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Le peuple des algues. Partons à la découverte des habitantes de l'estrand. Le peuple des algues. Épisode 3. Explorer les profondeurs. Depuis des siècles, l'humain s'attache à comprendre l'histoire des êtres vivants et à mettre au jour leurs liens de parenté. Discipline que l'on nomme la systématique. Pour ce faire, il utilise différentes méthodes qui évoluent au regard des découvertes scientifiques. L'analyse ADN étant couramment utilisée aujourd'hui. A la station marine de Dinard, Lynn Le Gall, spécialiste des algues et directrice des explorations scientifiques au Muséum national d'histoire naturelle, étudie plus particulièrement le génome des organismes marins. Départ pour une exploration sous-marine.
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Lynn Le Gall, je suis professeure au Muséum National d'Histoire Naturelle. J'ai la direction de la délégation aux explorations scientifiques. Je coordonne tout un groupe de taxonomistes qui sont en capacité d'identifier les organismes. C'est toute une équipe avec des marins, des plongeurs, des marins-pêcheurs, etc. qui sont capables d'aller à la mer et d'aller récolter ces spécimens. J'ai vécu toujours au bord de la mer, j'ai toujours été passionnée par la mer. Et quand je suis allée à la fac étudier la biologie, la botanique était ce qui me bottait le plus. La croisée des chemins entre la botanique et la mer, il y avait des algues. Et de fil en aiguille, j'en ai fait toute ma carrière. Donc on est ici à la station marine de Dinard. pour faire un inventaire des espèces du golfe normanou-breton afin de les faire rentrer dans la grande chaîne du programme Atlassie. Et donc l'idée, c'est vraiment d'aller séquencer les génomes des espèces que l'on rencontre. De manière générale, on se lève très tôt pour aller récolter les échantillons le plus tôt possible parce que c'est toute une chaîne. Donc les marins et les plongeurs partent dès le lever du jour en mer. On a un bateau de pêche qui part et qui lui effectue des dragages, des chalutages pour récupérer des organismes qui vivent sur le fond, mais plutôt sur des substrats meubles, donc du sable, de la vase. Et puis les plongeurs vont eux aller se focaliser sur les milieux de substrats durs qui ne sont pas accessibles aux engins de pêche. Il faut savoir qu'en milieu marin, le gros de la diversité, ces 14 000 espèces recensées sur les côtes de France, Trois premiers quarts sont occupés par mollusques, crustacés, anélides, puis vertébrés, principalement les poissons. Les algues sur lesquelles on se focalise sont le circa littoral. C'est plutôt des espèces qui sont assez fragiles. On va les récolter en plongée. C'est-à-dire qu'on est bien en dessous de la zone des plus basses marées basses, qui est la fin de l'infralittoral. Et au-delà de ça, c'est la zone où on commence à ne plus avoir d'algues. C'est ce qu'on appelle le circa littoral.
- Speaker #0
Lors des périodes d'équinoxe, lorsque dans le cosmos le soleil traverse le plan équatorial terrestre, sur Terre, les coefficients de marée sont souvent supérieurs à 110. Ainsi, sur l'estran, la mer se retire sur une très large zone, la zone intertidale. A l'extrémité de cette zone, le plongeur peut alors se laisser glisser vers l'étage infralittoral, une zone constamment immergée. Il y est en apesanteur au milieu des fucales, de grandes algues brunes formant des forêts sous-marines. Tout y est très différent et rien ne ressemble à la surface. C'est comme s'il flottait sur une autre planète. D'ailleurs, cette zone reste inconnue pour le grand public, tout comme les algues qui s'y développent. De la plage, les pieds dans la laisse de mer, il est difficile d'imaginer ce paysage, pourtant si proche.
- Speaker #1
Historiquement, les gens étudiaient les ailes qui arrivaient en laisse de mer. C'est-à-dire, après les grosses tempêtes, les psychologistes aimaient aller arpenter la grève pour trouver ce qui a été arraché par la force des vagues, globalement. Donc, ils étaient vraiment dépendants de ces coups de mauvais temps pour récolter. Vraiment, c'est la plongée scientifique, je pense, qui a révolutionné la vision et la connaissance sur les ailes. pour notre... très longtemps. On n'a pas mis la tête sous l'eau, c'est assez récent. Et c'est finalement qu'une fois qu'on a mis la tête sous l'eau, qu'on a pu observer avec le regard humain ces paysages sous-marins, qu'on s'est rendu compte que la végétation sous-marine joue un rôle important. Les algues, elles sont ce qu'on appelle des producteurs primaires, c'est-à-dire qu'elles vont effectuer la photosynthèse et donc à ce titre-là, elles vont... Être le premier maillon d'une chaîne alimentaire, elles sont cruciales pour les écosystèmes côtiers en particulier. Après, dans les écosystèmes océaniques, c'est le plancton photosynthétique, donc d'autres sortes d'algues unicellulaires pour le coup, qui vont prendre le relais. Mais sur les milieux côtiers, les algues, elles sont absolument cruciales. Et puis elles vont aussi former des habitats tridimensionnels qui vont servir d'abri, de refuge pour toute une querelle d'organismes. qui vont notamment y pondre et même pour certains y vivre jusqu'à l'âge adulte. Alors, la couleur chez les algues, c'est absolument crucial, c'est les pigments qui leur permettent de faire la photosynthèse. Toutes les algues ont de la chlorophylle, et elles ont d'autres pigments qui leur permettent de transmettre l'énergie capturée à la chlorophylle. Et donc, ces autres couleurs vont leur permettre de capter de l'énergie, et même de l'énergie à des endroits où il y en a très peu qui arrivent. Donc, l'idée, c'est d'être le plus efficient possible. Et donc, c'est toutes ces kyrielles de pigments qui vont permettre ça.
- Speaker #0
Dès que le plongeur en quête de spécimens s'immerge sous la surface, ses yeux s'emplissent de couleurs. D'abord celle de l'eau qui vient recouvrir l'ensemble de son corps, puis celle des algues issues de leur composition pigmentaire. des phycobilines, des caroténoïdes et bien sûr, des chlorophylles. Il est vertigineux d'imaginer les photons provenant du soleil, traversant le cosmos, l'atmosphère terrestre, puis la surface de l'océan, pour venir se nicher précisément sur ces pigments. Ceux des algues vertes, des algues rouges et des algues brunes, qui réagissent pour transformer cette énergie lumineuse en une énergie... chimiques.
- Speaker #1
D'un point de vue médiatique, quand on parle des algues, c'est généralement pour parler des marées verts ou des échouesses de sargasses sur les zones plus tropicales et en particulier sur les îles des Antilles. Et qu'effectivement, on en parle principalement d'ennuies, on ne s'en parle absolument pas du bienfait, de leur rôle crucial dans les écosystèmes, que finalement, si elles pullulent, c'est parce qu'on a déréglé un peu ces écosystèmes. C'est sûrement pas elles qu'on tord, c'est plutôt l'impact de l'homme sur l'environnement qui fait que tout est déréglé, que les algues se mettent à proliférer. On manque d'objectivité par rapport aux algues et on ne présente pas les algues dans leur rôle premier qui est de faire cette photosynthèse dans les écosystèmes côtiers. Soit les gens trouvent ça absolument dégoûtant et sont horrifiés à la vue d'algues ou au contraire ils sont complètement enthousiastes et il faudrait, on va sauver la planète en mangeant tous des algues et je pense qu'il faudrait une... position un peu plus intermédiaire parce que les algues déjà à la surface de la planète il y en a très très peu elles ne sont situées que le long des côtes le long des continents moi j'aime à dire qu'elles ne tiennent qu'à un fil quoi c'est vraiment un fil le long des continents J'ai envie de dire que j'ai toujours trouvé tout aussi belle. Je pense que c'est ce qui m'a fascinée au départ et c'est ce qui me fascine toujours autant. J'ai encore et encore des surprises sur ce qu'elles font, sur la diversité des formes, la diversité des couleurs, tout genre de surprises. On s'agrippe à elle pour pouvoir se retenir dans les vagues, dans les courants et qu'on n'est vraiment pas capable de profiter de la beauté de ce milieu sous-marin.
- Speaker #0
Le Peuple des algues est une création originale du collectif SER. Ce projet a reçu le soutien financier de l'Office français de la biodiversité et du Parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis. Nous tenons à remercier chaleureusement l'Inlegal, la station marine de Dinard, ainsi que le Muséum national d'histoire naturelle. S'il vous a plu, n'hésitez pas à partager ce podcast et rendez-vous pour l'épisode 4. S'immerger dans le paysage, avec Nicolas Floch.