. Et donc j'ai dû arrêter. Et en fait, cette année, presque une année avec un corset, a fait que j'ai tellement perdu que quand j'ai repris, le niveau avait... trop baissé et j'ai dû abandonner. Et en fait, ça a été assez traumatisant parce que je m'étais projetée dans ma vie comme danseuse, avec le rêve d'une danseuse étoile, je pense, comme toutes les petites filles qui font de la danse. Donc la transition a été longue, mais après, je raconte ça parce que je pense que du moment où j'ai mis des chaussons d'escalade, déjà, il y a une sensation qui est très similaire aux chaussons de pointe. Donc c'est un univers complètement différent et avec finalement pas mal de similitudes, d'équilibres et autres. Et je pense que c'est pour ça que j'ai accroché à la grimpe. Et après, par la suite, dans cette quête d'altitude, c'est finalement le mental. Le mental qui joue un rôle très très important. Et je pense que cette discipline du corps que j'ai eue toutes ces années avec la danse classique m'a beaucoup aidée. Et m'aide encore aujourd'hui. dans cet effort intense qu'il faut fournir quand on grimpe ces grandes montagnes.

  • Speaker #1

    Et puis il y a une rigueur aussi dans l'entraînement, dans la danse classique.

  • Speaker #0

    Une rigueur, une discipline, une hygiène de vie qui est vraiment indispensable. Donc oui, il y a beaucoup de similitudes en fait.

  • Speaker #1

    À quel moment tu les enfiles ces chaussons d'escalade ?

  • Speaker #0

    Ah, quand est-ce que j'ai commencé ? Oui, au début 2000, à peu près, dans ces Ausha. En fait, j'avais commencé à faire quelques ascensions. Et puis, il y a effectivement ce Mont Blanc de 2004. Et donc, j'avais un ami d'enfance qui vivait à Chamonix. Et je suis allée le voir et je lui ai dit, apprends-moi l'alpinisme. J'ai envie. Et on a fait beaucoup ensemble et c'est lui qui m'a initiée.

  • Speaker #1

    C'est tombé comme ça. Un jour, tu t'es dit, je veux faire de l'alpinisme.

  • Speaker #0

    Oui, je me suis dit, c'est quelque chose qui... qui devraient me plaire. Donc, j'ai envie d'apprendre la technique de l'alpinisme, en fait. Et puis, de nouveau, c'est des bons prétextes pour partir en montagne, faire des choses avec des amis, et puis apprendre Piolet-Crampon, etc.

  • Speaker #1

    Tu as trois nationalités. Tu es française, suisse et canadienne. Comment est-ce que chacune de ces nationalités joue dans ta persévérance et dans ton rapport à la montagne ?

  • Speaker #0

    Alors, c'est pas lié, mais... L'origine de la famille, mes parents sont français et mon papa est immigré au Canada, c'est jeune. Et maman, à l'époque, était hôtesse de l'air, à Air France, et elle faisait des paris Montréal, jusqu'au jour où elle est parvenue. Elle est restée, ils se sont mariés là-bas, etc. D'où le naturalisé canadien, d'où le passeport canadien. Et quand ils sont rentrés en Europe, ils sont venus en Suisse. Et donc avec mon frère, on est nés en Suisse. D'où le troisième passeport. Ce qui est rigolo, c'est qu'en fonction d'où je me trouve, l'entourage s'approprie la nationalité. Donc quand je suis en Suisse, alors je suis suisse. Quand je suis à Lausanne, je suis vauloise parce que je suis née à Lausanne. Quand je suis en France, je suis française. Et quand je vais au Canada, je suis canadienne. Donc chacun s'approprie le précaré. Donc c'est rigolo.

  • Speaker #1

    Surtout dans ce record, en fait, je m'imagine que c'est une fierté. Lausanne, c'est une très jolie ville médiévale. On retrouve le musée de l'Elysée. Le musée de l'Elysée qui abrite une collection, qui est une collection assez incroyable de photographies d'Ela Maillard. Ela Maillard qui a traversé la Chine par les territoires ouïghours de Pékin au Cachemire. En 1935, est-ce que tu as eu l'occasion de voir cette collection de photographies ?

  • Speaker #0

    Alors non, je n'ai pas eu l'occasion de la voir. En revanche, Alexandra Davini, Laila Mayar, ce sont des noms qui résonnent d'aventurières extraordinaires pour qui j'ai vraiment beaucoup d'admiration. Et j'ai travaillé à Genève dans un institut de coaching qui s'appelait l'Institut Futura 21. Et... On a inauguré les nouveaux bureaux et la directrice de l'Institut a nommé des salles, nos salles de conférences et de cours. Il y avait la salle El Amaya et il y avait la salle Sophie Laveau. Et donc j'ai toujours été très flattée d'avoir mon nom à côté de celui d'El Amaya.

  • Speaker #1

    Est-ce qu'on peut faire justement un petit retour en arrière ? Et que tu me racontes après le Mont Blanc, donc tu te dis que tu vas faire un autre 4000, puis un 5000, puis tu sais la théorie des petits pas, on va toujours un peu plus loin ?

  • Speaker #0

    C'est exactement ça. C'est un pas après l'autre, un sommet après l'autre, et puis après on verra. C'est vrai que je parle toujours, après ce Mont Blanc, les voyages et la découverte d'autres sommets, de l'altitude et autres. Dans l'intervalle de ces grands voyages, j'ai vraiment beaucoup, justement, avec cet ami, apprends-moi l'alpinisme, on a fait beaucoup, beaucoup d'ascensions dans les Alpes. Mais c'est vrai que j'ai... J'ai été quand même attirée assez vite par l'altitude, par aller toujours un peu plus haut. Ce n'était pas forcément la technique, aller dans le dur, de plus en plus dur. C'était plus d'aller découvrir et aller un peu plus haut. Et donc, c'est comme ça que je passe un 5000, après 6000, après 7000 et puis après la barre des 8000. Mais il y a quand même 10 ans qui s'écoulent entre un Mont-Blanc 2004 et un Everest en 2014. Donc voilà, de nouveau, on est sur du temps long. Je ne suis pas une hoxtague qui s'est réveillée un matin en disant « tiens, je vais aller gravir l'Everest » . Et l'année d'après, j'étais au sommet. Non, ce n'est pas du tout comme ça que ça s'est passé.

  • Speaker #1

    Justement, quel regard tu portes sur ce jeune homme qui a tout lâché et qui s'est dit « je vais aller faire l'Everest » .

  • Speaker #0

    Eh bien, pourquoi pas ? Mais pourquoi pas ? Je veux dire, d'avoir un rêve d'Everest peut prendre n'importe qui, quelque part. Après, c'est comment on s'y prend. Et là, de se dédier complètement à ça, de s'être entraîné. Il a fait les choses correctement. Il s'est bien entouré. Alors oui, il y a des moyens, il y a beaucoup de choses. Mais ce n'est pas parce qu'on est youtubeur qu'on n'a pas le droit d'avoir un rêve d'Everest. C'est clair.

  • Speaker #1

    Est-ce que tu te rappelles la première fois que tu mets les pieds en Himalaya ? C'était en quelle année ?

  • Speaker #0

    Oui, je me souviens très bien quand je vais en Himalaya la première fois. Je suis partie avec mon frère en fait. On est parti en trek en Himalaya. Mon frère avait un ami qui a épousé une Sherpani, une Népalaise. Elle s'appelle Lakti et elle était une des premières femmes guides de trek au Népal. Les femmes ont eu du mal et ont toujours encore aujourd'hui du mal à s'affranchir. quand elles veulent sortir des rangs de mère de famille. Mais il y en a de plus en plus. Mais à l'époque, l'acti était vraiment une des premières. Et elle avait appris le français, donc elle travaillait pour Aliber. Et en fait, elle a organisé hors saison, parce qu'on y était en février, donc il faisait un froid de dingue. Mais il n'y avait personne. On devait aller au camp de base de l'Everest, sauf que les lodges étaient fermés. parce qu'on était complètement hors saison. Et on a bifurqué dans la vallée de Chukung et on a fait ce qu'on appelle le Chukungri, qui est un 5005. Et ça a été un des premiers déclics après, dans ce début, ce démarrage d'aller un petit peu en altitude. Et en fait, on l'a su au retour, mais ce voyage préparait leur... Leur mariage, ils préparaient leur mariage. Et quelques mois après, on a été conviés à Paris pour le mariage de Lacti et Olivier, qui était un très très joli mariage.

  • Speaker #1

    On parle beaucoup de Katmandou, qui est une ville qui fourmille, des sourires ténébalaises, de la pauvreté. Est-ce que tu peux nous raconter les paysages que toi tu gardes de Katmandou ?

  • Speaker #0

    Qu'est-ce qu'on nous dit toujours ? Que c'est un bordel sympathique. Parce que c'est vrai que c'est un chaos total. Mais il y a un trafic épouvantable. Mais tout le monde roule à 20 à l'heure. Tout le monde, c'est « pousse-toi là que je passe » , etc. Mais c'est toujours courtois. Et de nouveau, on est dans cet état d'esprit Donc on a complètement perdu ici, d'une manière générale, c'est l'entraide, vraiment. Donc effectivement, c'est très pauvre, c'est pollué, il y a des mendiants, les marchands de fruits et légumes qui, avec leur petite carriole, sont tout le temps au coin des rues. Donc on achète ses fruits et légumes sur le chemin, en rentrant chez soi ou moi, dans mon petit hôtel où j'ai mes habitudes. dans le quartier de Bodnath, qui est le quartier bouddhiste. Quand j'arrive à Katmandou, je vais voir la stupa. J'ai des habitudes comme ça. Alors, je pense que je ne pourrais pas vivre à Katmandou, justement à cause de la pollution. En revanche, j'ai toujours plaisir à y passer quelques jours. Et je trouve que ce qualificatif de bordel sympathique, ça qualifie bien la ville.

  • Speaker #1

    Vous parlez des femmes et de la montagne ? Je vais recevoir Anne-Benoît Jeannin dans un des épisodes suivants du camp de base. Elle a écrit un livre et elle a réalisé un film sur l'alpinisme comme émancipation des Népalaises dans une société... qui est quand même assez misogyne. Dans cette expédition, comme dans tout ce qu'on voit à l'écran en termes d'alpinisme, une femme qui fait de l'alpinisme comme vous, elle est forcément entourée d'hommes. Est-ce qu'en 11 ans, on vous a déjà proposé, ou vous avez déjà rencontré une femme Sherpani, ou est-ce qu'on vous a déjà proposé d'être accompagnée par une femme sur une de vos expéditions ? Est-ce que vous avez observé ? L'émancipation toute relative dont parle Anne dans ses films et dans son livre.

  • Speaker #0

    Donc on parle des Sherpas, il faut toujours distinguer l'ethnie du job.

  • Speaker #1

    La communauté Sherpa.

  • Speaker #0

    Donc qui est une ethnie, qui est une caste. Et comme les populations des contreforts de l'Himalaya sont les Sherpas essentiellement qui vivent toujours. C'est les premières personnes qui ont été embauchées dans les années 50-60 dans les conquêtes de l'Himalaya. Et donc le nom de Sherpa est devenu le nom du job. Mais c'est leur nom. Si je prends Sangé, son nom complet c'est Dawah Sangé Sherpa. Et Sherpa c'est son nom de famille. Donc ça, il faut juste distinguer ça. Il n'y a pas de Sherpa femmes qui travaillent sur les montagnes, qui font de l'aide au portage, de l'assistance aux grimpeurs, etc. Il n'y a pas de femmes. En revanche, il y a des femmes guides de trek maintenant et il y a des femmes qui grimpent, qui elles-mêmes se font assister par des Sherpas. Et la plus connue après les premières conquêtes avec Passang Lamu, etc., il y a une Sherpani qui a épousé un Hollandais qui s'appelle Maya Sherpa et qui a commencé à grimper des 8000. Elle est très connue parce que justement, elle était dans les premières. Après, elle a inspiré d'autres jeunes femmes qui ont commencé à grimper. Donc, il n'y a pas Sanglamo, parce que tout le monde, à peu près tous, s'appellent tous pareil.

  • Speaker #1

    Pas Sanglamo Akita, qui a épousé un Japonais. Voilà.

  • Speaker #0

    Et Dawai Anzum, je ne sais pas qui, est la première femme aujourd'hui népalaise guide de haute montagne. Donc, il n'y en a qu'une. Et donc, c'est trois, que ce soit Maya... Ba Sang et Dao Yangzong, elles étaient toutes les trois avec moi sur 2017, sauf erreur, sur l'expédition du Kanchenjunga. Et c'est vraiment les trois icônes très connues. Aujourd'hui, il y en a plus. Donc, petit à petit. Évidemment, c'est dur. Il y a Fung Jo qui a battu un record de vitesse sur l'Everest la saison dernière. Il y a Pournima Ausha où j'ai fait la... première expédition avec elle en 2017 et qui aujourd'hui elle est dans la course aux 14 donc bien sûr que ça reste difficile pour elle bien sûr que elles doivent casser les codes de la société qui effectivement est assez encore très macho mais petit à petit on commence à voir des femmes sur les camps de base pareil au pakistan Les premières expéditions au Pakistan, j'étais en général la seule femme. Petit à petit, il y a eu des étrangères. Et là, sur le Nanga Parbat, par exemple, il y avait trois jeunes femmes pakistanaises qui tentaient l'ascension. Alors évidemment, ce sont des jeunes femmes qui sont d'un milieu privilégié, qui en général vivent à l'étranger. Mais n'empêche qu'elles sont pakistanaises et elles portent les couleurs du pays. Et ça permet un tout petit peu de... petit peu d'avancer dans l'émancipation des femmes dans le contexte de la grimpe mais il ya encore du chemin à faire quand même est ce que vous êtes partie de celles qui ont eu besoin d'avoir des modèles féminins pour vous lancer non c'est pas des modèles qui est le facteur déclenchant chez moi en revanche quand j'ai commencé à découvrir à apprendre à me documenter quand même sur le sur le milieu j'ai rencontré en quelle année je crois c'est en 2016 ni vesmeroy qui a un parcours, donc qui a réussi les 14 8000 avec son mari, et qui a renoncé. Elle aurait dû être la première à réussir les 14 8000. Et elle a renoncé à ce podium, on peut dire ça comme ça, parce qu'elle a grimpé tous les sommets avec son mari. Ils ont dû interrompre leurs expéditions parce qu'il a eu un cancer. Et elle est restée à son chevet pendant quatre ans. Il s'en est remis et ils ont terminé après. Donc, j'aime beaucoup l'histoire. parce que c'est justement une histoire d'amour avant tout. Et puis, ils ont grimpé dans un style très épuré. C'est une histoire d'amour en montagne, de couple.

  • Speaker #1

    Alors si tu veux bien, on va revenir aux sensations et aux émotions de l'alpinisme. Qu'est-ce que tu te dis ? Au sommet de ton premier 8000, ça doit être une expérience incroyable.

  • Speaker #0

    Atteindre le sommet de ces montagnes, effectivement de ces grandes montagnes à plus de 8000 mètres, c'est vrai que ça procure une émotion toujours très particulière, le fait d'y être arrivé. Et puis, il y a toujours ce petit chose qui est au fond de la tête qui dit, mais t'es qu'au sommet, il faut redescendre. Quand on a la possibilité d'avoir une météo clémente, évidemment, il y a tout ce qu'on voit autour. On s'imprègne de toutes ces images. Le Shishapangma de 2012, où finalement je ne vais qu'au sommet central, mais à l'époque, je ne savais pas la différence entre le sommet central et le sommet principal. Toujours est-il qu'on était dans une espèce de brume. On avait dû faire 24 heures de pause au camp 3. C'était toute une sorte de découverte permanente. et alors oui j'ai le souvenir des photos de cette joie qu'on a au sommet il y a toujours cette hypoxie qui met toujours un peu et avec les années est-ce que c'est les photos qui me rappellent ces souvenirs ou est-ce que c'est vraiment des souvenirs c'est toujours un petit peu mélangé mais j'ai un souvenir très clair que la météo était assez instable et que Ça allait se gâter, donc il fallait qu'on descende. Et donc on est descendu et la tempête s'est levée d'ailleurs quand on est arrivé au camp 3. Donc il y a toujours cette préoccupation de la descente finalement.

  • Speaker #1

    Tu parles d'hypoxie, donc l'hypoxie c'est ce phénomène de manque d'oxygène. Comment est-ce qu'on fait dans un sport comme l'alpinisme où il faut prendre des décisions rapides pour rester en vie ?

  • Speaker #0

    Est-ce que finalement on maîtrise ce qui se passe ? Parce que tu as l'air d'écrire un phénomène un peu brumeux.

  • Speaker #1

    Rien n'est rapide au-dessus de 8000 mètres. Ça c'est vraiment, on pourrait presque parler de l'éloge de la lenteur, avec le paradoxe de justement ces records où il faut toujours aller plus vite, etc. Mais l'hypoxie, donc ce manque d'oxygène, altère complètement le fonctionnement du corps et et du cerveau. C'est ce qui rend l'univers extrême et dangereux parce que justement la capacité de réflexion est altérée il se passe régulièrement de la prise de mauvaises décisions dues à l'hypoxie d'où pour moi l'importance d'évoluer en binôme avec en l'occurrence un Sherpa donc Dao Asang et Sherpa qui me connaît très bien, moi je le connais très bien Parce que les prémices d'un mal aigu des montagnes potentiels souvent se traduisent par de l'incohérence. De l'incohérence de mouvement, de l'incohérence de comportement, de parole ou autre. Donc, c'est important que la personne qui grimpe avec toi te connaisse pour justement éventuellement pallier ou réagir s'il y a quelque chose qui cloche. Et puis moi, je ne suis pas une solitaire. Je n'aime pas faire les choses toute seule. Donc, de toute façon, j'aime être entourée et avoir une équipe avec moi au-delà de la simple sécurité. Le Nanga Parbat, c'est un petit peu comme le K2. C'est des montagnes qui ont des histoires dramatiques. Il y a une partie de l'imaginaire. qui exacerbe l'environnement et qui renvoie quand même une image assez effrayante, on va dire. Donc le Nanga, quand on dit on va au Nanga, c'est un peu comme quand on va au K2, c'est « waouh, ça va être dur et on va en baver » . Et c'est vrai que la particularité du Nanga Parbat, c'est que quand on est au pied de la montagne, donc au camp de base, on voit le sommet. On est vraiment face à cette immense paroi. Ce qui n'est pas le cas de tous les 8000, dans le sens où souvent les distances sont longues, donc le cheminement sur la montagne fait qu'on ne voit pas le sommet. Donc la perspective est très différente. Et là, on est planté devant cette face. Et donc on passe notre temps à avoir les yeux rivés sur la paroi et à se dire, mais mon Dieu, comment on va faire ? C'est vrai que ce n'est pas la plus accessible pour terminer.

  • Speaker #0

    À quoi elle ressemble cette...

  • Speaker #1

    On est sur une montagne qui peut être soit découpée soit en trois camps d'altitude, soit en quatre. Nous on a fait le choix de faire que trois camps. Parfois, c'est arrivé plusieurs fois, mais parfois le fait d'avoir à déplacer tout le matériel jusqu'au camp 4, qui veut dire c'est le portage des tentes, des réchauds, de la nourriture, donc il faut de la nourriture supplémentaire parce que ça implique une nuit supplémentaire, etc. Le bénéfice d'un camp supplémentaire n'est pas forcément... judicieux. Et là, donc, le camp 3, on l'a fait, justement, l'originalité de ce positionnement qui est... On est au-dessus de l'emplacement classique du camp 3, mais on est quand même sur un dénivelé de 1300 mètres de dénivelé pour le sommet de Pouches, qui est énorme. Et la particularité du Nanga Parbat, c'est quand même la section entre le camp 1 et le camp 2, avec le passage du fameux mur du Kinshoffer. qui est une paroi rocheuse verticale de 150 mètres qu'il faut grimper après avoir remonté tout le grand couloir qui fait déjà plus de 1000 mètres de dénivelé. Donc c'est vraiment la partie technique, sans oublier quand même, parce qu'on est encore de nouveau dans cet univers hypoxique et de très haute altitude, mais toute la partie sommitale, donc les 600 derniers mètres, qui sont aussi une énorme pente de neige. qu'on a gravi un peu dans le brouillard et dans des conditions difficiles de météo. Il n'y a pas beaucoup de jokers, j'ai envie de dire, sur le Nanga. Il y a peu d'endroits où, si on fait une erreur technique, on ne risque pas la mort. Donc elle est dans le top 5 des plus ardus, j'ai envie de dire, quand même.

  • Speaker #0

    Comment tu la prépares, cette expédition ?

  • Speaker #1

    Je n'ai pas choisi de finir par le Nanga. Toujours le choix des expéditions se fait en fonction des opportunités de l'année. Alors soit je sais qu'il y a une expédition qui se monte sur un sommet, donc je me greffe à cette expédition. Soit moi j'ai envie d'aller sur tel sommet, donc je fais le tam-tam et je réunis l'équipe où on se coalise entre grimpeurs qui veulent aller sur la même montagne. L'idée étant de mutualiser les coûts, de partager les coûts du camp de base et des permis d'ascension pour minimiser les... Je pensais le réussir en 2022 et le dernier aurait dû être le Shishapangua, parce que la Chine était encore fermée à l'époque. Et en fait, je loupe le Nanga de 2022. Entre-temps, le Tibet ouvre, donc j'ai l'opportunité d'y aller au printemps 2023. Je réussis et donc c'est le Nanga qui arrive en dernier. Et d'où la difficulté de François Dami-Lanneau sur le scénario du film. Parce qu'il a vendu aux télés un scénario qui devait se passer sur le chicha Pangmar. Et en fait, on est partis au Nanga Parbat.

  • Speaker #0

    Tu parles du film de François Damilano, Le Dernier Sommet. Moi, j'ai été absolument bluffée par les images. On voit vraiment là, sur le camp 3, cette toute petite tente qui s'accroche comme ça dans la montagne. On n'a jamais autant l'idée de pente, même en ski de pente raide, quand... on voit une image là c'est vraiment très très impressionnant et d'ailleurs ça me fait rebondir sur le fait que tu as l'air là complètement lucide parce que tu as l'expérience précédente d'une avalanche et tu dis au groupe quand tu arrives nous ne restons pas là il faut qu'on aille plus loin plus haut pour se trouver un éperon rocheux pour ne pas risquer une avalanche et tu connais ça puisque tu l'as vécu sur une précédente expédition alors merci ulysse lefebvre pour les images de drones

  • Speaker #1

    et cette technologie qui permet d'avoir des angles de prise de vue qui donnent des perspectives différentes. Oui, de nouveau, le Nanga Parbat, c'est ma 22e expédition. On apprend beaucoup, donc l'expérience fait que, justement, cet état hypoxique, on va dire, en général, il se manifeste au-dessus de 8000 mètres. Même si au-dessus de 7000, on commence à être en difficulté. Mais voilà, après, on est en équipe, on discute. Et c'est vrai que les décisions, elles sont prises ensemble. Et très souvent, la personne avec qui je prends les décisions, c'est Sangé.

  • Speaker #0

    On voit qu'il y a une décision dans le groupe. Mais il y a aussi quelque chose de très intéressant, c'est-à-dire qu'au camp de base, quand vous avez une fenêtre météo, il y a un espèce de conciliabule entre toutes les expéditions qui sont là pour le Summit Push, pour dire, OK, comment est-ce qu'on s'organise pour ne pas se marcher sur les pieds ? Je pense que je ne l'avais jamais vu documenté ainsi. Est-ce que tu peux nous en parler ?

  • Speaker #1

    Alors, c'est fréquent. C'est fréquent sur les camps de base. que les membres des expéditions croisent les informations. Et c'est surtout dans l'idée que tous ensemble, on va être plus forts. Et le point clé de ces discussions ou de ces rencontres, c'est de décider de l'ouverture de la voie. Parce qu'à part les grandes montagnes, qu'on va dire les populaires, qui sont l'Everest, le Manaslu à l'automne, ces montagnes où il y a... qui sont très, très organisées, où il y a ce qu'on appelle une fixing team, une équipe de tête qui va ouvrir la voie et sécuriser les parties techniques avec des cordes fixes, d'où son nom de fixing team, qui est dédiée. Sur les autres expéditions, il n'y a pas. Il n'y a pas cette équipe. Donc il faut... s'organiser pour décider quels sont les Sherpas qui vont aller en éclaireur, on va dire. Au Pakistan, c'est la même chose. Il y a aussi des ouvreurs pakistanais. Il faut que tout ce petit monde s'entende et se décide pour s'organiser. Donc c'est ça. En fait, ces réunions, elles servent à ça. Et là, comme il y avait beaucoup de... Il y a eu des difficultés sur cet été 2023 avec... une lenteur de délivrance des visas. Donc il y a des Sherpas qui étaient encore restés à Katmandou à attendre les visas. Donc tout est en retard. Donc on est un petit peu dans la précipitation. Il y a la contrainte de la météo avec des fenêtres très très serrées quand même. Et le Nanga a cette particularité d'avoir ces grandes pentes. Et plus on va vers le mois de juillet et le rejel est mauvais. Et donc, on arrive à des situations dangereuses. Qui dit pas de rejel, dit chute de pierre. Et donc, ça devient très dangereux. Et donc, la saison du grimpe du Nanga, elle est très petite. Donc, c'est pour ça que c'est important que les chefs d'expédition se réunissent pour pouvoir optimiser vraiment cette stratégie.

  • Speaker #0

    C'est fou, on voit vraiment la stratégie. C'est ça, c'est une stratégie.

  • Speaker #1

    Oui. Mais moi, c'est aussi au-delà de la performance et d'arriver au sommet, de tenter le sommet. Moi, ce que je trouve toujours intéressant, justement, sur ces camps de base, c'est de décider de cette stratégie d'ascension, quand est-ce qu'on y va ou pas. Et dans les conférences, parce que je donne beaucoup de conférences, je dis, le patron, le boss de toute l'expédition, il est dans son salon à Chamonix. Il s'appelle Yann et c'est le météorologue. Pourquoi ? Parce que c'est lui qui donne le go. C'est lui qui me dit, qui prend la responsabilité de me dire « Non, n'y va pas. Oui, vas-y. Monte. Non, ne redescends pas. » Parce que si tu restes 24 heures dans la tente, la fenêtre météo, elle arrive et il me connaît et il sait plus ou moins calculer le temps. Par exemple, si je prends l'exemple du Manaslu de 2022, on est monté au camp 4 dans une tempête épouvantable, avec des vents à plus de 60 km heure et autres. Tout le monde redescendait. J'avais vraiment l'impression d'être à contre-courant. Et je me disais, mais qu'est-ce qu'on fout là ? Et on était dans la tente balottée avec le vent et autres. Et j'ai pris le téléphone satellite et j'ai dit, mais pourquoi on est là ? Et il me dit, mais t'inquiète pas. Le vent tombe entre minuit et 9h du matin. Et tu as le temps d'aller faire ton sommet. Donc, ne descends pas. Et il a eu raison. Et à partir d'11h, le vent a commencé à baisser. À minuit, on a commencé à se préparer, etc. Et j'ai eu le temps de faire le sommet dans des conditions exceptionnelles parce qu'il n'y avait pratiquement personne. Donc, voilà, c'est un peu aussi tout cet esprit d'équipe, tous les gens qui m'entourent.

  • Speaker #0

    En qui tu as une confiance finalement débordante ?

  • Speaker #1

    Oui. Lien de confiance, il est absolu. Si on doute, si je commence à douter des prévisions de Yann, je vais commencer à aller voir l'expédacoté, lui demander sa météo, etc. Mais en fait, avec les années, tout le monde a compris que moi, j'avais quand même une météo qui était quand même très, très performante. Donc, c'est plutôt les autres qui viennent me demander des conseils.

  • Speaker #0

    D'ailleurs, c'est un moment qui m'a marqué, c'est que... Tu notes ce que Yann te dit dans un carnet. C'est la question de la mémoire, en fait, que je veux avancer ici. Tu dis aussi que la mémoire, elle est bien faite, que très rapidement, ton cerveau balaye le négatif pour ne garder que le positif. Comment est-ce que tu gardes la mémoire de tes expéditions ? Est-ce que tu écris beaucoup dans ces carnets ?

  • Speaker #1

    Alors, ces carnets, oui. Depuis le tout début, mais même avant les expéditions à 8000, à chaque fois que j'ai fait des voyages, j'ai emmené des carnets. des carnets de notes. Donc j'ai un tiroir qui est rempli de carnets de notes. Et l'idée, en expé, c'est effectivement d'écrire une page par jour de ces petits carnets. Alors ça permet effectivement de garder déjà ce qu'on fait dans la journée, si c'est un jour de repos ou si c'est un jour où on bouge, avec le dénivelé, l'itinéraire, qu'est-ce qu'on a fait, les temps, les altitudes, et puis le ressenti. de la journée, ou ce qui s'est passé, ou s'il n'y a rien, ce qui ne se passe rien. Ce qui arrive quand même quand on est sur des jours de repos, camp de base ou autre. En fait, après, ils partent dans le tiroir. Et puis, quand on est rentré plus en détail dans le projet du livre avec François, où j'avais justement besoin de ... d'écrire un carnet. Par expédition, je me suis replongée dans ces carnets. C'était un moment très chouette, en fait. Parce qu'il y a plein de choses, évidemment, que j'oublie. Et le fait de se replonger dans ces carnets, on replonge quand même dans l'expédition, parce qu'il y a les noms des autres grimpeurs, des gens qui nous ont accompagnés, le ressenti, la météo du moment, etc. Enfin, il y a plein de choses, les anecdotes. et vraiment le dérouler. Et ça me fait le même effet quand je replonge dans les photos. J'ai une banque de photos, j'en ai tellement. L'exercice de l'iconographie du livre m'a permis de me replonger vraiment dans chaque expédition, dans chaque paquet de photos. C'était vraiment très chouette de reparcourir tout ça.

  • Speaker #0

    C'est un travail d'archiviste en plus. De venir fouiller, de gratter.

  • Speaker #1

    Oui, oui, oui. Et justement, dans la recherche des thèmes pour les carnets du livre, il y en a, c'était évident. Il y en a, la montagne, je savais exactement ce que je voulais raconter. Et puis d'autres, c'était moins évident, moins marquant. Donc, j'ai été reparcourir tout ça. Et puis là, c'est comme ça que des fois, l'idée, elle est venue. La première question,

  • Speaker #0

    parole qui t'est prêtée dans le film, c'est celle où tu revendiques la non-performance de ce que tu fais. Et même, tu doutes de tes capacités. Est-ce que les gens, aujourd'hui, te croient quand tu dis que tu ne vas pas sur ces 14 8000 pour établir un record ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas s'il me croit ou pas. Finalement, peu importe. Mais c'est vraiment ma façon d'avoir abordé ce grand rêve. Au début, c'était un espèce de rêve de Graal. de quelque chose assez d'inaccessible. J'ai mis voire plusieurs années finalement avant d'assumer le projet et d'en parler. Et au début, je disais non, non, je repars en XP. Mais c'est vrai que j'ai toujours eu cette philosophie du pas à pas, d'une XP après l'autre. Et puis après, on verra. Parce que les obstacles Et plus on y va, et plus je m'en suis rendue compte que les obstacles sont tellement présents. Il peut y avoir un accident, se casser la jambe et puis ça s'arrête. Il y a tellement de choses, que ce soit maintenir cette condition physique qui me permet de partir et de repartir en expédition, les conditions sur la montagne. les aléas météo qui peuvent se produire. Il y a tellement de facteurs qui peuvent nous mettre en échec que ça paraît presque quelque chose d'insurmontable. Et donc, pour justement éviter la pression, pour éviter de promettre des choses, notamment vis-à-vis des sponsors ou des partenaires et autres, de promettre quelque chose que je ne vais pas tenir. Je suis toujours restée dans un précaré d'une année, en disant, voilà, cette année, je vais essayer de faire ça, et puis après, on verra. Et puis, au fur et à mesure, ça a marché. Mais je reste assez convaincue que le fait, justement, de se préserver de cette pression potentielle fait que peut-être j'ai renoncé, parfois, plus facilement. Et je reste convaincue que le renoncement à plus de 8000 mètres, il sauve la vie.

  • Speaker #0

    On me l'a beaucoup dit au fil des interviews que j'ai menées dans tous les sports, que ce soit en alpi, en pantraide. On m'a toujours dit faire un retour en arrière, c'est se sauver la vie et c'est important. Alors la montagne, c'est aussi des échecs dans la quête des 14 8000. Vous en avez eu quelques-uns, mais aussi on peut dire que l'alpinisme, il y a... une prédominance de la mort. C'est quoi la meilleure façon d'atteindre le sommet ?

  • Speaker #1

    Si on connaissait la meilleure façon d'atteindre le sommet, je pense que tout le monde l'appliquerait. Il n'y a vraiment pas de recette magique. En revanche, l'expérience peut minimiser les risques. L'équipe, bien sûr, l'entourage. Je reste convaincue que seule en Himalaya, je ne vais aller nulle part. Donc ça c'est aussi un credo de conférence qui fait que c'est une façon de revaloriser les équipes, les gens qui m'entourent, non pas pour minimiser ce que je fais, mais pour donner vraiment, remettre en perspective tous les gens qui nous entourent. On peut citer ne serait-ce que le cuisinier du camp de base. Si le cuisinier ne nous fait pas bien à manger et qu'on est tous malades, personne ne va aller au sommet. Donc, c'est des perspectives comme ça que je trouve toujours intéressantes de mentionner. Il faut quand même l'admettre, il y a quand même un facteur chance dans les conditions. Plus j'observe ces montagnes, et moi, je comprends vraiment les avalanches, ça reste un truc quand même assez mystérieux. Un pont de crevasse qui cède, pourquoi il cède à tel moment ? Alors oui, c'est peut-être parce qu'on est dans l'après-midi et que ça a chauffé, mais il y a 100 personnes qui passent. qui passent, et puis la 101e, ça cède. Enfin bref, il y a des aléas et qu'il faut intégrer. Le risque zéro, évidemment, n'existe pas. Et puis, je pense qu'il faut être conscient de sa capacité physique, ses compétences, savoir renoncer. Cette quête de record, peut-être, peut mettre en danger aussi plus facilement, parce qu'on va pousser, pousser, pousser le bouchon. Alors, où on met le curseur ? C'est aussi très, très relatif. Ce n'est pas la réponse. Et puis, peut-être quand même qu'il y a une bonne petite étoile là-haut qui était bien présente. Donc, il ne faut pas non plus peut-être en abuser.

  • Speaker #0

    J'ai écrit hier soir dans mon carnet personnel, en rentrant de la projection, que rien ne vous prédestinait à la montagne. D'autant que vous n'êtes pas une alpiniste comme les autres. Vous prenez l'anti-performance. Et que finalement, quand la vie voulait nous emmener quelque part... elle arrivait toujours à nous emmener là où elle voulait il y a une forme de destin quand même dans ce que vous avez vécu alors il y a beaucoup de volonté,

  • Speaker #1

    beaucoup d'entraînement mais il y a une forme de destin alors on peut appeler ça du destin je sais pas ou de voie à suivre après moi j'ai les pieds quand même bien sur terre et je pense que c'est c'est

  • Speaker #0

    un choix de vie oui parce que vous quittez tout en fait vous quittez votre travail c'est ça

  • Speaker #1

    Et quand les gens me disent « Ah, mais tu as de la chance, tu vis de ta passion » , je dis « Non, non, ce n'est pas de la chance du tout » . Et c'est vraiment beaucoup, beaucoup de travail de la Léa, de prendre la décision de démissionner d'un job avec un salaire confortable et de se lancer à plein temps dans cette activité qui devient du coup une profession, d'être en recherche. de financement. Et merci, merci à tous les sponsors et les partenaires qui m'ont accompagnée pendant toutes ces années, parce que sans eux, ça ne se fait pas. Donc voilà, c'est des rencontres, c'est plein de choses à mettre ensemble, mais au final, c'est beaucoup de travail.

  • Speaker #0

    Ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas de la chance.

  • Speaker #0

    C'est facile en 2024, quand on est Sophie Laveau, de trouver des sponsors ?

  • Speaker #1

    Non, ce n'est pas facile. Non, non, non, non, ça, c'est jamais facile. Alors après, de nouveau, j'ai jamais eu à renoncer à une expédition par manque de moyens. Donc merci les sponsors, parce que justement, c'est que je me débrouille quand même pas trop mal pour trouver ces sous. Mais on est dans une époque où je pense qu'il y a beaucoup de choses, il y a beaucoup de projets, il y a des projets magnifiques. Il y a beaucoup de gens qui cherchent de l'argent. Et donc, ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile. Et justement, le paradoxe, ce n'est pas parce qu'on a fait un film ou des films, un livre, on passe à la télé, on a des jolis logos sur notre doudoune, que la vie est facile.

  • Speaker #0

    D'autant que vous êtes quand même interviewée par des pointures. J'ai vu que vous aviez fait pas mal de podcasts. Vous avez été interviewée sur France Inter plusieurs fois. Vous êtes entourée de France Inter Milano, Lys Lefebvre.

  • Speaker #1

    Oui, mais justement, c'est le paradoxe. C'est que cette exposition médiatique laisse penser qu'on y est arrivé, et que c'est facile, et qu'il y a des sponsors, et que tout va bien. Mais non, ça reste toujours une quête d'une année sur l'autre. Et donc, avis aux amateurs, s'il y a une inspiration à vouloir poursuivre ce sponsoring. Vous êtes les bienvenus. Très bien,

  • Speaker #0

    ce sera entendu, en tout cas j'espère. Merci infiniment Sophie d'avoir été dans le camp de base aujourd'hui.

  • Speaker #1

    Mais merci pour l'invitation.

  • Speaker #0

    Et voilà, ce premier épisode de la saison 4 avec Sophie Laveau est terminé pour aujourd'hui. Merci de l'avoir écouté jusqu'au bout. N'oubliez pas de le partager avec votre entourage s'il vous a plu. On a une surprise pour vous avec les éditions Glénat. On vous permet de remporter le livre co-écrit par Sophie Laveau et François Damilano, Les 14 sommets de Sophie Laveau. C'est très simple, vous laissez un commentaire sur... le podcast sur Apple Podcasts, ou sous l'épisode de Sophie Laveau spécifiquement sur YouTube ou Spotify. Vous avez jusqu'au 10 février pour ce faire. Je tire au sort le 11 février à midi. Je vous souhaite une bonne journée, une bonne soirée, et je vous dis à très vite dans le camp de base. Rencontre au sommet !

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