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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Crise politique : une philosophie de la servitude

Crise politique : une philosophie de la servitude

15min |04/09/2024
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15min |04/09/2024
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Description

Et si la philosophie permettait de comprendre pourquoi tout un peuple accepte d'obéir à un seul homme ? Et s'il s'agissait d'une servitude... volontaire ? On en parle avec La Boétie.


Ca fait presque 2 mois que les résultats des élections législatives sont tombés, et il ne se passe toujours rien. Macron « temporise », pour les uns, fait un coup d’état silencieux, pour les autres.

On entend bien des critiques et des indignations, mais concrètement.... Rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide. 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ?


Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la servitude volontaire. On va parler élections, pouvoir, tyrannie, philosophie d’Etienne de la Boétie, et bien sûr, de servitude volontaire !


Et si vous avez aimé cet épisode, vous aimerez aussi celui-là, sur le vote et l'abstention.



Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Tous les mercredis.

Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


Pour ne rien manquer du Phil d'Actu, suivez-moi sur Instagram !


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Prise politique, une philosophie de la servitude. C'est la rentrée ! Ah, ça fait du bien de commencer une nouvelle année, avec plein de nouveaux projets, après avoir passé un super été et bien profité de la liesse populaire pendant le JO. Et puis, ça fait du bien de tester une nouvelle politique, avec le nouveau gouvernement, nommé après les élections législatives du mois de juillet. Attendez, quoi ? Y'a toujours pas de Premier ministre ? Et Emmanuel Macron refuse le résultat des urnes ? Et personne ne dit rien ? Comment l'expliquer ? Pourquoi est-ce que nous paraissons toutes et tous consentir à ce qui apparaît comme le coup de force politique d'un seul homme isolé ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la servitude volontaire. On va parler élections, pouvoir, tyrannie, philosophie d'Étienne de la Boétie, et bien sûr, de servitude volontaire. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Ça fait presque deux mois que les résultats des élections législatives sont tombés et il ne se passe toujours rien. Macron temporise pour les uns, fait un coup d'état silencieux pour les autres. Il faut dire que ce qu'il fait ressemble beaucoup à un déni de démocratie. Il refuse de nommer un Premier ministre issu de la coalition arrivée en tête, soi-disant au nom du maintien d'une stabilité de l'État. Stabilité de l'État ? C'est audacieux. Quand on a dissous l'Assemblée sur un coup de tête, le soir même où l'extrême droite emportait un tiers des voix aux élections européennes, et annoncer que les élections se tiendraient dans un délai extrêmement serré, trois semaines ensuite à peine. Trois semaines ! marqué par une tension et une inquiétude fortes, par la terreur de voir l'extrême droite arriver au pouvoir, par l'urgence, par le sentiment que quelque chose d'historique était en train de se passer, ce qui a conduit à une mobilisation record dans toute la France. Je me souviens de mes larmes de soulagement le soir de l'annonce des résultats. Non seulement l'extrême droite était défaite, mais un vent nouveau semblait se lever. La victoire, certes pas écrasante, mais tellement inattendue du nouveau Front populaire, marquait à la fois l'endiguement de l'extrême droite et la chute du macronisme, ce régime élitiste et autoritaire. Quelque chose de nouveau pouvait commencer. Et puis, plus rien. Deux mois après, rien n'a bougé. Entre le début de l'été et la frénésie des Jeux Olympiques, c'est comme si tout cela n'avait été qu'un rêve. Emmanuel Macron ignore toujours le résultat et refuse catégoriquement de nommer un Premier ministre issu du NFP, le Nouveau Front Populaire. On entend toutes sortes de justifications pour rendre légitimes les actions de Macron. Le NFP n'a pas la majorité absolue, donc il ne peut pas gouverner. Mais Macron ne l'avait pas non plus en 2022, ce qui ne l'a pas empêché de former un gouvernement pour régner un coût de 49,3. Le président ne nomme pas Lucie Castel la candidate du NFP, car elle se ferait aussitôt censurer. Mais le président n'a pas à se substituer au Parlement. et a décidé cela de manière unilatérale et préventive, sauf à violer le principe de séparation des pouvoirs. Il devrait la nommer, quitte à ce qu'elle se fasse censurer ensuite. Le journal L'Express a d'ailleurs rapporté des propos d'Emmanuel Macron la semaine dernière. Il aurait dit Si je la nomme, elle ou un représentant du NFP, ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le SMIC à 1 600 euros, les marchés financiers paniqueront et la France plongera. Où on voit ? qu'il n'est pas question de stabilité institutionnelle, mais bien de programme politique. Il est persuadé d'avoir raison et il veut empêcher le parti arrivé en tête d'appliquer son programme. On apprend aussi par le journal Libé qu'il ne veut tout simplement pas de cohabitation et qu'il veut pouvoir choisir le ministre de l'Intérieur, des armées et d'autres postes importants. Si ça, ce n'est pas un déni de démocratie, je ne sais pas ce que c'est. Mais je dois dire que le plus saisissant dans tout ça, C'est cette espèce de torpeur généralisée, cette non-protestation. Oui, on entend bien des critiques, parfois même des indignations, mais concrètement, rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide, 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ? Ce paradoxe, c'est celui de la servitude volontaire. Il a été mis en lumière au XVIe siècle par un homme alors âgé de 18 ans, Étienne de la Boétie. Dans un texte très court, écrit vers 1550, il porte un regard très critique sur le pouvoir et renverse la problématique classique de la servitude. Déjà, la Boétie est claire. Tout type de pouvoir est une tyrannie. L'homme est naturellement libre et il devrait le rester. La Boétie distingue alors trois types de tyrans. Ceux qui règnent par la force, ceux qui héritent du pouvoir par la naissance et ceux qui sont élus. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce dernier n'est pas plus supportable que les autres. Car dès qu'il est élu, il se croit supérieur et au-dessus du monde. Et bien souvent, Il met tout en œuvre pour ne jamais renoncer au pouvoir. La sentence de la Boétie est sans appel. S'ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de régner est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d'esclaves qui leur appartient par nature. Selon la Boétie, tout ce que font ces tyrans, c'est mettre le peuple en servitude et effacer. toute idée de liberté de leur esprit. Le pouvoir, c'est donc la privation de la liberté, pourtant si naturelle. Mais comment expliquer qu'un seul homme en opprime cent mille ? Jusque-là, en philosophie politique, on expliquait la servitude par la tyrannie des chefs. C'est parce que le chef est autoritaire, répressif, violent, que le peuple est maintenu sous son pouvoir. La Boétie renverse radicalement cette perspective. Oui, certains chefs sont violents et usent de la force pour maintenir leur pouvoir, mais ce n'est pas toujours le cas. Et puis en général, cela ne dure pas. Ils finissent souvent par être renversés ou assassinés. Non, nous dit Labo ici. Dans la majorité des cas, l'obéissance se fait sans violence. Le peuple semble consentir à sa propre servitude. Quel paradoxe ! Comment expliquer que le peuple semble mettre autant de ferveur à obéir à un seul ? Il y a là un mystère, une énigme, qu'il faut tenter de résoudre. La Boétie propose plusieurs explications. D'abord, il y aurait une sorte d'enchantement, d'ensorcellement. Nous sommes naturellement enclins à admirer et à héroïser ceux qui nous paraissent être vertueux. Alors, nous allons avoir tendance à lui obéir. Et petit à petit... se met en place une habitude. L'habitude forge encore plus que la nature, nous dit la Boétie, si bien que la servitude se substitue rapidement à la liberté. La domination est désormais ancrée. Les hommes nés dans la servitude se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent pas avoir d'autres biens ni d'autres droits. Et puis, de leur côté, les tyrans entretiennent cette servitude douce. Ils rusent pour accroître leur obéissance. Ils se parent de plus beaux artifices et des plus beaux discours sur le bien public, pour paraître encore plus grands, encore plus divins. Ils abétissent leurs sujets en leur organisant des divertissements, des spectacles et des jeux. Enfin, la boétie met en lumière l'outil le plus fondamental, le ressort et le secret de la domination. Le soutien est le fondement de toute tyrannie, la chaîne de la domination. Le tyran s'entoure en effet de cinq ou six courtisans qui s'aplatissent pour lui plaire. Ceux-là, proches du pouvoir, asservissent à leur tour 600 hommes, qui en asservissent à leur tour 6000, et ainsi de suite. Une sorte de pyramide de la servitude se met en place, sous la forme de la multiplication des institutions intermédiaires de pouvoir, destiné à donner toujours plus de soutien à la tyrannie. Et oui, car tous les gens qui participent de la pyramide de la servitude ont tout intérêt à ce qu'elle reste en place. La Boétie a une formule Le tyran asservit les sujets les uns par les autres La modernité de cette analyse est saisissante et parfois totalement réjouissante. Je ne résiste pas à l'envie de vous lire ce que la Boétie écrit au sujet des courtisans. Et c'est encore plus savoureux quand on pense en même temps à toutes ces personnalités politiques serviles qui peuplent la Macronie, comme Aurore Berger ou Stanislas Guérini. Vous êtes prêts ? Je vous lis. Dès qu'un roi s'est déclaré tyran, toute la lie du royaume, un tas de petits friponneaux possédés d'une ambition ardente et d'une avidité notable, se groupent autour de lui. et le soutiennent pour être autant de petits tyrannos. Il ajoute Quand je pense à ces gens qui flattent le tyran pour exploiter sa tyrannie et la servitude du peuple, je suis presque aussi souvent ébahi de leur méchanceté qu'apitoyé de leur sottise. Selon la Boétie, ce n'est donc pas le pouvoir qui crée l'obéissance, mais c'est l'obéissance qui crée le pouvoir. Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux, nous dit-il. Mais cela n'est pas inéluctable. Ce n'est pas une loi naturelle, à laquelle nous ne pourrions pas échapper. C'est un hasard malchanceux de l'histoire, que nous pouvons donc défaire. Alors, comment faire face à cette servitude volontaire ? Comment s'en émanciper ? C'est très simple, nous dit-il. Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres. Hum, qu'est-ce que ça signifie ? Déjà, la Boétie n'est pas un révolutionnaire. Il n'appelle jamais à l'insurrection, qui est non seulement violente, mais a tendance elle aussi à obéir à un seul chef. La Boétie ouvre plutôt la voie de la désobéissance, à la fois éthique et politique. La désobéissance politique ou désobéissance civile, c'est le fait de refuser de se soumettre aux lois, mais de façon non violente, pacifique. C'est une longue tradition de résistance politique face à l'oppresseur, comme en Inde avec Gandhi, aux Etats-Unis avec Rosa Parks et le mouvement pour les droits civiques, et plus récemment, les actions de désobéissance civile pour protester contre l'inaction face au dérèglement climatique. Mais il y a aussi ce qu'on pourrait appeler la désobéissance éthique. Le fait de désobéir à nous-mêmes, c'est-à-dire aux valeurs qui nous ont été inculquées, comme les valeurs de compétition, de hiérarchie, de concurrence, qui règnent en maître dans la société actuelle. Il y a un passage très beau dans le discours de Labo ici, dans lequel il explique que nous naissons tous égaux et que si certaines capacités, physiques ou intellectuelles, sont réparties de manière inégale, ça n'est pas pour nous mettre en compétition, mais c'est pour faire naître. l'empathie et l'entraide. Pour faire naître de l'affection fraternelle, puisque les uns ont la puissance de porter secours, tandis que les autres ont besoin d'en recevoir. Selon la Boétie, au pouvoir d'un seul, à l'obéissance de tous, il faut opposer l'amitié, qui est un nom sacré, le garant de la vertu face à l'injustice. Car les tyrans et les friponneaux ne connaissent pas l'amitié. Comme le dit la Boétie, Ils ne s'aiment pas, mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices. Quelle amitié attendre de celui qui a le cœur assez dur pour haïr tout un royaume qui ne fait que lui obéir ? La tyrannie d'un seul, c'est le gouvernement de la haine. Alors voilà comment, en suivant la Boétie, On peut faire cesser la servitude, en cessant d'y consentir, en désobéissant, en transformant notre rapport au pouvoir, en interrogeant sans cesse ce qui paraît aller de soi, ce qui paraît immuable et indépassable. La liberté, avec la boétie, devient une pratique, une attitude de tous les instants, fondée sur l'entraide et l'amitié. Une pratique qui consiste à briser la servitude, en questionnant les discours et les valeurs. En affirmant que chacun, chacune est légitime à questionner la domination. En déconstruisant les discours de hiérarchie. Et en prenant conscience du fait que le coût de la désobéissance n'est pas le même pour tout le monde. Que certains, certaines ont la possibilité matérielle et physique de s'indigner. Tandis que d'autres sont dans des positions trop vulnérables pour pouvoir s'exposer davantage. Il faut penser l'amitié et l'entraide aussi et surtout dans la désobéissance. Il faut cesser d'obéir aux injonctions de compétition, de performance, qui ne font que consolider la pyramide de la servitude. Je suis toujours stupéfaite, non seulement de l'hégémonie de ces discours, mais de la disqualification systématique des discours d'opposition. On nous répète sans cesse que la croissance et le capitalisme sont les seules voies possibles pour nos sociétés modernes, et que toute autre direction marquerait la ruine de la France. Là est, à mon avis, l'une des plus grandes servitudes contemporaines. La conviction que, comme le disait Margaret Thatcher dans une formule restée célèbre, il n'y a pas d'alternative. Et cette pseudo-vérité nous conduit à accepter les pires injustices, l'accroissement des inégalités, de la pauvreté, l'effondrement des services publics, la destruction du vivant au nom des profits et la concentration des richesses aux mains de quelques-uns. Un ruissellement de servitudes. Aujourd'hui, Impossible de savoir comment la situation politique va évoluer. Certains commentateurs évoquent la possibilité que Macron ne nomme même pas de gouvernement et qu'il conserve le gouvernement des missionnaires actuels. puisque la Constitution ne met aucun délai à la nomination d'un Premier ministre. Ou encore qu'il nomme un Premier ministre marionnette, en comptant sur la servilité des petits friponneaux. Nous risquons que la torpeur s'intensifie et que ce gouvernement démissionnaire obtienne de plus en plus de pouvoir, tandis que l'habitude ferait son œuvre. C'est là que se jouera le choix entre servitude et désobéissance. Alors, quel choix ferez-vous ? C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et d'ici là, n'oubliez pas de vous abonner et de mettre 5 étoiles sur Spotify et Apple Podcasts, ça m'aide beaucoup. Merci et à bientôt !

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Et si la philosophie permettait de comprendre pourquoi tout un peuple accepte d'obéir à un seul homme ? Et s'il s'agissait d'une servitude... volontaire ? On en parle avec La Boétie.


Ca fait presque 2 mois que les résultats des élections législatives sont tombés, et il ne se passe toujours rien. Macron « temporise », pour les uns, fait un coup d’état silencieux, pour les autres.

On entend bien des critiques et des indignations, mais concrètement.... Rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide. 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ?


Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la servitude volontaire. On va parler élections, pouvoir, tyrannie, philosophie d’Etienne de la Boétie, et bien sûr, de servitude volontaire !


Et si vous avez aimé cet épisode, vous aimerez aussi celui-là, sur le vote et l'abstention.



Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Tous les mercredis.

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  • Speaker #0

    Prise politique, une philosophie de la servitude. C'est la rentrée ! Ah, ça fait du bien de commencer une nouvelle année, avec plein de nouveaux projets, après avoir passé un super été et bien profité de la liesse populaire pendant le JO. Et puis, ça fait du bien de tester une nouvelle politique, avec le nouveau gouvernement, nommé après les élections législatives du mois de juillet. Attendez, quoi ? Y'a toujours pas de Premier ministre ? Et Emmanuel Macron refuse le résultat des urnes ? Et personne ne dit rien ? Comment l'expliquer ? Pourquoi est-ce que nous paraissons toutes et tous consentir à ce qui apparaît comme le coup de force politique d'un seul homme isolé ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la servitude volontaire. On va parler élections, pouvoir, tyrannie, philosophie d'Étienne de la Boétie, et bien sûr, de servitude volontaire. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Ça fait presque deux mois que les résultats des élections législatives sont tombés et il ne se passe toujours rien. Macron temporise pour les uns, fait un coup d'état silencieux pour les autres. Il faut dire que ce qu'il fait ressemble beaucoup à un déni de démocratie. Il refuse de nommer un Premier ministre issu de la coalition arrivée en tête, soi-disant au nom du maintien d'une stabilité de l'État. Stabilité de l'État ? C'est audacieux. Quand on a dissous l'Assemblée sur un coup de tête, le soir même où l'extrême droite emportait un tiers des voix aux élections européennes, et annoncer que les élections se tiendraient dans un délai extrêmement serré, trois semaines ensuite à peine. Trois semaines ! marqué par une tension et une inquiétude fortes, par la terreur de voir l'extrême droite arriver au pouvoir, par l'urgence, par le sentiment que quelque chose d'historique était en train de se passer, ce qui a conduit à une mobilisation record dans toute la France. Je me souviens de mes larmes de soulagement le soir de l'annonce des résultats. Non seulement l'extrême droite était défaite, mais un vent nouveau semblait se lever. La victoire, certes pas écrasante, mais tellement inattendue du nouveau Front populaire, marquait à la fois l'endiguement de l'extrême droite et la chute du macronisme, ce régime élitiste et autoritaire. Quelque chose de nouveau pouvait commencer. Et puis, plus rien. Deux mois après, rien n'a bougé. Entre le début de l'été et la frénésie des Jeux Olympiques, c'est comme si tout cela n'avait été qu'un rêve. Emmanuel Macron ignore toujours le résultat et refuse catégoriquement de nommer un Premier ministre issu du NFP, le Nouveau Front Populaire. On entend toutes sortes de justifications pour rendre légitimes les actions de Macron. Le NFP n'a pas la majorité absolue, donc il ne peut pas gouverner. Mais Macron ne l'avait pas non plus en 2022, ce qui ne l'a pas empêché de former un gouvernement pour régner un coût de 49,3. Le président ne nomme pas Lucie Castel la candidate du NFP, car elle se ferait aussitôt censurer. Mais le président n'a pas à se substituer au Parlement. et a décidé cela de manière unilatérale et préventive, sauf à violer le principe de séparation des pouvoirs. Il devrait la nommer, quitte à ce qu'elle se fasse censurer ensuite. Le journal L'Express a d'ailleurs rapporté des propos d'Emmanuel Macron la semaine dernière. Il aurait dit Si je la nomme, elle ou un représentant du NFP, ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le SMIC à 1 600 euros, les marchés financiers paniqueront et la France plongera. Où on voit ? qu'il n'est pas question de stabilité institutionnelle, mais bien de programme politique. Il est persuadé d'avoir raison et il veut empêcher le parti arrivé en tête d'appliquer son programme. On apprend aussi par le journal Libé qu'il ne veut tout simplement pas de cohabitation et qu'il veut pouvoir choisir le ministre de l'Intérieur, des armées et d'autres postes importants. Si ça, ce n'est pas un déni de démocratie, je ne sais pas ce que c'est. Mais je dois dire que le plus saisissant dans tout ça, C'est cette espèce de torpeur généralisée, cette non-protestation. Oui, on entend bien des critiques, parfois même des indignations, mais concrètement, rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide, 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ? Ce paradoxe, c'est celui de la servitude volontaire. Il a été mis en lumière au XVIe siècle par un homme alors âgé de 18 ans, Étienne de la Boétie. Dans un texte très court, écrit vers 1550, il porte un regard très critique sur le pouvoir et renverse la problématique classique de la servitude. Déjà, la Boétie est claire. Tout type de pouvoir est une tyrannie. L'homme est naturellement libre et il devrait le rester. La Boétie distingue alors trois types de tyrans. Ceux qui règnent par la force, ceux qui héritent du pouvoir par la naissance et ceux qui sont élus. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce dernier n'est pas plus supportable que les autres. Car dès qu'il est élu, il se croit supérieur et au-dessus du monde. Et bien souvent, Il met tout en œuvre pour ne jamais renoncer au pouvoir. La sentence de la Boétie est sans appel. S'ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de régner est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d'esclaves qui leur appartient par nature. Selon la Boétie, tout ce que font ces tyrans, c'est mettre le peuple en servitude et effacer. toute idée de liberté de leur esprit. Le pouvoir, c'est donc la privation de la liberté, pourtant si naturelle. Mais comment expliquer qu'un seul homme en opprime cent mille ? Jusque-là, en philosophie politique, on expliquait la servitude par la tyrannie des chefs. C'est parce que le chef est autoritaire, répressif, violent, que le peuple est maintenu sous son pouvoir. La Boétie renverse radicalement cette perspective. Oui, certains chefs sont violents et usent de la force pour maintenir leur pouvoir, mais ce n'est pas toujours le cas. Et puis en général, cela ne dure pas. Ils finissent souvent par être renversés ou assassinés. Non, nous dit Labo ici. Dans la majorité des cas, l'obéissance se fait sans violence. Le peuple semble consentir à sa propre servitude. Quel paradoxe ! Comment expliquer que le peuple semble mettre autant de ferveur à obéir à un seul ? Il y a là un mystère, une énigme, qu'il faut tenter de résoudre. La Boétie propose plusieurs explications. D'abord, il y aurait une sorte d'enchantement, d'ensorcellement. Nous sommes naturellement enclins à admirer et à héroïser ceux qui nous paraissent être vertueux. Alors, nous allons avoir tendance à lui obéir. Et petit à petit... se met en place une habitude. L'habitude forge encore plus que la nature, nous dit la Boétie, si bien que la servitude se substitue rapidement à la liberté. La domination est désormais ancrée. Les hommes nés dans la servitude se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent pas avoir d'autres biens ni d'autres droits. Et puis, de leur côté, les tyrans entretiennent cette servitude douce. Ils rusent pour accroître leur obéissance. Ils se parent de plus beaux artifices et des plus beaux discours sur le bien public, pour paraître encore plus grands, encore plus divins. Ils abétissent leurs sujets en leur organisant des divertissements, des spectacles et des jeux. Enfin, la boétie met en lumière l'outil le plus fondamental, le ressort et le secret de la domination. Le soutien est le fondement de toute tyrannie, la chaîne de la domination. Le tyran s'entoure en effet de cinq ou six courtisans qui s'aplatissent pour lui plaire. Ceux-là, proches du pouvoir, asservissent à leur tour 600 hommes, qui en asservissent à leur tour 6000, et ainsi de suite. Une sorte de pyramide de la servitude se met en place, sous la forme de la multiplication des institutions intermédiaires de pouvoir, destiné à donner toujours plus de soutien à la tyrannie. Et oui, car tous les gens qui participent de la pyramide de la servitude ont tout intérêt à ce qu'elle reste en place. La Boétie a une formule Le tyran asservit les sujets les uns par les autres La modernité de cette analyse est saisissante et parfois totalement réjouissante. Je ne résiste pas à l'envie de vous lire ce que la Boétie écrit au sujet des courtisans. Et c'est encore plus savoureux quand on pense en même temps à toutes ces personnalités politiques serviles qui peuplent la Macronie, comme Aurore Berger ou Stanislas Guérini. Vous êtes prêts ? Je vous lis. Dès qu'un roi s'est déclaré tyran, toute la lie du royaume, un tas de petits friponneaux possédés d'une ambition ardente et d'une avidité notable, se groupent autour de lui. et le soutiennent pour être autant de petits tyrannos. Il ajoute Quand je pense à ces gens qui flattent le tyran pour exploiter sa tyrannie et la servitude du peuple, je suis presque aussi souvent ébahi de leur méchanceté qu'apitoyé de leur sottise. Selon la Boétie, ce n'est donc pas le pouvoir qui crée l'obéissance, mais c'est l'obéissance qui crée le pouvoir. Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux, nous dit-il. Mais cela n'est pas inéluctable. Ce n'est pas une loi naturelle, à laquelle nous ne pourrions pas échapper. C'est un hasard malchanceux de l'histoire, que nous pouvons donc défaire. Alors, comment faire face à cette servitude volontaire ? Comment s'en émanciper ? C'est très simple, nous dit-il. Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres. Hum, qu'est-ce que ça signifie ? Déjà, la Boétie n'est pas un révolutionnaire. Il n'appelle jamais à l'insurrection, qui est non seulement violente, mais a tendance elle aussi à obéir à un seul chef. La Boétie ouvre plutôt la voie de la désobéissance, à la fois éthique et politique. La désobéissance politique ou désobéissance civile, c'est le fait de refuser de se soumettre aux lois, mais de façon non violente, pacifique. C'est une longue tradition de résistance politique face à l'oppresseur, comme en Inde avec Gandhi, aux Etats-Unis avec Rosa Parks et le mouvement pour les droits civiques, et plus récemment, les actions de désobéissance civile pour protester contre l'inaction face au dérèglement climatique. Mais il y a aussi ce qu'on pourrait appeler la désobéissance éthique. Le fait de désobéir à nous-mêmes, c'est-à-dire aux valeurs qui nous ont été inculquées, comme les valeurs de compétition, de hiérarchie, de concurrence, qui règnent en maître dans la société actuelle. Il y a un passage très beau dans le discours de Labo ici, dans lequel il explique que nous naissons tous égaux et que si certaines capacités, physiques ou intellectuelles, sont réparties de manière inégale, ça n'est pas pour nous mettre en compétition, mais c'est pour faire naître. l'empathie et l'entraide. Pour faire naître de l'affection fraternelle, puisque les uns ont la puissance de porter secours, tandis que les autres ont besoin d'en recevoir. Selon la Boétie, au pouvoir d'un seul, à l'obéissance de tous, il faut opposer l'amitié, qui est un nom sacré, le garant de la vertu face à l'injustice. Car les tyrans et les friponneaux ne connaissent pas l'amitié. Comme le dit la Boétie, Ils ne s'aiment pas, mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices. Quelle amitié attendre de celui qui a le cœur assez dur pour haïr tout un royaume qui ne fait que lui obéir ? La tyrannie d'un seul, c'est le gouvernement de la haine. Alors voilà comment, en suivant la Boétie, On peut faire cesser la servitude, en cessant d'y consentir, en désobéissant, en transformant notre rapport au pouvoir, en interrogeant sans cesse ce qui paraît aller de soi, ce qui paraît immuable et indépassable. La liberté, avec la boétie, devient une pratique, une attitude de tous les instants, fondée sur l'entraide et l'amitié. Une pratique qui consiste à briser la servitude, en questionnant les discours et les valeurs. En affirmant que chacun, chacune est légitime à questionner la domination. En déconstruisant les discours de hiérarchie. Et en prenant conscience du fait que le coût de la désobéissance n'est pas le même pour tout le monde. Que certains, certaines ont la possibilité matérielle et physique de s'indigner. Tandis que d'autres sont dans des positions trop vulnérables pour pouvoir s'exposer davantage. Il faut penser l'amitié et l'entraide aussi et surtout dans la désobéissance. Il faut cesser d'obéir aux injonctions de compétition, de performance, qui ne font que consolider la pyramide de la servitude. Je suis toujours stupéfaite, non seulement de l'hégémonie de ces discours, mais de la disqualification systématique des discours d'opposition. On nous répète sans cesse que la croissance et le capitalisme sont les seules voies possibles pour nos sociétés modernes, et que toute autre direction marquerait la ruine de la France. Là est, à mon avis, l'une des plus grandes servitudes contemporaines. La conviction que, comme le disait Margaret Thatcher dans une formule restée célèbre, il n'y a pas d'alternative. Et cette pseudo-vérité nous conduit à accepter les pires injustices, l'accroissement des inégalités, de la pauvreté, l'effondrement des services publics, la destruction du vivant au nom des profits et la concentration des richesses aux mains de quelques-uns. Un ruissellement de servitudes. Aujourd'hui, Impossible de savoir comment la situation politique va évoluer. Certains commentateurs évoquent la possibilité que Macron ne nomme même pas de gouvernement et qu'il conserve le gouvernement des missionnaires actuels. puisque la Constitution ne met aucun délai à la nomination d'un Premier ministre. Ou encore qu'il nomme un Premier ministre marionnette, en comptant sur la servilité des petits friponneaux. Nous risquons que la torpeur s'intensifie et que ce gouvernement démissionnaire obtienne de plus en plus de pouvoir, tandis que l'habitude ferait son œuvre. C'est là que se jouera le choix entre servitude et désobéissance. Alors, quel choix ferez-vous ? C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et d'ici là, n'oubliez pas de vous abonner et de mettre 5 étoiles sur Spotify et Apple Podcasts, ça m'aide beaucoup. Merci et à bientôt !

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Et si la philosophie permettait de comprendre pourquoi tout un peuple accepte d'obéir à un seul homme ? Et s'il s'agissait d'une servitude... volontaire ? On en parle avec La Boétie.


Ca fait presque 2 mois que les résultats des élections législatives sont tombés, et il ne se passe toujours rien. Macron « temporise », pour les uns, fait un coup d’état silencieux, pour les autres.

On entend bien des critiques et des indignations, mais concrètement.... Rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide. 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ?


Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la servitude volontaire. On va parler élections, pouvoir, tyrannie, philosophie d’Etienne de la Boétie, et bien sûr, de servitude volontaire !


Et si vous avez aimé cet épisode, vous aimerez aussi celui-là, sur le vote et l'abstention.



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  • Speaker #0

    Prise politique, une philosophie de la servitude. C'est la rentrée ! Ah, ça fait du bien de commencer une nouvelle année, avec plein de nouveaux projets, après avoir passé un super été et bien profité de la liesse populaire pendant le JO. Et puis, ça fait du bien de tester une nouvelle politique, avec le nouveau gouvernement, nommé après les élections législatives du mois de juillet. Attendez, quoi ? Y'a toujours pas de Premier ministre ? Et Emmanuel Macron refuse le résultat des urnes ? Et personne ne dit rien ? Comment l'expliquer ? Pourquoi est-ce que nous paraissons toutes et tous consentir à ce qui apparaît comme le coup de force politique d'un seul homme isolé ? Aujourd'hui, je vous propose une philosophie de la servitude volontaire. On va parler élections, pouvoir, tyrannie, philosophie d'Étienne de la Boétie, et bien sûr, de servitude volontaire. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Ça fait presque deux mois que les résultats des élections législatives sont tombés et il ne se passe toujours rien. Macron temporise pour les uns, fait un coup d'état silencieux pour les autres. Il faut dire que ce qu'il fait ressemble beaucoup à un déni de démocratie. Il refuse de nommer un Premier ministre issu de la coalition arrivée en tête, soi-disant au nom du maintien d'une stabilité de l'État. Stabilité de l'État ? C'est audacieux. Quand on a dissous l'Assemblée sur un coup de tête, le soir même où l'extrême droite emportait un tiers des voix aux élections européennes, et annoncer que les élections se tiendraient dans un délai extrêmement serré, trois semaines ensuite à peine. Trois semaines ! marqué par une tension et une inquiétude fortes, par la terreur de voir l'extrême droite arriver au pouvoir, par l'urgence, par le sentiment que quelque chose d'historique était en train de se passer, ce qui a conduit à une mobilisation record dans toute la France. Je me souviens de mes larmes de soulagement le soir de l'annonce des résultats. Non seulement l'extrême droite était défaite, mais un vent nouveau semblait se lever. La victoire, certes pas écrasante, mais tellement inattendue du nouveau Front populaire, marquait à la fois l'endiguement de l'extrême droite et la chute du macronisme, ce régime élitiste et autoritaire. Quelque chose de nouveau pouvait commencer. Et puis, plus rien. Deux mois après, rien n'a bougé. Entre le début de l'été et la frénésie des Jeux Olympiques, c'est comme si tout cela n'avait été qu'un rêve. Emmanuel Macron ignore toujours le résultat et refuse catégoriquement de nommer un Premier ministre issu du NFP, le Nouveau Front Populaire. On entend toutes sortes de justifications pour rendre légitimes les actions de Macron. Le NFP n'a pas la majorité absolue, donc il ne peut pas gouverner. Mais Macron ne l'avait pas non plus en 2022, ce qui ne l'a pas empêché de former un gouvernement pour régner un coût de 49,3. Le président ne nomme pas Lucie Castel la candidate du NFP, car elle se ferait aussitôt censurer. Mais le président n'a pas à se substituer au Parlement. et a décidé cela de manière unilatérale et préventive, sauf à violer le principe de séparation des pouvoirs. Il devrait la nommer, quitte à ce qu'elle se fasse censurer ensuite. Le journal L'Express a d'ailleurs rapporté des propos d'Emmanuel Macron la semaine dernière. Il aurait dit Si je la nomme, elle ou un représentant du NFP, ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le SMIC à 1 600 euros, les marchés financiers paniqueront et la France plongera. Où on voit ? qu'il n'est pas question de stabilité institutionnelle, mais bien de programme politique. Il est persuadé d'avoir raison et il veut empêcher le parti arrivé en tête d'appliquer son programme. On apprend aussi par le journal Libé qu'il ne veut tout simplement pas de cohabitation et qu'il veut pouvoir choisir le ministre de l'Intérieur, des armées et d'autres postes importants. Si ça, ce n'est pas un déni de démocratie, je ne sais pas ce que c'est. Mais je dois dire que le plus saisissant dans tout ça, C'est cette espèce de torpeur généralisée, cette non-protestation. Oui, on entend bien des critiques, parfois même des indignations, mais concrètement, rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide, 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ? Ce paradoxe, c'est celui de la servitude volontaire. Il a été mis en lumière au XVIe siècle par un homme alors âgé de 18 ans, Étienne de la Boétie. Dans un texte très court, écrit vers 1550, il porte un regard très critique sur le pouvoir et renverse la problématique classique de la servitude. Déjà, la Boétie est claire. Tout type de pouvoir est une tyrannie. L'homme est naturellement libre et il devrait le rester. La Boétie distingue alors trois types de tyrans. Ceux qui règnent par la force, ceux qui héritent du pouvoir par la naissance et ceux qui sont élus. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce dernier n'est pas plus supportable que les autres. Car dès qu'il est élu, il se croit supérieur et au-dessus du monde. Et bien souvent, Il met tout en œuvre pour ne jamais renoncer au pouvoir. La sentence de la Boétie est sans appel. S'ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de régner est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d'esclaves qui leur appartient par nature. Selon la Boétie, tout ce que font ces tyrans, c'est mettre le peuple en servitude et effacer. toute idée de liberté de leur esprit. Le pouvoir, c'est donc la privation de la liberté, pourtant si naturelle. Mais comment expliquer qu'un seul homme en opprime cent mille ? Jusque-là, en philosophie politique, on expliquait la servitude par la tyrannie des chefs. C'est parce que le chef est autoritaire, répressif, violent, que le peuple est maintenu sous son pouvoir. La Boétie renverse radicalement cette perspective. Oui, certains chefs sont violents et usent de la force pour maintenir leur pouvoir, mais ce n'est pas toujours le cas. Et puis en général, cela ne dure pas. Ils finissent souvent par être renversés ou assassinés. Non, nous dit Labo ici. Dans la majorité des cas, l'obéissance se fait sans violence. Le peuple semble consentir à sa propre servitude. Quel paradoxe ! Comment expliquer que le peuple semble mettre autant de ferveur à obéir à un seul ? Il y a là un mystère, une énigme, qu'il faut tenter de résoudre. La Boétie propose plusieurs explications. D'abord, il y aurait une sorte d'enchantement, d'ensorcellement. Nous sommes naturellement enclins à admirer et à héroïser ceux qui nous paraissent être vertueux. Alors, nous allons avoir tendance à lui obéir. Et petit à petit... se met en place une habitude. L'habitude forge encore plus que la nature, nous dit la Boétie, si bien que la servitude se substitue rapidement à la liberté. La domination est désormais ancrée. Les hommes nés dans la servitude se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent pas avoir d'autres biens ni d'autres droits. Et puis, de leur côté, les tyrans entretiennent cette servitude douce. Ils rusent pour accroître leur obéissance. Ils se parent de plus beaux artifices et des plus beaux discours sur le bien public, pour paraître encore plus grands, encore plus divins. Ils abétissent leurs sujets en leur organisant des divertissements, des spectacles et des jeux. Enfin, la boétie met en lumière l'outil le plus fondamental, le ressort et le secret de la domination. Le soutien est le fondement de toute tyrannie, la chaîne de la domination. Le tyran s'entoure en effet de cinq ou six courtisans qui s'aplatissent pour lui plaire. Ceux-là, proches du pouvoir, asservissent à leur tour 600 hommes, qui en asservissent à leur tour 6000, et ainsi de suite. Une sorte de pyramide de la servitude se met en place, sous la forme de la multiplication des institutions intermédiaires de pouvoir, destiné à donner toujours plus de soutien à la tyrannie. Et oui, car tous les gens qui participent de la pyramide de la servitude ont tout intérêt à ce qu'elle reste en place. La Boétie a une formule Le tyran asservit les sujets les uns par les autres La modernité de cette analyse est saisissante et parfois totalement réjouissante. Je ne résiste pas à l'envie de vous lire ce que la Boétie écrit au sujet des courtisans. Et c'est encore plus savoureux quand on pense en même temps à toutes ces personnalités politiques serviles qui peuplent la Macronie, comme Aurore Berger ou Stanislas Guérini. Vous êtes prêts ? Je vous lis. Dès qu'un roi s'est déclaré tyran, toute la lie du royaume, un tas de petits friponneaux possédés d'une ambition ardente et d'une avidité notable, se groupent autour de lui. et le soutiennent pour être autant de petits tyrannos. Il ajoute Quand je pense à ces gens qui flattent le tyran pour exploiter sa tyrannie et la servitude du peuple, je suis presque aussi souvent ébahi de leur méchanceté qu'apitoyé de leur sottise. Selon la Boétie, ce n'est donc pas le pouvoir qui crée l'obéissance, mais c'est l'obéissance qui crée le pouvoir. Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux, nous dit-il. Mais cela n'est pas inéluctable. Ce n'est pas une loi naturelle, à laquelle nous ne pourrions pas échapper. C'est un hasard malchanceux de l'histoire, que nous pouvons donc défaire. Alors, comment faire face à cette servitude volontaire ? Comment s'en émanciper ? C'est très simple, nous dit-il. Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres. Hum, qu'est-ce que ça signifie ? Déjà, la Boétie n'est pas un révolutionnaire. Il n'appelle jamais à l'insurrection, qui est non seulement violente, mais a tendance elle aussi à obéir à un seul chef. La Boétie ouvre plutôt la voie de la désobéissance, à la fois éthique et politique. La désobéissance politique ou désobéissance civile, c'est le fait de refuser de se soumettre aux lois, mais de façon non violente, pacifique. C'est une longue tradition de résistance politique face à l'oppresseur, comme en Inde avec Gandhi, aux Etats-Unis avec Rosa Parks et le mouvement pour les droits civiques, et plus récemment, les actions de désobéissance civile pour protester contre l'inaction face au dérèglement climatique. Mais il y a aussi ce qu'on pourrait appeler la désobéissance éthique. Le fait de désobéir à nous-mêmes, c'est-à-dire aux valeurs qui nous ont été inculquées, comme les valeurs de compétition, de hiérarchie, de concurrence, qui règnent en maître dans la société actuelle. Il y a un passage très beau dans le discours de Labo ici, dans lequel il explique que nous naissons tous égaux et que si certaines capacités, physiques ou intellectuelles, sont réparties de manière inégale, ça n'est pas pour nous mettre en compétition, mais c'est pour faire naître. l'empathie et l'entraide. Pour faire naître de l'affection fraternelle, puisque les uns ont la puissance de porter secours, tandis que les autres ont besoin d'en recevoir. Selon la Boétie, au pouvoir d'un seul, à l'obéissance de tous, il faut opposer l'amitié, qui est un nom sacré, le garant de la vertu face à l'injustice. Car les tyrans et les friponneaux ne connaissent pas l'amitié. Comme le dit la Boétie, Ils ne s'aiment pas, mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices. Quelle amitié attendre de celui qui a le cœur assez dur pour haïr tout un royaume qui ne fait que lui obéir ? La tyrannie d'un seul, c'est le gouvernement de la haine. Alors voilà comment, en suivant la Boétie, On peut faire cesser la servitude, en cessant d'y consentir, en désobéissant, en transformant notre rapport au pouvoir, en interrogeant sans cesse ce qui paraît aller de soi, ce qui paraît immuable et indépassable. La liberté, avec la boétie, devient une pratique, une attitude de tous les instants, fondée sur l'entraide et l'amitié. Une pratique qui consiste à briser la servitude, en questionnant les discours et les valeurs. En affirmant que chacun, chacune est légitime à questionner la domination. En déconstruisant les discours de hiérarchie. Et en prenant conscience du fait que le coût de la désobéissance n'est pas le même pour tout le monde. Que certains, certaines ont la possibilité matérielle et physique de s'indigner. Tandis que d'autres sont dans des positions trop vulnérables pour pouvoir s'exposer davantage. Il faut penser l'amitié et l'entraide aussi et surtout dans la désobéissance. Il faut cesser d'obéir aux injonctions de compétition, de performance, qui ne font que consolider la pyramide de la servitude. Je suis toujours stupéfaite, non seulement de l'hégémonie de ces discours, mais de la disqualification systématique des discours d'opposition. On nous répète sans cesse que la croissance et le capitalisme sont les seules voies possibles pour nos sociétés modernes, et que toute autre direction marquerait la ruine de la France. Là est, à mon avis, l'une des plus grandes servitudes contemporaines. La conviction que, comme le disait Margaret Thatcher dans une formule restée célèbre, il n'y a pas d'alternative. Et cette pseudo-vérité nous conduit à accepter les pires injustices, l'accroissement des inégalités, de la pauvreté, l'effondrement des services publics, la destruction du vivant au nom des profits et la concentration des richesses aux mains de quelques-uns. Un ruissellement de servitudes. Aujourd'hui, Impossible de savoir comment la situation politique va évoluer. Certains commentateurs évoquent la possibilité que Macron ne nomme même pas de gouvernement et qu'il conserve le gouvernement des missionnaires actuels. puisque la Constitution ne met aucun délai à la nomination d'un Premier ministre. Ou encore qu'il nomme un Premier ministre marionnette, en comptant sur la servilité des petits friponneaux. Nous risquons que la torpeur s'intensifie et que ce gouvernement démissionnaire obtienne de plus en plus de pouvoir, tandis que l'habitude ferait son œuvre. C'est là que se jouera le choix entre servitude et désobéissance. Alors, quel choix ferez-vous ? C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et d'ici là, n'oubliez pas de vous abonner et de mettre 5 étoiles sur Spotify et Apple Podcasts, ça m'aide beaucoup. Merci et à bientôt !

Description

Et si la philosophie permettait de comprendre pourquoi tout un peuple accepte d'obéir à un seul homme ? Et s'il s'agissait d'une servitude... volontaire ? On en parle avec La Boétie.


Ca fait presque 2 mois que les résultats des élections législatives sont tombés, et il ne se passe toujours rien. Macron « temporise », pour les uns, fait un coup d’état silencieux, pour les autres.

On entend bien des critiques et des indignations, mais concrètement.... Rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide. 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ?


Aujourd’hui, je vous propose une philosophie de la servitude volontaire. On va parler élections, pouvoir, tyrannie, philosophie d’Etienne de la Boétie, et bien sûr, de servitude volontaire !


Et si vous avez aimé cet épisode, vous aimerez aussi celui-là, sur le vote et l'abstention.



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Trois semaines ! marqué par une tension et une inquiétude fortes, par la terreur de voir l'extrême droite arriver au pouvoir, par l'urgence, par le sentiment que quelque chose d'historique était en train de se passer, ce qui a conduit à une mobilisation record dans toute la France. Je me souviens de mes larmes de soulagement le soir de l'annonce des résultats. Non seulement l'extrême droite était défaite, mais un vent nouveau semblait se lever. La victoire, certes pas écrasante, mais tellement inattendue du nouveau Front populaire, marquait à la fois l'endiguement de l'extrême droite et la chute du macronisme, ce régime élitiste et autoritaire. Quelque chose de nouveau pouvait commencer. Et puis, plus rien. Deux mois après, rien n'a bougé. Entre le début de l'été et la frénésie des Jeux Olympiques, c'est comme si tout cela n'avait été qu'un rêve. Emmanuel Macron ignore toujours le résultat et refuse catégoriquement de nommer un Premier ministre issu du NFP, le Nouveau Front Populaire. On entend toutes sortes de justifications pour rendre légitimes les actions de Macron. Le NFP n'a pas la majorité absolue, donc il ne peut pas gouverner. Mais Macron ne l'avait pas non plus en 2022, ce qui ne l'a pas empêché de former un gouvernement pour régner un coût de 49,3. Le président ne nomme pas Lucie Castel la candidate du NFP, car elle se ferait aussitôt censurer. Mais le président n'a pas à se substituer au Parlement. et a décidé cela de manière unilatérale et préventive, sauf à violer le principe de séparation des pouvoirs. Il devrait la nommer, quitte à ce qu'elle se fasse censurer ensuite. Le journal L'Express a d'ailleurs rapporté des propos d'Emmanuel Macron la semaine dernière. Il aurait dit Si je la nomme, elle ou un représentant du NFP, ils abrogeront la réforme des retraites, ils augmenteront le SMIC à 1 600 euros, les marchés financiers paniqueront et la France plongera. Où on voit ? qu'il n'est pas question de stabilité institutionnelle, mais bien de programme politique. Il est persuadé d'avoir raison et il veut empêcher le parti arrivé en tête d'appliquer son programme. On apprend aussi par le journal Libé qu'il ne veut tout simplement pas de cohabitation et qu'il veut pouvoir choisir le ministre de l'Intérieur, des armées et d'autres postes importants. Si ça, ce n'est pas un déni de démocratie, je ne sais pas ce que c'est. Mais je dois dire que le plus saisissant dans tout ça, C'est cette espèce de torpeur généralisée, cette non-protestation. Oui, on entend bien des critiques, parfois même des indignations, mais concrètement, rien ne se passe. Tout est inchangé. Un seul homme décide, 60 millions consentent. Comment expliquer ce paradoxe ? Ce paradoxe, c'est celui de la servitude volontaire. Il a été mis en lumière au XVIe siècle par un homme alors âgé de 18 ans, Étienne de la Boétie. Dans un texte très court, écrit vers 1550, il porte un regard très critique sur le pouvoir et renverse la problématique classique de la servitude. Déjà, la Boétie est claire. Tout type de pouvoir est une tyrannie. L'homme est naturellement libre et il devrait le rester. La Boétie distingue alors trois types de tyrans. Ceux qui règnent par la force, ceux qui héritent du pouvoir par la naissance et ceux qui sont élus. Et contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce dernier n'est pas plus supportable que les autres. Car dès qu'il est élu, il se croit supérieur et au-dessus du monde. Et bien souvent, Il met tout en œuvre pour ne jamais renoncer au pouvoir. La sentence de la Boétie est sans appel. S'ils arrivent au trône par des moyens divers, leur manière de régner est toujours à peu près la même. Ceux qui sont élus par le peuple le traitent comme un taureau à dompter, les conquérants comme leur proie, les successeurs comme un troupeau d'esclaves qui leur appartient par nature. Selon la Boétie, tout ce que font ces tyrans, c'est mettre le peuple en servitude et effacer. toute idée de liberté de leur esprit. Le pouvoir, c'est donc la privation de la liberté, pourtant si naturelle. Mais comment expliquer qu'un seul homme en opprime cent mille ? Jusque-là, en philosophie politique, on expliquait la servitude par la tyrannie des chefs. C'est parce que le chef est autoritaire, répressif, violent, que le peuple est maintenu sous son pouvoir. La Boétie renverse radicalement cette perspective. Oui, certains chefs sont violents et usent de la force pour maintenir leur pouvoir, mais ce n'est pas toujours le cas. Et puis en général, cela ne dure pas. Ils finissent souvent par être renversés ou assassinés. Non, nous dit Labo ici. Dans la majorité des cas, l'obéissance se fait sans violence. Le peuple semble consentir à sa propre servitude. Quel paradoxe ! Comment expliquer que le peuple semble mettre autant de ferveur à obéir à un seul ? Il y a là un mystère, une énigme, qu'il faut tenter de résoudre. La Boétie propose plusieurs explications. D'abord, il y aurait une sorte d'enchantement, d'ensorcellement. Nous sommes naturellement enclins à admirer et à héroïser ceux qui nous paraissent être vertueux. Alors, nous allons avoir tendance à lui obéir. Et petit à petit... se met en place une habitude. L'habitude forge encore plus que la nature, nous dit la Boétie, si bien que la servitude se substitue rapidement à la liberté. La domination est désormais ancrée. Les hommes nés dans la servitude se contentent de vivre comme ils sont nés et ne pensent pas avoir d'autres biens ni d'autres droits. Et puis, de leur côté, les tyrans entretiennent cette servitude douce. Ils rusent pour accroître leur obéissance. Ils se parent de plus beaux artifices et des plus beaux discours sur le bien public, pour paraître encore plus grands, encore plus divins. Ils abétissent leurs sujets en leur organisant des divertissements, des spectacles et des jeux. Enfin, la boétie met en lumière l'outil le plus fondamental, le ressort et le secret de la domination. Le soutien est le fondement de toute tyrannie, la chaîne de la domination. Le tyran s'entoure en effet de cinq ou six courtisans qui s'aplatissent pour lui plaire. Ceux-là, proches du pouvoir, asservissent à leur tour 600 hommes, qui en asservissent à leur tour 6000, et ainsi de suite. Une sorte de pyramide de la servitude se met en place, sous la forme de la multiplication des institutions intermédiaires de pouvoir, destiné à donner toujours plus de soutien à la tyrannie. Et oui, car tous les gens qui participent de la pyramide de la servitude ont tout intérêt à ce qu'elle reste en place. La Boétie a une formule Le tyran asservit les sujets les uns par les autres La modernité de cette analyse est saisissante et parfois totalement réjouissante. Je ne résiste pas à l'envie de vous lire ce que la Boétie écrit au sujet des courtisans. Et c'est encore plus savoureux quand on pense en même temps à toutes ces personnalités politiques serviles qui peuplent la Macronie, comme Aurore Berger ou Stanislas Guérini. Vous êtes prêts ? Je vous lis. Dès qu'un roi s'est déclaré tyran, toute la lie du royaume, un tas de petits friponneaux possédés d'une ambition ardente et d'une avidité notable, se groupent autour de lui. et le soutiennent pour être autant de petits tyrannos. Il ajoute Quand je pense à ces gens qui flattent le tyran pour exploiter sa tyrannie et la servitude du peuple, je suis presque aussi souvent ébahi de leur méchanceté qu'apitoyé de leur sottise. Selon la Boétie, ce n'est donc pas le pouvoir qui crée l'obéissance, mais c'est l'obéissance qui crée le pouvoir. Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux, nous dit-il. Mais cela n'est pas inéluctable. Ce n'est pas une loi naturelle, à laquelle nous ne pourrions pas échapper. C'est un hasard malchanceux de l'histoire, que nous pouvons donc défaire. Alors, comment faire face à cette servitude volontaire ? Comment s'en émanciper ? C'est très simple, nous dit-il. Soyez résolus à ne plus servir et vous voilà libres. Hum, qu'est-ce que ça signifie ? Déjà, la Boétie n'est pas un révolutionnaire. Il n'appelle jamais à l'insurrection, qui est non seulement violente, mais a tendance elle aussi à obéir à un seul chef. La Boétie ouvre plutôt la voie de la désobéissance, à la fois éthique et politique. La désobéissance politique ou désobéissance civile, c'est le fait de refuser de se soumettre aux lois, mais de façon non violente, pacifique. C'est une longue tradition de résistance politique face à l'oppresseur, comme en Inde avec Gandhi, aux Etats-Unis avec Rosa Parks et le mouvement pour les droits civiques, et plus récemment, les actions de désobéissance civile pour protester contre l'inaction face au dérèglement climatique. Mais il y a aussi ce qu'on pourrait appeler la désobéissance éthique. Le fait de désobéir à nous-mêmes, c'est-à-dire aux valeurs qui nous ont été inculquées, comme les valeurs de compétition, de hiérarchie, de concurrence, qui règnent en maître dans la société actuelle. Il y a un passage très beau dans le discours de Labo ici, dans lequel il explique que nous naissons tous égaux et que si certaines capacités, physiques ou intellectuelles, sont réparties de manière inégale, ça n'est pas pour nous mettre en compétition, mais c'est pour faire naître. l'empathie et l'entraide. Pour faire naître de l'affection fraternelle, puisque les uns ont la puissance de porter secours, tandis que les autres ont besoin d'en recevoir. Selon la Boétie, au pouvoir d'un seul, à l'obéissance de tous, il faut opposer l'amitié, qui est un nom sacré, le garant de la vertu face à l'injustice. Car les tyrans et les friponneaux ne connaissent pas l'amitié. Comme le dit la Boétie, Ils ne s'aiment pas, mais se craignent. Ils ne sont pas amis, mais complices. Quelle amitié attendre de celui qui a le cœur assez dur pour haïr tout un royaume qui ne fait que lui obéir ? La tyrannie d'un seul, c'est le gouvernement de la haine. Alors voilà comment, en suivant la Boétie, On peut faire cesser la servitude, en cessant d'y consentir, en désobéissant, en transformant notre rapport au pouvoir, en interrogeant sans cesse ce qui paraît aller de soi, ce qui paraît immuable et indépassable. La liberté, avec la boétie, devient une pratique, une attitude de tous les instants, fondée sur l'entraide et l'amitié. Une pratique qui consiste à briser la servitude, en questionnant les discours et les valeurs. En affirmant que chacun, chacune est légitime à questionner la domination. En déconstruisant les discours de hiérarchie. Et en prenant conscience du fait que le coût de la désobéissance n'est pas le même pour tout le monde. Que certains, certaines ont la possibilité matérielle et physique de s'indigner. Tandis que d'autres sont dans des positions trop vulnérables pour pouvoir s'exposer davantage. Il faut penser l'amitié et l'entraide aussi et surtout dans la désobéissance. Il faut cesser d'obéir aux injonctions de compétition, de performance, qui ne font que consolider la pyramide de la servitude. Je suis toujours stupéfaite, non seulement de l'hégémonie de ces discours, mais de la disqualification systématique des discours d'opposition. On nous répète sans cesse que la croissance et le capitalisme sont les seules voies possibles pour nos sociétés modernes, et que toute autre direction marquerait la ruine de la France. Là est, à mon avis, l'une des plus grandes servitudes contemporaines. La conviction que, comme le disait Margaret Thatcher dans une formule restée célèbre, il n'y a pas d'alternative. Et cette pseudo-vérité nous conduit à accepter les pires injustices, l'accroissement des inégalités, de la pauvreté, l'effondrement des services publics, la destruction du vivant au nom des profits et la concentration des richesses aux mains de quelques-uns. Un ruissellement de servitudes. Aujourd'hui, Impossible de savoir comment la situation politique va évoluer. Certains commentateurs évoquent la possibilité que Macron ne nomme même pas de gouvernement et qu'il conserve le gouvernement des missionnaires actuels. puisque la Constitution ne met aucun délai à la nomination d'un Premier ministre. Ou encore qu'il nomme un Premier ministre marionnette, en comptant sur la servilité des petits friponneaux. Nous risquons que la torpeur s'intensifie et que ce gouvernement démissionnaire obtienne de plus en plus de pouvoir, tandis que l'habitude ferait son œuvre. C'est là que se jouera le choix entre servitude et désobéissance. Alors, quel choix ferez-vous ? C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et d'ici là, n'oubliez pas de vous abonner et de mettre 5 étoiles sur Spotify et Apple Podcasts, ça m'aide beaucoup. Merci et à bientôt !

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