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Le Phil d'Actu - Philosophie et Actualité

Nouveau gouvernement : une philosophie de l'angoisse

Nouveau gouvernement : une philosophie de l'angoisse

12min |25/09/2024
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12min |25/09/2024
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Description

Et si la philosophie nous permettait de transformer notre angoisse en une force créatrice et émancipatrice ?


Ca y est, nous avons un nouveau gouvernement. On était inquiets, on avait raison : un gouvernement de droite dure, totalement illégitime. Et pourtant, rien ne se passe : il semble n'y avoir aucun contre-pouvoir politique en France.

Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m’angoisse terriblement. J’ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique.


Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie de l’angoisse. Qu’est-ce que l’angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse, ou qui au contraire peut nous faire agir ?

On va parler peur, anxiété, mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre, et bien sûr, d’angoisse !     



Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien ! Merci à Céline, Nathalie, Alexia pour leur soutien. Rejoignez-les !


Si vous aimez l'épisode, n'oubliez pas de vous abonner, de mettre 5 étoiles, et de le partager sur les réseaux sociaux.


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Nouveau gouvernement, une philosophie de l'angoisse. Avant de commencer, je voulais vous dire un petit mot. Ce podcast est totalement gratuit, indépendant et sans publicité. Et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent, même de quelques euros, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci d'avance pour votre soutien. Et maintenant, place à l'épisode ! Ça y est, nous avons enfin un nouveau gouvernement. On était inquiets, inquiètes, et on avait raison. Non seulement le gouvernement est composé principalement de personnalités de droite dure, qui nous ramènent directement aux belles années Sarkozy, mais en plus, chaque nomination fait presque l'effet d'une injure. La ministre de l'écologie a des intérêts financiers dans la deuxième plus grosse compagnie française de pétrole, le ministre des services publics est anti-services publics, Le ministre des discriminations est issu de la manif pour tous et ont été supprimés des secrétariats et des ministères comme celui sur le handicap ou la biodiversité. La palme revient à notre ministre de l'Intérieur qui utilise des formules qui pourraient être utilisées par le grand méchant dans à peu près tous les films depuis la nuit des temps.

  • Speaker #1

    Trois priorités. La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre. La troisième, rétablir l'ordre. Parce que je crois à l'ordre. L'ordre comme condition de la liberté.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m'angoisse énormément. J'ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique. Et quand on voit à quel point il n'y a quasiment aucun contre-pouvoir en France. Emmanuel Macron use de toutes les stratégies, de toutes les compromissions pour s'accrocher au pouvoir. Et il semble presque impossible de l'en empêcher. Il y a bien quelques manifestations, mais pas d'appel à la grève par les syndicats et presque aucune critique dans la presse. Il faut aller lire la presse internationale pour trouver des critiques féroces de Macron pendant qu'en France, la vie suit tranquillement son cours. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie de l'angoisse. Qu'est-ce que l'angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse ou qui, au contraire, peut nous faire agir ? On va parler peur, anxiété. mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre et bien sûr, d'angoisse. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Le terme angoisse vient du latin angustus, qui signifie au départ étroit, serré et désigne ensuite une situation critique qui nous serre le cœur. L'angoisse, c'est un sentiment d'oppression. C'est défini comme une anxiété extrême. L'anxiété, c'est un terme qui est plutôt utilisé en psychologie et en psychiatrie. Ça désigne des symptômes de peur, soit de phobie spécifique, par exemple la peur de prendre les transports en commun, d'être en compagnie d'autres gens, mais aussi des peurs plus vagues, une sensation d'oppression face à une situation menaçante et incertaine. Le trouble anxieux est aujourd'hui le trouble psychologique le plus répandu dans les pays occidentaux. On estime qu'une personne sur cinq, et même un jeune sur deux, souffre d'anxiété. Si bien que Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, a annoncé qu'il veut faire de la santé mentale la grande cause de 2025. On rigole un peu quand même. Parce qu'à mon avis, un bon point de départ pour améliorer la santé mentale, ce serait la démission de Michel Barnier. Revenons à nos moutons anxieux. L'anxiété, c'est donc un terme plutôt médical. Alors que l'angoisse, c'est un véritable concept philosophique, qui a notamment été conceptualisé par le philosophe danois Kierkegaard, par le philosophe allemand Heidegger, ou encore par Jean-Paul Sartre. Et c'est de lui dont je vais vous parler aujourd'hui. Pour Sartre, l'angoisse est un sentiment fondamental de l'existence humaine. C'est l'émotion que nous ressentons face à l'infinité des possibles dans notre existence. Tout est possible, car nous sommes radicalement libres. Devant cet océan d'incertitudes, nous sommes alors pris d'un vertige. Ce vertige, cette angoisse, c'est ce par quoi nous prenons conscience de notre liberté. Il y a donc, nous dit Sartre, une différence entre la peur et l'angoisse. La peur survient devant un danger précis, identifié et surtout extérieur à nous. Alors que l'angoisse est plus intérieure, nous redoutons notre propre comportement. Sartre prend l'exemple d'un bombardement. Le soldat va avoir peur des bombes, mais il sera pris d'angoisse quand il essaiera de prévoir son comportement face au bombardement, lorsqu'il se demandera s'il va pouvoir tenir. Ainsi, nous avons peur d'un danger identifié, les bombes, mais nous angoissons devant notre propre liberté, la manière dont nous allons nous comporter. Rien d'étonnant alors à ce que nous cherchions souvent à échapper à l'angoisse, c'est-à-dire à notre propre liberté, à cette... infinie des possibles. Pour cela, dit Sartre, nous nous réfugions dans la mauvaise foi. Nous nous inventons des déterminismes, des raisons extérieures qui nous auraient forcé à agir de la sorte. C'est mon inconscient, ou ce sont des pulsions, ce sont des conditions sociales, des circonstances particulières. C'est la faute de la gauche, si j'ai nommé Michel Baragné Premier ministre avec l'aval de Marine Le Pen. Cette mauvaise foi nous permet de nous dire que nous n'avons pas totalement choisi, que nous ne sommes pas responsables. Nous pouvons alors échapper à l'angoisse, à notre obligation de faire des choix. Évidemment, Sartre ne nie pas que nous n'avons pas toutes et tous les mêmes conditions de départ. Nous n'avons pas choisi notre condition, notre situation. Mais, nous dit Sartre, nous pouvons et devons toujours tenter de la dépasser. Attention, ça ne revient pas à un discours de type quand on veut, on peut car il ne s'agit pas d'une réussite sociale ou économique. Ce qui importe à Sartre, c'est l'engagement. Choisir qui on veut être, sans obéir justement à des critères de réussite préconçus, extérieurs à nous. Il ne faut pas faire des choix pour se conformer à des valeurs prédéfinies, présentées comme absolues, car ça, c'est justement de la mauvaise foi. La mauvaise foi ? C'est se conformer à des valeurs qui existent en dehors de nous. Notre liberté, à l'inverse, c'est précisément choisir les valeurs qui guident notre action. C'est vrai que ça donne un peu le vertige. Car il n'y a plus de chemin tout tracé, plus de guide pratique pour agir. Nous sommes, chaque fois que nous faisons un choix, face à un infini des possibles. Chaque choix engage notre responsabilité. D'autant plus que, ajoute Sartre, nous ne choisissons pas. pas seulement pour nous-mêmes. À chaque fois que nous faisons un choix, que nous agissons, nous créons une image de l'humain telle que nous estimons qu'il doit être. Sartre donne un exemple. Si un ouvrier adhère à un syndicat chrétien plutôt que d'être communiste, alors il affirme que le royaume de l'homme n'est pas sur la terre et il opte pour la résignation. Ce faisant, il n'engage pas seulement son propre cas, il prône la résignation pour toutes et tous. Sa démarche a engagé l'humanité tout entière. Autrement dit, à chaque fois que vous faites un choix véritablement libre, vous semblez dire j'ai agi de la sorte et j'estime que tout le monde devrait faire comme moi Voilà pourquoi nous sommes angoissés. Chaque action nous met face à un infini des possibles et à une écrasante responsabilité, non seulement envers nous-mêmes, mais envers tous les humains. Et c'est là, à mon avis, tout l'intérêt de la philosophie de Sartre. Sa philosophie dépasse la seule existence individuelle. Il pense l'individu, sa liberté radicale et l'angoisse qui en découle, mais aussi le système social dans lequel l'individu s'inscrit. Sartre critique en particulier les valeurs qui structurent la société, qui sont des valeurs bourgeoises, qui organisent l'exploitation et l'oppression. Par exemple, la valeur bourgeoise de l'humanisme considère que l'accomplissement ultime de l'humain, c'est la culture, l'art, la connaissance, l'esprit. Donc, seules les personnes cultivées sont dignes, tandis que les incultes, souvent les prolétaires, sont des sous-humains. Cette déshumanisation permet de les traiter comme des choses et de les exploiter. Ce système de valeurs est tellement dominant que les prolétaires n'y échappent pas. Ils intériorisent ces valeurs et tentent d'échapper à leurs conditions. Mais ils cherchent plus souvent à y échapper individuellement, à s'extraire de leur propre classe sociale, alors qu'il faudrait justement penser l'action collective. Car il est possible pour Sartre de dépasser les consciences individuelles et de constituer un groupe. Pour cela, il faut que nous choisissions la solidarité, que notre liberté individuelle radicale se dirige vers un projet collectif. Parfois dans l'histoire, les individus perçoivent que la révolte n'a de chance que si elle est collective. Alors, un conflit politique et économique peut offrir la possibilité de refonder le lien social et l'ensemble des rapports sociaux. Sartre prenait l'exemple de 1789. La situation critique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui pourrait peut-être être une nouvelle occasion. Alors, pour reprendre la distinction faite par Sartre, est-ce que la situation actuelle génère de la peur ou de l'angoisse ? À mon avis, les deux. De la peur, déjà, car nous sommes face à un danger connu, le danger de la régression des droits, de la répression, de l'austérité. Même Gabriel Attal, l'ancien Premier ministre, s'est montré inquiet devant la nomination d'un gouvernement ultra réactionnaire et il a demandé des garanties sur la PMA, le droit à l'IVG et les droits LGBT. Nous connaissons le danger qui nous guette. Alors, la peur doit nous guider et nous permettre de tout faire pour éviter cela. Sartre prend l'exemple d'un précipice. Je suis sur un sentier étroit et sans parapet qui longe un précipice. J'ai peur de tomber dans ce précipice, alors je fais attention aux pierres du chemin. Je me tiens le plus loin possible du bord du sentier. La peur peut donc être un levier d'action si elle ne nous paralyse pas. Mais il y a aussi de l'angoisse. De l'angoisse face à l'incertitude. L'incertitude de l'avenir et l'incertitude de nos propres réactions. Sartre nous dit Je m'approche du précipice et c'est moi que mes regards cherchent en son fond. Je me cherche dans ce vertige, je m'imagine me jeter dans le précipice. L'angoisse que nous ressentons face au précipice nous révèle qui nous sommes. Et puis, on s'éloigne brusquement du bord du précipice et on reprend sa route. Voilà ce qu'il nous faut faire désormais, reprendre notre route, c'est-à-dire la construire, l'inventer. Il nous faut prendre conscience du collectif, construire un nouveau projet. Que l'angoisse devienne créatrice, émancipatrice, en nous mobilisant pour des grèves ou en inventant de nouvelles formes de lutte. Que l'angoisse ne soit pas synonyme de paralysie, d'abandon, de mauvaise foi, mais qu'elle soit une émotion mobilisatrice. D'ailleurs, vous savez quoi ? Le mot angoisse a aussi donné anger en anglais, ce qui signifie colère Et ça, la colère, en France... On sait faire. Que l'on touche à la liberté et Paris se met en colère. Et Paris commence à gronder et le lendemain, c'est la guerre. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

Description

Et si la philosophie nous permettait de transformer notre angoisse en une force créatrice et émancipatrice ?


Ca y est, nous avons un nouveau gouvernement. On était inquiets, on avait raison : un gouvernement de droite dure, totalement illégitime. Et pourtant, rien ne se passe : il semble n'y avoir aucun contre-pouvoir politique en France.

Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m’angoisse terriblement. J’ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique.


Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie de l’angoisse. Qu’est-ce que l’angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse, ou qui au contraire peut nous faire agir ?

On va parler peur, anxiété, mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre, et bien sûr, d’angoisse !     



Le Phil d'Actu, c'est le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité !

Ce podcast est 100% indépendant, gratuit, sans publicité. Il ne survit que grâce à vos dons.


🙏 Pour me soutenir, vous pouvez faire un don, ponctuel ou régulier, sur cette page.

💜 Merci pour votre soutien ! Merci à Céline, Nathalie, Alexia pour leur soutien. Rejoignez-les !


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Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

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  • Speaker #0

    Nouveau gouvernement, une philosophie de l'angoisse. Avant de commencer, je voulais vous dire un petit mot. Ce podcast est totalement gratuit, indépendant et sans publicité. Et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent, même de quelques euros, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci d'avance pour votre soutien. Et maintenant, place à l'épisode ! Ça y est, nous avons enfin un nouveau gouvernement. On était inquiets, inquiètes, et on avait raison. Non seulement le gouvernement est composé principalement de personnalités de droite dure, qui nous ramènent directement aux belles années Sarkozy, mais en plus, chaque nomination fait presque l'effet d'une injure. La ministre de l'écologie a des intérêts financiers dans la deuxième plus grosse compagnie française de pétrole, le ministre des services publics est anti-services publics, Le ministre des discriminations est issu de la manif pour tous et ont été supprimés des secrétariats et des ministères comme celui sur le handicap ou la biodiversité. La palme revient à notre ministre de l'Intérieur qui utilise des formules qui pourraient être utilisées par le grand méchant dans à peu près tous les films depuis la nuit des temps.

  • Speaker #1

    Trois priorités. La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre. La troisième, rétablir l'ordre. Parce que je crois à l'ordre. L'ordre comme condition de la liberté.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m'angoisse énormément. J'ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique. Et quand on voit à quel point il n'y a quasiment aucun contre-pouvoir en France. Emmanuel Macron use de toutes les stratégies, de toutes les compromissions pour s'accrocher au pouvoir. Et il semble presque impossible de l'en empêcher. Il y a bien quelques manifestations, mais pas d'appel à la grève par les syndicats et presque aucune critique dans la presse. Il faut aller lire la presse internationale pour trouver des critiques féroces de Macron pendant qu'en France, la vie suit tranquillement son cours. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie de l'angoisse. Qu'est-ce que l'angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse ou qui, au contraire, peut nous faire agir ? On va parler peur, anxiété. mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre et bien sûr, d'angoisse. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Le terme angoisse vient du latin angustus, qui signifie au départ étroit, serré et désigne ensuite une situation critique qui nous serre le cœur. L'angoisse, c'est un sentiment d'oppression. C'est défini comme une anxiété extrême. L'anxiété, c'est un terme qui est plutôt utilisé en psychologie et en psychiatrie. Ça désigne des symptômes de peur, soit de phobie spécifique, par exemple la peur de prendre les transports en commun, d'être en compagnie d'autres gens, mais aussi des peurs plus vagues, une sensation d'oppression face à une situation menaçante et incertaine. Le trouble anxieux est aujourd'hui le trouble psychologique le plus répandu dans les pays occidentaux. On estime qu'une personne sur cinq, et même un jeune sur deux, souffre d'anxiété. Si bien que Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, a annoncé qu'il veut faire de la santé mentale la grande cause de 2025. On rigole un peu quand même. Parce qu'à mon avis, un bon point de départ pour améliorer la santé mentale, ce serait la démission de Michel Barnier. Revenons à nos moutons anxieux. L'anxiété, c'est donc un terme plutôt médical. Alors que l'angoisse, c'est un véritable concept philosophique, qui a notamment été conceptualisé par le philosophe danois Kierkegaard, par le philosophe allemand Heidegger, ou encore par Jean-Paul Sartre. Et c'est de lui dont je vais vous parler aujourd'hui. Pour Sartre, l'angoisse est un sentiment fondamental de l'existence humaine. C'est l'émotion que nous ressentons face à l'infinité des possibles dans notre existence. Tout est possible, car nous sommes radicalement libres. Devant cet océan d'incertitudes, nous sommes alors pris d'un vertige. Ce vertige, cette angoisse, c'est ce par quoi nous prenons conscience de notre liberté. Il y a donc, nous dit Sartre, une différence entre la peur et l'angoisse. La peur survient devant un danger précis, identifié et surtout extérieur à nous. Alors que l'angoisse est plus intérieure, nous redoutons notre propre comportement. Sartre prend l'exemple d'un bombardement. Le soldat va avoir peur des bombes, mais il sera pris d'angoisse quand il essaiera de prévoir son comportement face au bombardement, lorsqu'il se demandera s'il va pouvoir tenir. Ainsi, nous avons peur d'un danger identifié, les bombes, mais nous angoissons devant notre propre liberté, la manière dont nous allons nous comporter. Rien d'étonnant alors à ce que nous cherchions souvent à échapper à l'angoisse, c'est-à-dire à notre propre liberté, à cette... infinie des possibles. Pour cela, dit Sartre, nous nous réfugions dans la mauvaise foi. Nous nous inventons des déterminismes, des raisons extérieures qui nous auraient forcé à agir de la sorte. C'est mon inconscient, ou ce sont des pulsions, ce sont des conditions sociales, des circonstances particulières. C'est la faute de la gauche, si j'ai nommé Michel Baragné Premier ministre avec l'aval de Marine Le Pen. Cette mauvaise foi nous permet de nous dire que nous n'avons pas totalement choisi, que nous ne sommes pas responsables. Nous pouvons alors échapper à l'angoisse, à notre obligation de faire des choix. Évidemment, Sartre ne nie pas que nous n'avons pas toutes et tous les mêmes conditions de départ. Nous n'avons pas choisi notre condition, notre situation. Mais, nous dit Sartre, nous pouvons et devons toujours tenter de la dépasser. Attention, ça ne revient pas à un discours de type quand on veut, on peut car il ne s'agit pas d'une réussite sociale ou économique. Ce qui importe à Sartre, c'est l'engagement. Choisir qui on veut être, sans obéir justement à des critères de réussite préconçus, extérieurs à nous. Il ne faut pas faire des choix pour se conformer à des valeurs prédéfinies, présentées comme absolues, car ça, c'est justement de la mauvaise foi. La mauvaise foi ? C'est se conformer à des valeurs qui existent en dehors de nous. Notre liberté, à l'inverse, c'est précisément choisir les valeurs qui guident notre action. C'est vrai que ça donne un peu le vertige. Car il n'y a plus de chemin tout tracé, plus de guide pratique pour agir. Nous sommes, chaque fois que nous faisons un choix, face à un infini des possibles. Chaque choix engage notre responsabilité. D'autant plus que, ajoute Sartre, nous ne choisissons pas. pas seulement pour nous-mêmes. À chaque fois que nous faisons un choix, que nous agissons, nous créons une image de l'humain telle que nous estimons qu'il doit être. Sartre donne un exemple. Si un ouvrier adhère à un syndicat chrétien plutôt que d'être communiste, alors il affirme que le royaume de l'homme n'est pas sur la terre et il opte pour la résignation. Ce faisant, il n'engage pas seulement son propre cas, il prône la résignation pour toutes et tous. Sa démarche a engagé l'humanité tout entière. Autrement dit, à chaque fois que vous faites un choix véritablement libre, vous semblez dire j'ai agi de la sorte et j'estime que tout le monde devrait faire comme moi Voilà pourquoi nous sommes angoissés. Chaque action nous met face à un infini des possibles et à une écrasante responsabilité, non seulement envers nous-mêmes, mais envers tous les humains. Et c'est là, à mon avis, tout l'intérêt de la philosophie de Sartre. Sa philosophie dépasse la seule existence individuelle. Il pense l'individu, sa liberté radicale et l'angoisse qui en découle, mais aussi le système social dans lequel l'individu s'inscrit. Sartre critique en particulier les valeurs qui structurent la société, qui sont des valeurs bourgeoises, qui organisent l'exploitation et l'oppression. Par exemple, la valeur bourgeoise de l'humanisme considère que l'accomplissement ultime de l'humain, c'est la culture, l'art, la connaissance, l'esprit. Donc, seules les personnes cultivées sont dignes, tandis que les incultes, souvent les prolétaires, sont des sous-humains. Cette déshumanisation permet de les traiter comme des choses et de les exploiter. Ce système de valeurs est tellement dominant que les prolétaires n'y échappent pas. Ils intériorisent ces valeurs et tentent d'échapper à leurs conditions. Mais ils cherchent plus souvent à y échapper individuellement, à s'extraire de leur propre classe sociale, alors qu'il faudrait justement penser l'action collective. Car il est possible pour Sartre de dépasser les consciences individuelles et de constituer un groupe. Pour cela, il faut que nous choisissions la solidarité, que notre liberté individuelle radicale se dirige vers un projet collectif. Parfois dans l'histoire, les individus perçoivent que la révolte n'a de chance que si elle est collective. Alors, un conflit politique et économique peut offrir la possibilité de refonder le lien social et l'ensemble des rapports sociaux. Sartre prenait l'exemple de 1789. La situation critique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui pourrait peut-être être une nouvelle occasion. Alors, pour reprendre la distinction faite par Sartre, est-ce que la situation actuelle génère de la peur ou de l'angoisse ? À mon avis, les deux. De la peur, déjà, car nous sommes face à un danger connu, le danger de la régression des droits, de la répression, de l'austérité. Même Gabriel Attal, l'ancien Premier ministre, s'est montré inquiet devant la nomination d'un gouvernement ultra réactionnaire et il a demandé des garanties sur la PMA, le droit à l'IVG et les droits LGBT. Nous connaissons le danger qui nous guette. Alors, la peur doit nous guider et nous permettre de tout faire pour éviter cela. Sartre prend l'exemple d'un précipice. Je suis sur un sentier étroit et sans parapet qui longe un précipice. J'ai peur de tomber dans ce précipice, alors je fais attention aux pierres du chemin. Je me tiens le plus loin possible du bord du sentier. La peur peut donc être un levier d'action si elle ne nous paralyse pas. Mais il y a aussi de l'angoisse. De l'angoisse face à l'incertitude. L'incertitude de l'avenir et l'incertitude de nos propres réactions. Sartre nous dit Je m'approche du précipice et c'est moi que mes regards cherchent en son fond. Je me cherche dans ce vertige, je m'imagine me jeter dans le précipice. L'angoisse que nous ressentons face au précipice nous révèle qui nous sommes. Et puis, on s'éloigne brusquement du bord du précipice et on reprend sa route. Voilà ce qu'il nous faut faire désormais, reprendre notre route, c'est-à-dire la construire, l'inventer. Il nous faut prendre conscience du collectif, construire un nouveau projet. Que l'angoisse devienne créatrice, émancipatrice, en nous mobilisant pour des grèves ou en inventant de nouvelles formes de lutte. Que l'angoisse ne soit pas synonyme de paralysie, d'abandon, de mauvaise foi, mais qu'elle soit une émotion mobilisatrice. D'ailleurs, vous savez quoi ? Le mot angoisse a aussi donné anger en anglais, ce qui signifie colère Et ça, la colère, en France... On sait faire. Que l'on touche à la liberté et Paris se met en colère. Et Paris commence à gronder et le lendemain, c'est la guerre. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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Et si la philosophie nous permettait de transformer notre angoisse en une force créatrice et émancipatrice ?


Ca y est, nous avons un nouveau gouvernement. On était inquiets, on avait raison : un gouvernement de droite dure, totalement illégitime. Et pourtant, rien ne se passe : il semble n'y avoir aucun contre-pouvoir politique en France.

Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m’angoisse terriblement. J’ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique.


Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie de l’angoisse. Qu’est-ce que l’angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse, ou qui au contraire peut nous faire agir ?

On va parler peur, anxiété, mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre, et bien sûr, d’angoisse !     



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    Nouveau gouvernement, une philosophie de l'angoisse. Avant de commencer, je voulais vous dire un petit mot. Ce podcast est totalement gratuit, indépendant et sans publicité. Et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent, même de quelques euros, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci d'avance pour votre soutien. Et maintenant, place à l'épisode ! Ça y est, nous avons enfin un nouveau gouvernement. On était inquiets, inquiètes, et on avait raison. Non seulement le gouvernement est composé principalement de personnalités de droite dure, qui nous ramènent directement aux belles années Sarkozy, mais en plus, chaque nomination fait presque l'effet d'une injure. La ministre de l'écologie a des intérêts financiers dans la deuxième plus grosse compagnie française de pétrole, le ministre des services publics est anti-services publics, Le ministre des discriminations est issu de la manif pour tous et ont été supprimés des secrétariats et des ministères comme celui sur le handicap ou la biodiversité. La palme revient à notre ministre de l'Intérieur qui utilise des formules qui pourraient être utilisées par le grand méchant dans à peu près tous les films depuis la nuit des temps.

  • Speaker #1

    Trois priorités. La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre. La troisième, rétablir l'ordre. Parce que je crois à l'ordre. L'ordre comme condition de la liberté.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m'angoisse énormément. J'ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique. Et quand on voit à quel point il n'y a quasiment aucun contre-pouvoir en France. Emmanuel Macron use de toutes les stratégies, de toutes les compromissions pour s'accrocher au pouvoir. Et il semble presque impossible de l'en empêcher. Il y a bien quelques manifestations, mais pas d'appel à la grève par les syndicats et presque aucune critique dans la presse. Il faut aller lire la presse internationale pour trouver des critiques féroces de Macron pendant qu'en France, la vie suit tranquillement son cours. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie de l'angoisse. Qu'est-ce que l'angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse ou qui, au contraire, peut nous faire agir ? On va parler peur, anxiété. mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre et bien sûr, d'angoisse. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Le terme angoisse vient du latin angustus, qui signifie au départ étroit, serré et désigne ensuite une situation critique qui nous serre le cœur. L'angoisse, c'est un sentiment d'oppression. C'est défini comme une anxiété extrême. L'anxiété, c'est un terme qui est plutôt utilisé en psychologie et en psychiatrie. Ça désigne des symptômes de peur, soit de phobie spécifique, par exemple la peur de prendre les transports en commun, d'être en compagnie d'autres gens, mais aussi des peurs plus vagues, une sensation d'oppression face à une situation menaçante et incertaine. Le trouble anxieux est aujourd'hui le trouble psychologique le plus répandu dans les pays occidentaux. On estime qu'une personne sur cinq, et même un jeune sur deux, souffre d'anxiété. Si bien que Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, a annoncé qu'il veut faire de la santé mentale la grande cause de 2025. On rigole un peu quand même. Parce qu'à mon avis, un bon point de départ pour améliorer la santé mentale, ce serait la démission de Michel Barnier. Revenons à nos moutons anxieux. L'anxiété, c'est donc un terme plutôt médical. Alors que l'angoisse, c'est un véritable concept philosophique, qui a notamment été conceptualisé par le philosophe danois Kierkegaard, par le philosophe allemand Heidegger, ou encore par Jean-Paul Sartre. Et c'est de lui dont je vais vous parler aujourd'hui. Pour Sartre, l'angoisse est un sentiment fondamental de l'existence humaine. C'est l'émotion que nous ressentons face à l'infinité des possibles dans notre existence. Tout est possible, car nous sommes radicalement libres. Devant cet océan d'incertitudes, nous sommes alors pris d'un vertige. Ce vertige, cette angoisse, c'est ce par quoi nous prenons conscience de notre liberté. Il y a donc, nous dit Sartre, une différence entre la peur et l'angoisse. La peur survient devant un danger précis, identifié et surtout extérieur à nous. Alors que l'angoisse est plus intérieure, nous redoutons notre propre comportement. Sartre prend l'exemple d'un bombardement. Le soldat va avoir peur des bombes, mais il sera pris d'angoisse quand il essaiera de prévoir son comportement face au bombardement, lorsqu'il se demandera s'il va pouvoir tenir. Ainsi, nous avons peur d'un danger identifié, les bombes, mais nous angoissons devant notre propre liberté, la manière dont nous allons nous comporter. Rien d'étonnant alors à ce que nous cherchions souvent à échapper à l'angoisse, c'est-à-dire à notre propre liberté, à cette... infinie des possibles. Pour cela, dit Sartre, nous nous réfugions dans la mauvaise foi. Nous nous inventons des déterminismes, des raisons extérieures qui nous auraient forcé à agir de la sorte. C'est mon inconscient, ou ce sont des pulsions, ce sont des conditions sociales, des circonstances particulières. C'est la faute de la gauche, si j'ai nommé Michel Baragné Premier ministre avec l'aval de Marine Le Pen. Cette mauvaise foi nous permet de nous dire que nous n'avons pas totalement choisi, que nous ne sommes pas responsables. Nous pouvons alors échapper à l'angoisse, à notre obligation de faire des choix. Évidemment, Sartre ne nie pas que nous n'avons pas toutes et tous les mêmes conditions de départ. Nous n'avons pas choisi notre condition, notre situation. Mais, nous dit Sartre, nous pouvons et devons toujours tenter de la dépasser. Attention, ça ne revient pas à un discours de type quand on veut, on peut car il ne s'agit pas d'une réussite sociale ou économique. Ce qui importe à Sartre, c'est l'engagement. Choisir qui on veut être, sans obéir justement à des critères de réussite préconçus, extérieurs à nous. Il ne faut pas faire des choix pour se conformer à des valeurs prédéfinies, présentées comme absolues, car ça, c'est justement de la mauvaise foi. La mauvaise foi ? C'est se conformer à des valeurs qui existent en dehors de nous. Notre liberté, à l'inverse, c'est précisément choisir les valeurs qui guident notre action. C'est vrai que ça donne un peu le vertige. Car il n'y a plus de chemin tout tracé, plus de guide pratique pour agir. Nous sommes, chaque fois que nous faisons un choix, face à un infini des possibles. Chaque choix engage notre responsabilité. D'autant plus que, ajoute Sartre, nous ne choisissons pas. pas seulement pour nous-mêmes. À chaque fois que nous faisons un choix, que nous agissons, nous créons une image de l'humain telle que nous estimons qu'il doit être. Sartre donne un exemple. Si un ouvrier adhère à un syndicat chrétien plutôt que d'être communiste, alors il affirme que le royaume de l'homme n'est pas sur la terre et il opte pour la résignation. Ce faisant, il n'engage pas seulement son propre cas, il prône la résignation pour toutes et tous. Sa démarche a engagé l'humanité tout entière. Autrement dit, à chaque fois que vous faites un choix véritablement libre, vous semblez dire j'ai agi de la sorte et j'estime que tout le monde devrait faire comme moi Voilà pourquoi nous sommes angoissés. Chaque action nous met face à un infini des possibles et à une écrasante responsabilité, non seulement envers nous-mêmes, mais envers tous les humains. Et c'est là, à mon avis, tout l'intérêt de la philosophie de Sartre. Sa philosophie dépasse la seule existence individuelle. Il pense l'individu, sa liberté radicale et l'angoisse qui en découle, mais aussi le système social dans lequel l'individu s'inscrit. Sartre critique en particulier les valeurs qui structurent la société, qui sont des valeurs bourgeoises, qui organisent l'exploitation et l'oppression. Par exemple, la valeur bourgeoise de l'humanisme considère que l'accomplissement ultime de l'humain, c'est la culture, l'art, la connaissance, l'esprit. Donc, seules les personnes cultivées sont dignes, tandis que les incultes, souvent les prolétaires, sont des sous-humains. Cette déshumanisation permet de les traiter comme des choses et de les exploiter. Ce système de valeurs est tellement dominant que les prolétaires n'y échappent pas. Ils intériorisent ces valeurs et tentent d'échapper à leurs conditions. Mais ils cherchent plus souvent à y échapper individuellement, à s'extraire de leur propre classe sociale, alors qu'il faudrait justement penser l'action collective. Car il est possible pour Sartre de dépasser les consciences individuelles et de constituer un groupe. Pour cela, il faut que nous choisissions la solidarité, que notre liberté individuelle radicale se dirige vers un projet collectif. Parfois dans l'histoire, les individus perçoivent que la révolte n'a de chance que si elle est collective. Alors, un conflit politique et économique peut offrir la possibilité de refonder le lien social et l'ensemble des rapports sociaux. Sartre prenait l'exemple de 1789. La situation critique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui pourrait peut-être être une nouvelle occasion. Alors, pour reprendre la distinction faite par Sartre, est-ce que la situation actuelle génère de la peur ou de l'angoisse ? À mon avis, les deux. De la peur, déjà, car nous sommes face à un danger connu, le danger de la régression des droits, de la répression, de l'austérité. Même Gabriel Attal, l'ancien Premier ministre, s'est montré inquiet devant la nomination d'un gouvernement ultra réactionnaire et il a demandé des garanties sur la PMA, le droit à l'IVG et les droits LGBT. Nous connaissons le danger qui nous guette. Alors, la peur doit nous guider et nous permettre de tout faire pour éviter cela. Sartre prend l'exemple d'un précipice. Je suis sur un sentier étroit et sans parapet qui longe un précipice. J'ai peur de tomber dans ce précipice, alors je fais attention aux pierres du chemin. Je me tiens le plus loin possible du bord du sentier. La peur peut donc être un levier d'action si elle ne nous paralyse pas. Mais il y a aussi de l'angoisse. De l'angoisse face à l'incertitude. L'incertitude de l'avenir et l'incertitude de nos propres réactions. Sartre nous dit Je m'approche du précipice et c'est moi que mes regards cherchent en son fond. Je me cherche dans ce vertige, je m'imagine me jeter dans le précipice. L'angoisse que nous ressentons face au précipice nous révèle qui nous sommes. Et puis, on s'éloigne brusquement du bord du précipice et on reprend sa route. Voilà ce qu'il nous faut faire désormais, reprendre notre route, c'est-à-dire la construire, l'inventer. Il nous faut prendre conscience du collectif, construire un nouveau projet. Que l'angoisse devienne créatrice, émancipatrice, en nous mobilisant pour des grèves ou en inventant de nouvelles formes de lutte. Que l'angoisse ne soit pas synonyme de paralysie, d'abandon, de mauvaise foi, mais qu'elle soit une émotion mobilisatrice. D'ailleurs, vous savez quoi ? Le mot angoisse a aussi donné anger en anglais, ce qui signifie colère Et ça, la colère, en France... On sait faire. Que l'on touche à la liberté et Paris se met en colère. Et Paris commence à gronder et le lendemain, c'est la guerre. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

Description

Et si la philosophie nous permettait de transformer notre angoisse en une force créatrice et émancipatrice ?


Ca y est, nous avons un nouveau gouvernement. On était inquiets, on avait raison : un gouvernement de droite dure, totalement illégitime. Et pourtant, rien ne se passe : il semble n'y avoir aucun contre-pouvoir politique en France.

Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m’angoisse terriblement. J’ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique.


Alors, aujourd’hui, je vous propose une philosophie de l’angoisse. Qu’est-ce que l’angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse, ou qui au contraire peut nous faire agir ?

On va parler peur, anxiété, mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre, et bien sûr, d’angoisse !     



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Transcription

  • Speaker #0

    Nouveau gouvernement, une philosophie de l'angoisse. Avant de commencer, je voulais vous dire un petit mot. Ce podcast est totalement gratuit, indépendant et sans publicité. Et il ne survit que grâce à vos dons. Alors, si vous voulez soutenir mon travail, vous pouvez faire un don ponctuel ou récurrent, même de quelques euros, en cliquant sur la page indiquée en description. Merci d'avance pour votre soutien. Et maintenant, place à l'épisode ! Ça y est, nous avons enfin un nouveau gouvernement. On était inquiets, inquiètes, et on avait raison. Non seulement le gouvernement est composé principalement de personnalités de droite dure, qui nous ramènent directement aux belles années Sarkozy, mais en plus, chaque nomination fait presque l'effet d'une injure. La ministre de l'écologie a des intérêts financiers dans la deuxième plus grosse compagnie française de pétrole, le ministre des services publics est anti-services publics, Le ministre des discriminations est issu de la manif pour tous et ont été supprimés des secrétariats et des ministères comme celui sur le handicap ou la biodiversité. La palme revient à notre ministre de l'Intérieur qui utilise des formules qui pourraient être utilisées par le grand méchant dans à peu près tous les films depuis la nuit des temps.

  • Speaker #1

    Trois priorités. La première, rétablir l'ordre. La deuxième, rétablir l'ordre. La troisième, rétablir l'ordre. Parce que je crois à l'ordre. L'ordre comme condition de la liberté.

  • Speaker #0

    Je ne sais pas vous, mais moi, tout ça, ça m'angoisse énormément. J'ai une boule au ventre devant une telle dérive autoritaire et antidémocratique. Et quand on voit à quel point il n'y a quasiment aucun contre-pouvoir en France. Emmanuel Macron use de toutes les stratégies, de toutes les compromissions pour s'accrocher au pouvoir. Et il semble presque impossible de l'en empêcher. Il y a bien quelques manifestations, mais pas d'appel à la grève par les syndicats et presque aucune critique dans la presse. Il faut aller lire la presse internationale pour trouver des critiques féroces de Macron pendant qu'en France, la vie suit tranquillement son cours. Alors aujourd'hui, je vous propose une philosophie de l'angoisse. Qu'est-ce que l'angoisse ? En quoi est-elle différente de la peur ? Est-ce une émotion qui nous paralyse ou qui, au contraire, peut nous faire agir ? On va parler peur, anxiété. mauvaise foi, philosophie de Jean-Paul Sartre et bien sûr, d'angoisse. Je suis Alice de Rochechouart et vous écoutez Le Fil d'Actu, le podcast engagé qui met la philosophie au cœur de l'actualité. Et pour des informations exclusives, abonnez-vous à mon compte Instagram lefildactu.podcast. Le terme angoisse vient du latin angustus, qui signifie au départ étroit, serré et désigne ensuite une situation critique qui nous serre le cœur. L'angoisse, c'est un sentiment d'oppression. C'est défini comme une anxiété extrême. L'anxiété, c'est un terme qui est plutôt utilisé en psychologie et en psychiatrie. Ça désigne des symptômes de peur, soit de phobie spécifique, par exemple la peur de prendre les transports en commun, d'être en compagnie d'autres gens, mais aussi des peurs plus vagues, une sensation d'oppression face à une situation menaçante et incertaine. Le trouble anxieux est aujourd'hui le trouble psychologique le plus répandu dans les pays occidentaux. On estime qu'une personne sur cinq, et même un jeune sur deux, souffre d'anxiété. Si bien que Michel Barnier, le nouveau Premier ministre, a annoncé qu'il veut faire de la santé mentale la grande cause de 2025. On rigole un peu quand même. Parce qu'à mon avis, un bon point de départ pour améliorer la santé mentale, ce serait la démission de Michel Barnier. Revenons à nos moutons anxieux. L'anxiété, c'est donc un terme plutôt médical. Alors que l'angoisse, c'est un véritable concept philosophique, qui a notamment été conceptualisé par le philosophe danois Kierkegaard, par le philosophe allemand Heidegger, ou encore par Jean-Paul Sartre. Et c'est de lui dont je vais vous parler aujourd'hui. Pour Sartre, l'angoisse est un sentiment fondamental de l'existence humaine. C'est l'émotion que nous ressentons face à l'infinité des possibles dans notre existence. Tout est possible, car nous sommes radicalement libres. Devant cet océan d'incertitudes, nous sommes alors pris d'un vertige. Ce vertige, cette angoisse, c'est ce par quoi nous prenons conscience de notre liberté. Il y a donc, nous dit Sartre, une différence entre la peur et l'angoisse. La peur survient devant un danger précis, identifié et surtout extérieur à nous. Alors que l'angoisse est plus intérieure, nous redoutons notre propre comportement. Sartre prend l'exemple d'un bombardement. Le soldat va avoir peur des bombes, mais il sera pris d'angoisse quand il essaiera de prévoir son comportement face au bombardement, lorsqu'il se demandera s'il va pouvoir tenir. Ainsi, nous avons peur d'un danger identifié, les bombes, mais nous angoissons devant notre propre liberté, la manière dont nous allons nous comporter. Rien d'étonnant alors à ce que nous cherchions souvent à échapper à l'angoisse, c'est-à-dire à notre propre liberté, à cette... infinie des possibles. Pour cela, dit Sartre, nous nous réfugions dans la mauvaise foi. Nous nous inventons des déterminismes, des raisons extérieures qui nous auraient forcé à agir de la sorte. C'est mon inconscient, ou ce sont des pulsions, ce sont des conditions sociales, des circonstances particulières. C'est la faute de la gauche, si j'ai nommé Michel Baragné Premier ministre avec l'aval de Marine Le Pen. Cette mauvaise foi nous permet de nous dire que nous n'avons pas totalement choisi, que nous ne sommes pas responsables. Nous pouvons alors échapper à l'angoisse, à notre obligation de faire des choix. Évidemment, Sartre ne nie pas que nous n'avons pas toutes et tous les mêmes conditions de départ. Nous n'avons pas choisi notre condition, notre situation. Mais, nous dit Sartre, nous pouvons et devons toujours tenter de la dépasser. Attention, ça ne revient pas à un discours de type quand on veut, on peut car il ne s'agit pas d'une réussite sociale ou économique. Ce qui importe à Sartre, c'est l'engagement. Choisir qui on veut être, sans obéir justement à des critères de réussite préconçus, extérieurs à nous. Il ne faut pas faire des choix pour se conformer à des valeurs prédéfinies, présentées comme absolues, car ça, c'est justement de la mauvaise foi. La mauvaise foi ? C'est se conformer à des valeurs qui existent en dehors de nous. Notre liberté, à l'inverse, c'est précisément choisir les valeurs qui guident notre action. C'est vrai que ça donne un peu le vertige. Car il n'y a plus de chemin tout tracé, plus de guide pratique pour agir. Nous sommes, chaque fois que nous faisons un choix, face à un infini des possibles. Chaque choix engage notre responsabilité. D'autant plus que, ajoute Sartre, nous ne choisissons pas. pas seulement pour nous-mêmes. À chaque fois que nous faisons un choix, que nous agissons, nous créons une image de l'humain telle que nous estimons qu'il doit être. Sartre donne un exemple. Si un ouvrier adhère à un syndicat chrétien plutôt que d'être communiste, alors il affirme que le royaume de l'homme n'est pas sur la terre et il opte pour la résignation. Ce faisant, il n'engage pas seulement son propre cas, il prône la résignation pour toutes et tous. Sa démarche a engagé l'humanité tout entière. Autrement dit, à chaque fois que vous faites un choix véritablement libre, vous semblez dire j'ai agi de la sorte et j'estime que tout le monde devrait faire comme moi Voilà pourquoi nous sommes angoissés. Chaque action nous met face à un infini des possibles et à une écrasante responsabilité, non seulement envers nous-mêmes, mais envers tous les humains. Et c'est là, à mon avis, tout l'intérêt de la philosophie de Sartre. Sa philosophie dépasse la seule existence individuelle. Il pense l'individu, sa liberté radicale et l'angoisse qui en découle, mais aussi le système social dans lequel l'individu s'inscrit. Sartre critique en particulier les valeurs qui structurent la société, qui sont des valeurs bourgeoises, qui organisent l'exploitation et l'oppression. Par exemple, la valeur bourgeoise de l'humanisme considère que l'accomplissement ultime de l'humain, c'est la culture, l'art, la connaissance, l'esprit. Donc, seules les personnes cultivées sont dignes, tandis que les incultes, souvent les prolétaires, sont des sous-humains. Cette déshumanisation permet de les traiter comme des choses et de les exploiter. Ce système de valeurs est tellement dominant que les prolétaires n'y échappent pas. Ils intériorisent ces valeurs et tentent d'échapper à leurs conditions. Mais ils cherchent plus souvent à y échapper individuellement, à s'extraire de leur propre classe sociale, alors qu'il faudrait justement penser l'action collective. Car il est possible pour Sartre de dépasser les consciences individuelles et de constituer un groupe. Pour cela, il faut que nous choisissions la solidarité, que notre liberté individuelle radicale se dirige vers un projet collectif. Parfois dans l'histoire, les individus perçoivent que la révolte n'a de chance que si elle est collective. Alors, un conflit politique et économique peut offrir la possibilité de refonder le lien social et l'ensemble des rapports sociaux. Sartre prenait l'exemple de 1789. La situation critique dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui pourrait peut-être être une nouvelle occasion. Alors, pour reprendre la distinction faite par Sartre, est-ce que la situation actuelle génère de la peur ou de l'angoisse ? À mon avis, les deux. De la peur, déjà, car nous sommes face à un danger connu, le danger de la régression des droits, de la répression, de l'austérité. Même Gabriel Attal, l'ancien Premier ministre, s'est montré inquiet devant la nomination d'un gouvernement ultra réactionnaire et il a demandé des garanties sur la PMA, le droit à l'IVG et les droits LGBT. Nous connaissons le danger qui nous guette. Alors, la peur doit nous guider et nous permettre de tout faire pour éviter cela. Sartre prend l'exemple d'un précipice. Je suis sur un sentier étroit et sans parapet qui longe un précipice. J'ai peur de tomber dans ce précipice, alors je fais attention aux pierres du chemin. Je me tiens le plus loin possible du bord du sentier. La peur peut donc être un levier d'action si elle ne nous paralyse pas. Mais il y a aussi de l'angoisse. De l'angoisse face à l'incertitude. L'incertitude de l'avenir et l'incertitude de nos propres réactions. Sartre nous dit Je m'approche du précipice et c'est moi que mes regards cherchent en son fond. Je me cherche dans ce vertige, je m'imagine me jeter dans le précipice. L'angoisse que nous ressentons face au précipice nous révèle qui nous sommes. Et puis, on s'éloigne brusquement du bord du précipice et on reprend sa route. Voilà ce qu'il nous faut faire désormais, reprendre notre route, c'est-à-dire la construire, l'inventer. Il nous faut prendre conscience du collectif, construire un nouveau projet. Que l'angoisse devienne créatrice, émancipatrice, en nous mobilisant pour des grèves ou en inventant de nouvelles formes de lutte. Que l'angoisse ne soit pas synonyme de paralysie, d'abandon, de mauvaise foi, mais qu'elle soit une émotion mobilisatrice. D'ailleurs, vous savez quoi ? Le mot angoisse a aussi donné anger en anglais, ce qui signifie colère Et ça, la colère, en France... On sait faire. Que l'on touche à la liberté et Paris se met en colère. Et Paris commence à gronder et le lendemain, c'est la guerre. C'est la fin de cet épisode. On se retrouve très bientôt pour un nouvel épisode du Fil d'Actu. Et un grand merci à Alexia, Céline et Nathalie qui, avec leur don, soutiennent l'aventure du Fil d'Actu. Vous aussi, vous pouvez donner en allant sur la page dédiée. Merci et à bientôt !

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