Changer l'éducation grâce au sport - Guillaume Prévost - #190 cover
Changer l'éducation grâce au sport - Guillaume Prévost - #190 cover
Les Adultes de Demain

Changer l'éducation grâce au sport - Guillaume Prévost - #190

Changer l'éducation grâce au sport - Guillaume Prévost - #190

39min |02/05/2024
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Les Adultes de Demain

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Description

✍️NOUVEAU : je lance un sondage pour mieux vous connaitre, aidez-moi à collecter le plus grand nombre de réponses : https://pnhxjl7nzh2.typeform.com/to/maw8xoC8


Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l’éducation Vers le Haut, nous parle aujourd’hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée “Le sport, terrain d’éducation” nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l’éducation. L’un des enseignements importants que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport.


Lien de l'étude :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l'éducation vers le haut, nous parle aujourd'hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée Le sport, terrain d'éducation nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France, mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l'éducation. L'un des enseignements fondamentaux que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Guillaume.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Je vous retrouve aujourd'hui dans les bureaux de Vers-le-Haut, le think tank de l'éducation en France. Alors vous êtes son délégué général et vous avez une certaine histoire dans l'éducation, on y reviendra, puisque vous avez travaillé au ministère de l'éducation nationale. Je vous retrouve aujourd'hui dans le cadre de l'arrivée imminente des Jeux Olympiques. Vous avez notamment préparé avec Vers le Haut une étude pour mieux comprendre comment la pratique sportive s'articule-t-elle à l'école en France aujourd'hui. Alors en dehors de l'activité importante sportive qui va nous occuper cet été en France, pourquoi avoir décidé de dédier une étude à ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors évidemment il y a une actualité. L'actualité c'est les JO, l'actualité c'est cet événement. sociale, large, qui mobilise l'ensemble de la société, dans laquelle la France joue une partie du regard que le monde porte sur elle et de la façon dont elle a envie d'apparaître au monde. Et quelque part, cette façon dont la France a envie d'être au monde, au fond, est-ce qu'on ne se pose pas tous la même question ? Et est-ce que, puisqu'on parle beaucoup du collège en ce moment, notamment au travers des questions du harcèlement, au travers des questions de laïcité, au travers des questions de violence, est-ce que finalement, ce que vivent les adolescents, ce n'est pas exactement... Ce que vit la France au moment où elle prépare ses Jeux Olympiques. Et du coup, au fond, notre intuition, c'était de dire, puisque l'actualité porte son regard, porte sa lumière sur le sport, est-ce que ce n'est pas le bon moment pour se dire, mais au fond, à quoi ça sert le sport ? Qu'est-ce qui se joue dans le sport ? Et est-ce que ce n'est pas précisément cette capacité d'être au monde en tant que corps, plus qu'en tant qu'esprit, qui du point de vue éducatif, est intéressante dans les pratiques sportives ?

  • Speaker #0

    Et votre étude est absolument passionnante. Est-ce que vous pouvez nous partager les principaux constats, que vous avez fait ?

  • Speaker #1

    Alors on articule cette étude en trois grands temps. Le premier temps, c'est celui du constat que la rencontre entre le sport et l'éducation, qui paraît évidente pour tout le monde, c'est-à-dire qu'on vous parlait n'importe où, vous dites à le sport comme vecteur éducatif, ah mais bien sûr c'est super le sport, ça donne confiance en soi, on fait des choses ensemble, en fait tout le monde pense que le sport a des vertus éducatives. Et en fait quand on rentre un peu dans le sujet, on se rend compte que cette rencontre... La rencontre que tout le monde considère comme évidente n'a pas vraiment eu lieu. Elle n'a pas eu lieu... à l'école, elle n'a pas eu lieu en dehors de l'école, et plus globalement, elle interroge un peu sur les vertus supposées du sport et la réalité. Donc ça c'est un peu le premier grand temps de notre étude, c'est une rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu. Le deuxième temps de notre étude, c'est d'aller, comme l'ensemble des travaux de Verluo le fait à chaque cycle d'études, à la rencontre des initiatives qui sont menées sur le terrain. Et là on se rend compte que cette rencontre, localement, elle a lieu. Et elle a lieu, mais dans des... Dans des endroits éducatifs, dans des thèmes très spécifiques, elle a lieu beaucoup pour la remédiation, elle a lieu parce que le sport est véritablement utilisé comme outil éducatif pour les jeunes en difficulté, elle a lieu pour le collectif, on sait que c'est un peu une difficulté de notre école aujourd'hui de faire ce collectif, d'apprendre aux jeunes, d'avoir cette ambition éducative comme apprentissage de la cohésion. ...opération, et elle a lieu... plus ou moins comme outil pour faire se parler entre eux les différents éducateurs autour de l'enfant. On sait que c'est un enjeu déterminant et donc on se rend compte qu'il y a trois que localement cette rencontre a lieu. Donc vous voyez, j'aime bien cette image chimique qui dit il y a une précipitation, il y a une réaction chimique qui se fait localement, qu'est-ce qui manque pour que cette réaction, vous voyez un peu comme quand vous faites votre vinaigrette, pour qu'elle se propage. Et donc c'est l'objet de notre troisième partie qui dit finalement cette rencontre n'a pas a vraiment eu lieu, mais localement elle a lieu, est-ce qu'aujourd'hui il n'y a pas des ingrédients intéressants qui montrent que les conditions de température et de pression, si vous permettez cette expression, ont changé et laissent envisager une rencontre à nouveaux frais ? Et notamment, elles laissent envisager cette rencontre à nouveaux frais sous l'angle du corps. Vous voyez, j'en ai parlé dans notre introduction. Est-ce que fondamentalement, à un moment où on parle beaucoup d'intelligence artificielle, on remet en cause beaucoup de choses ? Le rapport au savoir, le rapport aux connaissances, alors c'est très à la mode de dire savoir-être, savoir-faire, etc. Est-ce que fondamentalement, la révolution éducative en cours consiste pas à remettre le corps, et notamment le corps des enfants, et notamment le corps des adolescents, parce que on sait que c'est un passage complexe, le changement du corps, au cœur de notre processus d'apprentissage ? Et ça c'est un peu ce troisième temps sur lequel j'espère qu'on pourra revenir.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que cela veut dire concrètement, faire du corps le cœur ? de l'éducation ?

  • Speaker #1

    Alors sous différents angles. Le premier c'est évidemment celui du bien-être. De plus en plus la question du bien-être, la question de la confiance, la question notamment au travers des questions de souffrance psychique, notamment en sortie du Covid, la question du bien-être devient centrale à l'école. Or l'école est probablement mal armée pour appréhender ces enjeux. On sait que la crise sanitaire a placé quelque part l'ensemble du système éducatif face à une situation d'absurde. Comment on sort de situations d'absurde ? Est-ce qu'on en sort par des cours ? Est-ce qu'on en sort par une doctrine ? Est-ce qu'on en sort par des concepts ? Est-ce qu'on en sort par du discours ? Ou est-ce qu'on en sort par un supplément de relation ? Et un supplément de relation, ça ne veut pas dire, encore une fois, un discours. Pour qui paraît, notamment pour beaucoup de jeunes tournés à vide, ça veut dire une présence, une présence à soi, évidemment. On sait que c'est une dimension très importante du développement de l'intériorité chez les jeunes, présence à soi, notamment au moment des réseaux sociaux. Et le classement PISA, par exemple, très concrètement, il dit que les jeunes français sont parmi les plus perturbés dans leurs apprentissages par le téléphone portable. Donc ça, ça dit que nos jeunes, nos enfants, dans leurs apprentissages, dans leurs... Le développement personnel, en fait, ils sont sans cesse perturbés. Donc en fait, ils ont très peu ce temps de retour à eux-mêmes. Premièrement, présence à soi. Présence aux autres ensuite. Je demande à n'importe qui de faire l'expérience. Monter dans un bus, rentrer dans un métro, et puis lever les yeux. Vous allez voir tout le monde dans sa bulle, sur son téléphone portable, en train de scroller. Des chats, c'est souvent ça. Et puis personne ne se parle, vous voyez. On ne se croise pas, on ne croise pas le regard, on ne se sourit pas, on ne partage pas des petites expériences qui sont en fait le sel de notre vie en société. Donc peut-être qu'un sujet que face notamment à l'irruption massive des technologies numériques dans nos vies, peut-être qu'un sujet fondamental de l'éducation, c'est de remettre au centre la... Présence à soi, la présence aux autres. Et puis troisième sujet qu'on a choisi d'aborder notamment dans le cadre d'un baromètre, une étude quantitative qu'on fait tous les ans, c'est le rapport à l'avenir. Et là il y a aussi un enjeu de présence et un enjeu de mobilisation du corps. Pourquoi tout d'un coup, depuis deux ans, on a un doublement des tentatives de suicide entre 18 et 24 ans ? Pourquoi ça concerne deux fois plus les filles que les garçons ? Là il y a des questions qu'on ne va pas assez chercher. Et bien... Notre conviction, c'est que les jeunes sont en grande difficulté dans leur rapport à eux-mêmes, aux autres et à l'avenir. Et ça, ça passe par répondre à ces trois questions, ça passe par le corps. Ça passe par remettre au cœur de l'expérience éducative la présence concrète, charnelle. Et alors, vous voyez, là j'ai parlé de bien-être, mais en fait, on pourrait un peu opposer la dimension apprentissage, académique et bien-être. Et en fait, qu'est-ce que nous apprennent les sciences ? Les sciences de l'éducation et les sciences cognitives. C'est qu'en fait, il n'y a pas les enfants intelligents et les enfants pas intelligents. On mobilise dans ces apprentissages, dans la réussite des apprentissages, des capacités qu'on appelle métacognitives, au sens où elles sont précognitives, au sens où elles sont avant les apprentissages, ce sont les capacités qui permettent d'apprendre. Je suis capable de donner du sens à ce que je fais. J'ai confiance en moi. Ça nourrit ma motivation. Je sais que je peux dépasser mes difficultés. Et je le fais avec des gens que j'aime. J'aime bien cette phrase qui dit Les jeunes aiment ce qu'aiment les gens qu'ils aiment. C'est ce fameux rôle central de l'exemplarité, du rôle modèle dans l'éducation. Et bien ça, si on se dit, en fait, ce qui est clé, finalement, notre école est très inégalitaire parce que, du point de vue de ses capacités métacognitives, en fait, il y a les jeunes qui les acquièrent dans leur cercle familial, il y a les jeunes qui ne les acquièrent pas, On raconte des histoires et qui rentrent facilement dans la lecture. Il y a les jeunes à qui on ne raconte pas d'histoire et qui n'y arrivent pas. Il y a les jeunes qui peuvent compter sur leur famille en cas de difficulté et ils y arrivent. Il y a les jeunes qui ne peuvent pas compter sur leur famille en cas de difficulté et ceux-là, ils n'y arrivent pas. Alors, quelque part, il y a quelque chose d'un peu désespérant qui dit, en fait, tous jouent à la famille, tous jouent avant 3 ans, tous jouent avant 10 ans, tous jouent avant HEC, et puis si vous n'avez pas HEC, votre vie est foutue. Et ça, ce n'est pas un message d'espérance, ce n'est pas très porteur pour les jeunes. Et donc, quelque part, en disant, en remettant le corps au centre, Là, on peut remobiliser. Et en fait, on y arrive. On y arrive pour les jeunes de 15-16 ans en grande difficulté à l'école. On leur redonne confiance en nous à travers le sport. Pourquoi attendre 15-16 ans et la perte de confiance en soi pour le faire ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez des exemples d'autres pays ? Qui ont expérimenté cette nouvelle manière d'accompagner les enfants dans leur éducation à l'école à travers le corps ?

  • Speaker #1

    Je vous dirais qu'il y a un pays évident, c'est les Etats-Unis. On dit beaucoup de mal des Etats-Unis, souvent en France on aime bien critiquer les Etats-Unis. Mais qui d'entre nous n'est pas admiratif de cette place que le sport a chez les Américains ? de la façon dont le capitaine de l'équipe de football, la nageuse, l'équipe de volet dès le collège, en fait, ils sont extrêmement valorisés, à l'école mais aussi en dehors. Cette capacité qu'ont les Américains dans des petites communautés de mettre un peu au cœur le dépassement individuel, mais aussi le dépassement collectif, la capacité de faire équipe. Moi, je trouve que parfois les Américains sont un peu naïfs. Et... enfantin de ce point de vue là et c'est vrai que nous on a un regard un peu plus complexe sur la vie les choses etc mais peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à être simple peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à dire bah être courageux c'est bien être loyal c'est bien être honnête c'est bien fuir ses responsabilités c'est pas terrible Garder les choses pour soi pas se tourner vers l'autre c'est pas terrible et au fond c'est peut-être ça qui explique une bonne partie du succès des films américains depuis toujours c'est qu'il y a cette dimension Morale très incarnée. Le héros, il tombe, il tape le fond, et puis il en tape le fond. En fait, il change en tapant le fond, il devient un autre homme et il va gagner. Alors, il y a quelque d'un peu naïf et peut-être un peu bené, mais il y a quelque chose dont nos enfants ont probablement besoin. Surtout dans une société où tout est gris, tout est flou, Covid, mes parents disent qu'il ne faut pas de portable, mais ils passent leur vie sur leur propre portable. Vous voyez ? Donc, moi, je dirais les Etats-Unis. Vraiment les Etats-Unis. Alors, il y a plein de C'est ce qu'on n'aime pas aux Etats-Unis. On ne veut pas importer le port d'armes, on ne veut pas importer plein de choses. Mais ce rapport au corps, ce rapport au sport, alors pas trop, il y a aussi un rapport à la performance, à l'ultra-performance, sky is the limit, vous voyez, sky is the limit, ça se discute. Mais le sujet, ce n'est pas tellement sky is the limit que de remettre les enfants en situation de réussite. Et les enfants, ils ont besoin de sentir, de faire grandir en eux cette confiance. Ils ont besoin de... Vous voyez cette expression, j'aime bien cette expression, il dit t'as la confiance, oh il a la confiance. Alors on veut pas qu'il y ait trop de confiance, parce que c'est un peu désagréable, les gens ont un peu trop la confiance. Mais quelque part c'est ça dont nos jeunes ont besoin, ils ont besoin de prendre confiance en eux, d'avoir la confiance. Vous voyez la confiance qui fait que quand vous allez dans une soirée et que vous êtes capable de rentrer sur la piste de danse et d'aller vous adresser à quelqu'un que vous connaissez pas, ça c'est clé. Tout le monde a fait cette expérience. Je suis pas très à l'aise, qu'est-ce que je fais ? Je sors une cigarette. Pourquoi je sors une cigarette ? Parce qu'en fait, je mobilise mon corps, c'est dans mon corps, dans la posture, dans la gestuelle, je sors une cigarette, ça me donne confiance en moi. Et bien, il y a des manières plus simples, plus saines, plus belles de construire cette confiance. Et ça passe par... Cessez de considérer que le corps est un outil en vue d'autre chose. Le corps c'est une surface d'apprentissage et remobilisons-la en tant que telle.

  • Speaker #0

    D'ailleurs ce qui me fascine aux Etats-Unis, c'est dans les trajectoires des études supérieures. Il n'est pas rare de voir certains jeunes suivre trois années très sportives dans les universités et après par exemple aller faire des masters qui seraient moins autour du corps. Et au contraire c'est très bien vu, je pense même dans les entretiens qu'ils font. Après, pour entrer dans la vie professionnelle, c'est vrai qu'en France, c'est un peu moins admis. Et je ne sais pas si vous êtes intéressé d'ailleurs au cas des sports-études en France.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors, les sports-études, ça a beaucoup évolué. Notamment parce que, au fond, ce qui est compliqué pour l'école, c'est que l'école vit... L'élévation intellectuelle comme l'alpha et l'oméga de l'éducation. Alors, c'est pas tout à fait vrai, c'est pas vrai de tout le monde, c'est pas vrai des profs de PS, c'est pas vrai de plein de gens, mais globalement, soyons clairs, notre école, elle valorise l'intellectuel qui dit pas grand chose, qui rase les murs, et puis, vous voyez, j'ai un... quelqu'un qui disait en rigolant, c'est pas compliqué en France, vous baladez dans une cour de récréation d'un collège, vous prenez tous les garçons qui rasent les murs, vous en faites les patrons du CAC 40. C'est pas étonnant qu'on ait des petites difficultés relationnelles après, hein ? Donc, il y a au milieu de cette cour de récréation, La création des garçons et des filles, d'ailleurs l'occupation de la cour de récréation est un vrai sujet, notamment du point de vue de l'égalité entre les garçons et les filles. Mais il y a plein à l'école de talents, il y avait un groupe de rap à une époque qui disait Peuplé d'artistes et de sportifs de haut niveau Est-ce que notre système éducatif valorise assez ce peuple d'artistes et de sportifs de haut niveau ? Peut-être qu'au fond, nos entreprises, notre économie, notre système politique, Cette fameuse façon qu'on a de vouloir briller au monde, peut-être qu'elle gagnerait beaucoup à s'appuyer sur ces artistes et sportifs de haut niveau plutôt que de sortir en batterie des polytechniciens, des ENA, des HEC, une petite élite assez fermée, assez homogène dans ses qualités. Il en faut, mais il ne faut pas que ça. Et ce que je trouve remarquable dans le système américain, c'est de dire qu'il y a des gens qui sont remarquables parce qu'intellectuellement, c'est ses brillants, ça roule, mais en fait, il y a des gens qui sont remarquables. Il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont du charisme, il y a des gens qui sont remarquables parce que dans la difficulté ils portent le groupe, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont une générosité extrêmement forte, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils parlent et tout le monde les écoute. Et vous voyez, ça c'est pas assez valorisé. Et au fond, c'est pas seulement une question morale, c'est une question de la société dans laquelle nous allons. Elle a de plus en plus besoin de ces talents-là, pourquoi nous en priver ? Si vous écoutez les chefs d'entreprise dans le recrutement aujourd'hui, ils ne cherchent pas à avoir des grands cerveaux, de toute façon, chaque GPT sera toujours un plus grand cerveau que vous aujourd'hui. En fait, ce qu'ils cherchent, c'est des personnalités, c'est une capacité à incarner, c'est une capacité à générer des émotions, c'est une capacité à sortir du moule, c'est une capacité à mettre une bonne ambiance dans une équipe. Voyons, on passe beaucoup de temps au boulot quand même. Donc, pourquoi, alors même que toute la société... Qui était en train de basculer vers ça, l'école s'agrippe à ses maths, son français et son histoire géo, c'est un peu dommage.

  • Speaker #0

    Comment est enseigné aujourd'hui le sport dans l'école en France ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un sujet sur lequel on s'est beaucoup penché, notamment dans la première partie, cette rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu, qui est l'éducation physique et sportive, l'EPS. Chacun en a une expérience. dans sa scolarité et à mon avis, tout le monde en a eu une expérience mitigée.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, j'entends que c'est votre cas aussi.

  • Speaker #0

    Non, mais moi, j'ai évolué dans un parcours différent, mais de ce que j'ai entendu, c'est vrai que j'ai l'impression qu'il y a certains traumatismes parfois autour de cet enseignement de l'EPS.

  • Speaker #1

    Alors, il y a des choses excellentes dans l'EPS. D'abord, si vous interrogez les jeunes, c'est une de leurs matières favorites. Ensuite ils disent qu'ils en ont pas assez. Ensuite c'est souvent un moment où on va pouvoir se défouler, on va pouvoir faire du sport, on va pouvoir rigoler, on va pouvoir... Mais il y a cette dimension disciplinaire, comme si un peu le sport essayait de se déguiser en intellectuel. Comme si le sport essayait de ressembler au professeur de mathématiques. Parfois. En même temps, il y a des choses remarquables dans l'EPS. 50% des enseignants spécialisés dans l'école inclusive, c'est-à-dire en suivi des élèves en situation de handicap, sont des professeurs d'EPS. C'est intéressant ça. Ça dit bien que, alors même que l'école doit probablement être de plus en plus éducative, parmi les enseignants, les professeurs d'EPS sont probablement ceux qui ont pris le plus au sérieux leur mission éducative. Si vous dites à un professeur de mathématiques est-ce que toi tu es un éducateur ? Je ne suis pas sûr qu'il y en ait beaucoup qui vous disent oui avec le cœur. Ils vous diront Ah bah oui, je suis un éducateur parce que je n'arrive pas à faire le calme dans ma classe, mais du coup je ne fais pas de mathématiques. Et donc souvent les enseignants sont éducateurs malgré eux. Les enseignants de PS disent Mais oui, bien sûr, je suis un éducateur. Il y a des choses remarquables, vous voyez par exemple les jeunes plébiscites, la formation universitaire STAPS. STAPS, c'est un vivier d'éducateurs très intéressant. On les retrouve partout. On les retrouve en protection de l'enfance, on les retrouve dans les... au centre de loisirs, on les retrouve dans les éducations sportives, on les retrouve au concours de l'enseignement. Donc, vous voyez, si on fait un peu le bilan de tout ça, l'EPS, c'est super, c'est vraiment intéressant, et probablement qu'on n'a pas pris la mesure de tout ce que l'EPS peut apporter à l'école, mais quelque part, l'EPS, c'est un peu le sport dans la forme disciplinaire de l'école. Donc, si on voulait vraiment dire, au fait, le sport, ce n'est pas seulement un outil pour apprendre à jouer au volet, Mais c'est aussi un outil pour faire des mathématiques, apprendre à être avec les autres, apprendre à être à soi, présence à soi, présence à l'avenir. Si on veut vraiment dérouler le sport dans toute sa dimension éducative, je pense que ça implique d'aller plus loin que le PS. Ça implique de mobiliser le sport. pour les mathématiques, pour le français, pour l'enseignement moral et civique, pour l'enseignement à la sexualité. Par exemple, on se pose des questions de dingue sur l'enseignement moral et civique, alors on a tous des... enfin l'enseignement affectif et sexuel, et on voit des trucs un peu technicistes, apprendre un méta-préservatif à 12 ans, vous voyez que c'est pas forcément très agréable pour des jeunes. Donc, alors que dans le sport, dans l'activité physique, dans l'activité collective, le rapport à l'autre, le respect... Le respect de l'autre, le respect de la chasteté dans le rapport à l'autre, le respect de l'intégrité de l'autre, est quelque chose qui peut être beaucoup plus évident, beaucoup plus concret, beaucoup moins intellectuel. L'éducation à l'alimentation, vous voyez, dans le sport ça peut être très concret. On comprend très bien qu'un sportif doit bien s'alimenter pour réussir une course en montagne, une longue balade, ou ce que vous voulez. Donc, encore une fois, aujourd'hui l'école est en difficulté. dans ce qu'on appelle les apprentissages transversaux, notamment au collège, c'est-à-dire globalement, l'orientation, le parcours à venir, l'éducation à la santé, parmi lesquels alimentation, addiction, etc., l'enseignement moral et civique, et l'enseignement artistique et culturel. Est-ce que pour ces quatre parcours, les quatre parcours transversaux, que finalement on en parle tout le temps dans les médias, mais à l'école, vous ne voyez pas beaucoup, parce que l'école n'est pas armée pour le faire, est-ce que le sport pourrait pas être le vécu ? Le secteur privilégié de cet apprentissage. Est-ce que l'école ne doit pas pleinement assumer sa mission éducative, notamment en mobilisant davantage le sport ? Donc ça, ça veut dire, le PS, oui, c'est super, mais attention, parce que ce n'est pas toujours facile, et notamment l'absentéisme des filles au moment de la puberté à la piscine, l'absentéisme des garçons. Le PS peut parfois être une situation douloureuse pour des adolescents. Donc encore une fois, reprenons les choses. Si le but de tout ça, c'est remettre au cœur des apprentissages le corps de l'enfant, le corps de l'adolescent, à ce moment-là, l'EPS est un atout, mais il faut aller plus loin.

  • Speaker #0

    Oui, il faut aller plus loin. Et j'ai une question qui vient de me traverser l'esprit. On sait que l'éducation et l'école en France subissent une pénurie d'enseignants. Qu'en est-il pour les professeurs d'EPS ?

  • Speaker #1

    Alors c'est moins le cas, professeur d'EPS, notamment parce qu'il y a ce vivier d'enseignants en STAPS. En fait, STAPS est très plébiscité par les jeunes. C'est intéressant parce que c'est une formation très généraliste. Staps, où vous faites beaucoup sociologie, psychologie, etc. Et moi, je trouve très intéressant le succès des études Staps, et je trouve que ça ouvre beaucoup de perspectives en termes de conception, de cursus d'enseignement supérieur un peu concret, mais qui pour autant ne renonce pas à une certaine ambition intellectuelle et humaine. D'ailleurs, c'est intéressant, c'est souvent, en tout cas, il y a une partie de la communauté EPS qui est souvent très politisée. Alors, pour chacun ses idées, je ne suis pas convaincu qu'il y ait des bonnes et des mauvaises idées, mais ça dit en soi, quand même, qu'il y a une capacité à se mobiliser, une capacité à se vouloir acteur du monde, une capacité à embrasser des causes qui me dépassent, chez ces étudiants-là. Qu'à mon avis, on ne retrouve pas forcément chez les étudiants en sciences politiques ou les étudiants en droit. Pas parce que le droit aux sciences politiques, c'est mal, mais parce qu'en droit aux sciences politiques, vous êtes davantage convaincus qu'il faut adhérer à un moule, et surtout pas en dépasser pour avoir votre concours, rentrer à Sciences Po ou à l'ENA. Il y a une certaine forme de liberté, de générosité chez les étudiants en STAP, ce qui fait qu'il y a moins de difficultés, en tout cas dans le vivier d'enseignants. Maintenant, puisqu'on parle de sport... Reprenons ce qu'on a dit. Si on dit en fait, il faut remettre le corps en centre des apprentissages, si on dit il faut une dimension beaucoup plus transverse et beaucoup plus éducative à ce qui se passe à l'école, ça veut dire que probablement, aux côtés des enseignants, il faut plus d'éducateurs. Assumer cette dimension. Vous voyez, j'ai dit tout à l'heure, le professeur de mathématiques, il pourrait aussi apprendre à ses élèves un repère cartésien en jouant dans la cour, en traçant des lignes à la craie, en faisant une bataille navale. F5, c'est un repère cartésien. Toucher, couler. Et bien ça, vous n'êtes pas obligé de le faire avec des enseignants, vous pouvez le faire avec des animateurs, vous pouvez le faire avec des éducateurs sportifs. Donc, dans quelle mesure il faut libérer la question de l'école de la question de l'enseignement ? A l'école, on doit pouvoir avoir accès à des enseignements, mais on doit probablement avoir accès à d'autres choses. Si on veut mieux valoriser les performances sportives, les compétitions sportives, ça veut dire qu'on a besoin de... Plus d'éducateurs à l'école. Aujourd'hui, où sont les éducateurs à l'école ? Il y a des AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap. Il y a les AED, les surveillants sur les temps méridiens. Et il y a les auxiliaires éducatifs en maternelle. Plutôt que de faire des sigles incompréhensibles, des messages que personne ne comprend, pourquoi on ne regroupe pas tout ça et on crée un corps d'éducateur scolaire ? Aujourd'hui, si on prend tout ça, ça fait 250 000 personnes, c'est-à-dire le deuxième corps de l'éducation nationale en puissance. Pourquoi on ne crée pas un corps d'éducateur pour accompagner les enseignants dans les apprentissages pédagogiques, pour avoir une dimension théorique avec l'enseignant et une dimension pratique en mouvement, en sport, en jeu avec l'éducateur ? Pourquoi ce binôme enseignant-éducateur ? qui marche si bien en maternelle, pourquoi on ne le déploie pas jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire jusqu'en 3ème ? Est-ce que ça ne serait pas une belle façon d'ouvrir l'école sur l'extérieur, ouvrir l'école à d'autres types de pédagogie, pédagogie active, d'autres types de qualités, charisme, relation avec l'enfant, etc. Est-ce que ça ne permettrait pas aux enseignants justement de répondre à toutes leurs difficultés à l'heure actuelle, c'est-à-dire gestion des enfants en situation de handicap, gestion des décrocheurs, gestion des gamins qui ne tiennent pas en place sur leur siège, etc. Vous voyez, J'ai dit, on a pris la question du sport pour parler du corps, et derrière le corps, il y a la question de la place des éducateurs à l'école. Et ça, nous on y croit beaucoup, on focalise trop exclusivement la question éducative sur la question des enseignants, or ce dont les enfants ont besoin c'est davantage d'éducateurs. Ils ont besoin d'enseignants bien sûr, mais ils ont besoin d'éducateurs, et peut-être que les enseignants eux-mêmes ont besoin de pouvoir s'appuyer sur des adultes dans leur vie quotidienne. Peut-être que c'est... Aussi, une façon de revaloriser fondamentalement le métier d'enseignant, que de dire, quand tu es enseignant, tu encadres aussi un, deux, trois éducateurs.

  • Speaker #0

    Vous avez évoqué tout à l'heure la dynamique du sport et des jeunes en dehors de l'école. J'aimerais bien qu'on y revienne un petit peu, notamment ce qui se passe au niveau des clubs sportifs et ce que vous avez observé au niveau très local.

  • Speaker #1

    Alors c'est vrai qu'on a beaucoup parlé de l'école. Mais vous voyez, dans cette première partie où on parle de la rencontre, on dit que le sport n'a pas pleinement trouvé sa place à l'école, même s'il l'a trouvé en partie, on l'a dit, avec le PS. Mais réciproquement, en dehors de l'école, est-ce que le monde sportif a pris la mesure de ses responsabilités éducatives ? Et là, je voudrais revenir sur ce qu'il est convenu d'appeler le cas Mbappé. Oui, Kylian Mbappé, modèle extraordinaire, puis les grands sportifs sont quand même des gens hors du commun. Mais est-ce que la trajectoire, le succès de M. Mbappé ou de Tiger Woods ou des Sir Williams, est-ce que... on peut réellement prétendre que c'est un modèle éducatif pertinent pour l'ensemble des jeunes. Là, il y a quelque chose qui ne va pas, parce que si j'invite n'importe qui à aller dans un stade le dimanche, vous allez voir sur le côté des parents complètement fous, obsédés par la performance de leurs enfants. Quelque part, l'éducation a un peu laissé de côté le sport, mais peut-être que le sport a un peu laissé de côté l'éducation. Et que le sport est tellement convaincu de son bon droit, Le sport est tellement convaincu qu'il porte des vertus qu'il en oublie que s'il est entièrement tourné vers la performance, il n'est pas très éducatif. S'il est entièrement tourné vers la célébration de moi, de la force, il n'a rien d'éducatif au contraire et il ne fait que plonger les enfants dans le sentiment de si je suis fort, je suis aimé et si je ne suis pas fort, je ne serai pas aimé. Et là, il y a quelque chose de terrible. Et donc, de la même manière que l'école passe peut-être à côté du sport, Peut-être que le sport passe à côté de sa mission éducative, parfois. Peut-être que les clubs de foot, peut-être que... Vous voyez, je parle du foot parce qu'il y a un chiffre extraordinaire. En fait, si on regarde le dimanche, il y a 300 000 enfants sur les stades de football. C'est-à-dire que le sport, en fait, c'est le deuxième espace, enfin le troisième espace éducatif de France. Il y a la famille, il y a l'école, puis il y a le stade de football. Donc, si le sport est en fait le troisième espace éducatif de France,

  • Speaker #0

    Il y a des fédérations de football, on met de l'argent, il y a des associations dans lesquelles on subventionne, il y a des politiques publiques, etc. À ce moment-là, il faut que cette politique publique soit tournée résolument vers l'éducation. Plutôt que d'assommer les enseignants de mathématiques à leur demander de faire un enseignement moral et civique, peut-être que l'enseignement moral et civique serait plus pertinent dans un club de football, sur un terrain. Et sur le terrain, qu'est-ce qu'il y a d'intéressant ? C'est que vous allez pouvoir associer les parents. Et ça, c'est intéressant, parce qu'il y a des résultats très forts là-dessus. Notre système éducatif souffre du manque de lien que l'école a privatisé avec les parents, notamment pour les enfants issus du milieu populaire. Qu'est-ce qu'il y a de meilleur ? Je me souviens d'une discussion avec un prof de collège qui disait Moi, je vais essayer de faire venir les parents, le principal d'un collège, mais les parents qui viennent, c'est toujours les mêmes. C'est les parents CSP+, les profs n'en peuvent plus, c'est les parents débarques qui leur expliquent comment ils doivent faire cours, qu'ils n'ont rien compris, etc. Donc, l'horreur. Et à contrario, les parents dont j'aurais vraiment besoin, c'est-à-dire les enfants dont je vois bien qu'ils ne sont pas suivis dans leurs apprentissages, qui sont en absentéisme, etc. Parce que là, je n'arrive jamais à les faire venir. Et en fait, on le sait, c'est parce que ces parents, ils n'ont pas envie d'aller à l'école, ils ont peur d'être humiliés, ils n'étaient eux-mêmes souvent pas très bons à l'école. Et donc, je disais, mais c'est marrant, monsieur le principal, parce que vous n'arrivez pas à faire venir les parents. Moi, je sors d'une discussion avec l'association de jeunesse de la mairie du coin, qui est en fait à 100 mètres de chez vous. Et eux, ils font un barbecue tous les ans, il y a tous les parents. Donc, au fond, est-ce que le sport, ce n'est pas aussi un terrain privilégié pour nouer cette relation avec les parents ? Vous voyez, donc, si on fait un peu le bilan de tout ça, oui, le sport, c'est super, mais ce n'est pas forcément super. Ça peut être aussi des lieux de souffrance, des lieux de domination, des lieux où la performance écrase l'enfant à un moment où il essaie de se déployer. Et donc, ça veut dire que de la même façon que l'école peut mieux s'emparer du sport, le sport doit aussi mieux assumer sa mission éducative. Et vous voyez que dans mon... Une idée de binôme enseignant-éducateur, là il y a... Il y a une porte à pousser pour derrière faire le lien entre l'école et les clubs sportifs, faire le lien entre l'école et les associations. Et c'est grâce à l'entrée de ces éducateurs dans l'école, grâce à la relation de confiance qui va se tisser entre l'éducateur et l'enseignant, que cette alliance éducative aura lieu et vraiment lieu.

  • Speaker #1

    Et que ça répondra aussi à la trop grande sédentarisation des enfants, c'est un point aussi qui est important dans votre étude. Si vous voulez peut-être nous partager un chiffre ou un point là-dessus avant qu'on se sépare.

  • Speaker #0

    Un chiffre qui me paraît décisif, c'est qu'aujourd'hui en France, près de 20% des jeunes de 6 à 17 ans sont en surpoids. et près de 5% en situation d'obésité. Donc vous voyez, là on a parlé de rapport à soi, rapport aux autres, rapport à son corps, etc. C'est très concret. On a parlé d'éducation à l'alimentation, on a parlé de confiance en soi. Les situations de surpoids, les situations d'obésité chez l'enfant, elles relèvent de tout ça. Elles sont à la fois des souffrances physiques, elles sont aussi des souffrances psychiques. Et donc vous voyez que de ce point de vue là, laisser quelque part les enfants en situation d'échec dans leurs apprentissages, c'est aussi les livrer à l'enfant. des satisfactions dont ils ont besoin, qu'ils vont aller chercher ailleurs, dans le recours massif à des boissons sucrées, dans des comportements devant un écran de sédentarité qui sont dangereux pour eux et qui sont dangereux pour l'ensemble de la société. Donc on voit de ce point de vue-là que, encore une fois, parlons de santé, mais parlons de santé intégrale. Il n'y a pas d'un côté la santé du corps et de l'autre côté la santé de la tête. La question de l'obésité, elle est clairement... à la jonction de ces enjeux et ça invite encore une fois à se servir du sport comme d'une éducation à la présence, présence à soi, présence aux autres, présence à l'avenir. Et probablement que l'obésité, l'anorexie, ce sont des signes très forts d'une difficulté à rentrer dans cette présence.

  • Speaker #1

    Avant qu'on se quitte, j'aimerais bien que vous nous parliez de Vers le Haut et de ce qui vous a mené à cette nouvelle aventure avec l'éducation.

  • Speaker #0

    Alors, Vers le Haut, c'est à l'origine une initiative de grandes associations de la protection de l'enfance. La protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont placés en dehors de leur domicile parental par un juge, parce qu'il estime que les enfants sont en danger dans leur famille. Et donc ces grandes associations, elles sont sans cesse confrontées à la dimension humaine, au sens profond du terme de l'éducation, parce qu'on ne cesse de le dire, c'est dans la famille, dans la relation avec leurs parents, que les enfants... reçoivent l'essentiel, les attachements dont ils ont besoin pour se déployer dans leur vie. Et donc les enfants de la protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont blessés, précisément à l'endroit où ils devraient avoir leur plus grande force. Donc les éducateurs, les associations de la protection de l'enfance, elles sont confrontées à la dimension tragique, profonde. de l'éducation, et à la fois, il y a cette phrase des apprentis d'Auteuil qui dit un enfant c'est facile à blesser, c'est aussi facile à réparer à l'extraordinaire résilience de l'enfance. Et de ce point de vue-là, il y a dans l'éducation quelque chose qui relève de la confiance en l'avenir, de la confiance en soi, de la confiance dans les autres, qui est au fond une réponse très profonde, très pertinente à toutes les difficultés de notre société aujourd'hui. Au fond, moi j'aime dire, il n'y a pas de société qui ne soit pas éducative, il n'y a pas d'éducation qui ne soit pas un projet de société. Et au fond, c'est ça vers le haut. Vers le haut, c'est dire, arrêtez de parler du point d'indice, des programmes, de la dernière circulaire, de la dernière polémique, entre la gauche et la droite, entre les verts et les rouges, entre les progressistes et les conservateurs, entre les familles et les... On n'en peut plus de ça, en fait. On souffre de ça aujourd'hui. Sortons de ça, redonnons cette dimension civilisationnelle. pour le coup, à l'éducation comme processus de transmission et d'émancipation et de lien entre les différentes générations dont est ici notre humanité. C'est ça vers le haut et donc nous on s'emploie à travers nos études, à travers nos publications, à travers nos réseaux sociaux, à travers nos événements à remettre cette dimension humaine de l'éducation au cœur du débat.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce qui vous a mené vers cette aventure-là ?

  • Speaker #0

    Personnellement ? Moi en fait j'ai travaillé toute ma vie pour l'État. Alors ? dans les armées, j'étais sous-marinier. Dans un sous-marin, je peux vous dire que la dimension, le corps, c'est concret, très concret. Quand vous êtes cinq mois dans un sous-marin, quand vous sortez, quand vous retrouvez le soleil, quand vous supportez plus vos camarades, c'est très concret. Et le cerveau, il ne marche plus quand le corps ne marche plus. C'est un exemple un peu concret de cognition incarnée, comme on dit. Et puis, ensuite, j'ai quitté ça. Voilà. Je suis devenu administrateur de l'État et j'ai travaillé pour notamment l'éducation nationale où on m'a confié le projet de service national universel. Et j'ai trouvé ce projet passionnant parce que je trouvais qu'il était très au cœur de toutes les contradictions de l'école. La façon dont on veut se servir de l'école pour porter des projets politiques, elle dimensionne un peu dans le brigadement, soyons clairs. Et puis à la fois, la réalité des besoins des enfants qui sont aujourd'hui pas, on n'y répond pas. Croire que l'école peut tout, croire que tous les enfants sont faits pour être plus sains, ça n'a pas de sens. Et puis, si la seule façon de réussir à l'école, c'est d'avoir un bac plus 5, ben... On ne cesse de faire de la casse et c'est ce qu'on fait aujourd'hui en fait. Dans une société dans laquelle il y a de moins en moins de jeunes, de plus en plus de vieux, on continue à casser massivement les jeunes. Il y a un truc qui m'a paru à la fois révoltant et à la fois... ça va bouger, ça ne peut que bouger. Et donc, au sortir de ça, ça m'a un peu convaincu que les leviers pour faire bouger les choses n'étaient pas forcément aujourd'hui dans l'État. L'État est nécessaire, il y a besoin de donner un cadre, etc. Mais peut-être qu'aujourd'hui le sujet c'est moins... de le cadre que de redonner confiance et liberté aux personnes. Et ça, je pense que ça passe beaucoup par l'initiative associative, la responsabilité individuelle, la générosité des personnes. Et donc, moi, je pense qu'il y a un temps devant nous qui est un temps pour les personnes. peut-être un peu de désordre, peut-être un peu d'anarchie, peut-être qu'on en a besoin. Et peut-être que ça revivira nos institutions et peut-être que ça nous permettra de réenvisager l'avenir à nouveaux frais. Mais aujourd'hui, il faut sortir de ces cadres qui sont un peu étriqués et qui sont devenus une partie du problème. Donc c'est pour ça que j'ai rejoint Vers le Haut. Et voilà, je m'en régale.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume. J'ai une dernière question qui est ma question rituelle du podcast. Vous le savez, il s'appelle Les adultes de demain Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    de croire en l'avenir, tout simplement.

  • Speaker #1

    Super. Eh bien, merci beaucoup. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. Ils laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

✍️NOUVEAU : je lance un sondage pour mieux vous connaitre, aidez-moi à collecter le plus grand nombre de réponses : https://pnhxjl7nzh2.typeform.com/to/maw8xoC8


Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l’éducation Vers le Haut, nous parle aujourd’hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée “Le sport, terrain d’éducation” nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l’éducation. L’un des enseignements importants que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport.


Lien de l'étude :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l'éducation vers le haut, nous parle aujourd'hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée Le sport, terrain d'éducation nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France, mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l'éducation. L'un des enseignements fondamentaux que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Guillaume.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Je vous retrouve aujourd'hui dans les bureaux de Vers-le-Haut, le think tank de l'éducation en France. Alors vous êtes son délégué général et vous avez une certaine histoire dans l'éducation, on y reviendra, puisque vous avez travaillé au ministère de l'éducation nationale. Je vous retrouve aujourd'hui dans le cadre de l'arrivée imminente des Jeux Olympiques. Vous avez notamment préparé avec Vers le Haut une étude pour mieux comprendre comment la pratique sportive s'articule-t-elle à l'école en France aujourd'hui. Alors en dehors de l'activité importante sportive qui va nous occuper cet été en France, pourquoi avoir décidé de dédier une étude à ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors évidemment il y a une actualité. L'actualité c'est les JO, l'actualité c'est cet événement. sociale, large, qui mobilise l'ensemble de la société, dans laquelle la France joue une partie du regard que le monde porte sur elle et de la façon dont elle a envie d'apparaître au monde. Et quelque part, cette façon dont la France a envie d'être au monde, au fond, est-ce qu'on ne se pose pas tous la même question ? Et est-ce que, puisqu'on parle beaucoup du collège en ce moment, notamment au travers des questions du harcèlement, au travers des questions de laïcité, au travers des questions de violence, est-ce que finalement, ce que vivent les adolescents, ce n'est pas exactement... Ce que vit la France au moment où elle prépare ses Jeux Olympiques. Et du coup, au fond, notre intuition, c'était de dire, puisque l'actualité porte son regard, porte sa lumière sur le sport, est-ce que ce n'est pas le bon moment pour se dire, mais au fond, à quoi ça sert le sport ? Qu'est-ce qui se joue dans le sport ? Et est-ce que ce n'est pas précisément cette capacité d'être au monde en tant que corps, plus qu'en tant qu'esprit, qui du point de vue éducatif, est intéressante dans les pratiques sportives ?

  • Speaker #0

    Et votre étude est absolument passionnante. Est-ce que vous pouvez nous partager les principaux constats, que vous avez fait ?

  • Speaker #1

    Alors on articule cette étude en trois grands temps. Le premier temps, c'est celui du constat que la rencontre entre le sport et l'éducation, qui paraît évidente pour tout le monde, c'est-à-dire qu'on vous parlait n'importe où, vous dites à le sport comme vecteur éducatif, ah mais bien sûr c'est super le sport, ça donne confiance en soi, on fait des choses ensemble, en fait tout le monde pense que le sport a des vertus éducatives. Et en fait quand on rentre un peu dans le sujet, on se rend compte que cette rencontre... La rencontre que tout le monde considère comme évidente n'a pas vraiment eu lieu. Elle n'a pas eu lieu... à l'école, elle n'a pas eu lieu en dehors de l'école, et plus globalement, elle interroge un peu sur les vertus supposées du sport et la réalité. Donc ça c'est un peu le premier grand temps de notre étude, c'est une rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu. Le deuxième temps de notre étude, c'est d'aller, comme l'ensemble des travaux de Verluo le fait à chaque cycle d'études, à la rencontre des initiatives qui sont menées sur le terrain. Et là on se rend compte que cette rencontre, localement, elle a lieu. Et elle a lieu, mais dans des... Dans des endroits éducatifs, dans des thèmes très spécifiques, elle a lieu beaucoup pour la remédiation, elle a lieu parce que le sport est véritablement utilisé comme outil éducatif pour les jeunes en difficulté, elle a lieu pour le collectif, on sait que c'est un peu une difficulté de notre école aujourd'hui de faire ce collectif, d'apprendre aux jeunes, d'avoir cette ambition éducative comme apprentissage de la cohésion. ...opération, et elle a lieu... plus ou moins comme outil pour faire se parler entre eux les différents éducateurs autour de l'enfant. On sait que c'est un enjeu déterminant et donc on se rend compte qu'il y a trois que localement cette rencontre a lieu. Donc vous voyez, j'aime bien cette image chimique qui dit il y a une précipitation, il y a une réaction chimique qui se fait localement, qu'est-ce qui manque pour que cette réaction, vous voyez un peu comme quand vous faites votre vinaigrette, pour qu'elle se propage. Et donc c'est l'objet de notre troisième partie qui dit finalement cette rencontre n'a pas a vraiment eu lieu, mais localement elle a lieu, est-ce qu'aujourd'hui il n'y a pas des ingrédients intéressants qui montrent que les conditions de température et de pression, si vous permettez cette expression, ont changé et laissent envisager une rencontre à nouveaux frais ? Et notamment, elles laissent envisager cette rencontre à nouveaux frais sous l'angle du corps. Vous voyez, j'en ai parlé dans notre introduction. Est-ce que fondamentalement, à un moment où on parle beaucoup d'intelligence artificielle, on remet en cause beaucoup de choses ? Le rapport au savoir, le rapport aux connaissances, alors c'est très à la mode de dire savoir-être, savoir-faire, etc. Est-ce que fondamentalement, la révolution éducative en cours consiste pas à remettre le corps, et notamment le corps des enfants, et notamment le corps des adolescents, parce que on sait que c'est un passage complexe, le changement du corps, au cœur de notre processus d'apprentissage ? Et ça c'est un peu ce troisième temps sur lequel j'espère qu'on pourra revenir.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que cela veut dire concrètement, faire du corps le cœur ? de l'éducation ?

  • Speaker #1

    Alors sous différents angles. Le premier c'est évidemment celui du bien-être. De plus en plus la question du bien-être, la question de la confiance, la question notamment au travers des questions de souffrance psychique, notamment en sortie du Covid, la question du bien-être devient centrale à l'école. Or l'école est probablement mal armée pour appréhender ces enjeux. On sait que la crise sanitaire a placé quelque part l'ensemble du système éducatif face à une situation d'absurde. Comment on sort de situations d'absurde ? Est-ce qu'on en sort par des cours ? Est-ce qu'on en sort par une doctrine ? Est-ce qu'on en sort par des concepts ? Est-ce qu'on en sort par du discours ? Ou est-ce qu'on en sort par un supplément de relation ? Et un supplément de relation, ça ne veut pas dire, encore une fois, un discours. Pour qui paraît, notamment pour beaucoup de jeunes tournés à vide, ça veut dire une présence, une présence à soi, évidemment. On sait que c'est une dimension très importante du développement de l'intériorité chez les jeunes, présence à soi, notamment au moment des réseaux sociaux. Et le classement PISA, par exemple, très concrètement, il dit que les jeunes français sont parmi les plus perturbés dans leurs apprentissages par le téléphone portable. Donc ça, ça dit que nos jeunes, nos enfants, dans leurs apprentissages, dans leurs... Le développement personnel, en fait, ils sont sans cesse perturbés. Donc en fait, ils ont très peu ce temps de retour à eux-mêmes. Premièrement, présence à soi. Présence aux autres ensuite. Je demande à n'importe qui de faire l'expérience. Monter dans un bus, rentrer dans un métro, et puis lever les yeux. Vous allez voir tout le monde dans sa bulle, sur son téléphone portable, en train de scroller. Des chats, c'est souvent ça. Et puis personne ne se parle, vous voyez. On ne se croise pas, on ne croise pas le regard, on ne se sourit pas, on ne partage pas des petites expériences qui sont en fait le sel de notre vie en société. Donc peut-être qu'un sujet que face notamment à l'irruption massive des technologies numériques dans nos vies, peut-être qu'un sujet fondamental de l'éducation, c'est de remettre au centre la... Présence à soi, la présence aux autres. Et puis troisième sujet qu'on a choisi d'aborder notamment dans le cadre d'un baromètre, une étude quantitative qu'on fait tous les ans, c'est le rapport à l'avenir. Et là il y a aussi un enjeu de présence et un enjeu de mobilisation du corps. Pourquoi tout d'un coup, depuis deux ans, on a un doublement des tentatives de suicide entre 18 et 24 ans ? Pourquoi ça concerne deux fois plus les filles que les garçons ? Là il y a des questions qu'on ne va pas assez chercher. Et bien... Notre conviction, c'est que les jeunes sont en grande difficulté dans leur rapport à eux-mêmes, aux autres et à l'avenir. Et ça, ça passe par répondre à ces trois questions, ça passe par le corps. Ça passe par remettre au cœur de l'expérience éducative la présence concrète, charnelle. Et alors, vous voyez, là j'ai parlé de bien-être, mais en fait, on pourrait un peu opposer la dimension apprentissage, académique et bien-être. Et en fait, qu'est-ce que nous apprennent les sciences ? Les sciences de l'éducation et les sciences cognitives. C'est qu'en fait, il n'y a pas les enfants intelligents et les enfants pas intelligents. On mobilise dans ces apprentissages, dans la réussite des apprentissages, des capacités qu'on appelle métacognitives, au sens où elles sont précognitives, au sens où elles sont avant les apprentissages, ce sont les capacités qui permettent d'apprendre. Je suis capable de donner du sens à ce que je fais. J'ai confiance en moi. Ça nourrit ma motivation. Je sais que je peux dépasser mes difficultés. Et je le fais avec des gens que j'aime. J'aime bien cette phrase qui dit Les jeunes aiment ce qu'aiment les gens qu'ils aiment. C'est ce fameux rôle central de l'exemplarité, du rôle modèle dans l'éducation. Et bien ça, si on se dit, en fait, ce qui est clé, finalement, notre école est très inégalitaire parce que, du point de vue de ses capacités métacognitives, en fait, il y a les jeunes qui les acquièrent dans leur cercle familial, il y a les jeunes qui ne les acquièrent pas, On raconte des histoires et qui rentrent facilement dans la lecture. Il y a les jeunes à qui on ne raconte pas d'histoire et qui n'y arrivent pas. Il y a les jeunes qui peuvent compter sur leur famille en cas de difficulté et ils y arrivent. Il y a les jeunes qui ne peuvent pas compter sur leur famille en cas de difficulté et ceux-là, ils n'y arrivent pas. Alors, quelque part, il y a quelque chose d'un peu désespérant qui dit, en fait, tous jouent à la famille, tous jouent avant 3 ans, tous jouent avant 10 ans, tous jouent avant HEC, et puis si vous n'avez pas HEC, votre vie est foutue. Et ça, ce n'est pas un message d'espérance, ce n'est pas très porteur pour les jeunes. Et donc, quelque part, en disant, en remettant le corps au centre, Là, on peut remobiliser. Et en fait, on y arrive. On y arrive pour les jeunes de 15-16 ans en grande difficulté à l'école. On leur redonne confiance en nous à travers le sport. Pourquoi attendre 15-16 ans et la perte de confiance en soi pour le faire ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez des exemples d'autres pays ? Qui ont expérimenté cette nouvelle manière d'accompagner les enfants dans leur éducation à l'école à travers le corps ?

  • Speaker #1

    Je vous dirais qu'il y a un pays évident, c'est les Etats-Unis. On dit beaucoup de mal des Etats-Unis, souvent en France on aime bien critiquer les Etats-Unis. Mais qui d'entre nous n'est pas admiratif de cette place que le sport a chez les Américains ? de la façon dont le capitaine de l'équipe de football, la nageuse, l'équipe de volet dès le collège, en fait, ils sont extrêmement valorisés, à l'école mais aussi en dehors. Cette capacité qu'ont les Américains dans des petites communautés de mettre un peu au cœur le dépassement individuel, mais aussi le dépassement collectif, la capacité de faire équipe. Moi, je trouve que parfois les Américains sont un peu naïfs. Et... enfantin de ce point de vue là et c'est vrai que nous on a un regard un peu plus complexe sur la vie les choses etc mais peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à être simple peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à dire bah être courageux c'est bien être loyal c'est bien être honnête c'est bien fuir ses responsabilités c'est pas terrible Garder les choses pour soi pas se tourner vers l'autre c'est pas terrible et au fond c'est peut-être ça qui explique une bonne partie du succès des films américains depuis toujours c'est qu'il y a cette dimension Morale très incarnée. Le héros, il tombe, il tape le fond, et puis il en tape le fond. En fait, il change en tapant le fond, il devient un autre homme et il va gagner. Alors, il y a quelque d'un peu naïf et peut-être un peu bené, mais il y a quelque chose dont nos enfants ont probablement besoin. Surtout dans une société où tout est gris, tout est flou, Covid, mes parents disent qu'il ne faut pas de portable, mais ils passent leur vie sur leur propre portable. Vous voyez ? Donc, moi, je dirais les Etats-Unis. Vraiment les Etats-Unis. Alors, il y a plein de C'est ce qu'on n'aime pas aux Etats-Unis. On ne veut pas importer le port d'armes, on ne veut pas importer plein de choses. Mais ce rapport au corps, ce rapport au sport, alors pas trop, il y a aussi un rapport à la performance, à l'ultra-performance, sky is the limit, vous voyez, sky is the limit, ça se discute. Mais le sujet, ce n'est pas tellement sky is the limit que de remettre les enfants en situation de réussite. Et les enfants, ils ont besoin de sentir, de faire grandir en eux cette confiance. Ils ont besoin de... Vous voyez cette expression, j'aime bien cette expression, il dit t'as la confiance, oh il a la confiance. Alors on veut pas qu'il y ait trop de confiance, parce que c'est un peu désagréable, les gens ont un peu trop la confiance. Mais quelque part c'est ça dont nos jeunes ont besoin, ils ont besoin de prendre confiance en eux, d'avoir la confiance. Vous voyez la confiance qui fait que quand vous allez dans une soirée et que vous êtes capable de rentrer sur la piste de danse et d'aller vous adresser à quelqu'un que vous connaissez pas, ça c'est clé. Tout le monde a fait cette expérience. Je suis pas très à l'aise, qu'est-ce que je fais ? Je sors une cigarette. Pourquoi je sors une cigarette ? Parce qu'en fait, je mobilise mon corps, c'est dans mon corps, dans la posture, dans la gestuelle, je sors une cigarette, ça me donne confiance en moi. Et bien, il y a des manières plus simples, plus saines, plus belles de construire cette confiance. Et ça passe par... Cessez de considérer que le corps est un outil en vue d'autre chose. Le corps c'est une surface d'apprentissage et remobilisons-la en tant que telle.

  • Speaker #0

    D'ailleurs ce qui me fascine aux Etats-Unis, c'est dans les trajectoires des études supérieures. Il n'est pas rare de voir certains jeunes suivre trois années très sportives dans les universités et après par exemple aller faire des masters qui seraient moins autour du corps. Et au contraire c'est très bien vu, je pense même dans les entretiens qu'ils font. Après, pour entrer dans la vie professionnelle, c'est vrai qu'en France, c'est un peu moins admis. Et je ne sais pas si vous êtes intéressé d'ailleurs au cas des sports-études en France.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors, les sports-études, ça a beaucoup évolué. Notamment parce que, au fond, ce qui est compliqué pour l'école, c'est que l'école vit... L'élévation intellectuelle comme l'alpha et l'oméga de l'éducation. Alors, c'est pas tout à fait vrai, c'est pas vrai de tout le monde, c'est pas vrai des profs de PS, c'est pas vrai de plein de gens, mais globalement, soyons clairs, notre école, elle valorise l'intellectuel qui dit pas grand chose, qui rase les murs, et puis, vous voyez, j'ai un... quelqu'un qui disait en rigolant, c'est pas compliqué en France, vous baladez dans une cour de récréation d'un collège, vous prenez tous les garçons qui rasent les murs, vous en faites les patrons du CAC 40. C'est pas étonnant qu'on ait des petites difficultés relationnelles après, hein ? Donc, il y a au milieu de cette cour de récréation, La création des garçons et des filles, d'ailleurs l'occupation de la cour de récréation est un vrai sujet, notamment du point de vue de l'égalité entre les garçons et les filles. Mais il y a plein à l'école de talents, il y avait un groupe de rap à une époque qui disait Peuplé d'artistes et de sportifs de haut niveau Est-ce que notre système éducatif valorise assez ce peuple d'artistes et de sportifs de haut niveau ? Peut-être qu'au fond, nos entreprises, notre économie, notre système politique, Cette fameuse façon qu'on a de vouloir briller au monde, peut-être qu'elle gagnerait beaucoup à s'appuyer sur ces artistes et sportifs de haut niveau plutôt que de sortir en batterie des polytechniciens, des ENA, des HEC, une petite élite assez fermée, assez homogène dans ses qualités. Il en faut, mais il ne faut pas que ça. Et ce que je trouve remarquable dans le système américain, c'est de dire qu'il y a des gens qui sont remarquables parce qu'intellectuellement, c'est ses brillants, ça roule, mais en fait, il y a des gens qui sont remarquables. Il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont du charisme, il y a des gens qui sont remarquables parce que dans la difficulté ils portent le groupe, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont une générosité extrêmement forte, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils parlent et tout le monde les écoute. Et vous voyez, ça c'est pas assez valorisé. Et au fond, c'est pas seulement une question morale, c'est une question de la société dans laquelle nous allons. Elle a de plus en plus besoin de ces talents-là, pourquoi nous en priver ? Si vous écoutez les chefs d'entreprise dans le recrutement aujourd'hui, ils ne cherchent pas à avoir des grands cerveaux, de toute façon, chaque GPT sera toujours un plus grand cerveau que vous aujourd'hui. En fait, ce qu'ils cherchent, c'est des personnalités, c'est une capacité à incarner, c'est une capacité à générer des émotions, c'est une capacité à sortir du moule, c'est une capacité à mettre une bonne ambiance dans une équipe. Voyons, on passe beaucoup de temps au boulot quand même. Donc, pourquoi, alors même que toute la société... Qui était en train de basculer vers ça, l'école s'agrippe à ses maths, son français et son histoire géo, c'est un peu dommage.

  • Speaker #0

    Comment est enseigné aujourd'hui le sport dans l'école en France ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un sujet sur lequel on s'est beaucoup penché, notamment dans la première partie, cette rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu, qui est l'éducation physique et sportive, l'EPS. Chacun en a une expérience. dans sa scolarité et à mon avis, tout le monde en a eu une expérience mitigée.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, j'entends que c'est votre cas aussi.

  • Speaker #0

    Non, mais moi, j'ai évolué dans un parcours différent, mais de ce que j'ai entendu, c'est vrai que j'ai l'impression qu'il y a certains traumatismes parfois autour de cet enseignement de l'EPS.

  • Speaker #1

    Alors, il y a des choses excellentes dans l'EPS. D'abord, si vous interrogez les jeunes, c'est une de leurs matières favorites. Ensuite ils disent qu'ils en ont pas assez. Ensuite c'est souvent un moment où on va pouvoir se défouler, on va pouvoir faire du sport, on va pouvoir rigoler, on va pouvoir... Mais il y a cette dimension disciplinaire, comme si un peu le sport essayait de se déguiser en intellectuel. Comme si le sport essayait de ressembler au professeur de mathématiques. Parfois. En même temps, il y a des choses remarquables dans l'EPS. 50% des enseignants spécialisés dans l'école inclusive, c'est-à-dire en suivi des élèves en situation de handicap, sont des professeurs d'EPS. C'est intéressant ça. Ça dit bien que, alors même que l'école doit probablement être de plus en plus éducative, parmi les enseignants, les professeurs d'EPS sont probablement ceux qui ont pris le plus au sérieux leur mission éducative. Si vous dites à un professeur de mathématiques est-ce que toi tu es un éducateur ? Je ne suis pas sûr qu'il y en ait beaucoup qui vous disent oui avec le cœur. Ils vous diront Ah bah oui, je suis un éducateur parce que je n'arrive pas à faire le calme dans ma classe, mais du coup je ne fais pas de mathématiques. Et donc souvent les enseignants sont éducateurs malgré eux. Les enseignants de PS disent Mais oui, bien sûr, je suis un éducateur. Il y a des choses remarquables, vous voyez par exemple les jeunes plébiscites, la formation universitaire STAPS. STAPS, c'est un vivier d'éducateurs très intéressant. On les retrouve partout. On les retrouve en protection de l'enfance, on les retrouve dans les... au centre de loisirs, on les retrouve dans les éducations sportives, on les retrouve au concours de l'enseignement. Donc, vous voyez, si on fait un peu le bilan de tout ça, l'EPS, c'est super, c'est vraiment intéressant, et probablement qu'on n'a pas pris la mesure de tout ce que l'EPS peut apporter à l'école, mais quelque part, l'EPS, c'est un peu le sport dans la forme disciplinaire de l'école. Donc, si on voulait vraiment dire, au fait, le sport, ce n'est pas seulement un outil pour apprendre à jouer au volet, Mais c'est aussi un outil pour faire des mathématiques, apprendre à être avec les autres, apprendre à être à soi, présence à soi, présence à l'avenir. Si on veut vraiment dérouler le sport dans toute sa dimension éducative, je pense que ça implique d'aller plus loin que le PS. Ça implique de mobiliser le sport. pour les mathématiques, pour le français, pour l'enseignement moral et civique, pour l'enseignement à la sexualité. Par exemple, on se pose des questions de dingue sur l'enseignement moral et civique, alors on a tous des... enfin l'enseignement affectif et sexuel, et on voit des trucs un peu technicistes, apprendre un méta-préservatif à 12 ans, vous voyez que c'est pas forcément très agréable pour des jeunes. Donc, alors que dans le sport, dans l'activité physique, dans l'activité collective, le rapport à l'autre, le respect... Le respect de l'autre, le respect de la chasteté dans le rapport à l'autre, le respect de l'intégrité de l'autre, est quelque chose qui peut être beaucoup plus évident, beaucoup plus concret, beaucoup moins intellectuel. L'éducation à l'alimentation, vous voyez, dans le sport ça peut être très concret. On comprend très bien qu'un sportif doit bien s'alimenter pour réussir une course en montagne, une longue balade, ou ce que vous voulez. Donc, encore une fois, aujourd'hui l'école est en difficulté. dans ce qu'on appelle les apprentissages transversaux, notamment au collège, c'est-à-dire globalement, l'orientation, le parcours à venir, l'éducation à la santé, parmi lesquels alimentation, addiction, etc., l'enseignement moral et civique, et l'enseignement artistique et culturel. Est-ce que pour ces quatre parcours, les quatre parcours transversaux, que finalement on en parle tout le temps dans les médias, mais à l'école, vous ne voyez pas beaucoup, parce que l'école n'est pas armée pour le faire, est-ce que le sport pourrait pas être le vécu ? Le secteur privilégié de cet apprentissage. Est-ce que l'école ne doit pas pleinement assumer sa mission éducative, notamment en mobilisant davantage le sport ? Donc ça, ça veut dire, le PS, oui, c'est super, mais attention, parce que ce n'est pas toujours facile, et notamment l'absentéisme des filles au moment de la puberté à la piscine, l'absentéisme des garçons. Le PS peut parfois être une situation douloureuse pour des adolescents. Donc encore une fois, reprenons les choses. Si le but de tout ça, c'est remettre au cœur des apprentissages le corps de l'enfant, le corps de l'adolescent, à ce moment-là, l'EPS est un atout, mais il faut aller plus loin.

  • Speaker #0

    Oui, il faut aller plus loin. Et j'ai une question qui vient de me traverser l'esprit. On sait que l'éducation et l'école en France subissent une pénurie d'enseignants. Qu'en est-il pour les professeurs d'EPS ?

  • Speaker #1

    Alors c'est moins le cas, professeur d'EPS, notamment parce qu'il y a ce vivier d'enseignants en STAPS. En fait, STAPS est très plébiscité par les jeunes. C'est intéressant parce que c'est une formation très généraliste. Staps, où vous faites beaucoup sociologie, psychologie, etc. Et moi, je trouve très intéressant le succès des études Staps, et je trouve que ça ouvre beaucoup de perspectives en termes de conception, de cursus d'enseignement supérieur un peu concret, mais qui pour autant ne renonce pas à une certaine ambition intellectuelle et humaine. D'ailleurs, c'est intéressant, c'est souvent, en tout cas, il y a une partie de la communauté EPS qui est souvent très politisée. Alors, pour chacun ses idées, je ne suis pas convaincu qu'il y ait des bonnes et des mauvaises idées, mais ça dit en soi, quand même, qu'il y a une capacité à se mobiliser, une capacité à se vouloir acteur du monde, une capacité à embrasser des causes qui me dépassent, chez ces étudiants-là. Qu'à mon avis, on ne retrouve pas forcément chez les étudiants en sciences politiques ou les étudiants en droit. Pas parce que le droit aux sciences politiques, c'est mal, mais parce qu'en droit aux sciences politiques, vous êtes davantage convaincus qu'il faut adhérer à un moule, et surtout pas en dépasser pour avoir votre concours, rentrer à Sciences Po ou à l'ENA. Il y a une certaine forme de liberté, de générosité chez les étudiants en STAP, ce qui fait qu'il y a moins de difficultés, en tout cas dans le vivier d'enseignants. Maintenant, puisqu'on parle de sport... Reprenons ce qu'on a dit. Si on dit en fait, il faut remettre le corps en centre des apprentissages, si on dit il faut une dimension beaucoup plus transverse et beaucoup plus éducative à ce qui se passe à l'école, ça veut dire que probablement, aux côtés des enseignants, il faut plus d'éducateurs. Assumer cette dimension. Vous voyez, j'ai dit tout à l'heure, le professeur de mathématiques, il pourrait aussi apprendre à ses élèves un repère cartésien en jouant dans la cour, en traçant des lignes à la craie, en faisant une bataille navale. F5, c'est un repère cartésien. Toucher, couler. Et bien ça, vous n'êtes pas obligé de le faire avec des enseignants, vous pouvez le faire avec des animateurs, vous pouvez le faire avec des éducateurs sportifs. Donc, dans quelle mesure il faut libérer la question de l'école de la question de l'enseignement ? A l'école, on doit pouvoir avoir accès à des enseignements, mais on doit probablement avoir accès à d'autres choses. Si on veut mieux valoriser les performances sportives, les compétitions sportives, ça veut dire qu'on a besoin de... Plus d'éducateurs à l'école. Aujourd'hui, où sont les éducateurs à l'école ? Il y a des AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap. Il y a les AED, les surveillants sur les temps méridiens. Et il y a les auxiliaires éducatifs en maternelle. Plutôt que de faire des sigles incompréhensibles, des messages que personne ne comprend, pourquoi on ne regroupe pas tout ça et on crée un corps d'éducateur scolaire ? Aujourd'hui, si on prend tout ça, ça fait 250 000 personnes, c'est-à-dire le deuxième corps de l'éducation nationale en puissance. Pourquoi on ne crée pas un corps d'éducateur pour accompagner les enseignants dans les apprentissages pédagogiques, pour avoir une dimension théorique avec l'enseignant et une dimension pratique en mouvement, en sport, en jeu avec l'éducateur ? Pourquoi ce binôme enseignant-éducateur ? qui marche si bien en maternelle, pourquoi on ne le déploie pas jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire jusqu'en 3ème ? Est-ce que ça ne serait pas une belle façon d'ouvrir l'école sur l'extérieur, ouvrir l'école à d'autres types de pédagogie, pédagogie active, d'autres types de qualités, charisme, relation avec l'enfant, etc. Est-ce que ça ne permettrait pas aux enseignants justement de répondre à toutes leurs difficultés à l'heure actuelle, c'est-à-dire gestion des enfants en situation de handicap, gestion des décrocheurs, gestion des gamins qui ne tiennent pas en place sur leur siège, etc. Vous voyez, J'ai dit, on a pris la question du sport pour parler du corps, et derrière le corps, il y a la question de la place des éducateurs à l'école. Et ça, nous on y croit beaucoup, on focalise trop exclusivement la question éducative sur la question des enseignants, or ce dont les enfants ont besoin c'est davantage d'éducateurs. Ils ont besoin d'enseignants bien sûr, mais ils ont besoin d'éducateurs, et peut-être que les enseignants eux-mêmes ont besoin de pouvoir s'appuyer sur des adultes dans leur vie quotidienne. Peut-être que c'est... Aussi, une façon de revaloriser fondamentalement le métier d'enseignant, que de dire, quand tu es enseignant, tu encadres aussi un, deux, trois éducateurs.

  • Speaker #0

    Vous avez évoqué tout à l'heure la dynamique du sport et des jeunes en dehors de l'école. J'aimerais bien qu'on y revienne un petit peu, notamment ce qui se passe au niveau des clubs sportifs et ce que vous avez observé au niveau très local.

  • Speaker #1

    Alors c'est vrai qu'on a beaucoup parlé de l'école. Mais vous voyez, dans cette première partie où on parle de la rencontre, on dit que le sport n'a pas pleinement trouvé sa place à l'école, même s'il l'a trouvé en partie, on l'a dit, avec le PS. Mais réciproquement, en dehors de l'école, est-ce que le monde sportif a pris la mesure de ses responsabilités éducatives ? Et là, je voudrais revenir sur ce qu'il est convenu d'appeler le cas Mbappé. Oui, Kylian Mbappé, modèle extraordinaire, puis les grands sportifs sont quand même des gens hors du commun. Mais est-ce que la trajectoire, le succès de M. Mbappé ou de Tiger Woods ou des Sir Williams, est-ce que... on peut réellement prétendre que c'est un modèle éducatif pertinent pour l'ensemble des jeunes. Là, il y a quelque chose qui ne va pas, parce que si j'invite n'importe qui à aller dans un stade le dimanche, vous allez voir sur le côté des parents complètement fous, obsédés par la performance de leurs enfants. Quelque part, l'éducation a un peu laissé de côté le sport, mais peut-être que le sport a un peu laissé de côté l'éducation. Et que le sport est tellement convaincu de son bon droit, Le sport est tellement convaincu qu'il porte des vertus qu'il en oublie que s'il est entièrement tourné vers la performance, il n'est pas très éducatif. S'il est entièrement tourné vers la célébration de moi, de la force, il n'a rien d'éducatif au contraire et il ne fait que plonger les enfants dans le sentiment de si je suis fort, je suis aimé et si je ne suis pas fort, je ne serai pas aimé. Et là, il y a quelque chose de terrible. Et donc, de la même manière que l'école passe peut-être à côté du sport, Peut-être que le sport passe à côté de sa mission éducative, parfois. Peut-être que les clubs de foot, peut-être que... Vous voyez, je parle du foot parce qu'il y a un chiffre extraordinaire. En fait, si on regarde le dimanche, il y a 300 000 enfants sur les stades de football. C'est-à-dire que le sport, en fait, c'est le deuxième espace, enfin le troisième espace éducatif de France. Il y a la famille, il y a l'école, puis il y a le stade de football. Donc, si le sport est en fait le troisième espace éducatif de France,

  • Speaker #0

    Il y a des fédérations de football, on met de l'argent, il y a des associations dans lesquelles on subventionne, il y a des politiques publiques, etc. À ce moment-là, il faut que cette politique publique soit tournée résolument vers l'éducation. Plutôt que d'assommer les enseignants de mathématiques à leur demander de faire un enseignement moral et civique, peut-être que l'enseignement moral et civique serait plus pertinent dans un club de football, sur un terrain. Et sur le terrain, qu'est-ce qu'il y a d'intéressant ? C'est que vous allez pouvoir associer les parents. Et ça, c'est intéressant, parce qu'il y a des résultats très forts là-dessus. Notre système éducatif souffre du manque de lien que l'école a privatisé avec les parents, notamment pour les enfants issus du milieu populaire. Qu'est-ce qu'il y a de meilleur ? Je me souviens d'une discussion avec un prof de collège qui disait Moi, je vais essayer de faire venir les parents, le principal d'un collège, mais les parents qui viennent, c'est toujours les mêmes. C'est les parents CSP+, les profs n'en peuvent plus, c'est les parents débarques qui leur expliquent comment ils doivent faire cours, qu'ils n'ont rien compris, etc. Donc, l'horreur. Et à contrario, les parents dont j'aurais vraiment besoin, c'est-à-dire les enfants dont je vois bien qu'ils ne sont pas suivis dans leurs apprentissages, qui sont en absentéisme, etc. Parce que là, je n'arrive jamais à les faire venir. Et en fait, on le sait, c'est parce que ces parents, ils n'ont pas envie d'aller à l'école, ils ont peur d'être humiliés, ils n'étaient eux-mêmes souvent pas très bons à l'école. Et donc, je disais, mais c'est marrant, monsieur le principal, parce que vous n'arrivez pas à faire venir les parents. Moi, je sors d'une discussion avec l'association de jeunesse de la mairie du coin, qui est en fait à 100 mètres de chez vous. Et eux, ils font un barbecue tous les ans, il y a tous les parents. Donc, au fond, est-ce que le sport, ce n'est pas aussi un terrain privilégié pour nouer cette relation avec les parents ? Vous voyez, donc, si on fait un peu le bilan de tout ça, oui, le sport, c'est super, mais ce n'est pas forcément super. Ça peut être aussi des lieux de souffrance, des lieux de domination, des lieux où la performance écrase l'enfant à un moment où il essaie de se déployer. Et donc, ça veut dire que de la même façon que l'école peut mieux s'emparer du sport, le sport doit aussi mieux assumer sa mission éducative. Et vous voyez que dans mon... Une idée de binôme enseignant-éducateur, là il y a... Il y a une porte à pousser pour derrière faire le lien entre l'école et les clubs sportifs, faire le lien entre l'école et les associations. Et c'est grâce à l'entrée de ces éducateurs dans l'école, grâce à la relation de confiance qui va se tisser entre l'éducateur et l'enseignant, que cette alliance éducative aura lieu et vraiment lieu.

  • Speaker #1

    Et que ça répondra aussi à la trop grande sédentarisation des enfants, c'est un point aussi qui est important dans votre étude. Si vous voulez peut-être nous partager un chiffre ou un point là-dessus avant qu'on se sépare.

  • Speaker #0

    Un chiffre qui me paraît décisif, c'est qu'aujourd'hui en France, près de 20% des jeunes de 6 à 17 ans sont en surpoids. et près de 5% en situation d'obésité. Donc vous voyez, là on a parlé de rapport à soi, rapport aux autres, rapport à son corps, etc. C'est très concret. On a parlé d'éducation à l'alimentation, on a parlé de confiance en soi. Les situations de surpoids, les situations d'obésité chez l'enfant, elles relèvent de tout ça. Elles sont à la fois des souffrances physiques, elles sont aussi des souffrances psychiques. Et donc vous voyez que de ce point de vue là, laisser quelque part les enfants en situation d'échec dans leurs apprentissages, c'est aussi les livrer à l'enfant. des satisfactions dont ils ont besoin, qu'ils vont aller chercher ailleurs, dans le recours massif à des boissons sucrées, dans des comportements devant un écran de sédentarité qui sont dangereux pour eux et qui sont dangereux pour l'ensemble de la société. Donc on voit de ce point de vue-là que, encore une fois, parlons de santé, mais parlons de santé intégrale. Il n'y a pas d'un côté la santé du corps et de l'autre côté la santé de la tête. La question de l'obésité, elle est clairement... à la jonction de ces enjeux et ça invite encore une fois à se servir du sport comme d'une éducation à la présence, présence à soi, présence aux autres, présence à l'avenir. Et probablement que l'obésité, l'anorexie, ce sont des signes très forts d'une difficulté à rentrer dans cette présence.

  • Speaker #1

    Avant qu'on se quitte, j'aimerais bien que vous nous parliez de Vers le Haut et de ce qui vous a mené à cette nouvelle aventure avec l'éducation.

  • Speaker #0

    Alors, Vers le Haut, c'est à l'origine une initiative de grandes associations de la protection de l'enfance. La protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont placés en dehors de leur domicile parental par un juge, parce qu'il estime que les enfants sont en danger dans leur famille. Et donc ces grandes associations, elles sont sans cesse confrontées à la dimension humaine, au sens profond du terme de l'éducation, parce qu'on ne cesse de le dire, c'est dans la famille, dans la relation avec leurs parents, que les enfants... reçoivent l'essentiel, les attachements dont ils ont besoin pour se déployer dans leur vie. Et donc les enfants de la protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont blessés, précisément à l'endroit où ils devraient avoir leur plus grande force. Donc les éducateurs, les associations de la protection de l'enfance, elles sont confrontées à la dimension tragique, profonde. de l'éducation, et à la fois, il y a cette phrase des apprentis d'Auteuil qui dit un enfant c'est facile à blesser, c'est aussi facile à réparer à l'extraordinaire résilience de l'enfance. Et de ce point de vue-là, il y a dans l'éducation quelque chose qui relève de la confiance en l'avenir, de la confiance en soi, de la confiance dans les autres, qui est au fond une réponse très profonde, très pertinente à toutes les difficultés de notre société aujourd'hui. Au fond, moi j'aime dire, il n'y a pas de société qui ne soit pas éducative, il n'y a pas d'éducation qui ne soit pas un projet de société. Et au fond, c'est ça vers le haut. Vers le haut, c'est dire, arrêtez de parler du point d'indice, des programmes, de la dernière circulaire, de la dernière polémique, entre la gauche et la droite, entre les verts et les rouges, entre les progressistes et les conservateurs, entre les familles et les... On n'en peut plus de ça, en fait. On souffre de ça aujourd'hui. Sortons de ça, redonnons cette dimension civilisationnelle. pour le coup, à l'éducation comme processus de transmission et d'émancipation et de lien entre les différentes générations dont est ici notre humanité. C'est ça vers le haut et donc nous on s'emploie à travers nos études, à travers nos publications, à travers nos réseaux sociaux, à travers nos événements à remettre cette dimension humaine de l'éducation au cœur du débat.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce qui vous a mené vers cette aventure-là ?

  • Speaker #0

    Personnellement ? Moi en fait j'ai travaillé toute ma vie pour l'État. Alors ? dans les armées, j'étais sous-marinier. Dans un sous-marin, je peux vous dire que la dimension, le corps, c'est concret, très concret. Quand vous êtes cinq mois dans un sous-marin, quand vous sortez, quand vous retrouvez le soleil, quand vous supportez plus vos camarades, c'est très concret. Et le cerveau, il ne marche plus quand le corps ne marche plus. C'est un exemple un peu concret de cognition incarnée, comme on dit. Et puis, ensuite, j'ai quitté ça. Voilà. Je suis devenu administrateur de l'État et j'ai travaillé pour notamment l'éducation nationale où on m'a confié le projet de service national universel. Et j'ai trouvé ce projet passionnant parce que je trouvais qu'il était très au cœur de toutes les contradictions de l'école. La façon dont on veut se servir de l'école pour porter des projets politiques, elle dimensionne un peu dans le brigadement, soyons clairs. Et puis à la fois, la réalité des besoins des enfants qui sont aujourd'hui pas, on n'y répond pas. Croire que l'école peut tout, croire que tous les enfants sont faits pour être plus sains, ça n'a pas de sens. Et puis, si la seule façon de réussir à l'école, c'est d'avoir un bac plus 5, ben... On ne cesse de faire de la casse et c'est ce qu'on fait aujourd'hui en fait. Dans une société dans laquelle il y a de moins en moins de jeunes, de plus en plus de vieux, on continue à casser massivement les jeunes. Il y a un truc qui m'a paru à la fois révoltant et à la fois... ça va bouger, ça ne peut que bouger. Et donc, au sortir de ça, ça m'a un peu convaincu que les leviers pour faire bouger les choses n'étaient pas forcément aujourd'hui dans l'État. L'État est nécessaire, il y a besoin de donner un cadre, etc. Mais peut-être qu'aujourd'hui le sujet c'est moins... de le cadre que de redonner confiance et liberté aux personnes. Et ça, je pense que ça passe beaucoup par l'initiative associative, la responsabilité individuelle, la générosité des personnes. Et donc, moi, je pense qu'il y a un temps devant nous qui est un temps pour les personnes. peut-être un peu de désordre, peut-être un peu d'anarchie, peut-être qu'on en a besoin. Et peut-être que ça revivira nos institutions et peut-être que ça nous permettra de réenvisager l'avenir à nouveaux frais. Mais aujourd'hui, il faut sortir de ces cadres qui sont un peu étriqués et qui sont devenus une partie du problème. Donc c'est pour ça que j'ai rejoint Vers le Haut. Et voilà, je m'en régale.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume. J'ai une dernière question qui est ma question rituelle du podcast. Vous le savez, il s'appelle Les adultes de demain Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    de croire en l'avenir, tout simplement.

  • Speaker #1

    Super. Eh bien, merci beaucoup. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. Ils laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

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✍️NOUVEAU : je lance un sondage pour mieux vous connaitre, aidez-moi à collecter le plus grand nombre de réponses : https://pnhxjl7nzh2.typeform.com/to/maw8xoC8


Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l’éducation Vers le Haut, nous parle aujourd’hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée “Le sport, terrain d’éducation” nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l’éducation. L’un des enseignements importants que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport.


Lien de l'étude :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l'éducation vers le haut, nous parle aujourd'hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée Le sport, terrain d'éducation nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France, mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l'éducation. L'un des enseignements fondamentaux que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Guillaume.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Je vous retrouve aujourd'hui dans les bureaux de Vers-le-Haut, le think tank de l'éducation en France. Alors vous êtes son délégué général et vous avez une certaine histoire dans l'éducation, on y reviendra, puisque vous avez travaillé au ministère de l'éducation nationale. Je vous retrouve aujourd'hui dans le cadre de l'arrivée imminente des Jeux Olympiques. Vous avez notamment préparé avec Vers le Haut une étude pour mieux comprendre comment la pratique sportive s'articule-t-elle à l'école en France aujourd'hui. Alors en dehors de l'activité importante sportive qui va nous occuper cet été en France, pourquoi avoir décidé de dédier une étude à ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors évidemment il y a une actualité. L'actualité c'est les JO, l'actualité c'est cet événement. sociale, large, qui mobilise l'ensemble de la société, dans laquelle la France joue une partie du regard que le monde porte sur elle et de la façon dont elle a envie d'apparaître au monde. Et quelque part, cette façon dont la France a envie d'être au monde, au fond, est-ce qu'on ne se pose pas tous la même question ? Et est-ce que, puisqu'on parle beaucoup du collège en ce moment, notamment au travers des questions du harcèlement, au travers des questions de laïcité, au travers des questions de violence, est-ce que finalement, ce que vivent les adolescents, ce n'est pas exactement... Ce que vit la France au moment où elle prépare ses Jeux Olympiques. Et du coup, au fond, notre intuition, c'était de dire, puisque l'actualité porte son regard, porte sa lumière sur le sport, est-ce que ce n'est pas le bon moment pour se dire, mais au fond, à quoi ça sert le sport ? Qu'est-ce qui se joue dans le sport ? Et est-ce que ce n'est pas précisément cette capacité d'être au monde en tant que corps, plus qu'en tant qu'esprit, qui du point de vue éducatif, est intéressante dans les pratiques sportives ?

  • Speaker #0

    Et votre étude est absolument passionnante. Est-ce que vous pouvez nous partager les principaux constats, que vous avez fait ?

  • Speaker #1

    Alors on articule cette étude en trois grands temps. Le premier temps, c'est celui du constat que la rencontre entre le sport et l'éducation, qui paraît évidente pour tout le monde, c'est-à-dire qu'on vous parlait n'importe où, vous dites à le sport comme vecteur éducatif, ah mais bien sûr c'est super le sport, ça donne confiance en soi, on fait des choses ensemble, en fait tout le monde pense que le sport a des vertus éducatives. Et en fait quand on rentre un peu dans le sujet, on se rend compte que cette rencontre... La rencontre que tout le monde considère comme évidente n'a pas vraiment eu lieu. Elle n'a pas eu lieu... à l'école, elle n'a pas eu lieu en dehors de l'école, et plus globalement, elle interroge un peu sur les vertus supposées du sport et la réalité. Donc ça c'est un peu le premier grand temps de notre étude, c'est une rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu. Le deuxième temps de notre étude, c'est d'aller, comme l'ensemble des travaux de Verluo le fait à chaque cycle d'études, à la rencontre des initiatives qui sont menées sur le terrain. Et là on se rend compte que cette rencontre, localement, elle a lieu. Et elle a lieu, mais dans des... Dans des endroits éducatifs, dans des thèmes très spécifiques, elle a lieu beaucoup pour la remédiation, elle a lieu parce que le sport est véritablement utilisé comme outil éducatif pour les jeunes en difficulté, elle a lieu pour le collectif, on sait que c'est un peu une difficulté de notre école aujourd'hui de faire ce collectif, d'apprendre aux jeunes, d'avoir cette ambition éducative comme apprentissage de la cohésion. ...opération, et elle a lieu... plus ou moins comme outil pour faire se parler entre eux les différents éducateurs autour de l'enfant. On sait que c'est un enjeu déterminant et donc on se rend compte qu'il y a trois que localement cette rencontre a lieu. Donc vous voyez, j'aime bien cette image chimique qui dit il y a une précipitation, il y a une réaction chimique qui se fait localement, qu'est-ce qui manque pour que cette réaction, vous voyez un peu comme quand vous faites votre vinaigrette, pour qu'elle se propage. Et donc c'est l'objet de notre troisième partie qui dit finalement cette rencontre n'a pas a vraiment eu lieu, mais localement elle a lieu, est-ce qu'aujourd'hui il n'y a pas des ingrédients intéressants qui montrent que les conditions de température et de pression, si vous permettez cette expression, ont changé et laissent envisager une rencontre à nouveaux frais ? Et notamment, elles laissent envisager cette rencontre à nouveaux frais sous l'angle du corps. Vous voyez, j'en ai parlé dans notre introduction. Est-ce que fondamentalement, à un moment où on parle beaucoup d'intelligence artificielle, on remet en cause beaucoup de choses ? Le rapport au savoir, le rapport aux connaissances, alors c'est très à la mode de dire savoir-être, savoir-faire, etc. Est-ce que fondamentalement, la révolution éducative en cours consiste pas à remettre le corps, et notamment le corps des enfants, et notamment le corps des adolescents, parce que on sait que c'est un passage complexe, le changement du corps, au cœur de notre processus d'apprentissage ? Et ça c'est un peu ce troisième temps sur lequel j'espère qu'on pourra revenir.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que cela veut dire concrètement, faire du corps le cœur ? de l'éducation ?

  • Speaker #1

    Alors sous différents angles. Le premier c'est évidemment celui du bien-être. De plus en plus la question du bien-être, la question de la confiance, la question notamment au travers des questions de souffrance psychique, notamment en sortie du Covid, la question du bien-être devient centrale à l'école. Or l'école est probablement mal armée pour appréhender ces enjeux. On sait que la crise sanitaire a placé quelque part l'ensemble du système éducatif face à une situation d'absurde. Comment on sort de situations d'absurde ? Est-ce qu'on en sort par des cours ? Est-ce qu'on en sort par une doctrine ? Est-ce qu'on en sort par des concepts ? Est-ce qu'on en sort par du discours ? Ou est-ce qu'on en sort par un supplément de relation ? Et un supplément de relation, ça ne veut pas dire, encore une fois, un discours. Pour qui paraît, notamment pour beaucoup de jeunes tournés à vide, ça veut dire une présence, une présence à soi, évidemment. On sait que c'est une dimension très importante du développement de l'intériorité chez les jeunes, présence à soi, notamment au moment des réseaux sociaux. Et le classement PISA, par exemple, très concrètement, il dit que les jeunes français sont parmi les plus perturbés dans leurs apprentissages par le téléphone portable. Donc ça, ça dit que nos jeunes, nos enfants, dans leurs apprentissages, dans leurs... Le développement personnel, en fait, ils sont sans cesse perturbés. Donc en fait, ils ont très peu ce temps de retour à eux-mêmes. Premièrement, présence à soi. Présence aux autres ensuite. Je demande à n'importe qui de faire l'expérience. Monter dans un bus, rentrer dans un métro, et puis lever les yeux. Vous allez voir tout le monde dans sa bulle, sur son téléphone portable, en train de scroller. Des chats, c'est souvent ça. Et puis personne ne se parle, vous voyez. On ne se croise pas, on ne croise pas le regard, on ne se sourit pas, on ne partage pas des petites expériences qui sont en fait le sel de notre vie en société. Donc peut-être qu'un sujet que face notamment à l'irruption massive des technologies numériques dans nos vies, peut-être qu'un sujet fondamental de l'éducation, c'est de remettre au centre la... Présence à soi, la présence aux autres. Et puis troisième sujet qu'on a choisi d'aborder notamment dans le cadre d'un baromètre, une étude quantitative qu'on fait tous les ans, c'est le rapport à l'avenir. Et là il y a aussi un enjeu de présence et un enjeu de mobilisation du corps. Pourquoi tout d'un coup, depuis deux ans, on a un doublement des tentatives de suicide entre 18 et 24 ans ? Pourquoi ça concerne deux fois plus les filles que les garçons ? Là il y a des questions qu'on ne va pas assez chercher. Et bien... Notre conviction, c'est que les jeunes sont en grande difficulté dans leur rapport à eux-mêmes, aux autres et à l'avenir. Et ça, ça passe par répondre à ces trois questions, ça passe par le corps. Ça passe par remettre au cœur de l'expérience éducative la présence concrète, charnelle. Et alors, vous voyez, là j'ai parlé de bien-être, mais en fait, on pourrait un peu opposer la dimension apprentissage, académique et bien-être. Et en fait, qu'est-ce que nous apprennent les sciences ? Les sciences de l'éducation et les sciences cognitives. C'est qu'en fait, il n'y a pas les enfants intelligents et les enfants pas intelligents. On mobilise dans ces apprentissages, dans la réussite des apprentissages, des capacités qu'on appelle métacognitives, au sens où elles sont précognitives, au sens où elles sont avant les apprentissages, ce sont les capacités qui permettent d'apprendre. Je suis capable de donner du sens à ce que je fais. J'ai confiance en moi. Ça nourrit ma motivation. Je sais que je peux dépasser mes difficultés. Et je le fais avec des gens que j'aime. J'aime bien cette phrase qui dit Les jeunes aiment ce qu'aiment les gens qu'ils aiment. C'est ce fameux rôle central de l'exemplarité, du rôle modèle dans l'éducation. Et bien ça, si on se dit, en fait, ce qui est clé, finalement, notre école est très inégalitaire parce que, du point de vue de ses capacités métacognitives, en fait, il y a les jeunes qui les acquièrent dans leur cercle familial, il y a les jeunes qui ne les acquièrent pas, On raconte des histoires et qui rentrent facilement dans la lecture. Il y a les jeunes à qui on ne raconte pas d'histoire et qui n'y arrivent pas. Il y a les jeunes qui peuvent compter sur leur famille en cas de difficulté et ils y arrivent. Il y a les jeunes qui ne peuvent pas compter sur leur famille en cas de difficulté et ceux-là, ils n'y arrivent pas. Alors, quelque part, il y a quelque chose d'un peu désespérant qui dit, en fait, tous jouent à la famille, tous jouent avant 3 ans, tous jouent avant 10 ans, tous jouent avant HEC, et puis si vous n'avez pas HEC, votre vie est foutue. Et ça, ce n'est pas un message d'espérance, ce n'est pas très porteur pour les jeunes. Et donc, quelque part, en disant, en remettant le corps au centre, Là, on peut remobiliser. Et en fait, on y arrive. On y arrive pour les jeunes de 15-16 ans en grande difficulté à l'école. On leur redonne confiance en nous à travers le sport. Pourquoi attendre 15-16 ans et la perte de confiance en soi pour le faire ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez des exemples d'autres pays ? Qui ont expérimenté cette nouvelle manière d'accompagner les enfants dans leur éducation à l'école à travers le corps ?

  • Speaker #1

    Je vous dirais qu'il y a un pays évident, c'est les Etats-Unis. On dit beaucoup de mal des Etats-Unis, souvent en France on aime bien critiquer les Etats-Unis. Mais qui d'entre nous n'est pas admiratif de cette place que le sport a chez les Américains ? de la façon dont le capitaine de l'équipe de football, la nageuse, l'équipe de volet dès le collège, en fait, ils sont extrêmement valorisés, à l'école mais aussi en dehors. Cette capacité qu'ont les Américains dans des petites communautés de mettre un peu au cœur le dépassement individuel, mais aussi le dépassement collectif, la capacité de faire équipe. Moi, je trouve que parfois les Américains sont un peu naïfs. Et... enfantin de ce point de vue là et c'est vrai que nous on a un regard un peu plus complexe sur la vie les choses etc mais peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à être simple peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à dire bah être courageux c'est bien être loyal c'est bien être honnête c'est bien fuir ses responsabilités c'est pas terrible Garder les choses pour soi pas se tourner vers l'autre c'est pas terrible et au fond c'est peut-être ça qui explique une bonne partie du succès des films américains depuis toujours c'est qu'il y a cette dimension Morale très incarnée. Le héros, il tombe, il tape le fond, et puis il en tape le fond. En fait, il change en tapant le fond, il devient un autre homme et il va gagner. Alors, il y a quelque d'un peu naïf et peut-être un peu bené, mais il y a quelque chose dont nos enfants ont probablement besoin. Surtout dans une société où tout est gris, tout est flou, Covid, mes parents disent qu'il ne faut pas de portable, mais ils passent leur vie sur leur propre portable. Vous voyez ? Donc, moi, je dirais les Etats-Unis. Vraiment les Etats-Unis. Alors, il y a plein de C'est ce qu'on n'aime pas aux Etats-Unis. On ne veut pas importer le port d'armes, on ne veut pas importer plein de choses. Mais ce rapport au corps, ce rapport au sport, alors pas trop, il y a aussi un rapport à la performance, à l'ultra-performance, sky is the limit, vous voyez, sky is the limit, ça se discute. Mais le sujet, ce n'est pas tellement sky is the limit que de remettre les enfants en situation de réussite. Et les enfants, ils ont besoin de sentir, de faire grandir en eux cette confiance. Ils ont besoin de... Vous voyez cette expression, j'aime bien cette expression, il dit t'as la confiance, oh il a la confiance. Alors on veut pas qu'il y ait trop de confiance, parce que c'est un peu désagréable, les gens ont un peu trop la confiance. Mais quelque part c'est ça dont nos jeunes ont besoin, ils ont besoin de prendre confiance en eux, d'avoir la confiance. Vous voyez la confiance qui fait que quand vous allez dans une soirée et que vous êtes capable de rentrer sur la piste de danse et d'aller vous adresser à quelqu'un que vous connaissez pas, ça c'est clé. Tout le monde a fait cette expérience. Je suis pas très à l'aise, qu'est-ce que je fais ? Je sors une cigarette. Pourquoi je sors une cigarette ? Parce qu'en fait, je mobilise mon corps, c'est dans mon corps, dans la posture, dans la gestuelle, je sors une cigarette, ça me donne confiance en moi. Et bien, il y a des manières plus simples, plus saines, plus belles de construire cette confiance. Et ça passe par... Cessez de considérer que le corps est un outil en vue d'autre chose. Le corps c'est une surface d'apprentissage et remobilisons-la en tant que telle.

  • Speaker #0

    D'ailleurs ce qui me fascine aux Etats-Unis, c'est dans les trajectoires des études supérieures. Il n'est pas rare de voir certains jeunes suivre trois années très sportives dans les universités et après par exemple aller faire des masters qui seraient moins autour du corps. Et au contraire c'est très bien vu, je pense même dans les entretiens qu'ils font. Après, pour entrer dans la vie professionnelle, c'est vrai qu'en France, c'est un peu moins admis. Et je ne sais pas si vous êtes intéressé d'ailleurs au cas des sports-études en France.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors, les sports-études, ça a beaucoup évolué. Notamment parce que, au fond, ce qui est compliqué pour l'école, c'est que l'école vit... L'élévation intellectuelle comme l'alpha et l'oméga de l'éducation. Alors, c'est pas tout à fait vrai, c'est pas vrai de tout le monde, c'est pas vrai des profs de PS, c'est pas vrai de plein de gens, mais globalement, soyons clairs, notre école, elle valorise l'intellectuel qui dit pas grand chose, qui rase les murs, et puis, vous voyez, j'ai un... quelqu'un qui disait en rigolant, c'est pas compliqué en France, vous baladez dans une cour de récréation d'un collège, vous prenez tous les garçons qui rasent les murs, vous en faites les patrons du CAC 40. C'est pas étonnant qu'on ait des petites difficultés relationnelles après, hein ? Donc, il y a au milieu de cette cour de récréation, La création des garçons et des filles, d'ailleurs l'occupation de la cour de récréation est un vrai sujet, notamment du point de vue de l'égalité entre les garçons et les filles. Mais il y a plein à l'école de talents, il y avait un groupe de rap à une époque qui disait Peuplé d'artistes et de sportifs de haut niveau Est-ce que notre système éducatif valorise assez ce peuple d'artistes et de sportifs de haut niveau ? Peut-être qu'au fond, nos entreprises, notre économie, notre système politique, Cette fameuse façon qu'on a de vouloir briller au monde, peut-être qu'elle gagnerait beaucoup à s'appuyer sur ces artistes et sportifs de haut niveau plutôt que de sortir en batterie des polytechniciens, des ENA, des HEC, une petite élite assez fermée, assez homogène dans ses qualités. Il en faut, mais il ne faut pas que ça. Et ce que je trouve remarquable dans le système américain, c'est de dire qu'il y a des gens qui sont remarquables parce qu'intellectuellement, c'est ses brillants, ça roule, mais en fait, il y a des gens qui sont remarquables. Il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont du charisme, il y a des gens qui sont remarquables parce que dans la difficulté ils portent le groupe, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont une générosité extrêmement forte, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils parlent et tout le monde les écoute. Et vous voyez, ça c'est pas assez valorisé. Et au fond, c'est pas seulement une question morale, c'est une question de la société dans laquelle nous allons. Elle a de plus en plus besoin de ces talents-là, pourquoi nous en priver ? Si vous écoutez les chefs d'entreprise dans le recrutement aujourd'hui, ils ne cherchent pas à avoir des grands cerveaux, de toute façon, chaque GPT sera toujours un plus grand cerveau que vous aujourd'hui. En fait, ce qu'ils cherchent, c'est des personnalités, c'est une capacité à incarner, c'est une capacité à générer des émotions, c'est une capacité à sortir du moule, c'est une capacité à mettre une bonne ambiance dans une équipe. Voyons, on passe beaucoup de temps au boulot quand même. Donc, pourquoi, alors même que toute la société... Qui était en train de basculer vers ça, l'école s'agrippe à ses maths, son français et son histoire géo, c'est un peu dommage.

  • Speaker #0

    Comment est enseigné aujourd'hui le sport dans l'école en France ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un sujet sur lequel on s'est beaucoup penché, notamment dans la première partie, cette rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu, qui est l'éducation physique et sportive, l'EPS. Chacun en a une expérience. dans sa scolarité et à mon avis, tout le monde en a eu une expérience mitigée.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, j'entends que c'est votre cas aussi.

  • Speaker #0

    Non, mais moi, j'ai évolué dans un parcours différent, mais de ce que j'ai entendu, c'est vrai que j'ai l'impression qu'il y a certains traumatismes parfois autour de cet enseignement de l'EPS.

  • Speaker #1

    Alors, il y a des choses excellentes dans l'EPS. D'abord, si vous interrogez les jeunes, c'est une de leurs matières favorites. Ensuite ils disent qu'ils en ont pas assez. Ensuite c'est souvent un moment où on va pouvoir se défouler, on va pouvoir faire du sport, on va pouvoir rigoler, on va pouvoir... Mais il y a cette dimension disciplinaire, comme si un peu le sport essayait de se déguiser en intellectuel. Comme si le sport essayait de ressembler au professeur de mathématiques. Parfois. En même temps, il y a des choses remarquables dans l'EPS. 50% des enseignants spécialisés dans l'école inclusive, c'est-à-dire en suivi des élèves en situation de handicap, sont des professeurs d'EPS. C'est intéressant ça. Ça dit bien que, alors même que l'école doit probablement être de plus en plus éducative, parmi les enseignants, les professeurs d'EPS sont probablement ceux qui ont pris le plus au sérieux leur mission éducative. Si vous dites à un professeur de mathématiques est-ce que toi tu es un éducateur ? Je ne suis pas sûr qu'il y en ait beaucoup qui vous disent oui avec le cœur. Ils vous diront Ah bah oui, je suis un éducateur parce que je n'arrive pas à faire le calme dans ma classe, mais du coup je ne fais pas de mathématiques. Et donc souvent les enseignants sont éducateurs malgré eux. Les enseignants de PS disent Mais oui, bien sûr, je suis un éducateur. Il y a des choses remarquables, vous voyez par exemple les jeunes plébiscites, la formation universitaire STAPS. STAPS, c'est un vivier d'éducateurs très intéressant. On les retrouve partout. On les retrouve en protection de l'enfance, on les retrouve dans les... au centre de loisirs, on les retrouve dans les éducations sportives, on les retrouve au concours de l'enseignement. Donc, vous voyez, si on fait un peu le bilan de tout ça, l'EPS, c'est super, c'est vraiment intéressant, et probablement qu'on n'a pas pris la mesure de tout ce que l'EPS peut apporter à l'école, mais quelque part, l'EPS, c'est un peu le sport dans la forme disciplinaire de l'école. Donc, si on voulait vraiment dire, au fait, le sport, ce n'est pas seulement un outil pour apprendre à jouer au volet, Mais c'est aussi un outil pour faire des mathématiques, apprendre à être avec les autres, apprendre à être à soi, présence à soi, présence à l'avenir. Si on veut vraiment dérouler le sport dans toute sa dimension éducative, je pense que ça implique d'aller plus loin que le PS. Ça implique de mobiliser le sport. pour les mathématiques, pour le français, pour l'enseignement moral et civique, pour l'enseignement à la sexualité. Par exemple, on se pose des questions de dingue sur l'enseignement moral et civique, alors on a tous des... enfin l'enseignement affectif et sexuel, et on voit des trucs un peu technicistes, apprendre un méta-préservatif à 12 ans, vous voyez que c'est pas forcément très agréable pour des jeunes. Donc, alors que dans le sport, dans l'activité physique, dans l'activité collective, le rapport à l'autre, le respect... Le respect de l'autre, le respect de la chasteté dans le rapport à l'autre, le respect de l'intégrité de l'autre, est quelque chose qui peut être beaucoup plus évident, beaucoup plus concret, beaucoup moins intellectuel. L'éducation à l'alimentation, vous voyez, dans le sport ça peut être très concret. On comprend très bien qu'un sportif doit bien s'alimenter pour réussir une course en montagne, une longue balade, ou ce que vous voulez. Donc, encore une fois, aujourd'hui l'école est en difficulté. dans ce qu'on appelle les apprentissages transversaux, notamment au collège, c'est-à-dire globalement, l'orientation, le parcours à venir, l'éducation à la santé, parmi lesquels alimentation, addiction, etc., l'enseignement moral et civique, et l'enseignement artistique et culturel. Est-ce que pour ces quatre parcours, les quatre parcours transversaux, que finalement on en parle tout le temps dans les médias, mais à l'école, vous ne voyez pas beaucoup, parce que l'école n'est pas armée pour le faire, est-ce que le sport pourrait pas être le vécu ? Le secteur privilégié de cet apprentissage. Est-ce que l'école ne doit pas pleinement assumer sa mission éducative, notamment en mobilisant davantage le sport ? Donc ça, ça veut dire, le PS, oui, c'est super, mais attention, parce que ce n'est pas toujours facile, et notamment l'absentéisme des filles au moment de la puberté à la piscine, l'absentéisme des garçons. Le PS peut parfois être une situation douloureuse pour des adolescents. Donc encore une fois, reprenons les choses. Si le but de tout ça, c'est remettre au cœur des apprentissages le corps de l'enfant, le corps de l'adolescent, à ce moment-là, l'EPS est un atout, mais il faut aller plus loin.

  • Speaker #0

    Oui, il faut aller plus loin. Et j'ai une question qui vient de me traverser l'esprit. On sait que l'éducation et l'école en France subissent une pénurie d'enseignants. Qu'en est-il pour les professeurs d'EPS ?

  • Speaker #1

    Alors c'est moins le cas, professeur d'EPS, notamment parce qu'il y a ce vivier d'enseignants en STAPS. En fait, STAPS est très plébiscité par les jeunes. C'est intéressant parce que c'est une formation très généraliste. Staps, où vous faites beaucoup sociologie, psychologie, etc. Et moi, je trouve très intéressant le succès des études Staps, et je trouve que ça ouvre beaucoup de perspectives en termes de conception, de cursus d'enseignement supérieur un peu concret, mais qui pour autant ne renonce pas à une certaine ambition intellectuelle et humaine. D'ailleurs, c'est intéressant, c'est souvent, en tout cas, il y a une partie de la communauté EPS qui est souvent très politisée. Alors, pour chacun ses idées, je ne suis pas convaincu qu'il y ait des bonnes et des mauvaises idées, mais ça dit en soi, quand même, qu'il y a une capacité à se mobiliser, une capacité à se vouloir acteur du monde, une capacité à embrasser des causes qui me dépassent, chez ces étudiants-là. Qu'à mon avis, on ne retrouve pas forcément chez les étudiants en sciences politiques ou les étudiants en droit. Pas parce que le droit aux sciences politiques, c'est mal, mais parce qu'en droit aux sciences politiques, vous êtes davantage convaincus qu'il faut adhérer à un moule, et surtout pas en dépasser pour avoir votre concours, rentrer à Sciences Po ou à l'ENA. Il y a une certaine forme de liberté, de générosité chez les étudiants en STAP, ce qui fait qu'il y a moins de difficultés, en tout cas dans le vivier d'enseignants. Maintenant, puisqu'on parle de sport... Reprenons ce qu'on a dit. Si on dit en fait, il faut remettre le corps en centre des apprentissages, si on dit il faut une dimension beaucoup plus transverse et beaucoup plus éducative à ce qui se passe à l'école, ça veut dire que probablement, aux côtés des enseignants, il faut plus d'éducateurs. Assumer cette dimension. Vous voyez, j'ai dit tout à l'heure, le professeur de mathématiques, il pourrait aussi apprendre à ses élèves un repère cartésien en jouant dans la cour, en traçant des lignes à la craie, en faisant une bataille navale. F5, c'est un repère cartésien. Toucher, couler. Et bien ça, vous n'êtes pas obligé de le faire avec des enseignants, vous pouvez le faire avec des animateurs, vous pouvez le faire avec des éducateurs sportifs. Donc, dans quelle mesure il faut libérer la question de l'école de la question de l'enseignement ? A l'école, on doit pouvoir avoir accès à des enseignements, mais on doit probablement avoir accès à d'autres choses. Si on veut mieux valoriser les performances sportives, les compétitions sportives, ça veut dire qu'on a besoin de... Plus d'éducateurs à l'école. Aujourd'hui, où sont les éducateurs à l'école ? Il y a des AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap. Il y a les AED, les surveillants sur les temps méridiens. Et il y a les auxiliaires éducatifs en maternelle. Plutôt que de faire des sigles incompréhensibles, des messages que personne ne comprend, pourquoi on ne regroupe pas tout ça et on crée un corps d'éducateur scolaire ? Aujourd'hui, si on prend tout ça, ça fait 250 000 personnes, c'est-à-dire le deuxième corps de l'éducation nationale en puissance. Pourquoi on ne crée pas un corps d'éducateur pour accompagner les enseignants dans les apprentissages pédagogiques, pour avoir une dimension théorique avec l'enseignant et une dimension pratique en mouvement, en sport, en jeu avec l'éducateur ? Pourquoi ce binôme enseignant-éducateur ? qui marche si bien en maternelle, pourquoi on ne le déploie pas jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire jusqu'en 3ème ? Est-ce que ça ne serait pas une belle façon d'ouvrir l'école sur l'extérieur, ouvrir l'école à d'autres types de pédagogie, pédagogie active, d'autres types de qualités, charisme, relation avec l'enfant, etc. Est-ce que ça ne permettrait pas aux enseignants justement de répondre à toutes leurs difficultés à l'heure actuelle, c'est-à-dire gestion des enfants en situation de handicap, gestion des décrocheurs, gestion des gamins qui ne tiennent pas en place sur leur siège, etc. Vous voyez, J'ai dit, on a pris la question du sport pour parler du corps, et derrière le corps, il y a la question de la place des éducateurs à l'école. Et ça, nous on y croit beaucoup, on focalise trop exclusivement la question éducative sur la question des enseignants, or ce dont les enfants ont besoin c'est davantage d'éducateurs. Ils ont besoin d'enseignants bien sûr, mais ils ont besoin d'éducateurs, et peut-être que les enseignants eux-mêmes ont besoin de pouvoir s'appuyer sur des adultes dans leur vie quotidienne. Peut-être que c'est... Aussi, une façon de revaloriser fondamentalement le métier d'enseignant, que de dire, quand tu es enseignant, tu encadres aussi un, deux, trois éducateurs.

  • Speaker #0

    Vous avez évoqué tout à l'heure la dynamique du sport et des jeunes en dehors de l'école. J'aimerais bien qu'on y revienne un petit peu, notamment ce qui se passe au niveau des clubs sportifs et ce que vous avez observé au niveau très local.

  • Speaker #1

    Alors c'est vrai qu'on a beaucoup parlé de l'école. Mais vous voyez, dans cette première partie où on parle de la rencontre, on dit que le sport n'a pas pleinement trouvé sa place à l'école, même s'il l'a trouvé en partie, on l'a dit, avec le PS. Mais réciproquement, en dehors de l'école, est-ce que le monde sportif a pris la mesure de ses responsabilités éducatives ? Et là, je voudrais revenir sur ce qu'il est convenu d'appeler le cas Mbappé. Oui, Kylian Mbappé, modèle extraordinaire, puis les grands sportifs sont quand même des gens hors du commun. Mais est-ce que la trajectoire, le succès de M. Mbappé ou de Tiger Woods ou des Sir Williams, est-ce que... on peut réellement prétendre que c'est un modèle éducatif pertinent pour l'ensemble des jeunes. Là, il y a quelque chose qui ne va pas, parce que si j'invite n'importe qui à aller dans un stade le dimanche, vous allez voir sur le côté des parents complètement fous, obsédés par la performance de leurs enfants. Quelque part, l'éducation a un peu laissé de côté le sport, mais peut-être que le sport a un peu laissé de côté l'éducation. Et que le sport est tellement convaincu de son bon droit, Le sport est tellement convaincu qu'il porte des vertus qu'il en oublie que s'il est entièrement tourné vers la performance, il n'est pas très éducatif. S'il est entièrement tourné vers la célébration de moi, de la force, il n'a rien d'éducatif au contraire et il ne fait que plonger les enfants dans le sentiment de si je suis fort, je suis aimé et si je ne suis pas fort, je ne serai pas aimé. Et là, il y a quelque chose de terrible. Et donc, de la même manière que l'école passe peut-être à côté du sport, Peut-être que le sport passe à côté de sa mission éducative, parfois. Peut-être que les clubs de foot, peut-être que... Vous voyez, je parle du foot parce qu'il y a un chiffre extraordinaire. En fait, si on regarde le dimanche, il y a 300 000 enfants sur les stades de football. C'est-à-dire que le sport, en fait, c'est le deuxième espace, enfin le troisième espace éducatif de France. Il y a la famille, il y a l'école, puis il y a le stade de football. Donc, si le sport est en fait le troisième espace éducatif de France,

  • Speaker #0

    Il y a des fédérations de football, on met de l'argent, il y a des associations dans lesquelles on subventionne, il y a des politiques publiques, etc. À ce moment-là, il faut que cette politique publique soit tournée résolument vers l'éducation. Plutôt que d'assommer les enseignants de mathématiques à leur demander de faire un enseignement moral et civique, peut-être que l'enseignement moral et civique serait plus pertinent dans un club de football, sur un terrain. Et sur le terrain, qu'est-ce qu'il y a d'intéressant ? C'est que vous allez pouvoir associer les parents. Et ça, c'est intéressant, parce qu'il y a des résultats très forts là-dessus. Notre système éducatif souffre du manque de lien que l'école a privatisé avec les parents, notamment pour les enfants issus du milieu populaire. Qu'est-ce qu'il y a de meilleur ? Je me souviens d'une discussion avec un prof de collège qui disait Moi, je vais essayer de faire venir les parents, le principal d'un collège, mais les parents qui viennent, c'est toujours les mêmes. C'est les parents CSP+, les profs n'en peuvent plus, c'est les parents débarques qui leur expliquent comment ils doivent faire cours, qu'ils n'ont rien compris, etc. Donc, l'horreur. Et à contrario, les parents dont j'aurais vraiment besoin, c'est-à-dire les enfants dont je vois bien qu'ils ne sont pas suivis dans leurs apprentissages, qui sont en absentéisme, etc. Parce que là, je n'arrive jamais à les faire venir. Et en fait, on le sait, c'est parce que ces parents, ils n'ont pas envie d'aller à l'école, ils ont peur d'être humiliés, ils n'étaient eux-mêmes souvent pas très bons à l'école. Et donc, je disais, mais c'est marrant, monsieur le principal, parce que vous n'arrivez pas à faire venir les parents. Moi, je sors d'une discussion avec l'association de jeunesse de la mairie du coin, qui est en fait à 100 mètres de chez vous. Et eux, ils font un barbecue tous les ans, il y a tous les parents. Donc, au fond, est-ce que le sport, ce n'est pas aussi un terrain privilégié pour nouer cette relation avec les parents ? Vous voyez, donc, si on fait un peu le bilan de tout ça, oui, le sport, c'est super, mais ce n'est pas forcément super. Ça peut être aussi des lieux de souffrance, des lieux de domination, des lieux où la performance écrase l'enfant à un moment où il essaie de se déployer. Et donc, ça veut dire que de la même façon que l'école peut mieux s'emparer du sport, le sport doit aussi mieux assumer sa mission éducative. Et vous voyez que dans mon... Une idée de binôme enseignant-éducateur, là il y a... Il y a une porte à pousser pour derrière faire le lien entre l'école et les clubs sportifs, faire le lien entre l'école et les associations. Et c'est grâce à l'entrée de ces éducateurs dans l'école, grâce à la relation de confiance qui va se tisser entre l'éducateur et l'enseignant, que cette alliance éducative aura lieu et vraiment lieu.

  • Speaker #1

    Et que ça répondra aussi à la trop grande sédentarisation des enfants, c'est un point aussi qui est important dans votre étude. Si vous voulez peut-être nous partager un chiffre ou un point là-dessus avant qu'on se sépare.

  • Speaker #0

    Un chiffre qui me paraît décisif, c'est qu'aujourd'hui en France, près de 20% des jeunes de 6 à 17 ans sont en surpoids. et près de 5% en situation d'obésité. Donc vous voyez, là on a parlé de rapport à soi, rapport aux autres, rapport à son corps, etc. C'est très concret. On a parlé d'éducation à l'alimentation, on a parlé de confiance en soi. Les situations de surpoids, les situations d'obésité chez l'enfant, elles relèvent de tout ça. Elles sont à la fois des souffrances physiques, elles sont aussi des souffrances psychiques. Et donc vous voyez que de ce point de vue là, laisser quelque part les enfants en situation d'échec dans leurs apprentissages, c'est aussi les livrer à l'enfant. des satisfactions dont ils ont besoin, qu'ils vont aller chercher ailleurs, dans le recours massif à des boissons sucrées, dans des comportements devant un écran de sédentarité qui sont dangereux pour eux et qui sont dangereux pour l'ensemble de la société. Donc on voit de ce point de vue-là que, encore une fois, parlons de santé, mais parlons de santé intégrale. Il n'y a pas d'un côté la santé du corps et de l'autre côté la santé de la tête. La question de l'obésité, elle est clairement... à la jonction de ces enjeux et ça invite encore une fois à se servir du sport comme d'une éducation à la présence, présence à soi, présence aux autres, présence à l'avenir. Et probablement que l'obésité, l'anorexie, ce sont des signes très forts d'une difficulté à rentrer dans cette présence.

  • Speaker #1

    Avant qu'on se quitte, j'aimerais bien que vous nous parliez de Vers le Haut et de ce qui vous a mené à cette nouvelle aventure avec l'éducation.

  • Speaker #0

    Alors, Vers le Haut, c'est à l'origine une initiative de grandes associations de la protection de l'enfance. La protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont placés en dehors de leur domicile parental par un juge, parce qu'il estime que les enfants sont en danger dans leur famille. Et donc ces grandes associations, elles sont sans cesse confrontées à la dimension humaine, au sens profond du terme de l'éducation, parce qu'on ne cesse de le dire, c'est dans la famille, dans la relation avec leurs parents, que les enfants... reçoivent l'essentiel, les attachements dont ils ont besoin pour se déployer dans leur vie. Et donc les enfants de la protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont blessés, précisément à l'endroit où ils devraient avoir leur plus grande force. Donc les éducateurs, les associations de la protection de l'enfance, elles sont confrontées à la dimension tragique, profonde. de l'éducation, et à la fois, il y a cette phrase des apprentis d'Auteuil qui dit un enfant c'est facile à blesser, c'est aussi facile à réparer à l'extraordinaire résilience de l'enfance. Et de ce point de vue-là, il y a dans l'éducation quelque chose qui relève de la confiance en l'avenir, de la confiance en soi, de la confiance dans les autres, qui est au fond une réponse très profonde, très pertinente à toutes les difficultés de notre société aujourd'hui. Au fond, moi j'aime dire, il n'y a pas de société qui ne soit pas éducative, il n'y a pas d'éducation qui ne soit pas un projet de société. Et au fond, c'est ça vers le haut. Vers le haut, c'est dire, arrêtez de parler du point d'indice, des programmes, de la dernière circulaire, de la dernière polémique, entre la gauche et la droite, entre les verts et les rouges, entre les progressistes et les conservateurs, entre les familles et les... On n'en peut plus de ça, en fait. On souffre de ça aujourd'hui. Sortons de ça, redonnons cette dimension civilisationnelle. pour le coup, à l'éducation comme processus de transmission et d'émancipation et de lien entre les différentes générations dont est ici notre humanité. C'est ça vers le haut et donc nous on s'emploie à travers nos études, à travers nos publications, à travers nos réseaux sociaux, à travers nos événements à remettre cette dimension humaine de l'éducation au cœur du débat.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce qui vous a mené vers cette aventure-là ?

  • Speaker #0

    Personnellement ? Moi en fait j'ai travaillé toute ma vie pour l'État. Alors ? dans les armées, j'étais sous-marinier. Dans un sous-marin, je peux vous dire que la dimension, le corps, c'est concret, très concret. Quand vous êtes cinq mois dans un sous-marin, quand vous sortez, quand vous retrouvez le soleil, quand vous supportez plus vos camarades, c'est très concret. Et le cerveau, il ne marche plus quand le corps ne marche plus. C'est un exemple un peu concret de cognition incarnée, comme on dit. Et puis, ensuite, j'ai quitté ça. Voilà. Je suis devenu administrateur de l'État et j'ai travaillé pour notamment l'éducation nationale où on m'a confié le projet de service national universel. Et j'ai trouvé ce projet passionnant parce que je trouvais qu'il était très au cœur de toutes les contradictions de l'école. La façon dont on veut se servir de l'école pour porter des projets politiques, elle dimensionne un peu dans le brigadement, soyons clairs. Et puis à la fois, la réalité des besoins des enfants qui sont aujourd'hui pas, on n'y répond pas. Croire que l'école peut tout, croire que tous les enfants sont faits pour être plus sains, ça n'a pas de sens. Et puis, si la seule façon de réussir à l'école, c'est d'avoir un bac plus 5, ben... On ne cesse de faire de la casse et c'est ce qu'on fait aujourd'hui en fait. Dans une société dans laquelle il y a de moins en moins de jeunes, de plus en plus de vieux, on continue à casser massivement les jeunes. Il y a un truc qui m'a paru à la fois révoltant et à la fois... ça va bouger, ça ne peut que bouger. Et donc, au sortir de ça, ça m'a un peu convaincu que les leviers pour faire bouger les choses n'étaient pas forcément aujourd'hui dans l'État. L'État est nécessaire, il y a besoin de donner un cadre, etc. Mais peut-être qu'aujourd'hui le sujet c'est moins... de le cadre que de redonner confiance et liberté aux personnes. Et ça, je pense que ça passe beaucoup par l'initiative associative, la responsabilité individuelle, la générosité des personnes. Et donc, moi, je pense qu'il y a un temps devant nous qui est un temps pour les personnes. peut-être un peu de désordre, peut-être un peu d'anarchie, peut-être qu'on en a besoin. Et peut-être que ça revivira nos institutions et peut-être que ça nous permettra de réenvisager l'avenir à nouveaux frais. Mais aujourd'hui, il faut sortir de ces cadres qui sont un peu étriqués et qui sont devenus une partie du problème. Donc c'est pour ça que j'ai rejoint Vers le Haut. Et voilà, je m'en régale.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume. J'ai une dernière question qui est ma question rituelle du podcast. Vous le savez, il s'appelle Les adultes de demain Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    de croire en l'avenir, tout simplement.

  • Speaker #1

    Super. Eh bien, merci beaucoup. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. Ils laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

✍️NOUVEAU : je lance un sondage pour mieux vous connaitre, aidez-moi à collecter le plus grand nombre de réponses : https://pnhxjl7nzh2.typeform.com/to/maw8xoC8


Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l’éducation Vers le Haut, nous parle aujourd’hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée “Le sport, terrain d’éducation” nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l’éducation. L’un des enseignements importants que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport.


Lien de l'étude :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Guillaume Prévost, délégué général du think tank dédié aux jeunes et à l'éducation vers le haut, nous parle aujourd'hui de la place du sport dans la vie des enfants. Vers le Haut publie plusieurs études tous les ans, dont la dernière intitulée Le sport, terrain d'éducation nous éclaire sur la pratique du sport chez les jeunes en France, mais surtout nous invite à nous questionner sur la capacité du sport à changer l'éducation. L'un des enseignements fondamentaux que je tire de cet échange passionnant est la dimension avant tout éducative du sport. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Guillaume.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Je vous retrouve aujourd'hui dans les bureaux de Vers-le-Haut, le think tank de l'éducation en France. Alors vous êtes son délégué général et vous avez une certaine histoire dans l'éducation, on y reviendra, puisque vous avez travaillé au ministère de l'éducation nationale. Je vous retrouve aujourd'hui dans le cadre de l'arrivée imminente des Jeux Olympiques. Vous avez notamment préparé avec Vers le Haut une étude pour mieux comprendre comment la pratique sportive s'articule-t-elle à l'école en France aujourd'hui. Alors en dehors de l'activité importante sportive qui va nous occuper cet été en France, pourquoi avoir décidé de dédier une étude à ce sujet ?

  • Speaker #1

    Alors évidemment il y a une actualité. L'actualité c'est les JO, l'actualité c'est cet événement. sociale, large, qui mobilise l'ensemble de la société, dans laquelle la France joue une partie du regard que le monde porte sur elle et de la façon dont elle a envie d'apparaître au monde. Et quelque part, cette façon dont la France a envie d'être au monde, au fond, est-ce qu'on ne se pose pas tous la même question ? Et est-ce que, puisqu'on parle beaucoup du collège en ce moment, notamment au travers des questions du harcèlement, au travers des questions de laïcité, au travers des questions de violence, est-ce que finalement, ce que vivent les adolescents, ce n'est pas exactement... Ce que vit la France au moment où elle prépare ses Jeux Olympiques. Et du coup, au fond, notre intuition, c'était de dire, puisque l'actualité porte son regard, porte sa lumière sur le sport, est-ce que ce n'est pas le bon moment pour se dire, mais au fond, à quoi ça sert le sport ? Qu'est-ce qui se joue dans le sport ? Et est-ce que ce n'est pas précisément cette capacité d'être au monde en tant que corps, plus qu'en tant qu'esprit, qui du point de vue éducatif, est intéressante dans les pratiques sportives ?

  • Speaker #0

    Et votre étude est absolument passionnante. Est-ce que vous pouvez nous partager les principaux constats, que vous avez fait ?

  • Speaker #1

    Alors on articule cette étude en trois grands temps. Le premier temps, c'est celui du constat que la rencontre entre le sport et l'éducation, qui paraît évidente pour tout le monde, c'est-à-dire qu'on vous parlait n'importe où, vous dites à le sport comme vecteur éducatif, ah mais bien sûr c'est super le sport, ça donne confiance en soi, on fait des choses ensemble, en fait tout le monde pense que le sport a des vertus éducatives. Et en fait quand on rentre un peu dans le sujet, on se rend compte que cette rencontre... La rencontre que tout le monde considère comme évidente n'a pas vraiment eu lieu. Elle n'a pas eu lieu... à l'école, elle n'a pas eu lieu en dehors de l'école, et plus globalement, elle interroge un peu sur les vertus supposées du sport et la réalité. Donc ça c'est un peu le premier grand temps de notre étude, c'est une rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu. Le deuxième temps de notre étude, c'est d'aller, comme l'ensemble des travaux de Verluo le fait à chaque cycle d'études, à la rencontre des initiatives qui sont menées sur le terrain. Et là on se rend compte que cette rencontre, localement, elle a lieu. Et elle a lieu, mais dans des... Dans des endroits éducatifs, dans des thèmes très spécifiques, elle a lieu beaucoup pour la remédiation, elle a lieu parce que le sport est véritablement utilisé comme outil éducatif pour les jeunes en difficulté, elle a lieu pour le collectif, on sait que c'est un peu une difficulté de notre école aujourd'hui de faire ce collectif, d'apprendre aux jeunes, d'avoir cette ambition éducative comme apprentissage de la cohésion. ...opération, et elle a lieu... plus ou moins comme outil pour faire se parler entre eux les différents éducateurs autour de l'enfant. On sait que c'est un enjeu déterminant et donc on se rend compte qu'il y a trois que localement cette rencontre a lieu. Donc vous voyez, j'aime bien cette image chimique qui dit il y a une précipitation, il y a une réaction chimique qui se fait localement, qu'est-ce qui manque pour que cette réaction, vous voyez un peu comme quand vous faites votre vinaigrette, pour qu'elle se propage. Et donc c'est l'objet de notre troisième partie qui dit finalement cette rencontre n'a pas a vraiment eu lieu, mais localement elle a lieu, est-ce qu'aujourd'hui il n'y a pas des ingrédients intéressants qui montrent que les conditions de température et de pression, si vous permettez cette expression, ont changé et laissent envisager une rencontre à nouveaux frais ? Et notamment, elles laissent envisager cette rencontre à nouveaux frais sous l'angle du corps. Vous voyez, j'en ai parlé dans notre introduction. Est-ce que fondamentalement, à un moment où on parle beaucoup d'intelligence artificielle, on remet en cause beaucoup de choses ? Le rapport au savoir, le rapport aux connaissances, alors c'est très à la mode de dire savoir-être, savoir-faire, etc. Est-ce que fondamentalement, la révolution éducative en cours consiste pas à remettre le corps, et notamment le corps des enfants, et notamment le corps des adolescents, parce que on sait que c'est un passage complexe, le changement du corps, au cœur de notre processus d'apprentissage ? Et ça c'est un peu ce troisième temps sur lequel j'espère qu'on pourra revenir.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que cela veut dire concrètement, faire du corps le cœur ? de l'éducation ?

  • Speaker #1

    Alors sous différents angles. Le premier c'est évidemment celui du bien-être. De plus en plus la question du bien-être, la question de la confiance, la question notamment au travers des questions de souffrance psychique, notamment en sortie du Covid, la question du bien-être devient centrale à l'école. Or l'école est probablement mal armée pour appréhender ces enjeux. On sait que la crise sanitaire a placé quelque part l'ensemble du système éducatif face à une situation d'absurde. Comment on sort de situations d'absurde ? Est-ce qu'on en sort par des cours ? Est-ce qu'on en sort par une doctrine ? Est-ce qu'on en sort par des concepts ? Est-ce qu'on en sort par du discours ? Ou est-ce qu'on en sort par un supplément de relation ? Et un supplément de relation, ça ne veut pas dire, encore une fois, un discours. Pour qui paraît, notamment pour beaucoup de jeunes tournés à vide, ça veut dire une présence, une présence à soi, évidemment. On sait que c'est une dimension très importante du développement de l'intériorité chez les jeunes, présence à soi, notamment au moment des réseaux sociaux. Et le classement PISA, par exemple, très concrètement, il dit que les jeunes français sont parmi les plus perturbés dans leurs apprentissages par le téléphone portable. Donc ça, ça dit que nos jeunes, nos enfants, dans leurs apprentissages, dans leurs... Le développement personnel, en fait, ils sont sans cesse perturbés. Donc en fait, ils ont très peu ce temps de retour à eux-mêmes. Premièrement, présence à soi. Présence aux autres ensuite. Je demande à n'importe qui de faire l'expérience. Monter dans un bus, rentrer dans un métro, et puis lever les yeux. Vous allez voir tout le monde dans sa bulle, sur son téléphone portable, en train de scroller. Des chats, c'est souvent ça. Et puis personne ne se parle, vous voyez. On ne se croise pas, on ne croise pas le regard, on ne se sourit pas, on ne partage pas des petites expériences qui sont en fait le sel de notre vie en société. Donc peut-être qu'un sujet que face notamment à l'irruption massive des technologies numériques dans nos vies, peut-être qu'un sujet fondamental de l'éducation, c'est de remettre au centre la... Présence à soi, la présence aux autres. Et puis troisième sujet qu'on a choisi d'aborder notamment dans le cadre d'un baromètre, une étude quantitative qu'on fait tous les ans, c'est le rapport à l'avenir. Et là il y a aussi un enjeu de présence et un enjeu de mobilisation du corps. Pourquoi tout d'un coup, depuis deux ans, on a un doublement des tentatives de suicide entre 18 et 24 ans ? Pourquoi ça concerne deux fois plus les filles que les garçons ? Là il y a des questions qu'on ne va pas assez chercher. Et bien... Notre conviction, c'est que les jeunes sont en grande difficulté dans leur rapport à eux-mêmes, aux autres et à l'avenir. Et ça, ça passe par répondre à ces trois questions, ça passe par le corps. Ça passe par remettre au cœur de l'expérience éducative la présence concrète, charnelle. Et alors, vous voyez, là j'ai parlé de bien-être, mais en fait, on pourrait un peu opposer la dimension apprentissage, académique et bien-être. Et en fait, qu'est-ce que nous apprennent les sciences ? Les sciences de l'éducation et les sciences cognitives. C'est qu'en fait, il n'y a pas les enfants intelligents et les enfants pas intelligents. On mobilise dans ces apprentissages, dans la réussite des apprentissages, des capacités qu'on appelle métacognitives, au sens où elles sont précognitives, au sens où elles sont avant les apprentissages, ce sont les capacités qui permettent d'apprendre. Je suis capable de donner du sens à ce que je fais. J'ai confiance en moi. Ça nourrit ma motivation. Je sais que je peux dépasser mes difficultés. Et je le fais avec des gens que j'aime. J'aime bien cette phrase qui dit Les jeunes aiment ce qu'aiment les gens qu'ils aiment. C'est ce fameux rôle central de l'exemplarité, du rôle modèle dans l'éducation. Et bien ça, si on se dit, en fait, ce qui est clé, finalement, notre école est très inégalitaire parce que, du point de vue de ses capacités métacognitives, en fait, il y a les jeunes qui les acquièrent dans leur cercle familial, il y a les jeunes qui ne les acquièrent pas, On raconte des histoires et qui rentrent facilement dans la lecture. Il y a les jeunes à qui on ne raconte pas d'histoire et qui n'y arrivent pas. Il y a les jeunes qui peuvent compter sur leur famille en cas de difficulté et ils y arrivent. Il y a les jeunes qui ne peuvent pas compter sur leur famille en cas de difficulté et ceux-là, ils n'y arrivent pas. Alors, quelque part, il y a quelque chose d'un peu désespérant qui dit, en fait, tous jouent à la famille, tous jouent avant 3 ans, tous jouent avant 10 ans, tous jouent avant HEC, et puis si vous n'avez pas HEC, votre vie est foutue. Et ça, ce n'est pas un message d'espérance, ce n'est pas très porteur pour les jeunes. Et donc, quelque part, en disant, en remettant le corps au centre, Là, on peut remobiliser. Et en fait, on y arrive. On y arrive pour les jeunes de 15-16 ans en grande difficulté à l'école. On leur redonne confiance en nous à travers le sport. Pourquoi attendre 15-16 ans et la perte de confiance en soi pour le faire ?

  • Speaker #0

    Est-ce que vous avez des exemples d'autres pays ? Qui ont expérimenté cette nouvelle manière d'accompagner les enfants dans leur éducation à l'école à travers le corps ?

  • Speaker #1

    Je vous dirais qu'il y a un pays évident, c'est les Etats-Unis. On dit beaucoup de mal des Etats-Unis, souvent en France on aime bien critiquer les Etats-Unis. Mais qui d'entre nous n'est pas admiratif de cette place que le sport a chez les Américains ? de la façon dont le capitaine de l'équipe de football, la nageuse, l'équipe de volet dès le collège, en fait, ils sont extrêmement valorisés, à l'école mais aussi en dehors. Cette capacité qu'ont les Américains dans des petites communautés de mettre un peu au cœur le dépassement individuel, mais aussi le dépassement collectif, la capacité de faire équipe. Moi, je trouve que parfois les Américains sont un peu naïfs. Et... enfantin de ce point de vue là et c'est vrai que nous on a un regard un peu plus complexe sur la vie les choses etc mais peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à être simple peut-être parfois avec les enfants il faut apprendre à dire bah être courageux c'est bien être loyal c'est bien être honnête c'est bien fuir ses responsabilités c'est pas terrible Garder les choses pour soi pas se tourner vers l'autre c'est pas terrible et au fond c'est peut-être ça qui explique une bonne partie du succès des films américains depuis toujours c'est qu'il y a cette dimension Morale très incarnée. Le héros, il tombe, il tape le fond, et puis il en tape le fond. En fait, il change en tapant le fond, il devient un autre homme et il va gagner. Alors, il y a quelque d'un peu naïf et peut-être un peu bené, mais il y a quelque chose dont nos enfants ont probablement besoin. Surtout dans une société où tout est gris, tout est flou, Covid, mes parents disent qu'il ne faut pas de portable, mais ils passent leur vie sur leur propre portable. Vous voyez ? Donc, moi, je dirais les Etats-Unis. Vraiment les Etats-Unis. Alors, il y a plein de C'est ce qu'on n'aime pas aux Etats-Unis. On ne veut pas importer le port d'armes, on ne veut pas importer plein de choses. Mais ce rapport au corps, ce rapport au sport, alors pas trop, il y a aussi un rapport à la performance, à l'ultra-performance, sky is the limit, vous voyez, sky is the limit, ça se discute. Mais le sujet, ce n'est pas tellement sky is the limit que de remettre les enfants en situation de réussite. Et les enfants, ils ont besoin de sentir, de faire grandir en eux cette confiance. Ils ont besoin de... Vous voyez cette expression, j'aime bien cette expression, il dit t'as la confiance, oh il a la confiance. Alors on veut pas qu'il y ait trop de confiance, parce que c'est un peu désagréable, les gens ont un peu trop la confiance. Mais quelque part c'est ça dont nos jeunes ont besoin, ils ont besoin de prendre confiance en eux, d'avoir la confiance. Vous voyez la confiance qui fait que quand vous allez dans une soirée et que vous êtes capable de rentrer sur la piste de danse et d'aller vous adresser à quelqu'un que vous connaissez pas, ça c'est clé. Tout le monde a fait cette expérience. Je suis pas très à l'aise, qu'est-ce que je fais ? Je sors une cigarette. Pourquoi je sors une cigarette ? Parce qu'en fait, je mobilise mon corps, c'est dans mon corps, dans la posture, dans la gestuelle, je sors une cigarette, ça me donne confiance en moi. Et bien, il y a des manières plus simples, plus saines, plus belles de construire cette confiance. Et ça passe par... Cessez de considérer que le corps est un outil en vue d'autre chose. Le corps c'est une surface d'apprentissage et remobilisons-la en tant que telle.

  • Speaker #0

    D'ailleurs ce qui me fascine aux Etats-Unis, c'est dans les trajectoires des études supérieures. Il n'est pas rare de voir certains jeunes suivre trois années très sportives dans les universités et après par exemple aller faire des masters qui seraient moins autour du corps. Et au contraire c'est très bien vu, je pense même dans les entretiens qu'ils font. Après, pour entrer dans la vie professionnelle, c'est vrai qu'en France, c'est un peu moins admis. Et je ne sais pas si vous êtes intéressé d'ailleurs au cas des sports-études en France.

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Alors, les sports-études, ça a beaucoup évolué. Notamment parce que, au fond, ce qui est compliqué pour l'école, c'est que l'école vit... L'élévation intellectuelle comme l'alpha et l'oméga de l'éducation. Alors, c'est pas tout à fait vrai, c'est pas vrai de tout le monde, c'est pas vrai des profs de PS, c'est pas vrai de plein de gens, mais globalement, soyons clairs, notre école, elle valorise l'intellectuel qui dit pas grand chose, qui rase les murs, et puis, vous voyez, j'ai un... quelqu'un qui disait en rigolant, c'est pas compliqué en France, vous baladez dans une cour de récréation d'un collège, vous prenez tous les garçons qui rasent les murs, vous en faites les patrons du CAC 40. C'est pas étonnant qu'on ait des petites difficultés relationnelles après, hein ? Donc, il y a au milieu de cette cour de récréation, La création des garçons et des filles, d'ailleurs l'occupation de la cour de récréation est un vrai sujet, notamment du point de vue de l'égalité entre les garçons et les filles. Mais il y a plein à l'école de talents, il y avait un groupe de rap à une époque qui disait Peuplé d'artistes et de sportifs de haut niveau Est-ce que notre système éducatif valorise assez ce peuple d'artistes et de sportifs de haut niveau ? Peut-être qu'au fond, nos entreprises, notre économie, notre système politique, Cette fameuse façon qu'on a de vouloir briller au monde, peut-être qu'elle gagnerait beaucoup à s'appuyer sur ces artistes et sportifs de haut niveau plutôt que de sortir en batterie des polytechniciens, des ENA, des HEC, une petite élite assez fermée, assez homogène dans ses qualités. Il en faut, mais il ne faut pas que ça. Et ce que je trouve remarquable dans le système américain, c'est de dire qu'il y a des gens qui sont remarquables parce qu'intellectuellement, c'est ses brillants, ça roule, mais en fait, il y a des gens qui sont remarquables. Il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont du charisme, il y a des gens qui sont remarquables parce que dans la difficulté ils portent le groupe, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils ont une générosité extrêmement forte, il y a des gens qui sont remarquables parce qu'ils parlent et tout le monde les écoute. Et vous voyez, ça c'est pas assez valorisé. Et au fond, c'est pas seulement une question morale, c'est une question de la société dans laquelle nous allons. Elle a de plus en plus besoin de ces talents-là, pourquoi nous en priver ? Si vous écoutez les chefs d'entreprise dans le recrutement aujourd'hui, ils ne cherchent pas à avoir des grands cerveaux, de toute façon, chaque GPT sera toujours un plus grand cerveau que vous aujourd'hui. En fait, ce qu'ils cherchent, c'est des personnalités, c'est une capacité à incarner, c'est une capacité à générer des émotions, c'est une capacité à sortir du moule, c'est une capacité à mettre une bonne ambiance dans une équipe. Voyons, on passe beaucoup de temps au boulot quand même. Donc, pourquoi, alors même que toute la société... Qui était en train de basculer vers ça, l'école s'agrippe à ses maths, son français et son histoire géo, c'est un peu dommage.

  • Speaker #0

    Comment est enseigné aujourd'hui le sport dans l'école en France ?

  • Speaker #1

    Alors ça c'est un sujet sur lequel on s'est beaucoup penché, notamment dans la première partie, cette rencontre qui n'a pas vraiment eu lieu, qui est l'éducation physique et sportive, l'EPS. Chacun en a une expérience. dans sa scolarité et à mon avis, tout le monde en a eu une expérience mitigée.

  • Speaker #0

    Oui.

  • Speaker #1

    Oui, j'entends que c'est votre cas aussi.

  • Speaker #0

    Non, mais moi, j'ai évolué dans un parcours différent, mais de ce que j'ai entendu, c'est vrai que j'ai l'impression qu'il y a certains traumatismes parfois autour de cet enseignement de l'EPS.

  • Speaker #1

    Alors, il y a des choses excellentes dans l'EPS. D'abord, si vous interrogez les jeunes, c'est une de leurs matières favorites. Ensuite ils disent qu'ils en ont pas assez. Ensuite c'est souvent un moment où on va pouvoir se défouler, on va pouvoir faire du sport, on va pouvoir rigoler, on va pouvoir... Mais il y a cette dimension disciplinaire, comme si un peu le sport essayait de se déguiser en intellectuel. Comme si le sport essayait de ressembler au professeur de mathématiques. Parfois. En même temps, il y a des choses remarquables dans l'EPS. 50% des enseignants spécialisés dans l'école inclusive, c'est-à-dire en suivi des élèves en situation de handicap, sont des professeurs d'EPS. C'est intéressant ça. Ça dit bien que, alors même que l'école doit probablement être de plus en plus éducative, parmi les enseignants, les professeurs d'EPS sont probablement ceux qui ont pris le plus au sérieux leur mission éducative. Si vous dites à un professeur de mathématiques est-ce que toi tu es un éducateur ? Je ne suis pas sûr qu'il y en ait beaucoup qui vous disent oui avec le cœur. Ils vous diront Ah bah oui, je suis un éducateur parce que je n'arrive pas à faire le calme dans ma classe, mais du coup je ne fais pas de mathématiques. Et donc souvent les enseignants sont éducateurs malgré eux. Les enseignants de PS disent Mais oui, bien sûr, je suis un éducateur. Il y a des choses remarquables, vous voyez par exemple les jeunes plébiscites, la formation universitaire STAPS. STAPS, c'est un vivier d'éducateurs très intéressant. On les retrouve partout. On les retrouve en protection de l'enfance, on les retrouve dans les... au centre de loisirs, on les retrouve dans les éducations sportives, on les retrouve au concours de l'enseignement. Donc, vous voyez, si on fait un peu le bilan de tout ça, l'EPS, c'est super, c'est vraiment intéressant, et probablement qu'on n'a pas pris la mesure de tout ce que l'EPS peut apporter à l'école, mais quelque part, l'EPS, c'est un peu le sport dans la forme disciplinaire de l'école. Donc, si on voulait vraiment dire, au fait, le sport, ce n'est pas seulement un outil pour apprendre à jouer au volet, Mais c'est aussi un outil pour faire des mathématiques, apprendre à être avec les autres, apprendre à être à soi, présence à soi, présence à l'avenir. Si on veut vraiment dérouler le sport dans toute sa dimension éducative, je pense que ça implique d'aller plus loin que le PS. Ça implique de mobiliser le sport. pour les mathématiques, pour le français, pour l'enseignement moral et civique, pour l'enseignement à la sexualité. Par exemple, on se pose des questions de dingue sur l'enseignement moral et civique, alors on a tous des... enfin l'enseignement affectif et sexuel, et on voit des trucs un peu technicistes, apprendre un méta-préservatif à 12 ans, vous voyez que c'est pas forcément très agréable pour des jeunes. Donc, alors que dans le sport, dans l'activité physique, dans l'activité collective, le rapport à l'autre, le respect... Le respect de l'autre, le respect de la chasteté dans le rapport à l'autre, le respect de l'intégrité de l'autre, est quelque chose qui peut être beaucoup plus évident, beaucoup plus concret, beaucoup moins intellectuel. L'éducation à l'alimentation, vous voyez, dans le sport ça peut être très concret. On comprend très bien qu'un sportif doit bien s'alimenter pour réussir une course en montagne, une longue balade, ou ce que vous voulez. Donc, encore une fois, aujourd'hui l'école est en difficulté. dans ce qu'on appelle les apprentissages transversaux, notamment au collège, c'est-à-dire globalement, l'orientation, le parcours à venir, l'éducation à la santé, parmi lesquels alimentation, addiction, etc., l'enseignement moral et civique, et l'enseignement artistique et culturel. Est-ce que pour ces quatre parcours, les quatre parcours transversaux, que finalement on en parle tout le temps dans les médias, mais à l'école, vous ne voyez pas beaucoup, parce que l'école n'est pas armée pour le faire, est-ce que le sport pourrait pas être le vécu ? Le secteur privilégié de cet apprentissage. Est-ce que l'école ne doit pas pleinement assumer sa mission éducative, notamment en mobilisant davantage le sport ? Donc ça, ça veut dire, le PS, oui, c'est super, mais attention, parce que ce n'est pas toujours facile, et notamment l'absentéisme des filles au moment de la puberté à la piscine, l'absentéisme des garçons. Le PS peut parfois être une situation douloureuse pour des adolescents. Donc encore une fois, reprenons les choses. Si le but de tout ça, c'est remettre au cœur des apprentissages le corps de l'enfant, le corps de l'adolescent, à ce moment-là, l'EPS est un atout, mais il faut aller plus loin.

  • Speaker #0

    Oui, il faut aller plus loin. Et j'ai une question qui vient de me traverser l'esprit. On sait que l'éducation et l'école en France subissent une pénurie d'enseignants. Qu'en est-il pour les professeurs d'EPS ?

  • Speaker #1

    Alors c'est moins le cas, professeur d'EPS, notamment parce qu'il y a ce vivier d'enseignants en STAPS. En fait, STAPS est très plébiscité par les jeunes. C'est intéressant parce que c'est une formation très généraliste. Staps, où vous faites beaucoup sociologie, psychologie, etc. Et moi, je trouve très intéressant le succès des études Staps, et je trouve que ça ouvre beaucoup de perspectives en termes de conception, de cursus d'enseignement supérieur un peu concret, mais qui pour autant ne renonce pas à une certaine ambition intellectuelle et humaine. D'ailleurs, c'est intéressant, c'est souvent, en tout cas, il y a une partie de la communauté EPS qui est souvent très politisée. Alors, pour chacun ses idées, je ne suis pas convaincu qu'il y ait des bonnes et des mauvaises idées, mais ça dit en soi, quand même, qu'il y a une capacité à se mobiliser, une capacité à se vouloir acteur du monde, une capacité à embrasser des causes qui me dépassent, chez ces étudiants-là. Qu'à mon avis, on ne retrouve pas forcément chez les étudiants en sciences politiques ou les étudiants en droit. Pas parce que le droit aux sciences politiques, c'est mal, mais parce qu'en droit aux sciences politiques, vous êtes davantage convaincus qu'il faut adhérer à un moule, et surtout pas en dépasser pour avoir votre concours, rentrer à Sciences Po ou à l'ENA. Il y a une certaine forme de liberté, de générosité chez les étudiants en STAP, ce qui fait qu'il y a moins de difficultés, en tout cas dans le vivier d'enseignants. Maintenant, puisqu'on parle de sport... Reprenons ce qu'on a dit. Si on dit en fait, il faut remettre le corps en centre des apprentissages, si on dit il faut une dimension beaucoup plus transverse et beaucoup plus éducative à ce qui se passe à l'école, ça veut dire que probablement, aux côtés des enseignants, il faut plus d'éducateurs. Assumer cette dimension. Vous voyez, j'ai dit tout à l'heure, le professeur de mathématiques, il pourrait aussi apprendre à ses élèves un repère cartésien en jouant dans la cour, en traçant des lignes à la craie, en faisant une bataille navale. F5, c'est un repère cartésien. Toucher, couler. Et bien ça, vous n'êtes pas obligé de le faire avec des enseignants, vous pouvez le faire avec des animateurs, vous pouvez le faire avec des éducateurs sportifs. Donc, dans quelle mesure il faut libérer la question de l'école de la question de l'enseignement ? A l'école, on doit pouvoir avoir accès à des enseignements, mais on doit probablement avoir accès à d'autres choses. Si on veut mieux valoriser les performances sportives, les compétitions sportives, ça veut dire qu'on a besoin de... Plus d'éducateurs à l'école. Aujourd'hui, où sont les éducateurs à l'école ? Il y a des AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap. Il y a les AED, les surveillants sur les temps méridiens. Et il y a les auxiliaires éducatifs en maternelle. Plutôt que de faire des sigles incompréhensibles, des messages que personne ne comprend, pourquoi on ne regroupe pas tout ça et on crée un corps d'éducateur scolaire ? Aujourd'hui, si on prend tout ça, ça fait 250 000 personnes, c'est-à-dire le deuxième corps de l'éducation nationale en puissance. Pourquoi on ne crée pas un corps d'éducateur pour accompagner les enseignants dans les apprentissages pédagogiques, pour avoir une dimension théorique avec l'enseignant et une dimension pratique en mouvement, en sport, en jeu avec l'éducateur ? Pourquoi ce binôme enseignant-éducateur ? qui marche si bien en maternelle, pourquoi on ne le déploie pas jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire jusqu'en 3ème ? Est-ce que ça ne serait pas une belle façon d'ouvrir l'école sur l'extérieur, ouvrir l'école à d'autres types de pédagogie, pédagogie active, d'autres types de qualités, charisme, relation avec l'enfant, etc. Est-ce que ça ne permettrait pas aux enseignants justement de répondre à toutes leurs difficultés à l'heure actuelle, c'est-à-dire gestion des enfants en situation de handicap, gestion des décrocheurs, gestion des gamins qui ne tiennent pas en place sur leur siège, etc. Vous voyez, J'ai dit, on a pris la question du sport pour parler du corps, et derrière le corps, il y a la question de la place des éducateurs à l'école. Et ça, nous on y croit beaucoup, on focalise trop exclusivement la question éducative sur la question des enseignants, or ce dont les enfants ont besoin c'est davantage d'éducateurs. Ils ont besoin d'enseignants bien sûr, mais ils ont besoin d'éducateurs, et peut-être que les enseignants eux-mêmes ont besoin de pouvoir s'appuyer sur des adultes dans leur vie quotidienne. Peut-être que c'est... Aussi, une façon de revaloriser fondamentalement le métier d'enseignant, que de dire, quand tu es enseignant, tu encadres aussi un, deux, trois éducateurs.

  • Speaker #0

    Vous avez évoqué tout à l'heure la dynamique du sport et des jeunes en dehors de l'école. J'aimerais bien qu'on y revienne un petit peu, notamment ce qui se passe au niveau des clubs sportifs et ce que vous avez observé au niveau très local.

  • Speaker #1

    Alors c'est vrai qu'on a beaucoup parlé de l'école. Mais vous voyez, dans cette première partie où on parle de la rencontre, on dit que le sport n'a pas pleinement trouvé sa place à l'école, même s'il l'a trouvé en partie, on l'a dit, avec le PS. Mais réciproquement, en dehors de l'école, est-ce que le monde sportif a pris la mesure de ses responsabilités éducatives ? Et là, je voudrais revenir sur ce qu'il est convenu d'appeler le cas Mbappé. Oui, Kylian Mbappé, modèle extraordinaire, puis les grands sportifs sont quand même des gens hors du commun. Mais est-ce que la trajectoire, le succès de M. Mbappé ou de Tiger Woods ou des Sir Williams, est-ce que... on peut réellement prétendre que c'est un modèle éducatif pertinent pour l'ensemble des jeunes. Là, il y a quelque chose qui ne va pas, parce que si j'invite n'importe qui à aller dans un stade le dimanche, vous allez voir sur le côté des parents complètement fous, obsédés par la performance de leurs enfants. Quelque part, l'éducation a un peu laissé de côté le sport, mais peut-être que le sport a un peu laissé de côté l'éducation. Et que le sport est tellement convaincu de son bon droit, Le sport est tellement convaincu qu'il porte des vertus qu'il en oublie que s'il est entièrement tourné vers la performance, il n'est pas très éducatif. S'il est entièrement tourné vers la célébration de moi, de la force, il n'a rien d'éducatif au contraire et il ne fait que plonger les enfants dans le sentiment de si je suis fort, je suis aimé et si je ne suis pas fort, je ne serai pas aimé. Et là, il y a quelque chose de terrible. Et donc, de la même manière que l'école passe peut-être à côté du sport, Peut-être que le sport passe à côté de sa mission éducative, parfois. Peut-être que les clubs de foot, peut-être que... Vous voyez, je parle du foot parce qu'il y a un chiffre extraordinaire. En fait, si on regarde le dimanche, il y a 300 000 enfants sur les stades de football. C'est-à-dire que le sport, en fait, c'est le deuxième espace, enfin le troisième espace éducatif de France. Il y a la famille, il y a l'école, puis il y a le stade de football. Donc, si le sport est en fait le troisième espace éducatif de France,

  • Speaker #0

    Il y a des fédérations de football, on met de l'argent, il y a des associations dans lesquelles on subventionne, il y a des politiques publiques, etc. À ce moment-là, il faut que cette politique publique soit tournée résolument vers l'éducation. Plutôt que d'assommer les enseignants de mathématiques à leur demander de faire un enseignement moral et civique, peut-être que l'enseignement moral et civique serait plus pertinent dans un club de football, sur un terrain. Et sur le terrain, qu'est-ce qu'il y a d'intéressant ? C'est que vous allez pouvoir associer les parents. Et ça, c'est intéressant, parce qu'il y a des résultats très forts là-dessus. Notre système éducatif souffre du manque de lien que l'école a privatisé avec les parents, notamment pour les enfants issus du milieu populaire. Qu'est-ce qu'il y a de meilleur ? Je me souviens d'une discussion avec un prof de collège qui disait Moi, je vais essayer de faire venir les parents, le principal d'un collège, mais les parents qui viennent, c'est toujours les mêmes. C'est les parents CSP+, les profs n'en peuvent plus, c'est les parents débarques qui leur expliquent comment ils doivent faire cours, qu'ils n'ont rien compris, etc. Donc, l'horreur. Et à contrario, les parents dont j'aurais vraiment besoin, c'est-à-dire les enfants dont je vois bien qu'ils ne sont pas suivis dans leurs apprentissages, qui sont en absentéisme, etc. Parce que là, je n'arrive jamais à les faire venir. Et en fait, on le sait, c'est parce que ces parents, ils n'ont pas envie d'aller à l'école, ils ont peur d'être humiliés, ils n'étaient eux-mêmes souvent pas très bons à l'école. Et donc, je disais, mais c'est marrant, monsieur le principal, parce que vous n'arrivez pas à faire venir les parents. Moi, je sors d'une discussion avec l'association de jeunesse de la mairie du coin, qui est en fait à 100 mètres de chez vous. Et eux, ils font un barbecue tous les ans, il y a tous les parents. Donc, au fond, est-ce que le sport, ce n'est pas aussi un terrain privilégié pour nouer cette relation avec les parents ? Vous voyez, donc, si on fait un peu le bilan de tout ça, oui, le sport, c'est super, mais ce n'est pas forcément super. Ça peut être aussi des lieux de souffrance, des lieux de domination, des lieux où la performance écrase l'enfant à un moment où il essaie de se déployer. Et donc, ça veut dire que de la même façon que l'école peut mieux s'emparer du sport, le sport doit aussi mieux assumer sa mission éducative. Et vous voyez que dans mon... Une idée de binôme enseignant-éducateur, là il y a... Il y a une porte à pousser pour derrière faire le lien entre l'école et les clubs sportifs, faire le lien entre l'école et les associations. Et c'est grâce à l'entrée de ces éducateurs dans l'école, grâce à la relation de confiance qui va se tisser entre l'éducateur et l'enseignant, que cette alliance éducative aura lieu et vraiment lieu.

  • Speaker #1

    Et que ça répondra aussi à la trop grande sédentarisation des enfants, c'est un point aussi qui est important dans votre étude. Si vous voulez peut-être nous partager un chiffre ou un point là-dessus avant qu'on se sépare.

  • Speaker #0

    Un chiffre qui me paraît décisif, c'est qu'aujourd'hui en France, près de 20% des jeunes de 6 à 17 ans sont en surpoids. et près de 5% en situation d'obésité. Donc vous voyez, là on a parlé de rapport à soi, rapport aux autres, rapport à son corps, etc. C'est très concret. On a parlé d'éducation à l'alimentation, on a parlé de confiance en soi. Les situations de surpoids, les situations d'obésité chez l'enfant, elles relèvent de tout ça. Elles sont à la fois des souffrances physiques, elles sont aussi des souffrances psychiques. Et donc vous voyez que de ce point de vue là, laisser quelque part les enfants en situation d'échec dans leurs apprentissages, c'est aussi les livrer à l'enfant. des satisfactions dont ils ont besoin, qu'ils vont aller chercher ailleurs, dans le recours massif à des boissons sucrées, dans des comportements devant un écran de sédentarité qui sont dangereux pour eux et qui sont dangereux pour l'ensemble de la société. Donc on voit de ce point de vue-là que, encore une fois, parlons de santé, mais parlons de santé intégrale. Il n'y a pas d'un côté la santé du corps et de l'autre côté la santé de la tête. La question de l'obésité, elle est clairement... à la jonction de ces enjeux et ça invite encore une fois à se servir du sport comme d'une éducation à la présence, présence à soi, présence aux autres, présence à l'avenir. Et probablement que l'obésité, l'anorexie, ce sont des signes très forts d'une difficulté à rentrer dans cette présence.

  • Speaker #1

    Avant qu'on se quitte, j'aimerais bien que vous nous parliez de Vers le Haut et de ce qui vous a mené à cette nouvelle aventure avec l'éducation.

  • Speaker #0

    Alors, Vers le Haut, c'est à l'origine une initiative de grandes associations de la protection de l'enfance. La protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont placés en dehors de leur domicile parental par un juge, parce qu'il estime que les enfants sont en danger dans leur famille. Et donc ces grandes associations, elles sont sans cesse confrontées à la dimension humaine, au sens profond du terme de l'éducation, parce qu'on ne cesse de le dire, c'est dans la famille, dans la relation avec leurs parents, que les enfants... reçoivent l'essentiel, les attachements dont ils ont besoin pour se déployer dans leur vie. Et donc les enfants de la protection de l'enfance, c'est des enfants qui sont blessés, précisément à l'endroit où ils devraient avoir leur plus grande force. Donc les éducateurs, les associations de la protection de l'enfance, elles sont confrontées à la dimension tragique, profonde. de l'éducation, et à la fois, il y a cette phrase des apprentis d'Auteuil qui dit un enfant c'est facile à blesser, c'est aussi facile à réparer à l'extraordinaire résilience de l'enfance. Et de ce point de vue-là, il y a dans l'éducation quelque chose qui relève de la confiance en l'avenir, de la confiance en soi, de la confiance dans les autres, qui est au fond une réponse très profonde, très pertinente à toutes les difficultés de notre société aujourd'hui. Au fond, moi j'aime dire, il n'y a pas de société qui ne soit pas éducative, il n'y a pas d'éducation qui ne soit pas un projet de société. Et au fond, c'est ça vers le haut. Vers le haut, c'est dire, arrêtez de parler du point d'indice, des programmes, de la dernière circulaire, de la dernière polémique, entre la gauche et la droite, entre les verts et les rouges, entre les progressistes et les conservateurs, entre les familles et les... On n'en peut plus de ça, en fait. On souffre de ça aujourd'hui. Sortons de ça, redonnons cette dimension civilisationnelle. pour le coup, à l'éducation comme processus de transmission et d'émancipation et de lien entre les différentes générations dont est ici notre humanité. C'est ça vers le haut et donc nous on s'emploie à travers nos études, à travers nos publications, à travers nos réseaux sociaux, à travers nos événements à remettre cette dimension humaine de l'éducation au cœur du débat.

  • Speaker #1

    Et alors qu'est-ce qui vous a mené vers cette aventure-là ?

  • Speaker #0

    Personnellement ? Moi en fait j'ai travaillé toute ma vie pour l'État. Alors ? dans les armées, j'étais sous-marinier. Dans un sous-marin, je peux vous dire que la dimension, le corps, c'est concret, très concret. Quand vous êtes cinq mois dans un sous-marin, quand vous sortez, quand vous retrouvez le soleil, quand vous supportez plus vos camarades, c'est très concret. Et le cerveau, il ne marche plus quand le corps ne marche plus. C'est un exemple un peu concret de cognition incarnée, comme on dit. Et puis, ensuite, j'ai quitté ça. Voilà. Je suis devenu administrateur de l'État et j'ai travaillé pour notamment l'éducation nationale où on m'a confié le projet de service national universel. Et j'ai trouvé ce projet passionnant parce que je trouvais qu'il était très au cœur de toutes les contradictions de l'école. La façon dont on veut se servir de l'école pour porter des projets politiques, elle dimensionne un peu dans le brigadement, soyons clairs. Et puis à la fois, la réalité des besoins des enfants qui sont aujourd'hui pas, on n'y répond pas. Croire que l'école peut tout, croire que tous les enfants sont faits pour être plus sains, ça n'a pas de sens. Et puis, si la seule façon de réussir à l'école, c'est d'avoir un bac plus 5, ben... On ne cesse de faire de la casse et c'est ce qu'on fait aujourd'hui en fait. Dans une société dans laquelle il y a de moins en moins de jeunes, de plus en plus de vieux, on continue à casser massivement les jeunes. Il y a un truc qui m'a paru à la fois révoltant et à la fois... ça va bouger, ça ne peut que bouger. Et donc, au sortir de ça, ça m'a un peu convaincu que les leviers pour faire bouger les choses n'étaient pas forcément aujourd'hui dans l'État. L'État est nécessaire, il y a besoin de donner un cadre, etc. Mais peut-être qu'aujourd'hui le sujet c'est moins... de le cadre que de redonner confiance et liberté aux personnes. Et ça, je pense que ça passe beaucoup par l'initiative associative, la responsabilité individuelle, la générosité des personnes. Et donc, moi, je pense qu'il y a un temps devant nous qui est un temps pour les personnes. peut-être un peu de désordre, peut-être un peu d'anarchie, peut-être qu'on en a besoin. Et peut-être que ça revivira nos institutions et peut-être que ça nous permettra de réenvisager l'avenir à nouveaux frais. Mais aujourd'hui, il faut sortir de ces cadres qui sont un peu étriqués et qui sont devenus une partie du problème. Donc c'est pour ça que j'ai rejoint Vers le Haut. Et voilà, je m'en régale.

  • Speaker #1

    Merci infiniment, Guillaume. J'ai une dernière question qui est ma question rituelle du podcast. Vous le savez, il s'appelle Les adultes de demain Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    de croire en l'avenir, tout simplement.

  • Speaker #1

    Super. Eh bien, merci beaucoup. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. Ils laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

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