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Le cimetière de l'océan

SS CHAMPLAIN le fantôme de La Pallice

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31min |16/05/2024
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Description

Champlain est un paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique qui connu un beau succès pendant sa courte carrière.

Il permit de mettre à l'étude les lignes qui seront réutilisées sur Normandie quelques années plus tard.

Son funeste destin pendant la guerre le fera sombrer dans l'oubli.

Il reste peu de choses de lui aujourd'hui, mais son épave fantomatique hanta longtemps le port de La Pallice et les voyageurs se rendant sur l'ile de Ré.

Embarquez avec moi pour découvrir l'intérieur et l'histoire du plus grand des petits paquebots.


Illustration:


Sons: 


Musiques:


  • A Gentle Breeze / good B Music (pixabay)

  • Les-ly / Mini Vandals (Youtube Library)

  • Dramatic nostalgic sad piano and cello (pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Si vous avez grandi dans les années 50-60 à proximité de la Rochelle, l'île de Ré, ou bien que vous faisiez partie de ces enfants qui prenaient le bac vers l'île de Ré justement, vous avez peut-être été interloqué par cette forme rouillée, cette cheminée dépassant de l'eau au large du port de La Pallice plus ou moins découverte en fonction des marées. Peut-être que vos parents ou les anciens qui traînaient le long du port vous répondaient alors C'est le Champlain ! Cette cheminée est reconnaissable entre mille, droite comme un I, haute, faisant comme une forme de chapeau en son sommet. C'est un navire oublié, mais on sait qu'il a existé. Il reste dans la mémoire de certains passionnés et son histoire demeure pour le moins intéressante, même si sa carrière fut courte. Trop courte. Champlain, pour Samuel de Champlain, explorateur, cartographe, géographe français qui fondera la ville de Québec. Voilà l'origine du nom de ce paquebot de la Transat à qui il souhaite rendre hommage. A la fin des années 20, la compagnie générale transatlantique est prospère et remporte un franc succès avec Ile-de-France mis en service en 1927 sur la ligne de New York. Paquebot ultra luxueux, au style art déco et destiné à une clientèle plutôt fortunée. Il est à présent le navire amiral de la flotte. En plus de cela, elle commence à proposer des croisières afin de s'adapter à la demande croissante et pour pallier à l'appauvrissement des flux migratoires vers les Etats-Unis. Mais en parallèle, il est temps de renouveler sa flotte. Si l'île de France vient prendre la succession du France de 1912, il faut aussi renouveler les petits paquebots destinés à sa clientèle la moins fortunée. La crise économique provoquée par le crash de 1929 ne peut que lui donner raison. Le Champlain sera donc destiné à remplacer le Rochambeau, navire à classe unique mis en service depuis 1911 entre le Havre et New York. Dans cette catégorie déjà en service, il y a également le Degrasse sur la ligne depuis 1924 et le Lafayette qui est commandé en même temps que le Champlain. Rappelons que la compagnie générale transatlantique est également en train d'étudier son futur super paquebot sous le nom de T6 qui prendra le nom de Normandie. Le Champlain sera un navire appelé cabine classe ship et dont les équipements et le confort sont destinés à des passagers répartis en deux classes. La classe cabine qui regroupe en gros première et seconde classe et la classe touriste. Néanmoins, Champlain possède une troisième classe avec le confort le plus basique possible qui partage certains espaces du navire avec la classe touriste. Champlain fera 195 mètres de long, 25 de large, 28 000 tonnes, et sera capable de transporter 1050 passagers et 560 membres d'équipage à une vitesse de 19 nœuds. Il n'est pas fait pour battre des records ou ravir le ruban bleu, non, laissons cela à Normandie. En tout, Champlain dispose de 643 cabines pour les passagers en cabine classe, 248 pour la classe touriste et 122 en troisième classe. Le Champlain se veut économique et sera propulsé par deux hélices latérales reliées à deux groupes de turbines vapeur, elles-mêmes alimentées par six chaudières Penwet. La puissance est portée en tout à 2500 chevaux. Champlain permet de mettre à l'étude les lignes ultra-modernes qui préfigurent celles de Normandie. Ainsi, comme sur Normandie, on retrouve une belle coquille lancée avec l'encorbeillement de la poupe, le pont de promenade du pont Béarrière couvert et avec les mêmes parvents latéraux qu'on retrouve encore aujourd'hui sur Queen Mary de Lune. Également, le mât avant est placé au-dessus de la timonnerie et non plus devant, afin de ne pas gêner la vue. Champlain est construit dans les chantiers navals de Penwet à Saint-Nazaire. A cause d'un retard du versement des subventions de l'Etat français, le chantier ne démarque qu'en 1931, alors que le Lafayette est déjà parti pour commencer sa courte carrière lui aussi. Assez vite, ces huit ponts s'élèvent. Ils sont aménagés comme ceci. L'entrée dans Champlain se fait depuis le promenade d'Aix, grand pont couvert qui donne sur le grand hall où se trouve donc le lobby avec son escalier majestueux et ses ascenseurs pour desservir les différents ponts. Le ton est donné. Même si Champlain est un cabine-clash-ship, la décoration et le confort sont soignés. L'escalier mélange bois de scie comme or, vernis et fer forgé joliment travaillé dans le pur style art déco. L'ensemble est surmonté par un magnifique dôme laissant descendre la lumière du jour dans tout l'escalier. Le mur face à cet escalier est recouvert d'un gigantesque miroir donnant une impression de grandeur vertigineuse au hall d'entrée. De chaque côté de l'escalier, on trouve la bibliothèque et un salon d'écriture. Derrière, ce sont les cabines de classe cabine, idem lorsqu'on longe les coursives après l'ascenseur. Une succession de cabines. Ces cabines, justement, sont composées de deux lits simples avec une coiffeuse et son joli miroir ovale entre les deux lits. Au sol, on y retrouve une belle moquette feutrée et les murs sont blancs ou bien avec un plaquage bois donnant à la pièce une allure cossue. Dans les cabines de cabine classe, on a un accès à l'eau courante, chaude et froide. Les salles de bain sont communes avec seulement 4 ou 5 autres cabines. C'est également à ce pont qu'on trouve, à l'avant, le pont de promenade de 3ème classe et à l'arrière, le pont de promenade des classes touristes, entre les grues de chargement. Remontons d'un étage. Nous voici au boat deck, soit le pont des embarcations. A ce niveau, vous pouvez vous rendre dans le fumoir très joliment décoré, très lumineux puisque bordé de part et d'autre de grandes fenêtres et surmonté d'un dôme laissant entrer la lumière du jour. Les murs sont tapissés de cuir en peau de cochon. Les poteaux sont sculptés et représentent des figures évoquant des jeux de cartes ou des personnages des contes et légendes des chevaliers de la table ronde. On peut donc y voir un valet de trèfle, une dame de cœur, d'autres sont à l'effigie même de Berthe au grand pied. Lancelot du Lac, le roi Arthur, tous ces panneaux sont signés Alfred Bottiot. La pièce est meublée avec des petits fauteuils club placés autour de tables carrées. Au fond, sous un tableau, une grande banquette en cuir peut accueillir l'océan de plusieurs convives. Derrière ce fumoir, à l'arrière de Champlain, c'est le café-terrasse, très épuré, avec ses fauteuils en osier blanc et ses petites tables carrées, son bar en forme d'arc de cercle et ses grandes fenêtres donnant vue sur l'arrière du paquebot et ses ponts découverts. Revenons dans le lobby et traversons-le. Nous voici arrivés dans le grand salon. Dessiné par René Proulx, un spécialiste de l'aménagement et décoration de paquebots. C'est majestueux et une fois de plus très lumineux. Le sol est couvert de moquettes. Les murs au fond de la pièce sont habillés de grands miroirs donnant à la pièce une impression de profondeur infinie. Autour de ces miroirs, une peinture magistrale de Samuel de Champlain bien sûr, dans un décor de verdure avec des Indiens, en arrière-plan son bateau et une ville rappelant qu'il est un navigateur, explorateur et qu'il fonda la ville de Québec. Le mobilier est composé là aussi de tables carrées autour desquelles on trouve des beaux fauteuils tapissés d'un tissu à motif floral. A ce niveau du bateau, il n'y a pas d'autre espace réservé aux passagers. Mais comme il est nommé boat deck c'est donc là qu'il faudra vous rendre pour évacuer le champ plein en cas de naufrage. Vous trouverez donc 24 canaux exactement, dont 14 pouvant embarquer 88 passagers chacun, 8 prévus pour 46 personnes et 2 autres pour 33 seulement. Le niveau encore au-dessus est le Lower Sun Deck. Si vous cherchez à vous maintenir en forme pendant votre traversée, c'est ici que vous trouverez le gymnase avec un salon de massage, eh oui. C'est sur ce pont que les enfants trouveront leur salle de jeu et c'est ici également que se trouve la salle radio de Champlain, qui est la plus moderne de son époque. Et là, tout à l'avant, on trouve la timonnerie bien sûr, équipée entre autres d'un sondeur de fond pour donner la profondeur exacte toutes les trois minutes. Empruntons un dernier escalier qui nous mène au plus grand Sun Deck, 32 mètres de long, à sillonner l'Atlantique en ce début des années 30, messieurs-dames. Et oui, il ne sera détrôné qu'en 1935 par son petit frère, le Normandie. C'est là qu'on peut profiter des jeux de plein air organisés par l'équipage, tel que le badminton. D'ailleurs, regardez, il y a des filets. Allez, redescendons de quelques ponts pour arriver sur le pont A. C'est ici que se trouve le salon de coiffure, le cabinet du médecin de bord pour les petits mots et une succession de cabines de classe cabine justement. A l'arrière, le fumoir de classe touriste ainsi que leur pont de promenade couvert. Et tout à l'avant, côté bas-bord, le salon très épuré des 3e classes. Épuré oui, mais non pas moins stylisé. Un lino au sol avec des formes géométriques de différentes couleurs, des fauteuils de bois à l'assise et au dossier recouverts de skye et des jolis luminaires carrés au plafond. Des jeux de société sont à la disposition des passagers. Dans cette pièce, on y retrouve par exemple jeux de dames ou d'échecs. En face de ce salon, de l'autre côté du lobby, c'est le salon de classe touriste. La décoration y est bien plus soignée et n'est finalement pas très éloignée de celle des classes cabines. L'assise des fauteuils est rembourrée, leur forme est vasée et accueillante, on trouve des fresques aux murs et un très joli miroir rond de bonne taille. Descendons d'un niveau pour arriver sur le pont B. Côté tribord, vers l'avant du Champlain, se trouve l'entrée pour les classes touristes ainsi que leur salon de coiffure. Partant vers l'arrière, une nouvelle succession de cabines. Sur ce pont tout à l'avant, des cabines ou dortoirs pour les stewards et membres d'équipage. Rendons-nous enfin sur le pont C. C'est là que vous trouverez la salle à manger. Nous y descendons par un bel escalier de marbre avec une main courante en fer forgé. Là encore, la décoration est signée René Proulx. Les murs sont décorés de panneaux de pierre rose. En son centre, une grande colonne en haut de laquelle trône fièrement une statue féminine symbolisant la jeunesse. A nouveau l'œuvre de Alfred Bottio. Autour de cette colonne sont disposées des tables carrées pour 2, 4 ou 6 personnes. La salle à manger est divisée sur les extrémités par des panneaux en fer forgé sublimement travaillés, lui donnant des airs de patio espagnol. Le plafond est haut et ressemble à une pergola d'où vient la lumière artificielle. Les fauteuils sont habillés de tissus verts et roses, et au mur, on trouve par endroit des œuvres d'art signées Lachenal, Terroir, Dora et Scor. Pour mieux vous la représenter, je vous invite à aller voir des photos, j'en posterai sur mes pages Facebook et Instagram. Atenant à cette salle à manger, on trouve la salle à manger des enfants, décorée de panneaux de marqueterie bleu et rose. Au milieu de ce pont, la cuisine bien sûr, avec la boulangerie. Ces aménagements sont communs afin de préparer les repas pour la salle à manger de classe touriste et 3ème classe également. Juste derrière la cuisine se trouve cette salle à manger. Plus petite, cela va de soi. La décoration y est plus épurée et moins soignée que celle de leur salon, mais ce n'est que mon avis. On y trouve des nappes à carreaux, des chaises en bois et des petits globes lumineux au plafond. A l'arrière du pont C, des cabines pouvant être converties en classe touriste ou 3ème classe en fonction des réservations. Les cabines de 3ème classe sont très très simples. Cabine pour 4 personnes, avec des lits superposés en fer blanc. Entre les deux, un lavabo surmonté d'un petit miroir rectangle et d'une applique murale. Deux petites étagères pour ranger vos quelques affaires de toilette. Les murs sont habillés de panneaux de bois peints en blanc. Revenons à l'avant. On y trouve une imprimerie. Souvenez-vous qu'on y imprimait le journal L'Atlantique à bord des paquebots de la Transat. A nouveau, il y a aussi des quartiers et cabines réservées à l'équipage. Sur le pont B, au centre de Champlain, les cabines de classe touriste et 3ème classe côté bas-bord. Et essentiellement, des espaces réservés à l'équipage, leur cuisine, les cabines des musiciens, les espaces des pompiers, les cabines des stewards, etc. Et enfin, tout au fond, les entrailles de la bête, la salle des machines, les cales, les caves à vin, les chambres froides, le garage à voiture, etc. Voilà, nous avons fait le tour dans les grandes lignes de Champlain. Vous constatez donc qu'il n'a rien à envier au grand liner luxueux en service sur la ligne de New York. Et qu'il a de très très bons arguments qui en font un navire de choix parmi les cabines classe des autres compagnies comme le britannique ou le georgique de la White Star Line, ou le franconia et le laconia de la Cunard. Son confort est même un cran au-dessus de son frère le Lafayette mis en service en 1930. Une fois le paquebot mis à l'eau le 15 mai 1931, puis terminé dans les 12 mois qui suivent, il réalise ses essais en mer le 5 et 6 mai 1932. C'est à cette occasion qu'on constate qu'à pleine vitesse, Champlain atteint les 21 nœuds. Il pourra donc effectuer la traversée vers New York en 7 jours. Le 18 juin 1932, Champlain part donc pour son voyage inaugural. Évidemment, il ne pouvait pas emprunter cette route en portant ce nom sans faire une escale par Québec. Cela étant fait, il arrive à New York le 25 juin. Au cours de son voyage retour vers le Havre, il effectue la traversée de l'Atlantique Nord en 6 jours, 16 heures et 20 minutes. Tout à fait honorable pour un paquebot navigant à allure modérée et un record pour cette catégorie de cabin ship. A cette occasion, le journaliste Henri Rouleau était à bord de Champlain pour revenir des Etats-Unis. Lui qui était plutôt sceptique sur le luxe et le confort de Champlain en descendra conquis et il publiera un très bel article dont voici un petit extrait qui, je trouve, résume bien l'avenir prometteur qui attendait Champlain et la French Line. J'ai admiré, en proie même à une violente émotion, riche décoration et machinerie titanesque, en faisant sur l'heure ce raisonnement très simpliste mais combien réconfortant. Si les Américains empruntent la French Line qui, en fait, concurrence leur ligne nationale, c'est qu'ils leur chantent de vivre quelques journées et quelques nuits merveilleuses dans l'atmosphère élégante et confortable créée par nos artistes. C'est qu'au départ de New York, ils savent trouver sur nos bateaux un avant-goût de la belle et douce France. Si leurs dollars sont ainsi drainés par la French Line pour un milliard de francs par an, se répartissant entre les industries multiples, les commerçants innombrables, les 25 000 gens de mer et ouvriers des chantiers navals, le fisc français, etc. C'est que nos paquebots, comme le jeune Champlain, grâce à leurs attraits et à leur sécurité sans cesse contrôlée, tiennent haut et ferme le pavillon tricolore et que le rayonnement de notre génie attire et séduit par ses conceptions inégalées, les cœurs américains. Et, puisque ces conceptions, toutes luxueuses et opulentes qu'elles soient, obtiennent la grande faveur des passagers d'outre-Atlantique, il importe de les maintenir, même de les développer sur les grandes lignes maritimes. Elle représente en effet les progrès féériques accomplis par notre science et notre industrie dans tous les domaines. Puisque le paquebot moderne est une ville flottante, elle révèle aux étrangers les ressources infinies de notre architecture navale, la délicatesse de nos artistes et la conscience de nos artisans. Elle rehausse enfin d'un éclat sans pareil le prestige de la mère patrie où furent conçus, construits, lancés, aménagés et d'où partent chaque semaine les merveilleux navires à la poupe desquels claque fièrement le pavillon national français. Champlain rencontre donc le succès tant auprès de ses compatriotes que de la clientèle américaine et vient un peu plus dorer le blason de la French Line. C'est un avion remarquable, novateur et bien proportionné, facilement reconnaissable grâce à sa coque et à sa cheminée au design unique en son genre. C'est en quelque sorte un chef-d'œuvre. Ce chef-d'œuvre, aussi bien proportionné soit-il, présente tout de même un défaut. Sa jolie petite cheminée est... eh bien, trop petite justement. La suie n'est pas évacuée suffisamment haut et retombe donc sur le sun deck et les plages arrières. Le 10 septembre 1936, Champlain retourne donc au chantier. Sa cheminée n'est pas seulement rehaussée, elle va bénéficier d'une innovation appelée système strombos. Ce sont des sortes d'ouïes, des ouvertures dans la tôle de la cheminée qui viennent stabiliser par un flux d'air la fumée évacuée et ainsi éviter, en tout cas limiter, les retombées de suie. Cette cheminée est l'œuvre de l'ingénieur Valézy, ce même ingénieur qui dessinera plus tard les cheminées iconiques de France. Une fois cette modification terminée, Champlain quitte les chantiers et retourne effectuer ses rotations à la fin du mois d'octobre 1936. Rien ne saurait venir troubler ces belles années qui se dessinent. Normandie a rejoint la flotte en 1935, imposant la French Line comme une compagnie de premier choix, et forçant le respect de toutes les autres compagnies qui le jalousent. Voyez à ses côtés l'Île-de-France, le Lafayette et le Champlain, qui part régulièrement faire des croisières vers Nassau, la Havane ou le Canada. La fin des années 30 approche, et son bouleversement mondial avec. Mes recherches m'ont fait tomber sur un rapport du commandant de bord au cours d'une liaison entre Le Havre et New York, pendant le mois de juillet 1939, moins de deux mois avant la Seconde Guerre mondiale. Champlain arrivera en retard pour un tas de raisons, dont des manœuvres difficiles et des mauvaises conditions. Mais l'une d'entre elles est pour le moins quelque peu originale, suffisamment rare pour être mentionnée. La voici. Trois jours avant l'arrivée à New York, une de nos passagères est tombée gravement malade. Le médecin de bord vint m'informer qu'une opération chirurgicale urgente devait être envisagée pour sauver sa vie. J'ai télégraphé aussitôt à l'amirauté canadienne à Halifax, demandant son aide, et un destroyer nous fut expédié avec chirurgien et matériel nécessaire. Il dut parcourir 500 000 marins à la vitesse de 30 nœuds, et nous a rejoint en mer dans l'après-midi du 19 juillet. Après consultation à bord, la malade paraissait en meilleures conditions. Il fut décidé qu'il était préférable que nous l'amenions à New York. Cet incident nous a fait une bonne réclame parmi les passagers et la presse à New York. Le déroulement et le stoppage nous ont causé trois heures de retard. Un bel exemple de ce qu'il peut parfois se passer en mer. Nous voici donc en septembre 1939. L'inévitable seconde guerre mondiale éclate alors que le Champlain est en liaison entre le Havre et New York. Il accoste quai de la French Line le 5 septembre à côté de Normandie. 1089 passagers débarquent. C'est supérieur à son taux de remplissage mais cela s'explique par tous les civils et ressortissants étrangers préférant quitter le sol français avant le début du conflit. Le rapport du second capitaine note que le navire est camouflé en gris neutre, dont une seule couche suffit. Il note la bonne qualité de la peinture qui, après plus de 15 jours de navigation, ne s'est pas enlevée. Il note également que cette peinture qui ne brille pas le rend le champ plein peu visible, surtout en pleine nuit. Les hublots et fenêtres sont eux aussi recouverts de peinture grise qui, d'après le second capitaine toujours, part facilement et sans gratter si on utilise de la pâte à lustrer le cuivre. Les travaux de peinture du Champlain dureront trois jours à New York. En parallèle, on décide que Normandie reste à New York, où on le pense plus en sécurité, loin du conflit qui ébranle l'Europe et dont les États-Unis n'ont pas encore pris part. Certaines photos sont donc très fortes. On y voit Champlain et Queen Mary vêtues de leur robe grise, terne, triste, et Normandie portant fièrement ses couleurs, contrastant avec ce triste tableau et les temps durs qui suivront. Champlain repart de New York le 9 septembre avec seulement 13 passagers à bord. Mais vous le savez, l'avancée fulgurante des Allemands, ultra préparée et inarrêtable, et la défaite de la France et des Britanniques devient vite une évidence. Le 4 juin 1940, Champlain quitte pour la toute dernière fois New York. A son bord, on vient de charger des lingots de cuivre, beaucoup de matériel de guerre dont deux canons, et répartis entre ses cales et ses ponts supérieurs, 30 avions Curtis en pièces détachées rangées dans des caisses. On y embarque également 200 passagers dont Étienne Payen de la Garanderie, commandant du Normandie qui a décidé de rentrer auprès de sa famille ayant de plus en plus de mal à communiquer avec les siens. Personne ne profitera de son sun deck complètement encombré par les caisses pendant cette traversée. Champlain arrive à Saint-Nazaire cette fois où il débarque ses passagers le 12 juin. Le contexte est tendu. Souvenez-vous que, quelques jours auparavant, eut lieu à Dunkerque l'opération Dynamo, au cours de laquelle l'amirauté britannique a évacué ses troupes. En grande partie on va dire, car il en reste encore beaucoup qui ont été appelés à se masser à Saint-Nazaire en vue d'y être embarqués vers l'Angleterre. J'y rentre plus en détail dans mon épisode consacré au Lancastria. Je vous invite à l'écouter si ce n'est pas déjà fait. La tension monte de jour en jour. L'aviation allemande survole la zone, des bombardements ont lieu, des navires sont coulés dans le golfe de Gascogne. Les caisses d'avions Curtis devaient y être débarquées pour être assemblées dans les usines du centre aéronautique de Bourges. Le 16 juin, Saint-Nazaire connaît son premier bombardement. De crainte que les Allemands prennent la cargaison où coule le navire qui viendrait boucher l'embouchure, on demande au Champlain de quitter Saint-Nazaire et d'aller se mettre à l'abri en rate du port de la Palisse à la Rochelle. Il emporte avec lui un peu moins de 200 nouveaux passagers, uniquement des civils, dont beaucoup d'employés de la Transat. Demain, à la Palisse, on prévient le personnel de bord qu'ils vont accueillir des passagers qu'ils seront surpris de voir à bord. Afin de préparer l'arrivée de ces nouveaux passagers, des vivres et des draps propres sont chargés à bord de Champlain. On apprendra bien plus tard que ces mystérieux passagers étaient des membres du gouvernement français et leur famille, qui prenaient la fuite après la chute du gouvernement. Ils espéraient pouvoir constituer un nouveau gouvernement en exil, loin de la pression des Allemands. Champlain aurait dû les emmener à Alger. Ils embarqueront finalement à Bordeaux, à bord du Massilia. C'est une toute autre histoire rocambolesque qui ne se solde pas par un naufrage. Champlain arrive à La Palisse en fin de journée le 16 juin, et reste en rade en attendant qu'on lui demande d'entrer dans le port pour venir décharger ses passagers et son chargement. Il jette son encre qui vient toucher le fond, scellant à cet instant le sort qui sera le sien. Dans la soirée, l'aviation allemande avait survolé la zone en larguant des mines magnétiques. L'une de ces mines n'est pas très loin du Champlain. La nuit passe et au matin du 17 juin 1940, avec l'action de la marée, Champlain commence naturellement à tourner sur son encre. Il est autour de 9h du matin lorsqu'une puissante détonation secoue le Champlain. Il vient de heurter la mine sur tribord arrière, précisément sous la chaufferie. L'arrière se soulève, le panneau de cale vole en éclats, la soute à mazout est éventrée et commence à se répandre autour de Champlain. Immédiatement, le commandant Lescaret fait descendre. prendre les cloisons étanches. Tout se passe très, très vite, à tel point que l'ordre d'évacuation est donné à la voie. Champlain accuse une gîte importante sur bas bord, rendant difficile la mise à l'eau des canaux. Beaucoup se laissent alors glisser le long de sa coque et viennent se dépêtrer dans le mazout, où ils sont hissés à bord des chaloupes qu'on a réussi à mettre à l'eau. Certaines se sont retournées lors de la mise à l'eau, précipitant dans le mazout ses occupants. Au bout de 7 minutes seulement, Champlain touche le fond à environ 13 mètres, laissant seulement dépasser sa cheminée inclinée à 50 degrés sur Babin. La violente explosion fut entendue et même ressentie à la palice. Immédiatement, des bateaux vinrent au secours des naufragés. 270 personnes furent sauvées ce matin-là, passagers et membres d'équipage. On compte 12 morts parmi les mécaniciens présents dans la chaufferie au moment de l'explosion. Évidemment, il y a de nombreux blessés qui sont amenés vers les hôpitaux du coin. Champlain est perdu. Le même jour, quelques heures plus tard, le Lancastria coulera lui aussi à Saint-Nazaire, faisant beaucoup plus de victimes, et c'est ce qui viendra porter confusion sur le naufrage du Champlain. Certains diront qu'il transportait des troupes anglaises. C'est faux, ils confondent avec le Lancastria. L'agonie du Champlain n'est pour autant pas terminée. Le 21 juin, le U-65 sous le commandement du capitaine Von Strokesen quadrille la zone et il estime probablement que le Champlain pourrait être récupéré, ce qui est tout à fait improbable. Il ordonne alors le tir non pas de une, mais deux torpilles qui viennent exploser dans la coque du Champlain. Cette démarche était ridicule puisque trois jours plus tard, la Rochelle sera prise par les Allemands. Au cours du mois de novembre 1940, un ouragan frappe les côtes françaises. La tempête, ses courants et ses vagues puissantes viennent redresser un peu le Champlain. En 1941, les Allemands missionnent l'entreprise marseillaise Serra, spécialisée dans les travaux maritimes. Ils leur demandent de récupérer la cargaison de Champlain et de tenter de le renflouer. Des scaphandriers descendent alors sur l'épave. S'ils parviennent à en extraire toute sa cargaison ainsi que ses machines et beaucoup d'équipements qui permettront aux Allemands d'entretenir entre autres leurs sous-marins, il apparaît en revanche qu'il est impossible de renflouer Champlain, trop endommagé et trop enfoncé dans le fond sable au nu. Au cours de ces opérations, trois scaphandriers perdent la vie. Une petite anecdote. Un jour, l'un d'entre eux qui travaillait à remonter des cales la cargaison remonte précipitamment sur sa barque et sort discrètement de sous son plomb un lingot de cuivre qu'il tend à son collègue en lui faisant signe de le cacher. Il répète cette action plusieurs fois sous le regard interloqué de son collègue qui finit par ouvrir la vitre de son scaphandre et lui demande ce qu'il fait. Il lui rétorque alors que c'est de l'or et il demande prestement de le cacher. Son collègue lui fait alors remarquer que ce n'est pas de l'or mais du cuivre. L'affaire ne s'arrête pas là. Le responsable de chantier constate un jour que l'une des barques est plus enfoncée que les autres dans l'eau. En inspectant cette barque, il découvre que des lingots de cuivre ont été attachés en dessous. La guerre prit fin, vous le savez. Mais le Champlain demeura ainsi, perdant petit à petit sa couleur grise, laissant à nouveau deviner la couleur rouge et noire de sa cheminée, qui devint ensuite rouille, laissant apparaître les traces du rehaussement de sa cheminée, dont on voit nettement sur les photos la découpe et les tôles ajoutées. Il passa entre les mains de plusieurs entreprises entre la fin des années 40 et 50, qui tentèrent à leur tour de le renflouer pour aller le démanteler. Tous arrivèrent au même constat. C'est impossible. C'est ainsi que, bien avant la construction du pont de l'île de Ré qui ne sera ouvert qu'en 1988, tous ceux qui souhaitaient rejoindre l'île devaient le faire par bateau ou par le bac. Ils pouvaient alors observer la triste silhouette du champ plein. rappelant les heures sombres de l'occupation pour certains ou se souvenant de sa splendeur pour ceux qui avaient eu la chance de voyager à son bord ou de le voir passer au large des belles côtes françaises. Peut-être imaginait-il sa sublime salle à manger complètement submergée, recouverte de sédiments, son mobilier se désagrégeant sous le plancton et les algues qui prenaient possession des lieux. Peut-être tendait-il l'oreille pour entendre claquer une tôle rouillée, comme un signe de salut de Champlain, que seules les mouettes et goélands viennent à présent visiter. Au gré du vent, des embras marins, des courants et des tempêtes, Champlain ne bougea pas. Il faudra attendre 1963 pour que, enfin, l'entreprise Serra, à nouveau, vienne découper sur place l'épave de Champlain. L'opération dura six ans et sera achevée en 1969. Toutefois, des zones d'ombre demeurent. On ne sait pas ce que sont devenus les éléments décoratifs de Champlain. Ont-ils été démontés au cours d'une escale au Havre ou à New York ? Sont-ils restés à bord jusqu'à la fin ? Par exemple, la statue de la jeunesse qui était dans la salle à manger fut vendue aux enchères par la maison Drouot en 1998. On ignore quelle était sa provenance, ni ce qu'elle est devenue. Probablement partie dans une collection privée. Idem pour les colonnes du fumoir. Quelle fût leur sort ? Où sont-elles aujourd'hui ? Chez un particulier ou bien dans les réserves de la French Line qui ne les a pas encore répertoriées ? Si vous avez des informations, n'hésitez pas à me les partager. Si toutefois vous souhaitez approcher une relique de Champlain, rendez-vous à Honfleur, à la lieutenance exactement, à l'angle de la rue du Vieux-Bassin. Levez les yeux, vous verrez un buste en bronze représentant Samuel de Champlain. Ce buste ornait un espace commun à la rue du Vieux-Bassin. A bord du Champlain. Il fut trouvé chez un antiquaire par un mécène québécois qui en fit don à la ville de Honfleur, d'où était parti Samuel de Champlain lors de son voyage en vue de fonder la ville de Québec. Dans l'une des vitrines, au musée de la marine à Paris, vous tomberez sur l'un des éléments qui constituait la sirène de Champlain. Au musée du Bon Coeur, à La Rochelle, au détour d'une vitrine, votre œil sera attiré par une bande de bâchis portant le nom Champlain, au-dessus de laquelle vous pourrez observer une assiette de porcelaine et de l'argenterie provenant de l'épave. C'est tout ce qu'il reste de connu de Champlain. Bon. Toutefois, au cours du découpage de l'épave, il était impossible de récupérer les fonds plats de la coque trop enfouie dans le sable. Il me plaît à penser qu'un peu de ce bateau, un peu de son histoire, repose encore là, dans les eaux, dans son élément. Au cours de sa courte carrière, Champlain aura transporté en tout 82 054 passagers. Mon récit est maintenant terminé. Afin de réaliser cet épisode, je me suis aidé du blog de Xavier Cuvelier-Roy, qui réunit beaucoup de documents et d'informations sur Champlain. Un vrai travail de passionné, dont je salue la mémoire.

Description

Champlain est un paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique qui connu un beau succès pendant sa courte carrière.

Il permit de mettre à l'étude les lignes qui seront réutilisées sur Normandie quelques années plus tard.

Son funeste destin pendant la guerre le fera sombrer dans l'oubli.

Il reste peu de choses de lui aujourd'hui, mais son épave fantomatique hanta longtemps le port de La Pallice et les voyageurs se rendant sur l'ile de Ré.

Embarquez avec moi pour découvrir l'intérieur et l'histoire du plus grand des petits paquebots.


Illustration:


Sons: 


Musiques:


  • A Gentle Breeze / good B Music (pixabay)

  • Les-ly / Mini Vandals (Youtube Library)

  • Dramatic nostalgic sad piano and cello (pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Si vous avez grandi dans les années 50-60 à proximité de la Rochelle, l'île de Ré, ou bien que vous faisiez partie de ces enfants qui prenaient le bac vers l'île de Ré justement, vous avez peut-être été interloqué par cette forme rouillée, cette cheminée dépassant de l'eau au large du port de La Pallice plus ou moins découverte en fonction des marées. Peut-être que vos parents ou les anciens qui traînaient le long du port vous répondaient alors C'est le Champlain ! Cette cheminée est reconnaissable entre mille, droite comme un I, haute, faisant comme une forme de chapeau en son sommet. C'est un navire oublié, mais on sait qu'il a existé. Il reste dans la mémoire de certains passionnés et son histoire demeure pour le moins intéressante, même si sa carrière fut courte. Trop courte. Champlain, pour Samuel de Champlain, explorateur, cartographe, géographe français qui fondera la ville de Québec. Voilà l'origine du nom de ce paquebot de la Transat à qui il souhaite rendre hommage. A la fin des années 20, la compagnie générale transatlantique est prospère et remporte un franc succès avec Ile-de-France mis en service en 1927 sur la ligne de New York. Paquebot ultra luxueux, au style art déco et destiné à une clientèle plutôt fortunée. Il est à présent le navire amiral de la flotte. En plus de cela, elle commence à proposer des croisières afin de s'adapter à la demande croissante et pour pallier à l'appauvrissement des flux migratoires vers les Etats-Unis. Mais en parallèle, il est temps de renouveler sa flotte. Si l'île de France vient prendre la succession du France de 1912, il faut aussi renouveler les petits paquebots destinés à sa clientèle la moins fortunée. La crise économique provoquée par le crash de 1929 ne peut que lui donner raison. Le Champlain sera donc destiné à remplacer le Rochambeau, navire à classe unique mis en service depuis 1911 entre le Havre et New York. Dans cette catégorie déjà en service, il y a également le Degrasse sur la ligne depuis 1924 et le Lafayette qui est commandé en même temps que le Champlain. Rappelons que la compagnie générale transatlantique est également en train d'étudier son futur super paquebot sous le nom de T6 qui prendra le nom de Normandie. Le Champlain sera un navire appelé cabine classe ship et dont les équipements et le confort sont destinés à des passagers répartis en deux classes. La classe cabine qui regroupe en gros première et seconde classe et la classe touriste. Néanmoins, Champlain possède une troisième classe avec le confort le plus basique possible qui partage certains espaces du navire avec la classe touriste. Champlain fera 195 mètres de long, 25 de large, 28 000 tonnes, et sera capable de transporter 1050 passagers et 560 membres d'équipage à une vitesse de 19 nœuds. Il n'est pas fait pour battre des records ou ravir le ruban bleu, non, laissons cela à Normandie. En tout, Champlain dispose de 643 cabines pour les passagers en cabine classe, 248 pour la classe touriste et 122 en troisième classe. Le Champlain se veut économique et sera propulsé par deux hélices latérales reliées à deux groupes de turbines vapeur, elles-mêmes alimentées par six chaudières Penwet. La puissance est portée en tout à 2500 chevaux. Champlain permet de mettre à l'étude les lignes ultra-modernes qui préfigurent celles de Normandie. Ainsi, comme sur Normandie, on retrouve une belle coquille lancée avec l'encorbeillement de la poupe, le pont de promenade du pont Béarrière couvert et avec les mêmes parvents latéraux qu'on retrouve encore aujourd'hui sur Queen Mary de Lune. Également, le mât avant est placé au-dessus de la timonnerie et non plus devant, afin de ne pas gêner la vue. Champlain est construit dans les chantiers navals de Penwet à Saint-Nazaire. A cause d'un retard du versement des subventions de l'Etat français, le chantier ne démarque qu'en 1931, alors que le Lafayette est déjà parti pour commencer sa courte carrière lui aussi. Assez vite, ces huit ponts s'élèvent. Ils sont aménagés comme ceci. L'entrée dans Champlain se fait depuis le promenade d'Aix, grand pont couvert qui donne sur le grand hall où se trouve donc le lobby avec son escalier majestueux et ses ascenseurs pour desservir les différents ponts. Le ton est donné. Même si Champlain est un cabine-clash-ship, la décoration et le confort sont soignés. L'escalier mélange bois de scie comme or, vernis et fer forgé joliment travaillé dans le pur style art déco. L'ensemble est surmonté par un magnifique dôme laissant descendre la lumière du jour dans tout l'escalier. Le mur face à cet escalier est recouvert d'un gigantesque miroir donnant une impression de grandeur vertigineuse au hall d'entrée. De chaque côté de l'escalier, on trouve la bibliothèque et un salon d'écriture. Derrière, ce sont les cabines de classe cabine, idem lorsqu'on longe les coursives après l'ascenseur. Une succession de cabines. Ces cabines, justement, sont composées de deux lits simples avec une coiffeuse et son joli miroir ovale entre les deux lits. Au sol, on y retrouve une belle moquette feutrée et les murs sont blancs ou bien avec un plaquage bois donnant à la pièce une allure cossue. Dans les cabines de cabine classe, on a un accès à l'eau courante, chaude et froide. Les salles de bain sont communes avec seulement 4 ou 5 autres cabines. C'est également à ce pont qu'on trouve, à l'avant, le pont de promenade de 3ème classe et à l'arrière, le pont de promenade des classes touristes, entre les grues de chargement. Remontons d'un étage. Nous voici au boat deck, soit le pont des embarcations. A ce niveau, vous pouvez vous rendre dans le fumoir très joliment décoré, très lumineux puisque bordé de part et d'autre de grandes fenêtres et surmonté d'un dôme laissant entrer la lumière du jour. Les murs sont tapissés de cuir en peau de cochon. Les poteaux sont sculptés et représentent des figures évoquant des jeux de cartes ou des personnages des contes et légendes des chevaliers de la table ronde. On peut donc y voir un valet de trèfle, une dame de cœur, d'autres sont à l'effigie même de Berthe au grand pied. Lancelot du Lac, le roi Arthur, tous ces panneaux sont signés Alfred Bottiot. La pièce est meublée avec des petits fauteuils club placés autour de tables carrées. Au fond, sous un tableau, une grande banquette en cuir peut accueillir l'océan de plusieurs convives. Derrière ce fumoir, à l'arrière de Champlain, c'est le café-terrasse, très épuré, avec ses fauteuils en osier blanc et ses petites tables carrées, son bar en forme d'arc de cercle et ses grandes fenêtres donnant vue sur l'arrière du paquebot et ses ponts découverts. Revenons dans le lobby et traversons-le. Nous voici arrivés dans le grand salon. Dessiné par René Proulx, un spécialiste de l'aménagement et décoration de paquebots. C'est majestueux et une fois de plus très lumineux. Le sol est couvert de moquettes. Les murs au fond de la pièce sont habillés de grands miroirs donnant à la pièce une impression de profondeur infinie. Autour de ces miroirs, une peinture magistrale de Samuel de Champlain bien sûr, dans un décor de verdure avec des Indiens, en arrière-plan son bateau et une ville rappelant qu'il est un navigateur, explorateur et qu'il fonda la ville de Québec. Le mobilier est composé là aussi de tables carrées autour desquelles on trouve des beaux fauteuils tapissés d'un tissu à motif floral. A ce niveau du bateau, il n'y a pas d'autre espace réservé aux passagers. Mais comme il est nommé boat deck c'est donc là qu'il faudra vous rendre pour évacuer le champ plein en cas de naufrage. Vous trouverez donc 24 canaux exactement, dont 14 pouvant embarquer 88 passagers chacun, 8 prévus pour 46 personnes et 2 autres pour 33 seulement. Le niveau encore au-dessus est le Lower Sun Deck. Si vous cherchez à vous maintenir en forme pendant votre traversée, c'est ici que vous trouverez le gymnase avec un salon de massage, eh oui. C'est sur ce pont que les enfants trouveront leur salle de jeu et c'est ici également que se trouve la salle radio de Champlain, qui est la plus moderne de son époque. Et là, tout à l'avant, on trouve la timonnerie bien sûr, équipée entre autres d'un sondeur de fond pour donner la profondeur exacte toutes les trois minutes. Empruntons un dernier escalier qui nous mène au plus grand Sun Deck, 32 mètres de long, à sillonner l'Atlantique en ce début des années 30, messieurs-dames. Et oui, il ne sera détrôné qu'en 1935 par son petit frère, le Normandie. C'est là qu'on peut profiter des jeux de plein air organisés par l'équipage, tel que le badminton. D'ailleurs, regardez, il y a des filets. Allez, redescendons de quelques ponts pour arriver sur le pont A. C'est ici que se trouve le salon de coiffure, le cabinet du médecin de bord pour les petits mots et une succession de cabines de classe cabine justement. A l'arrière, le fumoir de classe touriste ainsi que leur pont de promenade couvert. Et tout à l'avant, côté bas-bord, le salon très épuré des 3e classes. Épuré oui, mais non pas moins stylisé. Un lino au sol avec des formes géométriques de différentes couleurs, des fauteuils de bois à l'assise et au dossier recouverts de skye et des jolis luminaires carrés au plafond. Des jeux de société sont à la disposition des passagers. Dans cette pièce, on y retrouve par exemple jeux de dames ou d'échecs. En face de ce salon, de l'autre côté du lobby, c'est le salon de classe touriste. La décoration y est bien plus soignée et n'est finalement pas très éloignée de celle des classes cabines. L'assise des fauteuils est rembourrée, leur forme est vasée et accueillante, on trouve des fresques aux murs et un très joli miroir rond de bonne taille. Descendons d'un niveau pour arriver sur le pont B. Côté tribord, vers l'avant du Champlain, se trouve l'entrée pour les classes touristes ainsi que leur salon de coiffure. Partant vers l'arrière, une nouvelle succession de cabines. Sur ce pont tout à l'avant, des cabines ou dortoirs pour les stewards et membres d'équipage. Rendons-nous enfin sur le pont C. C'est là que vous trouverez la salle à manger. Nous y descendons par un bel escalier de marbre avec une main courante en fer forgé. Là encore, la décoration est signée René Proulx. Les murs sont décorés de panneaux de pierre rose. En son centre, une grande colonne en haut de laquelle trône fièrement une statue féminine symbolisant la jeunesse. A nouveau l'œuvre de Alfred Bottio. Autour de cette colonne sont disposées des tables carrées pour 2, 4 ou 6 personnes. La salle à manger est divisée sur les extrémités par des panneaux en fer forgé sublimement travaillés, lui donnant des airs de patio espagnol. Le plafond est haut et ressemble à une pergola d'où vient la lumière artificielle. Les fauteuils sont habillés de tissus verts et roses, et au mur, on trouve par endroit des œuvres d'art signées Lachenal, Terroir, Dora et Scor. Pour mieux vous la représenter, je vous invite à aller voir des photos, j'en posterai sur mes pages Facebook et Instagram. Atenant à cette salle à manger, on trouve la salle à manger des enfants, décorée de panneaux de marqueterie bleu et rose. Au milieu de ce pont, la cuisine bien sûr, avec la boulangerie. Ces aménagements sont communs afin de préparer les repas pour la salle à manger de classe touriste et 3ème classe également. Juste derrière la cuisine se trouve cette salle à manger. Plus petite, cela va de soi. La décoration y est plus épurée et moins soignée que celle de leur salon, mais ce n'est que mon avis. On y trouve des nappes à carreaux, des chaises en bois et des petits globes lumineux au plafond. A l'arrière du pont C, des cabines pouvant être converties en classe touriste ou 3ème classe en fonction des réservations. Les cabines de 3ème classe sont très très simples. Cabine pour 4 personnes, avec des lits superposés en fer blanc. Entre les deux, un lavabo surmonté d'un petit miroir rectangle et d'une applique murale. Deux petites étagères pour ranger vos quelques affaires de toilette. Les murs sont habillés de panneaux de bois peints en blanc. Revenons à l'avant. On y trouve une imprimerie. Souvenez-vous qu'on y imprimait le journal L'Atlantique à bord des paquebots de la Transat. A nouveau, il y a aussi des quartiers et cabines réservées à l'équipage. Sur le pont B, au centre de Champlain, les cabines de classe touriste et 3ème classe côté bas-bord. Et essentiellement, des espaces réservés à l'équipage, leur cuisine, les cabines des musiciens, les espaces des pompiers, les cabines des stewards, etc. Et enfin, tout au fond, les entrailles de la bête, la salle des machines, les cales, les caves à vin, les chambres froides, le garage à voiture, etc. Voilà, nous avons fait le tour dans les grandes lignes de Champlain. Vous constatez donc qu'il n'a rien à envier au grand liner luxueux en service sur la ligne de New York. Et qu'il a de très très bons arguments qui en font un navire de choix parmi les cabines classe des autres compagnies comme le britannique ou le georgique de la White Star Line, ou le franconia et le laconia de la Cunard. Son confort est même un cran au-dessus de son frère le Lafayette mis en service en 1930. Une fois le paquebot mis à l'eau le 15 mai 1931, puis terminé dans les 12 mois qui suivent, il réalise ses essais en mer le 5 et 6 mai 1932. C'est à cette occasion qu'on constate qu'à pleine vitesse, Champlain atteint les 21 nœuds. Il pourra donc effectuer la traversée vers New York en 7 jours. Le 18 juin 1932, Champlain part donc pour son voyage inaugural. Évidemment, il ne pouvait pas emprunter cette route en portant ce nom sans faire une escale par Québec. Cela étant fait, il arrive à New York le 25 juin. Au cours de son voyage retour vers le Havre, il effectue la traversée de l'Atlantique Nord en 6 jours, 16 heures et 20 minutes. Tout à fait honorable pour un paquebot navigant à allure modérée et un record pour cette catégorie de cabin ship. A cette occasion, le journaliste Henri Rouleau était à bord de Champlain pour revenir des Etats-Unis. Lui qui était plutôt sceptique sur le luxe et le confort de Champlain en descendra conquis et il publiera un très bel article dont voici un petit extrait qui, je trouve, résume bien l'avenir prometteur qui attendait Champlain et la French Line. J'ai admiré, en proie même à une violente émotion, riche décoration et machinerie titanesque, en faisant sur l'heure ce raisonnement très simpliste mais combien réconfortant. Si les Américains empruntent la French Line qui, en fait, concurrence leur ligne nationale, c'est qu'ils leur chantent de vivre quelques journées et quelques nuits merveilleuses dans l'atmosphère élégante et confortable créée par nos artistes. C'est qu'au départ de New York, ils savent trouver sur nos bateaux un avant-goût de la belle et douce France. Si leurs dollars sont ainsi drainés par la French Line pour un milliard de francs par an, se répartissant entre les industries multiples, les commerçants innombrables, les 25 000 gens de mer et ouvriers des chantiers navals, le fisc français, etc. C'est que nos paquebots, comme le jeune Champlain, grâce à leurs attraits et à leur sécurité sans cesse contrôlée, tiennent haut et ferme le pavillon tricolore et que le rayonnement de notre génie attire et séduit par ses conceptions inégalées, les cœurs américains. Et, puisque ces conceptions, toutes luxueuses et opulentes qu'elles soient, obtiennent la grande faveur des passagers d'outre-Atlantique, il importe de les maintenir, même de les développer sur les grandes lignes maritimes. Elle représente en effet les progrès féériques accomplis par notre science et notre industrie dans tous les domaines. Puisque le paquebot moderne est une ville flottante, elle révèle aux étrangers les ressources infinies de notre architecture navale, la délicatesse de nos artistes et la conscience de nos artisans. Elle rehausse enfin d'un éclat sans pareil le prestige de la mère patrie où furent conçus, construits, lancés, aménagés et d'où partent chaque semaine les merveilleux navires à la poupe desquels claque fièrement le pavillon national français. Champlain rencontre donc le succès tant auprès de ses compatriotes que de la clientèle américaine et vient un peu plus dorer le blason de la French Line. C'est un avion remarquable, novateur et bien proportionné, facilement reconnaissable grâce à sa coque et à sa cheminée au design unique en son genre. C'est en quelque sorte un chef-d'œuvre. Ce chef-d'œuvre, aussi bien proportionné soit-il, présente tout de même un défaut. Sa jolie petite cheminée est... eh bien, trop petite justement. La suie n'est pas évacuée suffisamment haut et retombe donc sur le sun deck et les plages arrières. Le 10 septembre 1936, Champlain retourne donc au chantier. Sa cheminée n'est pas seulement rehaussée, elle va bénéficier d'une innovation appelée système strombos. Ce sont des sortes d'ouïes, des ouvertures dans la tôle de la cheminée qui viennent stabiliser par un flux d'air la fumée évacuée et ainsi éviter, en tout cas limiter, les retombées de suie. Cette cheminée est l'œuvre de l'ingénieur Valézy, ce même ingénieur qui dessinera plus tard les cheminées iconiques de France. Une fois cette modification terminée, Champlain quitte les chantiers et retourne effectuer ses rotations à la fin du mois d'octobre 1936. Rien ne saurait venir troubler ces belles années qui se dessinent. Normandie a rejoint la flotte en 1935, imposant la French Line comme une compagnie de premier choix, et forçant le respect de toutes les autres compagnies qui le jalousent. Voyez à ses côtés l'Île-de-France, le Lafayette et le Champlain, qui part régulièrement faire des croisières vers Nassau, la Havane ou le Canada. La fin des années 30 approche, et son bouleversement mondial avec. Mes recherches m'ont fait tomber sur un rapport du commandant de bord au cours d'une liaison entre Le Havre et New York, pendant le mois de juillet 1939, moins de deux mois avant la Seconde Guerre mondiale. Champlain arrivera en retard pour un tas de raisons, dont des manœuvres difficiles et des mauvaises conditions. Mais l'une d'entre elles est pour le moins quelque peu originale, suffisamment rare pour être mentionnée. La voici. Trois jours avant l'arrivée à New York, une de nos passagères est tombée gravement malade. Le médecin de bord vint m'informer qu'une opération chirurgicale urgente devait être envisagée pour sauver sa vie. J'ai télégraphé aussitôt à l'amirauté canadienne à Halifax, demandant son aide, et un destroyer nous fut expédié avec chirurgien et matériel nécessaire. Il dut parcourir 500 000 marins à la vitesse de 30 nœuds, et nous a rejoint en mer dans l'après-midi du 19 juillet. Après consultation à bord, la malade paraissait en meilleures conditions. Il fut décidé qu'il était préférable que nous l'amenions à New York. Cet incident nous a fait une bonne réclame parmi les passagers et la presse à New York. Le déroulement et le stoppage nous ont causé trois heures de retard. Un bel exemple de ce qu'il peut parfois se passer en mer. Nous voici donc en septembre 1939. L'inévitable seconde guerre mondiale éclate alors que le Champlain est en liaison entre le Havre et New York. Il accoste quai de la French Line le 5 septembre à côté de Normandie. 1089 passagers débarquent. C'est supérieur à son taux de remplissage mais cela s'explique par tous les civils et ressortissants étrangers préférant quitter le sol français avant le début du conflit. Le rapport du second capitaine note que le navire est camouflé en gris neutre, dont une seule couche suffit. Il note la bonne qualité de la peinture qui, après plus de 15 jours de navigation, ne s'est pas enlevée. Il note également que cette peinture qui ne brille pas le rend le champ plein peu visible, surtout en pleine nuit. Les hublots et fenêtres sont eux aussi recouverts de peinture grise qui, d'après le second capitaine toujours, part facilement et sans gratter si on utilise de la pâte à lustrer le cuivre. Les travaux de peinture du Champlain dureront trois jours à New York. En parallèle, on décide que Normandie reste à New York, où on le pense plus en sécurité, loin du conflit qui ébranle l'Europe et dont les États-Unis n'ont pas encore pris part. Certaines photos sont donc très fortes. On y voit Champlain et Queen Mary vêtues de leur robe grise, terne, triste, et Normandie portant fièrement ses couleurs, contrastant avec ce triste tableau et les temps durs qui suivront. Champlain repart de New York le 9 septembre avec seulement 13 passagers à bord. Mais vous le savez, l'avancée fulgurante des Allemands, ultra préparée et inarrêtable, et la défaite de la France et des Britanniques devient vite une évidence. Le 4 juin 1940, Champlain quitte pour la toute dernière fois New York. A son bord, on vient de charger des lingots de cuivre, beaucoup de matériel de guerre dont deux canons, et répartis entre ses cales et ses ponts supérieurs, 30 avions Curtis en pièces détachées rangées dans des caisses. On y embarque également 200 passagers dont Étienne Payen de la Garanderie, commandant du Normandie qui a décidé de rentrer auprès de sa famille ayant de plus en plus de mal à communiquer avec les siens. Personne ne profitera de son sun deck complètement encombré par les caisses pendant cette traversée. Champlain arrive à Saint-Nazaire cette fois où il débarque ses passagers le 12 juin. Le contexte est tendu. Souvenez-vous que, quelques jours auparavant, eut lieu à Dunkerque l'opération Dynamo, au cours de laquelle l'amirauté britannique a évacué ses troupes. En grande partie on va dire, car il en reste encore beaucoup qui ont été appelés à se masser à Saint-Nazaire en vue d'y être embarqués vers l'Angleterre. J'y rentre plus en détail dans mon épisode consacré au Lancastria. Je vous invite à l'écouter si ce n'est pas déjà fait. La tension monte de jour en jour. L'aviation allemande survole la zone, des bombardements ont lieu, des navires sont coulés dans le golfe de Gascogne. Les caisses d'avions Curtis devaient y être débarquées pour être assemblées dans les usines du centre aéronautique de Bourges. Le 16 juin, Saint-Nazaire connaît son premier bombardement. De crainte que les Allemands prennent la cargaison où coule le navire qui viendrait boucher l'embouchure, on demande au Champlain de quitter Saint-Nazaire et d'aller se mettre à l'abri en rate du port de la Palisse à la Rochelle. Il emporte avec lui un peu moins de 200 nouveaux passagers, uniquement des civils, dont beaucoup d'employés de la Transat. Demain, à la Palisse, on prévient le personnel de bord qu'ils vont accueillir des passagers qu'ils seront surpris de voir à bord. Afin de préparer l'arrivée de ces nouveaux passagers, des vivres et des draps propres sont chargés à bord de Champlain. On apprendra bien plus tard que ces mystérieux passagers étaient des membres du gouvernement français et leur famille, qui prenaient la fuite après la chute du gouvernement. Ils espéraient pouvoir constituer un nouveau gouvernement en exil, loin de la pression des Allemands. Champlain aurait dû les emmener à Alger. Ils embarqueront finalement à Bordeaux, à bord du Massilia. C'est une toute autre histoire rocambolesque qui ne se solde pas par un naufrage. Champlain arrive à La Palisse en fin de journée le 16 juin, et reste en rade en attendant qu'on lui demande d'entrer dans le port pour venir décharger ses passagers et son chargement. Il jette son encre qui vient toucher le fond, scellant à cet instant le sort qui sera le sien. Dans la soirée, l'aviation allemande avait survolé la zone en larguant des mines magnétiques. L'une de ces mines n'est pas très loin du Champlain. La nuit passe et au matin du 17 juin 1940, avec l'action de la marée, Champlain commence naturellement à tourner sur son encre. Il est autour de 9h du matin lorsqu'une puissante détonation secoue le Champlain. Il vient de heurter la mine sur tribord arrière, précisément sous la chaufferie. L'arrière se soulève, le panneau de cale vole en éclats, la soute à mazout est éventrée et commence à se répandre autour de Champlain. Immédiatement, le commandant Lescaret fait descendre. prendre les cloisons étanches. Tout se passe très, très vite, à tel point que l'ordre d'évacuation est donné à la voie. Champlain accuse une gîte importante sur bas bord, rendant difficile la mise à l'eau des canaux. Beaucoup se laissent alors glisser le long de sa coque et viennent se dépêtrer dans le mazout, où ils sont hissés à bord des chaloupes qu'on a réussi à mettre à l'eau. Certaines se sont retournées lors de la mise à l'eau, précipitant dans le mazout ses occupants. Au bout de 7 minutes seulement, Champlain touche le fond à environ 13 mètres, laissant seulement dépasser sa cheminée inclinée à 50 degrés sur Babin. La violente explosion fut entendue et même ressentie à la palice. Immédiatement, des bateaux vinrent au secours des naufragés. 270 personnes furent sauvées ce matin-là, passagers et membres d'équipage. On compte 12 morts parmi les mécaniciens présents dans la chaufferie au moment de l'explosion. Évidemment, il y a de nombreux blessés qui sont amenés vers les hôpitaux du coin. Champlain est perdu. Le même jour, quelques heures plus tard, le Lancastria coulera lui aussi à Saint-Nazaire, faisant beaucoup plus de victimes, et c'est ce qui viendra porter confusion sur le naufrage du Champlain. Certains diront qu'il transportait des troupes anglaises. C'est faux, ils confondent avec le Lancastria. L'agonie du Champlain n'est pour autant pas terminée. Le 21 juin, le U-65 sous le commandement du capitaine Von Strokesen quadrille la zone et il estime probablement que le Champlain pourrait être récupéré, ce qui est tout à fait improbable. Il ordonne alors le tir non pas de une, mais deux torpilles qui viennent exploser dans la coque du Champlain. Cette démarche était ridicule puisque trois jours plus tard, la Rochelle sera prise par les Allemands. Au cours du mois de novembre 1940, un ouragan frappe les côtes françaises. La tempête, ses courants et ses vagues puissantes viennent redresser un peu le Champlain. En 1941, les Allemands missionnent l'entreprise marseillaise Serra, spécialisée dans les travaux maritimes. Ils leur demandent de récupérer la cargaison de Champlain et de tenter de le renflouer. Des scaphandriers descendent alors sur l'épave. S'ils parviennent à en extraire toute sa cargaison ainsi que ses machines et beaucoup d'équipements qui permettront aux Allemands d'entretenir entre autres leurs sous-marins, il apparaît en revanche qu'il est impossible de renflouer Champlain, trop endommagé et trop enfoncé dans le fond sable au nu. Au cours de ces opérations, trois scaphandriers perdent la vie. Une petite anecdote. Un jour, l'un d'entre eux qui travaillait à remonter des cales la cargaison remonte précipitamment sur sa barque et sort discrètement de sous son plomb un lingot de cuivre qu'il tend à son collègue en lui faisant signe de le cacher. Il répète cette action plusieurs fois sous le regard interloqué de son collègue qui finit par ouvrir la vitre de son scaphandre et lui demande ce qu'il fait. Il lui rétorque alors que c'est de l'or et il demande prestement de le cacher. Son collègue lui fait alors remarquer que ce n'est pas de l'or mais du cuivre. L'affaire ne s'arrête pas là. Le responsable de chantier constate un jour que l'une des barques est plus enfoncée que les autres dans l'eau. En inspectant cette barque, il découvre que des lingots de cuivre ont été attachés en dessous. La guerre prit fin, vous le savez. Mais le Champlain demeura ainsi, perdant petit à petit sa couleur grise, laissant à nouveau deviner la couleur rouge et noire de sa cheminée, qui devint ensuite rouille, laissant apparaître les traces du rehaussement de sa cheminée, dont on voit nettement sur les photos la découpe et les tôles ajoutées. Il passa entre les mains de plusieurs entreprises entre la fin des années 40 et 50, qui tentèrent à leur tour de le renflouer pour aller le démanteler. Tous arrivèrent au même constat. C'est impossible. C'est ainsi que, bien avant la construction du pont de l'île de Ré qui ne sera ouvert qu'en 1988, tous ceux qui souhaitaient rejoindre l'île devaient le faire par bateau ou par le bac. Ils pouvaient alors observer la triste silhouette du champ plein. rappelant les heures sombres de l'occupation pour certains ou se souvenant de sa splendeur pour ceux qui avaient eu la chance de voyager à son bord ou de le voir passer au large des belles côtes françaises. Peut-être imaginait-il sa sublime salle à manger complètement submergée, recouverte de sédiments, son mobilier se désagrégeant sous le plancton et les algues qui prenaient possession des lieux. Peut-être tendait-il l'oreille pour entendre claquer une tôle rouillée, comme un signe de salut de Champlain, que seules les mouettes et goélands viennent à présent visiter. Au gré du vent, des embras marins, des courants et des tempêtes, Champlain ne bougea pas. Il faudra attendre 1963 pour que, enfin, l'entreprise Serra, à nouveau, vienne découper sur place l'épave de Champlain. L'opération dura six ans et sera achevée en 1969. Toutefois, des zones d'ombre demeurent. On ne sait pas ce que sont devenus les éléments décoratifs de Champlain. Ont-ils été démontés au cours d'une escale au Havre ou à New York ? Sont-ils restés à bord jusqu'à la fin ? Par exemple, la statue de la jeunesse qui était dans la salle à manger fut vendue aux enchères par la maison Drouot en 1998. On ignore quelle était sa provenance, ni ce qu'elle est devenue. Probablement partie dans une collection privée. Idem pour les colonnes du fumoir. Quelle fût leur sort ? Où sont-elles aujourd'hui ? Chez un particulier ou bien dans les réserves de la French Line qui ne les a pas encore répertoriées ? Si vous avez des informations, n'hésitez pas à me les partager. Si toutefois vous souhaitez approcher une relique de Champlain, rendez-vous à Honfleur, à la lieutenance exactement, à l'angle de la rue du Vieux-Bassin. Levez les yeux, vous verrez un buste en bronze représentant Samuel de Champlain. Ce buste ornait un espace commun à la rue du Vieux-Bassin. A bord du Champlain. Il fut trouvé chez un antiquaire par un mécène québécois qui en fit don à la ville de Honfleur, d'où était parti Samuel de Champlain lors de son voyage en vue de fonder la ville de Québec. Dans l'une des vitrines, au musée de la marine à Paris, vous tomberez sur l'un des éléments qui constituait la sirène de Champlain. Au musée du Bon Coeur, à La Rochelle, au détour d'une vitrine, votre œil sera attiré par une bande de bâchis portant le nom Champlain, au-dessus de laquelle vous pourrez observer une assiette de porcelaine et de l'argenterie provenant de l'épave. C'est tout ce qu'il reste de connu de Champlain. Bon. Toutefois, au cours du découpage de l'épave, il était impossible de récupérer les fonds plats de la coque trop enfouie dans le sable. Il me plaît à penser qu'un peu de ce bateau, un peu de son histoire, repose encore là, dans les eaux, dans son élément. Au cours de sa courte carrière, Champlain aura transporté en tout 82 054 passagers. Mon récit est maintenant terminé. Afin de réaliser cet épisode, je me suis aidé du blog de Xavier Cuvelier-Roy, qui réunit beaucoup de documents et d'informations sur Champlain. Un vrai travail de passionné, dont je salue la mémoire.

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Description

Champlain est un paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique qui connu un beau succès pendant sa courte carrière.

Il permit de mettre à l'étude les lignes qui seront réutilisées sur Normandie quelques années plus tard.

Son funeste destin pendant la guerre le fera sombrer dans l'oubli.

Il reste peu de choses de lui aujourd'hui, mais son épave fantomatique hanta longtemps le port de La Pallice et les voyageurs se rendant sur l'ile de Ré.

Embarquez avec moi pour découvrir l'intérieur et l'histoire du plus grand des petits paquebots.


Illustration:


Sons: 


Musiques:


  • A Gentle Breeze / good B Music (pixabay)

  • Les-ly / Mini Vandals (Youtube Library)

  • Dramatic nostalgic sad piano and cello (pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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    Si vous avez grandi dans les années 50-60 à proximité de la Rochelle, l'île de Ré, ou bien que vous faisiez partie de ces enfants qui prenaient le bac vers l'île de Ré justement, vous avez peut-être été interloqué par cette forme rouillée, cette cheminée dépassant de l'eau au large du port de La Pallice plus ou moins découverte en fonction des marées. Peut-être que vos parents ou les anciens qui traînaient le long du port vous répondaient alors C'est le Champlain ! Cette cheminée est reconnaissable entre mille, droite comme un I, haute, faisant comme une forme de chapeau en son sommet. C'est un navire oublié, mais on sait qu'il a existé. Il reste dans la mémoire de certains passionnés et son histoire demeure pour le moins intéressante, même si sa carrière fut courte. Trop courte. Champlain, pour Samuel de Champlain, explorateur, cartographe, géographe français qui fondera la ville de Québec. Voilà l'origine du nom de ce paquebot de la Transat à qui il souhaite rendre hommage. A la fin des années 20, la compagnie générale transatlantique est prospère et remporte un franc succès avec Ile-de-France mis en service en 1927 sur la ligne de New York. Paquebot ultra luxueux, au style art déco et destiné à une clientèle plutôt fortunée. Il est à présent le navire amiral de la flotte. En plus de cela, elle commence à proposer des croisières afin de s'adapter à la demande croissante et pour pallier à l'appauvrissement des flux migratoires vers les Etats-Unis. Mais en parallèle, il est temps de renouveler sa flotte. Si l'île de France vient prendre la succession du France de 1912, il faut aussi renouveler les petits paquebots destinés à sa clientèle la moins fortunée. La crise économique provoquée par le crash de 1929 ne peut que lui donner raison. Le Champlain sera donc destiné à remplacer le Rochambeau, navire à classe unique mis en service depuis 1911 entre le Havre et New York. Dans cette catégorie déjà en service, il y a également le Degrasse sur la ligne depuis 1924 et le Lafayette qui est commandé en même temps que le Champlain. Rappelons que la compagnie générale transatlantique est également en train d'étudier son futur super paquebot sous le nom de T6 qui prendra le nom de Normandie. Le Champlain sera un navire appelé cabine classe ship et dont les équipements et le confort sont destinés à des passagers répartis en deux classes. La classe cabine qui regroupe en gros première et seconde classe et la classe touriste. Néanmoins, Champlain possède une troisième classe avec le confort le plus basique possible qui partage certains espaces du navire avec la classe touriste. Champlain fera 195 mètres de long, 25 de large, 28 000 tonnes, et sera capable de transporter 1050 passagers et 560 membres d'équipage à une vitesse de 19 nœuds. Il n'est pas fait pour battre des records ou ravir le ruban bleu, non, laissons cela à Normandie. En tout, Champlain dispose de 643 cabines pour les passagers en cabine classe, 248 pour la classe touriste et 122 en troisième classe. Le Champlain se veut économique et sera propulsé par deux hélices latérales reliées à deux groupes de turbines vapeur, elles-mêmes alimentées par six chaudières Penwet. La puissance est portée en tout à 2500 chevaux. Champlain permet de mettre à l'étude les lignes ultra-modernes qui préfigurent celles de Normandie. Ainsi, comme sur Normandie, on retrouve une belle coquille lancée avec l'encorbeillement de la poupe, le pont de promenade du pont Béarrière couvert et avec les mêmes parvents latéraux qu'on retrouve encore aujourd'hui sur Queen Mary de Lune. Également, le mât avant est placé au-dessus de la timonnerie et non plus devant, afin de ne pas gêner la vue. Champlain est construit dans les chantiers navals de Penwet à Saint-Nazaire. A cause d'un retard du versement des subventions de l'Etat français, le chantier ne démarque qu'en 1931, alors que le Lafayette est déjà parti pour commencer sa courte carrière lui aussi. Assez vite, ces huit ponts s'élèvent. Ils sont aménagés comme ceci. L'entrée dans Champlain se fait depuis le promenade d'Aix, grand pont couvert qui donne sur le grand hall où se trouve donc le lobby avec son escalier majestueux et ses ascenseurs pour desservir les différents ponts. Le ton est donné. Même si Champlain est un cabine-clash-ship, la décoration et le confort sont soignés. L'escalier mélange bois de scie comme or, vernis et fer forgé joliment travaillé dans le pur style art déco. L'ensemble est surmonté par un magnifique dôme laissant descendre la lumière du jour dans tout l'escalier. Le mur face à cet escalier est recouvert d'un gigantesque miroir donnant une impression de grandeur vertigineuse au hall d'entrée. De chaque côté de l'escalier, on trouve la bibliothèque et un salon d'écriture. Derrière, ce sont les cabines de classe cabine, idem lorsqu'on longe les coursives après l'ascenseur. Une succession de cabines. Ces cabines, justement, sont composées de deux lits simples avec une coiffeuse et son joli miroir ovale entre les deux lits. Au sol, on y retrouve une belle moquette feutrée et les murs sont blancs ou bien avec un plaquage bois donnant à la pièce une allure cossue. Dans les cabines de cabine classe, on a un accès à l'eau courante, chaude et froide. Les salles de bain sont communes avec seulement 4 ou 5 autres cabines. C'est également à ce pont qu'on trouve, à l'avant, le pont de promenade de 3ème classe et à l'arrière, le pont de promenade des classes touristes, entre les grues de chargement. Remontons d'un étage. Nous voici au boat deck, soit le pont des embarcations. A ce niveau, vous pouvez vous rendre dans le fumoir très joliment décoré, très lumineux puisque bordé de part et d'autre de grandes fenêtres et surmonté d'un dôme laissant entrer la lumière du jour. Les murs sont tapissés de cuir en peau de cochon. Les poteaux sont sculptés et représentent des figures évoquant des jeux de cartes ou des personnages des contes et légendes des chevaliers de la table ronde. On peut donc y voir un valet de trèfle, une dame de cœur, d'autres sont à l'effigie même de Berthe au grand pied. Lancelot du Lac, le roi Arthur, tous ces panneaux sont signés Alfred Bottiot. La pièce est meublée avec des petits fauteuils club placés autour de tables carrées. Au fond, sous un tableau, une grande banquette en cuir peut accueillir l'océan de plusieurs convives. Derrière ce fumoir, à l'arrière de Champlain, c'est le café-terrasse, très épuré, avec ses fauteuils en osier blanc et ses petites tables carrées, son bar en forme d'arc de cercle et ses grandes fenêtres donnant vue sur l'arrière du paquebot et ses ponts découverts. Revenons dans le lobby et traversons-le. Nous voici arrivés dans le grand salon. Dessiné par René Proulx, un spécialiste de l'aménagement et décoration de paquebots. C'est majestueux et une fois de plus très lumineux. Le sol est couvert de moquettes. Les murs au fond de la pièce sont habillés de grands miroirs donnant à la pièce une impression de profondeur infinie. Autour de ces miroirs, une peinture magistrale de Samuel de Champlain bien sûr, dans un décor de verdure avec des Indiens, en arrière-plan son bateau et une ville rappelant qu'il est un navigateur, explorateur et qu'il fonda la ville de Québec. Le mobilier est composé là aussi de tables carrées autour desquelles on trouve des beaux fauteuils tapissés d'un tissu à motif floral. A ce niveau du bateau, il n'y a pas d'autre espace réservé aux passagers. Mais comme il est nommé boat deck c'est donc là qu'il faudra vous rendre pour évacuer le champ plein en cas de naufrage. Vous trouverez donc 24 canaux exactement, dont 14 pouvant embarquer 88 passagers chacun, 8 prévus pour 46 personnes et 2 autres pour 33 seulement. Le niveau encore au-dessus est le Lower Sun Deck. Si vous cherchez à vous maintenir en forme pendant votre traversée, c'est ici que vous trouverez le gymnase avec un salon de massage, eh oui. C'est sur ce pont que les enfants trouveront leur salle de jeu et c'est ici également que se trouve la salle radio de Champlain, qui est la plus moderne de son époque. Et là, tout à l'avant, on trouve la timonnerie bien sûr, équipée entre autres d'un sondeur de fond pour donner la profondeur exacte toutes les trois minutes. Empruntons un dernier escalier qui nous mène au plus grand Sun Deck, 32 mètres de long, à sillonner l'Atlantique en ce début des années 30, messieurs-dames. Et oui, il ne sera détrôné qu'en 1935 par son petit frère, le Normandie. C'est là qu'on peut profiter des jeux de plein air organisés par l'équipage, tel que le badminton. D'ailleurs, regardez, il y a des filets. Allez, redescendons de quelques ponts pour arriver sur le pont A. C'est ici que se trouve le salon de coiffure, le cabinet du médecin de bord pour les petits mots et une succession de cabines de classe cabine justement. A l'arrière, le fumoir de classe touriste ainsi que leur pont de promenade couvert. Et tout à l'avant, côté bas-bord, le salon très épuré des 3e classes. Épuré oui, mais non pas moins stylisé. Un lino au sol avec des formes géométriques de différentes couleurs, des fauteuils de bois à l'assise et au dossier recouverts de skye et des jolis luminaires carrés au plafond. Des jeux de société sont à la disposition des passagers. Dans cette pièce, on y retrouve par exemple jeux de dames ou d'échecs. En face de ce salon, de l'autre côté du lobby, c'est le salon de classe touriste. La décoration y est bien plus soignée et n'est finalement pas très éloignée de celle des classes cabines. L'assise des fauteuils est rembourrée, leur forme est vasée et accueillante, on trouve des fresques aux murs et un très joli miroir rond de bonne taille. Descendons d'un niveau pour arriver sur le pont B. Côté tribord, vers l'avant du Champlain, se trouve l'entrée pour les classes touristes ainsi que leur salon de coiffure. Partant vers l'arrière, une nouvelle succession de cabines. Sur ce pont tout à l'avant, des cabines ou dortoirs pour les stewards et membres d'équipage. Rendons-nous enfin sur le pont C. C'est là que vous trouverez la salle à manger. Nous y descendons par un bel escalier de marbre avec une main courante en fer forgé. Là encore, la décoration est signée René Proulx. Les murs sont décorés de panneaux de pierre rose. En son centre, une grande colonne en haut de laquelle trône fièrement une statue féminine symbolisant la jeunesse. A nouveau l'œuvre de Alfred Bottio. Autour de cette colonne sont disposées des tables carrées pour 2, 4 ou 6 personnes. La salle à manger est divisée sur les extrémités par des panneaux en fer forgé sublimement travaillés, lui donnant des airs de patio espagnol. Le plafond est haut et ressemble à une pergola d'où vient la lumière artificielle. Les fauteuils sont habillés de tissus verts et roses, et au mur, on trouve par endroit des œuvres d'art signées Lachenal, Terroir, Dora et Scor. Pour mieux vous la représenter, je vous invite à aller voir des photos, j'en posterai sur mes pages Facebook et Instagram. Atenant à cette salle à manger, on trouve la salle à manger des enfants, décorée de panneaux de marqueterie bleu et rose. Au milieu de ce pont, la cuisine bien sûr, avec la boulangerie. Ces aménagements sont communs afin de préparer les repas pour la salle à manger de classe touriste et 3ème classe également. Juste derrière la cuisine se trouve cette salle à manger. Plus petite, cela va de soi. La décoration y est plus épurée et moins soignée que celle de leur salon, mais ce n'est que mon avis. On y trouve des nappes à carreaux, des chaises en bois et des petits globes lumineux au plafond. A l'arrière du pont C, des cabines pouvant être converties en classe touriste ou 3ème classe en fonction des réservations. Les cabines de 3ème classe sont très très simples. Cabine pour 4 personnes, avec des lits superposés en fer blanc. Entre les deux, un lavabo surmonté d'un petit miroir rectangle et d'une applique murale. Deux petites étagères pour ranger vos quelques affaires de toilette. Les murs sont habillés de panneaux de bois peints en blanc. Revenons à l'avant. On y trouve une imprimerie. Souvenez-vous qu'on y imprimait le journal L'Atlantique à bord des paquebots de la Transat. A nouveau, il y a aussi des quartiers et cabines réservées à l'équipage. Sur le pont B, au centre de Champlain, les cabines de classe touriste et 3ème classe côté bas-bord. Et essentiellement, des espaces réservés à l'équipage, leur cuisine, les cabines des musiciens, les espaces des pompiers, les cabines des stewards, etc. Et enfin, tout au fond, les entrailles de la bête, la salle des machines, les cales, les caves à vin, les chambres froides, le garage à voiture, etc. Voilà, nous avons fait le tour dans les grandes lignes de Champlain. Vous constatez donc qu'il n'a rien à envier au grand liner luxueux en service sur la ligne de New York. Et qu'il a de très très bons arguments qui en font un navire de choix parmi les cabines classe des autres compagnies comme le britannique ou le georgique de la White Star Line, ou le franconia et le laconia de la Cunard. Son confort est même un cran au-dessus de son frère le Lafayette mis en service en 1930. Une fois le paquebot mis à l'eau le 15 mai 1931, puis terminé dans les 12 mois qui suivent, il réalise ses essais en mer le 5 et 6 mai 1932. C'est à cette occasion qu'on constate qu'à pleine vitesse, Champlain atteint les 21 nœuds. Il pourra donc effectuer la traversée vers New York en 7 jours. Le 18 juin 1932, Champlain part donc pour son voyage inaugural. Évidemment, il ne pouvait pas emprunter cette route en portant ce nom sans faire une escale par Québec. Cela étant fait, il arrive à New York le 25 juin. Au cours de son voyage retour vers le Havre, il effectue la traversée de l'Atlantique Nord en 6 jours, 16 heures et 20 minutes. Tout à fait honorable pour un paquebot navigant à allure modérée et un record pour cette catégorie de cabin ship. A cette occasion, le journaliste Henri Rouleau était à bord de Champlain pour revenir des Etats-Unis. Lui qui était plutôt sceptique sur le luxe et le confort de Champlain en descendra conquis et il publiera un très bel article dont voici un petit extrait qui, je trouve, résume bien l'avenir prometteur qui attendait Champlain et la French Line. J'ai admiré, en proie même à une violente émotion, riche décoration et machinerie titanesque, en faisant sur l'heure ce raisonnement très simpliste mais combien réconfortant. Si les Américains empruntent la French Line qui, en fait, concurrence leur ligne nationale, c'est qu'ils leur chantent de vivre quelques journées et quelques nuits merveilleuses dans l'atmosphère élégante et confortable créée par nos artistes. C'est qu'au départ de New York, ils savent trouver sur nos bateaux un avant-goût de la belle et douce France. Si leurs dollars sont ainsi drainés par la French Line pour un milliard de francs par an, se répartissant entre les industries multiples, les commerçants innombrables, les 25 000 gens de mer et ouvriers des chantiers navals, le fisc français, etc. C'est que nos paquebots, comme le jeune Champlain, grâce à leurs attraits et à leur sécurité sans cesse contrôlée, tiennent haut et ferme le pavillon tricolore et que le rayonnement de notre génie attire et séduit par ses conceptions inégalées, les cœurs américains. Et, puisque ces conceptions, toutes luxueuses et opulentes qu'elles soient, obtiennent la grande faveur des passagers d'outre-Atlantique, il importe de les maintenir, même de les développer sur les grandes lignes maritimes. Elle représente en effet les progrès féériques accomplis par notre science et notre industrie dans tous les domaines. Puisque le paquebot moderne est une ville flottante, elle révèle aux étrangers les ressources infinies de notre architecture navale, la délicatesse de nos artistes et la conscience de nos artisans. Elle rehausse enfin d'un éclat sans pareil le prestige de la mère patrie où furent conçus, construits, lancés, aménagés et d'où partent chaque semaine les merveilleux navires à la poupe desquels claque fièrement le pavillon national français. Champlain rencontre donc le succès tant auprès de ses compatriotes que de la clientèle américaine et vient un peu plus dorer le blason de la French Line. C'est un avion remarquable, novateur et bien proportionné, facilement reconnaissable grâce à sa coque et à sa cheminée au design unique en son genre. C'est en quelque sorte un chef-d'œuvre. Ce chef-d'œuvre, aussi bien proportionné soit-il, présente tout de même un défaut. Sa jolie petite cheminée est... eh bien, trop petite justement. La suie n'est pas évacuée suffisamment haut et retombe donc sur le sun deck et les plages arrières. Le 10 septembre 1936, Champlain retourne donc au chantier. Sa cheminée n'est pas seulement rehaussée, elle va bénéficier d'une innovation appelée système strombos. Ce sont des sortes d'ouïes, des ouvertures dans la tôle de la cheminée qui viennent stabiliser par un flux d'air la fumée évacuée et ainsi éviter, en tout cas limiter, les retombées de suie. Cette cheminée est l'œuvre de l'ingénieur Valézy, ce même ingénieur qui dessinera plus tard les cheminées iconiques de France. Une fois cette modification terminée, Champlain quitte les chantiers et retourne effectuer ses rotations à la fin du mois d'octobre 1936. Rien ne saurait venir troubler ces belles années qui se dessinent. Normandie a rejoint la flotte en 1935, imposant la French Line comme une compagnie de premier choix, et forçant le respect de toutes les autres compagnies qui le jalousent. Voyez à ses côtés l'Île-de-France, le Lafayette et le Champlain, qui part régulièrement faire des croisières vers Nassau, la Havane ou le Canada. La fin des années 30 approche, et son bouleversement mondial avec. Mes recherches m'ont fait tomber sur un rapport du commandant de bord au cours d'une liaison entre Le Havre et New York, pendant le mois de juillet 1939, moins de deux mois avant la Seconde Guerre mondiale. Champlain arrivera en retard pour un tas de raisons, dont des manœuvres difficiles et des mauvaises conditions. Mais l'une d'entre elles est pour le moins quelque peu originale, suffisamment rare pour être mentionnée. La voici. Trois jours avant l'arrivée à New York, une de nos passagères est tombée gravement malade. Le médecin de bord vint m'informer qu'une opération chirurgicale urgente devait être envisagée pour sauver sa vie. J'ai télégraphé aussitôt à l'amirauté canadienne à Halifax, demandant son aide, et un destroyer nous fut expédié avec chirurgien et matériel nécessaire. Il dut parcourir 500 000 marins à la vitesse de 30 nœuds, et nous a rejoint en mer dans l'après-midi du 19 juillet. Après consultation à bord, la malade paraissait en meilleures conditions. Il fut décidé qu'il était préférable que nous l'amenions à New York. Cet incident nous a fait une bonne réclame parmi les passagers et la presse à New York. Le déroulement et le stoppage nous ont causé trois heures de retard. Un bel exemple de ce qu'il peut parfois se passer en mer. Nous voici donc en septembre 1939. L'inévitable seconde guerre mondiale éclate alors que le Champlain est en liaison entre le Havre et New York. Il accoste quai de la French Line le 5 septembre à côté de Normandie. 1089 passagers débarquent. C'est supérieur à son taux de remplissage mais cela s'explique par tous les civils et ressortissants étrangers préférant quitter le sol français avant le début du conflit. Le rapport du second capitaine note que le navire est camouflé en gris neutre, dont une seule couche suffit. Il note la bonne qualité de la peinture qui, après plus de 15 jours de navigation, ne s'est pas enlevée. Il note également que cette peinture qui ne brille pas le rend le champ plein peu visible, surtout en pleine nuit. Les hublots et fenêtres sont eux aussi recouverts de peinture grise qui, d'après le second capitaine toujours, part facilement et sans gratter si on utilise de la pâte à lustrer le cuivre. Les travaux de peinture du Champlain dureront trois jours à New York. En parallèle, on décide que Normandie reste à New York, où on le pense plus en sécurité, loin du conflit qui ébranle l'Europe et dont les États-Unis n'ont pas encore pris part. Certaines photos sont donc très fortes. On y voit Champlain et Queen Mary vêtues de leur robe grise, terne, triste, et Normandie portant fièrement ses couleurs, contrastant avec ce triste tableau et les temps durs qui suivront. Champlain repart de New York le 9 septembre avec seulement 13 passagers à bord. Mais vous le savez, l'avancée fulgurante des Allemands, ultra préparée et inarrêtable, et la défaite de la France et des Britanniques devient vite une évidence. Le 4 juin 1940, Champlain quitte pour la toute dernière fois New York. A son bord, on vient de charger des lingots de cuivre, beaucoup de matériel de guerre dont deux canons, et répartis entre ses cales et ses ponts supérieurs, 30 avions Curtis en pièces détachées rangées dans des caisses. On y embarque également 200 passagers dont Étienne Payen de la Garanderie, commandant du Normandie qui a décidé de rentrer auprès de sa famille ayant de plus en plus de mal à communiquer avec les siens. Personne ne profitera de son sun deck complètement encombré par les caisses pendant cette traversée. Champlain arrive à Saint-Nazaire cette fois où il débarque ses passagers le 12 juin. Le contexte est tendu. Souvenez-vous que, quelques jours auparavant, eut lieu à Dunkerque l'opération Dynamo, au cours de laquelle l'amirauté britannique a évacué ses troupes. En grande partie on va dire, car il en reste encore beaucoup qui ont été appelés à se masser à Saint-Nazaire en vue d'y être embarqués vers l'Angleterre. J'y rentre plus en détail dans mon épisode consacré au Lancastria. Je vous invite à l'écouter si ce n'est pas déjà fait. La tension monte de jour en jour. L'aviation allemande survole la zone, des bombardements ont lieu, des navires sont coulés dans le golfe de Gascogne. Les caisses d'avions Curtis devaient y être débarquées pour être assemblées dans les usines du centre aéronautique de Bourges. Le 16 juin, Saint-Nazaire connaît son premier bombardement. De crainte que les Allemands prennent la cargaison où coule le navire qui viendrait boucher l'embouchure, on demande au Champlain de quitter Saint-Nazaire et d'aller se mettre à l'abri en rate du port de la Palisse à la Rochelle. Il emporte avec lui un peu moins de 200 nouveaux passagers, uniquement des civils, dont beaucoup d'employés de la Transat. Demain, à la Palisse, on prévient le personnel de bord qu'ils vont accueillir des passagers qu'ils seront surpris de voir à bord. Afin de préparer l'arrivée de ces nouveaux passagers, des vivres et des draps propres sont chargés à bord de Champlain. On apprendra bien plus tard que ces mystérieux passagers étaient des membres du gouvernement français et leur famille, qui prenaient la fuite après la chute du gouvernement. Ils espéraient pouvoir constituer un nouveau gouvernement en exil, loin de la pression des Allemands. Champlain aurait dû les emmener à Alger. Ils embarqueront finalement à Bordeaux, à bord du Massilia. C'est une toute autre histoire rocambolesque qui ne se solde pas par un naufrage. Champlain arrive à La Palisse en fin de journée le 16 juin, et reste en rade en attendant qu'on lui demande d'entrer dans le port pour venir décharger ses passagers et son chargement. Il jette son encre qui vient toucher le fond, scellant à cet instant le sort qui sera le sien. Dans la soirée, l'aviation allemande avait survolé la zone en larguant des mines magnétiques. L'une de ces mines n'est pas très loin du Champlain. La nuit passe et au matin du 17 juin 1940, avec l'action de la marée, Champlain commence naturellement à tourner sur son encre. Il est autour de 9h du matin lorsqu'une puissante détonation secoue le Champlain. Il vient de heurter la mine sur tribord arrière, précisément sous la chaufferie. L'arrière se soulève, le panneau de cale vole en éclats, la soute à mazout est éventrée et commence à se répandre autour de Champlain. Immédiatement, le commandant Lescaret fait descendre. prendre les cloisons étanches. Tout se passe très, très vite, à tel point que l'ordre d'évacuation est donné à la voie. Champlain accuse une gîte importante sur bas bord, rendant difficile la mise à l'eau des canaux. Beaucoup se laissent alors glisser le long de sa coque et viennent se dépêtrer dans le mazout, où ils sont hissés à bord des chaloupes qu'on a réussi à mettre à l'eau. Certaines se sont retournées lors de la mise à l'eau, précipitant dans le mazout ses occupants. Au bout de 7 minutes seulement, Champlain touche le fond à environ 13 mètres, laissant seulement dépasser sa cheminée inclinée à 50 degrés sur Babin. La violente explosion fut entendue et même ressentie à la palice. Immédiatement, des bateaux vinrent au secours des naufragés. 270 personnes furent sauvées ce matin-là, passagers et membres d'équipage. On compte 12 morts parmi les mécaniciens présents dans la chaufferie au moment de l'explosion. Évidemment, il y a de nombreux blessés qui sont amenés vers les hôpitaux du coin. Champlain est perdu. Le même jour, quelques heures plus tard, le Lancastria coulera lui aussi à Saint-Nazaire, faisant beaucoup plus de victimes, et c'est ce qui viendra porter confusion sur le naufrage du Champlain. Certains diront qu'il transportait des troupes anglaises. C'est faux, ils confondent avec le Lancastria. L'agonie du Champlain n'est pour autant pas terminée. Le 21 juin, le U-65 sous le commandement du capitaine Von Strokesen quadrille la zone et il estime probablement que le Champlain pourrait être récupéré, ce qui est tout à fait improbable. Il ordonne alors le tir non pas de une, mais deux torpilles qui viennent exploser dans la coque du Champlain. Cette démarche était ridicule puisque trois jours plus tard, la Rochelle sera prise par les Allemands. Au cours du mois de novembre 1940, un ouragan frappe les côtes françaises. La tempête, ses courants et ses vagues puissantes viennent redresser un peu le Champlain. En 1941, les Allemands missionnent l'entreprise marseillaise Serra, spécialisée dans les travaux maritimes. Ils leur demandent de récupérer la cargaison de Champlain et de tenter de le renflouer. Des scaphandriers descendent alors sur l'épave. S'ils parviennent à en extraire toute sa cargaison ainsi que ses machines et beaucoup d'équipements qui permettront aux Allemands d'entretenir entre autres leurs sous-marins, il apparaît en revanche qu'il est impossible de renflouer Champlain, trop endommagé et trop enfoncé dans le fond sable au nu. Au cours de ces opérations, trois scaphandriers perdent la vie. Une petite anecdote. Un jour, l'un d'entre eux qui travaillait à remonter des cales la cargaison remonte précipitamment sur sa barque et sort discrètement de sous son plomb un lingot de cuivre qu'il tend à son collègue en lui faisant signe de le cacher. Il répète cette action plusieurs fois sous le regard interloqué de son collègue qui finit par ouvrir la vitre de son scaphandre et lui demande ce qu'il fait. Il lui rétorque alors que c'est de l'or et il demande prestement de le cacher. Son collègue lui fait alors remarquer que ce n'est pas de l'or mais du cuivre. L'affaire ne s'arrête pas là. Le responsable de chantier constate un jour que l'une des barques est plus enfoncée que les autres dans l'eau. En inspectant cette barque, il découvre que des lingots de cuivre ont été attachés en dessous. La guerre prit fin, vous le savez. Mais le Champlain demeura ainsi, perdant petit à petit sa couleur grise, laissant à nouveau deviner la couleur rouge et noire de sa cheminée, qui devint ensuite rouille, laissant apparaître les traces du rehaussement de sa cheminée, dont on voit nettement sur les photos la découpe et les tôles ajoutées. Il passa entre les mains de plusieurs entreprises entre la fin des années 40 et 50, qui tentèrent à leur tour de le renflouer pour aller le démanteler. Tous arrivèrent au même constat. C'est impossible. C'est ainsi que, bien avant la construction du pont de l'île de Ré qui ne sera ouvert qu'en 1988, tous ceux qui souhaitaient rejoindre l'île devaient le faire par bateau ou par le bac. Ils pouvaient alors observer la triste silhouette du champ plein. rappelant les heures sombres de l'occupation pour certains ou se souvenant de sa splendeur pour ceux qui avaient eu la chance de voyager à son bord ou de le voir passer au large des belles côtes françaises. Peut-être imaginait-il sa sublime salle à manger complètement submergée, recouverte de sédiments, son mobilier se désagrégeant sous le plancton et les algues qui prenaient possession des lieux. Peut-être tendait-il l'oreille pour entendre claquer une tôle rouillée, comme un signe de salut de Champlain, que seules les mouettes et goélands viennent à présent visiter. Au gré du vent, des embras marins, des courants et des tempêtes, Champlain ne bougea pas. Il faudra attendre 1963 pour que, enfin, l'entreprise Serra, à nouveau, vienne découper sur place l'épave de Champlain. L'opération dura six ans et sera achevée en 1969. Toutefois, des zones d'ombre demeurent. On ne sait pas ce que sont devenus les éléments décoratifs de Champlain. Ont-ils été démontés au cours d'une escale au Havre ou à New York ? Sont-ils restés à bord jusqu'à la fin ? Par exemple, la statue de la jeunesse qui était dans la salle à manger fut vendue aux enchères par la maison Drouot en 1998. On ignore quelle était sa provenance, ni ce qu'elle est devenue. Probablement partie dans une collection privée. Idem pour les colonnes du fumoir. Quelle fût leur sort ? Où sont-elles aujourd'hui ? Chez un particulier ou bien dans les réserves de la French Line qui ne les a pas encore répertoriées ? Si vous avez des informations, n'hésitez pas à me les partager. Si toutefois vous souhaitez approcher une relique de Champlain, rendez-vous à Honfleur, à la lieutenance exactement, à l'angle de la rue du Vieux-Bassin. Levez les yeux, vous verrez un buste en bronze représentant Samuel de Champlain. Ce buste ornait un espace commun à la rue du Vieux-Bassin. A bord du Champlain. Il fut trouvé chez un antiquaire par un mécène québécois qui en fit don à la ville de Honfleur, d'où était parti Samuel de Champlain lors de son voyage en vue de fonder la ville de Québec. Dans l'une des vitrines, au musée de la marine à Paris, vous tomberez sur l'un des éléments qui constituait la sirène de Champlain. Au musée du Bon Coeur, à La Rochelle, au détour d'une vitrine, votre œil sera attiré par une bande de bâchis portant le nom Champlain, au-dessus de laquelle vous pourrez observer une assiette de porcelaine et de l'argenterie provenant de l'épave. C'est tout ce qu'il reste de connu de Champlain. Bon. Toutefois, au cours du découpage de l'épave, il était impossible de récupérer les fonds plats de la coque trop enfouie dans le sable. Il me plaît à penser qu'un peu de ce bateau, un peu de son histoire, repose encore là, dans les eaux, dans son élément. Au cours de sa courte carrière, Champlain aura transporté en tout 82 054 passagers. Mon récit est maintenant terminé. Afin de réaliser cet épisode, je me suis aidé du blog de Xavier Cuvelier-Roy, qui réunit beaucoup de documents et d'informations sur Champlain. Un vrai travail de passionné, dont je salue la mémoire.

Description

Champlain est un paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique qui connu un beau succès pendant sa courte carrière.

Il permit de mettre à l'étude les lignes qui seront réutilisées sur Normandie quelques années plus tard.

Son funeste destin pendant la guerre le fera sombrer dans l'oubli.

Il reste peu de choses de lui aujourd'hui, mais son épave fantomatique hanta longtemps le port de La Pallice et les voyageurs se rendant sur l'ile de Ré.

Embarquez avec moi pour découvrir l'intérieur et l'histoire du plus grand des petits paquebots.


Illustration:


Sons: 


Musiques:


  • A Gentle Breeze / good B Music (pixabay)

  • Les-ly / Mini Vandals (Youtube Library)

  • Dramatic nostalgic sad piano and cello (pixabay)



Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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    Si vous avez grandi dans les années 50-60 à proximité de la Rochelle, l'île de Ré, ou bien que vous faisiez partie de ces enfants qui prenaient le bac vers l'île de Ré justement, vous avez peut-être été interloqué par cette forme rouillée, cette cheminée dépassant de l'eau au large du port de La Pallice plus ou moins découverte en fonction des marées. Peut-être que vos parents ou les anciens qui traînaient le long du port vous répondaient alors C'est le Champlain ! Cette cheminée est reconnaissable entre mille, droite comme un I, haute, faisant comme une forme de chapeau en son sommet. C'est un navire oublié, mais on sait qu'il a existé. Il reste dans la mémoire de certains passionnés et son histoire demeure pour le moins intéressante, même si sa carrière fut courte. Trop courte. Champlain, pour Samuel de Champlain, explorateur, cartographe, géographe français qui fondera la ville de Québec. Voilà l'origine du nom de ce paquebot de la Transat à qui il souhaite rendre hommage. A la fin des années 20, la compagnie générale transatlantique est prospère et remporte un franc succès avec Ile-de-France mis en service en 1927 sur la ligne de New York. Paquebot ultra luxueux, au style art déco et destiné à une clientèle plutôt fortunée. Il est à présent le navire amiral de la flotte. En plus de cela, elle commence à proposer des croisières afin de s'adapter à la demande croissante et pour pallier à l'appauvrissement des flux migratoires vers les Etats-Unis. Mais en parallèle, il est temps de renouveler sa flotte. Si l'île de France vient prendre la succession du France de 1912, il faut aussi renouveler les petits paquebots destinés à sa clientèle la moins fortunée. La crise économique provoquée par le crash de 1929 ne peut que lui donner raison. Le Champlain sera donc destiné à remplacer le Rochambeau, navire à classe unique mis en service depuis 1911 entre le Havre et New York. Dans cette catégorie déjà en service, il y a également le Degrasse sur la ligne depuis 1924 et le Lafayette qui est commandé en même temps que le Champlain. Rappelons que la compagnie générale transatlantique est également en train d'étudier son futur super paquebot sous le nom de T6 qui prendra le nom de Normandie. Le Champlain sera un navire appelé cabine classe ship et dont les équipements et le confort sont destinés à des passagers répartis en deux classes. La classe cabine qui regroupe en gros première et seconde classe et la classe touriste. Néanmoins, Champlain possède une troisième classe avec le confort le plus basique possible qui partage certains espaces du navire avec la classe touriste. Champlain fera 195 mètres de long, 25 de large, 28 000 tonnes, et sera capable de transporter 1050 passagers et 560 membres d'équipage à une vitesse de 19 nœuds. Il n'est pas fait pour battre des records ou ravir le ruban bleu, non, laissons cela à Normandie. En tout, Champlain dispose de 643 cabines pour les passagers en cabine classe, 248 pour la classe touriste et 122 en troisième classe. Le Champlain se veut économique et sera propulsé par deux hélices latérales reliées à deux groupes de turbines vapeur, elles-mêmes alimentées par six chaudières Penwet. La puissance est portée en tout à 2500 chevaux. Champlain permet de mettre à l'étude les lignes ultra-modernes qui préfigurent celles de Normandie. Ainsi, comme sur Normandie, on retrouve une belle coquille lancée avec l'encorbeillement de la poupe, le pont de promenade du pont Béarrière couvert et avec les mêmes parvents latéraux qu'on retrouve encore aujourd'hui sur Queen Mary de Lune. Également, le mât avant est placé au-dessus de la timonnerie et non plus devant, afin de ne pas gêner la vue. Champlain est construit dans les chantiers navals de Penwet à Saint-Nazaire. A cause d'un retard du versement des subventions de l'Etat français, le chantier ne démarque qu'en 1931, alors que le Lafayette est déjà parti pour commencer sa courte carrière lui aussi. Assez vite, ces huit ponts s'élèvent. Ils sont aménagés comme ceci. L'entrée dans Champlain se fait depuis le promenade d'Aix, grand pont couvert qui donne sur le grand hall où se trouve donc le lobby avec son escalier majestueux et ses ascenseurs pour desservir les différents ponts. Le ton est donné. Même si Champlain est un cabine-clash-ship, la décoration et le confort sont soignés. L'escalier mélange bois de scie comme or, vernis et fer forgé joliment travaillé dans le pur style art déco. L'ensemble est surmonté par un magnifique dôme laissant descendre la lumière du jour dans tout l'escalier. Le mur face à cet escalier est recouvert d'un gigantesque miroir donnant une impression de grandeur vertigineuse au hall d'entrée. De chaque côté de l'escalier, on trouve la bibliothèque et un salon d'écriture. Derrière, ce sont les cabines de classe cabine, idem lorsqu'on longe les coursives après l'ascenseur. Une succession de cabines. Ces cabines, justement, sont composées de deux lits simples avec une coiffeuse et son joli miroir ovale entre les deux lits. Au sol, on y retrouve une belle moquette feutrée et les murs sont blancs ou bien avec un plaquage bois donnant à la pièce une allure cossue. Dans les cabines de cabine classe, on a un accès à l'eau courante, chaude et froide. Les salles de bain sont communes avec seulement 4 ou 5 autres cabines. C'est également à ce pont qu'on trouve, à l'avant, le pont de promenade de 3ème classe et à l'arrière, le pont de promenade des classes touristes, entre les grues de chargement. Remontons d'un étage. Nous voici au boat deck, soit le pont des embarcations. A ce niveau, vous pouvez vous rendre dans le fumoir très joliment décoré, très lumineux puisque bordé de part et d'autre de grandes fenêtres et surmonté d'un dôme laissant entrer la lumière du jour. Les murs sont tapissés de cuir en peau de cochon. Les poteaux sont sculptés et représentent des figures évoquant des jeux de cartes ou des personnages des contes et légendes des chevaliers de la table ronde. On peut donc y voir un valet de trèfle, une dame de cœur, d'autres sont à l'effigie même de Berthe au grand pied. Lancelot du Lac, le roi Arthur, tous ces panneaux sont signés Alfred Bottiot. La pièce est meublée avec des petits fauteuils club placés autour de tables carrées. Au fond, sous un tableau, une grande banquette en cuir peut accueillir l'océan de plusieurs convives. Derrière ce fumoir, à l'arrière de Champlain, c'est le café-terrasse, très épuré, avec ses fauteuils en osier blanc et ses petites tables carrées, son bar en forme d'arc de cercle et ses grandes fenêtres donnant vue sur l'arrière du paquebot et ses ponts découverts. Revenons dans le lobby et traversons-le. Nous voici arrivés dans le grand salon. Dessiné par René Proulx, un spécialiste de l'aménagement et décoration de paquebots. C'est majestueux et une fois de plus très lumineux. Le sol est couvert de moquettes. Les murs au fond de la pièce sont habillés de grands miroirs donnant à la pièce une impression de profondeur infinie. Autour de ces miroirs, une peinture magistrale de Samuel de Champlain bien sûr, dans un décor de verdure avec des Indiens, en arrière-plan son bateau et une ville rappelant qu'il est un navigateur, explorateur et qu'il fonda la ville de Québec. Le mobilier est composé là aussi de tables carrées autour desquelles on trouve des beaux fauteuils tapissés d'un tissu à motif floral. A ce niveau du bateau, il n'y a pas d'autre espace réservé aux passagers. Mais comme il est nommé boat deck c'est donc là qu'il faudra vous rendre pour évacuer le champ plein en cas de naufrage. Vous trouverez donc 24 canaux exactement, dont 14 pouvant embarquer 88 passagers chacun, 8 prévus pour 46 personnes et 2 autres pour 33 seulement. Le niveau encore au-dessus est le Lower Sun Deck. Si vous cherchez à vous maintenir en forme pendant votre traversée, c'est ici que vous trouverez le gymnase avec un salon de massage, eh oui. C'est sur ce pont que les enfants trouveront leur salle de jeu et c'est ici également que se trouve la salle radio de Champlain, qui est la plus moderne de son époque. Et là, tout à l'avant, on trouve la timonnerie bien sûr, équipée entre autres d'un sondeur de fond pour donner la profondeur exacte toutes les trois minutes. Empruntons un dernier escalier qui nous mène au plus grand Sun Deck, 32 mètres de long, à sillonner l'Atlantique en ce début des années 30, messieurs-dames. Et oui, il ne sera détrôné qu'en 1935 par son petit frère, le Normandie. C'est là qu'on peut profiter des jeux de plein air organisés par l'équipage, tel que le badminton. D'ailleurs, regardez, il y a des filets. Allez, redescendons de quelques ponts pour arriver sur le pont A. C'est ici que se trouve le salon de coiffure, le cabinet du médecin de bord pour les petits mots et une succession de cabines de classe cabine justement. A l'arrière, le fumoir de classe touriste ainsi que leur pont de promenade couvert. Et tout à l'avant, côté bas-bord, le salon très épuré des 3e classes. Épuré oui, mais non pas moins stylisé. Un lino au sol avec des formes géométriques de différentes couleurs, des fauteuils de bois à l'assise et au dossier recouverts de skye et des jolis luminaires carrés au plafond. Des jeux de société sont à la disposition des passagers. Dans cette pièce, on y retrouve par exemple jeux de dames ou d'échecs. En face de ce salon, de l'autre côté du lobby, c'est le salon de classe touriste. La décoration y est bien plus soignée et n'est finalement pas très éloignée de celle des classes cabines. L'assise des fauteuils est rembourrée, leur forme est vasée et accueillante, on trouve des fresques aux murs et un très joli miroir rond de bonne taille. Descendons d'un niveau pour arriver sur le pont B. Côté tribord, vers l'avant du Champlain, se trouve l'entrée pour les classes touristes ainsi que leur salon de coiffure. Partant vers l'arrière, une nouvelle succession de cabines. Sur ce pont tout à l'avant, des cabines ou dortoirs pour les stewards et membres d'équipage. Rendons-nous enfin sur le pont C. C'est là que vous trouverez la salle à manger. Nous y descendons par un bel escalier de marbre avec une main courante en fer forgé. Là encore, la décoration est signée René Proulx. Les murs sont décorés de panneaux de pierre rose. En son centre, une grande colonne en haut de laquelle trône fièrement une statue féminine symbolisant la jeunesse. A nouveau l'œuvre de Alfred Bottio. Autour de cette colonne sont disposées des tables carrées pour 2, 4 ou 6 personnes. La salle à manger est divisée sur les extrémités par des panneaux en fer forgé sublimement travaillés, lui donnant des airs de patio espagnol. Le plafond est haut et ressemble à une pergola d'où vient la lumière artificielle. Les fauteuils sont habillés de tissus verts et roses, et au mur, on trouve par endroit des œuvres d'art signées Lachenal, Terroir, Dora et Scor. Pour mieux vous la représenter, je vous invite à aller voir des photos, j'en posterai sur mes pages Facebook et Instagram. Atenant à cette salle à manger, on trouve la salle à manger des enfants, décorée de panneaux de marqueterie bleu et rose. Au milieu de ce pont, la cuisine bien sûr, avec la boulangerie. Ces aménagements sont communs afin de préparer les repas pour la salle à manger de classe touriste et 3ème classe également. Juste derrière la cuisine se trouve cette salle à manger. Plus petite, cela va de soi. La décoration y est plus épurée et moins soignée que celle de leur salon, mais ce n'est que mon avis. On y trouve des nappes à carreaux, des chaises en bois et des petits globes lumineux au plafond. A l'arrière du pont C, des cabines pouvant être converties en classe touriste ou 3ème classe en fonction des réservations. Les cabines de 3ème classe sont très très simples. Cabine pour 4 personnes, avec des lits superposés en fer blanc. Entre les deux, un lavabo surmonté d'un petit miroir rectangle et d'une applique murale. Deux petites étagères pour ranger vos quelques affaires de toilette. Les murs sont habillés de panneaux de bois peints en blanc. Revenons à l'avant. On y trouve une imprimerie. Souvenez-vous qu'on y imprimait le journal L'Atlantique à bord des paquebots de la Transat. A nouveau, il y a aussi des quartiers et cabines réservées à l'équipage. Sur le pont B, au centre de Champlain, les cabines de classe touriste et 3ème classe côté bas-bord. Et essentiellement, des espaces réservés à l'équipage, leur cuisine, les cabines des musiciens, les espaces des pompiers, les cabines des stewards, etc. Et enfin, tout au fond, les entrailles de la bête, la salle des machines, les cales, les caves à vin, les chambres froides, le garage à voiture, etc. Voilà, nous avons fait le tour dans les grandes lignes de Champlain. Vous constatez donc qu'il n'a rien à envier au grand liner luxueux en service sur la ligne de New York. Et qu'il a de très très bons arguments qui en font un navire de choix parmi les cabines classe des autres compagnies comme le britannique ou le georgique de la White Star Line, ou le franconia et le laconia de la Cunard. Son confort est même un cran au-dessus de son frère le Lafayette mis en service en 1930. Une fois le paquebot mis à l'eau le 15 mai 1931, puis terminé dans les 12 mois qui suivent, il réalise ses essais en mer le 5 et 6 mai 1932. C'est à cette occasion qu'on constate qu'à pleine vitesse, Champlain atteint les 21 nœuds. Il pourra donc effectuer la traversée vers New York en 7 jours. Le 18 juin 1932, Champlain part donc pour son voyage inaugural. Évidemment, il ne pouvait pas emprunter cette route en portant ce nom sans faire une escale par Québec. Cela étant fait, il arrive à New York le 25 juin. Au cours de son voyage retour vers le Havre, il effectue la traversée de l'Atlantique Nord en 6 jours, 16 heures et 20 minutes. Tout à fait honorable pour un paquebot navigant à allure modérée et un record pour cette catégorie de cabin ship. A cette occasion, le journaliste Henri Rouleau était à bord de Champlain pour revenir des Etats-Unis. Lui qui était plutôt sceptique sur le luxe et le confort de Champlain en descendra conquis et il publiera un très bel article dont voici un petit extrait qui, je trouve, résume bien l'avenir prometteur qui attendait Champlain et la French Line. J'ai admiré, en proie même à une violente émotion, riche décoration et machinerie titanesque, en faisant sur l'heure ce raisonnement très simpliste mais combien réconfortant. Si les Américains empruntent la French Line qui, en fait, concurrence leur ligne nationale, c'est qu'ils leur chantent de vivre quelques journées et quelques nuits merveilleuses dans l'atmosphère élégante et confortable créée par nos artistes. C'est qu'au départ de New York, ils savent trouver sur nos bateaux un avant-goût de la belle et douce France. Si leurs dollars sont ainsi drainés par la French Line pour un milliard de francs par an, se répartissant entre les industries multiples, les commerçants innombrables, les 25 000 gens de mer et ouvriers des chantiers navals, le fisc français, etc. C'est que nos paquebots, comme le jeune Champlain, grâce à leurs attraits et à leur sécurité sans cesse contrôlée, tiennent haut et ferme le pavillon tricolore et que le rayonnement de notre génie attire et séduit par ses conceptions inégalées, les cœurs américains. Et, puisque ces conceptions, toutes luxueuses et opulentes qu'elles soient, obtiennent la grande faveur des passagers d'outre-Atlantique, il importe de les maintenir, même de les développer sur les grandes lignes maritimes. Elle représente en effet les progrès féériques accomplis par notre science et notre industrie dans tous les domaines. Puisque le paquebot moderne est une ville flottante, elle révèle aux étrangers les ressources infinies de notre architecture navale, la délicatesse de nos artistes et la conscience de nos artisans. Elle rehausse enfin d'un éclat sans pareil le prestige de la mère patrie où furent conçus, construits, lancés, aménagés et d'où partent chaque semaine les merveilleux navires à la poupe desquels claque fièrement le pavillon national français. Champlain rencontre donc le succès tant auprès de ses compatriotes que de la clientèle américaine et vient un peu plus dorer le blason de la French Line. C'est un avion remarquable, novateur et bien proportionné, facilement reconnaissable grâce à sa coque et à sa cheminée au design unique en son genre. C'est en quelque sorte un chef-d'œuvre. Ce chef-d'œuvre, aussi bien proportionné soit-il, présente tout de même un défaut. Sa jolie petite cheminée est... eh bien, trop petite justement. La suie n'est pas évacuée suffisamment haut et retombe donc sur le sun deck et les plages arrières. Le 10 septembre 1936, Champlain retourne donc au chantier. Sa cheminée n'est pas seulement rehaussée, elle va bénéficier d'une innovation appelée système strombos. Ce sont des sortes d'ouïes, des ouvertures dans la tôle de la cheminée qui viennent stabiliser par un flux d'air la fumée évacuée et ainsi éviter, en tout cas limiter, les retombées de suie. Cette cheminée est l'œuvre de l'ingénieur Valézy, ce même ingénieur qui dessinera plus tard les cheminées iconiques de France. Une fois cette modification terminée, Champlain quitte les chantiers et retourne effectuer ses rotations à la fin du mois d'octobre 1936. Rien ne saurait venir troubler ces belles années qui se dessinent. Normandie a rejoint la flotte en 1935, imposant la French Line comme une compagnie de premier choix, et forçant le respect de toutes les autres compagnies qui le jalousent. Voyez à ses côtés l'Île-de-France, le Lafayette et le Champlain, qui part régulièrement faire des croisières vers Nassau, la Havane ou le Canada. La fin des années 30 approche, et son bouleversement mondial avec. Mes recherches m'ont fait tomber sur un rapport du commandant de bord au cours d'une liaison entre Le Havre et New York, pendant le mois de juillet 1939, moins de deux mois avant la Seconde Guerre mondiale. Champlain arrivera en retard pour un tas de raisons, dont des manœuvres difficiles et des mauvaises conditions. Mais l'une d'entre elles est pour le moins quelque peu originale, suffisamment rare pour être mentionnée. La voici. Trois jours avant l'arrivée à New York, une de nos passagères est tombée gravement malade. Le médecin de bord vint m'informer qu'une opération chirurgicale urgente devait être envisagée pour sauver sa vie. J'ai télégraphé aussitôt à l'amirauté canadienne à Halifax, demandant son aide, et un destroyer nous fut expédié avec chirurgien et matériel nécessaire. Il dut parcourir 500 000 marins à la vitesse de 30 nœuds, et nous a rejoint en mer dans l'après-midi du 19 juillet. Après consultation à bord, la malade paraissait en meilleures conditions. Il fut décidé qu'il était préférable que nous l'amenions à New York. Cet incident nous a fait une bonne réclame parmi les passagers et la presse à New York. Le déroulement et le stoppage nous ont causé trois heures de retard. Un bel exemple de ce qu'il peut parfois se passer en mer. Nous voici donc en septembre 1939. L'inévitable seconde guerre mondiale éclate alors que le Champlain est en liaison entre le Havre et New York. Il accoste quai de la French Line le 5 septembre à côté de Normandie. 1089 passagers débarquent. C'est supérieur à son taux de remplissage mais cela s'explique par tous les civils et ressortissants étrangers préférant quitter le sol français avant le début du conflit. Le rapport du second capitaine note que le navire est camouflé en gris neutre, dont une seule couche suffit. Il note la bonne qualité de la peinture qui, après plus de 15 jours de navigation, ne s'est pas enlevée. Il note également que cette peinture qui ne brille pas le rend le champ plein peu visible, surtout en pleine nuit. Les hublots et fenêtres sont eux aussi recouverts de peinture grise qui, d'après le second capitaine toujours, part facilement et sans gratter si on utilise de la pâte à lustrer le cuivre. Les travaux de peinture du Champlain dureront trois jours à New York. En parallèle, on décide que Normandie reste à New York, où on le pense plus en sécurité, loin du conflit qui ébranle l'Europe et dont les États-Unis n'ont pas encore pris part. Certaines photos sont donc très fortes. On y voit Champlain et Queen Mary vêtues de leur robe grise, terne, triste, et Normandie portant fièrement ses couleurs, contrastant avec ce triste tableau et les temps durs qui suivront. Champlain repart de New York le 9 septembre avec seulement 13 passagers à bord. Mais vous le savez, l'avancée fulgurante des Allemands, ultra préparée et inarrêtable, et la défaite de la France et des Britanniques devient vite une évidence. Le 4 juin 1940, Champlain quitte pour la toute dernière fois New York. A son bord, on vient de charger des lingots de cuivre, beaucoup de matériel de guerre dont deux canons, et répartis entre ses cales et ses ponts supérieurs, 30 avions Curtis en pièces détachées rangées dans des caisses. On y embarque également 200 passagers dont Étienne Payen de la Garanderie, commandant du Normandie qui a décidé de rentrer auprès de sa famille ayant de plus en plus de mal à communiquer avec les siens. Personne ne profitera de son sun deck complètement encombré par les caisses pendant cette traversée. Champlain arrive à Saint-Nazaire cette fois où il débarque ses passagers le 12 juin. Le contexte est tendu. Souvenez-vous que, quelques jours auparavant, eut lieu à Dunkerque l'opération Dynamo, au cours de laquelle l'amirauté britannique a évacué ses troupes. En grande partie on va dire, car il en reste encore beaucoup qui ont été appelés à se masser à Saint-Nazaire en vue d'y être embarqués vers l'Angleterre. J'y rentre plus en détail dans mon épisode consacré au Lancastria. Je vous invite à l'écouter si ce n'est pas déjà fait. La tension monte de jour en jour. L'aviation allemande survole la zone, des bombardements ont lieu, des navires sont coulés dans le golfe de Gascogne. Les caisses d'avions Curtis devaient y être débarquées pour être assemblées dans les usines du centre aéronautique de Bourges. Le 16 juin, Saint-Nazaire connaît son premier bombardement. De crainte que les Allemands prennent la cargaison où coule le navire qui viendrait boucher l'embouchure, on demande au Champlain de quitter Saint-Nazaire et d'aller se mettre à l'abri en rate du port de la Palisse à la Rochelle. Il emporte avec lui un peu moins de 200 nouveaux passagers, uniquement des civils, dont beaucoup d'employés de la Transat. Demain, à la Palisse, on prévient le personnel de bord qu'ils vont accueillir des passagers qu'ils seront surpris de voir à bord. Afin de préparer l'arrivée de ces nouveaux passagers, des vivres et des draps propres sont chargés à bord de Champlain. On apprendra bien plus tard que ces mystérieux passagers étaient des membres du gouvernement français et leur famille, qui prenaient la fuite après la chute du gouvernement. Ils espéraient pouvoir constituer un nouveau gouvernement en exil, loin de la pression des Allemands. Champlain aurait dû les emmener à Alger. Ils embarqueront finalement à Bordeaux, à bord du Massilia. C'est une toute autre histoire rocambolesque qui ne se solde pas par un naufrage. Champlain arrive à La Palisse en fin de journée le 16 juin, et reste en rade en attendant qu'on lui demande d'entrer dans le port pour venir décharger ses passagers et son chargement. Il jette son encre qui vient toucher le fond, scellant à cet instant le sort qui sera le sien. Dans la soirée, l'aviation allemande avait survolé la zone en larguant des mines magnétiques. L'une de ces mines n'est pas très loin du Champlain. La nuit passe et au matin du 17 juin 1940, avec l'action de la marée, Champlain commence naturellement à tourner sur son encre. Il est autour de 9h du matin lorsqu'une puissante détonation secoue le Champlain. Il vient de heurter la mine sur tribord arrière, précisément sous la chaufferie. L'arrière se soulève, le panneau de cale vole en éclats, la soute à mazout est éventrée et commence à se répandre autour de Champlain. Immédiatement, le commandant Lescaret fait descendre. prendre les cloisons étanches. Tout se passe très, très vite, à tel point que l'ordre d'évacuation est donné à la voie. Champlain accuse une gîte importante sur bas bord, rendant difficile la mise à l'eau des canaux. Beaucoup se laissent alors glisser le long de sa coque et viennent se dépêtrer dans le mazout, où ils sont hissés à bord des chaloupes qu'on a réussi à mettre à l'eau. Certaines se sont retournées lors de la mise à l'eau, précipitant dans le mazout ses occupants. Au bout de 7 minutes seulement, Champlain touche le fond à environ 13 mètres, laissant seulement dépasser sa cheminée inclinée à 50 degrés sur Babin. La violente explosion fut entendue et même ressentie à la palice. Immédiatement, des bateaux vinrent au secours des naufragés. 270 personnes furent sauvées ce matin-là, passagers et membres d'équipage. On compte 12 morts parmi les mécaniciens présents dans la chaufferie au moment de l'explosion. Évidemment, il y a de nombreux blessés qui sont amenés vers les hôpitaux du coin. Champlain est perdu. Le même jour, quelques heures plus tard, le Lancastria coulera lui aussi à Saint-Nazaire, faisant beaucoup plus de victimes, et c'est ce qui viendra porter confusion sur le naufrage du Champlain. Certains diront qu'il transportait des troupes anglaises. C'est faux, ils confondent avec le Lancastria. L'agonie du Champlain n'est pour autant pas terminée. Le 21 juin, le U-65 sous le commandement du capitaine Von Strokesen quadrille la zone et il estime probablement que le Champlain pourrait être récupéré, ce qui est tout à fait improbable. Il ordonne alors le tir non pas de une, mais deux torpilles qui viennent exploser dans la coque du Champlain. Cette démarche était ridicule puisque trois jours plus tard, la Rochelle sera prise par les Allemands. Au cours du mois de novembre 1940, un ouragan frappe les côtes françaises. La tempête, ses courants et ses vagues puissantes viennent redresser un peu le Champlain. En 1941, les Allemands missionnent l'entreprise marseillaise Serra, spécialisée dans les travaux maritimes. Ils leur demandent de récupérer la cargaison de Champlain et de tenter de le renflouer. Des scaphandriers descendent alors sur l'épave. S'ils parviennent à en extraire toute sa cargaison ainsi que ses machines et beaucoup d'équipements qui permettront aux Allemands d'entretenir entre autres leurs sous-marins, il apparaît en revanche qu'il est impossible de renflouer Champlain, trop endommagé et trop enfoncé dans le fond sable au nu. Au cours de ces opérations, trois scaphandriers perdent la vie. Une petite anecdote. Un jour, l'un d'entre eux qui travaillait à remonter des cales la cargaison remonte précipitamment sur sa barque et sort discrètement de sous son plomb un lingot de cuivre qu'il tend à son collègue en lui faisant signe de le cacher. Il répète cette action plusieurs fois sous le regard interloqué de son collègue qui finit par ouvrir la vitre de son scaphandre et lui demande ce qu'il fait. Il lui rétorque alors que c'est de l'or et il demande prestement de le cacher. Son collègue lui fait alors remarquer que ce n'est pas de l'or mais du cuivre. L'affaire ne s'arrête pas là. Le responsable de chantier constate un jour que l'une des barques est plus enfoncée que les autres dans l'eau. En inspectant cette barque, il découvre que des lingots de cuivre ont été attachés en dessous. La guerre prit fin, vous le savez. Mais le Champlain demeura ainsi, perdant petit à petit sa couleur grise, laissant à nouveau deviner la couleur rouge et noire de sa cheminée, qui devint ensuite rouille, laissant apparaître les traces du rehaussement de sa cheminée, dont on voit nettement sur les photos la découpe et les tôles ajoutées. Il passa entre les mains de plusieurs entreprises entre la fin des années 40 et 50, qui tentèrent à leur tour de le renflouer pour aller le démanteler. Tous arrivèrent au même constat. C'est impossible. C'est ainsi que, bien avant la construction du pont de l'île de Ré qui ne sera ouvert qu'en 1988, tous ceux qui souhaitaient rejoindre l'île devaient le faire par bateau ou par le bac. Ils pouvaient alors observer la triste silhouette du champ plein. rappelant les heures sombres de l'occupation pour certains ou se souvenant de sa splendeur pour ceux qui avaient eu la chance de voyager à son bord ou de le voir passer au large des belles côtes françaises. Peut-être imaginait-il sa sublime salle à manger complètement submergée, recouverte de sédiments, son mobilier se désagrégeant sous le plancton et les algues qui prenaient possession des lieux. Peut-être tendait-il l'oreille pour entendre claquer une tôle rouillée, comme un signe de salut de Champlain, que seules les mouettes et goélands viennent à présent visiter. Au gré du vent, des embras marins, des courants et des tempêtes, Champlain ne bougea pas. Il faudra attendre 1963 pour que, enfin, l'entreprise Serra, à nouveau, vienne découper sur place l'épave de Champlain. L'opération dura six ans et sera achevée en 1969. Toutefois, des zones d'ombre demeurent. On ne sait pas ce que sont devenus les éléments décoratifs de Champlain. Ont-ils été démontés au cours d'une escale au Havre ou à New York ? Sont-ils restés à bord jusqu'à la fin ? Par exemple, la statue de la jeunesse qui était dans la salle à manger fut vendue aux enchères par la maison Drouot en 1998. On ignore quelle était sa provenance, ni ce qu'elle est devenue. Probablement partie dans une collection privée. Idem pour les colonnes du fumoir. Quelle fût leur sort ? Où sont-elles aujourd'hui ? Chez un particulier ou bien dans les réserves de la French Line qui ne les a pas encore répertoriées ? Si vous avez des informations, n'hésitez pas à me les partager. Si toutefois vous souhaitez approcher une relique de Champlain, rendez-vous à Honfleur, à la lieutenance exactement, à l'angle de la rue du Vieux-Bassin. Levez les yeux, vous verrez un buste en bronze représentant Samuel de Champlain. Ce buste ornait un espace commun à la rue du Vieux-Bassin. A bord du Champlain. Il fut trouvé chez un antiquaire par un mécène québécois qui en fit don à la ville de Honfleur, d'où était parti Samuel de Champlain lors de son voyage en vue de fonder la ville de Québec. Dans l'une des vitrines, au musée de la marine à Paris, vous tomberez sur l'un des éléments qui constituait la sirène de Champlain. Au musée du Bon Coeur, à La Rochelle, au détour d'une vitrine, votre œil sera attiré par une bande de bâchis portant le nom Champlain, au-dessus de laquelle vous pourrez observer une assiette de porcelaine et de l'argenterie provenant de l'épave. C'est tout ce qu'il reste de connu de Champlain. Bon. Toutefois, au cours du découpage de l'épave, il était impossible de récupérer les fonds plats de la coque trop enfouie dans le sable. Il me plaît à penser qu'un peu de ce bateau, un peu de son histoire, repose encore là, dans les eaux, dans son élément. Au cours de sa courte carrière, Champlain aura transporté en tout 82 054 passagers. Mon récit est maintenant terminé. Afin de réaliser cet épisode, je me suis aidé du blog de Xavier Cuvelier-Roy, qui réunit beaucoup de documents et d'informations sur Champlain. Un vrai travail de passionné, dont je salue la mémoire.

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