S4 E6: Varsovie-Berlin-Paris, à l'est du nouveau cover
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Le Podkast

S4 E6: Varsovie-Berlin-Paris, à l'est du nouveau

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28min |03/05/2024
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Description

La Pologne va-t-elle sauver le vieux couple franco-allemand ? L'hiver a été marqué par des bisbilles entre Paris et Berlin, mais depuis la mi-mars les choses s'apaisent... et on affiche l'harmonie et la détermination.

La nouvelle équipe au pouvoir à Varsovie n'y est pas pour rien. Vingt ans après son entrée dans l'UE, l'éternel "nouveau membre" tient peut-être sa revanche !


Un épisode qui nous emmène le long de la frontière entre Allemagne et Pologne, en coopération avec l'institut polonais pour les affaires internationales PISM .

Au micro Stefan Seidendorf du DFI et Amanda Dziubinska du PISM


La minute K avec le forum d'avenir franco-allemand nous fait découvrir le village sorabe de Nebelschütz en Saxe.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et allô à toutes et à tous, ici Berlin. Et aujourd'hui, je vous dis aussi Dzień dobry car c'est l'image de la semaine. La porte de Brandenburg en bleu, en bleu Europe, pour marquer les 20 ans de l'entrée dans l'Union européenne de 10 pays membres, dont la Pologne, bien sûr, l'autre grande voisine de l'Allemagne, à 100 kilomètres à peine de Berlin. On y est en une heure de train, il n'y a qu'un pont à traverser. Et pourtant, pour beaucoup d'Allemands, la Pologne reste une terre lointaine. Cela dit, l'alternance politique à Varsovie et la guerre en Ukraine changent la donne. À l'Est, il y a du nouveau et la Pologne pourrait bien nous aider, nous, Français et Allemands, à retrouver une dynamique commune. Mais se satisfait-elle de ce rôle de médiatrice ? Vous avez remarqué, ça fait 20 ans et pourtant on continue de la désigner comme un nouveau membre. Qu'est-ce que ça dit de l'Europe, de l'Allemagne et de la France ? Bienvenue, willkommen et vitamez dans ce nouvel épisode. Vous vous souvenez sans doute de cette photo, mi-mars à Berlin. Scholz, Macron et Tusk, le premier ministre polonais, main dans la main et tous sourirent. Comme si après des semaines de bisbilles franco-allemandes, il fallait un troisième homme pour renouer les liens et lancer une thérapie de couple. Je me suis immédiatement demandé si c'était si flatteur que ça pour la Pologne finalement. Mais on va y revenir. Car tout d'abord, faisons le point. 20 ans de libre circulation entre l'Allemagne et la Pologne, ça veut dire quoi ? Je suis toujours très surprise du nombre réduit des berlinois qui ont déjà fait le voyage de l'autre côté, drubne comme ils disent. Combien de berlinois savent qu'on peut, pour 24 euros seulement, embarquer dans le train de la culture et aller faire la fête le temps d'un week-end dans la ville polonaise de Wrocław ? Il n'y a plus de contrôle, mais il y a sans doute encore pas mal de barrières dans les têtes, alors venez ! Partons pour la frontière, cap sur Francfort-sur-l'Odeur et sa ville jumelle sur l'autre rive, Sioubitché. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2004, c'est là qu'il y a eu la grande fête de l'Europe sur le pont au-dessus du fleuve Odeur. Anna-Lena Baerbock, l'actuelle ministre allemande des affaires étrangères, y était, à 24 ans à peine, avec des copains étudiants. Mercredi, elle a refait la photo, mais cette fois c'était avec son homologue polonais, Radoslav Sikorski. Le pont était décoré, pavoisé, mais il y a encore... Quelques jours, ces rambardes étaient recouvertes d'affiches du parti d'extrême droite allemand, l'AFD, qui demandait qu'on referme la frontière. Reportage David Philippot.

  • Speaker #1

    Sur le pont, Rony installe des pancartes publicitaires pour un salon d'horticulture qu'il organise bientôt. La moitié de sa clientèle vient de Pologne et pourtant... Moi, je trouve qu'on devrait de nouveau contrôler les frontières comme avant. J'étais fermé, mais on pouvait quand même passer de l'autre côté. C'était cool. La police fédérale stationne à l'entrée du pont et contraint tous les véhicules à ralentir. Pour Rony, c'est un dispositif inefficace contre la criminalité qu'il ressent dans la région.

  • Speaker #2

    Là où j'habite,

  • Speaker #1

    dans les villages autour, il y a des cambriolages toutes les nuits. C'est quand même dingue. Il y a des vols de voitures sans cesse, parce que c'est facile de les embarquer de l'autre côté. Et si on le dit, tout de suite,

  • Speaker #2

    on passe pour un nazi.

  • Speaker #1

    Mais beaucoup pensent la même chose que moi. Faux, répondent Fina et Ole. Ils ont 17 ans, ils vont voter pour la première fois aux européennes. Et pour eux, l'absence de frontières n'a que des avantages.

  • Speaker #2

    Oui, carrément. Parce que les pôles ne viennent travailler ici. Et c'est très bon pour l'asile.

  • Speaker #0

    Nous allons souvent de l'autre côté parce qu'il y a beaucoup de restaurants ou de cafés.

  • Speaker #3

    Donc oui, on est souvent en Pologne.

  • Speaker #2

    Il y a aussi les Polonais avec lesquels on traîne. Vous voyez là-haut, il y a le lycée Karl-Lipplust.

  • Speaker #1

    On peut y faire du Polonais. Depuis 35 ans, la ville héberge aussi l'université européenne Viadrina avec des cours en polonais, en anglais ou encore en français. Gézi Neuchwan a dirigé cette institution au début des années 2000. Elle revient volontiers sur place.

  • Speaker #4

    Ça a beaucoup changé.

  • Speaker #2

    Évidemment, les bâtiments aussi,

  • Speaker #4

    mais la mentalité a beaucoup changé,

  • Speaker #3

    je trouve.

  • Speaker #4

    Et... est devenue bien plus ouverte. Évidemment, on ne peut pas forcer cela,

  • Speaker #3

    mais... La ville se développe. Et je crois que c'est important.

  • Speaker #1

    Justement, elle est là pour inaugurer une exposition qui montre les changements dans la ville. La double ville, rectifie Thomas Pilarski. On ne pouvait pas s'imaginer à quel point les choses ont poussé et grandi entre nous. Il est né à Slubice et s'occupe maintenant du marketing de la communauté transfrontalière. Au début des années 90, il y avait vraiment beaucoup de préjugés entre les Allemands et les Polonais. Et à cette époque, le fossé économique... entre nous était très grave. Selon lui, il ne faut pas se fier aux affiches d'extrême droite et à la présence d'agitateurs qui jouent sur les ressentiments et attisent la haine. Je crois que ce n'est plus un problème dans le quotidien de notre ville. Ces discours ont beaucoup perdu leur importance. La réalité économique parle d'elle-même, dit-il, on l'a vu pendant la pandémie, quand les patrons allemands ont loué des hôtels entiers pour loger leurs salariés polonais qui n'avaient plus le droit de passer la frontière. Merci.

  • Speaker #0

    Voilà, retour en studio pour un épisode en coopération et coproduction avec le PISM, l'Institut polonais pour les affaires internationales. Au plus haut niveau, quand polonais, français et allemand échangent, on parle de discussions en format triangle de Weimar. Il n'y a pas de raison que le podcast ne vous propose pas cette expérience et donc je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui au micro, depuis Varsovie, Amanda Dziubinska, chercheuse au PISM. Bonjour.

  • Speaker #3

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Et tout à l'ouest, à Ludwigsburg, il y a Stéphane Seidendorf pour le DFI. Salut !

  • Speaker #2

    Bonjour Hélène, bonjour Amanda.

  • Speaker #0

    Amanda, je commence avec toi. Dans le reportage, c'était voulu, on a entendu le point de vue des Allemands. Mais en Pologne, que dit-on de ces 20 dernières années ? Quel premier bilan de cette expérience européenne ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'on est fiers de ce qu'on a fait pendant ces 20 dernières années. Entre 2004 et 2022, le PIB de la Pologne a doublé. Pour vous donner un exemple, les économies tchèques et hongroises n'ont connu qu'une croissance de moitié pendant cette période. On a une crédibilité économique, on a une transformation réussie dans plusieurs domaines. On a modernisé massivement notre infrastructure, c'est quelque chose qui compte. Au cours des 20 dernières années, la Pologne a été le plus grand bénéficiaire du transfert des fonds européens. Plus de 161 milliards d'euros nets de fonds européens. Et l'adhésion de l'UE a fait de la Pologne une destination attractive pour les investissements étrangers. Et ce que j'entends souvent, ce qui est peut-être aussi important de souligner, c'est que la Pologne a l'image d'un pays sûr. C'est quelque chose qui est vraiment important et qu'on veut souligner.

  • Speaker #0

    Stéphane, dans le reportage, on a entendu que les relations s'étaient intensifiées entre les Polonais et les Allemands, mais il y a encore aussi beaucoup de distance entre les gens. Visiblement, tout le monde n'a pas compris l'intérêt de la libre circulation. Alors sans spéculer sur les futurs scores électoraux de l'AFD dans la région, ça me rappelle quand même certains comportements qu'on voit aussi à l'autre bout du pays, sur l'autre frontière, celle avec la France. Cette frontière que toi tu passes personnellement plusieurs fois par semaine dans un sens ou dans l'autre.

  • Speaker #2

    Tout à fait, les frontières ont changé leur caractère, mais elles continuent, elles persistent. C'est une limite entre deux ordres administratifs, législatifs, et ça crée un certain nombre de problèmes. Et plus on a de trafic transfrontalier, c'est-à-dire plus il y a du monde qui traverse cette frontière pour une raison ou une autre, plus on crée des problèmes, en quelque sorte, tant qu'on n'arrive pas à intégrer. Et là, pour le coup, mais... L'exemple de Frank-Furlander-Oder et Stubitz, ça peut nous inspirer à énormément de choses, puisqu'on voit le dynamisme, on voit la volonté de ces gens de s'approprier en quelque sorte les opportunités, le potentiel qui est là malgré tous les obstacles. Alors qu'à l'ouest, nous avons souvent à tort ce discours du laboratoire, et nous sommes les plus avancés sur le transfrontalier, et on fait comme si on n'avait plus de problèmes. Alors hélas, il y en a des problèmes.

  • Speaker #0

    Là où, en revanche, les relations France-Allemagne sont souvent citées en exemple et même enviées, ce sont tous ces liens qui ont été tissés entre les populations. On est quand même loin de tout ça encore entre l'Allemagne et la Pologne. En ce moment, on le voit clairement que du côté du gouvernement à Varsovie, on pousse beaucoup pour relancer ce fameux triangle de Weimar. Est-ce qu'il y a, Amanda, aussi une volonté, je dirais, au-delà du champ de la politique ?

  • Speaker #3

    Au sujet de Weimar, je pense qu'un aspect tout aussi important sera la poursuite du fonctionnement de ce format au niveau de la société civile, visant à promouvoir le rapprochement et la compréhension mutuelle entre les citoyens des trois pays. Et c'est quelque chose sur lequel nous devrions vraiment travailler ensemble.

  • Speaker #2

    Alors Amanda a 100% raison qu'il faut prolonger ce triangle de Weimar sur le domaine de la société civile, et d'ailleurs c'est ce qu'on observe, c'est ce qu'on voit déjà, c'est là où c'était le plus actif durant ces années un peu mornes, où il n'y a pas grand chose qui se passait au niveau politique. Et le changement qu'on a vu maintenant au niveau politique, il a été précédé en quelque sorte par un essor en Allemagne de l'Est notamment. qui ont redécouvert le potentiel de ce triangle de Weimar avec des Français, avec des Polonais. Donc ça bouge un peu, c'est peut-être pas encore visible, mais pour les observateurs professionnels, avec leur déformation professionnelle aussi, j'avoue, on le sent couiller, ça démarre petit à petit, on entre dans une... Cette face, ou cet intérêt, cette curiosité mutuelle, elle est soutenue aussi par des associations, par des citoyens, par le niveau de la société civile, puisque les relations trop asymétriques, où les uns peuvent se contenter et les autres sont obligés d'aller voir pour des raisons économiques, pour le travail, quelque chose, ça, ce n'est pas quelque chose de sain ou de bien.

  • Speaker #0

    Et ça, quand même, moi, je le ressens encore beaucoup entre les Polonais et les Allemands. Les Allemands, au fond, s'intéressent très peu à la Pologne, ou alors... Je caricature sans doute un petit peu, mais seulement en voyant le pays comme un énorme réservoir de main-d'oeuvre. On attend des Polonais qu'ils apprennent l'allemand, mais à Berlin, par exemple, il y a finalement très peu la possibilité d'apprendre le polonais à l'école. Et cette asymétrie, elle entretient forcément les préjugés. Elle a d'ailleurs peut-être alimenté aussi ce discours très dur sur l'Allemagne, qu'on entendait de la part du président au gouvernement polonais, qui a énormément utilisé à des fins politiques les vieux clichés et les vieilles rancœurs sur l'Allemagne, non ? Amanda, qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #3

    Les relations bilatérales entre la Pologne et l'Allemagne, ce n'est pas ma domaine, mais ce que je peux dire, c'est qu'il est important d'avoir un dialogue constructif et de rétablir des relations bilatérales qui ont traversé des moments parfois difficiles de ces dernières années. Une étape particulièrement importante consisterait à éviter toute la rhétorique conflictuelle. Mais cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ayons le même point de vue sur toutes les orientations de la politique européenne. Ça, c'est sûr. Ah,

  • Speaker #0

    ça, c'est sûr. Et puis, on connaît ça par cœur, nous, entre Français et Allemands. Surtout en ce moment, les auditrices, les auditeurs du podcast savent qu'on a eu des semaines un petit peu tendues cet hiver. Depuis le 15 mars, le message envoyé, c'est clairement celui de l'harmonie et de la détermination commune.

  • Speaker #2

    Franckreich, Deutschland, Pologne, le Weimarer Dreieck au cœur de l'Europe, c'est un très important signe de notre conciliation.

  • Speaker #0

    Et le fait que nous soyons en ce jour tous les trois unis, déterminés, avec la même lucidité sur la situation en Ukraine, est résolu. A ne jamais laisser gagner la Russie et à soutenir le peuple ukrainien jusqu'au bout est une force pour nous, nos peuples, notre sécurité et notre Europe. C'était Olaf Scholz, puis Emmanuel Macron, vous les avez reconnus. Pardon, pardon, mais c'était trop difficile pour moi d'isoler un son en polonais. Mais ce jour-là, bien évidemment, à Berlin, il y avait aussi Donald Tusk, le Premier ministre polonais. Amanda, toi qui travailles justement sur le triangle de Weimar, cette réunion, est-ce que c'était à tes yeux un bon moment européen Ou bien est-ce qu'il faut plutôt la voir comme le signe que les Européens ont encore énormément de travail à rattraper ?

  • Speaker #3

    C'était une réunion importante avec la valeur symbolique, car cela a confirmé la bonne dynamique entre les dirigeants polonais, français et allemands. Et on se souvient toujours des dernières années d'engagement. assez limité de trois partenaires dans ce format. Donc aujourd'hui, ce qu'on voit, c'est que tous les partenaires sont également intéressés au développement de cette coopération, au même degré. Mais ce n'était pas seulement symbolique. Les dirigeants ont confirmé leur intention de prendre de nouvelles initiatives et ils ont également déclaré des mesures visant à accroître leur propre production d'équipements militaires, donc tout ça compte. Et j'ajouterais que pas seulement la réunion de mars est importante, mais aussi cette déclaration des ministres des Affaires étrangères de février, quand ils ont clarifié les domaines de coopération souhaités, y compris industrie, innovation, investissement, le soutien à la Moldavie, la politique numérique, etc. À mon avis, c'est déjà un bon point de départ.

  • Speaker #0

    Oui, et depuis cette réunion, on a eu beaucoup d'autres rencontres à Troyes, au niveau ministériel, au niveau parlementaire, y compris sur des sujets peut-être pas forcément directement liés à l'Europe. Je pense à une réunion notamment sur les relations Asie-Pacifique. Est-ce qu'on est en train, Stéphane, de casser la malédiction de ce format ? Ce triangle de Weimar, il date déjà de 1991, mais jusqu'à présent, il n'en est pas sorti grand-chose. Est-ce que là, enfin, on va sortir des déclarations d'intention et entrer dans le concret ?

  • Speaker #2

    La question c'est peut-être un peu est-ce que ces moments, quand ça démarre, on les choisit délibérément en fin de compte ou est-ce que c'était quelque chose qui nous a été imposé ? Visiblement au plus haut niveau on a compris qu'il était temps de coopérer mais les circonstances évidemment, la question de la Russie contre l'Ukraine, on aurait pu rêver mieux. Le problème au fond de ce triangle de Weimar, je l'avais souvent comparé au monstre de Loch Ness qui apparaît, qui disparaît longtemps, qui réapparaît, qui disparaît. C'est un peu ce qu'on peut voir avec ce format qu'on avait voulu au début très peu institutionnaliser pour permettre à se retrouver sans contraintes, sans programme, sans conseiller. Et c'est toute la fois la faiblesse qui a donné une certaine flexibilité. Mais ça ne nous a jamais obligés, comme dans le cadre franco-allemand du traité des lycées, à respecter le protocole du traité, à se voir deux fois par an au niveau des chefs d'État et du chancelier, tous les trois mois au niveau des ministres. En ça, on peut aussi se demander si ces dernières vingt années, on n'a pas pris un peu de retard, ou même si ça n'a pas été un gâchis, puisque maintenant qu'on se retrouve devant un appresseur extérieur, dans une situation difficile, avec les États-Unis qui incitent, qui se bossent la question, On se rend compte de tout ce qu'il aurait peut-être fallu faire les derniers 20 ans. Maintenant, on le rattrape, on l'espère, rapidement. C'est très bien qu'on ait pu retrouver la Pologne, que la France et l'Allemagne aient compris qu'il faut intégrer, coopérer avec la Pologne qui peut être un pont vers l'Europe de l'Est, vers les membres de l'Europe de l'Est. Mais maintenant, il s'agit qu'à la fin, sorte quelque chose de ce format.

  • Speaker #0

    Amanda, on a beaucoup lu dans la presse française ou allemande que la Pologne... jouaient les médiatrices entre deux vieux partenaires qui connaissaient des problèmes de couple. Mais que dit-on à Varsovie de cette analyse qui est peut-être un petit peu facile ? Parce que je me suis dit que ce n'était peut-être pas si flatteur au fond d'être réduit à un rôle de faire valoir des Allemands et des Français.

  • Speaker #3

    Je ne pense pas que la Pologne veut être un intermédiaire. Concernant le Weimar, oui, c'est un format typiquement politique. Le triangle dépendra toujours de la volonté politique de coopérer et de la chimie entre les trois parties. Mais je pense que ce qu'on voit maintenant, c'est que ce manque de formalisme, cette forme de coopération est un avantage. À ma connaissance, pour l'instant, il n'y a pas de volonté de le formaliser.

  • Speaker #0

    Alors, c'est très bien d'avoir des formats d'échange, mais le temps de l'après-guerre froide est terminé et il faut avancer de façon urgente sur, notamment, les dossiers de défense et de sécurité européenne. Or, ça, on le sait bien, entre la France et l'Allemagne, on a deux positions très opposées. C'est la confrontation de traditions militaires différentes, mais aussi dans la relation aux États-Unis, à l'OTAN, etc. Bon, il y a quelques jours, on a eu des éléments intéressants avec le deuxième discours du président Macron à la Sorbonne. Cette fois-ci, contrairement à 2017, Il n'y a pas eu de silence à Berlin. On a vu le chancelier immédiatement répondre avec enthousiasme par tweet. Alors, c'est sans doute un petit peu court jusqu'à présent, mais est-ce que c'est le signe, Stéphane, que les vieux Européens ont enfin compris la leçon et qu'ils vont faire leur devoir ?

  • Speaker #2

    On y est, on y est, mais ça met du temps et j'espère que ça ne mettra pas trop du temps. Si on veut en quelque sorte ce rapprochement entre France et Allemagne sur la question du lien transatlantique, ça date déjà des années 90. On se souvient de 1998, l'accord entre la France et le Royaume-Uni à Saint-Malo et à la suite de ça, le président Chirac avait rapproché... La France de l'OTAN, avec la condition qu'il y a un pilier européen au sein de l'OTAN, donc ça permettait en quelque sorte de ressoudre ce vieux problème entre défense européenne, défense transatlantique, mais encore fallait-il associer les nouveaux pays membres. de l'OTAN et des lignes européennes et les intégrer là-dedans. Et ça, on n'a pas suffisamment fait. Et c'est un peu trop facile maintenant du côté France-Allemagne de dire Oui, mais avec le précédent gouvernement polonais, il n'y avait pas moyen de faire quelque chose. En même temps, est-ce qu'on aurait été prêts, côté France-Allemagne, à dépasser nos propres différences, nos propres problèmes, pour ensuite proposer quelque chose à la Pologne et trouver quelque chose à Troyes ? Et là, on ne le sait pas, puisque... C'est pas arrivé, mais j'aurais comme un doute quand même.

  • Speaker #0

    Amanda, quelle est ta réaction à cela ? On sait que c'est toujours très difficile d'être la troisième personne qui arrive dans un duo bien rodé. En français, on dit qu'il y a le risque d'être la troisième roue du carrosse. Là, en plus, on parle d'un duo qui, pendant longtemps, n'a pas vraiment pris au sérieux les analyses et les attentes de la Pologne.

  • Speaker #3

    Je pense qu'il faut souligner que la sécurité est maintenant la priorité absolue de la Pologne. Et avec l'invasion de l'Ukraine à grande échelle par la Russie, il s'est avéré que la Pologne avait raison dans son diagnostic de la situation sécuritaire en Europe. Et c'est ce que l'Allemagne et la France ont bien compris. Il est important d'accélérer la fourniture de l'aide militaire à l'Ukraine. La Pologne se concentre sur le développement et le renforcement de ses propres ressources de défense et a considérablement augmenté ses dépenses. Nous sommes parmi les principaux pays de l'OTAN avec des dépenses atteignant 4% du PIB. Il est donc souhaitable que les États membres, y compris Allemagne, augmentent leurs dépenses de défense. augmentant aussi leur capacité de défense collective. Donc apporter un soutien militaire et politique maximal à l'Ukraine est crucial, ainsi que maintenir la Russie loin de nos frontières.

  • Speaker #0

    Sur la question défense européenne et ou autant, qui est une ligne de division potentielle assez forte entre la France et l'Allemagne, où se place la Pologne ?

  • Speaker #3

    La Pologne soutiendra bien sûr le projet de développement de l'industrie européenne. Le ministre polonais, pendant son dernier discours, a confirmé que même si nous reconnaissons que l'OTAN est le principal gardien de la sécurité mondiale, nous soutenons l'engagement, par exemple, de la création des forces européennes de réaction rapide. Car ce n'est pas... C'est un élément de concurrence avec l'OTAN, mais c'est un complément à celle-ci. Le fondement de notre sécurité reste l'Alliance transatlantique, mais il n'y a pas de dichotomie dans la politique européenne. Donc il faut construire la sécurité sur la base à la fois de l'intégration européenne et de la coopération transatlantique, et c'est crucial de faire les deux.

  • Speaker #0

    Ok, donc là, si je fais ma journaliste de base, je suis obligée de remarquer qu'on a l'impression d'entendre Macron, qui s'est réveillé sur son diagnostic sur l'OTAN. Il avait dit il y a quelques années que l'OTAN était en état de mort cérébrale. Là, changement d'analyse depuis quelques mois, quelques années. Par contre, à Berlin, on a Scholz qui est lui toujours très accroché, semble-t-il, à cette dimension transatlantique de la défense. Il se pose en chancelier de la paix, un petit peu comme on pouvait l'avoir du temps de la guerre froide, avec une grille de lecture qui paraît peut-être un petit peu en décalage. Stéphane, est-ce que le problème, il est à Berlin ?

  • Speaker #2

    Moi, j'avais encore une... Question pour Amanda, si tu permets, je sais que c'est toi qui poses les questions, mais pour une fois, moi que j'avais une question, est-ce que vous pensez, Amanda, que la Pologne a les ressources et les capacités de jouer ce rôle ? Là, elle investit énormément dans son armée, surtout dans ses questions d'industrie de défense européenne, pour jouer ce rôle, en quelque sorte, dans la cour d'écran, avec l'Allemagne, la France, puis même les États-Unis, Est-ce que ce n'est pas aussi un aspect qu'il faudrait mutualiser quelque chose et faire quelque chose en tant qu'Européens, Européens de l'Union Européenne, pour alléger un peu le fardeau, pour permettre à mutualiser, à travailler ensemble et puis finalement dépasser cette très vieille idée que c'est des grands pays et des très grands pays qui font la loi du monde ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'il y a cette confiance que... La situation économique de la Pologne est si bien qu'on peut vraiment être un pays crucial, mais justement il faut qu'on travaille pour atteindre tous les objectifs.

  • Speaker #0

    Bon Stéphane, tu n'as pas répondu sur ma question sur Scholz, mais ta remarque me fait quand même réagir à mon tour. Ce que j'entends entre les lignes, c'est peut-être justement ce que les Polonais nous ont reproché à nous, Français et Allemands, de nombreuses reprises au cours de ces 20 dernières années. On passe notre temps à leur dire, c'est très bien ce que vous dites, c'est très bien ce que vous faites, mais de toute façon, à un moment donné, vous serez limité par votre économie, par votre statut dans l'Union Européenne, etc. C'est quelque chose que j'entends encore beaucoup ici à Berlin. Les Polonais, c'est très bien, ils s'engagent très fortement pour la... L'Ukraine, mais bon, ça reste la Pologne. Est-ce qu'un jour, Stéphane, on va réussir à dépasser ça ?

  • Speaker #2

    Mais ça dépend surtout de la France et de l'Allemagne, de leur volonté d'aller plus loin. Évidemment, ensuite aussi de la Pologne et de tous les autres. Est-ce qu'on a encore cette capacité d'inventer quelque chose comme les premières communautés européennes, fortement intégrées, où on partageait justement le fardeau, et ça nous permettait à tous d'aller plus loin que ce qu'on aurait pu obtenir tout seul. C'est la vieille idée européenne, fédéraliste, qu'ensemble on peut obtenir des choses qu'on n'arrive pas à faire tout seul. Et ça vaut autant pour l'économie. que pour les finances, que pour la monnaie et évidemment aussi pour la défense. Si on reste sur le vieux jeu intagouemental, il y aura toujours un moment ou un autre, mais un plus grand que la Pologne, que ce soit l'Allemagne, la France ou la Russie, qui va s'amener et montrer les limites. L'Union européenne était pensée et faite justement pour dépasser un peu ce genre de raisonnement qui vaut aussi évidemment pour la France et pour l'Allemagne, puisqu'est-ce qu'on pèse au niveau mondial, ce n'est pas grand-chose.

  • Speaker #0

    La campagne électorale pour le scrutin européen pourrait être l'occasion d'en débattre, mais jusqu'à présent, on l'a dit ici dans le podcast, en France, en Allemagne, on parle surtout des sujets nationaux. Cela dit, il reste encore un bon mois avant les élections, il peut se passer plein de choses. Il y aura notamment à la fin de ce mois de mai la visite d'État d'Emmanuel Macron ici en Allemagne. En Pologne, comment ça se passe Amanda ? Est-ce qu'il y a un intérêt pour ces élections ? Est-ce qu'on s'attend à une mobilisation importante des électrices, des électeurs ?

  • Speaker #3

    Jusqu'à présent, la campagne européenne n'a pas encore pris d'ampleur en Pologne. Les programmes européens des partis politiques ne sont pas encore fortement présents dans le débat public. C'est principalement parce que nous avons récemment eu des élections locales. C'était Macron, pendant son discours à la Sorbonne, qui parlait des dernières élections législatives en Pologne, en mentionnant le taux de participation record. et le vote pour les partis défendant la démocratie libérale. Je pense que ce cours se poursuivra pour les élections européennes. Pour l'instant, les Polonais veulent voter en grand nombre.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Amanda Dziubinska pour toutes ces explications et analyses depuis Varsovie. Merci à toi Stéphane Zeindorf depuis Ludwigsburg. Et avant de terminer, voici notre Minute K, notre rendez-vous pour le climat et la planète. Et on reste, vous allez l'entendre, sur notre sujet, puisqu'on est le long d'un affluent de l'odeur sur les terres peuplées par les Sorabes. Alors les Sorabes, c'est une minorité slave qui est présente en Allemagne et dans une moindre mesure aussi en Pologne et en République tchèque. Nous partons très exactement pour Nebelschutz en Saxe, un petit village qui a réussi à échapper à la désertification des campagnes est-allemandes en misant... Dès la réunification sur une politique climatique ambitieuse, et c'est Marion Davenas du Forum d'Avenir Franco-Allemand qui nous en parle.

  • Speaker #4

    Un facteur qui a été déterminant, c'est vraiment la personnalité de ce jeune maire Thomas Charnac, qui était très intégré dans la communauté locale, qui parle lui-même saurable, et qui a réussi à emmener la population locale vers des idées qui n'étaient peut-être pas aussi présentes qu'elles le sont aujourd'hui. Il a vraiment présenté la durabilité, les projets écologiques, comme une sorte de continuité avec la culture saurable, qui est menacée comme la nature par la mondialisation. La commune a repris en main... Plus de 100 hectares de terrain agricole, naturel, forestier, en utilisant les fonds qui étaient débloqués par un éco-compte. Dès qu'on artificialise des sols, que ce soit pour construire une éolienne ou construire une route, on a besoin de compenser l'impact écologique de ces mesures, ce qui permet à Nebel Schütz de financer notamment l'achat de nouvelles terres pour les protéger, pour en faire des biotopes pour des animaux ou pour des plantes. ou alors des terres qui sont louées à des paysans qui font de l'agriculture biologique et que la collectivité avait envie de soutenir.

  • Speaker #0

    Dès 2004, Nebel Schütz a reçu un prix comme commune pilote pour la compensation écologique. Aujourd'hui, le village veut devenir un modèle pour la permaculture et l'aquaculture durable. Ça pourrait peut-être donner lieu à un reportage pour le podcast, non ? Merci d'être resté à l'écoute de cet épisode produit avec l'Institut polonais pour les affaires internationales. Le podcast Avec un cas revient le 24 mai, à quelques jours de la visite d'État d'Emmanuel Macron. Que vient-il dire aux Allemands ? Je m'appelle Hélène Kohl, Avec un cas, et je vous dis à bientôt. Bisbald !

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La Pologne va-t-elle sauver le vieux couple franco-allemand ? L'hiver a été marqué par des bisbilles entre Paris et Berlin, mais depuis la mi-mars les choses s'apaisent... et on affiche l'harmonie et la détermination.

La nouvelle équipe au pouvoir à Varsovie n'y est pas pour rien. Vingt ans après son entrée dans l'UE, l'éternel "nouveau membre" tient peut-être sa revanche !


Un épisode qui nous emmène le long de la frontière entre Allemagne et Pologne, en coopération avec l'institut polonais pour les affaires internationales PISM .

Au micro Stefan Seidendorf du DFI et Amanda Dziubinska du PISM


La minute K avec le forum d'avenir franco-allemand nous fait découvrir le village sorabe de Nebelschütz en Saxe.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et allô à toutes et à tous, ici Berlin. Et aujourd'hui, je vous dis aussi Dzień dobry car c'est l'image de la semaine. La porte de Brandenburg en bleu, en bleu Europe, pour marquer les 20 ans de l'entrée dans l'Union européenne de 10 pays membres, dont la Pologne, bien sûr, l'autre grande voisine de l'Allemagne, à 100 kilomètres à peine de Berlin. On y est en une heure de train, il n'y a qu'un pont à traverser. Et pourtant, pour beaucoup d'Allemands, la Pologne reste une terre lointaine. Cela dit, l'alternance politique à Varsovie et la guerre en Ukraine changent la donne. À l'Est, il y a du nouveau et la Pologne pourrait bien nous aider, nous, Français et Allemands, à retrouver une dynamique commune. Mais se satisfait-elle de ce rôle de médiatrice ? Vous avez remarqué, ça fait 20 ans et pourtant on continue de la désigner comme un nouveau membre. Qu'est-ce que ça dit de l'Europe, de l'Allemagne et de la France ? Bienvenue, willkommen et vitamez dans ce nouvel épisode. Vous vous souvenez sans doute de cette photo, mi-mars à Berlin. Scholz, Macron et Tusk, le premier ministre polonais, main dans la main et tous sourirent. Comme si après des semaines de bisbilles franco-allemandes, il fallait un troisième homme pour renouer les liens et lancer une thérapie de couple. Je me suis immédiatement demandé si c'était si flatteur que ça pour la Pologne finalement. Mais on va y revenir. Car tout d'abord, faisons le point. 20 ans de libre circulation entre l'Allemagne et la Pologne, ça veut dire quoi ? Je suis toujours très surprise du nombre réduit des berlinois qui ont déjà fait le voyage de l'autre côté, drubne comme ils disent. Combien de berlinois savent qu'on peut, pour 24 euros seulement, embarquer dans le train de la culture et aller faire la fête le temps d'un week-end dans la ville polonaise de Wrocław ? Il n'y a plus de contrôle, mais il y a sans doute encore pas mal de barrières dans les têtes, alors venez ! Partons pour la frontière, cap sur Francfort-sur-l'Odeur et sa ville jumelle sur l'autre rive, Sioubitché. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2004, c'est là qu'il y a eu la grande fête de l'Europe sur le pont au-dessus du fleuve Odeur. Anna-Lena Baerbock, l'actuelle ministre allemande des affaires étrangères, y était, à 24 ans à peine, avec des copains étudiants. Mercredi, elle a refait la photo, mais cette fois c'était avec son homologue polonais, Radoslav Sikorski. Le pont était décoré, pavoisé, mais il y a encore... Quelques jours, ces rambardes étaient recouvertes d'affiches du parti d'extrême droite allemand, l'AFD, qui demandait qu'on referme la frontière. Reportage David Philippot.

  • Speaker #1

    Sur le pont, Rony installe des pancartes publicitaires pour un salon d'horticulture qu'il organise bientôt. La moitié de sa clientèle vient de Pologne et pourtant... Moi, je trouve qu'on devrait de nouveau contrôler les frontières comme avant. J'étais fermé, mais on pouvait quand même passer de l'autre côté. C'était cool. La police fédérale stationne à l'entrée du pont et contraint tous les véhicules à ralentir. Pour Rony, c'est un dispositif inefficace contre la criminalité qu'il ressent dans la région.

  • Speaker #2

    Là où j'habite,

  • Speaker #1

    dans les villages autour, il y a des cambriolages toutes les nuits. C'est quand même dingue. Il y a des vols de voitures sans cesse, parce que c'est facile de les embarquer de l'autre côté. Et si on le dit, tout de suite,

  • Speaker #2

    on passe pour un nazi.

  • Speaker #1

    Mais beaucoup pensent la même chose que moi. Faux, répondent Fina et Ole. Ils ont 17 ans, ils vont voter pour la première fois aux européennes. Et pour eux, l'absence de frontières n'a que des avantages.

  • Speaker #2

    Oui, carrément. Parce que les pôles ne viennent travailler ici. Et c'est très bon pour l'asile.

  • Speaker #0

    Nous allons souvent de l'autre côté parce qu'il y a beaucoup de restaurants ou de cafés.

  • Speaker #3

    Donc oui, on est souvent en Pologne.

  • Speaker #2

    Il y a aussi les Polonais avec lesquels on traîne. Vous voyez là-haut, il y a le lycée Karl-Lipplust.

  • Speaker #1

    On peut y faire du Polonais. Depuis 35 ans, la ville héberge aussi l'université européenne Viadrina avec des cours en polonais, en anglais ou encore en français. Gézi Neuchwan a dirigé cette institution au début des années 2000. Elle revient volontiers sur place.

  • Speaker #4

    Ça a beaucoup changé.

  • Speaker #2

    Évidemment, les bâtiments aussi,

  • Speaker #4

    mais la mentalité a beaucoup changé,

  • Speaker #3

    je trouve.

  • Speaker #4

    Et... est devenue bien plus ouverte. Évidemment, on ne peut pas forcer cela,

  • Speaker #3

    mais... La ville se développe. Et je crois que c'est important.

  • Speaker #1

    Justement, elle est là pour inaugurer une exposition qui montre les changements dans la ville. La double ville, rectifie Thomas Pilarski. On ne pouvait pas s'imaginer à quel point les choses ont poussé et grandi entre nous. Il est né à Slubice et s'occupe maintenant du marketing de la communauté transfrontalière. Au début des années 90, il y avait vraiment beaucoup de préjugés entre les Allemands et les Polonais. Et à cette époque, le fossé économique... entre nous était très grave. Selon lui, il ne faut pas se fier aux affiches d'extrême droite et à la présence d'agitateurs qui jouent sur les ressentiments et attisent la haine. Je crois que ce n'est plus un problème dans le quotidien de notre ville. Ces discours ont beaucoup perdu leur importance. La réalité économique parle d'elle-même, dit-il, on l'a vu pendant la pandémie, quand les patrons allemands ont loué des hôtels entiers pour loger leurs salariés polonais qui n'avaient plus le droit de passer la frontière. Merci.

  • Speaker #0

    Voilà, retour en studio pour un épisode en coopération et coproduction avec le PISM, l'Institut polonais pour les affaires internationales. Au plus haut niveau, quand polonais, français et allemand échangent, on parle de discussions en format triangle de Weimar. Il n'y a pas de raison que le podcast ne vous propose pas cette expérience et donc je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui au micro, depuis Varsovie, Amanda Dziubinska, chercheuse au PISM. Bonjour.

  • Speaker #3

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Et tout à l'ouest, à Ludwigsburg, il y a Stéphane Seidendorf pour le DFI. Salut !

  • Speaker #2

    Bonjour Hélène, bonjour Amanda.

  • Speaker #0

    Amanda, je commence avec toi. Dans le reportage, c'était voulu, on a entendu le point de vue des Allemands. Mais en Pologne, que dit-on de ces 20 dernières années ? Quel premier bilan de cette expérience européenne ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'on est fiers de ce qu'on a fait pendant ces 20 dernières années. Entre 2004 et 2022, le PIB de la Pologne a doublé. Pour vous donner un exemple, les économies tchèques et hongroises n'ont connu qu'une croissance de moitié pendant cette période. On a une crédibilité économique, on a une transformation réussie dans plusieurs domaines. On a modernisé massivement notre infrastructure, c'est quelque chose qui compte. Au cours des 20 dernières années, la Pologne a été le plus grand bénéficiaire du transfert des fonds européens. Plus de 161 milliards d'euros nets de fonds européens. Et l'adhésion de l'UE a fait de la Pologne une destination attractive pour les investissements étrangers. Et ce que j'entends souvent, ce qui est peut-être aussi important de souligner, c'est que la Pologne a l'image d'un pays sûr. C'est quelque chose qui est vraiment important et qu'on veut souligner.

  • Speaker #0

    Stéphane, dans le reportage, on a entendu que les relations s'étaient intensifiées entre les Polonais et les Allemands, mais il y a encore aussi beaucoup de distance entre les gens. Visiblement, tout le monde n'a pas compris l'intérêt de la libre circulation. Alors sans spéculer sur les futurs scores électoraux de l'AFD dans la région, ça me rappelle quand même certains comportements qu'on voit aussi à l'autre bout du pays, sur l'autre frontière, celle avec la France. Cette frontière que toi tu passes personnellement plusieurs fois par semaine dans un sens ou dans l'autre.

  • Speaker #2

    Tout à fait, les frontières ont changé leur caractère, mais elles continuent, elles persistent. C'est une limite entre deux ordres administratifs, législatifs, et ça crée un certain nombre de problèmes. Et plus on a de trafic transfrontalier, c'est-à-dire plus il y a du monde qui traverse cette frontière pour une raison ou une autre, plus on crée des problèmes, en quelque sorte, tant qu'on n'arrive pas à intégrer. Et là, pour le coup, mais... L'exemple de Frank-Furlander-Oder et Stubitz, ça peut nous inspirer à énormément de choses, puisqu'on voit le dynamisme, on voit la volonté de ces gens de s'approprier en quelque sorte les opportunités, le potentiel qui est là malgré tous les obstacles. Alors qu'à l'ouest, nous avons souvent à tort ce discours du laboratoire, et nous sommes les plus avancés sur le transfrontalier, et on fait comme si on n'avait plus de problèmes. Alors hélas, il y en a des problèmes.

  • Speaker #0

    Là où, en revanche, les relations France-Allemagne sont souvent citées en exemple et même enviées, ce sont tous ces liens qui ont été tissés entre les populations. On est quand même loin de tout ça encore entre l'Allemagne et la Pologne. En ce moment, on le voit clairement que du côté du gouvernement à Varsovie, on pousse beaucoup pour relancer ce fameux triangle de Weimar. Est-ce qu'il y a, Amanda, aussi une volonté, je dirais, au-delà du champ de la politique ?

  • Speaker #3

    Au sujet de Weimar, je pense qu'un aspect tout aussi important sera la poursuite du fonctionnement de ce format au niveau de la société civile, visant à promouvoir le rapprochement et la compréhension mutuelle entre les citoyens des trois pays. Et c'est quelque chose sur lequel nous devrions vraiment travailler ensemble.

  • Speaker #2

    Alors Amanda a 100% raison qu'il faut prolonger ce triangle de Weimar sur le domaine de la société civile, et d'ailleurs c'est ce qu'on observe, c'est ce qu'on voit déjà, c'est là où c'était le plus actif durant ces années un peu mornes, où il n'y a pas grand chose qui se passait au niveau politique. Et le changement qu'on a vu maintenant au niveau politique, il a été précédé en quelque sorte par un essor en Allemagne de l'Est notamment. qui ont redécouvert le potentiel de ce triangle de Weimar avec des Français, avec des Polonais. Donc ça bouge un peu, c'est peut-être pas encore visible, mais pour les observateurs professionnels, avec leur déformation professionnelle aussi, j'avoue, on le sent couiller, ça démarre petit à petit, on entre dans une... Cette face, ou cet intérêt, cette curiosité mutuelle, elle est soutenue aussi par des associations, par des citoyens, par le niveau de la société civile, puisque les relations trop asymétriques, où les uns peuvent se contenter et les autres sont obligés d'aller voir pour des raisons économiques, pour le travail, quelque chose, ça, ce n'est pas quelque chose de sain ou de bien.

  • Speaker #0

    Et ça, quand même, moi, je le ressens encore beaucoup entre les Polonais et les Allemands. Les Allemands, au fond, s'intéressent très peu à la Pologne, ou alors... Je caricature sans doute un petit peu, mais seulement en voyant le pays comme un énorme réservoir de main-d'oeuvre. On attend des Polonais qu'ils apprennent l'allemand, mais à Berlin, par exemple, il y a finalement très peu la possibilité d'apprendre le polonais à l'école. Et cette asymétrie, elle entretient forcément les préjugés. Elle a d'ailleurs peut-être alimenté aussi ce discours très dur sur l'Allemagne, qu'on entendait de la part du président au gouvernement polonais, qui a énormément utilisé à des fins politiques les vieux clichés et les vieilles rancœurs sur l'Allemagne, non ? Amanda, qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #3

    Les relations bilatérales entre la Pologne et l'Allemagne, ce n'est pas ma domaine, mais ce que je peux dire, c'est qu'il est important d'avoir un dialogue constructif et de rétablir des relations bilatérales qui ont traversé des moments parfois difficiles de ces dernières années. Une étape particulièrement importante consisterait à éviter toute la rhétorique conflictuelle. Mais cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ayons le même point de vue sur toutes les orientations de la politique européenne. Ça, c'est sûr. Ah,

  • Speaker #0

    ça, c'est sûr. Et puis, on connaît ça par cœur, nous, entre Français et Allemands. Surtout en ce moment, les auditrices, les auditeurs du podcast savent qu'on a eu des semaines un petit peu tendues cet hiver. Depuis le 15 mars, le message envoyé, c'est clairement celui de l'harmonie et de la détermination commune.

  • Speaker #2

    Franckreich, Deutschland, Pologne, le Weimarer Dreieck au cœur de l'Europe, c'est un très important signe de notre conciliation.

  • Speaker #0

    Et le fait que nous soyons en ce jour tous les trois unis, déterminés, avec la même lucidité sur la situation en Ukraine, est résolu. A ne jamais laisser gagner la Russie et à soutenir le peuple ukrainien jusqu'au bout est une force pour nous, nos peuples, notre sécurité et notre Europe. C'était Olaf Scholz, puis Emmanuel Macron, vous les avez reconnus. Pardon, pardon, mais c'était trop difficile pour moi d'isoler un son en polonais. Mais ce jour-là, bien évidemment, à Berlin, il y avait aussi Donald Tusk, le Premier ministre polonais. Amanda, toi qui travailles justement sur le triangle de Weimar, cette réunion, est-ce que c'était à tes yeux un bon moment européen Ou bien est-ce qu'il faut plutôt la voir comme le signe que les Européens ont encore énormément de travail à rattraper ?

  • Speaker #3

    C'était une réunion importante avec la valeur symbolique, car cela a confirmé la bonne dynamique entre les dirigeants polonais, français et allemands. Et on se souvient toujours des dernières années d'engagement. assez limité de trois partenaires dans ce format. Donc aujourd'hui, ce qu'on voit, c'est que tous les partenaires sont également intéressés au développement de cette coopération, au même degré. Mais ce n'était pas seulement symbolique. Les dirigeants ont confirmé leur intention de prendre de nouvelles initiatives et ils ont également déclaré des mesures visant à accroître leur propre production d'équipements militaires, donc tout ça compte. Et j'ajouterais que pas seulement la réunion de mars est importante, mais aussi cette déclaration des ministres des Affaires étrangères de février, quand ils ont clarifié les domaines de coopération souhaités, y compris industrie, innovation, investissement, le soutien à la Moldavie, la politique numérique, etc. À mon avis, c'est déjà un bon point de départ.

  • Speaker #0

    Oui, et depuis cette réunion, on a eu beaucoup d'autres rencontres à Troyes, au niveau ministériel, au niveau parlementaire, y compris sur des sujets peut-être pas forcément directement liés à l'Europe. Je pense à une réunion notamment sur les relations Asie-Pacifique. Est-ce qu'on est en train, Stéphane, de casser la malédiction de ce format ? Ce triangle de Weimar, il date déjà de 1991, mais jusqu'à présent, il n'en est pas sorti grand-chose. Est-ce que là, enfin, on va sortir des déclarations d'intention et entrer dans le concret ?

  • Speaker #2

    La question c'est peut-être un peu est-ce que ces moments, quand ça démarre, on les choisit délibérément en fin de compte ou est-ce que c'était quelque chose qui nous a été imposé ? Visiblement au plus haut niveau on a compris qu'il était temps de coopérer mais les circonstances évidemment, la question de la Russie contre l'Ukraine, on aurait pu rêver mieux. Le problème au fond de ce triangle de Weimar, je l'avais souvent comparé au monstre de Loch Ness qui apparaît, qui disparaît longtemps, qui réapparaît, qui disparaît. C'est un peu ce qu'on peut voir avec ce format qu'on avait voulu au début très peu institutionnaliser pour permettre à se retrouver sans contraintes, sans programme, sans conseiller. Et c'est toute la fois la faiblesse qui a donné une certaine flexibilité. Mais ça ne nous a jamais obligés, comme dans le cadre franco-allemand du traité des lycées, à respecter le protocole du traité, à se voir deux fois par an au niveau des chefs d'État et du chancelier, tous les trois mois au niveau des ministres. En ça, on peut aussi se demander si ces dernières vingt années, on n'a pas pris un peu de retard, ou même si ça n'a pas été un gâchis, puisque maintenant qu'on se retrouve devant un appresseur extérieur, dans une situation difficile, avec les États-Unis qui incitent, qui se bossent la question, On se rend compte de tout ce qu'il aurait peut-être fallu faire les derniers 20 ans. Maintenant, on le rattrape, on l'espère, rapidement. C'est très bien qu'on ait pu retrouver la Pologne, que la France et l'Allemagne aient compris qu'il faut intégrer, coopérer avec la Pologne qui peut être un pont vers l'Europe de l'Est, vers les membres de l'Europe de l'Est. Mais maintenant, il s'agit qu'à la fin, sorte quelque chose de ce format.

  • Speaker #0

    Amanda, on a beaucoup lu dans la presse française ou allemande que la Pologne... jouaient les médiatrices entre deux vieux partenaires qui connaissaient des problèmes de couple. Mais que dit-on à Varsovie de cette analyse qui est peut-être un petit peu facile ? Parce que je me suis dit que ce n'était peut-être pas si flatteur au fond d'être réduit à un rôle de faire valoir des Allemands et des Français.

  • Speaker #3

    Je ne pense pas que la Pologne veut être un intermédiaire. Concernant le Weimar, oui, c'est un format typiquement politique. Le triangle dépendra toujours de la volonté politique de coopérer et de la chimie entre les trois parties. Mais je pense que ce qu'on voit maintenant, c'est que ce manque de formalisme, cette forme de coopération est un avantage. À ma connaissance, pour l'instant, il n'y a pas de volonté de le formaliser.

  • Speaker #0

    Alors, c'est très bien d'avoir des formats d'échange, mais le temps de l'après-guerre froide est terminé et il faut avancer de façon urgente sur, notamment, les dossiers de défense et de sécurité européenne. Or, ça, on le sait bien, entre la France et l'Allemagne, on a deux positions très opposées. C'est la confrontation de traditions militaires différentes, mais aussi dans la relation aux États-Unis, à l'OTAN, etc. Bon, il y a quelques jours, on a eu des éléments intéressants avec le deuxième discours du président Macron à la Sorbonne. Cette fois-ci, contrairement à 2017, Il n'y a pas eu de silence à Berlin. On a vu le chancelier immédiatement répondre avec enthousiasme par tweet. Alors, c'est sans doute un petit peu court jusqu'à présent, mais est-ce que c'est le signe, Stéphane, que les vieux Européens ont enfin compris la leçon et qu'ils vont faire leur devoir ?

  • Speaker #2

    On y est, on y est, mais ça met du temps et j'espère que ça ne mettra pas trop du temps. Si on veut en quelque sorte ce rapprochement entre France et Allemagne sur la question du lien transatlantique, ça date déjà des années 90. On se souvient de 1998, l'accord entre la France et le Royaume-Uni à Saint-Malo et à la suite de ça, le président Chirac avait rapproché... La France de l'OTAN, avec la condition qu'il y a un pilier européen au sein de l'OTAN, donc ça permettait en quelque sorte de ressoudre ce vieux problème entre défense européenne, défense transatlantique, mais encore fallait-il associer les nouveaux pays membres. de l'OTAN et des lignes européennes et les intégrer là-dedans. Et ça, on n'a pas suffisamment fait. Et c'est un peu trop facile maintenant du côté France-Allemagne de dire Oui, mais avec le précédent gouvernement polonais, il n'y avait pas moyen de faire quelque chose. En même temps, est-ce qu'on aurait été prêts, côté France-Allemagne, à dépasser nos propres différences, nos propres problèmes, pour ensuite proposer quelque chose à la Pologne et trouver quelque chose à Troyes ? Et là, on ne le sait pas, puisque... C'est pas arrivé, mais j'aurais comme un doute quand même.

  • Speaker #0

    Amanda, quelle est ta réaction à cela ? On sait que c'est toujours très difficile d'être la troisième personne qui arrive dans un duo bien rodé. En français, on dit qu'il y a le risque d'être la troisième roue du carrosse. Là, en plus, on parle d'un duo qui, pendant longtemps, n'a pas vraiment pris au sérieux les analyses et les attentes de la Pologne.

  • Speaker #3

    Je pense qu'il faut souligner que la sécurité est maintenant la priorité absolue de la Pologne. Et avec l'invasion de l'Ukraine à grande échelle par la Russie, il s'est avéré que la Pologne avait raison dans son diagnostic de la situation sécuritaire en Europe. Et c'est ce que l'Allemagne et la France ont bien compris. Il est important d'accélérer la fourniture de l'aide militaire à l'Ukraine. La Pologne se concentre sur le développement et le renforcement de ses propres ressources de défense et a considérablement augmenté ses dépenses. Nous sommes parmi les principaux pays de l'OTAN avec des dépenses atteignant 4% du PIB. Il est donc souhaitable que les États membres, y compris Allemagne, augmentent leurs dépenses de défense. augmentant aussi leur capacité de défense collective. Donc apporter un soutien militaire et politique maximal à l'Ukraine est crucial, ainsi que maintenir la Russie loin de nos frontières.

  • Speaker #0

    Sur la question défense européenne et ou autant, qui est une ligne de division potentielle assez forte entre la France et l'Allemagne, où se place la Pologne ?

  • Speaker #3

    La Pologne soutiendra bien sûr le projet de développement de l'industrie européenne. Le ministre polonais, pendant son dernier discours, a confirmé que même si nous reconnaissons que l'OTAN est le principal gardien de la sécurité mondiale, nous soutenons l'engagement, par exemple, de la création des forces européennes de réaction rapide. Car ce n'est pas... C'est un élément de concurrence avec l'OTAN, mais c'est un complément à celle-ci. Le fondement de notre sécurité reste l'Alliance transatlantique, mais il n'y a pas de dichotomie dans la politique européenne. Donc il faut construire la sécurité sur la base à la fois de l'intégration européenne et de la coopération transatlantique, et c'est crucial de faire les deux.

  • Speaker #0

    Ok, donc là, si je fais ma journaliste de base, je suis obligée de remarquer qu'on a l'impression d'entendre Macron, qui s'est réveillé sur son diagnostic sur l'OTAN. Il avait dit il y a quelques années que l'OTAN était en état de mort cérébrale. Là, changement d'analyse depuis quelques mois, quelques années. Par contre, à Berlin, on a Scholz qui est lui toujours très accroché, semble-t-il, à cette dimension transatlantique de la défense. Il se pose en chancelier de la paix, un petit peu comme on pouvait l'avoir du temps de la guerre froide, avec une grille de lecture qui paraît peut-être un petit peu en décalage. Stéphane, est-ce que le problème, il est à Berlin ?

  • Speaker #2

    Moi, j'avais encore une... Question pour Amanda, si tu permets, je sais que c'est toi qui poses les questions, mais pour une fois, moi que j'avais une question, est-ce que vous pensez, Amanda, que la Pologne a les ressources et les capacités de jouer ce rôle ? Là, elle investit énormément dans son armée, surtout dans ses questions d'industrie de défense européenne, pour jouer ce rôle, en quelque sorte, dans la cour d'écran, avec l'Allemagne, la France, puis même les États-Unis, Est-ce que ce n'est pas aussi un aspect qu'il faudrait mutualiser quelque chose et faire quelque chose en tant qu'Européens, Européens de l'Union Européenne, pour alléger un peu le fardeau, pour permettre à mutualiser, à travailler ensemble et puis finalement dépasser cette très vieille idée que c'est des grands pays et des très grands pays qui font la loi du monde ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'il y a cette confiance que... La situation économique de la Pologne est si bien qu'on peut vraiment être un pays crucial, mais justement il faut qu'on travaille pour atteindre tous les objectifs.

  • Speaker #0

    Bon Stéphane, tu n'as pas répondu sur ma question sur Scholz, mais ta remarque me fait quand même réagir à mon tour. Ce que j'entends entre les lignes, c'est peut-être justement ce que les Polonais nous ont reproché à nous, Français et Allemands, de nombreuses reprises au cours de ces 20 dernières années. On passe notre temps à leur dire, c'est très bien ce que vous dites, c'est très bien ce que vous faites, mais de toute façon, à un moment donné, vous serez limité par votre économie, par votre statut dans l'Union Européenne, etc. C'est quelque chose que j'entends encore beaucoup ici à Berlin. Les Polonais, c'est très bien, ils s'engagent très fortement pour la... L'Ukraine, mais bon, ça reste la Pologne. Est-ce qu'un jour, Stéphane, on va réussir à dépasser ça ?

  • Speaker #2

    Mais ça dépend surtout de la France et de l'Allemagne, de leur volonté d'aller plus loin. Évidemment, ensuite aussi de la Pologne et de tous les autres. Est-ce qu'on a encore cette capacité d'inventer quelque chose comme les premières communautés européennes, fortement intégrées, où on partageait justement le fardeau, et ça nous permettait à tous d'aller plus loin que ce qu'on aurait pu obtenir tout seul. C'est la vieille idée européenne, fédéraliste, qu'ensemble on peut obtenir des choses qu'on n'arrive pas à faire tout seul. Et ça vaut autant pour l'économie. que pour les finances, que pour la monnaie et évidemment aussi pour la défense. Si on reste sur le vieux jeu intagouemental, il y aura toujours un moment ou un autre, mais un plus grand que la Pologne, que ce soit l'Allemagne, la France ou la Russie, qui va s'amener et montrer les limites. L'Union européenne était pensée et faite justement pour dépasser un peu ce genre de raisonnement qui vaut aussi évidemment pour la France et pour l'Allemagne, puisqu'est-ce qu'on pèse au niveau mondial, ce n'est pas grand-chose.

  • Speaker #0

    La campagne électorale pour le scrutin européen pourrait être l'occasion d'en débattre, mais jusqu'à présent, on l'a dit ici dans le podcast, en France, en Allemagne, on parle surtout des sujets nationaux. Cela dit, il reste encore un bon mois avant les élections, il peut se passer plein de choses. Il y aura notamment à la fin de ce mois de mai la visite d'État d'Emmanuel Macron ici en Allemagne. En Pologne, comment ça se passe Amanda ? Est-ce qu'il y a un intérêt pour ces élections ? Est-ce qu'on s'attend à une mobilisation importante des électrices, des électeurs ?

  • Speaker #3

    Jusqu'à présent, la campagne européenne n'a pas encore pris d'ampleur en Pologne. Les programmes européens des partis politiques ne sont pas encore fortement présents dans le débat public. C'est principalement parce que nous avons récemment eu des élections locales. C'était Macron, pendant son discours à la Sorbonne, qui parlait des dernières élections législatives en Pologne, en mentionnant le taux de participation record. et le vote pour les partis défendant la démocratie libérale. Je pense que ce cours se poursuivra pour les élections européennes. Pour l'instant, les Polonais veulent voter en grand nombre.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Amanda Dziubinska pour toutes ces explications et analyses depuis Varsovie. Merci à toi Stéphane Zeindorf depuis Ludwigsburg. Et avant de terminer, voici notre Minute K, notre rendez-vous pour le climat et la planète. Et on reste, vous allez l'entendre, sur notre sujet, puisqu'on est le long d'un affluent de l'odeur sur les terres peuplées par les Sorabes. Alors les Sorabes, c'est une minorité slave qui est présente en Allemagne et dans une moindre mesure aussi en Pologne et en République tchèque. Nous partons très exactement pour Nebelschutz en Saxe, un petit village qui a réussi à échapper à la désertification des campagnes est-allemandes en misant... Dès la réunification sur une politique climatique ambitieuse, et c'est Marion Davenas du Forum d'Avenir Franco-Allemand qui nous en parle.

  • Speaker #4

    Un facteur qui a été déterminant, c'est vraiment la personnalité de ce jeune maire Thomas Charnac, qui était très intégré dans la communauté locale, qui parle lui-même saurable, et qui a réussi à emmener la population locale vers des idées qui n'étaient peut-être pas aussi présentes qu'elles le sont aujourd'hui. Il a vraiment présenté la durabilité, les projets écologiques, comme une sorte de continuité avec la culture saurable, qui est menacée comme la nature par la mondialisation. La commune a repris en main... Plus de 100 hectares de terrain agricole, naturel, forestier, en utilisant les fonds qui étaient débloqués par un éco-compte. Dès qu'on artificialise des sols, que ce soit pour construire une éolienne ou construire une route, on a besoin de compenser l'impact écologique de ces mesures, ce qui permet à Nebel Schütz de financer notamment l'achat de nouvelles terres pour les protéger, pour en faire des biotopes pour des animaux ou pour des plantes. ou alors des terres qui sont louées à des paysans qui font de l'agriculture biologique et que la collectivité avait envie de soutenir.

  • Speaker #0

    Dès 2004, Nebel Schütz a reçu un prix comme commune pilote pour la compensation écologique. Aujourd'hui, le village veut devenir un modèle pour la permaculture et l'aquaculture durable. Ça pourrait peut-être donner lieu à un reportage pour le podcast, non ? Merci d'être resté à l'écoute de cet épisode produit avec l'Institut polonais pour les affaires internationales. Le podcast Avec un cas revient le 24 mai, à quelques jours de la visite d'État d'Emmanuel Macron. Que vient-il dire aux Allemands ? Je m'appelle Hélène Kohl, Avec un cas, et je vous dis à bientôt. Bisbald !

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Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et allô à toutes et à tous, ici Berlin. Et aujourd'hui, je vous dis aussi Dzień dobry car c'est l'image de la semaine. La porte de Brandenburg en bleu, en bleu Europe, pour marquer les 20 ans de l'entrée dans l'Union européenne de 10 pays membres, dont la Pologne, bien sûr, l'autre grande voisine de l'Allemagne, à 100 kilomètres à peine de Berlin. On y est en une heure de train, il n'y a qu'un pont à traverser. Et pourtant, pour beaucoup d'Allemands, la Pologne reste une terre lointaine. Cela dit, l'alternance politique à Varsovie et la guerre en Ukraine changent la donne. À l'Est, il y a du nouveau et la Pologne pourrait bien nous aider, nous, Français et Allemands, à retrouver une dynamique commune. Mais se satisfait-elle de ce rôle de médiatrice ? Vous avez remarqué, ça fait 20 ans et pourtant on continue de la désigner comme un nouveau membre. Qu'est-ce que ça dit de l'Europe, de l'Allemagne et de la France ? Bienvenue, willkommen et vitamez dans ce nouvel épisode. Vous vous souvenez sans doute de cette photo, mi-mars à Berlin. Scholz, Macron et Tusk, le premier ministre polonais, main dans la main et tous sourirent. Comme si après des semaines de bisbilles franco-allemandes, il fallait un troisième homme pour renouer les liens et lancer une thérapie de couple. Je me suis immédiatement demandé si c'était si flatteur que ça pour la Pologne finalement. Mais on va y revenir. Car tout d'abord, faisons le point. 20 ans de libre circulation entre l'Allemagne et la Pologne, ça veut dire quoi ? Je suis toujours très surprise du nombre réduit des berlinois qui ont déjà fait le voyage de l'autre côté, drubne comme ils disent. Combien de berlinois savent qu'on peut, pour 24 euros seulement, embarquer dans le train de la culture et aller faire la fête le temps d'un week-end dans la ville polonaise de Wrocław ? Il n'y a plus de contrôle, mais il y a sans doute encore pas mal de barrières dans les têtes, alors venez ! Partons pour la frontière, cap sur Francfort-sur-l'Odeur et sa ville jumelle sur l'autre rive, Sioubitché. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2004, c'est là qu'il y a eu la grande fête de l'Europe sur le pont au-dessus du fleuve Odeur. Anna-Lena Baerbock, l'actuelle ministre allemande des affaires étrangères, y était, à 24 ans à peine, avec des copains étudiants. Mercredi, elle a refait la photo, mais cette fois c'était avec son homologue polonais, Radoslav Sikorski. Le pont était décoré, pavoisé, mais il y a encore... Quelques jours, ces rambardes étaient recouvertes d'affiches du parti d'extrême droite allemand, l'AFD, qui demandait qu'on referme la frontière. Reportage David Philippot.

  • Speaker #1

    Sur le pont, Rony installe des pancartes publicitaires pour un salon d'horticulture qu'il organise bientôt. La moitié de sa clientèle vient de Pologne et pourtant... Moi, je trouve qu'on devrait de nouveau contrôler les frontières comme avant. J'étais fermé, mais on pouvait quand même passer de l'autre côté. C'était cool. La police fédérale stationne à l'entrée du pont et contraint tous les véhicules à ralentir. Pour Rony, c'est un dispositif inefficace contre la criminalité qu'il ressent dans la région.

  • Speaker #2

    Là où j'habite,

  • Speaker #1

    dans les villages autour, il y a des cambriolages toutes les nuits. C'est quand même dingue. Il y a des vols de voitures sans cesse, parce que c'est facile de les embarquer de l'autre côté. Et si on le dit, tout de suite,

  • Speaker #2

    on passe pour un nazi.

  • Speaker #1

    Mais beaucoup pensent la même chose que moi. Faux, répondent Fina et Ole. Ils ont 17 ans, ils vont voter pour la première fois aux européennes. Et pour eux, l'absence de frontières n'a que des avantages.

  • Speaker #2

    Oui, carrément. Parce que les pôles ne viennent travailler ici. Et c'est très bon pour l'asile.

  • Speaker #0

    Nous allons souvent de l'autre côté parce qu'il y a beaucoup de restaurants ou de cafés.

  • Speaker #3

    Donc oui, on est souvent en Pologne.

  • Speaker #2

    Il y a aussi les Polonais avec lesquels on traîne. Vous voyez là-haut, il y a le lycée Karl-Lipplust.

  • Speaker #1

    On peut y faire du Polonais. Depuis 35 ans, la ville héberge aussi l'université européenne Viadrina avec des cours en polonais, en anglais ou encore en français. Gézi Neuchwan a dirigé cette institution au début des années 2000. Elle revient volontiers sur place.

  • Speaker #4

    Ça a beaucoup changé.

  • Speaker #2

    Évidemment, les bâtiments aussi,

  • Speaker #4

    mais la mentalité a beaucoup changé,

  • Speaker #3

    je trouve.

  • Speaker #4

    Et... est devenue bien plus ouverte. Évidemment, on ne peut pas forcer cela,

  • Speaker #3

    mais... La ville se développe. Et je crois que c'est important.

  • Speaker #1

    Justement, elle est là pour inaugurer une exposition qui montre les changements dans la ville. La double ville, rectifie Thomas Pilarski. On ne pouvait pas s'imaginer à quel point les choses ont poussé et grandi entre nous. Il est né à Slubice et s'occupe maintenant du marketing de la communauté transfrontalière. Au début des années 90, il y avait vraiment beaucoup de préjugés entre les Allemands et les Polonais. Et à cette époque, le fossé économique... entre nous était très grave. Selon lui, il ne faut pas se fier aux affiches d'extrême droite et à la présence d'agitateurs qui jouent sur les ressentiments et attisent la haine. Je crois que ce n'est plus un problème dans le quotidien de notre ville. Ces discours ont beaucoup perdu leur importance. La réalité économique parle d'elle-même, dit-il, on l'a vu pendant la pandémie, quand les patrons allemands ont loué des hôtels entiers pour loger leurs salariés polonais qui n'avaient plus le droit de passer la frontière. Merci.

  • Speaker #0

    Voilà, retour en studio pour un épisode en coopération et coproduction avec le PISM, l'Institut polonais pour les affaires internationales. Au plus haut niveau, quand polonais, français et allemand échangent, on parle de discussions en format triangle de Weimar. Il n'y a pas de raison que le podcast ne vous propose pas cette expérience et donc je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui au micro, depuis Varsovie, Amanda Dziubinska, chercheuse au PISM. Bonjour.

  • Speaker #3

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Et tout à l'ouest, à Ludwigsburg, il y a Stéphane Seidendorf pour le DFI. Salut !

  • Speaker #2

    Bonjour Hélène, bonjour Amanda.

  • Speaker #0

    Amanda, je commence avec toi. Dans le reportage, c'était voulu, on a entendu le point de vue des Allemands. Mais en Pologne, que dit-on de ces 20 dernières années ? Quel premier bilan de cette expérience européenne ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'on est fiers de ce qu'on a fait pendant ces 20 dernières années. Entre 2004 et 2022, le PIB de la Pologne a doublé. Pour vous donner un exemple, les économies tchèques et hongroises n'ont connu qu'une croissance de moitié pendant cette période. On a une crédibilité économique, on a une transformation réussie dans plusieurs domaines. On a modernisé massivement notre infrastructure, c'est quelque chose qui compte. Au cours des 20 dernières années, la Pologne a été le plus grand bénéficiaire du transfert des fonds européens. Plus de 161 milliards d'euros nets de fonds européens. Et l'adhésion de l'UE a fait de la Pologne une destination attractive pour les investissements étrangers. Et ce que j'entends souvent, ce qui est peut-être aussi important de souligner, c'est que la Pologne a l'image d'un pays sûr. C'est quelque chose qui est vraiment important et qu'on veut souligner.

  • Speaker #0

    Stéphane, dans le reportage, on a entendu que les relations s'étaient intensifiées entre les Polonais et les Allemands, mais il y a encore aussi beaucoup de distance entre les gens. Visiblement, tout le monde n'a pas compris l'intérêt de la libre circulation. Alors sans spéculer sur les futurs scores électoraux de l'AFD dans la région, ça me rappelle quand même certains comportements qu'on voit aussi à l'autre bout du pays, sur l'autre frontière, celle avec la France. Cette frontière que toi tu passes personnellement plusieurs fois par semaine dans un sens ou dans l'autre.

  • Speaker #2

    Tout à fait, les frontières ont changé leur caractère, mais elles continuent, elles persistent. C'est une limite entre deux ordres administratifs, législatifs, et ça crée un certain nombre de problèmes. Et plus on a de trafic transfrontalier, c'est-à-dire plus il y a du monde qui traverse cette frontière pour une raison ou une autre, plus on crée des problèmes, en quelque sorte, tant qu'on n'arrive pas à intégrer. Et là, pour le coup, mais... L'exemple de Frank-Furlander-Oder et Stubitz, ça peut nous inspirer à énormément de choses, puisqu'on voit le dynamisme, on voit la volonté de ces gens de s'approprier en quelque sorte les opportunités, le potentiel qui est là malgré tous les obstacles. Alors qu'à l'ouest, nous avons souvent à tort ce discours du laboratoire, et nous sommes les plus avancés sur le transfrontalier, et on fait comme si on n'avait plus de problèmes. Alors hélas, il y en a des problèmes.

  • Speaker #0

    Là où, en revanche, les relations France-Allemagne sont souvent citées en exemple et même enviées, ce sont tous ces liens qui ont été tissés entre les populations. On est quand même loin de tout ça encore entre l'Allemagne et la Pologne. En ce moment, on le voit clairement que du côté du gouvernement à Varsovie, on pousse beaucoup pour relancer ce fameux triangle de Weimar. Est-ce qu'il y a, Amanda, aussi une volonté, je dirais, au-delà du champ de la politique ?

  • Speaker #3

    Au sujet de Weimar, je pense qu'un aspect tout aussi important sera la poursuite du fonctionnement de ce format au niveau de la société civile, visant à promouvoir le rapprochement et la compréhension mutuelle entre les citoyens des trois pays. Et c'est quelque chose sur lequel nous devrions vraiment travailler ensemble.

  • Speaker #2

    Alors Amanda a 100% raison qu'il faut prolonger ce triangle de Weimar sur le domaine de la société civile, et d'ailleurs c'est ce qu'on observe, c'est ce qu'on voit déjà, c'est là où c'était le plus actif durant ces années un peu mornes, où il n'y a pas grand chose qui se passait au niveau politique. Et le changement qu'on a vu maintenant au niveau politique, il a été précédé en quelque sorte par un essor en Allemagne de l'Est notamment. qui ont redécouvert le potentiel de ce triangle de Weimar avec des Français, avec des Polonais. Donc ça bouge un peu, c'est peut-être pas encore visible, mais pour les observateurs professionnels, avec leur déformation professionnelle aussi, j'avoue, on le sent couiller, ça démarre petit à petit, on entre dans une... Cette face, ou cet intérêt, cette curiosité mutuelle, elle est soutenue aussi par des associations, par des citoyens, par le niveau de la société civile, puisque les relations trop asymétriques, où les uns peuvent se contenter et les autres sont obligés d'aller voir pour des raisons économiques, pour le travail, quelque chose, ça, ce n'est pas quelque chose de sain ou de bien.

  • Speaker #0

    Et ça, quand même, moi, je le ressens encore beaucoup entre les Polonais et les Allemands. Les Allemands, au fond, s'intéressent très peu à la Pologne, ou alors... Je caricature sans doute un petit peu, mais seulement en voyant le pays comme un énorme réservoir de main-d'oeuvre. On attend des Polonais qu'ils apprennent l'allemand, mais à Berlin, par exemple, il y a finalement très peu la possibilité d'apprendre le polonais à l'école. Et cette asymétrie, elle entretient forcément les préjugés. Elle a d'ailleurs peut-être alimenté aussi ce discours très dur sur l'Allemagne, qu'on entendait de la part du président au gouvernement polonais, qui a énormément utilisé à des fins politiques les vieux clichés et les vieilles rancœurs sur l'Allemagne, non ? Amanda, qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #3

    Les relations bilatérales entre la Pologne et l'Allemagne, ce n'est pas ma domaine, mais ce que je peux dire, c'est qu'il est important d'avoir un dialogue constructif et de rétablir des relations bilatérales qui ont traversé des moments parfois difficiles de ces dernières années. Une étape particulièrement importante consisterait à éviter toute la rhétorique conflictuelle. Mais cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ayons le même point de vue sur toutes les orientations de la politique européenne. Ça, c'est sûr. Ah,

  • Speaker #0

    ça, c'est sûr. Et puis, on connaît ça par cœur, nous, entre Français et Allemands. Surtout en ce moment, les auditrices, les auditeurs du podcast savent qu'on a eu des semaines un petit peu tendues cet hiver. Depuis le 15 mars, le message envoyé, c'est clairement celui de l'harmonie et de la détermination commune.

  • Speaker #2

    Franckreich, Deutschland, Pologne, le Weimarer Dreieck au cœur de l'Europe, c'est un très important signe de notre conciliation.

  • Speaker #0

    Et le fait que nous soyons en ce jour tous les trois unis, déterminés, avec la même lucidité sur la situation en Ukraine, est résolu. A ne jamais laisser gagner la Russie et à soutenir le peuple ukrainien jusqu'au bout est une force pour nous, nos peuples, notre sécurité et notre Europe. C'était Olaf Scholz, puis Emmanuel Macron, vous les avez reconnus. Pardon, pardon, mais c'était trop difficile pour moi d'isoler un son en polonais. Mais ce jour-là, bien évidemment, à Berlin, il y avait aussi Donald Tusk, le Premier ministre polonais. Amanda, toi qui travailles justement sur le triangle de Weimar, cette réunion, est-ce que c'était à tes yeux un bon moment européen Ou bien est-ce qu'il faut plutôt la voir comme le signe que les Européens ont encore énormément de travail à rattraper ?

  • Speaker #3

    C'était une réunion importante avec la valeur symbolique, car cela a confirmé la bonne dynamique entre les dirigeants polonais, français et allemands. Et on se souvient toujours des dernières années d'engagement. assez limité de trois partenaires dans ce format. Donc aujourd'hui, ce qu'on voit, c'est que tous les partenaires sont également intéressés au développement de cette coopération, au même degré. Mais ce n'était pas seulement symbolique. Les dirigeants ont confirmé leur intention de prendre de nouvelles initiatives et ils ont également déclaré des mesures visant à accroître leur propre production d'équipements militaires, donc tout ça compte. Et j'ajouterais que pas seulement la réunion de mars est importante, mais aussi cette déclaration des ministres des Affaires étrangères de février, quand ils ont clarifié les domaines de coopération souhaités, y compris industrie, innovation, investissement, le soutien à la Moldavie, la politique numérique, etc. À mon avis, c'est déjà un bon point de départ.

  • Speaker #0

    Oui, et depuis cette réunion, on a eu beaucoup d'autres rencontres à Troyes, au niveau ministériel, au niveau parlementaire, y compris sur des sujets peut-être pas forcément directement liés à l'Europe. Je pense à une réunion notamment sur les relations Asie-Pacifique. Est-ce qu'on est en train, Stéphane, de casser la malédiction de ce format ? Ce triangle de Weimar, il date déjà de 1991, mais jusqu'à présent, il n'en est pas sorti grand-chose. Est-ce que là, enfin, on va sortir des déclarations d'intention et entrer dans le concret ?

  • Speaker #2

    La question c'est peut-être un peu est-ce que ces moments, quand ça démarre, on les choisit délibérément en fin de compte ou est-ce que c'était quelque chose qui nous a été imposé ? Visiblement au plus haut niveau on a compris qu'il était temps de coopérer mais les circonstances évidemment, la question de la Russie contre l'Ukraine, on aurait pu rêver mieux. Le problème au fond de ce triangle de Weimar, je l'avais souvent comparé au monstre de Loch Ness qui apparaît, qui disparaît longtemps, qui réapparaît, qui disparaît. C'est un peu ce qu'on peut voir avec ce format qu'on avait voulu au début très peu institutionnaliser pour permettre à se retrouver sans contraintes, sans programme, sans conseiller. Et c'est toute la fois la faiblesse qui a donné une certaine flexibilité. Mais ça ne nous a jamais obligés, comme dans le cadre franco-allemand du traité des lycées, à respecter le protocole du traité, à se voir deux fois par an au niveau des chefs d'État et du chancelier, tous les trois mois au niveau des ministres. En ça, on peut aussi se demander si ces dernières vingt années, on n'a pas pris un peu de retard, ou même si ça n'a pas été un gâchis, puisque maintenant qu'on se retrouve devant un appresseur extérieur, dans une situation difficile, avec les États-Unis qui incitent, qui se bossent la question, On se rend compte de tout ce qu'il aurait peut-être fallu faire les derniers 20 ans. Maintenant, on le rattrape, on l'espère, rapidement. C'est très bien qu'on ait pu retrouver la Pologne, que la France et l'Allemagne aient compris qu'il faut intégrer, coopérer avec la Pologne qui peut être un pont vers l'Europe de l'Est, vers les membres de l'Europe de l'Est. Mais maintenant, il s'agit qu'à la fin, sorte quelque chose de ce format.

  • Speaker #0

    Amanda, on a beaucoup lu dans la presse française ou allemande que la Pologne... jouaient les médiatrices entre deux vieux partenaires qui connaissaient des problèmes de couple. Mais que dit-on à Varsovie de cette analyse qui est peut-être un petit peu facile ? Parce que je me suis dit que ce n'était peut-être pas si flatteur au fond d'être réduit à un rôle de faire valoir des Allemands et des Français.

  • Speaker #3

    Je ne pense pas que la Pologne veut être un intermédiaire. Concernant le Weimar, oui, c'est un format typiquement politique. Le triangle dépendra toujours de la volonté politique de coopérer et de la chimie entre les trois parties. Mais je pense que ce qu'on voit maintenant, c'est que ce manque de formalisme, cette forme de coopération est un avantage. À ma connaissance, pour l'instant, il n'y a pas de volonté de le formaliser.

  • Speaker #0

    Alors, c'est très bien d'avoir des formats d'échange, mais le temps de l'après-guerre froide est terminé et il faut avancer de façon urgente sur, notamment, les dossiers de défense et de sécurité européenne. Or, ça, on le sait bien, entre la France et l'Allemagne, on a deux positions très opposées. C'est la confrontation de traditions militaires différentes, mais aussi dans la relation aux États-Unis, à l'OTAN, etc. Bon, il y a quelques jours, on a eu des éléments intéressants avec le deuxième discours du président Macron à la Sorbonne. Cette fois-ci, contrairement à 2017, Il n'y a pas eu de silence à Berlin. On a vu le chancelier immédiatement répondre avec enthousiasme par tweet. Alors, c'est sans doute un petit peu court jusqu'à présent, mais est-ce que c'est le signe, Stéphane, que les vieux Européens ont enfin compris la leçon et qu'ils vont faire leur devoir ?

  • Speaker #2

    On y est, on y est, mais ça met du temps et j'espère que ça ne mettra pas trop du temps. Si on veut en quelque sorte ce rapprochement entre France et Allemagne sur la question du lien transatlantique, ça date déjà des années 90. On se souvient de 1998, l'accord entre la France et le Royaume-Uni à Saint-Malo et à la suite de ça, le président Chirac avait rapproché... La France de l'OTAN, avec la condition qu'il y a un pilier européen au sein de l'OTAN, donc ça permettait en quelque sorte de ressoudre ce vieux problème entre défense européenne, défense transatlantique, mais encore fallait-il associer les nouveaux pays membres. de l'OTAN et des lignes européennes et les intégrer là-dedans. Et ça, on n'a pas suffisamment fait. Et c'est un peu trop facile maintenant du côté France-Allemagne de dire Oui, mais avec le précédent gouvernement polonais, il n'y avait pas moyen de faire quelque chose. En même temps, est-ce qu'on aurait été prêts, côté France-Allemagne, à dépasser nos propres différences, nos propres problèmes, pour ensuite proposer quelque chose à la Pologne et trouver quelque chose à Troyes ? Et là, on ne le sait pas, puisque... C'est pas arrivé, mais j'aurais comme un doute quand même.

  • Speaker #0

    Amanda, quelle est ta réaction à cela ? On sait que c'est toujours très difficile d'être la troisième personne qui arrive dans un duo bien rodé. En français, on dit qu'il y a le risque d'être la troisième roue du carrosse. Là, en plus, on parle d'un duo qui, pendant longtemps, n'a pas vraiment pris au sérieux les analyses et les attentes de la Pologne.

  • Speaker #3

    Je pense qu'il faut souligner que la sécurité est maintenant la priorité absolue de la Pologne. Et avec l'invasion de l'Ukraine à grande échelle par la Russie, il s'est avéré que la Pologne avait raison dans son diagnostic de la situation sécuritaire en Europe. Et c'est ce que l'Allemagne et la France ont bien compris. Il est important d'accélérer la fourniture de l'aide militaire à l'Ukraine. La Pologne se concentre sur le développement et le renforcement de ses propres ressources de défense et a considérablement augmenté ses dépenses. Nous sommes parmi les principaux pays de l'OTAN avec des dépenses atteignant 4% du PIB. Il est donc souhaitable que les États membres, y compris Allemagne, augmentent leurs dépenses de défense. augmentant aussi leur capacité de défense collective. Donc apporter un soutien militaire et politique maximal à l'Ukraine est crucial, ainsi que maintenir la Russie loin de nos frontières.

  • Speaker #0

    Sur la question défense européenne et ou autant, qui est une ligne de division potentielle assez forte entre la France et l'Allemagne, où se place la Pologne ?

  • Speaker #3

    La Pologne soutiendra bien sûr le projet de développement de l'industrie européenne. Le ministre polonais, pendant son dernier discours, a confirmé que même si nous reconnaissons que l'OTAN est le principal gardien de la sécurité mondiale, nous soutenons l'engagement, par exemple, de la création des forces européennes de réaction rapide. Car ce n'est pas... C'est un élément de concurrence avec l'OTAN, mais c'est un complément à celle-ci. Le fondement de notre sécurité reste l'Alliance transatlantique, mais il n'y a pas de dichotomie dans la politique européenne. Donc il faut construire la sécurité sur la base à la fois de l'intégration européenne et de la coopération transatlantique, et c'est crucial de faire les deux.

  • Speaker #0

    Ok, donc là, si je fais ma journaliste de base, je suis obligée de remarquer qu'on a l'impression d'entendre Macron, qui s'est réveillé sur son diagnostic sur l'OTAN. Il avait dit il y a quelques années que l'OTAN était en état de mort cérébrale. Là, changement d'analyse depuis quelques mois, quelques années. Par contre, à Berlin, on a Scholz qui est lui toujours très accroché, semble-t-il, à cette dimension transatlantique de la défense. Il se pose en chancelier de la paix, un petit peu comme on pouvait l'avoir du temps de la guerre froide, avec une grille de lecture qui paraît peut-être un petit peu en décalage. Stéphane, est-ce que le problème, il est à Berlin ?

  • Speaker #2

    Moi, j'avais encore une... Question pour Amanda, si tu permets, je sais que c'est toi qui poses les questions, mais pour une fois, moi que j'avais une question, est-ce que vous pensez, Amanda, que la Pologne a les ressources et les capacités de jouer ce rôle ? Là, elle investit énormément dans son armée, surtout dans ses questions d'industrie de défense européenne, pour jouer ce rôle, en quelque sorte, dans la cour d'écran, avec l'Allemagne, la France, puis même les États-Unis, Est-ce que ce n'est pas aussi un aspect qu'il faudrait mutualiser quelque chose et faire quelque chose en tant qu'Européens, Européens de l'Union Européenne, pour alléger un peu le fardeau, pour permettre à mutualiser, à travailler ensemble et puis finalement dépasser cette très vieille idée que c'est des grands pays et des très grands pays qui font la loi du monde ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'il y a cette confiance que... La situation économique de la Pologne est si bien qu'on peut vraiment être un pays crucial, mais justement il faut qu'on travaille pour atteindre tous les objectifs.

  • Speaker #0

    Bon Stéphane, tu n'as pas répondu sur ma question sur Scholz, mais ta remarque me fait quand même réagir à mon tour. Ce que j'entends entre les lignes, c'est peut-être justement ce que les Polonais nous ont reproché à nous, Français et Allemands, de nombreuses reprises au cours de ces 20 dernières années. On passe notre temps à leur dire, c'est très bien ce que vous dites, c'est très bien ce que vous faites, mais de toute façon, à un moment donné, vous serez limité par votre économie, par votre statut dans l'Union Européenne, etc. C'est quelque chose que j'entends encore beaucoup ici à Berlin. Les Polonais, c'est très bien, ils s'engagent très fortement pour la... L'Ukraine, mais bon, ça reste la Pologne. Est-ce qu'un jour, Stéphane, on va réussir à dépasser ça ?

  • Speaker #2

    Mais ça dépend surtout de la France et de l'Allemagne, de leur volonté d'aller plus loin. Évidemment, ensuite aussi de la Pologne et de tous les autres. Est-ce qu'on a encore cette capacité d'inventer quelque chose comme les premières communautés européennes, fortement intégrées, où on partageait justement le fardeau, et ça nous permettait à tous d'aller plus loin que ce qu'on aurait pu obtenir tout seul. C'est la vieille idée européenne, fédéraliste, qu'ensemble on peut obtenir des choses qu'on n'arrive pas à faire tout seul. Et ça vaut autant pour l'économie. que pour les finances, que pour la monnaie et évidemment aussi pour la défense. Si on reste sur le vieux jeu intagouemental, il y aura toujours un moment ou un autre, mais un plus grand que la Pologne, que ce soit l'Allemagne, la France ou la Russie, qui va s'amener et montrer les limites. L'Union européenne était pensée et faite justement pour dépasser un peu ce genre de raisonnement qui vaut aussi évidemment pour la France et pour l'Allemagne, puisqu'est-ce qu'on pèse au niveau mondial, ce n'est pas grand-chose.

  • Speaker #0

    La campagne électorale pour le scrutin européen pourrait être l'occasion d'en débattre, mais jusqu'à présent, on l'a dit ici dans le podcast, en France, en Allemagne, on parle surtout des sujets nationaux. Cela dit, il reste encore un bon mois avant les élections, il peut se passer plein de choses. Il y aura notamment à la fin de ce mois de mai la visite d'État d'Emmanuel Macron ici en Allemagne. En Pologne, comment ça se passe Amanda ? Est-ce qu'il y a un intérêt pour ces élections ? Est-ce qu'on s'attend à une mobilisation importante des électrices, des électeurs ?

  • Speaker #3

    Jusqu'à présent, la campagne européenne n'a pas encore pris d'ampleur en Pologne. Les programmes européens des partis politiques ne sont pas encore fortement présents dans le débat public. C'est principalement parce que nous avons récemment eu des élections locales. C'était Macron, pendant son discours à la Sorbonne, qui parlait des dernières élections législatives en Pologne, en mentionnant le taux de participation record. et le vote pour les partis défendant la démocratie libérale. Je pense que ce cours se poursuivra pour les élections européennes. Pour l'instant, les Polonais veulent voter en grand nombre.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Amanda Dziubinska pour toutes ces explications et analyses depuis Varsovie. Merci à toi Stéphane Zeindorf depuis Ludwigsburg. Et avant de terminer, voici notre Minute K, notre rendez-vous pour le climat et la planète. Et on reste, vous allez l'entendre, sur notre sujet, puisqu'on est le long d'un affluent de l'odeur sur les terres peuplées par les Sorabes. Alors les Sorabes, c'est une minorité slave qui est présente en Allemagne et dans une moindre mesure aussi en Pologne et en République tchèque. Nous partons très exactement pour Nebelschutz en Saxe, un petit village qui a réussi à échapper à la désertification des campagnes est-allemandes en misant... Dès la réunification sur une politique climatique ambitieuse, et c'est Marion Davenas du Forum d'Avenir Franco-Allemand qui nous en parle.

  • Speaker #4

    Un facteur qui a été déterminant, c'est vraiment la personnalité de ce jeune maire Thomas Charnac, qui était très intégré dans la communauté locale, qui parle lui-même saurable, et qui a réussi à emmener la population locale vers des idées qui n'étaient peut-être pas aussi présentes qu'elles le sont aujourd'hui. Il a vraiment présenté la durabilité, les projets écologiques, comme une sorte de continuité avec la culture saurable, qui est menacée comme la nature par la mondialisation. La commune a repris en main... Plus de 100 hectares de terrain agricole, naturel, forestier, en utilisant les fonds qui étaient débloqués par un éco-compte. Dès qu'on artificialise des sols, que ce soit pour construire une éolienne ou construire une route, on a besoin de compenser l'impact écologique de ces mesures, ce qui permet à Nebel Schütz de financer notamment l'achat de nouvelles terres pour les protéger, pour en faire des biotopes pour des animaux ou pour des plantes. ou alors des terres qui sont louées à des paysans qui font de l'agriculture biologique et que la collectivité avait envie de soutenir.

  • Speaker #0

    Dès 2004, Nebel Schütz a reçu un prix comme commune pilote pour la compensation écologique. Aujourd'hui, le village veut devenir un modèle pour la permaculture et l'aquaculture durable. Ça pourrait peut-être donner lieu à un reportage pour le podcast, non ? Merci d'être resté à l'écoute de cet épisode produit avec l'Institut polonais pour les affaires internationales. Le podcast Avec un cas revient le 24 mai, à quelques jours de la visite d'État d'Emmanuel Macron. Que vient-il dire aux Allemands ? Je m'appelle Hélène Kohl, Avec un cas, et je vous dis à bientôt. Bisbald !

Description

La Pologne va-t-elle sauver le vieux couple franco-allemand ? L'hiver a été marqué par des bisbilles entre Paris et Berlin, mais depuis la mi-mars les choses s'apaisent... et on affiche l'harmonie et la détermination.

La nouvelle équipe au pouvoir à Varsovie n'y est pas pour rien. Vingt ans après son entrée dans l'UE, l'éternel "nouveau membre" tient peut-être sa revanche !


Un épisode qui nous emmène le long de la frontière entre Allemagne et Pologne, en coopération avec l'institut polonais pour les affaires internationales PISM .

Au micro Stefan Seidendorf du DFI et Amanda Dziubinska du PISM


La minute K avec le forum d'avenir franco-allemand nous fait découvrir le village sorabe de Nebelschütz en Saxe.


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    Bonjour et allô à toutes et à tous, ici Berlin. Et aujourd'hui, je vous dis aussi Dzień dobry car c'est l'image de la semaine. La porte de Brandenburg en bleu, en bleu Europe, pour marquer les 20 ans de l'entrée dans l'Union européenne de 10 pays membres, dont la Pologne, bien sûr, l'autre grande voisine de l'Allemagne, à 100 kilomètres à peine de Berlin. On y est en une heure de train, il n'y a qu'un pont à traverser. Et pourtant, pour beaucoup d'Allemands, la Pologne reste une terre lointaine. Cela dit, l'alternance politique à Varsovie et la guerre en Ukraine changent la donne. À l'Est, il y a du nouveau et la Pologne pourrait bien nous aider, nous, Français et Allemands, à retrouver une dynamique commune. Mais se satisfait-elle de ce rôle de médiatrice ? Vous avez remarqué, ça fait 20 ans et pourtant on continue de la désigner comme un nouveau membre. Qu'est-ce que ça dit de l'Europe, de l'Allemagne et de la France ? Bienvenue, willkommen et vitamez dans ce nouvel épisode. Vous vous souvenez sans doute de cette photo, mi-mars à Berlin. Scholz, Macron et Tusk, le premier ministre polonais, main dans la main et tous sourirent. Comme si après des semaines de bisbilles franco-allemandes, il fallait un troisième homme pour renouer les liens et lancer une thérapie de couple. Je me suis immédiatement demandé si c'était si flatteur que ça pour la Pologne finalement. Mais on va y revenir. Car tout d'abord, faisons le point. 20 ans de libre circulation entre l'Allemagne et la Pologne, ça veut dire quoi ? Je suis toujours très surprise du nombre réduit des berlinois qui ont déjà fait le voyage de l'autre côté, drubne comme ils disent. Combien de berlinois savent qu'on peut, pour 24 euros seulement, embarquer dans le train de la culture et aller faire la fête le temps d'un week-end dans la ville polonaise de Wrocław ? Il n'y a plus de contrôle, mais il y a sans doute encore pas mal de barrières dans les têtes, alors venez ! Partons pour la frontière, cap sur Francfort-sur-l'Odeur et sa ville jumelle sur l'autre rive, Sioubitché. Dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2004, c'est là qu'il y a eu la grande fête de l'Europe sur le pont au-dessus du fleuve Odeur. Anna-Lena Baerbock, l'actuelle ministre allemande des affaires étrangères, y était, à 24 ans à peine, avec des copains étudiants. Mercredi, elle a refait la photo, mais cette fois c'était avec son homologue polonais, Radoslav Sikorski. Le pont était décoré, pavoisé, mais il y a encore... Quelques jours, ces rambardes étaient recouvertes d'affiches du parti d'extrême droite allemand, l'AFD, qui demandait qu'on referme la frontière. Reportage David Philippot.

  • Speaker #1

    Sur le pont, Rony installe des pancartes publicitaires pour un salon d'horticulture qu'il organise bientôt. La moitié de sa clientèle vient de Pologne et pourtant... Moi, je trouve qu'on devrait de nouveau contrôler les frontières comme avant. J'étais fermé, mais on pouvait quand même passer de l'autre côté. C'était cool. La police fédérale stationne à l'entrée du pont et contraint tous les véhicules à ralentir. Pour Rony, c'est un dispositif inefficace contre la criminalité qu'il ressent dans la région.

  • Speaker #2

    Là où j'habite,

  • Speaker #1

    dans les villages autour, il y a des cambriolages toutes les nuits. C'est quand même dingue. Il y a des vols de voitures sans cesse, parce que c'est facile de les embarquer de l'autre côté. Et si on le dit, tout de suite,

  • Speaker #2

    on passe pour un nazi.

  • Speaker #1

    Mais beaucoup pensent la même chose que moi. Faux, répondent Fina et Ole. Ils ont 17 ans, ils vont voter pour la première fois aux européennes. Et pour eux, l'absence de frontières n'a que des avantages.

  • Speaker #2

    Oui, carrément. Parce que les pôles ne viennent travailler ici. Et c'est très bon pour l'asile.

  • Speaker #0

    Nous allons souvent de l'autre côté parce qu'il y a beaucoup de restaurants ou de cafés.

  • Speaker #3

    Donc oui, on est souvent en Pologne.

  • Speaker #2

    Il y a aussi les Polonais avec lesquels on traîne. Vous voyez là-haut, il y a le lycée Karl-Lipplust.

  • Speaker #1

    On peut y faire du Polonais. Depuis 35 ans, la ville héberge aussi l'université européenne Viadrina avec des cours en polonais, en anglais ou encore en français. Gézi Neuchwan a dirigé cette institution au début des années 2000. Elle revient volontiers sur place.

  • Speaker #4

    Ça a beaucoup changé.

  • Speaker #2

    Évidemment, les bâtiments aussi,

  • Speaker #4

    mais la mentalité a beaucoup changé,

  • Speaker #3

    je trouve.

  • Speaker #4

    Et... est devenue bien plus ouverte. Évidemment, on ne peut pas forcer cela,

  • Speaker #3

    mais... La ville se développe. Et je crois que c'est important.

  • Speaker #1

    Justement, elle est là pour inaugurer une exposition qui montre les changements dans la ville. La double ville, rectifie Thomas Pilarski. On ne pouvait pas s'imaginer à quel point les choses ont poussé et grandi entre nous. Il est né à Slubice et s'occupe maintenant du marketing de la communauté transfrontalière. Au début des années 90, il y avait vraiment beaucoup de préjugés entre les Allemands et les Polonais. Et à cette époque, le fossé économique... entre nous était très grave. Selon lui, il ne faut pas se fier aux affiches d'extrême droite et à la présence d'agitateurs qui jouent sur les ressentiments et attisent la haine. Je crois que ce n'est plus un problème dans le quotidien de notre ville. Ces discours ont beaucoup perdu leur importance. La réalité économique parle d'elle-même, dit-il, on l'a vu pendant la pandémie, quand les patrons allemands ont loué des hôtels entiers pour loger leurs salariés polonais qui n'avaient plus le droit de passer la frontière. Merci.

  • Speaker #0

    Voilà, retour en studio pour un épisode en coopération et coproduction avec le PISM, l'Institut polonais pour les affaires internationales. Au plus haut niveau, quand polonais, français et allemand échangent, on parle de discussions en format triangle de Weimar. Il n'y a pas de raison que le podcast ne vous propose pas cette expérience et donc je suis très heureuse d'accueillir aujourd'hui au micro, depuis Varsovie, Amanda Dziubinska, chercheuse au PISM. Bonjour.

  • Speaker #3

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Et tout à l'ouest, à Ludwigsburg, il y a Stéphane Seidendorf pour le DFI. Salut !

  • Speaker #2

    Bonjour Hélène, bonjour Amanda.

  • Speaker #0

    Amanda, je commence avec toi. Dans le reportage, c'était voulu, on a entendu le point de vue des Allemands. Mais en Pologne, que dit-on de ces 20 dernières années ? Quel premier bilan de cette expérience européenne ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'on est fiers de ce qu'on a fait pendant ces 20 dernières années. Entre 2004 et 2022, le PIB de la Pologne a doublé. Pour vous donner un exemple, les économies tchèques et hongroises n'ont connu qu'une croissance de moitié pendant cette période. On a une crédibilité économique, on a une transformation réussie dans plusieurs domaines. On a modernisé massivement notre infrastructure, c'est quelque chose qui compte. Au cours des 20 dernières années, la Pologne a été le plus grand bénéficiaire du transfert des fonds européens. Plus de 161 milliards d'euros nets de fonds européens. Et l'adhésion de l'UE a fait de la Pologne une destination attractive pour les investissements étrangers. Et ce que j'entends souvent, ce qui est peut-être aussi important de souligner, c'est que la Pologne a l'image d'un pays sûr. C'est quelque chose qui est vraiment important et qu'on veut souligner.

  • Speaker #0

    Stéphane, dans le reportage, on a entendu que les relations s'étaient intensifiées entre les Polonais et les Allemands, mais il y a encore aussi beaucoup de distance entre les gens. Visiblement, tout le monde n'a pas compris l'intérêt de la libre circulation. Alors sans spéculer sur les futurs scores électoraux de l'AFD dans la région, ça me rappelle quand même certains comportements qu'on voit aussi à l'autre bout du pays, sur l'autre frontière, celle avec la France. Cette frontière que toi tu passes personnellement plusieurs fois par semaine dans un sens ou dans l'autre.

  • Speaker #2

    Tout à fait, les frontières ont changé leur caractère, mais elles continuent, elles persistent. C'est une limite entre deux ordres administratifs, législatifs, et ça crée un certain nombre de problèmes. Et plus on a de trafic transfrontalier, c'est-à-dire plus il y a du monde qui traverse cette frontière pour une raison ou une autre, plus on crée des problèmes, en quelque sorte, tant qu'on n'arrive pas à intégrer. Et là, pour le coup, mais... L'exemple de Frank-Furlander-Oder et Stubitz, ça peut nous inspirer à énormément de choses, puisqu'on voit le dynamisme, on voit la volonté de ces gens de s'approprier en quelque sorte les opportunités, le potentiel qui est là malgré tous les obstacles. Alors qu'à l'ouest, nous avons souvent à tort ce discours du laboratoire, et nous sommes les plus avancés sur le transfrontalier, et on fait comme si on n'avait plus de problèmes. Alors hélas, il y en a des problèmes.

  • Speaker #0

    Là où, en revanche, les relations France-Allemagne sont souvent citées en exemple et même enviées, ce sont tous ces liens qui ont été tissés entre les populations. On est quand même loin de tout ça encore entre l'Allemagne et la Pologne. En ce moment, on le voit clairement que du côté du gouvernement à Varsovie, on pousse beaucoup pour relancer ce fameux triangle de Weimar. Est-ce qu'il y a, Amanda, aussi une volonté, je dirais, au-delà du champ de la politique ?

  • Speaker #3

    Au sujet de Weimar, je pense qu'un aspect tout aussi important sera la poursuite du fonctionnement de ce format au niveau de la société civile, visant à promouvoir le rapprochement et la compréhension mutuelle entre les citoyens des trois pays. Et c'est quelque chose sur lequel nous devrions vraiment travailler ensemble.

  • Speaker #2

    Alors Amanda a 100% raison qu'il faut prolonger ce triangle de Weimar sur le domaine de la société civile, et d'ailleurs c'est ce qu'on observe, c'est ce qu'on voit déjà, c'est là où c'était le plus actif durant ces années un peu mornes, où il n'y a pas grand chose qui se passait au niveau politique. Et le changement qu'on a vu maintenant au niveau politique, il a été précédé en quelque sorte par un essor en Allemagne de l'Est notamment. qui ont redécouvert le potentiel de ce triangle de Weimar avec des Français, avec des Polonais. Donc ça bouge un peu, c'est peut-être pas encore visible, mais pour les observateurs professionnels, avec leur déformation professionnelle aussi, j'avoue, on le sent couiller, ça démarre petit à petit, on entre dans une... Cette face, ou cet intérêt, cette curiosité mutuelle, elle est soutenue aussi par des associations, par des citoyens, par le niveau de la société civile, puisque les relations trop asymétriques, où les uns peuvent se contenter et les autres sont obligés d'aller voir pour des raisons économiques, pour le travail, quelque chose, ça, ce n'est pas quelque chose de sain ou de bien.

  • Speaker #0

    Et ça, quand même, moi, je le ressens encore beaucoup entre les Polonais et les Allemands. Les Allemands, au fond, s'intéressent très peu à la Pologne, ou alors... Je caricature sans doute un petit peu, mais seulement en voyant le pays comme un énorme réservoir de main-d'oeuvre. On attend des Polonais qu'ils apprennent l'allemand, mais à Berlin, par exemple, il y a finalement très peu la possibilité d'apprendre le polonais à l'école. Et cette asymétrie, elle entretient forcément les préjugés. Elle a d'ailleurs peut-être alimenté aussi ce discours très dur sur l'Allemagne, qu'on entendait de la part du président au gouvernement polonais, qui a énormément utilisé à des fins politiques les vieux clichés et les vieilles rancœurs sur l'Allemagne, non ? Amanda, qu'est-ce que tu en penses ?

  • Speaker #3

    Les relations bilatérales entre la Pologne et l'Allemagne, ce n'est pas ma domaine, mais ce que je peux dire, c'est qu'il est important d'avoir un dialogue constructif et de rétablir des relations bilatérales qui ont traversé des moments parfois difficiles de ces dernières années. Une étape particulièrement importante consisterait à éviter toute la rhétorique conflictuelle. Mais cela ne signifie pas, bien sûr, que nous ayons le même point de vue sur toutes les orientations de la politique européenne. Ça, c'est sûr. Ah,

  • Speaker #0

    ça, c'est sûr. Et puis, on connaît ça par cœur, nous, entre Français et Allemands. Surtout en ce moment, les auditrices, les auditeurs du podcast savent qu'on a eu des semaines un petit peu tendues cet hiver. Depuis le 15 mars, le message envoyé, c'est clairement celui de l'harmonie et de la détermination commune.

  • Speaker #2

    Franckreich, Deutschland, Pologne, le Weimarer Dreieck au cœur de l'Europe, c'est un très important signe de notre conciliation.

  • Speaker #0

    Et le fait que nous soyons en ce jour tous les trois unis, déterminés, avec la même lucidité sur la situation en Ukraine, est résolu. A ne jamais laisser gagner la Russie et à soutenir le peuple ukrainien jusqu'au bout est une force pour nous, nos peuples, notre sécurité et notre Europe. C'était Olaf Scholz, puis Emmanuel Macron, vous les avez reconnus. Pardon, pardon, mais c'était trop difficile pour moi d'isoler un son en polonais. Mais ce jour-là, bien évidemment, à Berlin, il y avait aussi Donald Tusk, le Premier ministre polonais. Amanda, toi qui travailles justement sur le triangle de Weimar, cette réunion, est-ce que c'était à tes yeux un bon moment européen Ou bien est-ce qu'il faut plutôt la voir comme le signe que les Européens ont encore énormément de travail à rattraper ?

  • Speaker #3

    C'était une réunion importante avec la valeur symbolique, car cela a confirmé la bonne dynamique entre les dirigeants polonais, français et allemands. Et on se souvient toujours des dernières années d'engagement. assez limité de trois partenaires dans ce format. Donc aujourd'hui, ce qu'on voit, c'est que tous les partenaires sont également intéressés au développement de cette coopération, au même degré. Mais ce n'était pas seulement symbolique. Les dirigeants ont confirmé leur intention de prendre de nouvelles initiatives et ils ont également déclaré des mesures visant à accroître leur propre production d'équipements militaires, donc tout ça compte. Et j'ajouterais que pas seulement la réunion de mars est importante, mais aussi cette déclaration des ministres des Affaires étrangères de février, quand ils ont clarifié les domaines de coopération souhaités, y compris industrie, innovation, investissement, le soutien à la Moldavie, la politique numérique, etc. À mon avis, c'est déjà un bon point de départ.

  • Speaker #0

    Oui, et depuis cette réunion, on a eu beaucoup d'autres rencontres à Troyes, au niveau ministériel, au niveau parlementaire, y compris sur des sujets peut-être pas forcément directement liés à l'Europe. Je pense à une réunion notamment sur les relations Asie-Pacifique. Est-ce qu'on est en train, Stéphane, de casser la malédiction de ce format ? Ce triangle de Weimar, il date déjà de 1991, mais jusqu'à présent, il n'en est pas sorti grand-chose. Est-ce que là, enfin, on va sortir des déclarations d'intention et entrer dans le concret ?

  • Speaker #2

    La question c'est peut-être un peu est-ce que ces moments, quand ça démarre, on les choisit délibérément en fin de compte ou est-ce que c'était quelque chose qui nous a été imposé ? Visiblement au plus haut niveau on a compris qu'il était temps de coopérer mais les circonstances évidemment, la question de la Russie contre l'Ukraine, on aurait pu rêver mieux. Le problème au fond de ce triangle de Weimar, je l'avais souvent comparé au monstre de Loch Ness qui apparaît, qui disparaît longtemps, qui réapparaît, qui disparaît. C'est un peu ce qu'on peut voir avec ce format qu'on avait voulu au début très peu institutionnaliser pour permettre à se retrouver sans contraintes, sans programme, sans conseiller. Et c'est toute la fois la faiblesse qui a donné une certaine flexibilité. Mais ça ne nous a jamais obligés, comme dans le cadre franco-allemand du traité des lycées, à respecter le protocole du traité, à se voir deux fois par an au niveau des chefs d'État et du chancelier, tous les trois mois au niveau des ministres. En ça, on peut aussi se demander si ces dernières vingt années, on n'a pas pris un peu de retard, ou même si ça n'a pas été un gâchis, puisque maintenant qu'on se retrouve devant un appresseur extérieur, dans une situation difficile, avec les États-Unis qui incitent, qui se bossent la question, On se rend compte de tout ce qu'il aurait peut-être fallu faire les derniers 20 ans. Maintenant, on le rattrape, on l'espère, rapidement. C'est très bien qu'on ait pu retrouver la Pologne, que la France et l'Allemagne aient compris qu'il faut intégrer, coopérer avec la Pologne qui peut être un pont vers l'Europe de l'Est, vers les membres de l'Europe de l'Est. Mais maintenant, il s'agit qu'à la fin, sorte quelque chose de ce format.

  • Speaker #0

    Amanda, on a beaucoup lu dans la presse française ou allemande que la Pologne... jouaient les médiatrices entre deux vieux partenaires qui connaissaient des problèmes de couple. Mais que dit-on à Varsovie de cette analyse qui est peut-être un petit peu facile ? Parce que je me suis dit que ce n'était peut-être pas si flatteur au fond d'être réduit à un rôle de faire valoir des Allemands et des Français.

  • Speaker #3

    Je ne pense pas que la Pologne veut être un intermédiaire. Concernant le Weimar, oui, c'est un format typiquement politique. Le triangle dépendra toujours de la volonté politique de coopérer et de la chimie entre les trois parties. Mais je pense que ce qu'on voit maintenant, c'est que ce manque de formalisme, cette forme de coopération est un avantage. À ma connaissance, pour l'instant, il n'y a pas de volonté de le formaliser.

  • Speaker #0

    Alors, c'est très bien d'avoir des formats d'échange, mais le temps de l'après-guerre froide est terminé et il faut avancer de façon urgente sur, notamment, les dossiers de défense et de sécurité européenne. Or, ça, on le sait bien, entre la France et l'Allemagne, on a deux positions très opposées. C'est la confrontation de traditions militaires différentes, mais aussi dans la relation aux États-Unis, à l'OTAN, etc. Bon, il y a quelques jours, on a eu des éléments intéressants avec le deuxième discours du président Macron à la Sorbonne. Cette fois-ci, contrairement à 2017, Il n'y a pas eu de silence à Berlin. On a vu le chancelier immédiatement répondre avec enthousiasme par tweet. Alors, c'est sans doute un petit peu court jusqu'à présent, mais est-ce que c'est le signe, Stéphane, que les vieux Européens ont enfin compris la leçon et qu'ils vont faire leur devoir ?

  • Speaker #2

    On y est, on y est, mais ça met du temps et j'espère que ça ne mettra pas trop du temps. Si on veut en quelque sorte ce rapprochement entre France et Allemagne sur la question du lien transatlantique, ça date déjà des années 90. On se souvient de 1998, l'accord entre la France et le Royaume-Uni à Saint-Malo et à la suite de ça, le président Chirac avait rapproché... La France de l'OTAN, avec la condition qu'il y a un pilier européen au sein de l'OTAN, donc ça permettait en quelque sorte de ressoudre ce vieux problème entre défense européenne, défense transatlantique, mais encore fallait-il associer les nouveaux pays membres. de l'OTAN et des lignes européennes et les intégrer là-dedans. Et ça, on n'a pas suffisamment fait. Et c'est un peu trop facile maintenant du côté France-Allemagne de dire Oui, mais avec le précédent gouvernement polonais, il n'y avait pas moyen de faire quelque chose. En même temps, est-ce qu'on aurait été prêts, côté France-Allemagne, à dépasser nos propres différences, nos propres problèmes, pour ensuite proposer quelque chose à la Pologne et trouver quelque chose à Troyes ? Et là, on ne le sait pas, puisque... C'est pas arrivé, mais j'aurais comme un doute quand même.

  • Speaker #0

    Amanda, quelle est ta réaction à cela ? On sait que c'est toujours très difficile d'être la troisième personne qui arrive dans un duo bien rodé. En français, on dit qu'il y a le risque d'être la troisième roue du carrosse. Là, en plus, on parle d'un duo qui, pendant longtemps, n'a pas vraiment pris au sérieux les analyses et les attentes de la Pologne.

  • Speaker #3

    Je pense qu'il faut souligner que la sécurité est maintenant la priorité absolue de la Pologne. Et avec l'invasion de l'Ukraine à grande échelle par la Russie, il s'est avéré que la Pologne avait raison dans son diagnostic de la situation sécuritaire en Europe. Et c'est ce que l'Allemagne et la France ont bien compris. Il est important d'accélérer la fourniture de l'aide militaire à l'Ukraine. La Pologne se concentre sur le développement et le renforcement de ses propres ressources de défense et a considérablement augmenté ses dépenses. Nous sommes parmi les principaux pays de l'OTAN avec des dépenses atteignant 4% du PIB. Il est donc souhaitable que les États membres, y compris Allemagne, augmentent leurs dépenses de défense. augmentant aussi leur capacité de défense collective. Donc apporter un soutien militaire et politique maximal à l'Ukraine est crucial, ainsi que maintenir la Russie loin de nos frontières.

  • Speaker #0

    Sur la question défense européenne et ou autant, qui est une ligne de division potentielle assez forte entre la France et l'Allemagne, où se place la Pologne ?

  • Speaker #3

    La Pologne soutiendra bien sûr le projet de développement de l'industrie européenne. Le ministre polonais, pendant son dernier discours, a confirmé que même si nous reconnaissons que l'OTAN est le principal gardien de la sécurité mondiale, nous soutenons l'engagement, par exemple, de la création des forces européennes de réaction rapide. Car ce n'est pas... C'est un élément de concurrence avec l'OTAN, mais c'est un complément à celle-ci. Le fondement de notre sécurité reste l'Alliance transatlantique, mais il n'y a pas de dichotomie dans la politique européenne. Donc il faut construire la sécurité sur la base à la fois de l'intégration européenne et de la coopération transatlantique, et c'est crucial de faire les deux.

  • Speaker #0

    Ok, donc là, si je fais ma journaliste de base, je suis obligée de remarquer qu'on a l'impression d'entendre Macron, qui s'est réveillé sur son diagnostic sur l'OTAN. Il avait dit il y a quelques années que l'OTAN était en état de mort cérébrale. Là, changement d'analyse depuis quelques mois, quelques années. Par contre, à Berlin, on a Scholz qui est lui toujours très accroché, semble-t-il, à cette dimension transatlantique de la défense. Il se pose en chancelier de la paix, un petit peu comme on pouvait l'avoir du temps de la guerre froide, avec une grille de lecture qui paraît peut-être un petit peu en décalage. Stéphane, est-ce que le problème, il est à Berlin ?

  • Speaker #2

    Moi, j'avais encore une... Question pour Amanda, si tu permets, je sais que c'est toi qui poses les questions, mais pour une fois, moi que j'avais une question, est-ce que vous pensez, Amanda, que la Pologne a les ressources et les capacités de jouer ce rôle ? Là, elle investit énormément dans son armée, surtout dans ses questions d'industrie de défense européenne, pour jouer ce rôle, en quelque sorte, dans la cour d'écran, avec l'Allemagne, la France, puis même les États-Unis, Est-ce que ce n'est pas aussi un aspect qu'il faudrait mutualiser quelque chose et faire quelque chose en tant qu'Européens, Européens de l'Union Européenne, pour alléger un peu le fardeau, pour permettre à mutualiser, à travailler ensemble et puis finalement dépasser cette très vieille idée que c'est des grands pays et des très grands pays qui font la loi du monde ?

  • Speaker #3

    Je pense qu'il y a cette confiance que... La situation économique de la Pologne est si bien qu'on peut vraiment être un pays crucial, mais justement il faut qu'on travaille pour atteindre tous les objectifs.

  • Speaker #0

    Bon Stéphane, tu n'as pas répondu sur ma question sur Scholz, mais ta remarque me fait quand même réagir à mon tour. Ce que j'entends entre les lignes, c'est peut-être justement ce que les Polonais nous ont reproché à nous, Français et Allemands, de nombreuses reprises au cours de ces 20 dernières années. On passe notre temps à leur dire, c'est très bien ce que vous dites, c'est très bien ce que vous faites, mais de toute façon, à un moment donné, vous serez limité par votre économie, par votre statut dans l'Union Européenne, etc. C'est quelque chose que j'entends encore beaucoup ici à Berlin. Les Polonais, c'est très bien, ils s'engagent très fortement pour la... L'Ukraine, mais bon, ça reste la Pologne. Est-ce qu'un jour, Stéphane, on va réussir à dépasser ça ?

  • Speaker #2

    Mais ça dépend surtout de la France et de l'Allemagne, de leur volonté d'aller plus loin. Évidemment, ensuite aussi de la Pologne et de tous les autres. Est-ce qu'on a encore cette capacité d'inventer quelque chose comme les premières communautés européennes, fortement intégrées, où on partageait justement le fardeau, et ça nous permettait à tous d'aller plus loin que ce qu'on aurait pu obtenir tout seul. C'est la vieille idée européenne, fédéraliste, qu'ensemble on peut obtenir des choses qu'on n'arrive pas à faire tout seul. Et ça vaut autant pour l'économie. que pour les finances, que pour la monnaie et évidemment aussi pour la défense. Si on reste sur le vieux jeu intagouemental, il y aura toujours un moment ou un autre, mais un plus grand que la Pologne, que ce soit l'Allemagne, la France ou la Russie, qui va s'amener et montrer les limites. L'Union européenne était pensée et faite justement pour dépasser un peu ce genre de raisonnement qui vaut aussi évidemment pour la France et pour l'Allemagne, puisqu'est-ce qu'on pèse au niveau mondial, ce n'est pas grand-chose.

  • Speaker #0

    La campagne électorale pour le scrutin européen pourrait être l'occasion d'en débattre, mais jusqu'à présent, on l'a dit ici dans le podcast, en France, en Allemagne, on parle surtout des sujets nationaux. Cela dit, il reste encore un bon mois avant les élections, il peut se passer plein de choses. Il y aura notamment à la fin de ce mois de mai la visite d'État d'Emmanuel Macron ici en Allemagne. En Pologne, comment ça se passe Amanda ? Est-ce qu'il y a un intérêt pour ces élections ? Est-ce qu'on s'attend à une mobilisation importante des électrices, des électeurs ?

  • Speaker #3

    Jusqu'à présent, la campagne européenne n'a pas encore pris d'ampleur en Pologne. Les programmes européens des partis politiques ne sont pas encore fortement présents dans le débat public. C'est principalement parce que nous avons récemment eu des élections locales. C'était Macron, pendant son discours à la Sorbonne, qui parlait des dernières élections législatives en Pologne, en mentionnant le taux de participation record. et le vote pour les partis défendant la démocratie libérale. Je pense que ce cours se poursuivra pour les élections européennes. Pour l'instant, les Polonais veulent voter en grand nombre.

  • Speaker #0

    Merci beaucoup Amanda Dziubinska pour toutes ces explications et analyses depuis Varsovie. Merci à toi Stéphane Zeindorf depuis Ludwigsburg. Et avant de terminer, voici notre Minute K, notre rendez-vous pour le climat et la planète. Et on reste, vous allez l'entendre, sur notre sujet, puisqu'on est le long d'un affluent de l'odeur sur les terres peuplées par les Sorabes. Alors les Sorabes, c'est une minorité slave qui est présente en Allemagne et dans une moindre mesure aussi en Pologne et en République tchèque. Nous partons très exactement pour Nebelschutz en Saxe, un petit village qui a réussi à échapper à la désertification des campagnes est-allemandes en misant... Dès la réunification sur une politique climatique ambitieuse, et c'est Marion Davenas du Forum d'Avenir Franco-Allemand qui nous en parle.

  • Speaker #4

    Un facteur qui a été déterminant, c'est vraiment la personnalité de ce jeune maire Thomas Charnac, qui était très intégré dans la communauté locale, qui parle lui-même saurable, et qui a réussi à emmener la population locale vers des idées qui n'étaient peut-être pas aussi présentes qu'elles le sont aujourd'hui. Il a vraiment présenté la durabilité, les projets écologiques, comme une sorte de continuité avec la culture saurable, qui est menacée comme la nature par la mondialisation. La commune a repris en main... Plus de 100 hectares de terrain agricole, naturel, forestier, en utilisant les fonds qui étaient débloqués par un éco-compte. Dès qu'on artificialise des sols, que ce soit pour construire une éolienne ou construire une route, on a besoin de compenser l'impact écologique de ces mesures, ce qui permet à Nebel Schütz de financer notamment l'achat de nouvelles terres pour les protéger, pour en faire des biotopes pour des animaux ou pour des plantes. ou alors des terres qui sont louées à des paysans qui font de l'agriculture biologique et que la collectivité avait envie de soutenir.

  • Speaker #0

    Dès 2004, Nebel Schütz a reçu un prix comme commune pilote pour la compensation écologique. Aujourd'hui, le village veut devenir un modèle pour la permaculture et l'aquaculture durable. Ça pourrait peut-être donner lieu à un reportage pour le podcast, non ? Merci d'être resté à l'écoute de cet épisode produit avec l'Institut polonais pour les affaires internationales. Le podcast Avec un cas revient le 24 mai, à quelques jours de la visite d'État d'Emmanuel Macron. Que vient-il dire aux Allemands ? Je m'appelle Hélène Kohl, Avec un cas, et je vous dis à bientôt. Bisbald !

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