Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210 cover
Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210 cover
Les Adultes de Demain

Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210

Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210

38min |24/10/2024
Play
Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210 cover
Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210 cover
Les Adultes de Demain

Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210

Pourquoi l’adolescence est-elle tant redoutée ? - Emmanuelle Piquet - #210

38min |24/10/2024
Play

Description

Quand on parle de l’adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement parler de 'crise d’adolescence', alors que ce passage n’est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes.


Je suis ravie d’avoir tendu mon micro à Emmanuelle Piquet, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J’avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu’elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J’avais aussi envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l’adolescence. Emmanuelle ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d’adultes.


Ressources :

  • Son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy.

  • Son dernier livre Comment rater son couple à coup sûr aux éditions Les Arènes


Quelques questions posées :

  • Pourquoi l’adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents et pour les adolescents ?

  • Vous dites que "l’adolescence n’est ni une période transitoire ni une période obligatoirement critique". Comment, selon vous, devrions-nous alors définir cette phase de vie ?

  • Quelles sont, selon vous, les principales sources de souffrance émotionnelle entre parents et adolescents ?

  • Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents (réseaux sociaux, alcool, tabac, sexualité, etc.) ?


Crédits photo : Maxime Massa


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition.

  • Speaker #1

    Et on pense que c'est normal. Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent.

  • Speaker #0

    Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions.

  • Speaker #1

    Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps. Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #0

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup,

  • Speaker #1

    il dit que tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent. Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient.

  • Speaker #0

    Je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quand on parle de l'adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement d'ailleurs parler de crise d'adolescence, alors que ce passage n'est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes. Je suis ravie d'avoir tendu mon micro à Emmanuel P... piquée, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J'avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille, comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Paiopsi. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu'elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J'avais aussi très envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l'adolescence et la jeunesse en général. Emmanuel ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, de l'aide, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d'adultes. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Comment allez-vous ? Très bien et vous ? Très bien. Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter brièvement. Vous êtes une figure incontournable maintenant en France dans le domaine de la parentalité. Thérapeute spécialisée en thérapie brève stratégique selon l'approche de l'école de... Palo Alto, nous y reviendrons, vous êtes l'auteur d'une dizaine de best-sellers traitant de sujets tels que le harcèlement, les relations de couple et aussi les adolescents. Vous avez également fondé les centres à 180 degrés chagrin scolaire à Lyon, Mâcon, Paris et Lille, où psychothérapeutes accompagnent adultes, couples, enfants face à diverses problématiques souvent liées à des relations douloureuses avec autrui ou avec soi-même. Aujourd'hui, j'aurais pu vous interroger sur de nombreux aspects de l'éducation, mais j'ai choisi de me concentrer sur les adolescents et les conflits. Car je sais que cela suscite de réelles préoccupations chez beaucoup d'adultes et notamment chez les auditeurs des adultes de demain. Alors pourquoi est-ce que l'adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents mais aussi pour les adolescents ?

  • Speaker #1

    Sans doute parce que c'est vraiment la première période où ils vont utiliser complètement leur autonomie. En tout cas, c'est ce qu'on espère, sauf si on veut les garder près de soi toute la vie. Et donc, en fait, ils sont comme devant une espèce de falaise qui... qui peut générer un saut absolument magnifique, mais qui est quand même un peu angoissant pour tout le monde, pour eux. Surtout en ce moment, je trouve. C'est vraiment une génération extrêmement inquiète, à juste titre. Et puis pour les parents qui sont très inquiets à l'idée que justement ce saut se passe mal, et que le pire leur arrive. Donc je pense que c'est ça qui fait que tout à coup, il y a de nouvelles émotions qui surgissent, qui n'étaient pas forcément là avant, et qui font que c'est en effet... Un moment qui peut à la fois être tout à fait passionnant, tout à fait intense, mais positivement, et puis d'autres fois où les relations peuvent vraiment se gripper et parfois même vraiment se rompre en fait.

  • Speaker #0

    Justement, vous dites avoir l'impression que les adolescents sont plus inquiets aujourd'hui. Est-ce que vous qui suivez des ados depuis longtemps, vous voyez vraiment ça dans vos cabinets, une différence entre les ados d'aujourd'hui et les ados d'hier ?

  • Speaker #1

    Je vois des souffrances en effet un peu spécifiques. par exemple, une souffrance dont on a un peu parlé, mais qu'on a oublié, alors qu'à mon avis, un peu comme quand on jette un caillou dans l'eau, ça fait des cercles concentriques, ce qui s'est passé au moment du Covid, c'est que, en fait, l'évitement de l'école a été institutionnalisé comme étant une solution possible. C'est-à-dire qu'on s'est rendu compte qu'au fond, même si c'était absolument à fond pour les parents, il n'y a aucun doute, mais en tout cas, les enfants ont fait l'expérience que, finalement, ne pas aller à l'école était possible. C'est C'est extrêmement structurant ça en fait comme apprentissage. Et j'avais écrit à l'époque un article en disant Attention à la vague phobique qui monte, parce que plus on évite quelque chose qui nous inquiète, et plus cette chose-là devient inquiétante, et plus on l'évite, et plus ça devient inquiétant, enfin dans un espèce de cercle vicieux absolument abominable. Et c'est comme ça que se créent les phobies, et notamment les phobies scolaires. Donc ça, c'est très spécifique à cette génération. On a aujourd'hui... à peu près trois enfants par classe qui sont en décrochage, c'est-à-dire qui ne viennent plus à l'école. Parce que l'apprentissage de cet évitement, il a été fait par les enfants, mais il a été fait par les parents aussi, d'une certaine manière. Et avant le confinement, les enfants disaient, moi je n'ai pas envie d'y aller, parce qu'il y a plein d'enfants qui n'ont pas envie d'y aller, ou en tout cas qui ont plus peur qu'envie, disons. Et les parents ne sont plus si équivalents. Et puis là, ils disent, ce serait quand même bien que tu y ailles, mais si... Si c'est trop dur pour toi, alors tu peux rester à la maison. Ce que je comprends, c'est tout à fait affectueux, mais le problème, c'est que, comme je le disais, ça enclenche ce cercle vicieux. Donc ça, c'est une première souffrance très spécifique, qui est donc plus liée à de l'angoisse. Je dirais qu'en deuxième angoisse, on a quelque chose qui est aussi très particulier et que je trouve intéressant. En fait, ce chiffre ne vous a sans doute pas échappé. Il y a environ deux ans, on a... On a commencé à dire qu'il y avait un malaise adolescent extrêmement intense. Et en fait, quand on a regardé les chiffres, on s'est aperçu que le critère sur lequel s'appuyaient ces commentaires était un critère particulier et tout à fait inquiétant en effet, c'est le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide des adolescents. Ce qui est en effet un critère assez alarmant. Quand on regarde de plus près cet indicateur, on se rend compte qu'il n'y a pas de garçons en fait. C'est juste une cohorte de filles, de jeunes filles, de je crois, je crois que c'est 12 à 16 ans. Alors là, il y a une explosion littérale, mais vraiment c'est assez incroyable et on ne voit pas du tout le lien avec le Covid. J'ajoute, parce que c'est important, que le nombre de suicides n'a pas augmenté en parallèle. Donc c'est intéressant. Alors, je précise aussi que le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide chez les adolescents était plutôt dans une baisse continue depuis les années 2000. Et là donc on a ce sursaut mais très genré. Et donc en fait, ce qu'on reçoit en cabinet nous, donc on appelle ce personnage pour lequel on a beaucoup d'affection mais qui est très spécifique, l'adolescente des années 20, mais des années 20 maintenant là, avec en fait, on constate que par exemple si on prend comme critère la scarification, qui va de pair souvent avec des tentatives de suicide, pas toujours, mais souvent, et en tout cas dans l'imaginaire adulte, c'est vraiment très corrélé. On a donc un premier type d'adolescente qui est une adolescente qui se scarifie de façon extrêmement dissimulée, silencieuse, honteuse, et dont on sait, nous, une fois qu'elle nous parle, que si elle se scarifie, c'est parce que sa douleur est immense et qu'elle ne peut pas réguler avec les interlocuteurs avec lesquels elle devrait réguler, et que donc, comme elle le dit assez joliment... Elles disent je préfère avoir mal au poignet qu'au cœur C'est une façon de dériver la douleur. Ce sont des souffrances souvent extrêmement enquistées, problématiques. Et puis, on a un autre type d'adolescentes qui est dans une scarification extrêmement théâtrale. C'est-à-dire qu'elles sont plutôt dans l'exhibition de ça, de leur mal-être, de leur malaise. Donc ça va avec... toutes sortes de choses, des évanouissements beaucoup, souvent des troubles un peu alimentaires, je dis un peu parce que ce n'est pas non plus catastrophique, mais il y a quelque chose dont on sent que ce n'est pas très bien géré, et des hospitalisations pour tentatives de suicide. Et en fait, quand on creuse un peu avec ce profil-là d'adolescentes, on se rend compte que, en fait, ce sont des adolescentes qui souffrent aussi, mais pas du tout de la même façon et pas pour les mêmes raisons, elles souffrent parce qu'elles ont fait un apprentissage que pour être intéressante, pour être aimée, pour être estimée, globalement, et notamment au collège et au lycée, il fallait être un peu psychiatrique. C'est assez intéressant parce qu'en fait, très clairement, elles exhibent ça, mais ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas en souffrance, vraiment, je n'atténue pas, mais ça veut dire qu'on ne va pas du tout traiter ces deux adolescentes de la même façon. Donc ça, cette adolescente des années 20, très exhibitionniste, très romantico-psychiatrique, enfin, je ne sais pas comment on peut les appeler, mais... C'est aussi une souffrance très singulière qu'on n'avait pas avant. Et puis je terminerai, si on est sur les spécificités, avec les adolescents en transition, ou en tout cas qui se posent des questions sur le genre, et qui, dans un certain nombre de cas, je ne dis pas tout le temps, mais dans un certain nombre de cas, se heurtent à quelque chose de très violent de la part de leur entourage familial. Voilà, et donc je pense que c'est extrêmement important d'avoir des thérapeutes qui sont capables d'accompagner à la fois ces adolescents et à la fois les parents qui sont en effet tout à fait bouleversés par cette révélation. Voilà, et donc ça c'est très moderne aussi.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que les tentatives de suicide concernent plus les filles que les garçons ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas l'expliquer, je pense qu'il y a un côté, mais je ne sais pas, nous quand on était petites, il y avait aussi des jeunes filles un peu comme ça, qui un peu se mutilaient, alors ce n'était pas de la scarification, mais elles se brûlaient avec des cigarettes, je ne sais pas, il y a un côté un peu comme ça. Moi je pense que c'est difficile pour nos adolescents dans les interactions en fait, on a quand même quelque chose de très… une forte pression sur le fait qu'il faut qu'ils sachent faire relationnellement, vous voyez. Et donc, je pense que les garçons s'en sortent plutôt bien avec des trucs un peu de mec. Et puis les jeunes filles, elles ne savent pas trop, je pense, à certains moments, comment se positionner pour que l'interaction leur soit bénéfique, entre guillemets. Et donc, je pense que certaines ont trouvé là une façon d'être. Dans le groupe, parce qu'il y a des groupes vraiment, moi je constate vraiment des groupes au collège et au lycée qui sont constitués autour de jeunes filles très psychiatrisées.

  • Speaker #0

    Vous dites dans votre ouvrage que l'adolescence n'est ni une période transitoire, ni une période obligatoirement critique. Comment selon vous est-ce qu'on devrait alors définir cette phase de vie ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le moment où en effet cet enfant qui est le nôtre... Il y a cette dénomination du mot enfant, cette exception du mot enfant qui va dans les deux sens. C'est notre enfant et puis c'est encore un peu un enfant, cet adolescent. Mais en même temps, comme je le disais, il va s'élancer. Et donc, c'est ce moment-là, l'adolescence. Le problème, c'est que c'est une construction. Ça n'existe pas en vrai, l'adolescence. Quand on regarde ça un peu sur un plan historique, la première fois qu'on en a parlé, c'est très récent, c'était en 1904. Et alors ? Il s'est passé quelque chose, c'est qu'assez rapidement, la psychanalyse s'est beaucoup appropriée cette notion, enfin en tout cas elle a beaucoup commenté, on va dire, et on a fait de mon point de vue une période critique en considérant qu'en effet c'était un affreux, il disait que c'était anormal d'aller bien à l'adolescence. Ensuite elle a qualifié ça de trouble du développement. C'est quand même pas neutre en fait la façon dont cette notion a été accueillie. conceptuellement. En fait, l'histoire de cet aspect transitoire, quand je dis que c'est construit, c'est que, par exemple, au Moyen-Âge, à 14 ans, on était chef de famille. Alors qu'à la veille de la Révolution, le premier couple était à 28 ans. Donc, c'est quelque chose de très mouvant. Vous voyez, c'est pas... Et le fait même de considérer que c'est transitoire, il y a quelque chose derrière. qui moi m'inquiète tout le temps, c'est ce côté ça va lui passer. Parce que c'est quand même ce qu'on dit beaucoup des adolescents. On ne dit pas ça aux autres âges, ça va lui passer. On est d'accord ? C'est pour ça que je trouve que c'est cet aspect transitoire qui est assez méprisant en fait. Et puis en plus je trouve que considérer que c'est une population transitoire, parce qu'à la limite toutes les populations sont transitoires à partir de toutes les tranches d'âge, tous les âges même. Mais elle, donc on la qualifie vraiment de transitoire, c'est un peu la définir par la négative. Donc, je ne trouve pas ça très valorisant pour eux. Et comme déjà, ils sont quand même regardés avec une espèce de mépris amusé, dans le meilleur des cas, d'énervement dans d'autres cas. Je trouve qu'il ne faut pas en rajouter. Donc, voilà, moi, je pense qu'il faut juste se dire, c'est un moment, en effet, où ils s'élancent. Et donc, c'est un moment où, du coup, et c'est pour ça que j'ai écrit ce livre, mon aide de ma bataille, c'est que... Je pense que du coup, comme il s'élance à ce moment-là, et que ce saut, encore une fois, est quand même très structurant pour lui, il vaut mieux que les relations autour de lui soient le plus sereines possible, le plus accompagnantes au fond possible.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, quand on parle de cette fameuse crise de l'adolescence, elle ne concerne pas nécessairement tous les adolescents.

  • Speaker #1

    Mais tellement pas. Et d'ailleurs, c'est très occidental. Je veux dire, franchement, dans un certain nombre d'autres pays du globe, il n'y a absolument aucune symptomatologie. physiologique par exemple. L'acné, c'est très occidental. Vous voyez, ils sont pas moches les adolescents d'un certain nombre d'autres pays. Il y a une espèce de prophétie auto-réalisatrice tout à fait étonnante d'un point de vue sociétal. Oui, il y a quelque chose qui se cristallise au niveau de l'intensité émotionnelle qui en fait quelque chose de très particulier. Et c'est vrai que considérer que c'est une période critique, en plus d'une période de transition, Ça veut dire qu'on regarde le gamin comme étant critique, hein, Julien ? Et d'ailleurs, dans le langage courant, on a cette idée, voilà, quand un homme commence à faire, je ne sais pas quoi, enfin des choses qu'on lui reproche à 40 ans, 50 ans, on va dire qu'il fait sa crise d'adolescence parce qu'il ne l'a pas faite petit, comme si c'était vraiment obligatoire et critique. Et je pense que... Cette idée, on l'a tellement soignée, tellement caressée, comme dirait Paul Watzlawick, qu'elle est devenue une réalité.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Est-ce qu'il y a d'autres étiquettes problématiques que l'on colle souvent aux adolescents ?

  • Speaker #1

    Plein. Paresseux, égoïste, trop intense, un peu débile, pardon, n'ayant aucune expérience, donc devant bien se taire. Oui, et ce n'est pas récent, ça, en revanche. C'est que depuis que ça existe, vraiment, et on... On est parfois dans des discours presque proches du langage de la délinquance. On a vite fait un espèce de dérapage.

  • Speaker #0

    On est plutôt à la péjorative.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    On dit rarement que cette période est la plus belle période de notre vie. Alors en introduction, je l'ai mentionné, vous êtes formée à la thérapie brève selon l'école de Palo Alto. En quoi ces principes ont-ils influencé votre approche de l'accompagnement des ados et de leurs parents ?

  • Speaker #1

    Alors, ils l'ont considérablement influencé, puisque moi, je ne travaille qu'avec ces principes. Je suis extrêmement monomaniaque, voire un tout petit peu obsessionnelle. Et en fait, ça l'a influencé, je dirais, sur deux grandes thématiques, même s'il y en a beaucoup plus, mais pour synthétiser. La première, c'est que ce que les penseurs de l'école de Palo Alto ont mis en exergue, de façon, à mon avis, très esthétique, sur un plan intellectuel, et que je trouve passionnant, même si ce n'est pas forcément facile à mettre en œuvre, c'est que c'est souvent ce qu'on met en place pour résoudre un problème qui non seulement ne le résout pas mais l'alimente voire l'aggrave ça c'est vraiment un des principes absolus de cette école de pensée et du coup ça m'a beaucoup aidée parce que moi du coup ce que je vais faire en clinique, mon équipe aussi, c'est que on va chercher ce que les gens ont mis en place pour faire en sorte que la situation s'apaise et qui visiblement n'a pas fonctionné parce que sinon ils ne seraient pas en face de nous c'est déjà un critère qu'ils soient en face de nous c'est que ce qu'ils ont mis en place pour résoudre le problème n'a pas suffi à un minima... Et donc, on va les aider, et c'est notre métier, on va les aider à faire exactement et strictement l'inverse de ce qu'ils ont fait jusqu'à présent, partant du principe que c'est difficile d'arrêter de faire quelque chose, mais que si on fait l'inverse, alors par définition, on est obligé d'arrêter. On ne peut pas être debout et allongé à la fois. Donc ça, c'est le premier principe qui m'a beaucoup aidée parce que les parents d'adolescents, notamment, sont dans des espèces de combats extrêmement monotones, pour ainsi dire, enfin vraiment avec une espèce de persévérance tout à fait... Voilà, remarquable, mais inopérante. Et donc, de ce point de vue-là, ça m'a vraiment aidée à accompagner les parents d'adolescents à faire vraiment très différemment. Et puis, et c'est corrélé d'ailleurs, la deuxième chose, c'est que je pense que ce qui est hyper intéressant dans l'école de Palo Alto, précisément par rapport à ce qu'on disait juste avant, c'est que, comme le disait Václavik, nous, on soigne des relations, pas des gens. Et donc, ça veut dire qu'on considère qu'il n'y a pas de gens qui ne vont pas, comme par exemple, on peut le considérer quand on est un adolescent.

  • Speaker #0

    Et vous dites notamment apaiser la relation avant d'apaiser l'adolescent. Alors comment se passe un accompagnement typique ? Est-ce que vous auriez un exemple justement de ce fonctionnement inverse, un cas que vous pourriez illustrer ?

  • Speaker #1

    Prenons l'exemple quand même très classique de la scolarité, parce que c'est quand même un Vietnam absolu pour quand même pas mal de familles françaises. Donc voilà, ça se passe de la façon suivante. Dans ce genre de situation, par exemple, souvent la maman vient, parce que c'est quand même l'esclave scolaire, étonnamment, dans le couple. Donc elle vient et puis elle me dit, voilà, Madame Piquet, c'est horrible, Marius ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc il a 14 ans, on va prendre l'archétype absolu de vraiment, personnage absolument étonnant qui est le garçon de quatrième, qui est quand même un type avec qui on n'a pas du tout envie de partir en vacances. Mais ce n'est pas de sa faute, c'est pour les raisons qu'on a identifiées avant.

  • Speaker #0

    C'est son quatrième, troisième, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Quatrième, vraiment, je trouve qu'on atteint vraiment un espèce de truc... Paroxysme. Un paroxysme de l'horreur. Donc, Marius, quatrième, ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc, moi, je suis très inquiète pour lui, alors qu'il a un énorme potentiel, bien entendu, sinon c'est pas grave. Mais il a un énorme potentiel qu'il gâche terriblement. Et donc, du coup, ses mamans vont me dire en substance, quand je les interroge sur la façon dont elles s'y prennent, elles disent, ben voilà, je... J'attends qu'il rentre et qu'il ait un petit sas de décompression, parce que c'est très fatigant pour lui, le collège. Et puis là, je lui dis, avec une voix un peu, vous voyez, un peu primesautière, pour ne pas le heurter, parce qu'on a eu quand même beaucoup, beaucoup, cette espèce d'idée qui a été véhiculée par un certain nombre de penseurs, enfin de penseurs, oui, que voilà, il fallait être que positif, que valorisant, que… Et surtout pas s'énerver. Moi, mon avis a généré des ulcères chez pas mal de mamans, parce que c'est compliqué, en fait, de ne pas être s'énervé face à ce genre de comportement. Donc, elle lui dit une voix très légère. Chérie, c'est l'heure des devoirs. Donc là, il dit non, trop pas, parce qu'il est en train de faire autre chose. Donc, elles attendent. Et puis, au bout d'un moment, elles s'énervent un petit peu quand même. Et donc, elles le prennent quand elles peuvent, parce que des fois, physiquement, c'est compliqué. Elles le mettent à la table de la salle à manger. C'est ce qu'elle me raconte, en disant maintenant, on s'y met. Et lui, quand il entend, on s'y met. il entend le sujet de cette phrase en fait et il se dit dans On il y a beaucoup maman en fait et donc comme elle a l'air passionnée par la géographie je vais la laisser travailler ce qu'ils font et donc ça se termine en plus là enfin je veux dire tout ça est très problématique donc elles font ça ensuite elles ont des discours un peu sur La liberté, c'est important de choisir un métier passion, parce que c'est comme ça qu'on est heureux, et donc si tu ne travailles pas, tu n'auras pas, donc discours un peu moralisateur. Elles imposent des cours particuliers, moi je ne suis pas contre les cours particuliers, mais je trouve que c'est intéressant que ce soit l'adolescent qui les demande, parce que sinon, quand on lui impose, il essaye de se débattre, donc vraiment c'est quelque chose qui est très dysfonctionnel. Bref, ce que font ces mamans, en gros, c'est qu'elles exhortent leurs enfants, leurs adolescents, à se mettre au travail. Elles font de ce point de vue-là un peu une erreur de niveau logique, à mon avis, c'est qu'elles considèrent qu'au fond, quand on veut, on peut, ce qui est assez faux dans le monde adolescent, parce qu'ils ne sont pas du tout en vie, alors qu'ils peuvent, et donc ils ne le feront pas. Et donc vraiment, elles font ça à tenter plus avec beaucoup de créativité et beaucoup, encore une fois, de persévérance. Et donc ici, le virage à 180 degrés, si on est très théorique, c'est l'essai, Marius. faire ses devoirs ou pas, se mettre au travail ou pas. Ce qui est vraiment quelque chose d'extrêmement douloureux quand on a une maman inquiète. Surtout qu'il peut rater vraiment tout si on le laisse puisque sans sa mère, il n'est rien. Et en fait, moi je dis à ces mamans, le problème c'est que quand on prend comme ça en charge un adolescent sur ses devoirs ou sur d'autres choses d'ailleurs, implicitement, on lui envoie deux messages. Le premier c'est je t'aime et je m'inquiète pour toi évidemment et je ne veux pas que les profs soient mécontents de toi et je ne veux pas que tu rates ta scolarité évidemment. Mais le deuxième message qu'on lui envoie, c'est tu n'es pas capable de le faire tout seul Ce qui est profondément, comment dire, problématique au niveau de son estime de lui-même sur ce sujet-là. Et par ailleurs, je pense que le fait de les prendre en charge les plonge dans une espèce de léthargie assez confortable. C'est-à-dire que quand j'ai une maman qui, sur un tapis volant, en permanence est là pour s'assurer que je fais tout bien, ça me casse un peu les oreilles, mais en même temps, c'est très confortable. Donc, je vais leur dire, voilà. Madame, on va essayer quelque chose que pour l'instant on ne l'a pas fait. Et moi, je ne sais pas ce que vaut Marius scolairement, puisque ce sont vos notes. Et d'ailleurs, je ne vous félicite pas, puisque vous avez presque vos minutes 8 sur 20 de moyenne générale. C'est qui est calamiteux au regard de l'investissement qui est le vôtre. Et donc, je vais vous demander pendant 15 jours, on ne va pas faire ça du tout pendant toute notre vie, parce qu'elles sont déjà presque pétrifiées quand je leur dis ça, mais je vais vous demander de... de ne plus lui parler de scolarité, en fait. C'est-à-dire que vous n'avez pas le droit, pendant 15 jours, on fait une espèce de conspiration du silence, vous ne lui en parlez plus, et on regarde ce qui se passe. Et vraiment, ce qui est important, c'est que vous observiez ce qui se passe. Alors, c'est ultra dur pour elles. Franchement, elles sont vraiment extrêmement mal. Mais ce qui est très intéressant, c'est que quand elles reviennent de cette séance d'observation, elles ont vu des choses tout à fait intéressantes en termes de reprise en main, au fond, de la scolarité. J'en ai eu une, là, dernièrement, qui me disait, moi, je... Pendant trois jours, il n'a rien fait. Je me suis dit, c'est l'enfer. Pendant 15 jours, il ne va rien faire. Il va perdre tout. Tous ses acquis. Et puis, le quatrième jour, dans la voiture, donc autant dire cinq minutes avant d'arriver au collège, il a sorti son livre d'histoire géo. Ce qui n'est rien. On est d'accord, on est très loin d'une mise au boulot exemplaire. Mais elle me dit ça que je trouve très intéressant. Elle me dit, c'est la première fois que je voyais mon fils sortir un livre. sans que je lui en fasse la demande. Et elle a considéré, car elle est brillante, que c'est en effet un vrai changement. Et donc, elle n'a surtout pas applaudi, parce que là, le risque, c'est que la mère dise Mais chérie, je suis tellement contente parce que tu as ouvert ce livre ! Donc, il ne faut surtout pas faire ça, il faut être assez indifférente. Et puis, grosso modo, voilà, il s'est un peu pris en main. Alors, il ne va pas du tout avoir 16 de moyenne, on est d'accord, mais surtout, ça veut dire quoi ? Et c'est ça qu'elle me dit souvent à l'issue de ce virage à 180 degrés. C'est qu'elle me dit J'ai retrouvé le goût des câlins avec mon fils. parce que quand je leur dis ne lui parlez plus de scolarité souvent elles me répondent mais je vais parler de quoi ?

  • Speaker #0

    ce qui est quand même extrêmement embêtant parce qu'il y a plein d'autres sujets dont on peut parler avec un adolescent est-ce que vous voyez d'autres souffrances émotionnelles qu'il peut y avoir entre parents et adolescents donc là on a parlé quand même du côté de la mère très impliquée dans la scolarité de son enfant, est-ce que vous voyez d'autres souffrances ? qui se répètent et qu'on pourrait justement éviter, notamment grâce à ce virage à 180 degrés ?

  • Speaker #1

    En tout cas, ce que je retrouve moi en consultation, c'est en effet des parents qui contrôlent beaucoup les choses, qui sont peut-être un peu rigides et qui, d'une certaine façon, n'ont pas vu leur enfant évoluer, en fait, d'une certaine manière. Ils ont parfois, étonnamment, des règles qui, à mon avis, sont valables pour des enfants de 8 ans, enfin, peut-être pas, mais 10-11 ans, et ils mettent les mêmes pour des enfants de 15-16 ans, des adolescents de 15-16 ans. Donc... Il y a quelque chose qui bloque et donc ça crée une espèce de truc un peu étriqué à l'intérieur duquel l'adolescence débat. Et quand un adolescent se débat, il peut faire mal en fait à ses parents parce que c'est comme un peu des pursants pour un certain nombre d'entre eux. Ils sont assez peu des poneys Shetland dans l'ensemble, quoique il y en a bien entendu. Mais je ne voudrais pas non plus... Voilà, considérer qu'il y a des modes d'emploi ou des problématiques, parce qu'une souffrance très forte peut être générée chez des adolescents par des parents totalement abandonniques. Et donc, ce qui est intéressant avec l'école de Palo Alto, c'est qu'on va vraiment partir de ce qui se passe et qui ne fonctionne pas. C'est-à-dire que moi, je vais être amenée face à des parents très abandonniques, et ce n'est pas un reproche, parce que voilà, pour plein de raisons en fait, qui font que c'est très difficile pour eux. Je vais leur demander de faire exactement l'inverse de ce que j'ai demandé à la maman de Marius. Parce que ce qu'ils font est exactement l'inverse de ce que fait la maman de Marius, pour d'ailleurs des résultats étonnamment similaires. C'est-à-dire que, qu'on soit dans une prise en charge excessive, ou qu'on soit dans un abandon sur la scolarité, on obtient une espèce de démobilisation de l'adolescent. Et donc, le curseur se trouve sans doute au milieu, mais à chaque fois, on part de la réalité de ce qui se passe dans la relation entre... le parent et l'ado.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des thérapies qui durent longtemps ou est-ce qu'au final, les résultats arrivent assez vite ?

  • Speaker #1

    Donc nous, notre moyenne, on évalue un peu tout. Notre moyenne de consultation, c'est de 4,2 séances. Donc c'est très bref. C'est vraiment, on fait de la thérapie brève et systémique. C'est-à-dire qu'on part du principe que si au bout de 5-6 séances, il ne s'est rien passé en termes de changement, c'est que ce n'est pas la bonne approche. Alors nous, on a depuis 5 ans un système, comme je vous le disais, d'évaluation de nos thérapies par les patients. Donc on commence à voir un échantillon assez significatif et on a vraiment un apaisement de la souffrance. On est sur une échelle de 0 à 10 en fait, on leur dit si votre souffrance était à 10 quand vous êtes venu nous voir, à combien est-elle 3 mois après la thérapie ? Et ils sont plus de 80% à dire qu'elle est à 5 ou moins, donc c'est quelque chose qui est très fonctionnel, mais il y a 20% qu'on n'arrive pas à aider, évidemment.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous voyez certaines souffrances chez les ados qui ne sont pas nécessairement dues à des souffrances relationnelles avec le parent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Bien sûr, même si ce n'est pas forcément la majorité, je dois l'admettre, avec toute l'affection immense que j'ai pour les parents d'ados, dont j'ai fait partie. Alléluia, c'est fini. Et du coup, il y a par exemple ce que certains appellent l'éco-anxiété. Moi, je trouve que chez les adolescents, c'est plutôt une éco-déprime. C'est-à-dire que...

  • Speaker #0

    Ils sont vraiment, pour certains, convaincus qu'ils vont mourir brutalement à cause d'un phénomène environnemental. Donc ça, c'est très déprimant pour eux. Ils ont l'impression qu'en plus, on ne fait pas grand-chose. En tout cas, c'est leur impression pour un certain nombre d'entre eux. Donc ça, c'est très personnel. Je peux avoir des enfants, des adolescents, pardon, qui sont... dans des questionnements personnels très intenses. Et finalement, la souffrance qui est liée à ce questionnement est parfois un combat entre je ressens des choses, mais je ne veux pas les ressentir qui fait qu'on se met vraiment dans des phases critiques qui n'est pas forcément liées aux parents. Alors parfois, ça peut être largement amplifié par le regard parental, mais il y a des fois, c'est vraiment très interne, par exemple. Donc voilà, mais je trouve que dans la plupart des cas, très sincèrement, même si ça n'est pas lié à des conflits parentaux, Moi, c'est hyper important pour moi de travailler avec les parents de ces adolescents, main dans la main, pour qu'on aille dans le même sens. Parce que je pense que, même s'ils ne font pas partie du problème, ils font partie de la solution.

  • Speaker #1

    Et typiquement, sur l'éco-déprime, comment est-ce que vous soignez cette souffrance-là ?

  • Speaker #0

    Sur l'éco-déprime, moi, je trouve que ce n'est pas un trouble. Parce que je trouve que ce n'est pas eux qui ne vont pas, en fait. Donc, je trouve que c'est bizarre de le pathologiser, en fait, d'une certaine façon. Mais c'est une souffrance, vous avez parfaitement raison. Et donc, en fait... ce qu'on constate, c'est que très souvent, il y a cette souffrance qui vient parce qu'elle est déclenchée par une information ou quelque chose qu'ils perçoivent. Et là, comme cette souffrance est assez submergente, ils se disent, mais non, mais ça va aller, il y a quand même des progrès qui sont faits et puis il va y avoir une prise de conscience. Oui, il y a encore ce combat interne dont on parlait juste avant. Et moi, je les aide en fait à trouver un endroit dans leur intimité, à l'intérieur d'eux-mêmes. où ils vont pendant un quart d'heure accueillir cette tristesse et lui dire au fond qu'elle n'est pas pathologique, qu'elle est écologique, logique, et que c'est important de lui faire une place, parce que si on ne lui fait pas une place, comme une eau qui déborde d'un barrage, elle va tout prendre sur son passage.

  • Speaker #1

    Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents ? Alors on parle des réseaux sociaux, on parle de l'alcool, du tabac. de toutes les images auxquelles ils sont exposés d'un point de vue de la sexualité. Comment est-ce qu'en tant que parents, on peut les prévenir sur tous ces sujets-là ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une question vraiment intéressante parce qu'on parlait du contrôle. Et en fait, moi j'ai le sentiment que quand on est adulte, vis-à-vis d'un adolescent, on peut être dans une posture où on est autoritaire, donc on est plutôt dans le contrôle de tout pour essayer de... le protéger par exemple de tous ces dangers, ou alors on peut être cet adulte qui fait autorité. Pour moi, ce n'est pas du tout la même chose. Celui qui fait autorité, c'est en fait l'adulte auquel l'adolescent va s'adresser justement quand il est face à une image pédopornographique ou pornographique, lorsque il est dans une situation extrêmement difficile relationnellement parlant, par exemple je pense au harcèlement en milieu scolaire, quand il est... confronté à de la drogue et que voilà il en a pris et que il a fait un bad trip par exemple moi je pense que c'est très important qu'il puisse en parler à ses parents et pour qu'il puisse en parler à ses parents il faut qu'il soit à peu près certain de ne pas générer ni une crise de nerfs ni un contrôle accru de tout ce qu'il fait parce que sinon il va en parler à d'autres personnes et moi je sais pas à qui il va en parler c'est ça qui m'ennuie donc pour moi La meilleure prévention, en fait, c'est d'être cet adulte qui va d'une certaine manière, si je devais un peu le préciser, qui va donner son point de vue, qui va indiquer le choix qui s'offre à l'enfant, parce que souvent il s'agit quand même de choix par rapport à un certain nombre de situations, et qui va lui dire cette phrase qu'on ne dit pas assez souvent, à mon avis, aux ados, qui est tu sais mieux que moi ce qui est bon pour toi Mais moi, je serai toujours là. Et voilà mon avis. Et je pense que du coup, là, Les adolescents vont dire en fait, ils vont dire les choses, parce qu'ils sentent qu'on ne va pas leur imposer un point de vue, parce qu'ils sentent qu'on va en même temps leur donner le nôtre, et parce qu'ils sentent qu'on va être cet adulte qui au fond dit, moi je vais t'aider à réfléchir aux deux solutions, aux risques qu'il y a, d'un côté, aux inconvénients qu'il y a de l'autre, au renoncement qu'il y a peut-être. Ça c'est une espèce de souplesse relationnelle qui à mon avis est ultra ultra préventive.

  • Speaker #1

    Et est-ce que cette manière de communiquer peut être appliquée aussi au sujet de l'orientation scolaire ?

  • Speaker #0

    Totalement, vraiment. S'il y a un sujet sur lequel il peut être appliqué, c'est bien ça. Et c'est terrible, moi j'ai vraiment reçu en consultation des adolescents qui allaient vraiment bien. qui n'était pas très scolaire, ce qui n'est pas tellement un défaut pour moi. Et dont les parents, pour des raisons d'inquiétude et d'amour, je veux dire vraiment, ce n'est pas du tout un rapproche que je leur fais, mais qui vraiment les avaient dit, je vais faire une voie générale, parce que c'est quand même ça le mieux, parce que c'est ça qui ouvre le plus et tout ça. Et qui se sont retrouvés dans un état de déprime, mais vraiment avancé, parce qu'en plus ils avaient pour certains une espèce de souhait, pour ne pas dire de vocation, mais en tout cas... de soi vraiment très clair sur quelque chose d'autre que la voie générale. Et je pense vraiment que ça n'a aucun sens de faire ça. C'est-à-dire que, ce que je dis souvent aux parents, c'est que je leur dis, voilà, il y a en effet des autoroutes. Les autoroutes, c'est rassurant, parce qu'on se dit, voilà, il y a du personnel, enfin tout ça. Mais je trouve ça très monotone quand même, c'est pas très intéressant. Et puis il y a des chemins de traverse. Alors les chemins de traverse, ils sont plus recailleux, à priori, il peut y avoir plus de rencontres un peu moins... Voilà, conventionnel. Mais il y a plein d'enfants, d'adolescents, qui ont pris des chemins de traverse et qui se sont parfaitement bien trouvés de faire ça. Et par ailleurs, je connais plein d'enfants qui ont pris des autoroutes tout à fait brillantes et qui sont très malheureux. Parce qu'ils ont fait des choses aussi parce que, pour leurs parents, c'était important. Et ça, ça fait souvent des espèces de motivations un peu... Comment dire ? Un peu comme des feux... des feux mais qui ne durent pas. Et oui, moi je pense que vraiment dire à un enfant, écoute, au fond, je ne sais pas si tu prendras une autoroute ou des chemins de traverse, ça a l'air plutôt parti pour prendre des chemins de traverse, mais peu importe au fond le chemin, moi je suis déjà en train de voir l'adulte magnifique que tu vas devenir. C'est ça en fait, je pense, la bonne attitude.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs sur ce sujet d'orientation, on a quand même vu il y a quelques années, on parlait de la grande démission. Donc pour tous ceux qui avaient pris la grande autoroute, il y a quand même beaucoup. beaucoup de jeunes adultes qui, au final, ont décidé de prendre ces chemins de traverse.

  • Speaker #0

    Absolument.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on sait que c'est le bon moment pour se faire accompagner ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je dirais qu'il y a deux critères. Je dirais, si vous avez la sensation dans votre cœur de maman ou de papa que votre adolescent souffre, parce que parfois, on a cette sensation-là et c'est difficile de comprendre, puisque la communication, c'est le deuxième critère en fait. Le deuxième critère, c'est quand en plus la communication est très difficile avec lui. Je pense que là, vraiment, ce sont les deux critères qui doivent nous faire dire, ce serait peut-être bien d'aller consulter. Alors nous, en fait, on reçoit toujours les parents en première séance, toujours, parce qu'on veut notamment bloquer, vous l'avez compris, ce qu'ils mettent en œuvre de profondément inefficace. Et puis ensuite, il y a des fois où on voit l'adolescent et des fois pas du tout. Des fois, on considère que c'est contre-productif, surtout quand c'est un adolescent qui a été très pathologisé, très observé comme ça. De toute façon, voilà. donc mais si on pense que ce serait important qu'on voit l'adolescent au regard de ce que nous raconte le parent en première séance là on va demander l'autorisation d'avoir leur numéro de portable donc le parent demande à l'adolescent si on a l'autorisation de leur écrire un SMS et là on leur envoie un SMS très freinant en fait en disant on a vu ta maman qui a l'air très inquiète nous on sait pas trop en fait si elle a raison de s'inquiéter ou pas voilà et on sait pas trop si toi ça va ou si ça va pas en fait donc on va demander si jamais ça va pas, on serait très heureux de pouvoir t'aider mais en même temps on comprendrait que t'es pas du tout en vie et moi je rajoute souvent d'autant que je suis vieille ainsi comme ça je pense que c'est très réponsible et du coup je pense qu'en les enlevant les SMS ils se disent cette personne est très bizarre ne serait-ce que pour la curiosité ils viennent et là on peut travailler avec eux on arrive déjà à la dernière question c'est ma question rituelle,

  • Speaker #1

    donc vous savez le podcast s'appelle les adultes de demain... Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux ados d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    Je leur souhaiterais de vraiment travailler à être le plus alignés possible entre ce qu'ils pensent et ce qu'ils ressentent, en fait, d'une certaine manière. Je leur souhaiterais d'essayer d'accepter toutes les parties de leur personnalité, en fait, et de ne pas vouloir se conformer à rentrer dans des choses... Voilà. dont on leur dit qu'elles sont importantes. Voilà, en gros, c'est très bateau, c'est horrible, mais vraiment de faire confiance à ce qui est plus de l'ordre du désir chez eux que de la volonté.

  • Speaker #1

    C'est bateau, mais ce n'est pas si facile à appliquer que ça. Merci infiniment, Emmanuelle.

  • Speaker #0

    C'est moi qui vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. qui laisse des avis et des notes sur Apple Podcasts ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver... Je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

Quand on parle de l’adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement parler de 'crise d’adolescence', alors que ce passage n’est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes.


Je suis ravie d’avoir tendu mon micro à Emmanuelle Piquet, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J’avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu’elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J’avais aussi envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l’adolescence. Emmanuelle ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d’adultes.


Ressources :

  • Son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy.

  • Son dernier livre Comment rater son couple à coup sûr aux éditions Les Arènes


Quelques questions posées :

  • Pourquoi l’adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents et pour les adolescents ?

  • Vous dites que "l’adolescence n’est ni une période transitoire ni une période obligatoirement critique". Comment, selon vous, devrions-nous alors définir cette phase de vie ?

  • Quelles sont, selon vous, les principales sources de souffrance émotionnelle entre parents et adolescents ?

  • Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents (réseaux sociaux, alcool, tabac, sexualité, etc.) ?


Crédits photo : Maxime Massa


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition.

  • Speaker #1

    Et on pense que c'est normal. Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent.

  • Speaker #0

    Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions.

  • Speaker #1

    Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps. Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #0

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup,

  • Speaker #1

    il dit que tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent. Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient.

  • Speaker #0

    Je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quand on parle de l'adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement d'ailleurs parler de crise d'adolescence, alors que ce passage n'est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes. Je suis ravie d'avoir tendu mon micro à Emmanuel P... piquée, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J'avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille, comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Paiopsi. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu'elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J'avais aussi très envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l'adolescence et la jeunesse en général. Emmanuel ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, de l'aide, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d'adultes. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Comment allez-vous ? Très bien et vous ? Très bien. Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter brièvement. Vous êtes une figure incontournable maintenant en France dans le domaine de la parentalité. Thérapeute spécialisée en thérapie brève stratégique selon l'approche de l'école de... Palo Alto, nous y reviendrons, vous êtes l'auteur d'une dizaine de best-sellers traitant de sujets tels que le harcèlement, les relations de couple et aussi les adolescents. Vous avez également fondé les centres à 180 degrés chagrin scolaire à Lyon, Mâcon, Paris et Lille, où psychothérapeutes accompagnent adultes, couples, enfants face à diverses problématiques souvent liées à des relations douloureuses avec autrui ou avec soi-même. Aujourd'hui, j'aurais pu vous interroger sur de nombreux aspects de l'éducation, mais j'ai choisi de me concentrer sur les adolescents et les conflits. Car je sais que cela suscite de réelles préoccupations chez beaucoup d'adultes et notamment chez les auditeurs des adultes de demain. Alors pourquoi est-ce que l'adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents mais aussi pour les adolescents ?

  • Speaker #1

    Sans doute parce que c'est vraiment la première période où ils vont utiliser complètement leur autonomie. En tout cas, c'est ce qu'on espère, sauf si on veut les garder près de soi toute la vie. Et donc, en fait, ils sont comme devant une espèce de falaise qui... qui peut générer un saut absolument magnifique, mais qui est quand même un peu angoissant pour tout le monde, pour eux. Surtout en ce moment, je trouve. C'est vraiment une génération extrêmement inquiète, à juste titre. Et puis pour les parents qui sont très inquiets à l'idée que justement ce saut se passe mal, et que le pire leur arrive. Donc je pense que c'est ça qui fait que tout à coup, il y a de nouvelles émotions qui surgissent, qui n'étaient pas forcément là avant, et qui font que c'est en effet... Un moment qui peut à la fois être tout à fait passionnant, tout à fait intense, mais positivement, et puis d'autres fois où les relations peuvent vraiment se gripper et parfois même vraiment se rompre en fait.

  • Speaker #0

    Justement, vous dites avoir l'impression que les adolescents sont plus inquiets aujourd'hui. Est-ce que vous qui suivez des ados depuis longtemps, vous voyez vraiment ça dans vos cabinets, une différence entre les ados d'aujourd'hui et les ados d'hier ?

  • Speaker #1

    Je vois des souffrances en effet un peu spécifiques. par exemple, une souffrance dont on a un peu parlé, mais qu'on a oublié, alors qu'à mon avis, un peu comme quand on jette un caillou dans l'eau, ça fait des cercles concentriques, ce qui s'est passé au moment du Covid, c'est que, en fait, l'évitement de l'école a été institutionnalisé comme étant une solution possible. C'est-à-dire qu'on s'est rendu compte qu'au fond, même si c'était absolument à fond pour les parents, il n'y a aucun doute, mais en tout cas, les enfants ont fait l'expérience que, finalement, ne pas aller à l'école était possible. C'est C'est extrêmement structurant ça en fait comme apprentissage. Et j'avais écrit à l'époque un article en disant Attention à la vague phobique qui monte, parce que plus on évite quelque chose qui nous inquiète, et plus cette chose-là devient inquiétante, et plus on l'évite, et plus ça devient inquiétant, enfin dans un espèce de cercle vicieux absolument abominable. Et c'est comme ça que se créent les phobies, et notamment les phobies scolaires. Donc ça, c'est très spécifique à cette génération. On a aujourd'hui... à peu près trois enfants par classe qui sont en décrochage, c'est-à-dire qui ne viennent plus à l'école. Parce que l'apprentissage de cet évitement, il a été fait par les enfants, mais il a été fait par les parents aussi, d'une certaine manière. Et avant le confinement, les enfants disaient, moi je n'ai pas envie d'y aller, parce qu'il y a plein d'enfants qui n'ont pas envie d'y aller, ou en tout cas qui ont plus peur qu'envie, disons. Et les parents ne sont plus si équivalents. Et puis là, ils disent, ce serait quand même bien que tu y ailles, mais si... Si c'est trop dur pour toi, alors tu peux rester à la maison. Ce que je comprends, c'est tout à fait affectueux, mais le problème, c'est que, comme je le disais, ça enclenche ce cercle vicieux. Donc ça, c'est une première souffrance très spécifique, qui est donc plus liée à de l'angoisse. Je dirais qu'en deuxième angoisse, on a quelque chose qui est aussi très particulier et que je trouve intéressant. En fait, ce chiffre ne vous a sans doute pas échappé. Il y a environ deux ans, on a... On a commencé à dire qu'il y avait un malaise adolescent extrêmement intense. Et en fait, quand on a regardé les chiffres, on s'est aperçu que le critère sur lequel s'appuyaient ces commentaires était un critère particulier et tout à fait inquiétant en effet, c'est le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide des adolescents. Ce qui est en effet un critère assez alarmant. Quand on regarde de plus près cet indicateur, on se rend compte qu'il n'y a pas de garçons en fait. C'est juste une cohorte de filles, de jeunes filles, de je crois, je crois que c'est 12 à 16 ans. Alors là, il y a une explosion littérale, mais vraiment c'est assez incroyable et on ne voit pas du tout le lien avec le Covid. J'ajoute, parce que c'est important, que le nombre de suicides n'a pas augmenté en parallèle. Donc c'est intéressant. Alors, je précise aussi que le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide chez les adolescents était plutôt dans une baisse continue depuis les années 2000. Et là donc on a ce sursaut mais très genré. Et donc en fait, ce qu'on reçoit en cabinet nous, donc on appelle ce personnage pour lequel on a beaucoup d'affection mais qui est très spécifique, l'adolescente des années 20, mais des années 20 maintenant là, avec en fait, on constate que par exemple si on prend comme critère la scarification, qui va de pair souvent avec des tentatives de suicide, pas toujours, mais souvent, et en tout cas dans l'imaginaire adulte, c'est vraiment très corrélé. On a donc un premier type d'adolescente qui est une adolescente qui se scarifie de façon extrêmement dissimulée, silencieuse, honteuse, et dont on sait, nous, une fois qu'elle nous parle, que si elle se scarifie, c'est parce que sa douleur est immense et qu'elle ne peut pas réguler avec les interlocuteurs avec lesquels elle devrait réguler, et que donc, comme elle le dit assez joliment... Elles disent je préfère avoir mal au poignet qu'au cœur C'est une façon de dériver la douleur. Ce sont des souffrances souvent extrêmement enquistées, problématiques. Et puis, on a un autre type d'adolescentes qui est dans une scarification extrêmement théâtrale. C'est-à-dire qu'elles sont plutôt dans l'exhibition de ça, de leur mal-être, de leur malaise. Donc ça va avec... toutes sortes de choses, des évanouissements beaucoup, souvent des troubles un peu alimentaires, je dis un peu parce que ce n'est pas non plus catastrophique, mais il y a quelque chose dont on sent que ce n'est pas très bien géré, et des hospitalisations pour tentatives de suicide. Et en fait, quand on creuse un peu avec ce profil-là d'adolescentes, on se rend compte que, en fait, ce sont des adolescentes qui souffrent aussi, mais pas du tout de la même façon et pas pour les mêmes raisons, elles souffrent parce qu'elles ont fait un apprentissage que pour être intéressante, pour être aimée, pour être estimée, globalement, et notamment au collège et au lycée, il fallait être un peu psychiatrique. C'est assez intéressant parce qu'en fait, très clairement, elles exhibent ça, mais ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas en souffrance, vraiment, je n'atténue pas, mais ça veut dire qu'on ne va pas du tout traiter ces deux adolescentes de la même façon. Donc ça, cette adolescente des années 20, très exhibitionniste, très romantico-psychiatrique, enfin, je ne sais pas comment on peut les appeler, mais... C'est aussi une souffrance très singulière qu'on n'avait pas avant. Et puis je terminerai, si on est sur les spécificités, avec les adolescents en transition, ou en tout cas qui se posent des questions sur le genre, et qui, dans un certain nombre de cas, je ne dis pas tout le temps, mais dans un certain nombre de cas, se heurtent à quelque chose de très violent de la part de leur entourage familial. Voilà, et donc je pense que c'est extrêmement important d'avoir des thérapeutes qui sont capables d'accompagner à la fois ces adolescents et à la fois les parents qui sont en effet tout à fait bouleversés par cette révélation. Voilà, et donc ça c'est très moderne aussi.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que les tentatives de suicide concernent plus les filles que les garçons ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas l'expliquer, je pense qu'il y a un côté, mais je ne sais pas, nous quand on était petites, il y avait aussi des jeunes filles un peu comme ça, qui un peu se mutilaient, alors ce n'était pas de la scarification, mais elles se brûlaient avec des cigarettes, je ne sais pas, il y a un côté un peu comme ça. Moi je pense que c'est difficile pour nos adolescents dans les interactions en fait, on a quand même quelque chose de très… une forte pression sur le fait qu'il faut qu'ils sachent faire relationnellement, vous voyez. Et donc, je pense que les garçons s'en sortent plutôt bien avec des trucs un peu de mec. Et puis les jeunes filles, elles ne savent pas trop, je pense, à certains moments, comment se positionner pour que l'interaction leur soit bénéfique, entre guillemets. Et donc, je pense que certaines ont trouvé là une façon d'être. Dans le groupe, parce qu'il y a des groupes vraiment, moi je constate vraiment des groupes au collège et au lycée qui sont constitués autour de jeunes filles très psychiatrisées.

  • Speaker #0

    Vous dites dans votre ouvrage que l'adolescence n'est ni une période transitoire, ni une période obligatoirement critique. Comment selon vous est-ce qu'on devrait alors définir cette phase de vie ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le moment où en effet cet enfant qui est le nôtre... Il y a cette dénomination du mot enfant, cette exception du mot enfant qui va dans les deux sens. C'est notre enfant et puis c'est encore un peu un enfant, cet adolescent. Mais en même temps, comme je le disais, il va s'élancer. Et donc, c'est ce moment-là, l'adolescence. Le problème, c'est que c'est une construction. Ça n'existe pas en vrai, l'adolescence. Quand on regarde ça un peu sur un plan historique, la première fois qu'on en a parlé, c'est très récent, c'était en 1904. Et alors ? Il s'est passé quelque chose, c'est qu'assez rapidement, la psychanalyse s'est beaucoup appropriée cette notion, enfin en tout cas elle a beaucoup commenté, on va dire, et on a fait de mon point de vue une période critique en considérant qu'en effet c'était un affreux, il disait que c'était anormal d'aller bien à l'adolescence. Ensuite elle a qualifié ça de trouble du développement. C'est quand même pas neutre en fait la façon dont cette notion a été accueillie. conceptuellement. En fait, l'histoire de cet aspect transitoire, quand je dis que c'est construit, c'est que, par exemple, au Moyen-Âge, à 14 ans, on était chef de famille. Alors qu'à la veille de la Révolution, le premier couple était à 28 ans. Donc, c'est quelque chose de très mouvant. Vous voyez, c'est pas... Et le fait même de considérer que c'est transitoire, il y a quelque chose derrière. qui moi m'inquiète tout le temps, c'est ce côté ça va lui passer. Parce que c'est quand même ce qu'on dit beaucoup des adolescents. On ne dit pas ça aux autres âges, ça va lui passer. On est d'accord ? C'est pour ça que je trouve que c'est cet aspect transitoire qui est assez méprisant en fait. Et puis en plus je trouve que considérer que c'est une population transitoire, parce qu'à la limite toutes les populations sont transitoires à partir de toutes les tranches d'âge, tous les âges même. Mais elle, donc on la qualifie vraiment de transitoire, c'est un peu la définir par la négative. Donc, je ne trouve pas ça très valorisant pour eux. Et comme déjà, ils sont quand même regardés avec une espèce de mépris amusé, dans le meilleur des cas, d'énervement dans d'autres cas. Je trouve qu'il ne faut pas en rajouter. Donc, voilà, moi, je pense qu'il faut juste se dire, c'est un moment, en effet, où ils s'élancent. Et donc, c'est un moment où, du coup, et c'est pour ça que j'ai écrit ce livre, mon aide de ma bataille, c'est que... Je pense que du coup, comme il s'élance à ce moment-là, et que ce saut, encore une fois, est quand même très structurant pour lui, il vaut mieux que les relations autour de lui soient le plus sereines possible, le plus accompagnantes au fond possible.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, quand on parle de cette fameuse crise de l'adolescence, elle ne concerne pas nécessairement tous les adolescents.

  • Speaker #1

    Mais tellement pas. Et d'ailleurs, c'est très occidental. Je veux dire, franchement, dans un certain nombre d'autres pays du globe, il n'y a absolument aucune symptomatologie. physiologique par exemple. L'acné, c'est très occidental. Vous voyez, ils sont pas moches les adolescents d'un certain nombre d'autres pays. Il y a une espèce de prophétie auto-réalisatrice tout à fait étonnante d'un point de vue sociétal. Oui, il y a quelque chose qui se cristallise au niveau de l'intensité émotionnelle qui en fait quelque chose de très particulier. Et c'est vrai que considérer que c'est une période critique, en plus d'une période de transition, Ça veut dire qu'on regarde le gamin comme étant critique, hein, Julien ? Et d'ailleurs, dans le langage courant, on a cette idée, voilà, quand un homme commence à faire, je ne sais pas quoi, enfin des choses qu'on lui reproche à 40 ans, 50 ans, on va dire qu'il fait sa crise d'adolescence parce qu'il ne l'a pas faite petit, comme si c'était vraiment obligatoire et critique. Et je pense que... Cette idée, on l'a tellement soignée, tellement caressée, comme dirait Paul Watzlawick, qu'elle est devenue une réalité.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Est-ce qu'il y a d'autres étiquettes problématiques que l'on colle souvent aux adolescents ?

  • Speaker #1

    Plein. Paresseux, égoïste, trop intense, un peu débile, pardon, n'ayant aucune expérience, donc devant bien se taire. Oui, et ce n'est pas récent, ça, en revanche. C'est que depuis que ça existe, vraiment, et on... On est parfois dans des discours presque proches du langage de la délinquance. On a vite fait un espèce de dérapage.

  • Speaker #0

    On est plutôt à la péjorative.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    On dit rarement que cette période est la plus belle période de notre vie. Alors en introduction, je l'ai mentionné, vous êtes formée à la thérapie brève selon l'école de Palo Alto. En quoi ces principes ont-ils influencé votre approche de l'accompagnement des ados et de leurs parents ?

  • Speaker #1

    Alors, ils l'ont considérablement influencé, puisque moi, je ne travaille qu'avec ces principes. Je suis extrêmement monomaniaque, voire un tout petit peu obsessionnelle. Et en fait, ça l'a influencé, je dirais, sur deux grandes thématiques, même s'il y en a beaucoup plus, mais pour synthétiser. La première, c'est que ce que les penseurs de l'école de Palo Alto ont mis en exergue, de façon, à mon avis, très esthétique, sur un plan intellectuel, et que je trouve passionnant, même si ce n'est pas forcément facile à mettre en œuvre, c'est que c'est souvent ce qu'on met en place pour résoudre un problème qui non seulement ne le résout pas mais l'alimente voire l'aggrave ça c'est vraiment un des principes absolus de cette école de pensée et du coup ça m'a beaucoup aidée parce que moi du coup ce que je vais faire en clinique, mon équipe aussi, c'est que on va chercher ce que les gens ont mis en place pour faire en sorte que la situation s'apaise et qui visiblement n'a pas fonctionné parce que sinon ils ne seraient pas en face de nous c'est déjà un critère qu'ils soient en face de nous c'est que ce qu'ils ont mis en place pour résoudre le problème n'a pas suffi à un minima... Et donc, on va les aider, et c'est notre métier, on va les aider à faire exactement et strictement l'inverse de ce qu'ils ont fait jusqu'à présent, partant du principe que c'est difficile d'arrêter de faire quelque chose, mais que si on fait l'inverse, alors par définition, on est obligé d'arrêter. On ne peut pas être debout et allongé à la fois. Donc ça, c'est le premier principe qui m'a beaucoup aidée parce que les parents d'adolescents, notamment, sont dans des espèces de combats extrêmement monotones, pour ainsi dire, enfin vraiment avec une espèce de persévérance tout à fait... Voilà, remarquable, mais inopérante. Et donc, de ce point de vue-là, ça m'a vraiment aidée à accompagner les parents d'adolescents à faire vraiment très différemment. Et puis, et c'est corrélé d'ailleurs, la deuxième chose, c'est que je pense que ce qui est hyper intéressant dans l'école de Palo Alto, précisément par rapport à ce qu'on disait juste avant, c'est que, comme le disait Václavik, nous, on soigne des relations, pas des gens. Et donc, ça veut dire qu'on considère qu'il n'y a pas de gens qui ne vont pas, comme par exemple, on peut le considérer quand on est un adolescent.

  • Speaker #0

    Et vous dites notamment apaiser la relation avant d'apaiser l'adolescent. Alors comment se passe un accompagnement typique ? Est-ce que vous auriez un exemple justement de ce fonctionnement inverse, un cas que vous pourriez illustrer ?

  • Speaker #1

    Prenons l'exemple quand même très classique de la scolarité, parce que c'est quand même un Vietnam absolu pour quand même pas mal de familles françaises. Donc voilà, ça se passe de la façon suivante. Dans ce genre de situation, par exemple, souvent la maman vient, parce que c'est quand même l'esclave scolaire, étonnamment, dans le couple. Donc elle vient et puis elle me dit, voilà, Madame Piquet, c'est horrible, Marius ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc il a 14 ans, on va prendre l'archétype absolu de vraiment, personnage absolument étonnant qui est le garçon de quatrième, qui est quand même un type avec qui on n'a pas du tout envie de partir en vacances. Mais ce n'est pas de sa faute, c'est pour les raisons qu'on a identifiées avant.

  • Speaker #0

    C'est son quatrième, troisième, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Quatrième, vraiment, je trouve qu'on atteint vraiment un espèce de truc... Paroxysme. Un paroxysme de l'horreur. Donc, Marius, quatrième, ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc, moi, je suis très inquiète pour lui, alors qu'il a un énorme potentiel, bien entendu, sinon c'est pas grave. Mais il a un énorme potentiel qu'il gâche terriblement. Et donc, du coup, ses mamans vont me dire en substance, quand je les interroge sur la façon dont elles s'y prennent, elles disent, ben voilà, je... J'attends qu'il rentre et qu'il ait un petit sas de décompression, parce que c'est très fatigant pour lui, le collège. Et puis là, je lui dis, avec une voix un peu, vous voyez, un peu primesautière, pour ne pas le heurter, parce qu'on a eu quand même beaucoup, beaucoup, cette espèce d'idée qui a été véhiculée par un certain nombre de penseurs, enfin de penseurs, oui, que voilà, il fallait être que positif, que valorisant, que… Et surtout pas s'énerver. Moi, mon avis a généré des ulcères chez pas mal de mamans, parce que c'est compliqué, en fait, de ne pas être s'énervé face à ce genre de comportement. Donc, elle lui dit une voix très légère. Chérie, c'est l'heure des devoirs. Donc là, il dit non, trop pas, parce qu'il est en train de faire autre chose. Donc, elles attendent. Et puis, au bout d'un moment, elles s'énervent un petit peu quand même. Et donc, elles le prennent quand elles peuvent, parce que des fois, physiquement, c'est compliqué. Elles le mettent à la table de la salle à manger. C'est ce qu'elle me raconte, en disant maintenant, on s'y met. Et lui, quand il entend, on s'y met. il entend le sujet de cette phrase en fait et il se dit dans On il y a beaucoup maman en fait et donc comme elle a l'air passionnée par la géographie je vais la laisser travailler ce qu'ils font et donc ça se termine en plus là enfin je veux dire tout ça est très problématique donc elles font ça ensuite elles ont des discours un peu sur La liberté, c'est important de choisir un métier passion, parce que c'est comme ça qu'on est heureux, et donc si tu ne travailles pas, tu n'auras pas, donc discours un peu moralisateur. Elles imposent des cours particuliers, moi je ne suis pas contre les cours particuliers, mais je trouve que c'est intéressant que ce soit l'adolescent qui les demande, parce que sinon, quand on lui impose, il essaye de se débattre, donc vraiment c'est quelque chose qui est très dysfonctionnel. Bref, ce que font ces mamans, en gros, c'est qu'elles exhortent leurs enfants, leurs adolescents, à se mettre au travail. Elles font de ce point de vue-là un peu une erreur de niveau logique, à mon avis, c'est qu'elles considèrent qu'au fond, quand on veut, on peut, ce qui est assez faux dans le monde adolescent, parce qu'ils ne sont pas du tout en vie, alors qu'ils peuvent, et donc ils ne le feront pas. Et donc vraiment, elles font ça à tenter plus avec beaucoup de créativité et beaucoup, encore une fois, de persévérance. Et donc ici, le virage à 180 degrés, si on est très théorique, c'est l'essai, Marius. faire ses devoirs ou pas, se mettre au travail ou pas. Ce qui est vraiment quelque chose d'extrêmement douloureux quand on a une maman inquiète. Surtout qu'il peut rater vraiment tout si on le laisse puisque sans sa mère, il n'est rien. Et en fait, moi je dis à ces mamans, le problème c'est que quand on prend comme ça en charge un adolescent sur ses devoirs ou sur d'autres choses d'ailleurs, implicitement, on lui envoie deux messages. Le premier c'est je t'aime et je m'inquiète pour toi évidemment et je ne veux pas que les profs soient mécontents de toi et je ne veux pas que tu rates ta scolarité évidemment. Mais le deuxième message qu'on lui envoie, c'est tu n'es pas capable de le faire tout seul Ce qui est profondément, comment dire, problématique au niveau de son estime de lui-même sur ce sujet-là. Et par ailleurs, je pense que le fait de les prendre en charge les plonge dans une espèce de léthargie assez confortable. C'est-à-dire que quand j'ai une maman qui, sur un tapis volant, en permanence est là pour s'assurer que je fais tout bien, ça me casse un peu les oreilles, mais en même temps, c'est très confortable. Donc, je vais leur dire, voilà. Madame, on va essayer quelque chose que pour l'instant on ne l'a pas fait. Et moi, je ne sais pas ce que vaut Marius scolairement, puisque ce sont vos notes. Et d'ailleurs, je ne vous félicite pas, puisque vous avez presque vos minutes 8 sur 20 de moyenne générale. C'est qui est calamiteux au regard de l'investissement qui est le vôtre. Et donc, je vais vous demander pendant 15 jours, on ne va pas faire ça du tout pendant toute notre vie, parce qu'elles sont déjà presque pétrifiées quand je leur dis ça, mais je vais vous demander de... de ne plus lui parler de scolarité, en fait. C'est-à-dire que vous n'avez pas le droit, pendant 15 jours, on fait une espèce de conspiration du silence, vous ne lui en parlez plus, et on regarde ce qui se passe. Et vraiment, ce qui est important, c'est que vous observiez ce qui se passe. Alors, c'est ultra dur pour elles. Franchement, elles sont vraiment extrêmement mal. Mais ce qui est très intéressant, c'est que quand elles reviennent de cette séance d'observation, elles ont vu des choses tout à fait intéressantes en termes de reprise en main, au fond, de la scolarité. J'en ai eu une, là, dernièrement, qui me disait, moi, je... Pendant trois jours, il n'a rien fait. Je me suis dit, c'est l'enfer. Pendant 15 jours, il ne va rien faire. Il va perdre tout. Tous ses acquis. Et puis, le quatrième jour, dans la voiture, donc autant dire cinq minutes avant d'arriver au collège, il a sorti son livre d'histoire géo. Ce qui n'est rien. On est d'accord, on est très loin d'une mise au boulot exemplaire. Mais elle me dit ça que je trouve très intéressant. Elle me dit, c'est la première fois que je voyais mon fils sortir un livre. sans que je lui en fasse la demande. Et elle a considéré, car elle est brillante, que c'est en effet un vrai changement. Et donc, elle n'a surtout pas applaudi, parce que là, le risque, c'est que la mère dise Mais chérie, je suis tellement contente parce que tu as ouvert ce livre ! Donc, il ne faut surtout pas faire ça, il faut être assez indifférente. Et puis, grosso modo, voilà, il s'est un peu pris en main. Alors, il ne va pas du tout avoir 16 de moyenne, on est d'accord, mais surtout, ça veut dire quoi ? Et c'est ça qu'elle me dit souvent à l'issue de ce virage à 180 degrés. C'est qu'elle me dit J'ai retrouvé le goût des câlins avec mon fils. parce que quand je leur dis ne lui parlez plus de scolarité souvent elles me répondent mais je vais parler de quoi ?

  • Speaker #0

    ce qui est quand même extrêmement embêtant parce qu'il y a plein d'autres sujets dont on peut parler avec un adolescent est-ce que vous voyez d'autres souffrances émotionnelles qu'il peut y avoir entre parents et adolescents donc là on a parlé quand même du côté de la mère très impliquée dans la scolarité de son enfant, est-ce que vous voyez d'autres souffrances ? qui se répètent et qu'on pourrait justement éviter, notamment grâce à ce virage à 180 degrés ?

  • Speaker #1

    En tout cas, ce que je retrouve moi en consultation, c'est en effet des parents qui contrôlent beaucoup les choses, qui sont peut-être un peu rigides et qui, d'une certaine façon, n'ont pas vu leur enfant évoluer, en fait, d'une certaine manière. Ils ont parfois, étonnamment, des règles qui, à mon avis, sont valables pour des enfants de 8 ans, enfin, peut-être pas, mais 10-11 ans, et ils mettent les mêmes pour des enfants de 15-16 ans, des adolescents de 15-16 ans. Donc... Il y a quelque chose qui bloque et donc ça crée une espèce de truc un peu étriqué à l'intérieur duquel l'adolescence débat. Et quand un adolescent se débat, il peut faire mal en fait à ses parents parce que c'est comme un peu des pursants pour un certain nombre d'entre eux. Ils sont assez peu des poneys Shetland dans l'ensemble, quoique il y en a bien entendu. Mais je ne voudrais pas non plus... Voilà, considérer qu'il y a des modes d'emploi ou des problématiques, parce qu'une souffrance très forte peut être générée chez des adolescents par des parents totalement abandonniques. Et donc, ce qui est intéressant avec l'école de Palo Alto, c'est qu'on va vraiment partir de ce qui se passe et qui ne fonctionne pas. C'est-à-dire que moi, je vais être amenée face à des parents très abandonniques, et ce n'est pas un reproche, parce que voilà, pour plein de raisons en fait, qui font que c'est très difficile pour eux. Je vais leur demander de faire exactement l'inverse de ce que j'ai demandé à la maman de Marius. Parce que ce qu'ils font est exactement l'inverse de ce que fait la maman de Marius, pour d'ailleurs des résultats étonnamment similaires. C'est-à-dire que, qu'on soit dans une prise en charge excessive, ou qu'on soit dans un abandon sur la scolarité, on obtient une espèce de démobilisation de l'adolescent. Et donc, le curseur se trouve sans doute au milieu, mais à chaque fois, on part de la réalité de ce qui se passe dans la relation entre... le parent et l'ado.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des thérapies qui durent longtemps ou est-ce qu'au final, les résultats arrivent assez vite ?

  • Speaker #1

    Donc nous, notre moyenne, on évalue un peu tout. Notre moyenne de consultation, c'est de 4,2 séances. Donc c'est très bref. C'est vraiment, on fait de la thérapie brève et systémique. C'est-à-dire qu'on part du principe que si au bout de 5-6 séances, il ne s'est rien passé en termes de changement, c'est que ce n'est pas la bonne approche. Alors nous, on a depuis 5 ans un système, comme je vous le disais, d'évaluation de nos thérapies par les patients. Donc on commence à voir un échantillon assez significatif et on a vraiment un apaisement de la souffrance. On est sur une échelle de 0 à 10 en fait, on leur dit si votre souffrance était à 10 quand vous êtes venu nous voir, à combien est-elle 3 mois après la thérapie ? Et ils sont plus de 80% à dire qu'elle est à 5 ou moins, donc c'est quelque chose qui est très fonctionnel, mais il y a 20% qu'on n'arrive pas à aider, évidemment.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous voyez certaines souffrances chez les ados qui ne sont pas nécessairement dues à des souffrances relationnelles avec le parent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Bien sûr, même si ce n'est pas forcément la majorité, je dois l'admettre, avec toute l'affection immense que j'ai pour les parents d'ados, dont j'ai fait partie. Alléluia, c'est fini. Et du coup, il y a par exemple ce que certains appellent l'éco-anxiété. Moi, je trouve que chez les adolescents, c'est plutôt une éco-déprime. C'est-à-dire que...

  • Speaker #0

    Ils sont vraiment, pour certains, convaincus qu'ils vont mourir brutalement à cause d'un phénomène environnemental. Donc ça, c'est très déprimant pour eux. Ils ont l'impression qu'en plus, on ne fait pas grand-chose. En tout cas, c'est leur impression pour un certain nombre d'entre eux. Donc ça, c'est très personnel. Je peux avoir des enfants, des adolescents, pardon, qui sont... dans des questionnements personnels très intenses. Et finalement, la souffrance qui est liée à ce questionnement est parfois un combat entre je ressens des choses, mais je ne veux pas les ressentir qui fait qu'on se met vraiment dans des phases critiques qui n'est pas forcément liées aux parents. Alors parfois, ça peut être largement amplifié par le regard parental, mais il y a des fois, c'est vraiment très interne, par exemple. Donc voilà, mais je trouve que dans la plupart des cas, très sincèrement, même si ça n'est pas lié à des conflits parentaux, Moi, c'est hyper important pour moi de travailler avec les parents de ces adolescents, main dans la main, pour qu'on aille dans le même sens. Parce que je pense que, même s'ils ne font pas partie du problème, ils font partie de la solution.

  • Speaker #1

    Et typiquement, sur l'éco-déprime, comment est-ce que vous soignez cette souffrance-là ?

  • Speaker #0

    Sur l'éco-déprime, moi, je trouve que ce n'est pas un trouble. Parce que je trouve que ce n'est pas eux qui ne vont pas, en fait. Donc, je trouve que c'est bizarre de le pathologiser, en fait, d'une certaine façon. Mais c'est une souffrance, vous avez parfaitement raison. Et donc, en fait... ce qu'on constate, c'est que très souvent, il y a cette souffrance qui vient parce qu'elle est déclenchée par une information ou quelque chose qu'ils perçoivent. Et là, comme cette souffrance est assez submergente, ils se disent, mais non, mais ça va aller, il y a quand même des progrès qui sont faits et puis il va y avoir une prise de conscience. Oui, il y a encore ce combat interne dont on parlait juste avant. Et moi, je les aide en fait à trouver un endroit dans leur intimité, à l'intérieur d'eux-mêmes. où ils vont pendant un quart d'heure accueillir cette tristesse et lui dire au fond qu'elle n'est pas pathologique, qu'elle est écologique, logique, et que c'est important de lui faire une place, parce que si on ne lui fait pas une place, comme une eau qui déborde d'un barrage, elle va tout prendre sur son passage.

  • Speaker #1

    Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents ? Alors on parle des réseaux sociaux, on parle de l'alcool, du tabac. de toutes les images auxquelles ils sont exposés d'un point de vue de la sexualité. Comment est-ce qu'en tant que parents, on peut les prévenir sur tous ces sujets-là ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une question vraiment intéressante parce qu'on parlait du contrôle. Et en fait, moi j'ai le sentiment que quand on est adulte, vis-à-vis d'un adolescent, on peut être dans une posture où on est autoritaire, donc on est plutôt dans le contrôle de tout pour essayer de... le protéger par exemple de tous ces dangers, ou alors on peut être cet adulte qui fait autorité. Pour moi, ce n'est pas du tout la même chose. Celui qui fait autorité, c'est en fait l'adulte auquel l'adolescent va s'adresser justement quand il est face à une image pédopornographique ou pornographique, lorsque il est dans une situation extrêmement difficile relationnellement parlant, par exemple je pense au harcèlement en milieu scolaire, quand il est... confronté à de la drogue et que voilà il en a pris et que il a fait un bad trip par exemple moi je pense que c'est très important qu'il puisse en parler à ses parents et pour qu'il puisse en parler à ses parents il faut qu'il soit à peu près certain de ne pas générer ni une crise de nerfs ni un contrôle accru de tout ce qu'il fait parce que sinon il va en parler à d'autres personnes et moi je sais pas à qui il va en parler c'est ça qui m'ennuie donc pour moi La meilleure prévention, en fait, c'est d'être cet adulte qui va d'une certaine manière, si je devais un peu le préciser, qui va donner son point de vue, qui va indiquer le choix qui s'offre à l'enfant, parce que souvent il s'agit quand même de choix par rapport à un certain nombre de situations, et qui va lui dire cette phrase qu'on ne dit pas assez souvent, à mon avis, aux ados, qui est tu sais mieux que moi ce qui est bon pour toi Mais moi, je serai toujours là. Et voilà mon avis. Et je pense que du coup, là, Les adolescents vont dire en fait, ils vont dire les choses, parce qu'ils sentent qu'on ne va pas leur imposer un point de vue, parce qu'ils sentent qu'on va en même temps leur donner le nôtre, et parce qu'ils sentent qu'on va être cet adulte qui au fond dit, moi je vais t'aider à réfléchir aux deux solutions, aux risques qu'il y a, d'un côté, aux inconvénients qu'il y a de l'autre, au renoncement qu'il y a peut-être. Ça c'est une espèce de souplesse relationnelle qui à mon avis est ultra ultra préventive.

  • Speaker #1

    Et est-ce que cette manière de communiquer peut être appliquée aussi au sujet de l'orientation scolaire ?

  • Speaker #0

    Totalement, vraiment. S'il y a un sujet sur lequel il peut être appliqué, c'est bien ça. Et c'est terrible, moi j'ai vraiment reçu en consultation des adolescents qui allaient vraiment bien. qui n'était pas très scolaire, ce qui n'est pas tellement un défaut pour moi. Et dont les parents, pour des raisons d'inquiétude et d'amour, je veux dire vraiment, ce n'est pas du tout un rapproche que je leur fais, mais qui vraiment les avaient dit, je vais faire une voie générale, parce que c'est quand même ça le mieux, parce que c'est ça qui ouvre le plus et tout ça. Et qui se sont retrouvés dans un état de déprime, mais vraiment avancé, parce qu'en plus ils avaient pour certains une espèce de souhait, pour ne pas dire de vocation, mais en tout cas... de soi vraiment très clair sur quelque chose d'autre que la voie générale. Et je pense vraiment que ça n'a aucun sens de faire ça. C'est-à-dire que, ce que je dis souvent aux parents, c'est que je leur dis, voilà, il y a en effet des autoroutes. Les autoroutes, c'est rassurant, parce qu'on se dit, voilà, il y a du personnel, enfin tout ça. Mais je trouve ça très monotone quand même, c'est pas très intéressant. Et puis il y a des chemins de traverse. Alors les chemins de traverse, ils sont plus recailleux, à priori, il peut y avoir plus de rencontres un peu moins... Voilà, conventionnel. Mais il y a plein d'enfants, d'adolescents, qui ont pris des chemins de traverse et qui se sont parfaitement bien trouvés de faire ça. Et par ailleurs, je connais plein d'enfants qui ont pris des autoroutes tout à fait brillantes et qui sont très malheureux. Parce qu'ils ont fait des choses aussi parce que, pour leurs parents, c'était important. Et ça, ça fait souvent des espèces de motivations un peu... Comment dire ? Un peu comme des feux... des feux mais qui ne durent pas. Et oui, moi je pense que vraiment dire à un enfant, écoute, au fond, je ne sais pas si tu prendras une autoroute ou des chemins de traverse, ça a l'air plutôt parti pour prendre des chemins de traverse, mais peu importe au fond le chemin, moi je suis déjà en train de voir l'adulte magnifique que tu vas devenir. C'est ça en fait, je pense, la bonne attitude.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs sur ce sujet d'orientation, on a quand même vu il y a quelques années, on parlait de la grande démission. Donc pour tous ceux qui avaient pris la grande autoroute, il y a quand même beaucoup. beaucoup de jeunes adultes qui, au final, ont décidé de prendre ces chemins de traverse.

  • Speaker #0

    Absolument.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on sait que c'est le bon moment pour se faire accompagner ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je dirais qu'il y a deux critères. Je dirais, si vous avez la sensation dans votre cœur de maman ou de papa que votre adolescent souffre, parce que parfois, on a cette sensation-là et c'est difficile de comprendre, puisque la communication, c'est le deuxième critère en fait. Le deuxième critère, c'est quand en plus la communication est très difficile avec lui. Je pense que là, vraiment, ce sont les deux critères qui doivent nous faire dire, ce serait peut-être bien d'aller consulter. Alors nous, en fait, on reçoit toujours les parents en première séance, toujours, parce qu'on veut notamment bloquer, vous l'avez compris, ce qu'ils mettent en œuvre de profondément inefficace. Et puis ensuite, il y a des fois où on voit l'adolescent et des fois pas du tout. Des fois, on considère que c'est contre-productif, surtout quand c'est un adolescent qui a été très pathologisé, très observé comme ça. De toute façon, voilà. donc mais si on pense que ce serait important qu'on voit l'adolescent au regard de ce que nous raconte le parent en première séance là on va demander l'autorisation d'avoir leur numéro de portable donc le parent demande à l'adolescent si on a l'autorisation de leur écrire un SMS et là on leur envoie un SMS très freinant en fait en disant on a vu ta maman qui a l'air très inquiète nous on sait pas trop en fait si elle a raison de s'inquiéter ou pas voilà et on sait pas trop si toi ça va ou si ça va pas en fait donc on va demander si jamais ça va pas, on serait très heureux de pouvoir t'aider mais en même temps on comprendrait que t'es pas du tout en vie et moi je rajoute souvent d'autant que je suis vieille ainsi comme ça je pense que c'est très réponsible et du coup je pense qu'en les enlevant les SMS ils se disent cette personne est très bizarre ne serait-ce que pour la curiosité ils viennent et là on peut travailler avec eux on arrive déjà à la dernière question c'est ma question rituelle,

  • Speaker #1

    donc vous savez le podcast s'appelle les adultes de demain... Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux ados d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    Je leur souhaiterais de vraiment travailler à être le plus alignés possible entre ce qu'ils pensent et ce qu'ils ressentent, en fait, d'une certaine manière. Je leur souhaiterais d'essayer d'accepter toutes les parties de leur personnalité, en fait, et de ne pas vouloir se conformer à rentrer dans des choses... Voilà. dont on leur dit qu'elles sont importantes. Voilà, en gros, c'est très bateau, c'est horrible, mais vraiment de faire confiance à ce qui est plus de l'ordre du désir chez eux que de la volonté.

  • Speaker #1

    C'est bateau, mais ce n'est pas si facile à appliquer que ça. Merci infiniment, Emmanuelle.

  • Speaker #0

    C'est moi qui vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. qui laisse des avis et des notes sur Apple Podcasts ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver... Je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Share

Embed

You may also like

Description

Quand on parle de l’adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement parler de 'crise d’adolescence', alors que ce passage n’est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes.


Je suis ravie d’avoir tendu mon micro à Emmanuelle Piquet, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J’avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu’elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J’avais aussi envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l’adolescence. Emmanuelle ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d’adultes.


Ressources :

  • Son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy.

  • Son dernier livre Comment rater son couple à coup sûr aux éditions Les Arènes


Quelques questions posées :

  • Pourquoi l’adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents et pour les adolescents ?

  • Vous dites que "l’adolescence n’est ni une période transitoire ni une période obligatoirement critique". Comment, selon vous, devrions-nous alors définir cette phase de vie ?

  • Quelles sont, selon vous, les principales sources de souffrance émotionnelle entre parents et adolescents ?

  • Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents (réseaux sociaux, alcool, tabac, sexualité, etc.) ?


Crédits photo : Maxime Massa


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition.

  • Speaker #1

    Et on pense que c'est normal. Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent.

  • Speaker #0

    Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions.

  • Speaker #1

    Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps. Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #0

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup,

  • Speaker #1

    il dit que tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent. Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient.

  • Speaker #0

    Je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quand on parle de l'adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement d'ailleurs parler de crise d'adolescence, alors que ce passage n'est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes. Je suis ravie d'avoir tendu mon micro à Emmanuel P... piquée, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J'avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille, comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Paiopsi. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu'elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J'avais aussi très envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l'adolescence et la jeunesse en général. Emmanuel ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, de l'aide, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d'adultes. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Comment allez-vous ? Très bien et vous ? Très bien. Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter brièvement. Vous êtes une figure incontournable maintenant en France dans le domaine de la parentalité. Thérapeute spécialisée en thérapie brève stratégique selon l'approche de l'école de... Palo Alto, nous y reviendrons, vous êtes l'auteur d'une dizaine de best-sellers traitant de sujets tels que le harcèlement, les relations de couple et aussi les adolescents. Vous avez également fondé les centres à 180 degrés chagrin scolaire à Lyon, Mâcon, Paris et Lille, où psychothérapeutes accompagnent adultes, couples, enfants face à diverses problématiques souvent liées à des relations douloureuses avec autrui ou avec soi-même. Aujourd'hui, j'aurais pu vous interroger sur de nombreux aspects de l'éducation, mais j'ai choisi de me concentrer sur les adolescents et les conflits. Car je sais que cela suscite de réelles préoccupations chez beaucoup d'adultes et notamment chez les auditeurs des adultes de demain. Alors pourquoi est-ce que l'adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents mais aussi pour les adolescents ?

  • Speaker #1

    Sans doute parce que c'est vraiment la première période où ils vont utiliser complètement leur autonomie. En tout cas, c'est ce qu'on espère, sauf si on veut les garder près de soi toute la vie. Et donc, en fait, ils sont comme devant une espèce de falaise qui... qui peut générer un saut absolument magnifique, mais qui est quand même un peu angoissant pour tout le monde, pour eux. Surtout en ce moment, je trouve. C'est vraiment une génération extrêmement inquiète, à juste titre. Et puis pour les parents qui sont très inquiets à l'idée que justement ce saut se passe mal, et que le pire leur arrive. Donc je pense que c'est ça qui fait que tout à coup, il y a de nouvelles émotions qui surgissent, qui n'étaient pas forcément là avant, et qui font que c'est en effet... Un moment qui peut à la fois être tout à fait passionnant, tout à fait intense, mais positivement, et puis d'autres fois où les relations peuvent vraiment se gripper et parfois même vraiment se rompre en fait.

  • Speaker #0

    Justement, vous dites avoir l'impression que les adolescents sont plus inquiets aujourd'hui. Est-ce que vous qui suivez des ados depuis longtemps, vous voyez vraiment ça dans vos cabinets, une différence entre les ados d'aujourd'hui et les ados d'hier ?

  • Speaker #1

    Je vois des souffrances en effet un peu spécifiques. par exemple, une souffrance dont on a un peu parlé, mais qu'on a oublié, alors qu'à mon avis, un peu comme quand on jette un caillou dans l'eau, ça fait des cercles concentriques, ce qui s'est passé au moment du Covid, c'est que, en fait, l'évitement de l'école a été institutionnalisé comme étant une solution possible. C'est-à-dire qu'on s'est rendu compte qu'au fond, même si c'était absolument à fond pour les parents, il n'y a aucun doute, mais en tout cas, les enfants ont fait l'expérience que, finalement, ne pas aller à l'école était possible. C'est C'est extrêmement structurant ça en fait comme apprentissage. Et j'avais écrit à l'époque un article en disant Attention à la vague phobique qui monte, parce que plus on évite quelque chose qui nous inquiète, et plus cette chose-là devient inquiétante, et plus on l'évite, et plus ça devient inquiétant, enfin dans un espèce de cercle vicieux absolument abominable. Et c'est comme ça que se créent les phobies, et notamment les phobies scolaires. Donc ça, c'est très spécifique à cette génération. On a aujourd'hui... à peu près trois enfants par classe qui sont en décrochage, c'est-à-dire qui ne viennent plus à l'école. Parce que l'apprentissage de cet évitement, il a été fait par les enfants, mais il a été fait par les parents aussi, d'une certaine manière. Et avant le confinement, les enfants disaient, moi je n'ai pas envie d'y aller, parce qu'il y a plein d'enfants qui n'ont pas envie d'y aller, ou en tout cas qui ont plus peur qu'envie, disons. Et les parents ne sont plus si équivalents. Et puis là, ils disent, ce serait quand même bien que tu y ailles, mais si... Si c'est trop dur pour toi, alors tu peux rester à la maison. Ce que je comprends, c'est tout à fait affectueux, mais le problème, c'est que, comme je le disais, ça enclenche ce cercle vicieux. Donc ça, c'est une première souffrance très spécifique, qui est donc plus liée à de l'angoisse. Je dirais qu'en deuxième angoisse, on a quelque chose qui est aussi très particulier et que je trouve intéressant. En fait, ce chiffre ne vous a sans doute pas échappé. Il y a environ deux ans, on a... On a commencé à dire qu'il y avait un malaise adolescent extrêmement intense. Et en fait, quand on a regardé les chiffres, on s'est aperçu que le critère sur lequel s'appuyaient ces commentaires était un critère particulier et tout à fait inquiétant en effet, c'est le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide des adolescents. Ce qui est en effet un critère assez alarmant. Quand on regarde de plus près cet indicateur, on se rend compte qu'il n'y a pas de garçons en fait. C'est juste une cohorte de filles, de jeunes filles, de je crois, je crois que c'est 12 à 16 ans. Alors là, il y a une explosion littérale, mais vraiment c'est assez incroyable et on ne voit pas du tout le lien avec le Covid. J'ajoute, parce que c'est important, que le nombre de suicides n'a pas augmenté en parallèle. Donc c'est intéressant. Alors, je précise aussi que le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide chez les adolescents était plutôt dans une baisse continue depuis les années 2000. Et là donc on a ce sursaut mais très genré. Et donc en fait, ce qu'on reçoit en cabinet nous, donc on appelle ce personnage pour lequel on a beaucoup d'affection mais qui est très spécifique, l'adolescente des années 20, mais des années 20 maintenant là, avec en fait, on constate que par exemple si on prend comme critère la scarification, qui va de pair souvent avec des tentatives de suicide, pas toujours, mais souvent, et en tout cas dans l'imaginaire adulte, c'est vraiment très corrélé. On a donc un premier type d'adolescente qui est une adolescente qui se scarifie de façon extrêmement dissimulée, silencieuse, honteuse, et dont on sait, nous, une fois qu'elle nous parle, que si elle se scarifie, c'est parce que sa douleur est immense et qu'elle ne peut pas réguler avec les interlocuteurs avec lesquels elle devrait réguler, et que donc, comme elle le dit assez joliment... Elles disent je préfère avoir mal au poignet qu'au cœur C'est une façon de dériver la douleur. Ce sont des souffrances souvent extrêmement enquistées, problématiques. Et puis, on a un autre type d'adolescentes qui est dans une scarification extrêmement théâtrale. C'est-à-dire qu'elles sont plutôt dans l'exhibition de ça, de leur mal-être, de leur malaise. Donc ça va avec... toutes sortes de choses, des évanouissements beaucoup, souvent des troubles un peu alimentaires, je dis un peu parce que ce n'est pas non plus catastrophique, mais il y a quelque chose dont on sent que ce n'est pas très bien géré, et des hospitalisations pour tentatives de suicide. Et en fait, quand on creuse un peu avec ce profil-là d'adolescentes, on se rend compte que, en fait, ce sont des adolescentes qui souffrent aussi, mais pas du tout de la même façon et pas pour les mêmes raisons, elles souffrent parce qu'elles ont fait un apprentissage que pour être intéressante, pour être aimée, pour être estimée, globalement, et notamment au collège et au lycée, il fallait être un peu psychiatrique. C'est assez intéressant parce qu'en fait, très clairement, elles exhibent ça, mais ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas en souffrance, vraiment, je n'atténue pas, mais ça veut dire qu'on ne va pas du tout traiter ces deux adolescentes de la même façon. Donc ça, cette adolescente des années 20, très exhibitionniste, très romantico-psychiatrique, enfin, je ne sais pas comment on peut les appeler, mais... C'est aussi une souffrance très singulière qu'on n'avait pas avant. Et puis je terminerai, si on est sur les spécificités, avec les adolescents en transition, ou en tout cas qui se posent des questions sur le genre, et qui, dans un certain nombre de cas, je ne dis pas tout le temps, mais dans un certain nombre de cas, se heurtent à quelque chose de très violent de la part de leur entourage familial. Voilà, et donc je pense que c'est extrêmement important d'avoir des thérapeutes qui sont capables d'accompagner à la fois ces adolescents et à la fois les parents qui sont en effet tout à fait bouleversés par cette révélation. Voilà, et donc ça c'est très moderne aussi.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que les tentatives de suicide concernent plus les filles que les garçons ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas l'expliquer, je pense qu'il y a un côté, mais je ne sais pas, nous quand on était petites, il y avait aussi des jeunes filles un peu comme ça, qui un peu se mutilaient, alors ce n'était pas de la scarification, mais elles se brûlaient avec des cigarettes, je ne sais pas, il y a un côté un peu comme ça. Moi je pense que c'est difficile pour nos adolescents dans les interactions en fait, on a quand même quelque chose de très… une forte pression sur le fait qu'il faut qu'ils sachent faire relationnellement, vous voyez. Et donc, je pense que les garçons s'en sortent plutôt bien avec des trucs un peu de mec. Et puis les jeunes filles, elles ne savent pas trop, je pense, à certains moments, comment se positionner pour que l'interaction leur soit bénéfique, entre guillemets. Et donc, je pense que certaines ont trouvé là une façon d'être. Dans le groupe, parce qu'il y a des groupes vraiment, moi je constate vraiment des groupes au collège et au lycée qui sont constitués autour de jeunes filles très psychiatrisées.

  • Speaker #0

    Vous dites dans votre ouvrage que l'adolescence n'est ni une période transitoire, ni une période obligatoirement critique. Comment selon vous est-ce qu'on devrait alors définir cette phase de vie ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le moment où en effet cet enfant qui est le nôtre... Il y a cette dénomination du mot enfant, cette exception du mot enfant qui va dans les deux sens. C'est notre enfant et puis c'est encore un peu un enfant, cet adolescent. Mais en même temps, comme je le disais, il va s'élancer. Et donc, c'est ce moment-là, l'adolescence. Le problème, c'est que c'est une construction. Ça n'existe pas en vrai, l'adolescence. Quand on regarde ça un peu sur un plan historique, la première fois qu'on en a parlé, c'est très récent, c'était en 1904. Et alors ? Il s'est passé quelque chose, c'est qu'assez rapidement, la psychanalyse s'est beaucoup appropriée cette notion, enfin en tout cas elle a beaucoup commenté, on va dire, et on a fait de mon point de vue une période critique en considérant qu'en effet c'était un affreux, il disait que c'était anormal d'aller bien à l'adolescence. Ensuite elle a qualifié ça de trouble du développement. C'est quand même pas neutre en fait la façon dont cette notion a été accueillie. conceptuellement. En fait, l'histoire de cet aspect transitoire, quand je dis que c'est construit, c'est que, par exemple, au Moyen-Âge, à 14 ans, on était chef de famille. Alors qu'à la veille de la Révolution, le premier couple était à 28 ans. Donc, c'est quelque chose de très mouvant. Vous voyez, c'est pas... Et le fait même de considérer que c'est transitoire, il y a quelque chose derrière. qui moi m'inquiète tout le temps, c'est ce côté ça va lui passer. Parce que c'est quand même ce qu'on dit beaucoup des adolescents. On ne dit pas ça aux autres âges, ça va lui passer. On est d'accord ? C'est pour ça que je trouve que c'est cet aspect transitoire qui est assez méprisant en fait. Et puis en plus je trouve que considérer que c'est une population transitoire, parce qu'à la limite toutes les populations sont transitoires à partir de toutes les tranches d'âge, tous les âges même. Mais elle, donc on la qualifie vraiment de transitoire, c'est un peu la définir par la négative. Donc, je ne trouve pas ça très valorisant pour eux. Et comme déjà, ils sont quand même regardés avec une espèce de mépris amusé, dans le meilleur des cas, d'énervement dans d'autres cas. Je trouve qu'il ne faut pas en rajouter. Donc, voilà, moi, je pense qu'il faut juste se dire, c'est un moment, en effet, où ils s'élancent. Et donc, c'est un moment où, du coup, et c'est pour ça que j'ai écrit ce livre, mon aide de ma bataille, c'est que... Je pense que du coup, comme il s'élance à ce moment-là, et que ce saut, encore une fois, est quand même très structurant pour lui, il vaut mieux que les relations autour de lui soient le plus sereines possible, le plus accompagnantes au fond possible.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, quand on parle de cette fameuse crise de l'adolescence, elle ne concerne pas nécessairement tous les adolescents.

  • Speaker #1

    Mais tellement pas. Et d'ailleurs, c'est très occidental. Je veux dire, franchement, dans un certain nombre d'autres pays du globe, il n'y a absolument aucune symptomatologie. physiologique par exemple. L'acné, c'est très occidental. Vous voyez, ils sont pas moches les adolescents d'un certain nombre d'autres pays. Il y a une espèce de prophétie auto-réalisatrice tout à fait étonnante d'un point de vue sociétal. Oui, il y a quelque chose qui se cristallise au niveau de l'intensité émotionnelle qui en fait quelque chose de très particulier. Et c'est vrai que considérer que c'est une période critique, en plus d'une période de transition, Ça veut dire qu'on regarde le gamin comme étant critique, hein, Julien ? Et d'ailleurs, dans le langage courant, on a cette idée, voilà, quand un homme commence à faire, je ne sais pas quoi, enfin des choses qu'on lui reproche à 40 ans, 50 ans, on va dire qu'il fait sa crise d'adolescence parce qu'il ne l'a pas faite petit, comme si c'était vraiment obligatoire et critique. Et je pense que... Cette idée, on l'a tellement soignée, tellement caressée, comme dirait Paul Watzlawick, qu'elle est devenue une réalité.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Est-ce qu'il y a d'autres étiquettes problématiques que l'on colle souvent aux adolescents ?

  • Speaker #1

    Plein. Paresseux, égoïste, trop intense, un peu débile, pardon, n'ayant aucune expérience, donc devant bien se taire. Oui, et ce n'est pas récent, ça, en revanche. C'est que depuis que ça existe, vraiment, et on... On est parfois dans des discours presque proches du langage de la délinquance. On a vite fait un espèce de dérapage.

  • Speaker #0

    On est plutôt à la péjorative.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    On dit rarement que cette période est la plus belle période de notre vie. Alors en introduction, je l'ai mentionné, vous êtes formée à la thérapie brève selon l'école de Palo Alto. En quoi ces principes ont-ils influencé votre approche de l'accompagnement des ados et de leurs parents ?

  • Speaker #1

    Alors, ils l'ont considérablement influencé, puisque moi, je ne travaille qu'avec ces principes. Je suis extrêmement monomaniaque, voire un tout petit peu obsessionnelle. Et en fait, ça l'a influencé, je dirais, sur deux grandes thématiques, même s'il y en a beaucoup plus, mais pour synthétiser. La première, c'est que ce que les penseurs de l'école de Palo Alto ont mis en exergue, de façon, à mon avis, très esthétique, sur un plan intellectuel, et que je trouve passionnant, même si ce n'est pas forcément facile à mettre en œuvre, c'est que c'est souvent ce qu'on met en place pour résoudre un problème qui non seulement ne le résout pas mais l'alimente voire l'aggrave ça c'est vraiment un des principes absolus de cette école de pensée et du coup ça m'a beaucoup aidée parce que moi du coup ce que je vais faire en clinique, mon équipe aussi, c'est que on va chercher ce que les gens ont mis en place pour faire en sorte que la situation s'apaise et qui visiblement n'a pas fonctionné parce que sinon ils ne seraient pas en face de nous c'est déjà un critère qu'ils soient en face de nous c'est que ce qu'ils ont mis en place pour résoudre le problème n'a pas suffi à un minima... Et donc, on va les aider, et c'est notre métier, on va les aider à faire exactement et strictement l'inverse de ce qu'ils ont fait jusqu'à présent, partant du principe que c'est difficile d'arrêter de faire quelque chose, mais que si on fait l'inverse, alors par définition, on est obligé d'arrêter. On ne peut pas être debout et allongé à la fois. Donc ça, c'est le premier principe qui m'a beaucoup aidée parce que les parents d'adolescents, notamment, sont dans des espèces de combats extrêmement monotones, pour ainsi dire, enfin vraiment avec une espèce de persévérance tout à fait... Voilà, remarquable, mais inopérante. Et donc, de ce point de vue-là, ça m'a vraiment aidée à accompagner les parents d'adolescents à faire vraiment très différemment. Et puis, et c'est corrélé d'ailleurs, la deuxième chose, c'est que je pense que ce qui est hyper intéressant dans l'école de Palo Alto, précisément par rapport à ce qu'on disait juste avant, c'est que, comme le disait Václavik, nous, on soigne des relations, pas des gens. Et donc, ça veut dire qu'on considère qu'il n'y a pas de gens qui ne vont pas, comme par exemple, on peut le considérer quand on est un adolescent.

  • Speaker #0

    Et vous dites notamment apaiser la relation avant d'apaiser l'adolescent. Alors comment se passe un accompagnement typique ? Est-ce que vous auriez un exemple justement de ce fonctionnement inverse, un cas que vous pourriez illustrer ?

  • Speaker #1

    Prenons l'exemple quand même très classique de la scolarité, parce que c'est quand même un Vietnam absolu pour quand même pas mal de familles françaises. Donc voilà, ça se passe de la façon suivante. Dans ce genre de situation, par exemple, souvent la maman vient, parce que c'est quand même l'esclave scolaire, étonnamment, dans le couple. Donc elle vient et puis elle me dit, voilà, Madame Piquet, c'est horrible, Marius ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc il a 14 ans, on va prendre l'archétype absolu de vraiment, personnage absolument étonnant qui est le garçon de quatrième, qui est quand même un type avec qui on n'a pas du tout envie de partir en vacances. Mais ce n'est pas de sa faute, c'est pour les raisons qu'on a identifiées avant.

  • Speaker #0

    C'est son quatrième, troisième, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Quatrième, vraiment, je trouve qu'on atteint vraiment un espèce de truc... Paroxysme. Un paroxysme de l'horreur. Donc, Marius, quatrième, ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc, moi, je suis très inquiète pour lui, alors qu'il a un énorme potentiel, bien entendu, sinon c'est pas grave. Mais il a un énorme potentiel qu'il gâche terriblement. Et donc, du coup, ses mamans vont me dire en substance, quand je les interroge sur la façon dont elles s'y prennent, elles disent, ben voilà, je... J'attends qu'il rentre et qu'il ait un petit sas de décompression, parce que c'est très fatigant pour lui, le collège. Et puis là, je lui dis, avec une voix un peu, vous voyez, un peu primesautière, pour ne pas le heurter, parce qu'on a eu quand même beaucoup, beaucoup, cette espèce d'idée qui a été véhiculée par un certain nombre de penseurs, enfin de penseurs, oui, que voilà, il fallait être que positif, que valorisant, que… Et surtout pas s'énerver. Moi, mon avis a généré des ulcères chez pas mal de mamans, parce que c'est compliqué, en fait, de ne pas être s'énervé face à ce genre de comportement. Donc, elle lui dit une voix très légère. Chérie, c'est l'heure des devoirs. Donc là, il dit non, trop pas, parce qu'il est en train de faire autre chose. Donc, elles attendent. Et puis, au bout d'un moment, elles s'énervent un petit peu quand même. Et donc, elles le prennent quand elles peuvent, parce que des fois, physiquement, c'est compliqué. Elles le mettent à la table de la salle à manger. C'est ce qu'elle me raconte, en disant maintenant, on s'y met. Et lui, quand il entend, on s'y met. il entend le sujet de cette phrase en fait et il se dit dans On il y a beaucoup maman en fait et donc comme elle a l'air passionnée par la géographie je vais la laisser travailler ce qu'ils font et donc ça se termine en plus là enfin je veux dire tout ça est très problématique donc elles font ça ensuite elles ont des discours un peu sur La liberté, c'est important de choisir un métier passion, parce que c'est comme ça qu'on est heureux, et donc si tu ne travailles pas, tu n'auras pas, donc discours un peu moralisateur. Elles imposent des cours particuliers, moi je ne suis pas contre les cours particuliers, mais je trouve que c'est intéressant que ce soit l'adolescent qui les demande, parce que sinon, quand on lui impose, il essaye de se débattre, donc vraiment c'est quelque chose qui est très dysfonctionnel. Bref, ce que font ces mamans, en gros, c'est qu'elles exhortent leurs enfants, leurs adolescents, à se mettre au travail. Elles font de ce point de vue-là un peu une erreur de niveau logique, à mon avis, c'est qu'elles considèrent qu'au fond, quand on veut, on peut, ce qui est assez faux dans le monde adolescent, parce qu'ils ne sont pas du tout en vie, alors qu'ils peuvent, et donc ils ne le feront pas. Et donc vraiment, elles font ça à tenter plus avec beaucoup de créativité et beaucoup, encore une fois, de persévérance. Et donc ici, le virage à 180 degrés, si on est très théorique, c'est l'essai, Marius. faire ses devoirs ou pas, se mettre au travail ou pas. Ce qui est vraiment quelque chose d'extrêmement douloureux quand on a une maman inquiète. Surtout qu'il peut rater vraiment tout si on le laisse puisque sans sa mère, il n'est rien. Et en fait, moi je dis à ces mamans, le problème c'est que quand on prend comme ça en charge un adolescent sur ses devoirs ou sur d'autres choses d'ailleurs, implicitement, on lui envoie deux messages. Le premier c'est je t'aime et je m'inquiète pour toi évidemment et je ne veux pas que les profs soient mécontents de toi et je ne veux pas que tu rates ta scolarité évidemment. Mais le deuxième message qu'on lui envoie, c'est tu n'es pas capable de le faire tout seul Ce qui est profondément, comment dire, problématique au niveau de son estime de lui-même sur ce sujet-là. Et par ailleurs, je pense que le fait de les prendre en charge les plonge dans une espèce de léthargie assez confortable. C'est-à-dire que quand j'ai une maman qui, sur un tapis volant, en permanence est là pour s'assurer que je fais tout bien, ça me casse un peu les oreilles, mais en même temps, c'est très confortable. Donc, je vais leur dire, voilà. Madame, on va essayer quelque chose que pour l'instant on ne l'a pas fait. Et moi, je ne sais pas ce que vaut Marius scolairement, puisque ce sont vos notes. Et d'ailleurs, je ne vous félicite pas, puisque vous avez presque vos minutes 8 sur 20 de moyenne générale. C'est qui est calamiteux au regard de l'investissement qui est le vôtre. Et donc, je vais vous demander pendant 15 jours, on ne va pas faire ça du tout pendant toute notre vie, parce qu'elles sont déjà presque pétrifiées quand je leur dis ça, mais je vais vous demander de... de ne plus lui parler de scolarité, en fait. C'est-à-dire que vous n'avez pas le droit, pendant 15 jours, on fait une espèce de conspiration du silence, vous ne lui en parlez plus, et on regarde ce qui se passe. Et vraiment, ce qui est important, c'est que vous observiez ce qui se passe. Alors, c'est ultra dur pour elles. Franchement, elles sont vraiment extrêmement mal. Mais ce qui est très intéressant, c'est que quand elles reviennent de cette séance d'observation, elles ont vu des choses tout à fait intéressantes en termes de reprise en main, au fond, de la scolarité. J'en ai eu une, là, dernièrement, qui me disait, moi, je... Pendant trois jours, il n'a rien fait. Je me suis dit, c'est l'enfer. Pendant 15 jours, il ne va rien faire. Il va perdre tout. Tous ses acquis. Et puis, le quatrième jour, dans la voiture, donc autant dire cinq minutes avant d'arriver au collège, il a sorti son livre d'histoire géo. Ce qui n'est rien. On est d'accord, on est très loin d'une mise au boulot exemplaire. Mais elle me dit ça que je trouve très intéressant. Elle me dit, c'est la première fois que je voyais mon fils sortir un livre. sans que je lui en fasse la demande. Et elle a considéré, car elle est brillante, que c'est en effet un vrai changement. Et donc, elle n'a surtout pas applaudi, parce que là, le risque, c'est que la mère dise Mais chérie, je suis tellement contente parce que tu as ouvert ce livre ! Donc, il ne faut surtout pas faire ça, il faut être assez indifférente. Et puis, grosso modo, voilà, il s'est un peu pris en main. Alors, il ne va pas du tout avoir 16 de moyenne, on est d'accord, mais surtout, ça veut dire quoi ? Et c'est ça qu'elle me dit souvent à l'issue de ce virage à 180 degrés. C'est qu'elle me dit J'ai retrouvé le goût des câlins avec mon fils. parce que quand je leur dis ne lui parlez plus de scolarité souvent elles me répondent mais je vais parler de quoi ?

  • Speaker #0

    ce qui est quand même extrêmement embêtant parce qu'il y a plein d'autres sujets dont on peut parler avec un adolescent est-ce que vous voyez d'autres souffrances émotionnelles qu'il peut y avoir entre parents et adolescents donc là on a parlé quand même du côté de la mère très impliquée dans la scolarité de son enfant, est-ce que vous voyez d'autres souffrances ? qui se répètent et qu'on pourrait justement éviter, notamment grâce à ce virage à 180 degrés ?

  • Speaker #1

    En tout cas, ce que je retrouve moi en consultation, c'est en effet des parents qui contrôlent beaucoup les choses, qui sont peut-être un peu rigides et qui, d'une certaine façon, n'ont pas vu leur enfant évoluer, en fait, d'une certaine manière. Ils ont parfois, étonnamment, des règles qui, à mon avis, sont valables pour des enfants de 8 ans, enfin, peut-être pas, mais 10-11 ans, et ils mettent les mêmes pour des enfants de 15-16 ans, des adolescents de 15-16 ans. Donc... Il y a quelque chose qui bloque et donc ça crée une espèce de truc un peu étriqué à l'intérieur duquel l'adolescence débat. Et quand un adolescent se débat, il peut faire mal en fait à ses parents parce que c'est comme un peu des pursants pour un certain nombre d'entre eux. Ils sont assez peu des poneys Shetland dans l'ensemble, quoique il y en a bien entendu. Mais je ne voudrais pas non plus... Voilà, considérer qu'il y a des modes d'emploi ou des problématiques, parce qu'une souffrance très forte peut être générée chez des adolescents par des parents totalement abandonniques. Et donc, ce qui est intéressant avec l'école de Palo Alto, c'est qu'on va vraiment partir de ce qui se passe et qui ne fonctionne pas. C'est-à-dire que moi, je vais être amenée face à des parents très abandonniques, et ce n'est pas un reproche, parce que voilà, pour plein de raisons en fait, qui font que c'est très difficile pour eux. Je vais leur demander de faire exactement l'inverse de ce que j'ai demandé à la maman de Marius. Parce que ce qu'ils font est exactement l'inverse de ce que fait la maman de Marius, pour d'ailleurs des résultats étonnamment similaires. C'est-à-dire que, qu'on soit dans une prise en charge excessive, ou qu'on soit dans un abandon sur la scolarité, on obtient une espèce de démobilisation de l'adolescent. Et donc, le curseur se trouve sans doute au milieu, mais à chaque fois, on part de la réalité de ce qui se passe dans la relation entre... le parent et l'ado.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des thérapies qui durent longtemps ou est-ce qu'au final, les résultats arrivent assez vite ?

  • Speaker #1

    Donc nous, notre moyenne, on évalue un peu tout. Notre moyenne de consultation, c'est de 4,2 séances. Donc c'est très bref. C'est vraiment, on fait de la thérapie brève et systémique. C'est-à-dire qu'on part du principe que si au bout de 5-6 séances, il ne s'est rien passé en termes de changement, c'est que ce n'est pas la bonne approche. Alors nous, on a depuis 5 ans un système, comme je vous le disais, d'évaluation de nos thérapies par les patients. Donc on commence à voir un échantillon assez significatif et on a vraiment un apaisement de la souffrance. On est sur une échelle de 0 à 10 en fait, on leur dit si votre souffrance était à 10 quand vous êtes venu nous voir, à combien est-elle 3 mois après la thérapie ? Et ils sont plus de 80% à dire qu'elle est à 5 ou moins, donc c'est quelque chose qui est très fonctionnel, mais il y a 20% qu'on n'arrive pas à aider, évidemment.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous voyez certaines souffrances chez les ados qui ne sont pas nécessairement dues à des souffrances relationnelles avec le parent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Bien sûr, même si ce n'est pas forcément la majorité, je dois l'admettre, avec toute l'affection immense que j'ai pour les parents d'ados, dont j'ai fait partie. Alléluia, c'est fini. Et du coup, il y a par exemple ce que certains appellent l'éco-anxiété. Moi, je trouve que chez les adolescents, c'est plutôt une éco-déprime. C'est-à-dire que...

  • Speaker #0

    Ils sont vraiment, pour certains, convaincus qu'ils vont mourir brutalement à cause d'un phénomène environnemental. Donc ça, c'est très déprimant pour eux. Ils ont l'impression qu'en plus, on ne fait pas grand-chose. En tout cas, c'est leur impression pour un certain nombre d'entre eux. Donc ça, c'est très personnel. Je peux avoir des enfants, des adolescents, pardon, qui sont... dans des questionnements personnels très intenses. Et finalement, la souffrance qui est liée à ce questionnement est parfois un combat entre je ressens des choses, mais je ne veux pas les ressentir qui fait qu'on se met vraiment dans des phases critiques qui n'est pas forcément liées aux parents. Alors parfois, ça peut être largement amplifié par le regard parental, mais il y a des fois, c'est vraiment très interne, par exemple. Donc voilà, mais je trouve que dans la plupart des cas, très sincèrement, même si ça n'est pas lié à des conflits parentaux, Moi, c'est hyper important pour moi de travailler avec les parents de ces adolescents, main dans la main, pour qu'on aille dans le même sens. Parce que je pense que, même s'ils ne font pas partie du problème, ils font partie de la solution.

  • Speaker #1

    Et typiquement, sur l'éco-déprime, comment est-ce que vous soignez cette souffrance-là ?

  • Speaker #0

    Sur l'éco-déprime, moi, je trouve que ce n'est pas un trouble. Parce que je trouve que ce n'est pas eux qui ne vont pas, en fait. Donc, je trouve que c'est bizarre de le pathologiser, en fait, d'une certaine façon. Mais c'est une souffrance, vous avez parfaitement raison. Et donc, en fait... ce qu'on constate, c'est que très souvent, il y a cette souffrance qui vient parce qu'elle est déclenchée par une information ou quelque chose qu'ils perçoivent. Et là, comme cette souffrance est assez submergente, ils se disent, mais non, mais ça va aller, il y a quand même des progrès qui sont faits et puis il va y avoir une prise de conscience. Oui, il y a encore ce combat interne dont on parlait juste avant. Et moi, je les aide en fait à trouver un endroit dans leur intimité, à l'intérieur d'eux-mêmes. où ils vont pendant un quart d'heure accueillir cette tristesse et lui dire au fond qu'elle n'est pas pathologique, qu'elle est écologique, logique, et que c'est important de lui faire une place, parce que si on ne lui fait pas une place, comme une eau qui déborde d'un barrage, elle va tout prendre sur son passage.

  • Speaker #1

    Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents ? Alors on parle des réseaux sociaux, on parle de l'alcool, du tabac. de toutes les images auxquelles ils sont exposés d'un point de vue de la sexualité. Comment est-ce qu'en tant que parents, on peut les prévenir sur tous ces sujets-là ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une question vraiment intéressante parce qu'on parlait du contrôle. Et en fait, moi j'ai le sentiment que quand on est adulte, vis-à-vis d'un adolescent, on peut être dans une posture où on est autoritaire, donc on est plutôt dans le contrôle de tout pour essayer de... le protéger par exemple de tous ces dangers, ou alors on peut être cet adulte qui fait autorité. Pour moi, ce n'est pas du tout la même chose. Celui qui fait autorité, c'est en fait l'adulte auquel l'adolescent va s'adresser justement quand il est face à une image pédopornographique ou pornographique, lorsque il est dans une situation extrêmement difficile relationnellement parlant, par exemple je pense au harcèlement en milieu scolaire, quand il est... confronté à de la drogue et que voilà il en a pris et que il a fait un bad trip par exemple moi je pense que c'est très important qu'il puisse en parler à ses parents et pour qu'il puisse en parler à ses parents il faut qu'il soit à peu près certain de ne pas générer ni une crise de nerfs ni un contrôle accru de tout ce qu'il fait parce que sinon il va en parler à d'autres personnes et moi je sais pas à qui il va en parler c'est ça qui m'ennuie donc pour moi La meilleure prévention, en fait, c'est d'être cet adulte qui va d'une certaine manière, si je devais un peu le préciser, qui va donner son point de vue, qui va indiquer le choix qui s'offre à l'enfant, parce que souvent il s'agit quand même de choix par rapport à un certain nombre de situations, et qui va lui dire cette phrase qu'on ne dit pas assez souvent, à mon avis, aux ados, qui est tu sais mieux que moi ce qui est bon pour toi Mais moi, je serai toujours là. Et voilà mon avis. Et je pense que du coup, là, Les adolescents vont dire en fait, ils vont dire les choses, parce qu'ils sentent qu'on ne va pas leur imposer un point de vue, parce qu'ils sentent qu'on va en même temps leur donner le nôtre, et parce qu'ils sentent qu'on va être cet adulte qui au fond dit, moi je vais t'aider à réfléchir aux deux solutions, aux risques qu'il y a, d'un côté, aux inconvénients qu'il y a de l'autre, au renoncement qu'il y a peut-être. Ça c'est une espèce de souplesse relationnelle qui à mon avis est ultra ultra préventive.

  • Speaker #1

    Et est-ce que cette manière de communiquer peut être appliquée aussi au sujet de l'orientation scolaire ?

  • Speaker #0

    Totalement, vraiment. S'il y a un sujet sur lequel il peut être appliqué, c'est bien ça. Et c'est terrible, moi j'ai vraiment reçu en consultation des adolescents qui allaient vraiment bien. qui n'était pas très scolaire, ce qui n'est pas tellement un défaut pour moi. Et dont les parents, pour des raisons d'inquiétude et d'amour, je veux dire vraiment, ce n'est pas du tout un rapproche que je leur fais, mais qui vraiment les avaient dit, je vais faire une voie générale, parce que c'est quand même ça le mieux, parce que c'est ça qui ouvre le plus et tout ça. Et qui se sont retrouvés dans un état de déprime, mais vraiment avancé, parce qu'en plus ils avaient pour certains une espèce de souhait, pour ne pas dire de vocation, mais en tout cas... de soi vraiment très clair sur quelque chose d'autre que la voie générale. Et je pense vraiment que ça n'a aucun sens de faire ça. C'est-à-dire que, ce que je dis souvent aux parents, c'est que je leur dis, voilà, il y a en effet des autoroutes. Les autoroutes, c'est rassurant, parce qu'on se dit, voilà, il y a du personnel, enfin tout ça. Mais je trouve ça très monotone quand même, c'est pas très intéressant. Et puis il y a des chemins de traverse. Alors les chemins de traverse, ils sont plus recailleux, à priori, il peut y avoir plus de rencontres un peu moins... Voilà, conventionnel. Mais il y a plein d'enfants, d'adolescents, qui ont pris des chemins de traverse et qui se sont parfaitement bien trouvés de faire ça. Et par ailleurs, je connais plein d'enfants qui ont pris des autoroutes tout à fait brillantes et qui sont très malheureux. Parce qu'ils ont fait des choses aussi parce que, pour leurs parents, c'était important. Et ça, ça fait souvent des espèces de motivations un peu... Comment dire ? Un peu comme des feux... des feux mais qui ne durent pas. Et oui, moi je pense que vraiment dire à un enfant, écoute, au fond, je ne sais pas si tu prendras une autoroute ou des chemins de traverse, ça a l'air plutôt parti pour prendre des chemins de traverse, mais peu importe au fond le chemin, moi je suis déjà en train de voir l'adulte magnifique que tu vas devenir. C'est ça en fait, je pense, la bonne attitude.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs sur ce sujet d'orientation, on a quand même vu il y a quelques années, on parlait de la grande démission. Donc pour tous ceux qui avaient pris la grande autoroute, il y a quand même beaucoup. beaucoup de jeunes adultes qui, au final, ont décidé de prendre ces chemins de traverse.

  • Speaker #0

    Absolument.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on sait que c'est le bon moment pour se faire accompagner ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je dirais qu'il y a deux critères. Je dirais, si vous avez la sensation dans votre cœur de maman ou de papa que votre adolescent souffre, parce que parfois, on a cette sensation-là et c'est difficile de comprendre, puisque la communication, c'est le deuxième critère en fait. Le deuxième critère, c'est quand en plus la communication est très difficile avec lui. Je pense que là, vraiment, ce sont les deux critères qui doivent nous faire dire, ce serait peut-être bien d'aller consulter. Alors nous, en fait, on reçoit toujours les parents en première séance, toujours, parce qu'on veut notamment bloquer, vous l'avez compris, ce qu'ils mettent en œuvre de profondément inefficace. Et puis ensuite, il y a des fois où on voit l'adolescent et des fois pas du tout. Des fois, on considère que c'est contre-productif, surtout quand c'est un adolescent qui a été très pathologisé, très observé comme ça. De toute façon, voilà. donc mais si on pense que ce serait important qu'on voit l'adolescent au regard de ce que nous raconte le parent en première séance là on va demander l'autorisation d'avoir leur numéro de portable donc le parent demande à l'adolescent si on a l'autorisation de leur écrire un SMS et là on leur envoie un SMS très freinant en fait en disant on a vu ta maman qui a l'air très inquiète nous on sait pas trop en fait si elle a raison de s'inquiéter ou pas voilà et on sait pas trop si toi ça va ou si ça va pas en fait donc on va demander si jamais ça va pas, on serait très heureux de pouvoir t'aider mais en même temps on comprendrait que t'es pas du tout en vie et moi je rajoute souvent d'autant que je suis vieille ainsi comme ça je pense que c'est très réponsible et du coup je pense qu'en les enlevant les SMS ils se disent cette personne est très bizarre ne serait-ce que pour la curiosité ils viennent et là on peut travailler avec eux on arrive déjà à la dernière question c'est ma question rituelle,

  • Speaker #1

    donc vous savez le podcast s'appelle les adultes de demain... Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux ados d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    Je leur souhaiterais de vraiment travailler à être le plus alignés possible entre ce qu'ils pensent et ce qu'ils ressentent, en fait, d'une certaine manière. Je leur souhaiterais d'essayer d'accepter toutes les parties de leur personnalité, en fait, et de ne pas vouloir se conformer à rentrer dans des choses... Voilà. dont on leur dit qu'elles sont importantes. Voilà, en gros, c'est très bateau, c'est horrible, mais vraiment de faire confiance à ce qui est plus de l'ordre du désir chez eux que de la volonté.

  • Speaker #1

    C'est bateau, mais ce n'est pas si facile à appliquer que ça. Merci infiniment, Emmanuelle.

  • Speaker #0

    C'est moi qui vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. qui laisse des avis et des notes sur Apple Podcasts ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver... Je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

Quand on parle de l’adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement parler de 'crise d’adolescence', alors que ce passage n’est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes.


Je suis ravie d’avoir tendu mon micro à Emmanuelle Piquet, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J’avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu’elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J’avais aussi envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l’adolescence. Emmanuelle ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d’adultes.


Ressources :

  • Son livre Mon ado, ma bataille : Comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Payot Psy.

  • Son dernier livre Comment rater son couple à coup sûr aux éditions Les Arènes


Quelques questions posées :

  • Pourquoi l’adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents et pour les adolescents ?

  • Vous dites que "l’adolescence n’est ni une période transitoire ni une période obligatoirement critique". Comment, selon vous, devrions-nous alors définir cette phase de vie ?

  • Quelles sont, selon vous, les principales sources de souffrance émotionnelle entre parents et adolescents ?

  • Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents (réseaux sociaux, alcool, tabac, sexualité, etc.) ?


Crédits photo : Maxime Massa


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition.

  • Speaker #1

    Et on pense que c'est normal. Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent.

  • Speaker #0

    Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions.

  • Speaker #1

    Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps. Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #0

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup,

  • Speaker #1

    il dit que tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent. Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient.

  • Speaker #0

    Je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quand on parle de l'adolescence, le vocabulaire utilisé est souvent négatif. On entend régulièrement d'ailleurs parler de crise d'adolescence, alors que ce passage n'est pourtant pas une fatalité pour tous les jeunes. Je suis ravie d'avoir tendu mon micro à Emmanuel P... piquée, grande thérapeute spécialisée dans l'enfance et l'adolescence. J'avais dévoré son livre Mon ado, ma bataille, comment apaiser la relation avec nos adolescents aux éditions Paiopsi. Dans cet épisode, nous avons abordé les techniques qu'elle propose pour désamorcer les relations conflictuelles avec les adolescents. J'avais aussi très envie de déconstruire avec elle les nombreuses fausses croyances que nos sociétés occidentales entretiennent sur l'adolescence et la jeunesse en général. Emmanuel ne tourne pas autour du pot et démontre que les difficultés parentales avec les ados peuvent être résolues avec du soutien, de l'aide, mais aussi une remise en question de nos schémas de pensée d'adultes. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Emmanuel.

  • Speaker #1

    Bonjour Stéphanie.

  • Speaker #0

    Comment allez-vous ? Très bien et vous ? Très bien. Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter brièvement. Vous êtes une figure incontournable maintenant en France dans le domaine de la parentalité. Thérapeute spécialisée en thérapie brève stratégique selon l'approche de l'école de... Palo Alto, nous y reviendrons, vous êtes l'auteur d'une dizaine de best-sellers traitant de sujets tels que le harcèlement, les relations de couple et aussi les adolescents. Vous avez également fondé les centres à 180 degrés chagrin scolaire à Lyon, Mâcon, Paris et Lille, où psychothérapeutes accompagnent adultes, couples, enfants face à diverses problématiques souvent liées à des relations douloureuses avec autrui ou avec soi-même. Aujourd'hui, j'aurais pu vous interroger sur de nombreux aspects de l'éducation, mais j'ai choisi de me concentrer sur les adolescents et les conflits. Car je sais que cela suscite de réelles préoccupations chez beaucoup d'adultes et notamment chez les auditeurs des adultes de demain. Alors pourquoi est-ce que l'adolescence représente-t-elle un nouveau monde à la fois pour les parents mais aussi pour les adolescents ?

  • Speaker #1

    Sans doute parce que c'est vraiment la première période où ils vont utiliser complètement leur autonomie. En tout cas, c'est ce qu'on espère, sauf si on veut les garder près de soi toute la vie. Et donc, en fait, ils sont comme devant une espèce de falaise qui... qui peut générer un saut absolument magnifique, mais qui est quand même un peu angoissant pour tout le monde, pour eux. Surtout en ce moment, je trouve. C'est vraiment une génération extrêmement inquiète, à juste titre. Et puis pour les parents qui sont très inquiets à l'idée que justement ce saut se passe mal, et que le pire leur arrive. Donc je pense que c'est ça qui fait que tout à coup, il y a de nouvelles émotions qui surgissent, qui n'étaient pas forcément là avant, et qui font que c'est en effet... Un moment qui peut à la fois être tout à fait passionnant, tout à fait intense, mais positivement, et puis d'autres fois où les relations peuvent vraiment se gripper et parfois même vraiment se rompre en fait.

  • Speaker #0

    Justement, vous dites avoir l'impression que les adolescents sont plus inquiets aujourd'hui. Est-ce que vous qui suivez des ados depuis longtemps, vous voyez vraiment ça dans vos cabinets, une différence entre les ados d'aujourd'hui et les ados d'hier ?

  • Speaker #1

    Je vois des souffrances en effet un peu spécifiques. par exemple, une souffrance dont on a un peu parlé, mais qu'on a oublié, alors qu'à mon avis, un peu comme quand on jette un caillou dans l'eau, ça fait des cercles concentriques, ce qui s'est passé au moment du Covid, c'est que, en fait, l'évitement de l'école a été institutionnalisé comme étant une solution possible. C'est-à-dire qu'on s'est rendu compte qu'au fond, même si c'était absolument à fond pour les parents, il n'y a aucun doute, mais en tout cas, les enfants ont fait l'expérience que, finalement, ne pas aller à l'école était possible. C'est C'est extrêmement structurant ça en fait comme apprentissage. Et j'avais écrit à l'époque un article en disant Attention à la vague phobique qui monte, parce que plus on évite quelque chose qui nous inquiète, et plus cette chose-là devient inquiétante, et plus on l'évite, et plus ça devient inquiétant, enfin dans un espèce de cercle vicieux absolument abominable. Et c'est comme ça que se créent les phobies, et notamment les phobies scolaires. Donc ça, c'est très spécifique à cette génération. On a aujourd'hui... à peu près trois enfants par classe qui sont en décrochage, c'est-à-dire qui ne viennent plus à l'école. Parce que l'apprentissage de cet évitement, il a été fait par les enfants, mais il a été fait par les parents aussi, d'une certaine manière. Et avant le confinement, les enfants disaient, moi je n'ai pas envie d'y aller, parce qu'il y a plein d'enfants qui n'ont pas envie d'y aller, ou en tout cas qui ont plus peur qu'envie, disons. Et les parents ne sont plus si équivalents. Et puis là, ils disent, ce serait quand même bien que tu y ailles, mais si... Si c'est trop dur pour toi, alors tu peux rester à la maison. Ce que je comprends, c'est tout à fait affectueux, mais le problème, c'est que, comme je le disais, ça enclenche ce cercle vicieux. Donc ça, c'est une première souffrance très spécifique, qui est donc plus liée à de l'angoisse. Je dirais qu'en deuxième angoisse, on a quelque chose qui est aussi très particulier et que je trouve intéressant. En fait, ce chiffre ne vous a sans doute pas échappé. Il y a environ deux ans, on a... On a commencé à dire qu'il y avait un malaise adolescent extrêmement intense. Et en fait, quand on a regardé les chiffres, on s'est aperçu que le critère sur lequel s'appuyaient ces commentaires était un critère particulier et tout à fait inquiétant en effet, c'est le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide des adolescents. Ce qui est en effet un critère assez alarmant. Quand on regarde de plus près cet indicateur, on se rend compte qu'il n'y a pas de garçons en fait. C'est juste une cohorte de filles, de jeunes filles, de je crois, je crois que c'est 12 à 16 ans. Alors là, il y a une explosion littérale, mais vraiment c'est assez incroyable et on ne voit pas du tout le lien avec le Covid. J'ajoute, parce que c'est important, que le nombre de suicides n'a pas augmenté en parallèle. Donc c'est intéressant. Alors, je précise aussi que le nombre d'hospitalisations pour tentatives de suicide chez les adolescents était plutôt dans une baisse continue depuis les années 2000. Et là donc on a ce sursaut mais très genré. Et donc en fait, ce qu'on reçoit en cabinet nous, donc on appelle ce personnage pour lequel on a beaucoup d'affection mais qui est très spécifique, l'adolescente des années 20, mais des années 20 maintenant là, avec en fait, on constate que par exemple si on prend comme critère la scarification, qui va de pair souvent avec des tentatives de suicide, pas toujours, mais souvent, et en tout cas dans l'imaginaire adulte, c'est vraiment très corrélé. On a donc un premier type d'adolescente qui est une adolescente qui se scarifie de façon extrêmement dissimulée, silencieuse, honteuse, et dont on sait, nous, une fois qu'elle nous parle, que si elle se scarifie, c'est parce que sa douleur est immense et qu'elle ne peut pas réguler avec les interlocuteurs avec lesquels elle devrait réguler, et que donc, comme elle le dit assez joliment... Elles disent je préfère avoir mal au poignet qu'au cœur C'est une façon de dériver la douleur. Ce sont des souffrances souvent extrêmement enquistées, problématiques. Et puis, on a un autre type d'adolescentes qui est dans une scarification extrêmement théâtrale. C'est-à-dire qu'elles sont plutôt dans l'exhibition de ça, de leur mal-être, de leur malaise. Donc ça va avec... toutes sortes de choses, des évanouissements beaucoup, souvent des troubles un peu alimentaires, je dis un peu parce que ce n'est pas non plus catastrophique, mais il y a quelque chose dont on sent que ce n'est pas très bien géré, et des hospitalisations pour tentatives de suicide. Et en fait, quand on creuse un peu avec ce profil-là d'adolescentes, on se rend compte que, en fait, ce sont des adolescentes qui souffrent aussi, mais pas du tout de la même façon et pas pour les mêmes raisons, elles souffrent parce qu'elles ont fait un apprentissage que pour être intéressante, pour être aimée, pour être estimée, globalement, et notamment au collège et au lycée, il fallait être un peu psychiatrique. C'est assez intéressant parce qu'en fait, très clairement, elles exhibent ça, mais ça ne veut pas dire qu'elles ne sont pas en souffrance, vraiment, je n'atténue pas, mais ça veut dire qu'on ne va pas du tout traiter ces deux adolescentes de la même façon. Donc ça, cette adolescente des années 20, très exhibitionniste, très romantico-psychiatrique, enfin, je ne sais pas comment on peut les appeler, mais... C'est aussi une souffrance très singulière qu'on n'avait pas avant. Et puis je terminerai, si on est sur les spécificités, avec les adolescents en transition, ou en tout cas qui se posent des questions sur le genre, et qui, dans un certain nombre de cas, je ne dis pas tout le temps, mais dans un certain nombre de cas, se heurtent à quelque chose de très violent de la part de leur entourage familial. Voilà, et donc je pense que c'est extrêmement important d'avoir des thérapeutes qui sont capables d'accompagner à la fois ces adolescents et à la fois les parents qui sont en effet tout à fait bouleversés par cette révélation. Voilà, et donc ça c'est très moderne aussi.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que les tentatives de suicide concernent plus les filles que les garçons ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas l'expliquer, je pense qu'il y a un côté, mais je ne sais pas, nous quand on était petites, il y avait aussi des jeunes filles un peu comme ça, qui un peu se mutilaient, alors ce n'était pas de la scarification, mais elles se brûlaient avec des cigarettes, je ne sais pas, il y a un côté un peu comme ça. Moi je pense que c'est difficile pour nos adolescents dans les interactions en fait, on a quand même quelque chose de très… une forte pression sur le fait qu'il faut qu'ils sachent faire relationnellement, vous voyez. Et donc, je pense que les garçons s'en sortent plutôt bien avec des trucs un peu de mec. Et puis les jeunes filles, elles ne savent pas trop, je pense, à certains moments, comment se positionner pour que l'interaction leur soit bénéfique, entre guillemets. Et donc, je pense que certaines ont trouvé là une façon d'être. Dans le groupe, parce qu'il y a des groupes vraiment, moi je constate vraiment des groupes au collège et au lycée qui sont constitués autour de jeunes filles très psychiatrisées.

  • Speaker #0

    Vous dites dans votre ouvrage que l'adolescence n'est ni une période transitoire, ni une période obligatoirement critique. Comment selon vous est-ce qu'on devrait alors définir cette phase de vie ?

  • Speaker #1

    Je dirais que c'est le moment où en effet cet enfant qui est le nôtre... Il y a cette dénomination du mot enfant, cette exception du mot enfant qui va dans les deux sens. C'est notre enfant et puis c'est encore un peu un enfant, cet adolescent. Mais en même temps, comme je le disais, il va s'élancer. Et donc, c'est ce moment-là, l'adolescence. Le problème, c'est que c'est une construction. Ça n'existe pas en vrai, l'adolescence. Quand on regarde ça un peu sur un plan historique, la première fois qu'on en a parlé, c'est très récent, c'était en 1904. Et alors ? Il s'est passé quelque chose, c'est qu'assez rapidement, la psychanalyse s'est beaucoup appropriée cette notion, enfin en tout cas elle a beaucoup commenté, on va dire, et on a fait de mon point de vue une période critique en considérant qu'en effet c'était un affreux, il disait que c'était anormal d'aller bien à l'adolescence. Ensuite elle a qualifié ça de trouble du développement. C'est quand même pas neutre en fait la façon dont cette notion a été accueillie. conceptuellement. En fait, l'histoire de cet aspect transitoire, quand je dis que c'est construit, c'est que, par exemple, au Moyen-Âge, à 14 ans, on était chef de famille. Alors qu'à la veille de la Révolution, le premier couple était à 28 ans. Donc, c'est quelque chose de très mouvant. Vous voyez, c'est pas... Et le fait même de considérer que c'est transitoire, il y a quelque chose derrière. qui moi m'inquiète tout le temps, c'est ce côté ça va lui passer. Parce que c'est quand même ce qu'on dit beaucoup des adolescents. On ne dit pas ça aux autres âges, ça va lui passer. On est d'accord ? C'est pour ça que je trouve que c'est cet aspect transitoire qui est assez méprisant en fait. Et puis en plus je trouve que considérer que c'est une population transitoire, parce qu'à la limite toutes les populations sont transitoires à partir de toutes les tranches d'âge, tous les âges même. Mais elle, donc on la qualifie vraiment de transitoire, c'est un peu la définir par la négative. Donc, je ne trouve pas ça très valorisant pour eux. Et comme déjà, ils sont quand même regardés avec une espèce de mépris amusé, dans le meilleur des cas, d'énervement dans d'autres cas. Je trouve qu'il ne faut pas en rajouter. Donc, voilà, moi, je pense qu'il faut juste se dire, c'est un moment, en effet, où ils s'élancent. Et donc, c'est un moment où, du coup, et c'est pour ça que j'ai écrit ce livre, mon aide de ma bataille, c'est que... Je pense que du coup, comme il s'élance à ce moment-là, et que ce saut, encore une fois, est quand même très structurant pour lui, il vaut mieux que les relations autour de lui soient le plus sereines possible, le plus accompagnantes au fond possible.

  • Speaker #0

    Donc par exemple, quand on parle de cette fameuse crise de l'adolescence, elle ne concerne pas nécessairement tous les adolescents.

  • Speaker #1

    Mais tellement pas. Et d'ailleurs, c'est très occidental. Je veux dire, franchement, dans un certain nombre d'autres pays du globe, il n'y a absolument aucune symptomatologie. physiologique par exemple. L'acné, c'est très occidental. Vous voyez, ils sont pas moches les adolescents d'un certain nombre d'autres pays. Il y a une espèce de prophétie auto-réalisatrice tout à fait étonnante d'un point de vue sociétal. Oui, il y a quelque chose qui se cristallise au niveau de l'intensité émotionnelle qui en fait quelque chose de très particulier. Et c'est vrai que considérer que c'est une période critique, en plus d'une période de transition, Ça veut dire qu'on regarde le gamin comme étant critique, hein, Julien ? Et d'ailleurs, dans le langage courant, on a cette idée, voilà, quand un homme commence à faire, je ne sais pas quoi, enfin des choses qu'on lui reproche à 40 ans, 50 ans, on va dire qu'il fait sa crise d'adolescence parce qu'il ne l'a pas faite petit, comme si c'était vraiment obligatoire et critique. Et je pense que... Cette idée, on l'a tellement soignée, tellement caressée, comme dirait Paul Watzlawick, qu'elle est devenue une réalité.

  • Speaker #0

    C'est vrai. Est-ce qu'il y a d'autres étiquettes problématiques que l'on colle souvent aux adolescents ?

  • Speaker #1

    Plein. Paresseux, égoïste, trop intense, un peu débile, pardon, n'ayant aucune expérience, donc devant bien se taire. Oui, et ce n'est pas récent, ça, en revanche. C'est que depuis que ça existe, vraiment, et on... On est parfois dans des discours presque proches du langage de la délinquance. On a vite fait un espèce de dérapage.

  • Speaker #0

    On est plutôt à la péjorative.

  • Speaker #1

    Oui, absolument.

  • Speaker #0

    On dit rarement que cette période est la plus belle période de notre vie. Alors en introduction, je l'ai mentionné, vous êtes formée à la thérapie brève selon l'école de Palo Alto. En quoi ces principes ont-ils influencé votre approche de l'accompagnement des ados et de leurs parents ?

  • Speaker #1

    Alors, ils l'ont considérablement influencé, puisque moi, je ne travaille qu'avec ces principes. Je suis extrêmement monomaniaque, voire un tout petit peu obsessionnelle. Et en fait, ça l'a influencé, je dirais, sur deux grandes thématiques, même s'il y en a beaucoup plus, mais pour synthétiser. La première, c'est que ce que les penseurs de l'école de Palo Alto ont mis en exergue, de façon, à mon avis, très esthétique, sur un plan intellectuel, et que je trouve passionnant, même si ce n'est pas forcément facile à mettre en œuvre, c'est que c'est souvent ce qu'on met en place pour résoudre un problème qui non seulement ne le résout pas mais l'alimente voire l'aggrave ça c'est vraiment un des principes absolus de cette école de pensée et du coup ça m'a beaucoup aidée parce que moi du coup ce que je vais faire en clinique, mon équipe aussi, c'est que on va chercher ce que les gens ont mis en place pour faire en sorte que la situation s'apaise et qui visiblement n'a pas fonctionné parce que sinon ils ne seraient pas en face de nous c'est déjà un critère qu'ils soient en face de nous c'est que ce qu'ils ont mis en place pour résoudre le problème n'a pas suffi à un minima... Et donc, on va les aider, et c'est notre métier, on va les aider à faire exactement et strictement l'inverse de ce qu'ils ont fait jusqu'à présent, partant du principe que c'est difficile d'arrêter de faire quelque chose, mais que si on fait l'inverse, alors par définition, on est obligé d'arrêter. On ne peut pas être debout et allongé à la fois. Donc ça, c'est le premier principe qui m'a beaucoup aidée parce que les parents d'adolescents, notamment, sont dans des espèces de combats extrêmement monotones, pour ainsi dire, enfin vraiment avec une espèce de persévérance tout à fait... Voilà, remarquable, mais inopérante. Et donc, de ce point de vue-là, ça m'a vraiment aidée à accompagner les parents d'adolescents à faire vraiment très différemment. Et puis, et c'est corrélé d'ailleurs, la deuxième chose, c'est que je pense que ce qui est hyper intéressant dans l'école de Palo Alto, précisément par rapport à ce qu'on disait juste avant, c'est que, comme le disait Václavik, nous, on soigne des relations, pas des gens. Et donc, ça veut dire qu'on considère qu'il n'y a pas de gens qui ne vont pas, comme par exemple, on peut le considérer quand on est un adolescent.

  • Speaker #0

    Et vous dites notamment apaiser la relation avant d'apaiser l'adolescent. Alors comment se passe un accompagnement typique ? Est-ce que vous auriez un exemple justement de ce fonctionnement inverse, un cas que vous pourriez illustrer ?

  • Speaker #1

    Prenons l'exemple quand même très classique de la scolarité, parce que c'est quand même un Vietnam absolu pour quand même pas mal de familles françaises. Donc voilà, ça se passe de la façon suivante. Dans ce genre de situation, par exemple, souvent la maman vient, parce que c'est quand même l'esclave scolaire, étonnamment, dans le couple. Donc elle vient et puis elle me dit, voilà, Madame Piquet, c'est horrible, Marius ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc il a 14 ans, on va prendre l'archétype absolu de vraiment, personnage absolument étonnant qui est le garçon de quatrième, qui est quand même un type avec qui on n'a pas du tout envie de partir en vacances. Mais ce n'est pas de sa faute, c'est pour les raisons qu'on a identifiées avant.

  • Speaker #0

    C'est son quatrième, troisième, c'est vrai.

  • Speaker #1

    Quatrième, vraiment, je trouve qu'on atteint vraiment un espèce de truc... Paroxysme. Un paroxysme de l'horreur. Donc, Marius, quatrième, ne comprend pas qu'il faut qu'il travaille. Donc, moi, je suis très inquiète pour lui, alors qu'il a un énorme potentiel, bien entendu, sinon c'est pas grave. Mais il a un énorme potentiel qu'il gâche terriblement. Et donc, du coup, ses mamans vont me dire en substance, quand je les interroge sur la façon dont elles s'y prennent, elles disent, ben voilà, je... J'attends qu'il rentre et qu'il ait un petit sas de décompression, parce que c'est très fatigant pour lui, le collège. Et puis là, je lui dis, avec une voix un peu, vous voyez, un peu primesautière, pour ne pas le heurter, parce qu'on a eu quand même beaucoup, beaucoup, cette espèce d'idée qui a été véhiculée par un certain nombre de penseurs, enfin de penseurs, oui, que voilà, il fallait être que positif, que valorisant, que… Et surtout pas s'énerver. Moi, mon avis a généré des ulcères chez pas mal de mamans, parce que c'est compliqué, en fait, de ne pas être s'énervé face à ce genre de comportement. Donc, elle lui dit une voix très légère. Chérie, c'est l'heure des devoirs. Donc là, il dit non, trop pas, parce qu'il est en train de faire autre chose. Donc, elles attendent. Et puis, au bout d'un moment, elles s'énervent un petit peu quand même. Et donc, elles le prennent quand elles peuvent, parce que des fois, physiquement, c'est compliqué. Elles le mettent à la table de la salle à manger. C'est ce qu'elle me raconte, en disant maintenant, on s'y met. Et lui, quand il entend, on s'y met. il entend le sujet de cette phrase en fait et il se dit dans On il y a beaucoup maman en fait et donc comme elle a l'air passionnée par la géographie je vais la laisser travailler ce qu'ils font et donc ça se termine en plus là enfin je veux dire tout ça est très problématique donc elles font ça ensuite elles ont des discours un peu sur La liberté, c'est important de choisir un métier passion, parce que c'est comme ça qu'on est heureux, et donc si tu ne travailles pas, tu n'auras pas, donc discours un peu moralisateur. Elles imposent des cours particuliers, moi je ne suis pas contre les cours particuliers, mais je trouve que c'est intéressant que ce soit l'adolescent qui les demande, parce que sinon, quand on lui impose, il essaye de se débattre, donc vraiment c'est quelque chose qui est très dysfonctionnel. Bref, ce que font ces mamans, en gros, c'est qu'elles exhortent leurs enfants, leurs adolescents, à se mettre au travail. Elles font de ce point de vue-là un peu une erreur de niveau logique, à mon avis, c'est qu'elles considèrent qu'au fond, quand on veut, on peut, ce qui est assez faux dans le monde adolescent, parce qu'ils ne sont pas du tout en vie, alors qu'ils peuvent, et donc ils ne le feront pas. Et donc vraiment, elles font ça à tenter plus avec beaucoup de créativité et beaucoup, encore une fois, de persévérance. Et donc ici, le virage à 180 degrés, si on est très théorique, c'est l'essai, Marius. faire ses devoirs ou pas, se mettre au travail ou pas. Ce qui est vraiment quelque chose d'extrêmement douloureux quand on a une maman inquiète. Surtout qu'il peut rater vraiment tout si on le laisse puisque sans sa mère, il n'est rien. Et en fait, moi je dis à ces mamans, le problème c'est que quand on prend comme ça en charge un adolescent sur ses devoirs ou sur d'autres choses d'ailleurs, implicitement, on lui envoie deux messages. Le premier c'est je t'aime et je m'inquiète pour toi évidemment et je ne veux pas que les profs soient mécontents de toi et je ne veux pas que tu rates ta scolarité évidemment. Mais le deuxième message qu'on lui envoie, c'est tu n'es pas capable de le faire tout seul Ce qui est profondément, comment dire, problématique au niveau de son estime de lui-même sur ce sujet-là. Et par ailleurs, je pense que le fait de les prendre en charge les plonge dans une espèce de léthargie assez confortable. C'est-à-dire que quand j'ai une maman qui, sur un tapis volant, en permanence est là pour s'assurer que je fais tout bien, ça me casse un peu les oreilles, mais en même temps, c'est très confortable. Donc, je vais leur dire, voilà. Madame, on va essayer quelque chose que pour l'instant on ne l'a pas fait. Et moi, je ne sais pas ce que vaut Marius scolairement, puisque ce sont vos notes. Et d'ailleurs, je ne vous félicite pas, puisque vous avez presque vos minutes 8 sur 20 de moyenne générale. C'est qui est calamiteux au regard de l'investissement qui est le vôtre. Et donc, je vais vous demander pendant 15 jours, on ne va pas faire ça du tout pendant toute notre vie, parce qu'elles sont déjà presque pétrifiées quand je leur dis ça, mais je vais vous demander de... de ne plus lui parler de scolarité, en fait. C'est-à-dire que vous n'avez pas le droit, pendant 15 jours, on fait une espèce de conspiration du silence, vous ne lui en parlez plus, et on regarde ce qui se passe. Et vraiment, ce qui est important, c'est que vous observiez ce qui se passe. Alors, c'est ultra dur pour elles. Franchement, elles sont vraiment extrêmement mal. Mais ce qui est très intéressant, c'est que quand elles reviennent de cette séance d'observation, elles ont vu des choses tout à fait intéressantes en termes de reprise en main, au fond, de la scolarité. J'en ai eu une, là, dernièrement, qui me disait, moi, je... Pendant trois jours, il n'a rien fait. Je me suis dit, c'est l'enfer. Pendant 15 jours, il ne va rien faire. Il va perdre tout. Tous ses acquis. Et puis, le quatrième jour, dans la voiture, donc autant dire cinq minutes avant d'arriver au collège, il a sorti son livre d'histoire géo. Ce qui n'est rien. On est d'accord, on est très loin d'une mise au boulot exemplaire. Mais elle me dit ça que je trouve très intéressant. Elle me dit, c'est la première fois que je voyais mon fils sortir un livre. sans que je lui en fasse la demande. Et elle a considéré, car elle est brillante, que c'est en effet un vrai changement. Et donc, elle n'a surtout pas applaudi, parce que là, le risque, c'est que la mère dise Mais chérie, je suis tellement contente parce que tu as ouvert ce livre ! Donc, il ne faut surtout pas faire ça, il faut être assez indifférente. Et puis, grosso modo, voilà, il s'est un peu pris en main. Alors, il ne va pas du tout avoir 16 de moyenne, on est d'accord, mais surtout, ça veut dire quoi ? Et c'est ça qu'elle me dit souvent à l'issue de ce virage à 180 degrés. C'est qu'elle me dit J'ai retrouvé le goût des câlins avec mon fils. parce que quand je leur dis ne lui parlez plus de scolarité souvent elles me répondent mais je vais parler de quoi ?

  • Speaker #0

    ce qui est quand même extrêmement embêtant parce qu'il y a plein d'autres sujets dont on peut parler avec un adolescent est-ce que vous voyez d'autres souffrances émotionnelles qu'il peut y avoir entre parents et adolescents donc là on a parlé quand même du côté de la mère très impliquée dans la scolarité de son enfant, est-ce que vous voyez d'autres souffrances ? qui se répètent et qu'on pourrait justement éviter, notamment grâce à ce virage à 180 degrés ?

  • Speaker #1

    En tout cas, ce que je retrouve moi en consultation, c'est en effet des parents qui contrôlent beaucoup les choses, qui sont peut-être un peu rigides et qui, d'une certaine façon, n'ont pas vu leur enfant évoluer, en fait, d'une certaine manière. Ils ont parfois, étonnamment, des règles qui, à mon avis, sont valables pour des enfants de 8 ans, enfin, peut-être pas, mais 10-11 ans, et ils mettent les mêmes pour des enfants de 15-16 ans, des adolescents de 15-16 ans. Donc... Il y a quelque chose qui bloque et donc ça crée une espèce de truc un peu étriqué à l'intérieur duquel l'adolescence débat. Et quand un adolescent se débat, il peut faire mal en fait à ses parents parce que c'est comme un peu des pursants pour un certain nombre d'entre eux. Ils sont assez peu des poneys Shetland dans l'ensemble, quoique il y en a bien entendu. Mais je ne voudrais pas non plus... Voilà, considérer qu'il y a des modes d'emploi ou des problématiques, parce qu'une souffrance très forte peut être générée chez des adolescents par des parents totalement abandonniques. Et donc, ce qui est intéressant avec l'école de Palo Alto, c'est qu'on va vraiment partir de ce qui se passe et qui ne fonctionne pas. C'est-à-dire que moi, je vais être amenée face à des parents très abandonniques, et ce n'est pas un reproche, parce que voilà, pour plein de raisons en fait, qui font que c'est très difficile pour eux. Je vais leur demander de faire exactement l'inverse de ce que j'ai demandé à la maman de Marius. Parce que ce qu'ils font est exactement l'inverse de ce que fait la maman de Marius, pour d'ailleurs des résultats étonnamment similaires. C'est-à-dire que, qu'on soit dans une prise en charge excessive, ou qu'on soit dans un abandon sur la scolarité, on obtient une espèce de démobilisation de l'adolescent. Et donc, le curseur se trouve sans doute au milieu, mais à chaque fois, on part de la réalité de ce qui se passe dans la relation entre... le parent et l'ado.

  • Speaker #0

    Est-ce que c'est des thérapies qui durent longtemps ou est-ce qu'au final, les résultats arrivent assez vite ?

  • Speaker #1

    Donc nous, notre moyenne, on évalue un peu tout. Notre moyenne de consultation, c'est de 4,2 séances. Donc c'est très bref. C'est vraiment, on fait de la thérapie brève et systémique. C'est-à-dire qu'on part du principe que si au bout de 5-6 séances, il ne s'est rien passé en termes de changement, c'est que ce n'est pas la bonne approche. Alors nous, on a depuis 5 ans un système, comme je vous le disais, d'évaluation de nos thérapies par les patients. Donc on commence à voir un échantillon assez significatif et on a vraiment un apaisement de la souffrance. On est sur une échelle de 0 à 10 en fait, on leur dit si votre souffrance était à 10 quand vous êtes venu nous voir, à combien est-elle 3 mois après la thérapie ? Et ils sont plus de 80% à dire qu'elle est à 5 ou moins, donc c'est quelque chose qui est très fonctionnel, mais il y a 20% qu'on n'arrive pas à aider, évidemment.

  • Speaker #0

    Est-ce que vous voyez certaines souffrances chez les ados qui ne sont pas nécessairement dues à des souffrances relationnelles avec le parent ?

  • Speaker #1

    Oui, bien sûr. Bien sûr, même si ce n'est pas forcément la majorité, je dois l'admettre, avec toute l'affection immense que j'ai pour les parents d'ados, dont j'ai fait partie. Alléluia, c'est fini. Et du coup, il y a par exemple ce que certains appellent l'éco-anxiété. Moi, je trouve que chez les adolescents, c'est plutôt une éco-déprime. C'est-à-dire que...

  • Speaker #0

    Ils sont vraiment, pour certains, convaincus qu'ils vont mourir brutalement à cause d'un phénomène environnemental. Donc ça, c'est très déprimant pour eux. Ils ont l'impression qu'en plus, on ne fait pas grand-chose. En tout cas, c'est leur impression pour un certain nombre d'entre eux. Donc ça, c'est très personnel. Je peux avoir des enfants, des adolescents, pardon, qui sont... dans des questionnements personnels très intenses. Et finalement, la souffrance qui est liée à ce questionnement est parfois un combat entre je ressens des choses, mais je ne veux pas les ressentir qui fait qu'on se met vraiment dans des phases critiques qui n'est pas forcément liées aux parents. Alors parfois, ça peut être largement amplifié par le regard parental, mais il y a des fois, c'est vraiment très interne, par exemple. Donc voilà, mais je trouve que dans la plupart des cas, très sincèrement, même si ça n'est pas lié à des conflits parentaux, Moi, c'est hyper important pour moi de travailler avec les parents de ces adolescents, main dans la main, pour qu'on aille dans le même sens. Parce que je pense que, même s'ils ne font pas partie du problème, ils font partie de la solution.

  • Speaker #1

    Et typiquement, sur l'éco-déprime, comment est-ce que vous soignez cette souffrance-là ?

  • Speaker #0

    Sur l'éco-déprime, moi, je trouve que ce n'est pas un trouble. Parce que je trouve que ce n'est pas eux qui ne vont pas, en fait. Donc, je trouve que c'est bizarre de le pathologiser, en fait, d'une certaine façon. Mais c'est une souffrance, vous avez parfaitement raison. Et donc, en fait... ce qu'on constate, c'est que très souvent, il y a cette souffrance qui vient parce qu'elle est déclenchée par une information ou quelque chose qu'ils perçoivent. Et là, comme cette souffrance est assez submergente, ils se disent, mais non, mais ça va aller, il y a quand même des progrès qui sont faits et puis il va y avoir une prise de conscience. Oui, il y a encore ce combat interne dont on parlait juste avant. Et moi, je les aide en fait à trouver un endroit dans leur intimité, à l'intérieur d'eux-mêmes. où ils vont pendant un quart d'heure accueillir cette tristesse et lui dire au fond qu'elle n'est pas pathologique, qu'elle est écologique, logique, et que c'est important de lui faire une place, parce que si on ne lui fait pas une place, comme une eau qui déborde d'un barrage, elle va tout prendre sur son passage.

  • Speaker #1

    Comment prévenir les nombreux dangers auxquels sont confrontés les adolescents ? Alors on parle des réseaux sociaux, on parle de l'alcool, du tabac. de toutes les images auxquelles ils sont exposés d'un point de vue de la sexualité. Comment est-ce qu'en tant que parents, on peut les prévenir sur tous ces sujets-là ?

  • Speaker #0

    Oui, ça c'est une question vraiment intéressante parce qu'on parlait du contrôle. Et en fait, moi j'ai le sentiment que quand on est adulte, vis-à-vis d'un adolescent, on peut être dans une posture où on est autoritaire, donc on est plutôt dans le contrôle de tout pour essayer de... le protéger par exemple de tous ces dangers, ou alors on peut être cet adulte qui fait autorité. Pour moi, ce n'est pas du tout la même chose. Celui qui fait autorité, c'est en fait l'adulte auquel l'adolescent va s'adresser justement quand il est face à une image pédopornographique ou pornographique, lorsque il est dans une situation extrêmement difficile relationnellement parlant, par exemple je pense au harcèlement en milieu scolaire, quand il est... confronté à de la drogue et que voilà il en a pris et que il a fait un bad trip par exemple moi je pense que c'est très important qu'il puisse en parler à ses parents et pour qu'il puisse en parler à ses parents il faut qu'il soit à peu près certain de ne pas générer ni une crise de nerfs ni un contrôle accru de tout ce qu'il fait parce que sinon il va en parler à d'autres personnes et moi je sais pas à qui il va en parler c'est ça qui m'ennuie donc pour moi La meilleure prévention, en fait, c'est d'être cet adulte qui va d'une certaine manière, si je devais un peu le préciser, qui va donner son point de vue, qui va indiquer le choix qui s'offre à l'enfant, parce que souvent il s'agit quand même de choix par rapport à un certain nombre de situations, et qui va lui dire cette phrase qu'on ne dit pas assez souvent, à mon avis, aux ados, qui est tu sais mieux que moi ce qui est bon pour toi Mais moi, je serai toujours là. Et voilà mon avis. Et je pense que du coup, là, Les adolescents vont dire en fait, ils vont dire les choses, parce qu'ils sentent qu'on ne va pas leur imposer un point de vue, parce qu'ils sentent qu'on va en même temps leur donner le nôtre, et parce qu'ils sentent qu'on va être cet adulte qui au fond dit, moi je vais t'aider à réfléchir aux deux solutions, aux risques qu'il y a, d'un côté, aux inconvénients qu'il y a de l'autre, au renoncement qu'il y a peut-être. Ça c'est une espèce de souplesse relationnelle qui à mon avis est ultra ultra préventive.

  • Speaker #1

    Et est-ce que cette manière de communiquer peut être appliquée aussi au sujet de l'orientation scolaire ?

  • Speaker #0

    Totalement, vraiment. S'il y a un sujet sur lequel il peut être appliqué, c'est bien ça. Et c'est terrible, moi j'ai vraiment reçu en consultation des adolescents qui allaient vraiment bien. qui n'était pas très scolaire, ce qui n'est pas tellement un défaut pour moi. Et dont les parents, pour des raisons d'inquiétude et d'amour, je veux dire vraiment, ce n'est pas du tout un rapproche que je leur fais, mais qui vraiment les avaient dit, je vais faire une voie générale, parce que c'est quand même ça le mieux, parce que c'est ça qui ouvre le plus et tout ça. Et qui se sont retrouvés dans un état de déprime, mais vraiment avancé, parce qu'en plus ils avaient pour certains une espèce de souhait, pour ne pas dire de vocation, mais en tout cas... de soi vraiment très clair sur quelque chose d'autre que la voie générale. Et je pense vraiment que ça n'a aucun sens de faire ça. C'est-à-dire que, ce que je dis souvent aux parents, c'est que je leur dis, voilà, il y a en effet des autoroutes. Les autoroutes, c'est rassurant, parce qu'on se dit, voilà, il y a du personnel, enfin tout ça. Mais je trouve ça très monotone quand même, c'est pas très intéressant. Et puis il y a des chemins de traverse. Alors les chemins de traverse, ils sont plus recailleux, à priori, il peut y avoir plus de rencontres un peu moins... Voilà, conventionnel. Mais il y a plein d'enfants, d'adolescents, qui ont pris des chemins de traverse et qui se sont parfaitement bien trouvés de faire ça. Et par ailleurs, je connais plein d'enfants qui ont pris des autoroutes tout à fait brillantes et qui sont très malheureux. Parce qu'ils ont fait des choses aussi parce que, pour leurs parents, c'était important. Et ça, ça fait souvent des espèces de motivations un peu... Comment dire ? Un peu comme des feux... des feux mais qui ne durent pas. Et oui, moi je pense que vraiment dire à un enfant, écoute, au fond, je ne sais pas si tu prendras une autoroute ou des chemins de traverse, ça a l'air plutôt parti pour prendre des chemins de traverse, mais peu importe au fond le chemin, moi je suis déjà en train de voir l'adulte magnifique que tu vas devenir. C'est ça en fait, je pense, la bonne attitude.

  • Speaker #1

    Et d'ailleurs sur ce sujet d'orientation, on a quand même vu il y a quelques années, on parlait de la grande démission. Donc pour tous ceux qui avaient pris la grande autoroute, il y a quand même beaucoup. beaucoup de jeunes adultes qui, au final, ont décidé de prendre ces chemins de traverse.

  • Speaker #0

    Absolument.

  • Speaker #1

    Comment est-ce qu'on sait que c'est le bon moment pour se faire accompagner ?

  • Speaker #0

    Alors moi, je dirais qu'il y a deux critères. Je dirais, si vous avez la sensation dans votre cœur de maman ou de papa que votre adolescent souffre, parce que parfois, on a cette sensation-là et c'est difficile de comprendre, puisque la communication, c'est le deuxième critère en fait. Le deuxième critère, c'est quand en plus la communication est très difficile avec lui. Je pense que là, vraiment, ce sont les deux critères qui doivent nous faire dire, ce serait peut-être bien d'aller consulter. Alors nous, en fait, on reçoit toujours les parents en première séance, toujours, parce qu'on veut notamment bloquer, vous l'avez compris, ce qu'ils mettent en œuvre de profondément inefficace. Et puis ensuite, il y a des fois où on voit l'adolescent et des fois pas du tout. Des fois, on considère que c'est contre-productif, surtout quand c'est un adolescent qui a été très pathologisé, très observé comme ça. De toute façon, voilà. donc mais si on pense que ce serait important qu'on voit l'adolescent au regard de ce que nous raconte le parent en première séance là on va demander l'autorisation d'avoir leur numéro de portable donc le parent demande à l'adolescent si on a l'autorisation de leur écrire un SMS et là on leur envoie un SMS très freinant en fait en disant on a vu ta maman qui a l'air très inquiète nous on sait pas trop en fait si elle a raison de s'inquiéter ou pas voilà et on sait pas trop si toi ça va ou si ça va pas en fait donc on va demander si jamais ça va pas, on serait très heureux de pouvoir t'aider mais en même temps on comprendrait que t'es pas du tout en vie et moi je rajoute souvent d'autant que je suis vieille ainsi comme ça je pense que c'est très réponsible et du coup je pense qu'en les enlevant les SMS ils se disent cette personne est très bizarre ne serait-ce que pour la curiosité ils viennent et là on peut travailler avec eux on arrive déjà à la dernière question c'est ma question rituelle,

  • Speaker #1

    donc vous savez le podcast s'appelle les adultes de demain... Qu'est-ce que vous souhaiteriez aux ados d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #0

    Je leur souhaiterais de vraiment travailler à être le plus alignés possible entre ce qu'ils pensent et ce qu'ils ressentent, en fait, d'une certaine manière. Je leur souhaiterais d'essayer d'accepter toutes les parties de leur personnalité, en fait, et de ne pas vouloir se conformer à rentrer dans des choses... Voilà. dont on leur dit qu'elles sont importantes. Voilà, en gros, c'est très bateau, c'est horrible, mais vraiment de faire confiance à ce qui est plus de l'ordre du désir chez eux que de la volonté.

  • Speaker #1

    C'est bateau, mais ce n'est pas si facile à appliquer que ça. Merci infiniment, Emmanuelle.

  • Speaker #0

    C'est moi qui vous remercie.

  • Speaker #1

    Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast. qui laisse des avis et des notes sur Apple Podcasts ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver... Je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général, ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Share

Embed

You may also like