Speaker #1Bonjour à tous ! Je voudrais vous parler aujourd'hui des différents visages du Tarot de Marseille. Aujourd'hui, on parle de le Tarot de Marseille. Et le Tarot de Marseille, c'est un sujet qui n'est pas très évident. Quand on pense au Tarot de Marseille, déjà, ce qu'on veut dire n'est pas... pas toujours clair. Ça peut être le tarot de Marseille, ça peut être le tarot en général. Et ensuite, quand on parle du tarot de Marseille, c'est avec l'impression que ça doit être le jeu le plus ancien, le plus authentique, une source de la tradition tarologique par opposition à toute la diversité de jeux de créateurs qu'on voit sur les réseaux sociaux aujourd'hui. Et enfin, globalement, quand on parle de tarot de Marseille, l'image qu'on a en tête, c'est celle de l'ancien tarot de Marseille édité par Grimaud, parce que c'est la référence, c'est le plus connu aujourd'hui. Mais... en réalité, c'est plutôt compliqué de penser au tarot de Marseille comme ça, ça pose problème, parce que c'est une approche qui paraît évidente, alors qu'en réalité, elle contient beaucoup de glissements, et ces glissements amènent à se constituer une idée fausse qui a tendance à nous rendre vulnérables à certains discours qui sont clairement problématiques. C'est déjà compliqué de penser au tarot de Marseille comme un jeu, comme le jeu, et un peu le jeu à la base du tarot, parce qu'en réalité, c'est un peu tout le contraire. D'abord, on a l'impression qu'on part du tarot de Marseille pour arriver à la grande diversité de créations qu'on a aujourd'hui, mais en réalité, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. En réalité, c'est avec une grande diversité qu'a commencé l'histoire du tarot. Et celui qu'on appelle tarot de Marseille aujourd'hui, en fait, il est assez différent des premiers jeux. Et surtout, ce qu'on appelle tarot de Marseille, ça n'est pas un jeu particulier, c'est un type de jeu parmi plusieurs qui ont autant de valeur. Et la tradition de considérer celui-là comme plus important que les autres a été construite de toutes pièces en fait, au 19ème et surtout au 20ème siècle. Je pense du coup que c'est important de refaire un petit tour d'horizon un peu historique pour mieux comprendre le jeu qu'on utilise, et pour être plus libre dans nos choix aussi quand nous on se demande quel jeu choisir, et surtout pour nourrir notre esprit critique, ce qui va nous éviter de tomber plus tard dans les pièges de ceux qui affirment des choses qui sont fascinantes mais pas fondées. Alors l'histoire du tarot commence plusieurs siècles avant qu'on commence à parler de tarot de Marseille. Et dès ses débuts, c'est un jeu qui va refléter les échanges entre univers culturels différents qui se croisent à l'époque. Il va voyager d'un univers à l'autre, d'une classe sociale à l'autre. Alors pour cette partie historique, je vais m'appuyer très très très lourdement sur le livre d'Isabelle Nadolny qui s'appelle Histoire du tarot, vers lequel je vous renvoie vraiment si vous avez envie d'aller plus loin et surtout de voir les magnifiques reproductions de tarot anciens qu'elle a partagé. C'est important de bien comprendre comment le tarot fait son apparition, comment il va évoluer par la suite, de façon à bien sentir ce qu'il y a derrière le jeu qui nous amuse encore aujourd'hui. Donc si dans cette partie il y a des approximations, c'est les miennes, parce que moi j'essaye de faire un tour d'horizon rapide pour l'épisode. Pour le reste, je vous laisserai la référence du livre d'Isabelle Nadolny dans les liens de l'épisode, ça vaut vraiment, vraiment, vraiment la peine d'y jeter un coup d'œil, parce que c'est le seul livre d'histoire sérieuse et accessible en français qui existe. Alors d'abord, le tarot est un jeu de cartes compliqué, avec ce qu'on appelle aujourd'hui les arcanes majeures et les arcanes mineures, qui sont déjà deux types de cartes qui ne se ressemblent pas du tout. Et en plus, on a l'habitude de considérer les arcanes majeures comme primordiales par rapport aux arcanes mineures qu'en général on étudie plus tard. Bon, alors déjà, si les deux types de cartes ne se ressemblent pas du tout, c'est normal parce qu'elles n'ont pas la même origine culturelle. Et surtout, ce sont les arcades mineurs qui apparaissent avant. Les premières cartes à jouer, donc là je ne vais pas parler tout de suite d'arcade mineur, je vais parler de cartes à jouer. Les premières cartes à jouer qui apparaissent datent du XVe siècle et ce sont des cartes à jouer orientales, qui viennent, paraît-il, des Mamlouks et qu'on a conservées. Et elles sont extrêmement belles, elles sont enluminées avec un style oriental, c'est-à-dire avec des arabesques. Et c'est le cas de le dire, puisque c'est l'univers arabe, ce sont des cartes extrêmement raffinées et élégantes. Et on y trouve les coupes, les épées, les bâtons et les deniers qu'on connaît encore aujourd'hui. Et puisque cette époque, le XVe siècle, est l'époque où, en général, on sait graver et produire des œuvres sur papier, c'est au même moment que d'autres jeux de cartes vont se développer en Europe. Et ce seront des beaux jeux peints à la main, donc très chers, des jeux pour les riches. Et ça se voit parce que leurs dessins vont refléter des facettes de la vie aristocratique. On va voir des choses en rapport avec la chasse, par exemple. Et en Europe... Au lieu des coupes, épais deniers, bâtons, des mamelouks, on a des couleurs ou des enseignes qui sont tout le temps très différentes. Par exemple, on a des cartes de fleurs, de chiens, de faucons, etc. Et il y en a vraiment, vraiment beaucoup de très, très différentes. Il y a une vraie grande diversité et une immense créativité à ce moment-là. Et plus tard, quand les jeux vont se populariser, donc qu'il faudra les produire plus en masse, on va devoir commencer à les normaliser, c'est-à-dire qu'on va commencer à perdre un peu cette belle diversité des départs. Alors, en Italie et en Espagne, on va rester sur les coupes, bâtons, épées, deniers qu'on a prises au Mamelouk. En Allemagne, on sera plutôt sur feuilles, glands, grelots et cœurs. Et en France, on est rapidement sur cœurs, trèfles, piquets, carreaux. Et on va rester là-dessus. C'est vraiment des variantes selon les pays, quoi. Et donc, ça, c'est pour les cartes à jouer, parce que savoir ça, ça permet de comprendre l'origine de ce qui est plus tard, beaucoup plus tard, devenu nos arcanes mineures. Et ensuite, le tarot lui-même, il apparaît à peu près en même temps dans le nord de l'Italie, donc on est dans la première moitié du XVe siècle. Il ne s'appelle pas encore tarot, mais à ce moment-là, il s'appelle jeu des triomphes, ou plutôt on l'appelle naïbi à triomphe, parce que ce qu'on appelle aujourd'hui les cartes mineures du tarot, c'est vraiment identique à ces cartes des mamelouks dont je vous ai parlé, et ces cartes-là, elles s'appelaient les naïbis. Donc le jeu de tarot s'appelle naïbi à triomphe, c'est vraiment un jeu augmenté. Et comme l'Italie à cette époque-là est ouverte, au commerce avec l'Orient, notamment en partant de Venise, on comprend que leur jeu de cartes ait pu passer par là et a influencé ce qu'allait devenir le tarot. Et donc à ce moment-là, la grande nouveauté, ce sont les atouts. Et de cette époque, on a conservé de très très beaux jeux, très beaux et bien conservés notamment parce que ce sont des jeux de riches, ce sont des jeux extrêmement chers, peints à la main par de grands maîtres et rehaussés avec de la feuille d'or, etc. Donc on y fait très attention. que les jeux avec lesquels on jouait vraiment, ça a tendance à s'abîmer et à se perdre. Alors quand on considère ces tarots anciens, donc je vous renvoie encore une fois vers le livre d'Isabelle où vous verrez des très très belles choses, c'est très marquant qu'on a tout de suite déjà à peu près la suite des représentations que nous, nous connaissons aujourd'hui. On ne parle pas encore d'Arkane, mais on a les idées, on a la mort, on a la roue de fortune, la lune, le soleil, le chariot, l'amour, etc. Donc, on a vraiment déjà une base très forte qui, plus tard, a continué à vivre au fil du temps jusqu'à nos jours. Je dis à peu près parce qu'il y a des différences quand même. Par exemple, dans le tarot Visconti-Sfordza, qui est un des plus anciens, en tout cas le plus connu, on a en plus l'espérance, c'est-à-dire une vertu supplémentaire, comme dans le Minkiate qui apparaîtra plus tard et dont je vous ai déjà parlé dans les autres épisodes. Alors, pourquoi ces représentations-là ? on s'accorde globalement à y voir des concepts génériques qui sont utilisés pour l'édification, c'est-à-dire pour l'éducation, pour apprendre à être une meilleure personne. Ce sont des images qui ont un sens très immédiat, et ce n'est pas neutre qu'on ait choisi des images de choses généralement importantes dans la vie en général, parce que la mort, c'est quelque chose qui arrive, donc c'est très important d'y réfléchir pour prendre du recul dans notre vie. Le pape... C'est quelqu'un d'important dans la religion catholique, donc c'est important de penser à lui pour être quelqu'un de pieux. Les vertus, la force, la justice, la tempérance et parfois l'espérance et les autres, les vertus c'est important de les avoir en tête, notamment pour bien gouverner, ce qui risque d'arriver quand on est fils d'aristocrate. Et donc l'idée à cette époque-là, c'était de mettre du sens dans ces cartes. L'idée c'était qu'en jouant, pour s'amuser, avec des jeux de cartes qui contenaient des représentations de choses élevées, on s'élevait plus facilement sans vraiment s'en rendre compte, sans la fatigue et sans la prise de tête qui allait avec le fait d'étudier la vertu sérieusement par exemple. Donc le tarot est un jeu fait pour divertir, pour s'amuser, pour jouer aux cartes, mais avec des représentations qui ne sont pas neutres, parce qu'elles comportent l'idée que c'est bien d'avoir ce rappel subliminal des choses importantes. C'est mieux d'être en contact au quotidien, même si c'est que pour s'amuser, avec des images de vertu comme la tempérance que, je ne sais pas, des images de fesses. Et il n'y a rien d'ésotérique là-dedans, ce sont des idées connues par tout le monde. Le fait qu'il faut être vertueux, ça tombe sous le sens, le fait qu'on va mourir, tout le monde le sait, le fait qu'il y ait un pape, un soleil, une lune, c'est important. Mais l'idée des premiers tarots, c'est qu'il vaut mieux être exposé à ce type d'image-là au quotidien pour maintenir l'habitude d'essayer quand même d'être une meilleure personne. même quand on est juste en train de s'amuser ou à jouer aux cartes. Donc c'est important de comprendre que le tarot est en effet visiblement un jeu fait pour l'édification, mais pas pour l'occultisme, pas pour l'ésotérisme, pas pour quoi que ce soit de magique, d'initiatique, en rapport avec la voyance, la divination ou quoi que ce soit de ce type, dans le sens où ça parlerait de mystères réservés à ceux qui savent les voir, etc. On n'est pas du tout dans cet ordre d'idées. La vertu, c'est important pour tout le monde. La mort, ça arrive à tout le monde. C'est important pour tout le monde d'être capable de remettre sa vie en perspective en pensant à l'idée de mortalité, par exemple. Et ça, ça n'est pas l'ésotérisme. L'ésotérisme appliqué au tarot, ça viendra beaucoup, beaucoup plus tard, des siècles plus tard. Donc c'est important de bien comprendre cette distinction-là. Alors à part ça, sur ces anciens tarots... Il y a trois points importants qu'il est bon de connaître. D'abord, c'est bien les mêmes symboles que maintenant. On a le battleur, l'empereur, tout ça. Donc, les bases sont déjà là. Mais ensuite, les représentations, la façon de les dessiner, elles sont très, très différentes et elles sont très diverses. Et c'est ça qui est intéressant. Sur le Viscontis Forza, le tarot italien de la Renaissance, la lune, c'est une femme qui tient une lune dans sa main. Et ça vaut encore la peine d'aller voir dans le livre parce que vous y trouverez nombre de magnifiques reproductions de ces cartes anciennes. On n'a jamais les détails sur ces cartes, on n'a jamais les fameux détails que les tarologues, certains tarologues passent beaucoup de temps à interpréter sur leur tarot de Marseille. Parce qu'en fait, c'est des images qui n'ont juste rien à voir. Et de toute façon, ce n'était pas un jeu fait pour être interprété comme nous le faisons aujourd'hui. Donc aujourd'hui, on peut parler de l'écrevisse dans la mare de la lune pour représenter les parties les plus primitives de notre inconscient. Ça passe tout à fait parce que c'est une interprétation qui correspond à... notre façon de voir aujourd'hui à nos représentations modernes, mais sur le Viscontis Forza, il n'y a juste pas d'écrevistes. Donc l'interprétation ne marche plus. C'est intéressant ça, parce qu'on a souvent l'idée que le tarot a été créé tel quel, et que c'est une grande sagesse ancestrale d'avoir mis tous ces détails, pas du tout. Et de toute façon, les différences de dessin vont continuer avec les autres tarots plus tardifs. Si on regarde un peu les tarots anciens en général... parfois sous l'étoile on voit une femme qui est en train de filer, sous la lune on voit un astronome, c'est le cas dans le minkiaté si vous allez voir ça. Dans d'autres tarots qui viennent après, à la place de la maison dieu on a la foudre par exemple, c'est la même idée, mais ça montre un homme frappé par la foudre, ça montre pas une tour. Sur le minkiaté c'est même plus la maison dieu, c'est la maison diable et la représentation est encore différente. Et enfin point fondamental des anciens tarots en luminé italien, il y a ni nom de carte ni numéro. Et ça c'est intéressant aussi, parce qu'on a bien les mêmes symboles globalement que maintenant, mais en fait, quand on regarde les sources historiques, les noms des cartes et l'ordre qu'utilisent les gens pour jouer, ça change tout le temps. Tout le temps, selon les régions, selon les familles, selon les gens, ils n'utilisent pas les mêmes valeurs de cartes les uns et les autres. Alors les historiens qui regardent ça, ils ont trouvé qu'on pouvait réduire la grande diversité de ces numérotations en, en gros, trois types d'ordres. Donc ils lisent, il y a le type. A, le type B, le type C. Et ils disent que ces ordres-là viennent de régions différentes, donc l'ordre de type A viendrait grosso modo d'un endroit entre Florence et Bologne, le type B viendrait plutôt de Ferrari, et le type C viendrait plutôt de Milan. Et c'est quoi la différence ? Par exemple, dans l'ordre A, les trois cartes les plus hautes sont le soleil, puis le monde, puis le jugement. exactement comme dans le tarot Minkiaté que j'ai restauré, que vous pouvez retrouver aujourd'hui réédité aux éditions Trajectoire, on a le monde avant le jugement. Dans l'ordre B, les trois dernières sont le jugement, la justice, puis le monde. Et dans l'ordre C, on a le soleil, le jugement, puis le monde. Donc là, on reconnaît, c'est en effet l'ordre C qui va donner plus tard les jeux que nous, on appelle tarot de Marseille. Mais c'est déjà amusant de noter, en fait, que l'ordre C, ça n'était pas du tout l'ordre le plus répandu. Le plus important en Italie, c'était le type A. Donc ce qui veut dire que déjà, ce qui va donner ce que nous on appelle tarot de Marseille plus tard, c'est déjà un sous-type de jeu. Donc on a commencé avec des jeux qui étaient bien jeux de cartes pour jouer, mais avec en plus des représentations de choses qu'il est bon de connaître pour bien gouverner ou bien se gouverner. C'est-à-dire des choses importantes en général, qui parlent à tout le monde, et sur lesquelles on peut réfléchir si on veut. Ce contre, pour jouer aux cartes... ça va vite devenir hyper pénible d'avoir des numérotations qui changent tout le temps. Parce que pour savoir quelle carte peut prendre quelle autre, il faut le savoir. Si vous avez regardé le Minchiaté Restauré, je vous donne à la fin la règle originale du jeu tel qu'il était joué dans l'Italie en 1763, pendant que ce jeu était produit. Et c'est un jeu assez facile où... On joue un peu comme au tarot français, on est à 4, 2 équipes de 2, et on essaye de prendre des cartes en fonction des points. Donc si quelqu'un joue l'étoile 17 et quelqu'un d'autre joue la lune 18, c'est la lune qui gagne. Donc il faut connaître les numéros pour savoir qui gagne. Et si dans l'Italie de la Renaissance, on a des ordres qui changent tout le temps, à ce moment-là, pour jouer, soit on ne change jamais de région, soit il faut passer beaucoup de temps à se mettre d'accord avant chaque partie. Donc ça ne va pas marcher. Et ensuite, le temps passe, le jeu va commencer à se populariser, donc on va vouloir en produire plus. Et pour produire de plus grandes quantités, il faut normer les choses, il faut les rationaliser. En plus, le jeu voyage, donc on va en produire dans d'autres pays. Donc, ce qui se passe dans l'histoire, c'est que les modèles de cartes italiens finissent par arriver en France. Et en France, nos premiers jeux à nous, ils arrivent au XVIe siècle, mais on n'est toujours pas à Marseille. On a des jeux de Lyon parce que, en fait, Lyon, c'était à l'époque une grande plaque tournante commerciale avec l'Italie, donc c'est logique. Et à cette époque-là, en fait, personne ne fait de cartes à Marseille. Par contre, dans des villes comme Lyon, il y a... énormément de production et il y a beaucoup de diversité. Alors qu'est-ce que ça change pour le tarot d'arriver en France ? Il y a une grande modification, parce que pour la première fois, justement dans le cadre de cette normalisation des jeux qui sont amenés à voyager, pour la première fois, on a des numéros sur les cartes. Donc c'est la France qui apporte ça, ainsi que le fait d'avoir des noms écrits en français sur les cartes. Pourquoi ? Parce qu'il faut les normaliser pour arrêter de se prendre la tête tout le temps pour savoir comment on va jouer, et aussi pour les gens qui ne connaissent pas ces images-là, on rajoute des noms pour que ce soit plus clair. Donc, c'est à ce moment-là, quand le tarot arrive en France, que l'ordre que nous connaissons aujourd'hui commence à se normaliser. Et donc, on produit des jeux de tarot à Lyon, et le plus ancien qu'on connaisse, qui utilise l'ordre duquel on a l'habitude aujourd'hui, c'est le 4 linge au froid. C'est un très joli jeu, dans lequel on voit le mélange même des influences des différents pays, parce qu'au lieu d'avoir des coupes... épée, bâton, donier. Il a même des enseignes fantaisistes, comme celles des anciens jeux de cartes allemands. Il a des représentations qui sont très populaires, très sympas. Par exemple, sur le battleur, on voit une scène qui se passe dans une auberge, etc. Donc, on a des atouts italiens et des couleurs plutôt à l'allemande, avec en plus des noms de cartes en français et des modifications populaires. Donc, on voit que ce jeu-là, le quatelain Geoffroy, c'est vraiment un mélange, un melting pot des différentes influences. Et il est à la base de ce qu'on fait en France. Et le jeu va continuer d'évoluer. Et en fait, le premier tarot qui ressemble, lui, vraiment à ce que nous avons l'habitude d'appeler tarot de Marseille, c'est le Jean Noblet, qui a été fait à Paris, donc toujours pas à Marseille, dans les années 1650. Et c'est beaucoup plus tard, c'est au XVIIIe siècle, qu'on commence à avoir des tarots de Marseille. Donc vous voyez comme le temps passe. Des tarots vraiment du type qu'on appelle maintenant tarot de Marseille. Donc déjà, c'est très tardif. Et ensuite... dernier clou dans le cercueil de l'idée qu'il y aurait un tarot de Marseille, déjà on a deux types de tarot de Marseille. Eux, créativement, les historiens appellent type 1 et type 2. Ça, on en parle de temps en temps et on ne dit pas trop ce que c'est. Donc ce sont les deux types de tarot qu'on retrouve parmi les tarots de Marseille du XVIIIe siècle. Il y a des petites différences, ce sont des différences de détails, parce que c'est toujours les mêmes représentations depuis la Renaissance, c'est toujours le même ordre depuis qu'on est en France. Mais on a des différences du type, sur les tarots de type 1, le diable a un visage humain sur le ventre, alors que dans le tarot de Marseille habituel aujourd'hui, on ne l'a pas. Vous pouvez prendre l'ancien tarot de Marseille de Grimaud, vous verrez qu'il n'y a pas de visage sur le ventre du diable parce qu'il se base sur un type 2. Si vous le comparez avec le Camoin Jodorowsky, Philippe Camoin a repris ce détail intéressant pour son tarot à lui parce que ça lui parlait, parce qu'il trouvait que c'était bien. Mais c'est un détail qui est typique des tarots de type 1. Sur les tarots de type 1, la lune est de face, alors que nous, on a l'habitude de la voir de profil. Sur les tarots de type 1, le monde, c'est une figure un peu androgyne, pas très claire, qui est vêtue d'un pagne en feuilles et d'une cape. Donc elle n'est vraiment pas comme celle dont on a l'habitude. Il n'y a que sur les tarots de type 2 que nous avons la femme nue qu'on voit d'habitude dans nos tirages. Dans les tarots de type 1, le fouille s'appelle le folle. Et il n'y a que les types 2 qui l'appellent le mat. Dans les types 1, le cupidon de l'amoureux a les yeux bandés, le pendu tire la langue, c'est assez rigolo. Les cavaliers s'appellent des chevaliers. Étrangement, à côté de la tête de l'empereur, il y a un chiffre 4, un chiffre arabe. Alors personne ne sait pourquoi, il n'y a que sur cette carte-là, mais sur tous les tarots de type 1, c'est le cas. Et les plus anciens tarots de Marseille, vraiment les plus anciens, ce sont des tarots de type 1. Comme par exemple... Un tarot dont j'aurai sans doute l'occasion de vous reparler, le Rolichon, qui est vraiment le plus ancien qu'on connaisse. dont il nous reste des traces, mais il n'y a pas plus vieux pour l'instant. On a le Philippe Vachier, qui est le plus vieux dont on est les cartes. On a le Jean Noblet. Ça, ce sont des tarots du XVIIe siècle. Les tarots de type II, donc ceux qu'on connaît maintenant, ils sont beaucoup plus tardifs, ils datent du XVIIIe siècle. Et parmi ces tarots de type II, on va dire les tarots de Marseille moderne, Le plus ancien qu'on connaisse s'appelle le Pierre Madonnier. Il est fait à Dijon déjà, en 1709, donc pas à Marseille. Et on peut le voir, celui-là, vous en trouverez un magnifique facsimilé chez Yves Reynaud. Donc ça vaut le coup aussi d'aller chercher, de regarder le tarot de Pierre Madonnier. Vous allez le trouver facilement. Et donc, c'est bien un tarot de type Marseille, puisqu'il correspond à ce qu'on appelle aujourd'hui tarot de Marseille. C'est exactement ça. Mais il n'est pas fait à Marseille puisqu'il vient de Dijon. Et je voudrais rajouter une dernière chose. Une variante de tout ça, c'est le tarot de Besançon, qui est né peu de temps après. Et c'est rigolo de le savoir parce que c'est là qu'on voit vraiment que les noms de villes n'ont pas grand-chose à voir avec la ville d'origine. Parce que déjà, je vous parle depuis tout à l'heure de tarots de Marseille qui sont faits à Lyon, puis à Paris, puis à Dijon. Je ne vous ai pas encore parlé de tarots de Marseille faits à Marseille du tout. Et là, je commence à vous parler du tarot de Besançon, qui en fait vient de Strasbourg. Donc c'est vraiment compliqué l'histoire du tarot, il faut vraiment suivre, donc c'est un peu n'importe quoi. Pourquoi il s'appelle Besançon ? Parce qu'en fait, après Strasbourg, on s'est mis à en fabriquer beaucoup à Besançon, donc on a gardé ce nom-là. Mais je voudrais vous en dire deux mots, parce que ce tarot-là, c'est important à connaître pour la suite de notre histoire, il va revenir après. Donc le tarot de Besançon, c'est quoi ? On a exactement les mêmes atouts. tous les mêmes numéros, tous pareils, les mêmes dessins que ceux dont nous avons l'habitude aujourd'hui, sauf une chose que, à la place du pape et de la papesse, on a Jupiter et Junon. Et ça fait sens quelque part, parce que c'est un type de tarot qui vient de l'Est de la France et sûrement on devait vouloir l'exporter en Allemagne pour le vendre et donc en fait c'est logique d'avoir supprimé le pape à la papesse, parce qu'à l'époque, comme ils sont protestants, ces figures-là ne veulent rien dire pour eux, les figures catholiques. Donc, Imaginez juste exactement le tarot de Marseille que vous connaissez, mais juste avec Junon et Jupiter à la place du pape et de la papesse. Alors fabriquer des cartes à Marseille, c'est en fait assez tardif. On parle beaucoup de Nicolas Convert, c'est un nom que vous avez sans doute déjà rencontré. Donc ça y est, c'est enfin un tarot de Marseille qui vient de Marseille, au bout de 22 minutes d'épisode. Et c'est celui-là qui va nous intéresser pour la suite de notre histoire. Le jeu du... le jeu de Nicolas Convert, le premier date de 1760. Donc, c'est la date qu'on voit écrite sur son 2 de denier. Mais, en fait, les historiens ont prouvé depuis que Convert est arrivé après. Donc, ce qui s'est passé, c'est que Nicolas Convert a repris les moules d'un tarot plus ancien sur lequel il a effacé le nom de l'autre personne et il a mis le tien à la place. Donc, on ne sait pas qui est le créateur de ce jeu-là, mais ce qui est intéressant avec le Convert, on va l'appeler comme ça parce qu'on n'a que ce nom-là, Ce qui est intéressant avec ce jeu précis, c'est qu'il a battu tous les records de longévité d'édition. Parce qu'il fut produit par la maison Convert, donc Nicolas Convert et ses descendants, sans aucune coupure pendant plus de 100 ans jusqu'en 1880, ce qui est juste incroyable. Donc on est déjà sur un jeu qui a une aura particulière. Et c'est celui-là qui va se retrouver pour nous à la base de notre tradition tarologique, à la base de ce que nous faisons aujourd'hui. Et vous voyez là, il y a quelque chose d'amusant qui se passe. Je vous parle de l'origine de notre tradition alors que je suis arrivée tout à la fin de l'histoire. Parce que la tradition de lire le tarot est postérieure de plusieurs siècles à la production de tarot comme jeu de cartes. Mais elle n'en est pas moins intéressante, puisqu'aujourd'hui on en tire tellement de belles choses. Donc c'est important de savoir que ce qu'on appelle aujourd'hui tarot de Marseille, le fait de lire le tarot de Marseille, tirer le tarot de Marseille, tout ça, en fait, ça se base sur ce dernier jeu, sur le Nicolas Convert. qui vient d'être réédité d'ailleurs en facsimilé par les éditions anime, justement parce que l'idée c'était de revenir à la source de la lecture du tarot. Alors pourquoi je vous parle d'une source de la lecture du tarot avec ce jeu-là, alors que depuis le début je vous parle de cartes à jouer et pas de tirer les cartes ? On a commencé à parler d'aller chercher des vérités cachées dans le tarot au XVIIIe siècle, avec Cour de Gébelin, comme je vous avais raconté dans un épisode précédent. Et... Lire le tarot, c'est une idée qui plaît tout de suite et elle sera reprise par de nombreux occultistes. Mais dans son livre, Cour de Géblin donnait juste des dessins de cartes pas très claires et ne disait pas quel tarot c'était. Et au fur et à mesure, tout au long du XIXe siècle, en fait les occultistes vont se mettre à y aller pour se demander lequel c'est le tarot le plus authentique, le plus initiatique, celui qui est le plus fait pour contenir les secrets de la sauce ésotérique la plus concentrée. Vous voyez, on commence à avoir tout un effet de mode qui vient se construire par-dessus cette histoire-là. Et celui qui est le plus grand influenceur du domaine à ce moment-là, c'est Papus, qui a écrit un livre sur le tarot des bohémiens. Alors, il faut savoir qu'à l'époque où ce livre paraît, en France, dans le commerce, on trouve un peu des tarots de Besançon, dont je vous ai parlé tout à l'heure avec Junon et Jupiter, mais pas des tarots de Marseille, c'est très très difficile, parce que déjà à cette époque-là, on trouve des tarots à jouer, comme aujourd'hui. Mais ils ont remplacé les tarots de Marseille, donc on ne les trouve plus. Et à cette époque-là, la maison Grimaud vend juste un tarot de Besançon. Et Papus, lui, il veut montrer qu'il connaît des choses obscures. Alors il va écrire dans son livre que, en fait, c'est le tarot de Marseille qui est le plus riche et le plus pur en termes de symbolisme. Et il veut dire le tarot de Nicolas Converse, ce qui fait sens, ce qui est logique, puisque le tarot de Besançon, il a été modifié, spécialement pour pouvoir le vendre, sans doute, à des protestants. Et donc les autres occultistes vont se mettre à répéter ce que dit Papus. Et donc on va commencer à se plaindre, tout de même on ne trouve pas de tarot de Marseille, on trouve juste un tarot de Besançon, ce qui est déjà pas mal, ce qui est presque aussi bien, mais tout de même le Jupiter et la Junon c'est vachement moins authentique. Et c'est à ce moment-là, dernière partie de l'histoire, que la force de frappe des éditeurs a un effet très intéressant, parce que les gens se plaignent qu'il n'y ait pas de... de tarot de Marseille à la vente. Les gens se plaignent qu'on n'a qu'un tarot de Besançon chez Grimaud. Grimaud, il entend ça. À la tête de cette maison, à ce moment-là, on a un certain Paul Marteau, qui, lui, est un vrai passionné. Il s'y connaît vraiment en tarot ancien. Il a une collection de cartes extraordinaires qu'il a léguées plus tard à la BNF, qu'on peut encore compulser, qu'on peut encore voir sur leur site. Il faut savoir que le tarot de Besançon qui était édité chez Grimaud à ce moment-là, il était déjà basé sur un tarot de Marseille de Nicolas Convert, mais dont on avait viré le pape et la papesse pour les remplacer par Junon et Jupiter. Donc en fait, lui, il va reprendre ce tarot, appelé tarot de Besançon, mais en fait, c'était un tarot de Marseille. Il remet le pape et la papesse et il réédite tout ça, il le repackage sous le nom Ancien tarot de Marseille, qui est celui qu'on connaît tous aujourd'hui. Et on est en 1930. Ce jeu qu'on considère comme un jeu ancien. C'est un jeu artificiel moderne qui date de 1930. Et Grimaud est un grand éditeur. L'ancien tarot de Marseille, c'est un jeu d'excellente qualité, il n'est pas cher, il est bien distribué. Il vient prendre une place où il n'y a pas de concurrence et où on l'attend déjà depuis longtemps. Donc c'est ce jeu-là qui finit d'arrêter le fait que ce soit aux images du tarot de Nicolas Convert qu'on pense dès qu'on pense au tarot de Marseille puisqu'il est basé là-dessus. Alors, je voudrais quand même vous donner une dernière petite précision sur ce travail-là, parce que ça me paraît important pour ceux qui aiment vraiment se pencher sur les détails des cartes. Paul Marteau s'est basé sur un jeu qu'il avait racheté, en fait, à une autre maison d'édition avant, et laquelle s'était basée, pour ce tarot de Besançon, sur un vieux tarot de Convert. Or, je vous ai dit tout à l'heure, le tarot de Convert, en fait, il a été édité pendant plus d'un siècle. Donc, pendant ce temps-là, il s'est passé des choses. Pendant ce temps-là, il y a eu des changements. Notamment, on a... industrialisé la production, on l'a rationalisé, et puis il y a des choses qui sont mises à coûter cher, donc au fur et à mesure, on a été amené à faire des économies. Et où est-ce qu'on peut faire des économies ? Sur la couleur, en fait. Donc les premiers tarots de Nicolas Convert, ils sont peints au pochoir, donc on met autant de couleurs qu'on veut. Et ces jeux-là, les premiers Convert, ils ont six couleurs. Il y a du bleu clair, il y a du vert, etc. Mais ensuite, déjà, ça se met à coûter plus cher, et puis on se met à utiliser des encres, et... et ben on va pas en mettre 50 des encres, on va mettre plus que 4 couleurs. Donc on continue d'avoir du vert, parce que pour avoir du vert, il suffit de superposer l'encre bleue et l'encre jaune, mais le bleu clair, il a sauté en fait. Donc les tarots de Convert tardifs, ils ont des couleurs très apeuvries, et c'est sur un jeu tardif que se base Grimaud. Donc si vous comparez, c'est pour ça qu'il y a beaucoup moins de couleurs sur l'ancien tarot de Marseille que ce qu'il y avait à l'origine. Et Philippe Camoin, quand il a créé le tarot Camoin-Jodorowsky en 1997, c'est pour ça qu'il a voulu changer les couleurs. En fait, il a voulu revenir à des couleurs d'origine. Il a remis celles qui manquaient. C'est pour ça qu'il y a plus de couleurs sur son jeu à lui. Seulement, lui, il a voulu donner sa version personnelle.