- Speaker #0
Bonjour à tous, ici Stéphanie, c'est moi et Sylvie Desclem pour un nouvel épisode du podcast Les Adults de Demain. Les Adults de Demain, c'est un échange autour de l'éducation et la parentalité pour éduquer autrement. C'est aussi un livre qui s'intitule Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Hattie. Vous trouverez le lien sur notre compte Instagram et sur notre site internet lesadultesdedemain.com C'est avec beaucoup de fraîcheur et d'enthousiasme que Marie nous partage les fondements de la pédagogie Freinet, puisqu'elle est professeure au sein de l'école fondée par Élise et Célestin Freinet-Avance. Une école si particulière par son histoire, mais aussi de par son environnement. On a parlé évidemment de l'organisation de la classe, de la posture de l'enseignant, mais aussi de quelques idées pour s'inspirer de la pédagogie Freinet à la maison. J'ai adoré cette découverte, et je suis certaine qu'il en sera de même pour vous. Très belle écoute ! Coucou Marie.
- Speaker #1
Bonjour Stéphanie.
- Speaker #0
Comment vas-tu ?
- Speaker #1
Impeccable, merci.
- Speaker #0
On est ensemble aujourd'hui pour parler d'une pédagogie que l'on a encore peu explorée dans ce podcast, c'est la pédagogie freinet. Et pour te présenter, tu es professeur des écoles depuis 9 ans et tu enseignes actuellement depuis 5 ans dans l'école Freinet Avance qui a été fondée en 1934 par Élise et Célestin Freinet en personne et qui est aujourd'hui publique. Tu as aussi co-réalisé le podcast La Buissonnière avec le studio Clap Audio, qui fait entrer les auditeurs dans ta classe. Un super podcast que je recommande. Et lorsque j'échange avec des professionnels de l'éducation, j'aime toujours savoir ce qui les a menés vers ce métier que j'admire tant, celui de professeur. Et donc j'aimerais savoir comment est-ce que tu es tombée dans le bain de l'éducation ?
- Speaker #1
Eh bien, je pense que déjà c'est depuis toute petite que je me visualisais dans ce métier. C'était un rêve d'enfant, et comme beaucoup d'enfants, j'aimais bien jouer à la maîtresse. Mais je pense que cette envie m'a suivie après pendant de longues années. Je pense que ça vient en partie du fait que j'ai eu une entrée assez violente quand même dans l'école primaire. J'avais un maître de CP qui était terrible pour des enfants. Il hurlait beaucoup, on travaillait sur fiches énormément, et on se faisait déchirer nos fiches quand ce n'était pas bon, on allait au bureau. Et voilà, on n'avait pas d'explication, la fiche déchirée, il fallait retourner à sa place. Et je me souviens, une fois où je repartais avec ma fiche déchirée, il fallait que je la recommence. Et je me souviens, à 6 ans, en CP, m'être agenouillée en faisant semblant de chercher quelque chose dans mon casier pour pleurer sans que personne me voit. Et je pense que, du coup, dans ma tête, je me disais, mais moi, quand je serai maîtresse, je ne ferai jamais ça. J'aurai un lieu sécurisant, joyeux. Et je pense que c'est après, en continuant dans ma scolarité, ma maîtresse de CE2 qui m'a montré que ça pouvait être génial, l'école. Et je pense qu'elle avait une technique, des techniques pas mal inspirées Freinet, parce qu'elle était d'une bienveillance incroyable. On faisait du jardinage dans la classe, on était en classe double niveau aussi. Et je me suis dit, à l'école, ça peut être ça, et moi je serais une maîtresse comme ça. Et pourtant, je n'étais pas vraiment prédestinée à être... être en ce titre parce que je n'étais pas une très bonne élève, j'étais même plutôt en difficulté et même ma maîtresse de CM2 avait dit à ma mère qu'on n'allait pas se mentir je ne ferais jamais de grandes études et du coup je pense qu'après c'est grâce aux profs collège-lycée j'ai eu la chance d'avoir des profs passionnants qui m'ont permis de m'épanouir dans mes études et du coup j'ai pu faire une époque à y passer le concours et entrer dans l'éducation nationale donc voilà c'est un peu le parcours que j'ai eu et qui m'a fait me dire bon Je veux vraiment être instillée.
- Speaker #0
Et qu'est-ce qui te plaît aujourd'hui dans ton métier ?
- Speaker #1
Vaste question. Déjà, je pense que ce qui me plaît, c'est le sens qu'il a à mes yeux. C'est que je me lève tous les matins en sachant pourquoi je me lève. J'ai vraiment le sentiment d'œuvrer pour un monde meilleur. On va dire les choses telles qu'elles sont. Et c'est presque militant au fond de moi. C'est presque de me dire que c'est uniquement par l'éducation qu'on peut changer les choses. Et... Et du coup, je me dis que c'est un pouvoir incroyable et que je suis fière d'endosser ce rôle. Après, ce qui me plaît vraiment beaucoup, notamment avec la pédagogie freinée, c'est ce que j'ai découvert vraiment avec la pédagogie freinée, c'est de voir les enfants heureux d'arriver le matin à l'école. Leur envie d'apprendre, leur enthousiasme, leur curiosité. En fait, les enfants sont naturellement enthousiastes, sont naturellement curieux. C'est juste que l'école, telle qu'on l'a pensée, telle qu'elle a été pensée en tout cas, à l'origine, elle a plutôt tendance à aller freiner, c'est un mauvais jeu de mots, à aller freiner et à tuer leur élan à petit feu. Et c'est eu tellement une erreur, et c'est ce que j'ai envie de dire à tous les enseignants, c'est qu'en fait, une fois qu'on a... qu'on a pu goûter à l'inattendu, à la personnalité de ces élèves, qu'on accepte de les suivre dans leurs élans, dans leurs passions, dans leurs centres d'intérêt. En fait, on ne peut plus jamais revenir en arrière. C'est fini, on ne peut plus envisager l'enseignement différemment. Moi, quand le matin, j'arrive et que j'ai des enfants de 3 à 6 ans, j'ai la classe des petits qui arrivent en me disant « Marie, Marie, mais regarde ! » regarde le scarabé rhinocéros que j'ai trouvé, mais tu savais qu'il était herbivore, mais je vais le montrer à toute la classe, on va faire de recherche. D'avoir cet élan qui arrive dans la classe ou un autre qui va me dire, tu ne sais pas ce qui m'est arrivé hier, je veux l'écrire dans mon cahier de texte, c'est incroyable. Le chauffeur du camion poubelle, il m'a laissé appuyer sur le bouton pour vider la benne, je veux l'écrire, je vais le dessiner et il va partager ça à la classe et en fait, c'est juste magique. C'est juste magique.
- Speaker #0
C'est trop beau. Justement, comment tu as découvert la pédagogie Freinet ?
- Speaker #1
Comme beaucoup d'enseignants, j'ai débuté avec des remplacements, des charges de direction, des classes à mi-temps, des trois quarts de temps. Je tournais sur trois, quatre écoles par semaine, avec des écoles parfois super difficiles. Et donc, moi, j'avais les enfants un jour ou deux dans la semaine, avec des matières que les titulaires m'avaient attribuées, donc souvent les matières qu'on n'aime pas trop. Je n'étais pas la référente de la classe, j'avais peu de marge de manœuvre, je ne suivais pas les enfants dans leur globalité. En fait, je faisais tout ce que je n'aimais pas, tout ce que le métier d'enseignant a de plus détestable, c'est-à-dire que je devais faire le gendarme, je devais faire mes séquences de conjugaison et de géographie qui étaient complètement décontextualisées de tout. Et je devais essayer d'intéresser, de captiver les enfants qui n'avaient pas envie d'être là et franchement, je les comprenais. Et donc, j'ai décidé de demander un mi-temps annualisé. Donc, c'est un mi-temps que tu travailles cinq mois dans l'année. Et après, tu as cinq mois de libre. Et tu es payée toute l'année à mi-temps. Et donc, du coup, je me suis dit, comme ça, je vais pouvoir avoir mes élèves cinq mois au moins. Je vais pouvoir faire mes expériences. Et les cinq autres mois, je vais me former. Je vais me former à d'autres pédagogies. Je vais voir comment ça marche ailleurs. Parce que là, ça ne me va pas, en fait. Et c'est comme ça que j'ai découvert Maria Montessori. Que j'ai visité des écoles. dans différentes écoles, notamment l'école de Croli à Bruxelles, où j'ai passé deux mois. J'ai fait un stage après à l'ISEM, c'est l'Institut coopératif de l'école moderne qui est freinet. J'ai fait un stage démarré et continué en pédagogie freinet, que j'ai adoré, et qui ne m'a donné qu'une envie, c'était d'aller voir dans des écoles comment on enseignait la pédagogie freinet, parce que ça a été génial, ça m'a montré à quel point cette pédagogie était incroyable. Clairement, je n'avais pas les clés, je me disais, mais ça, comment on le met en place de manière... pratiques, comment on fait. Et donc, c'est comme ça que je suis venue visiter l'école Freinet avant, parce que je me suis dit, quitte à aller en voir une, je vais aller voir l'école originelle. Et j'ai été subjuguée par ce que j'ai vu. J'ai déjà eu une équipe incroyable, des enfants qui ont confiance en l'adulte, des adultes qui font confiance aux enfants, des enfants qui sont écoutés, qui sont considérés comme des enfants et pas forcément comme des élèves. Ça nous apprend bien. à l'INSPE de parler des élèves, ce ne sont même pas des enfants, ce ne sont plus des êtres humains, ce sont des élèves qui doivent apprendre, apprendre, apprendre. Et donc du coup, ça a été une révélation pour moi, et qui fait qu'aujourd'hui, j'ai pu enseigner dans cette école.
- Speaker #0
Et tu peux nous parler un peu plus de cette école, justement, qui a été créée par le couple Freinet ?
- Speaker #1
Du coup, c'est sa première particularité, parce que c'est sa pédagogie, parce que c'est le berceau de la pédagogie Freinet. Enfin, du moins... Quand Freinet a dû démissionner de l'éducation nationale, il a quitté Saint-Paul-de-Vence où il n'était pas du tout le bienvenu. C'était une municipalité qui sympathisait plutôt avec l'extrême droite à l'époque. Et lui, en tant que communiste vraiment très engagé politiquement, ça ne plaisait pas du tout, donc il a décidé de démissionner et de fonder son école avec sa femme Élise et d'en faire vraiment un laboratoire vivant où il puisse expérimenter sa pédagogie. C'est une école qui était... qui accueillait les orphelins de guerre, les réfugiés, les enfants malades. Et donc, il y a une véritable filiation pédagogique avec les Freinet, qui est toujours très présente aujourd'hui, malgré le fait qu'ils ne soient plus là, parce qu'Élise Freinet a formé les anciennes enseignantes qui ont été là pendant 30 ans à l'école et qui sont à la retraite maintenant, mais qui sont toujours passionnées et passionnantes, et qui continuent de nous former à l'heure actuelle. Et puis il y a aussi un lien étroit avec la recherche universitaire qui est notamment coordonnée par Henri Louis-Gault, qui connaissait très bien la fille des Freinet, Madeleine Freinet, qui lui a confié l'école en disant « je voudrais vraiment qu'on veille à ce que les valeurs des Freinet soient préservées » . Donc voilà, du coup il y a... Il y a ça comme première particularité. Et la deuxième particularité, je dirais que c'est vraiment son architecture, sa conception, la manière dont elle a été pensée. Trénet était vraiment novateur. Il s'était beaucoup inspiré de ce qui existait aussi ailleurs, dans différents pays, en Allemagne, avec Maria Montessori aussi, avec Pauline Ferrière, etc. Et du coup, il a voulu fonder une école où il fait bon vivre. Et il a choisi... Il a choisi un lieu naturel qui est minéral, escarpé, avec des racines, avec des rochers. Alors, dans un monde où aujourd'hui, on est prêt à abattre le seul arbre qu'il y a dans la cour parce que les racines déforment le sol et que c'est trop dangereux, c'est assez fou de réaliser ça. Et quand d'ailleurs, on arrive à l'école, ce qui est le plus frappant, c'est de voir l'accès et l'espace auquel les enfants ont accès. Parce que... C'est une forêt d'un hectare, ils ont le droit de circuler, de grimper aux arbres, ils ont le droit de faire des cabanes. Il y a une petite piscine avec un lieu de baignade qui servait à irriguer le potager avant. Et souvent, les visiteurs sont choqués, parce qu'on accueille beaucoup de stagiaires et de visiteurs du monde entier, et ils sont choqués, ils disent « vous laissez les enfants dans cet endroit ? » mais vous êtes fous ! Et avec les petits, avec ma classe, on descend tous les jours à la grotte, donc c'est un endroit où on va faire la motricité libre dans la forêt, et puis on va prendre le goûter, et le chemin est très escarpé, très pentu, et ils s'en sortent très bien, ils deviennent très agiles, et c'était une volonté des Freinet, c'était de garder cette irrégularité du terrain, parce que c'est ce qui faisait que l'enfant allait, comme on dirait aujourd'hui, marcher en conscience, développer une agilité, faire attention, être observateur du monde qui l'entoure. Donc voilà. Et de par cette particularité-là, l'école, elle a été classée au patrimoine du XXe siècle pour ses bâtiments, voilà.
- Speaker #0
Tu peux nous parler des fondements de la pédagogie Freinet pour toutes les personnes qui méconnaissent totalement cette pédagogie ?
- Speaker #1
Oui. Déjà, Élise et Célestin Freinet, eux, c'était des profonds humanistes qui étaient un peu dans la lignée des pédagogues de l'après-guerre, qui en voulaient beaucoup. à l'école d'avoir en fait forgé des enfants, juste prêts à obéir, prêts à être patriotiques, prêts au sacrifice en fait. Et eux en tout cas, ils faisaient partie de ces pédagogues-là qui voulaient en fait faire des enfants qui pensent par eux-mêmes et qui développaient un esprit critique. Donc ils ont fondé leur pédagogie dans cet esprit-là. Le premier fondement, on va dire la première particularité, il n'y a pas d'ordre, elles sont toutes au même niveau, mais il faut bien que je commence par quelque part, c'est d'apprendre à son rythme déjà, c'est de respecter le rythme de l'enfant, comme Maria Montessori. Et en fait, l'outil phare chez Freinet, c'est le plan de travail. C'est-à-dire qu'il permet à l'enfant de se fixer ses propres objectifs à atteindre, selon là où il en est, selon ses capacités, de développer le goût de l'effort, le goût de la persévérance. le goût de la persévérance, du dépassement de soi, parce que pour eux, c'est un plaisir de se dire « je vais atteindre mes objectifs, je vais tout donner pour être fière de moi » . Et en fait, ce qui est génial, c'est que du coup, c'est une pédagogie de la réussite. Parce que tous les enfants, même s'ils sont en difficulté, sont capables d'être en réussite et d'atteindre leurs objectifs. Et puis à chaque fois, on va repousser un petit peu les limites. Et c'est le problème de l'école aujourd'hui, c'est qu'on parle de réussite pour tous. C'est une grosse blague parce qu'on n'y arrive pas, on n'y arrive pas et que les enfants qui sont en difficulté perdent toute estime d'eux-mêmes. Ensuite, un autre fondement phare, c'est l'éducation à la paix et la démocratie. Ça, c'était vraiment très, très important pour les frénets. Et en fait, ils ont réussi à permettre aux enfants de prendre part à la vie de l'école et d'être acteurs de leur vie. Et pour ça, l'outil phare. c'est la réunion coopérative. C'est-à-dire que c'est une réunion qu'il y a toutes les semaines, soit au sein des classes, soit avec toute l'école. Et là, c'est vraiment le cœur de la vie de l'école. C'est-à-dire qu'il y a ce qu'on appelle un journal mural, qui est tout le temps affiché dans l'école et où les enfants, dans les classes, peuvent aller inscrire ce qu'ils ont envie de dire en réunion coopérative. Donc ça peut être féliciter des enfants parce qu'ils ont vu des beaux comportements, ils veulent féliciter des prises d'initiatives. des progrès aussi, des enfants qui ont progressé. Ils peuvent aussi proposer des projets, des idées. Ils peuvent soulever des choses qui dysfonctionnent. Je trouve que là, on n'a pas assez de porte-manteaux. J'aimerais qu'on rajoute des porte-manteaux. Qu'est-ce que vous en pensez ? Les petits, oui, nous, on s'allie à chaque fois à la classe. Est-ce qu'on ne pourrait pas fabriquer un casier à chaussons en atelier bricolage ? Comme ça, ce serait plus simple. Et il y a des enfants qui proposent des super... projet auquel les adultes n'auraient pas pensé et on se lance avec eux. Et puis c'est le président, ce que je n'ai pas dit qui est important, c'est que c'est le président de la classe des grands qui anime, ou le président de chaque classe qui anime la réunion. Donc c'est un enfant aidé d'un secrétaire qui a l'ordre du jour et qui donne la parole, etc. Donc c'est vraiment beau à voir. Parce que devenir un adulte responsable, ça s'apprend. On sait que ce n'est pas par la seule information qu'on y arrivera, ce n'est pas la pratique. Et puis ensuite, ce que je voudrais dire sur les fondements de la pédagogie freinet, c'est de permettre à l'enfant de se révéler, de développer sa personnalité. D'ailleurs, Freinet le dit, le vrai but éducatif de l'école, c'est de permettre à l'enfant de développer sa personnalité au sein d'une communauté qui le sert et qu'il sert. Voilà, donc il a résumé en une phrase ce qui pour lui était sa pédagogie. Et donc, c'est que l'enfant s'explore, se connaisse, sache ce qu'il aime, explore ses passions. et ses points forts, il connaisse aussi ses points faibles sur lesquels on travaille, mais que vraiment la créativité, le travail manuel, le travail du bois, le jardinage, tout ça, il y en a qui sont des dessinateurs excellents, d'autres qui sont des écrivains excellents, d'autres il y en a qui sont des mathématiciens, mais ils sont prêts. Et donc en fait on permet à ce que l'enfant se découvre et aille le plus loin possible dans ses capacités.
- Speaker #0
Est-ce que ça a un impact sur l'organisation d'une classe type Freinet ?
- Speaker #1
En fait, la classe pour ça, elle est pensée de manière, on va dire, un peu comme Montessori, c'est-à-dire que tout le matériel est à disposition dans la classe, de manière à ce qu'elle est organisée par coins. Donc on a le coin A, le coin argile, le coin écriture de texte, le coin mathématiques, etc. Et les enfants, selon leurs envies, se lancent dans telle ou telle activité. Il y a des temps de travail individualisés, autonomes, où l'adulte va de coin en coin et soutient et taille les enfants qui en ont besoin. Et puis, il y a des moments de regroupement, où on présente le travail, on échange sur le travail de la matinée, etc. et du travail de groupe.
- Speaker #0
J'avais vu aussi qu'on parlait d'invariants et de chartes de la pédagogie Freinet. Est-ce que tu pourrais nous en dire plus ?
- Speaker #1
Freinet a écrit ce qu'il appelle les invariants pédagogiques. qui sont pour lui des choses qui sont universelles, qui traversent le temps et qu'on ne peut pas remettre en question. Qui est que l'enfant n'aime pas plus que l'adulte être contraint de faire quelque chose. Et ce qui est beau, c'est de se dire que quand on lit ces invariants, on se dit que c'est une évidence. C'est une évidence. Ça devrait être ce que chaque classe... Les invariants devraient être dans chaque classe pour qu'on puisse se dire est-ce que je veille au bien-être de mes élèves ?
- Speaker #0
Et j'ai vu aussi qu'il était contre les manuels scolaires. Pourquoi ? Et du coup, comment est-ce que vous vous organisez concrètement dans la classe ?
- Speaker #1
En fait, il était contre les manuels scolaires parce que pour lui, c'était trop éloigné du monde des enfants. En fait, lui, ce qu'il voulait fonder, c'était l'école du peuple. Et les manuels... ne permettait pas aux enfants, notamment des classes sociales plutôt défavorisées à l'époque, de se retrouver dans l'école. Et il trouvait que ça sacralisait le savoir, c'était pour apprendre par cœur, il était contre le bourrage de crâne, l'apprentissage. On le voit très bien dans le film qui s'appelle « L'école buissonnière » justement, qui montre un petit peu la pédagogie freinée, où en fait il voulait aller à l'encontre de tout ça. Et l'Emmanuel Scholar, il le dit, endormait les enfants, et lui aussi, il l'endormait. Il dit, là, on revenait dans la classe et puis on devait apprendre B et A. Il s'endormait et moi aussi. Et c'est vraiment ce que j'ai vécu moi. Dans ma première année en CP, je devais suivre, je complétais une collègue et je devais suivre son manuel de lecture. Et c'était terrible pour moi parce que vraiment, c'était d'un ennui total. Et en fait, Freinet a abandonné le manuel scolaire et l'a remplacé par le journal. scolaire, c'est-à-dire que les enfants créaient eux-mêmes parce qu'ils écrivaient leurs textes libres, leurs propres textes, ils apprenaient à lire avec leurs textes à eux, avec les comptes rendus qu'ils réalisaient de leur classe promenade, quand ils allaient hors les murs pour aller à la rencontre des différents métiers qu'il y avait dans le village, du forgeron, du boulanger, qu'ils allaient faire des recherches dans la forêt, qu'ils trouvaient des insectes, des animaux, qu'ils allaient se documenter, et ils faisaient des comptes rendus de cette classe hors les murs. qui mettaient en page, qui les illustraient. Et c'était ça, en fait, les supports d'apprentissage.
- Speaker #0
J'ai vu aussi qu'il y avait, comme tu l'as dit, une grande liberté de communication et de partage entre les enfants et les enseignants. Oui. Comment est-ce que ça s'organise concrètement ? Comment est-ce que tu arrives aussi à faire en sorte que ça ne devienne pas le bazar, que tout le monde s'écoute ?
- Speaker #1
Déjà, la posture de l'enseignant, elle a fait l'objet d'un livre de Freinet qui s'appelle « La part du maître » . C'est vraiment toute la complexité de cette pédagogie. Déjà, l'enseignant doit avoir une posture bienveillante. C'est la première chose que Freinet a fait, c'est qu'il a déplacé l'autorité du maître en donnant la parole aux enfants, en ne mettant plus l'enseignant au centre, mais plutôt en étant un guide, un tuteur, et en étant garant du cadre. Parce que, évidemment, la pédagogie Freinet, ce n'est pas faire ce qu'on veut, comme on veut, ce n'est pas souvent, c'est vraiment l'image que les gens peuvent avoir, c'est que c'est très libertaire. En fait, il y a un cadre qui est quand même très très important et qui doit être respecté pour que chacun puisse trouver sa place. Et pour... qu'au sein de ce cadre-là, il puisse y avoir une grande liberté. Donc, voilà. Et le propre aussi de l'enseignant, c'est d'être capable, en fait, de rebondir sur ce qui émerge de la vie de la classe. C'est vraiment le maître mot, c'est le lâcher prise. Et c'est vraiment difficile quand on vient de l'enseignement classique parce que c'est tout l'inverse de ce qu'on nous apprend en formation, où on apprend à avoir le contrôle extrême de la journée, avoir tout un cahier journal, une progression, une programmation chaque minute. utiliser, optimiser et qu'aucune seconde ne soit perdue, croit-on bien sûr, puisque et du coup l'enseignant, lui, doit préparer l'environnement de la classe pour que ce soit pas le bazar comme tu dis, il faut que l'environnement soit toujours très propice, préparé, que le cadre soit respecté et être capable de se saisir de l'intérêt des centres d'intérêt des enfants pour pouvoir rebondir et en faire des apprentissages passionnants par exemple ... Si j'ai deux minutes pour te donner un exemple, il y a une petite fille qui a trouvé deux chenilles chez elle dans son jardin, qui les a apportées. Qu'est-ce que c'est comme chenille ? On a trouvé que c'était la chenille sphinx du lison. Et on a pu assister en quelques jours à la métamorphose incroyable de la chenille. Donc, on a travaillé sur la métamorphose. Tout le monde était absolument passionné par ce sujet. Tandis que si on l'avait juste vue dans le manuel, il y aurait peut-être eu beaucoup moins d'intérêt porté à cela. ou une petite fille en réunion coopérative a proposé de faire un court métrage de Noël. Bon, je n'ai jamais fait de court métrage, je ne sais absolument pas comment faire. Et bien, tout le monde, tous les enfants étaient hyper enthousiastes. Et bien, on y va, on a fait un court métrage génial avec leur histoire, leur personnage, leur bonhomme, etc. Et voilà, en fait, pour résumer, la pédagogie freinée, c'est une école de la vie où on va permettre aux enfants de comprendre le monde grâce à leurs questionnements, leurs passions. Et c'est pour ça que malgré des techniques communes, il n'y a aucune classe freinée qui se ressemble parce qu'on va faire avec la vie de la classe.
- Speaker #0
Et comment est-ce que tu arrives en même temps à suivre les programmes de l'éducation nationale ? Parce que je sais qu'on vous met quand même beaucoup la pression sur ce sujet-là et que les programmes en plus se densifient avec le temps. Donc comment est-ce que tu arrives à jongler avec tout ça ?
- Speaker #1
En fait, on se rend compte si on est à l'écoute de ce qui émerge de la vie de la classe. qu'on va beaucoup plus loin que les programmes, mais vraiment beaucoup plus loin. Parce que déjà, en fait, pour te donner un exemple, en grande section de maternelle, les enfants doivent compter jusqu'à 30. Bon, on sait très bien, toi qui es vraiment un produit de l'éducation Montessori, on sait très bien que les enfants peuvent aller bien plus loin. Les enfants sont à 400, 1000. Donc voilà, pour l'écriture, on veut que les enfants connaissent l'alphabet, sachent écrire un prénom. Bon, là, nous, ils écrivent des textes avec une complexité, ils commencent à tâtonner leurs mots. Donc, en fait, on va même au-delà, parce qu'en faisant entrer la vie dans la classe, on a des sujets qui ne sont pas du tout au programme. Dans le podcast, on entend parler, débattre les enfants de maternelle, de l'euthanasie, parce qu'il y en a un qui vient de nous raconter qu'il a dû euthanasier son cheval, qui était trop vieux. Et donc, on a dit, qu'est-ce que vous en pensez ? Quel est votre avis ? Donc, en fait... Si on fait confiance aux enfants et qu'on est capable de rebondir et évidemment d'avoir en tête les programmes parce qu'on les a en tête et qu'on sait « Ah ça, génial, ça, ça émerge, super ! » Mais ce n'est pas ce qui nous guide. Les programmes, ce n'est pas ce qui nous guide. On sait qu'on va aller au-delà des programmes. Et il y a des enfants qui sont en difficulté, bien sûr. Donc eux, c'est comme dans toutes les autres classes. Eux, ils vont prendre le temps et peut-être que la compétence de mathématiques lui dit le truc, il n'apprendra que l'année d'après, quand il sera prêt. Et voilà.
- Speaker #0
Et tu as combien d'élèves par curiosité dans ta classe ?
- Speaker #1
24. Là, on a une classe petite section, moyenne section, grande section. Donc, on a trois niveaux dans la classe des petits et on est 24 enfants cette année.
- Speaker #0
Oui. Et donc, tu arrives à gérer toute cette masse d'élèves avec cette organisation ?
- Speaker #1
Oui. Après, j'ai une assistante maternelle dans ma classe qui est bien plus qu'une assistante maternelle. Elle est éducatrice. Elle fait 30 ans qu'elle est à l'école Freinet. Donc, elle connaît très bien la pédagogie. Donc, déjà, on peut dire qu'on est quasiment deux. On est deux à gérer la classe. En tout cas, elle a vraiment... C'est un point d'appui énorme. Et puis, on a aussi des enfants qui sont en situation de handicap. Donc, on a une AVS aussi qui est là. Deux AVS. Et donc, on y arrive. Et puis, les enfants, en fait, on sait que les petites sections, on va beaucoup moins... On va les laisser tranquilles, déjà, les petites sections. En fait, on sait qu'ils apprennent tellement, mais tellement au contact des moyens et des grands. On les voit éclorent littéralement entre le 1er septembre et le 29 juin, le 4 juillet. C'est magnifique. Donc en fait, on a aussi 24 petits enfants qui, eux, s'entraident, coopèrent. En fait, on n'est pas juste nous, adultes, à devoir gérer cette classe. Les enfants, il y a le parrainage qui est instauré dans la classe. Les grandes sections parrainent les tout-petits. Et c'est magnifique.
- Speaker #0
Alors comme tu le disais, tu le sais, je suis un pur produit montessorien, donc ça m'intéresse d'avoir ton point de vue sur les différences que tu vois et les ressemblances entre Montessori et Freinet.
- Speaker #1
Il y a déjà beaucoup de points communs, ils sont de la même lignée de ces pédagogues d'après-guerre qui voulaient révolutionner l'école et qui faisaient partie du courant de l'école nouvelle, on appelle ça. Et donc déjà, ce qui est commun, c'est le respect du rythme de l'enfant, comme on l'a dit. C'est l'enfant aller vers ce qu'il aime et ce qu'il enthousiasme. Parce que s'il y a enthousiasme, comme le dit très bien André Sterne, forcément, il y a mémorisation et ancrage pour toujours. Il y a le mélange des âges, qui est super important, comme tu sais. Il y a le fait que la classe soit préparée, que les outils soient à disposition dans la classe. D'ailleurs, dans ma classe, j'ai aussi du petit matériel Montessori, qui est magnifique et qui nous sert beaucoup. beaucoup aussi au quotidien. Et Freinet, lui, peut-être la différence, en tout cas ce qu'il a vraiment voulu ajouter, ça touche vraiment personnel, on va dire, c'était...
- Speaker #0
de faire entrer la vie dans la classe. Pour lui, c'était la complexité de la vie qui devait entrer dans la classe. Et je pense que du coup, il y a aussi cette différence-là avec le matériel. C'est-à-dire que Maria Montessori avait pensé à un matériel très spécifique qui existe dans la classe, qui est fait pour la classe. Et à l'inverse, lui, Freinet était pour un matériel qui justement existe en dehors. C'est-à-dire que quand on cuisine, on cuisine avec tout ce qui existe. On jardine, on a les outils. On bricole, on utilise la scie sauteuse, la perceuse, la scie. Et on va utiliser le matériel de la vie de tous les jours.
- Speaker #1
Est-ce que tu aurais des idées pour les parents qui nous écoutent, qui n'auraient pas la chance de pouvoir mettre leurs enfants dans des écoles Freinet, sur des choses qu'ils pourraient faire à la maison avec leurs enfants ?
- Speaker #0
La pédagogie Freinet, c'est vraiment une philosophie, une attitude. En fait, c'est tout simplement être à l'écoute de ce qui se passe autour de nous, d'ouvrir son enfant au monde, à la vie. de se saisir en fait aussi de ce qui vient à nous et de ce qui va le passionner. Par exemple, si on voit son enfant se passionner pour une fourmi, ben génial, on saisit cette occasion, on va l'observer, on va regarder avec nous, on va aller à la pâte, est-ce que c'est un insecte, est-ce que c'est pas un insecte ? Voilà, on va aller chercher des informations ensemble et puis on va pouvoir après dans un petit cahier peut-être le dessiner, le légender, en tout cas c'est peut-être une trace de ce moment d'exploration, de prendre en photo. Si on cuisine, on va calculer de manière vivante. Le calcul vivant, c'est très important chez Freinet. C'est-à-dire, quand on fait une recette de cuisine, d'utiliser la proportionnalité, de convertir en millilitres, en centilitres. Et pour moi, un outil qui peut être très précieux à la maison, deux outils, c'est un cahier de dessin libre. Ça, pour moi, pour Freinet, en tout cas, c'est fondamental. Le dessin libre, c'est-à-dire... pas de coloriage, pas d'être là à lui dire « Ah non, une voiture, ce n'est pas comme ça, c'est comme ça. » En fait, le dessin libre, c'est tellement puissant pour la motricité déjà, mais pour l'imaginaire, pour la créativité, pour la perception du monde. Et les enfants, quand on regarde ce qu'ils dessinent en maternelle, il y en a certains, c'est des œuvres d'art, c'est du buffet. Donc, ça, c'est un outil pour moi qui est très important. Et le cahier de texte libre, c'est-à-dire que Alors quand ils sont petits, ça passe par une phrase trop rigolote, une phrase poétique, quelque chose qu'on a fait ensemble et dont on a envie de se souvenir. Et du coup, avec l'enfant, tout petit, on va l'écrire en dictée à la duse. Alors qu'est-ce que tu veux écrire ? Dis-moi. Formule ensemble, regarde, tu as vu, j'écris chaque mot. Et puis plus il va avancer dans l'âge, plus il va être autonome. Et puis, nous, on illustre en fait aussi les textes que les enfants écrivent. Donc les enfants illustrent. ce qu'ils ont fait, et c'est magnifique, on peut légender les dessins, et ça c'est une pépite à garder jusqu'à la fin de sa vie, parce que quand les enfants retrouvent leur cahier, on a des collégiens, des lycéens qui reviennent, qui disent « j'ai revu mes cahiers de texte, c'était incroyable ! » Donc ce que je peux conseiller, c'est ce cahier de dessin, ce cahier de texte, et tout simplement revenir à des choses simples, c'est-à-dire de s'ouvrir à la vie et au monde. sans matériel forcément spécifique.
- Speaker #1
Trop bien. On arrive déjà à la fin de cet échange. J'aurais bien aimé te laisser quelques minutes pour que tu parles du projet La Buissonnière, le podcast que j'ai introduit au début de cet enregistrement que j'aime beaucoup et auquel tu as participé.
- Speaker #0
En fait, c'est un projet qui est né avec mon amie Héloïse Pierre, qui est podcasteuse et qui a... et qui a son studio de podcast, et en fait, à chaque fois, je lui racontais ce qui se passait dans l'école, dans ma classe, et elle buvait mes paroles, et elle disait, mais il faut vraiment que je fasse un podcast sur ta classe, est-ce que tu serais partante ? Donc, on s'est lancé dans l'aventure, et ça collait incroyablement avec mon envie de diffuser, en fait, cette pédagogie, parce que, oui, on est dans notre petit univers, dans notre école, c'est super ce qu'on fait avec les enfants, mais je me disais, mais il faut... Il faut vraiment que ça, qu'on le véhicule, c'est de montrer en fait ce dont les enfants sont capables. Et donc, on a organisé, on va dire, plus ou moins le projet sur 28 épisodes en essayant à chaque fois d'aborder un ou deux fondements de la pédagogie freinée, en tout cas une caractéristique, mais vraiment en immersion sonore, c'est-à-dire qu'on n'a pas de spécialistes, on ne nous entend pas parler de manière théorique de la pédagogie freinée, on entend juste les enfants comme si on était des petites souris dans la classe. et avec un petit éclairage et des petites voix off qui expliquent un petit peu. Mais voilà, le but c'était de pénétrer dans la classe avec les enfants et de voir un petit peu en quoi consistait cette pédagogie et comment on la pratique à l'école Freinet.
- Speaker #1
Les enfants devaient être trop heureux pour participer à cette aventure.
- Speaker #0
Ils n'ont pas réalisé tout de suite au début. Et puis après, ils ont été super fiers. Et quand les premiers épisodes sont sortis, ils ont vraiment réalisé là.
- Speaker #1
Oui, c'est dingue. Merci beaucoup Marie pour ton temps et pour tout ce que tu fais. Comme tu le dis, je pense que c'est essentiel de partager au plus grand nombre ces fondements magnifiques de la pédagogie. Et j'invite vraiment les auditeurs aussi à aller écouter La Bissonnière, qui est disponible comme d'habitude. sur toutes les applications de podcast, Apple Podcast, Spotify, etc. C'est un super beau documentaire sonore et ils pourront voir en application tout ce que tu nous as partagé aujourd'hui. Merci Marie pour ton temps, j'étais ravie.
- Speaker #0
Merci beaucoup Stéphanie également. À bientôt.
- Speaker #1
À bientôt, au revoir.
- Speaker #0
Au revoir.
- Speaker #2
Voilà, c'est fini pour aujourd'hui. On espère que cet épisode vous a plu. Avant de se quitter, on a quand même besoin de vous. Si après avoir écouté cet exposé, vous ressortez avec plein d'idées pour apporter le meilleur aux enfants, n'oubliez pas de nous laisser 5 étoiles et un petit commentaire sur Apple Podcasts, sur iTunes ou toute autre plateforme d'écoute de podcasts. Cela nous aidera à mieux ressortir et surtout à nous motiver pour continuer cette aventure ensemble. Si vous avez des suggestions, des idées de thèmes, des questions à poser, n'hésitez pas à nous contacter sur les réseaux sociaux, Instagram ou LinkedIn, en tapant les adultes de demain. Nous serions ravis d'échanger avec vous. Si vous souhaitez en savoir davantage sur Sylvie, je vous invite vraiment à aller voir son blog sylvidecleb.com ou à la suivre sur Instagram en allant sur son profil sylvidesc-montessori. Enfin, si vous souhaitez en savoir plus sur le calendrier des prochaines formations Montessori, rendez-vous sur www.apprendre-montessori.fr. On a hâte de vous retrouver vite et à très bientôt sur les adultes de demain.