Unir parents et enseignants : la clé du succès ? - Jérémie Fontanieu - #200 cover
Unir parents et enseignants : la clé du succès ? - Jérémie Fontanieu - #200 cover
Les Adultes de Demain

Unir parents et enseignants : la clé du succès ? - Jérémie Fontanieu - #200

Unir parents et enseignants : la clé du succès ? - Jérémie Fontanieu - #200

31min |11/07/2024
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Unir parents et enseignants : la clé du succès ? - Jérémie Fontanieu - #200 cover
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Les Adultes de Demain

Unir parents et enseignants : la clé du succès ? - Jérémie Fontanieu - #200

Unir parents et enseignants : la clé du succès ? - Jérémie Fontanieu - #200

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Description

Quelle chance j’ai eu de croiser le chemin de Jérémie Fontanieu. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode Réconciliation avec son collègue David Benoit, Jérémie expérimente depuis une dizaine d’années auprès de ces élèves du lycée de Drancy dans le 93 une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l’isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d’enseignants qui s’emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants.


Ressources :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quelle chance j'ai eu de croiser le chemin de Jérémy Fontagneux. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode réconciliation avec son collègue David Benoît, Jérémy expérimente depuis une dizaine d'années auprès de ses élèves du lycée de Drancy dans le 93, une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l'isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d'enseignants qui s'emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants. Vous allez adorer cet épisode, j'en suis certaine. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Jérémy.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Nous enregistrons cet épisode ensemble pour parler d'une méthode que tu as développée. Avec l'aide d'autres personnes, nous y reviendrons, qui s'appelle le projet Réconciliation, qui a démarré en 2012. Tu es professeur de SES dans un lycée de Drancy en Seine-Saint-Denis. Et je te cite parce que j'ai lu ton livre. Alors tu dis dans le projet réconciliation réside quelque chose d'universel qui renvoie simplement au désir profond des enfants d'avoir la tête haute et de rendre leurs parents fiers. Cette méthode est maintenant adoptée par plus de 200 enseignants et on passera à 350 pour la rentrée scolaire prochaine. Tu as écrit un livre et il y a un documentaire qui est récemment sorti au cinéma qui s'appelle Le monde est... T'as eu. Alors est-ce que tu pourrais nous en dire un petit peu plus sur cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait la méthode est née en 2012 d'un constat d'échec ou d'un sentiment d'impuissance que mon collègue David Benoît, prof de maths, et moi partageons et qui est en fait un constat d'impuissance ou un sentiment d'impuissance qui est partagé par beaucoup d'enseignants, pas que en lycée et pas que en Seine-Saint-Denis. En fait l'un des drames de l'éducation nationale c'est que nous les profs sommes compétents, c'est-à-dire qu'on sait à peu près Après, comment faire pour tirer les élèves vers le haut, les faire grandir, parce que c'est notre métier, c'est notre mission, difficile mais qui est belle. Mais en fait, personne n'est au courant du fait que nous sommes compétents. Les élèves nous voient souvent comme des oiseaux de mauvaise augure, où ils ont l'impression qu'on est là pour les embêter en quelque sorte. Et moi-même, à leur âge, j'étais pareil. C'est des ados ou c'est des enfants. Et puis les parents ont souvent une image assez négative de nous. Et donc finalement, on se retrouve dans notre métier. Il y a quelques années, avoir le sentiment de se battre contre les élèves et les parents pour faire réussir les élèves et les parents. Et donc cette solitude-là, en fait, était très difficile à vivre. On avait un sentiment de beaucoup de frustration. Les élèves gâchaient beaucoup leur potentiel, étaient à peu près sérieux en classe, mais ne révisaient pas la maison du tout, par exemple, à Drancy. Et donc, on a essayé, comme tous les enseignants font, de trouver des solutions concrètes face à cette frustration-là, aux difficultés qu'on rencontrait, et est née cette méthode réconciliation. On a eu beaucoup de chance en fait, à la fois de rencontrer certains élèves dont je parle dans le livre, et puis certains parents d'élèves dont je parle aussi dans le livre et qu'on voit dans le film, qui ont été extraordinairement bienveillants, gentils, qui nous ont poussés d'une certaine manière dans cette direction, qui est devenue la méthode réconciliation, qui est en gros de constituer une alliance parents-professeurs, pour protéger les élèves et pour les empêcher de gâcher leur potentiel, et pour nous protéger nous aussi, adultes en quelque sorte.

  • Speaker #0

    En quoi consiste cette alliance ?

  • Speaker #1

    En fait, nous enseignants travaillons rarement avec les parents d'élèves. On nous a toujours formés, dans notre formation et dans nos habitudes pédagogiques, on est assez auto-centrés, c'est-à-dire que, puisqu'on est compétent, on a le sentiment qu'en préparant bien nos cours, nos évaluations, en corrigeant les copies, en faisant le suivi qu'on fait tous, ça va rouler en quelque sorte. Et donc, les parents d'élèves, pour la plupart d'entre nous, y compris mon collègue et moi il y a quelques années, au tout début, On les voyait comme quelque chose d'un peu lointain. et on pensait que c'était à nous de faire le travail seul, et puis éventuellement, ponctuellement, on ferait appel aux parents, souvent quand il y a un souci. Là, l'idée de la méthode, c'est d'arrêter avec cette habitude qui consiste à ne se parler parent-prof qu'en cas de problème, parce que dans le fond c'est un peu malsain, c'est un peu toxique. Forcément, il y a beaucoup plus de tension dans une relation si on ne se parle qu'en cas de souci, que de façon habituelle. Donc le cœur de la méthode, c'est d'aller chercher les parents très tôt, Donc on les appelle individuellement, fin août au moment de la rentrée des profs, ou tout début septembre, 1er, 2 septembre, de façon à aller les chercher avant même que l'année scolaire ait débuté, ce qui surprend les parents. Et ensuite, donc relations précoces avec les parents, chaque parent d'élève. On ne fait pas forcément de réunion de début d'année d'ailleurs, puisque le coup de téléphone est plus efficace en termes de mobilisation des parents qu'une réunion, et puis c'est moins chronophage. Et puis donc relations précoces et relations régulières. Puisque les échanges avec les parents se font à un rythme hebdomadaire, en fait on s'engage auprès des familles à leur envoyer un petit compte-rendu chaque semaine de ce qui s'est passé en classe, pour qu'ils aient des informations régulières et qu'à la maison ils puissent faire un accompagnement, un suivi, qui petit à petit, l'élève voyant que les adultes se parlent entre eux, contrairement à l'habitude, les élèves petit à petit vont faire plus d'efforts, se mettre davantage au travail. Et donc se rendre compte que le travail paye, que quand on est plus sérieux que d'habitude, les résultats s'améliorent, ce qui les pousse à faire de mieux en mieux. Ça déclenche un cercle vertueux.

  • Speaker #0

    Comment tu t'y prends pour être en lien avec les parents ?

  • Speaker #1

    Concrètement, on les appelle fin août, tout début septembre.

  • Speaker #0

    Et après c'est SMS, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est ça, et semaine après semaine, on envoie des petits comptes rendus chaque semaine. Donc l'originalité de la méthode, si je puis dire, c'est d'appeler tous les parents d'élèves, et pas seulement des parents d'élèves dont les enfants seraient en difficulté ou poseraient problème, entre guillemets. Donc on le fait avec tout le monde, et puis surtout on le fait de manière régulière, systématique en fait. Parce qu'encore une fois, nous on a l'habitude en tant qu'enseignant de ne faire appel aux parents d'élèves qu'en cas de problème. Là l'idée est de banaliser, normaliser en quelque sorte les échanges, puisque à chaque parent, chaque semaine, nous envoyons un petit SMS, que les nouvelles soient bonnes ou qu'elles ne soient pas bonnes, en fait assez rapidement elles deviennent bonnes, parce que quand les élèves voient que les échanges sont réguliers, ils font beaucoup moins de bêtises. Ce que je décris dans le livre, de voir des classes qui prennent feu, et c'est ce qu'on voit à la fois dans le film Le Monde est à eux, qui est sorti au cinéma et qui va sortir en DVD, et puis qu'on voit aussi dans le deuxième documentaire sur les autres profs du collectif, les 200, 350 l'année prochaine, qui à la fois en école primaire, en collège et en lycée, reprennent la méthode, et qui voient que c'est vrai. Comme vous le disiez au tout début, il y a quelque chose d'universel dans le fait que les élèves veulent avoir la tête haute. Il y a aussi quelque chose d'universel dans la mesure où quand les enfants, les adolescents voient que les parents se parlent et s'apprécient, parce que les parents sont très touchés par le fait que nous allions vers eux dès le début de l'année, donc assez rapidement les parents nous aiment bien. Et ça, les élèves, ils se méfient un peu. Les enfants, les adolescents, ils se disent mince, je vais pouvoir moins faire de bêtises que d'habitude Donc c'est désagréable pour eux. Mais rapidement, ils se mettent au travail et du coup, ils progressent. Et du coup, nous, en tant qu'enseignants, on a beaucoup moins à nous battre contre les élèves. Et la bonne volonté des élèves se développant et les parents nous soutenant, on peut enfin faire notre métier.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que tu utilises les SMS plutôt que le fameux Pronote ?

  • Speaker #1

    L'ENT, Pronote par exemple, a quelque chose d'un petit peu froid. officielle, formelle, institutionnelle qui du coup n'est pas très chaleureux par définition alors que le coeur de la méthode c'est de développer un lien plutôt chaleureux une forme d'affection entre parents et professeurs pour que la relation dure justement et donc c'est aussi pour des raisons pratiques qu'on utilise le SMS c'est beaucoup plus efficace, les parents le reçoivent dans leur poche alors qu'ils ne sont pas forcément connectés à l'ENT, qu'il n'y a pas forcément les notifications sur l'ENT ou que l'ergonomie de pronotes et catastrophiques par ailleurs. Donc c'est plus simple avec les SMS, il y a un côté très pragmatique.

  • Speaker #0

    Je suppose qu'on te pose beaucoup la question, mais est-ce que ça ne te prend pas trop de temps d'envoyer régulièrement ces nouvelles aux parents ?

  • Speaker #1

    En fait... Au début, on ne s'est pas beaucoup posé la question du temps parce qu'on essayait de trouver des solutions face aux difficultés qu'on rencontrait. Petit à petit, améliorant la méthode et réussissant à la formaliser, si je puis dire, tel qu'on la transmet aux collègues qui nous rejoignent aujourd'hui. En fait, tous les collègues qui utilisent la méthode aujourd'hui ne travaillent pas plus que les autres collègues. La méthode a comme difficulté non pas d'être chronophage, mais de nous obliger à travailler autrement. Elle n'est pas chronophage parce qu'en début d'année, aller chercher les parents au téléphone et envoyer les premiers SMS prend du temps, parce que la confiance ne se décrète pas et du coup, on passe... beaucoup de temps au téléphone et dans les SMS avec les parents. Les mois de septembre et octobre sont plus chronophages, ça ajoute une charge de travail pour tous les enseignants du collectif. Moi le premier, la méthode depuis plusieurs années, je la fais avec tous les élèves que j'ai. Donc j'en ai 30 en terminale comme on le voit dans le film chaque année, mais j'en ai 200 de seconde. Donc j'appelle 250 familles chaque année au téléphone. Mon mois de septembre est très intense. La méthode implique une surcharge de travail en septembre et octobre. Mais assez rapidement... Les habitudes que l'on crée chez les parents avec le SMS hebdomadaire, le fait que les parents s'impliquent davantage dans le suivi de la scolarité de leur enfant, le fait que les enfants fassent plus d'efforts que d'habitude, tout ça nous fait gagner beaucoup de temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà eu des parents réfractaires à cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un des secrets de la méthode, si je puis dire, même si les véritables secrets, je les garde pour les collègues qui nous rejoignent, qui nous contactent. En fait, l'un des secrets de la méthode, c'est comme je l'ai dit, le fait d'appeler les parents le 30 août ou le 31 août ou le 1er septembre. C'est si précoce, aucun prof ne le fait, on a tellement de choses à gérer à la rentrée qu'appeler tous les parents d'une classe ou appeler tous les parents... De nos élèves, quand on est professeur des écoles, paraît inimaginable. Et donc c'est simple, lorsqu'on le fait, c'est la première fois que les parents se voient appelés par une maîtresse, un maître ou un professeur, une prof. Et donc ils réagissent très positivement, ils le prennent toujours de manière très sympathique. Ils sont surpris de manière très positive de cette initiative-là, d'autant plus que notre discours est assez valorisant pour eux, en leur disant qu'ils ont des forces en tant que parents, en tant qu'éducateurs, que nous enseignants, même si nous sommes compétents, même si nous sommes engagés, et qu'ils peuvent compter sur nous, on ne va pas y arriver sans eux. Donc c'est à la fois une manière de les responsabiliser, de leur mettre la pression en quelque sorte. Le cœur de la méthode c'est, nous profs sommes compétents, il faut que vous, parents, fassiez votre boulot, parce que sinon on ne va pas y arriver.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien maintenant qu'on parle des résultats de cette méthode. Donc j'ai surligné cette phrase dans ton livre, des classes dans lesquelles plus un seul élève ne manque, où les bavardages, le décrochage et l'échec scolaire ont disparu. Comment expliques-tu un tel succès ?

  • Speaker #1

    En fait, l'aspect un petit peu magique de la méthode, c'est que les enfants, les adolescents, donc je parle à la fois à Drancy et puis chez tous les collègues qui se lancent et qui vivent la même chose que nous, lorsque les enfants et les adolescents... se voient prévenir par leurs parents qu'avec la maîtresse, le maître ou tel professeur dans telle matière, les échanges vont être réguliers, que chaque semaine, attention, je vais recevoir un SMS de ton prof ou de ta prof, donc tu as intérêt à faire attention, ou je suis d'accord avec la maîtresse, je suis d'accord avec le prof, je l'aime bien, donc fais ce qu'il te dit. Bref, ce discours des parents est très marquant pour les élèves, parce qu'ils se disent, il va falloir que je fasse plus d'efforts que d'habitude. On le voit à la fois dans le livre, dans le film et dans le documentaire qui est en ligne. En fait, ça s'explique de manière assez simple. Quand les élèves font ce qu'on leur dit... Du coup, ils progressent. C'est vraiment aussi bête que ça. Souvent, nous enseignants, encore une fois, sommes compétents, savons ce que les élèves doivent faire pour y arriver. Et les problèmes viennent du fait que les élèves ne font pas ce qu'on leur dit. C'est l'un des drames, encore une fois, de l'éducation nationale, c'est que tout irait mieux si les élèves faisaient ce qu'on leur dit. Alors bien sûr que nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes pas des pédagogues irréprochables, mais néanmoins, les frustrations, le gâchis de potentiel et les mauvaises notes viennent souvent du fait que les élèves font autre chose que ce qu'on leur a demandé de faire, soit parce qu'ils ont la flemme, Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, des adolescents, souvent ils manquent de confiance en eux, ils ont aussi peur du regard des autres, ils ont peur de passer pour un faillot, ça fait plusieurs années qu'ils n'ont pas des méthodes de travail si fortes que cela, et donc ils se disent pourquoi est-ce que cette année ça changerait, ils sont fatalistes, les enfants, les adolescents comme nous tous je crois, l'existence a tendance à nous rendre fatalistes. Et donc pour toutes ces raisons les élèves ne... ne font pas ce qu'on leur dit. En classe, ils ne sont pas assez concentrés, ils sortent leur téléphone, à la maison, ils ne révisent pas, etc. Et en fait, quand ils voient dès le début de l'année que parents et profs se parlent, en fait, ils se tiennent un peu plus à carreau que d'habitude, ils font un peu plus d'efforts que d'habitude. Et c'est aussi simple que ça. Quand les élèves font davantage ce qu'on leur demande, ils progressent. Et quand ils progressent, ils ont une sorte de déclic, ils se disent mais je ne suis pas nul, en fait, je suis capable d'y arriver Finalement, quand je fais ce que la maîtresse me dit, quand je fais ce que le maître ou le prof, la prof me dit, En fait, c'est pas si dur les maths. En fait, je suis capable d'avoir la moyenne en anglais, je suis capable d'avoir la moyenne dans telle ou telle matière. Et donc, les élèves commencent à avoir l'impression qu'ils sont capables d'y arriver. Donc, ce déclin-là, ce gain de confiance en eux... les pousse à faire davantage d'efforts, donc il y a un cercle vertueux, les efforts entraînent des progrès, qui entraînent des encouragements, qui entraînent de nouveaux efforts, de nouveaux progrès et de nouveaux encouragements. En plus, ce dialogue entre parents et profs, cette communication fréquente, qui au début, on ne va pas se mentir, était faite un petit peu pour intimider les élèves, en disant attention, cette année, il ne faut pas faire de bêtises. En début d'année, il y a ce côté-là. Mais très rapidement, les échanges réguliers entre parents et profs... Comme dans les SMS, il y a les nouvelles de la semaine, les nouvelles deviennent assez bonnes. Et donc du coup, cette alliance parents-profs, qui est un petit peu redoutée par les élèves en début d'année scolaire, devient une source de motivation et d'envie de se dépasser, de rendre fiers ses parents, comme vous le disiez au début. d'être fier de soi, d'être fier de ses camarades aussi. Il y a beaucoup de cohésion au sein des groupes, parce que comme on envoie les SMS à tous les parents d'élèves, ça favorise aussi la cohésion, ça envoie un message de justice. Nous ne stigmatisons personne, c'est le même tarif pour tout le monde, si je puis dire. Et puis du coup, les élèves se rapprochent les uns des autres et ont tous l'impression d'avoir une épée de Damoclès, si je puis dire, au-dessus d'eux. Et donc, du coup, ils s'entraident beaucoup. Donc, l'émergence du groupe... Comme énergie positive, l'émergence de la bonne volonté dans le cœur des élèves, avec cette impression que ça marche, je suis capable d'y arriver, avec les parents qui les encouragent, les profs qui les encouragent, tout ça favorise un cercle extraordinairement vertueux.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu pourrais nous partager une anecdote, un exemple d'un élève dont tu te souviens qui a particulièrement changé grâce à cette méthode ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je ne pourrais pas donner un exemple. Dans la promotion 2024, il y a une élève qui a décroché l'année dernière en première pour des raisons de... Elle a de grosses difficultés de santé qui l'obligent à s'absenter. Il y a des rendez-vous médicaux réguliers pour des raisons lourdes. Et puis il y a des raisons familiales aussi, un contexte familial qui est très compliqué. C'est une élève qui, au cours de l'année de première, a disparu. Elle a décroché. En début d'année, elle est venue à quelques cours et puis elle a commencé à sécher les cours, à disparaître un petit peu, à décrocher. Et du coup, on s'est mis d'accord avec le collègue en SES, puis la direction et l'élève et ses parents, pour qu'elle passe dans la classe avec laquelle j'avais commencé mon année scolaire. Et du coup, l'élève en question, à partir du mois d'octobre, novembre, a fait des efforts prodigieux parce que l'impression... d'entrer dans une classe un peu spéciale ou d'avoir un encadrement un peu spécial. Moi, je ne suis pas plus compétent que mon collègue de SES qui fait du très bon travail et qui avait fait du bon travail avec elle. Mais simplement, c'est vrai que ce lien avec la famille et le fait de voir une classe qui est déjà très au travail parce qu'il y a les parents derrière, a favorisé pour cette élève-là... des efforts extraordinaires qui ont permis de faire des progrès qui sont fous, qui sont impressionnants et qui sont pour moi une source d'admiration vis-à-vis de cet élève-là. Et donc, elle a commencé l'année à 3 sur 20 de moyenne en bac blanc, en SES. Et nous sommes mi-juin, dans deux jours, il y a les épreuves de spécialité. Au dernier bac blanc, elle a 8 sur 20, donc elle est passée de 3 à 8. Je pense qu'elle va avoir 9 ou 10 à l'écrit. Et puis, on va préparer ensemble les oraux de rattrapage, puisqu'elle va être sous la barre des 10 sur 20 à l'issue des épreuves écrites. Mais en prenant SES à l'oral de rattrapage, on a commencé déjà à préparer l'oral aussi dans le cadre de la préparation du grand oral. Et je pense qu'elle va y arriver, qu'elle va avoir 15 ou 16 à l'oral, parce qu'elle est complètement sortie d'elle-même. En début d'année, elle avait un... un sentiment d'impuissance et elle avait une très faible confiance en elle pour des raisons... qui sont liées à son contexte et à la vie très difficile qu'elle a, mais elle a réussi en quelque sorte à... Elle est en train de surmonter ces difficultés-là, et j'en parle au présent, puisqu'on est dedans, et que je la revois demain, et je la croiserai au lycée pour l'épreuve de philosophie. Il y a des transformations d'élèves qui sont extraordinaires, mais aussi des transformations de professeurs, et c'est ce que j'explique dans le livre aussi. Moi, j'étais en souffrance, encore une fois, au tout début, mon collègue aussi, David, et... Puis au bout d'un moment, on a l'impression de marcher sur l'eau parce qu'aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, parce que c'est vrai qu'en début d'année, ils n'aiment pas beaucoup cette alliance, cette méthode, mais assez rapidement, ils se rendent compte que c'est pour leur bien. Aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, qui pensent que ce qu'on leur demande n'est pas forcément agréable, mais que ça vaut le coup, que c'est dans leur intérêt en quelque sorte. Et donc ils acceptent de le faire, ils s'entraident avec les familles qui sont derrière, qui le matin... et puis le soir on dit continue, je suis fier de toi, on va y arriver pour nous enseignants c'est un bonheur c'est une chance extraordinaire et il y a beaucoup de choses qui sont très belles dans ce métier qu'on a assez peu de comptes à rendre C'est aussi quelque chose de dangereux. La gestion des ressources humaines au sein de l'éducation nationale est catastrophique. L'institution dysfonctionne complètement. Il y a beaucoup de soucis. On a même parlé des salaires qui sont scandaleux et des politiques éducatives qui ne sont absolument pas à la hauteur et des incapables qui nous dirigent. Mais simplement, le fait, quand on est en classe, de pouvoir faire comme on veut, en plus avec cette méthode-là qui nous protège contre... Toutes les violences du métier, avec cette liberté qu'on a et puis aussi le temps de vacances scolaires qui changent, parce que beaucoup d'enseignants à l'heure actuelle utilisent les vacances scolaires comme un moyen de se reposer face à l'épuisement pendant les périodes scolaires, et puis préparent la suite. Au bout d'un moment, quand les parents sont avec nous et que les élèves développent leur bonne volonté, il n'y a plus besoin de s'épuiser durant les vacances scolaires. à refaire les cours, à refaire sa progression, à tout recommencer chaque année en espérant que le cours soit meilleur dans l'espoir de faire adhérer les élèves. Beaucoup de collègues du coup arrêtent de s'épuiser et profitent vraiment des vacances scolaires, qui est l'une des chances qu'on a dans notre métier, mais dont trop souvent on ne profite pas parce qu'on a le sentiment d'avoir la tête sous l'eau. Et donc c'est aussi une transformation pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'est déjà arrivé qu'un parent aille trop loin dans le suivi de cette scolarité avec ses enfants ?

  • Speaker #1

    En fait, les parents d'élèves... parfois ont des comportements qui sont toxiques parce que la famille est une cellule qui est une cellule d'amour de transmission de force de construction mais c'est aussi une cellule toxique dans lequel les parents ont hérité de névroses qu'ils transmettent souvent à leurs enfants et moi même je suis le fruit d'une éducation familiale qui est belle vis-à-vis de laquelle j'ai beaucoup de gratitude et de reconnaissance mais j'ai hérité aussi de fantômes du passé des générations précédentes et on est tous meurtri ou handicapé de ce point de vue là. Et donc il arrive bien sûr que des parents d'élèves, parfois parlant des termes trop sévères de leur enfant, dès le premier jour, nous disent je veux bien essayer ce que vous me proposez, mais ma fille c'est incapable ou alors ma fille elle est trop bête ou mon enfant c'est un bon à rien, je ne sais pas si ça servira à quoi que ce soit Donc du coup, ça veut dire qu'à ce moment-là, le papa ou la maman a un positionnement qui est un obstacle à la réussite de l'enfant. Parce qu'avec des parents qui pensent qu'on est bon à rien, l'enfant ne va pas avoir envie d'essayer. Il va probablement intérioriser cette vision-là de lui-même. Et beaucoup d'enfants doutent d'eux, parce que les parents doutent d'eux en tant que parents, ils doutent de leur enfant et ils ont une vision sombre d'eux-mêmes ou de la vie, si je puis dire, qui s'explique par les accidents et les violences de l'existence. Mais donc, simplement, le fait de créer cette relation... qui au début est empreinte d'affection et qui petit à petit devient une relation de confiance, nous permet aussi de rassurer des parents, de leur proposer de faire un pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement, que ce soit de la violence verbale ou parfois de la violence physique. Quand on n'est en contact que de façon ponctuelle avec les parents, on n'a pas les moyens, en quelque sorte, on ne peut pas les pousser à changer. Nous, en tant que professeurs, nous n'estimons pas avoir des leçons à faire aux parents où on respecte leur travail d'éducateur. Mais lorsque parfois, le fait que les parents mettent trop de pression sur les enfants, par exemple au moment de l'orientation, à la fin du collège ou au lycée, moi j'ai des élèves de terminale chaque année avec des parents qui, au sujet de parcours sup, angoissent de façon excessive et qui transmettent leur angoisse aux enfants. Et donc, à ce moment-là, le lien, la relation qu'on a réussi à développer parce qu'elle est précoce et parce qu'elle est régulière, nous permet de mettre à distance les parents. Alors, disons, écoutez, là, ça fait plusieurs fois que je vous le dis gentiment, mais là, vous êtes un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Vous lui transmettez une angoisse, qui est parfaitement compréhensible par ailleurs, mais s'il vous plaît, je vous demande d'arrêter de parler de l'orientation à la maison, et on va s'en occuper, lui et moi, et je vous tiendrai au courant, ne vous inquiétez pas, vous pouvez me faire confiance. Mais ce que vous faites... est un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Et donc, le geste initial de la méthode est de rapprocher les parents. et de faire en sorte que l'enfant voit que les adultes se parlent entre eux, donc l'enfant, l'adolescent doit faire moins de bêtises, mais dans le même temps on adapte complètement les communications, les informations qu'on transmet ou qu'on décide de ne pas transmettre aux familles, et puis petit à petit cette confiance qui naît nous permet d'aider les parents à faire des pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement. Les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est grave, c'est triste, mais souvent ils croient bien faire. ils pensent que ça va aider leur enfant, ce qui est faux, ce qui est dangereux, ce qui est grave. Mais du coup, comme on a créé cette relation et qu'au bout de quelques semaines, on dit aux parents, alors je vous propose qu'on essaye d'une autre manière, moi je vais faire autrement, et puis est-ce que vous vous seriez d'accord pour... Au début, les parents nous disent je ne sais pas, donc on les laisse tranquilles, et puis on revient gentiment, mais fermement à la charge quelques semaines après. Et au bout d'un moment, papa-maman va dire ok. Et puis, à la suite de ce changement chez les parents, ils vont voir que l'enfant est mieux, parce que lever la main sur son enfant, ça ne l'aide pas à grandir, c'est même un obstacle. Et donc, les parents sont pragmatiques, ils se rendent compte que finalement, le fait d'avoir essayé autrement aide leur enfant, et donc ça les aide aussi, parce que dans le fond, ils les aiment. Et ça les interroge aussi sur Tiens, peut-être que ce que je faisais, c'était aussi par habitude, parce que parfois, les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est des parents qui eux-mêmes, enfants, ont été battus. Et donc, du coup, en quelque sorte, sans relation avec les parents, rien de tout cela, ce déplacement, ce changement de vision n'est pas possible. Le cœur de la méthode est de créer cette relation-là pour s'aider collectivement, pour aider les élèves à arrêter de gâcher leur potentiel. Pour aider les parents aussi à ne plus faire ce travail difficile, qui est le travail d'éducateur seul, et pour nous aider, nous aussi enseignants, à ne plus être seuls face à tous les enjeux qu'on a en tant qu'enseignants. Et c'est vrai que comme le cœur de la relation avec les familles, c'est la chaleur humaine, c'est la bienveillance, c'est la gentillesse, la patience. Et donc, du coup, cette relation-là nous permet collectivement de nous déplacer. et de réduire les violences à la fois nous parfois, il y a des choses qu'on fait en tant qu'enseignants, on ne se rend pas compte de l'impact, les parents vont nous aider à nous en rendre compte, et puis de manière réciproque, les parents parfois font des choses qu'ils ne devraient pas faire, et on va les aider à se rendre compte du fait que c'est peut-être mieux de faire autrement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu aurais à dire sur notre système éducatif aujourd'hui, brièvement, qu'est-ce que tu lui reproches, et en même temps qu'est-ce que tu souhaites voir évoluer après toutes ces expérimentations ? extrêmement heureuse que tu as faite ces dernières années.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la méthode qu'on a faite dans notre coin, mon collègue et moi, pendant 10 ans, et qu'on a fait connaître à partir de 2021, maintenant elle est reprise par de plus en plus d'enseignants. Comme vous le disiez, nous on invite tous les enseignants qui sont intéressés, qui se disent pourquoi pas, j'ai envie d'essayer à nous contacter, soit via les réseaux sociaux, soit via une adresse qu'on a créée, qu'on mettra peut-être dans la description du podcast. En fait, ils peuvent nous rejoindre et puis on les accueillera. Ils rejoindront un collectif dans lequel il y a beaucoup d'entraide. Il y a un groupe Facebook, on fait des visios chaque semaine, on fait une rencontre annuelle à Paris avec les professeurs qui viennent de partout en France. C'est d'ailleurs l'argent du livre et du film qui permettent de financer les billets de train des collègues. Nous, on ne voulait pas toucher d'argent à titre personnel, mon collègue et moi, parce qu'on a le sentiment, comme je l'explique dans le livre, qu'on n'a pas beaucoup de mérite dans la création de cette méthode. Elle vient vraiment de Drancy. L'argent du livre et du film permet de financer les billets de train des collègues qui viennent pendant l'année et à la réunion de fin d'année. Et donc que tous les collègues qui le souhaitent nous rejoignent et on les accueillera avec grand plaisir et qu'ils connaîtront cette même libération, si je puis dire, ce sentiment de libération que la méthode favorise pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Et on mettra évidemment tous les liens en description du podcast pour rentrer en contact avec toi mais aussi avec tous les autres collègues, pour tous les enseignants qui sont nombreux et qui nous écoutent. Merci. J'arrive à la dernière question. Alors tu le sais, le podcast s'appelle Les Adults de Demain. Qu'est-ce que tu souhaiterais aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si la liberté existe, je ne sais pas si le libre arbitre existe, je ne sais pas si nous avons les moyens d'influer sur notre existence. Je pense que nous sommes tous le produit de notre environnement, familial, sociétal.

  • Speaker #0

    Mais dans le même temps, j'aime beaucoup la liberté comme illusion, si je puis dire, c'est une illusion dans laquelle je crois, et c'est ce qui me pousse, chaque 30 août, une fois que j'ai récupéré la liste de mes élèves, à appeler les parents en me disant j'espère que les parents vont me suivre, j'espère que ça va marcher, et du coup ça marche plutôt bien et j'en suis heureux Je suis heureux de voir aussi que les collègues font ce même pari. constatent la même chose dans leur classe. Et donc, en fait, je souhaite aux enfants d'aujourd'hui, qui sont les adultes de demain, de croire en la liberté comme illusion, et je nous le souhaite collectivement parce que, c'est pas à vous que je vais l'apprendre, mais il me semble que les enfants d'hier qui sont les adultes d'aujourd'hui continuent de raisonner en nous. J'ai le sentiment que la violence du monde, de notre société française en particulier, a tendance à enfouir cet enfant-là un petit peu naïf, ou qui parfois a de grands espoirs que la violence de l'existence. sa tendance à réduire en miettes. Je souhaite aux enfants d'aujourd'hui de croire en la liberté comme illusion, de rester des enfants. Et je nous souhaite, nous tous, de ne pas être trop fatalistes, de continuer de croire en la liberté et de peut-être davantage écouter l'enfant qui est en nous.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jérémy. Merci. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast et laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général. Ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

Quelle chance j’ai eu de croiser le chemin de Jérémie Fontanieu. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode Réconciliation avec son collègue David Benoit, Jérémie expérimente depuis une dizaine d’années auprès de ces élèves du lycée de Drancy dans le 93 une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l’isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d’enseignants qui s’emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants.


Ressources :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quelle chance j'ai eu de croiser le chemin de Jérémy Fontagneux. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode réconciliation avec son collègue David Benoît, Jérémy expérimente depuis une dizaine d'années auprès de ses élèves du lycée de Drancy dans le 93, une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l'isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d'enseignants qui s'emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants. Vous allez adorer cet épisode, j'en suis certaine. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Jérémy.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Nous enregistrons cet épisode ensemble pour parler d'une méthode que tu as développée. Avec l'aide d'autres personnes, nous y reviendrons, qui s'appelle le projet Réconciliation, qui a démarré en 2012. Tu es professeur de SES dans un lycée de Drancy en Seine-Saint-Denis. Et je te cite parce que j'ai lu ton livre. Alors tu dis dans le projet réconciliation réside quelque chose d'universel qui renvoie simplement au désir profond des enfants d'avoir la tête haute et de rendre leurs parents fiers. Cette méthode est maintenant adoptée par plus de 200 enseignants et on passera à 350 pour la rentrée scolaire prochaine. Tu as écrit un livre et il y a un documentaire qui est récemment sorti au cinéma qui s'appelle Le monde est... T'as eu. Alors est-ce que tu pourrais nous en dire un petit peu plus sur cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait la méthode est née en 2012 d'un constat d'échec ou d'un sentiment d'impuissance que mon collègue David Benoît, prof de maths, et moi partageons et qui est en fait un constat d'impuissance ou un sentiment d'impuissance qui est partagé par beaucoup d'enseignants, pas que en lycée et pas que en Seine-Saint-Denis. En fait l'un des drames de l'éducation nationale c'est que nous les profs sommes compétents, c'est-à-dire qu'on sait à peu près Après, comment faire pour tirer les élèves vers le haut, les faire grandir, parce que c'est notre métier, c'est notre mission, difficile mais qui est belle. Mais en fait, personne n'est au courant du fait que nous sommes compétents. Les élèves nous voient souvent comme des oiseaux de mauvaise augure, où ils ont l'impression qu'on est là pour les embêter en quelque sorte. Et moi-même, à leur âge, j'étais pareil. C'est des ados ou c'est des enfants. Et puis les parents ont souvent une image assez négative de nous. Et donc finalement, on se retrouve dans notre métier. Il y a quelques années, avoir le sentiment de se battre contre les élèves et les parents pour faire réussir les élèves et les parents. Et donc cette solitude-là, en fait, était très difficile à vivre. On avait un sentiment de beaucoup de frustration. Les élèves gâchaient beaucoup leur potentiel, étaient à peu près sérieux en classe, mais ne révisaient pas la maison du tout, par exemple, à Drancy. Et donc, on a essayé, comme tous les enseignants font, de trouver des solutions concrètes face à cette frustration-là, aux difficultés qu'on rencontrait, et est née cette méthode réconciliation. On a eu beaucoup de chance en fait, à la fois de rencontrer certains élèves dont je parle dans le livre, et puis certains parents d'élèves dont je parle aussi dans le livre et qu'on voit dans le film, qui ont été extraordinairement bienveillants, gentils, qui nous ont poussés d'une certaine manière dans cette direction, qui est devenue la méthode réconciliation, qui est en gros de constituer une alliance parents-professeurs, pour protéger les élèves et pour les empêcher de gâcher leur potentiel, et pour nous protéger nous aussi, adultes en quelque sorte.

  • Speaker #0

    En quoi consiste cette alliance ?

  • Speaker #1

    En fait, nous enseignants travaillons rarement avec les parents d'élèves. On nous a toujours formés, dans notre formation et dans nos habitudes pédagogiques, on est assez auto-centrés, c'est-à-dire que, puisqu'on est compétent, on a le sentiment qu'en préparant bien nos cours, nos évaluations, en corrigeant les copies, en faisant le suivi qu'on fait tous, ça va rouler en quelque sorte. Et donc, les parents d'élèves, pour la plupart d'entre nous, y compris mon collègue et moi il y a quelques années, au tout début, On les voyait comme quelque chose d'un peu lointain. et on pensait que c'était à nous de faire le travail seul, et puis éventuellement, ponctuellement, on ferait appel aux parents, souvent quand il y a un souci. Là, l'idée de la méthode, c'est d'arrêter avec cette habitude qui consiste à ne se parler parent-prof qu'en cas de problème, parce que dans le fond c'est un peu malsain, c'est un peu toxique. Forcément, il y a beaucoup plus de tension dans une relation si on ne se parle qu'en cas de souci, que de façon habituelle. Donc le cœur de la méthode, c'est d'aller chercher les parents très tôt, Donc on les appelle individuellement, fin août au moment de la rentrée des profs, ou tout début septembre, 1er, 2 septembre, de façon à aller les chercher avant même que l'année scolaire ait débuté, ce qui surprend les parents. Et ensuite, donc relations précoces avec les parents, chaque parent d'élève. On ne fait pas forcément de réunion de début d'année d'ailleurs, puisque le coup de téléphone est plus efficace en termes de mobilisation des parents qu'une réunion, et puis c'est moins chronophage. Et puis donc relations précoces et relations régulières. Puisque les échanges avec les parents se font à un rythme hebdomadaire, en fait on s'engage auprès des familles à leur envoyer un petit compte-rendu chaque semaine de ce qui s'est passé en classe, pour qu'ils aient des informations régulières et qu'à la maison ils puissent faire un accompagnement, un suivi, qui petit à petit, l'élève voyant que les adultes se parlent entre eux, contrairement à l'habitude, les élèves petit à petit vont faire plus d'efforts, se mettre davantage au travail. Et donc se rendre compte que le travail paye, que quand on est plus sérieux que d'habitude, les résultats s'améliorent, ce qui les pousse à faire de mieux en mieux. Ça déclenche un cercle vertueux.

  • Speaker #0

    Comment tu t'y prends pour être en lien avec les parents ?

  • Speaker #1

    Concrètement, on les appelle fin août, tout début septembre.

  • Speaker #0

    Et après c'est SMS, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est ça, et semaine après semaine, on envoie des petits comptes rendus chaque semaine. Donc l'originalité de la méthode, si je puis dire, c'est d'appeler tous les parents d'élèves, et pas seulement des parents d'élèves dont les enfants seraient en difficulté ou poseraient problème, entre guillemets. Donc on le fait avec tout le monde, et puis surtout on le fait de manière régulière, systématique en fait. Parce qu'encore une fois, nous on a l'habitude en tant qu'enseignant de ne faire appel aux parents d'élèves qu'en cas de problème. Là l'idée est de banaliser, normaliser en quelque sorte les échanges, puisque à chaque parent, chaque semaine, nous envoyons un petit SMS, que les nouvelles soient bonnes ou qu'elles ne soient pas bonnes, en fait assez rapidement elles deviennent bonnes, parce que quand les élèves voient que les échanges sont réguliers, ils font beaucoup moins de bêtises. Ce que je décris dans le livre, de voir des classes qui prennent feu, et c'est ce qu'on voit à la fois dans le film Le Monde est à eux, qui est sorti au cinéma et qui va sortir en DVD, et puis qu'on voit aussi dans le deuxième documentaire sur les autres profs du collectif, les 200, 350 l'année prochaine, qui à la fois en école primaire, en collège et en lycée, reprennent la méthode, et qui voient que c'est vrai. Comme vous le disiez au tout début, il y a quelque chose d'universel dans le fait que les élèves veulent avoir la tête haute. Il y a aussi quelque chose d'universel dans la mesure où quand les enfants, les adolescents voient que les parents se parlent et s'apprécient, parce que les parents sont très touchés par le fait que nous allions vers eux dès le début de l'année, donc assez rapidement les parents nous aiment bien. Et ça, les élèves, ils se méfient un peu. Les enfants, les adolescents, ils se disent mince, je vais pouvoir moins faire de bêtises que d'habitude Donc c'est désagréable pour eux. Mais rapidement, ils se mettent au travail et du coup, ils progressent. Et du coup, nous, en tant qu'enseignants, on a beaucoup moins à nous battre contre les élèves. Et la bonne volonté des élèves se développant et les parents nous soutenant, on peut enfin faire notre métier.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que tu utilises les SMS plutôt que le fameux Pronote ?

  • Speaker #1

    L'ENT, Pronote par exemple, a quelque chose d'un petit peu froid. officielle, formelle, institutionnelle qui du coup n'est pas très chaleureux par définition alors que le coeur de la méthode c'est de développer un lien plutôt chaleureux une forme d'affection entre parents et professeurs pour que la relation dure justement et donc c'est aussi pour des raisons pratiques qu'on utilise le SMS c'est beaucoup plus efficace, les parents le reçoivent dans leur poche alors qu'ils ne sont pas forcément connectés à l'ENT, qu'il n'y a pas forcément les notifications sur l'ENT ou que l'ergonomie de pronotes et catastrophiques par ailleurs. Donc c'est plus simple avec les SMS, il y a un côté très pragmatique.

  • Speaker #0

    Je suppose qu'on te pose beaucoup la question, mais est-ce que ça ne te prend pas trop de temps d'envoyer régulièrement ces nouvelles aux parents ?

  • Speaker #1

    En fait... Au début, on ne s'est pas beaucoup posé la question du temps parce qu'on essayait de trouver des solutions face aux difficultés qu'on rencontrait. Petit à petit, améliorant la méthode et réussissant à la formaliser, si je puis dire, tel qu'on la transmet aux collègues qui nous rejoignent aujourd'hui. En fait, tous les collègues qui utilisent la méthode aujourd'hui ne travaillent pas plus que les autres collègues. La méthode a comme difficulté non pas d'être chronophage, mais de nous obliger à travailler autrement. Elle n'est pas chronophage parce qu'en début d'année, aller chercher les parents au téléphone et envoyer les premiers SMS prend du temps, parce que la confiance ne se décrète pas et du coup, on passe... beaucoup de temps au téléphone et dans les SMS avec les parents. Les mois de septembre et octobre sont plus chronophages, ça ajoute une charge de travail pour tous les enseignants du collectif. Moi le premier, la méthode depuis plusieurs années, je la fais avec tous les élèves que j'ai. Donc j'en ai 30 en terminale comme on le voit dans le film chaque année, mais j'en ai 200 de seconde. Donc j'appelle 250 familles chaque année au téléphone. Mon mois de septembre est très intense. La méthode implique une surcharge de travail en septembre et octobre. Mais assez rapidement... Les habitudes que l'on crée chez les parents avec le SMS hebdomadaire, le fait que les parents s'impliquent davantage dans le suivi de la scolarité de leur enfant, le fait que les enfants fassent plus d'efforts que d'habitude, tout ça nous fait gagner beaucoup de temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà eu des parents réfractaires à cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un des secrets de la méthode, si je puis dire, même si les véritables secrets, je les garde pour les collègues qui nous rejoignent, qui nous contactent. En fait, l'un des secrets de la méthode, c'est comme je l'ai dit, le fait d'appeler les parents le 30 août ou le 31 août ou le 1er septembre. C'est si précoce, aucun prof ne le fait, on a tellement de choses à gérer à la rentrée qu'appeler tous les parents d'une classe ou appeler tous les parents... De nos élèves, quand on est professeur des écoles, paraît inimaginable. Et donc c'est simple, lorsqu'on le fait, c'est la première fois que les parents se voient appelés par une maîtresse, un maître ou un professeur, une prof. Et donc ils réagissent très positivement, ils le prennent toujours de manière très sympathique. Ils sont surpris de manière très positive de cette initiative-là, d'autant plus que notre discours est assez valorisant pour eux, en leur disant qu'ils ont des forces en tant que parents, en tant qu'éducateurs, que nous enseignants, même si nous sommes compétents, même si nous sommes engagés, et qu'ils peuvent compter sur nous, on ne va pas y arriver sans eux. Donc c'est à la fois une manière de les responsabiliser, de leur mettre la pression en quelque sorte. Le cœur de la méthode c'est, nous profs sommes compétents, il faut que vous, parents, fassiez votre boulot, parce que sinon on ne va pas y arriver.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien maintenant qu'on parle des résultats de cette méthode. Donc j'ai surligné cette phrase dans ton livre, des classes dans lesquelles plus un seul élève ne manque, où les bavardages, le décrochage et l'échec scolaire ont disparu. Comment expliques-tu un tel succès ?

  • Speaker #1

    En fait, l'aspect un petit peu magique de la méthode, c'est que les enfants, les adolescents, donc je parle à la fois à Drancy et puis chez tous les collègues qui se lancent et qui vivent la même chose que nous, lorsque les enfants et les adolescents... se voient prévenir par leurs parents qu'avec la maîtresse, le maître ou tel professeur dans telle matière, les échanges vont être réguliers, que chaque semaine, attention, je vais recevoir un SMS de ton prof ou de ta prof, donc tu as intérêt à faire attention, ou je suis d'accord avec la maîtresse, je suis d'accord avec le prof, je l'aime bien, donc fais ce qu'il te dit. Bref, ce discours des parents est très marquant pour les élèves, parce qu'ils se disent, il va falloir que je fasse plus d'efforts que d'habitude. On le voit à la fois dans le livre, dans le film et dans le documentaire qui est en ligne. En fait, ça s'explique de manière assez simple. Quand les élèves font ce qu'on leur dit... Du coup, ils progressent. C'est vraiment aussi bête que ça. Souvent, nous enseignants, encore une fois, sommes compétents, savons ce que les élèves doivent faire pour y arriver. Et les problèmes viennent du fait que les élèves ne font pas ce qu'on leur dit. C'est l'un des drames, encore une fois, de l'éducation nationale, c'est que tout irait mieux si les élèves faisaient ce qu'on leur dit. Alors bien sûr que nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes pas des pédagogues irréprochables, mais néanmoins, les frustrations, le gâchis de potentiel et les mauvaises notes viennent souvent du fait que les élèves font autre chose que ce qu'on leur a demandé de faire, soit parce qu'ils ont la flemme, Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, des adolescents, souvent ils manquent de confiance en eux, ils ont aussi peur du regard des autres, ils ont peur de passer pour un faillot, ça fait plusieurs années qu'ils n'ont pas des méthodes de travail si fortes que cela, et donc ils se disent pourquoi est-ce que cette année ça changerait, ils sont fatalistes, les enfants, les adolescents comme nous tous je crois, l'existence a tendance à nous rendre fatalistes. Et donc pour toutes ces raisons les élèves ne... ne font pas ce qu'on leur dit. En classe, ils ne sont pas assez concentrés, ils sortent leur téléphone, à la maison, ils ne révisent pas, etc. Et en fait, quand ils voient dès le début de l'année que parents et profs se parlent, en fait, ils se tiennent un peu plus à carreau que d'habitude, ils font un peu plus d'efforts que d'habitude. Et c'est aussi simple que ça. Quand les élèves font davantage ce qu'on leur demande, ils progressent. Et quand ils progressent, ils ont une sorte de déclic, ils se disent mais je ne suis pas nul, en fait, je suis capable d'y arriver Finalement, quand je fais ce que la maîtresse me dit, quand je fais ce que le maître ou le prof, la prof me dit, En fait, c'est pas si dur les maths. En fait, je suis capable d'avoir la moyenne en anglais, je suis capable d'avoir la moyenne dans telle ou telle matière. Et donc, les élèves commencent à avoir l'impression qu'ils sont capables d'y arriver. Donc, ce déclin-là, ce gain de confiance en eux... les pousse à faire davantage d'efforts, donc il y a un cercle vertueux, les efforts entraînent des progrès, qui entraînent des encouragements, qui entraînent de nouveaux efforts, de nouveaux progrès et de nouveaux encouragements. En plus, ce dialogue entre parents et profs, cette communication fréquente, qui au début, on ne va pas se mentir, était faite un petit peu pour intimider les élèves, en disant attention, cette année, il ne faut pas faire de bêtises. En début d'année, il y a ce côté-là. Mais très rapidement, les échanges réguliers entre parents et profs... Comme dans les SMS, il y a les nouvelles de la semaine, les nouvelles deviennent assez bonnes. Et donc du coup, cette alliance parents-profs, qui est un petit peu redoutée par les élèves en début d'année scolaire, devient une source de motivation et d'envie de se dépasser, de rendre fiers ses parents, comme vous le disiez au début. d'être fier de soi, d'être fier de ses camarades aussi. Il y a beaucoup de cohésion au sein des groupes, parce que comme on envoie les SMS à tous les parents d'élèves, ça favorise aussi la cohésion, ça envoie un message de justice. Nous ne stigmatisons personne, c'est le même tarif pour tout le monde, si je puis dire. Et puis du coup, les élèves se rapprochent les uns des autres et ont tous l'impression d'avoir une épée de Damoclès, si je puis dire, au-dessus d'eux. Et donc, du coup, ils s'entraident beaucoup. Donc, l'émergence du groupe... Comme énergie positive, l'émergence de la bonne volonté dans le cœur des élèves, avec cette impression que ça marche, je suis capable d'y arriver, avec les parents qui les encouragent, les profs qui les encouragent, tout ça favorise un cercle extraordinairement vertueux.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu pourrais nous partager une anecdote, un exemple d'un élève dont tu te souviens qui a particulièrement changé grâce à cette méthode ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je ne pourrais pas donner un exemple. Dans la promotion 2024, il y a une élève qui a décroché l'année dernière en première pour des raisons de... Elle a de grosses difficultés de santé qui l'obligent à s'absenter. Il y a des rendez-vous médicaux réguliers pour des raisons lourdes. Et puis il y a des raisons familiales aussi, un contexte familial qui est très compliqué. C'est une élève qui, au cours de l'année de première, a disparu. Elle a décroché. En début d'année, elle est venue à quelques cours et puis elle a commencé à sécher les cours, à disparaître un petit peu, à décrocher. Et du coup, on s'est mis d'accord avec le collègue en SES, puis la direction et l'élève et ses parents, pour qu'elle passe dans la classe avec laquelle j'avais commencé mon année scolaire. Et du coup, l'élève en question, à partir du mois d'octobre, novembre, a fait des efforts prodigieux parce que l'impression... d'entrer dans une classe un peu spéciale ou d'avoir un encadrement un peu spécial. Moi, je ne suis pas plus compétent que mon collègue de SES qui fait du très bon travail et qui avait fait du bon travail avec elle. Mais simplement, c'est vrai que ce lien avec la famille et le fait de voir une classe qui est déjà très au travail parce qu'il y a les parents derrière, a favorisé pour cette élève-là... des efforts extraordinaires qui ont permis de faire des progrès qui sont fous, qui sont impressionnants et qui sont pour moi une source d'admiration vis-à-vis de cet élève-là. Et donc, elle a commencé l'année à 3 sur 20 de moyenne en bac blanc, en SES. Et nous sommes mi-juin, dans deux jours, il y a les épreuves de spécialité. Au dernier bac blanc, elle a 8 sur 20, donc elle est passée de 3 à 8. Je pense qu'elle va avoir 9 ou 10 à l'écrit. Et puis, on va préparer ensemble les oraux de rattrapage, puisqu'elle va être sous la barre des 10 sur 20 à l'issue des épreuves écrites. Mais en prenant SES à l'oral de rattrapage, on a commencé déjà à préparer l'oral aussi dans le cadre de la préparation du grand oral. Et je pense qu'elle va y arriver, qu'elle va avoir 15 ou 16 à l'oral, parce qu'elle est complètement sortie d'elle-même. En début d'année, elle avait un... un sentiment d'impuissance et elle avait une très faible confiance en elle pour des raisons... qui sont liées à son contexte et à la vie très difficile qu'elle a, mais elle a réussi en quelque sorte à... Elle est en train de surmonter ces difficultés-là, et j'en parle au présent, puisqu'on est dedans, et que je la revois demain, et je la croiserai au lycée pour l'épreuve de philosophie. Il y a des transformations d'élèves qui sont extraordinaires, mais aussi des transformations de professeurs, et c'est ce que j'explique dans le livre aussi. Moi, j'étais en souffrance, encore une fois, au tout début, mon collègue aussi, David, et... Puis au bout d'un moment, on a l'impression de marcher sur l'eau parce qu'aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, parce que c'est vrai qu'en début d'année, ils n'aiment pas beaucoup cette alliance, cette méthode, mais assez rapidement, ils se rendent compte que c'est pour leur bien. Aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, qui pensent que ce qu'on leur demande n'est pas forcément agréable, mais que ça vaut le coup, que c'est dans leur intérêt en quelque sorte. Et donc ils acceptent de le faire, ils s'entraident avec les familles qui sont derrière, qui le matin... et puis le soir on dit continue, je suis fier de toi, on va y arriver pour nous enseignants c'est un bonheur c'est une chance extraordinaire et il y a beaucoup de choses qui sont très belles dans ce métier qu'on a assez peu de comptes à rendre C'est aussi quelque chose de dangereux. La gestion des ressources humaines au sein de l'éducation nationale est catastrophique. L'institution dysfonctionne complètement. Il y a beaucoup de soucis. On a même parlé des salaires qui sont scandaleux et des politiques éducatives qui ne sont absolument pas à la hauteur et des incapables qui nous dirigent. Mais simplement, le fait, quand on est en classe, de pouvoir faire comme on veut, en plus avec cette méthode-là qui nous protège contre... Toutes les violences du métier, avec cette liberté qu'on a et puis aussi le temps de vacances scolaires qui changent, parce que beaucoup d'enseignants à l'heure actuelle utilisent les vacances scolaires comme un moyen de se reposer face à l'épuisement pendant les périodes scolaires, et puis préparent la suite. Au bout d'un moment, quand les parents sont avec nous et que les élèves développent leur bonne volonté, il n'y a plus besoin de s'épuiser durant les vacances scolaires. à refaire les cours, à refaire sa progression, à tout recommencer chaque année en espérant que le cours soit meilleur dans l'espoir de faire adhérer les élèves. Beaucoup de collègues du coup arrêtent de s'épuiser et profitent vraiment des vacances scolaires, qui est l'une des chances qu'on a dans notre métier, mais dont trop souvent on ne profite pas parce qu'on a le sentiment d'avoir la tête sous l'eau. Et donc c'est aussi une transformation pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'est déjà arrivé qu'un parent aille trop loin dans le suivi de cette scolarité avec ses enfants ?

  • Speaker #1

    En fait, les parents d'élèves... parfois ont des comportements qui sont toxiques parce que la famille est une cellule qui est une cellule d'amour de transmission de force de construction mais c'est aussi une cellule toxique dans lequel les parents ont hérité de névroses qu'ils transmettent souvent à leurs enfants et moi même je suis le fruit d'une éducation familiale qui est belle vis-à-vis de laquelle j'ai beaucoup de gratitude et de reconnaissance mais j'ai hérité aussi de fantômes du passé des générations précédentes et on est tous meurtri ou handicapé de ce point de vue là. Et donc il arrive bien sûr que des parents d'élèves, parfois parlant des termes trop sévères de leur enfant, dès le premier jour, nous disent je veux bien essayer ce que vous me proposez, mais ma fille c'est incapable ou alors ma fille elle est trop bête ou mon enfant c'est un bon à rien, je ne sais pas si ça servira à quoi que ce soit Donc du coup, ça veut dire qu'à ce moment-là, le papa ou la maman a un positionnement qui est un obstacle à la réussite de l'enfant. Parce qu'avec des parents qui pensent qu'on est bon à rien, l'enfant ne va pas avoir envie d'essayer. Il va probablement intérioriser cette vision-là de lui-même. Et beaucoup d'enfants doutent d'eux, parce que les parents doutent d'eux en tant que parents, ils doutent de leur enfant et ils ont une vision sombre d'eux-mêmes ou de la vie, si je puis dire, qui s'explique par les accidents et les violences de l'existence. Mais donc, simplement, le fait de créer cette relation... qui au début est empreinte d'affection et qui petit à petit devient une relation de confiance, nous permet aussi de rassurer des parents, de leur proposer de faire un pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement, que ce soit de la violence verbale ou parfois de la violence physique. Quand on n'est en contact que de façon ponctuelle avec les parents, on n'a pas les moyens, en quelque sorte, on ne peut pas les pousser à changer. Nous, en tant que professeurs, nous n'estimons pas avoir des leçons à faire aux parents où on respecte leur travail d'éducateur. Mais lorsque parfois, le fait que les parents mettent trop de pression sur les enfants, par exemple au moment de l'orientation, à la fin du collège ou au lycée, moi j'ai des élèves de terminale chaque année avec des parents qui, au sujet de parcours sup, angoissent de façon excessive et qui transmettent leur angoisse aux enfants. Et donc, à ce moment-là, le lien, la relation qu'on a réussi à développer parce qu'elle est précoce et parce qu'elle est régulière, nous permet de mettre à distance les parents. Alors, disons, écoutez, là, ça fait plusieurs fois que je vous le dis gentiment, mais là, vous êtes un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Vous lui transmettez une angoisse, qui est parfaitement compréhensible par ailleurs, mais s'il vous plaît, je vous demande d'arrêter de parler de l'orientation à la maison, et on va s'en occuper, lui et moi, et je vous tiendrai au courant, ne vous inquiétez pas, vous pouvez me faire confiance. Mais ce que vous faites... est un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Et donc, le geste initial de la méthode est de rapprocher les parents. et de faire en sorte que l'enfant voit que les adultes se parlent entre eux, donc l'enfant, l'adolescent doit faire moins de bêtises, mais dans le même temps on adapte complètement les communications, les informations qu'on transmet ou qu'on décide de ne pas transmettre aux familles, et puis petit à petit cette confiance qui naît nous permet d'aider les parents à faire des pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement. Les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est grave, c'est triste, mais souvent ils croient bien faire. ils pensent que ça va aider leur enfant, ce qui est faux, ce qui est dangereux, ce qui est grave. Mais du coup, comme on a créé cette relation et qu'au bout de quelques semaines, on dit aux parents, alors je vous propose qu'on essaye d'une autre manière, moi je vais faire autrement, et puis est-ce que vous vous seriez d'accord pour... Au début, les parents nous disent je ne sais pas, donc on les laisse tranquilles, et puis on revient gentiment, mais fermement à la charge quelques semaines après. Et au bout d'un moment, papa-maman va dire ok. Et puis, à la suite de ce changement chez les parents, ils vont voir que l'enfant est mieux, parce que lever la main sur son enfant, ça ne l'aide pas à grandir, c'est même un obstacle. Et donc, les parents sont pragmatiques, ils se rendent compte que finalement, le fait d'avoir essayé autrement aide leur enfant, et donc ça les aide aussi, parce que dans le fond, ils les aiment. Et ça les interroge aussi sur Tiens, peut-être que ce que je faisais, c'était aussi par habitude, parce que parfois, les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est des parents qui eux-mêmes, enfants, ont été battus. Et donc, du coup, en quelque sorte, sans relation avec les parents, rien de tout cela, ce déplacement, ce changement de vision n'est pas possible. Le cœur de la méthode est de créer cette relation-là pour s'aider collectivement, pour aider les élèves à arrêter de gâcher leur potentiel. Pour aider les parents aussi à ne plus faire ce travail difficile, qui est le travail d'éducateur seul, et pour nous aider, nous aussi enseignants, à ne plus être seuls face à tous les enjeux qu'on a en tant qu'enseignants. Et c'est vrai que comme le cœur de la relation avec les familles, c'est la chaleur humaine, c'est la bienveillance, c'est la gentillesse, la patience. Et donc, du coup, cette relation-là nous permet collectivement de nous déplacer. et de réduire les violences à la fois nous parfois, il y a des choses qu'on fait en tant qu'enseignants, on ne se rend pas compte de l'impact, les parents vont nous aider à nous en rendre compte, et puis de manière réciproque, les parents parfois font des choses qu'ils ne devraient pas faire, et on va les aider à se rendre compte du fait que c'est peut-être mieux de faire autrement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu aurais à dire sur notre système éducatif aujourd'hui, brièvement, qu'est-ce que tu lui reproches, et en même temps qu'est-ce que tu souhaites voir évoluer après toutes ces expérimentations ? extrêmement heureuse que tu as faite ces dernières années.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la méthode qu'on a faite dans notre coin, mon collègue et moi, pendant 10 ans, et qu'on a fait connaître à partir de 2021, maintenant elle est reprise par de plus en plus d'enseignants. Comme vous le disiez, nous on invite tous les enseignants qui sont intéressés, qui se disent pourquoi pas, j'ai envie d'essayer à nous contacter, soit via les réseaux sociaux, soit via une adresse qu'on a créée, qu'on mettra peut-être dans la description du podcast. En fait, ils peuvent nous rejoindre et puis on les accueillera. Ils rejoindront un collectif dans lequel il y a beaucoup d'entraide. Il y a un groupe Facebook, on fait des visios chaque semaine, on fait une rencontre annuelle à Paris avec les professeurs qui viennent de partout en France. C'est d'ailleurs l'argent du livre et du film qui permettent de financer les billets de train des collègues. Nous, on ne voulait pas toucher d'argent à titre personnel, mon collègue et moi, parce qu'on a le sentiment, comme je l'explique dans le livre, qu'on n'a pas beaucoup de mérite dans la création de cette méthode. Elle vient vraiment de Drancy. L'argent du livre et du film permet de financer les billets de train des collègues qui viennent pendant l'année et à la réunion de fin d'année. Et donc que tous les collègues qui le souhaitent nous rejoignent et on les accueillera avec grand plaisir et qu'ils connaîtront cette même libération, si je puis dire, ce sentiment de libération que la méthode favorise pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Et on mettra évidemment tous les liens en description du podcast pour rentrer en contact avec toi mais aussi avec tous les autres collègues, pour tous les enseignants qui sont nombreux et qui nous écoutent. Merci. J'arrive à la dernière question. Alors tu le sais, le podcast s'appelle Les Adults de Demain. Qu'est-ce que tu souhaiterais aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si la liberté existe, je ne sais pas si le libre arbitre existe, je ne sais pas si nous avons les moyens d'influer sur notre existence. Je pense que nous sommes tous le produit de notre environnement, familial, sociétal.

  • Speaker #0

    Mais dans le même temps, j'aime beaucoup la liberté comme illusion, si je puis dire, c'est une illusion dans laquelle je crois, et c'est ce qui me pousse, chaque 30 août, une fois que j'ai récupéré la liste de mes élèves, à appeler les parents en me disant j'espère que les parents vont me suivre, j'espère que ça va marcher, et du coup ça marche plutôt bien et j'en suis heureux Je suis heureux de voir aussi que les collègues font ce même pari. constatent la même chose dans leur classe. Et donc, en fait, je souhaite aux enfants d'aujourd'hui, qui sont les adultes de demain, de croire en la liberté comme illusion, et je nous le souhaite collectivement parce que, c'est pas à vous que je vais l'apprendre, mais il me semble que les enfants d'hier qui sont les adultes d'aujourd'hui continuent de raisonner en nous. J'ai le sentiment que la violence du monde, de notre société française en particulier, a tendance à enfouir cet enfant-là un petit peu naïf, ou qui parfois a de grands espoirs que la violence de l'existence. sa tendance à réduire en miettes. Je souhaite aux enfants d'aujourd'hui de croire en la liberté comme illusion, de rester des enfants. Et je nous souhaite, nous tous, de ne pas être trop fatalistes, de continuer de croire en la liberté et de peut-être davantage écouter l'enfant qui est en nous.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jérémy. Merci. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast et laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général. Ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

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Description

Quelle chance j’ai eu de croiser le chemin de Jérémie Fontanieu. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode Réconciliation avec son collègue David Benoit, Jérémie expérimente depuis une dizaine d’années auprès de ces élèves du lycée de Drancy dans le 93 une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l’isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d’enseignants qui s’emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants.


Ressources :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quelle chance j'ai eu de croiser le chemin de Jérémy Fontagneux. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode réconciliation avec son collègue David Benoît, Jérémy expérimente depuis une dizaine d'années auprès de ses élèves du lycée de Drancy dans le 93, une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l'isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d'enseignants qui s'emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants. Vous allez adorer cet épisode, j'en suis certaine. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Jérémy.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Nous enregistrons cet épisode ensemble pour parler d'une méthode que tu as développée. Avec l'aide d'autres personnes, nous y reviendrons, qui s'appelle le projet Réconciliation, qui a démarré en 2012. Tu es professeur de SES dans un lycée de Drancy en Seine-Saint-Denis. Et je te cite parce que j'ai lu ton livre. Alors tu dis dans le projet réconciliation réside quelque chose d'universel qui renvoie simplement au désir profond des enfants d'avoir la tête haute et de rendre leurs parents fiers. Cette méthode est maintenant adoptée par plus de 200 enseignants et on passera à 350 pour la rentrée scolaire prochaine. Tu as écrit un livre et il y a un documentaire qui est récemment sorti au cinéma qui s'appelle Le monde est... T'as eu. Alors est-ce que tu pourrais nous en dire un petit peu plus sur cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait la méthode est née en 2012 d'un constat d'échec ou d'un sentiment d'impuissance que mon collègue David Benoît, prof de maths, et moi partageons et qui est en fait un constat d'impuissance ou un sentiment d'impuissance qui est partagé par beaucoup d'enseignants, pas que en lycée et pas que en Seine-Saint-Denis. En fait l'un des drames de l'éducation nationale c'est que nous les profs sommes compétents, c'est-à-dire qu'on sait à peu près Après, comment faire pour tirer les élèves vers le haut, les faire grandir, parce que c'est notre métier, c'est notre mission, difficile mais qui est belle. Mais en fait, personne n'est au courant du fait que nous sommes compétents. Les élèves nous voient souvent comme des oiseaux de mauvaise augure, où ils ont l'impression qu'on est là pour les embêter en quelque sorte. Et moi-même, à leur âge, j'étais pareil. C'est des ados ou c'est des enfants. Et puis les parents ont souvent une image assez négative de nous. Et donc finalement, on se retrouve dans notre métier. Il y a quelques années, avoir le sentiment de se battre contre les élèves et les parents pour faire réussir les élèves et les parents. Et donc cette solitude-là, en fait, était très difficile à vivre. On avait un sentiment de beaucoup de frustration. Les élèves gâchaient beaucoup leur potentiel, étaient à peu près sérieux en classe, mais ne révisaient pas la maison du tout, par exemple, à Drancy. Et donc, on a essayé, comme tous les enseignants font, de trouver des solutions concrètes face à cette frustration-là, aux difficultés qu'on rencontrait, et est née cette méthode réconciliation. On a eu beaucoup de chance en fait, à la fois de rencontrer certains élèves dont je parle dans le livre, et puis certains parents d'élèves dont je parle aussi dans le livre et qu'on voit dans le film, qui ont été extraordinairement bienveillants, gentils, qui nous ont poussés d'une certaine manière dans cette direction, qui est devenue la méthode réconciliation, qui est en gros de constituer une alliance parents-professeurs, pour protéger les élèves et pour les empêcher de gâcher leur potentiel, et pour nous protéger nous aussi, adultes en quelque sorte.

  • Speaker #0

    En quoi consiste cette alliance ?

  • Speaker #1

    En fait, nous enseignants travaillons rarement avec les parents d'élèves. On nous a toujours formés, dans notre formation et dans nos habitudes pédagogiques, on est assez auto-centrés, c'est-à-dire que, puisqu'on est compétent, on a le sentiment qu'en préparant bien nos cours, nos évaluations, en corrigeant les copies, en faisant le suivi qu'on fait tous, ça va rouler en quelque sorte. Et donc, les parents d'élèves, pour la plupart d'entre nous, y compris mon collègue et moi il y a quelques années, au tout début, On les voyait comme quelque chose d'un peu lointain. et on pensait que c'était à nous de faire le travail seul, et puis éventuellement, ponctuellement, on ferait appel aux parents, souvent quand il y a un souci. Là, l'idée de la méthode, c'est d'arrêter avec cette habitude qui consiste à ne se parler parent-prof qu'en cas de problème, parce que dans le fond c'est un peu malsain, c'est un peu toxique. Forcément, il y a beaucoup plus de tension dans une relation si on ne se parle qu'en cas de souci, que de façon habituelle. Donc le cœur de la méthode, c'est d'aller chercher les parents très tôt, Donc on les appelle individuellement, fin août au moment de la rentrée des profs, ou tout début septembre, 1er, 2 septembre, de façon à aller les chercher avant même que l'année scolaire ait débuté, ce qui surprend les parents. Et ensuite, donc relations précoces avec les parents, chaque parent d'élève. On ne fait pas forcément de réunion de début d'année d'ailleurs, puisque le coup de téléphone est plus efficace en termes de mobilisation des parents qu'une réunion, et puis c'est moins chronophage. Et puis donc relations précoces et relations régulières. Puisque les échanges avec les parents se font à un rythme hebdomadaire, en fait on s'engage auprès des familles à leur envoyer un petit compte-rendu chaque semaine de ce qui s'est passé en classe, pour qu'ils aient des informations régulières et qu'à la maison ils puissent faire un accompagnement, un suivi, qui petit à petit, l'élève voyant que les adultes se parlent entre eux, contrairement à l'habitude, les élèves petit à petit vont faire plus d'efforts, se mettre davantage au travail. Et donc se rendre compte que le travail paye, que quand on est plus sérieux que d'habitude, les résultats s'améliorent, ce qui les pousse à faire de mieux en mieux. Ça déclenche un cercle vertueux.

  • Speaker #0

    Comment tu t'y prends pour être en lien avec les parents ?

  • Speaker #1

    Concrètement, on les appelle fin août, tout début septembre.

  • Speaker #0

    Et après c'est SMS, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est ça, et semaine après semaine, on envoie des petits comptes rendus chaque semaine. Donc l'originalité de la méthode, si je puis dire, c'est d'appeler tous les parents d'élèves, et pas seulement des parents d'élèves dont les enfants seraient en difficulté ou poseraient problème, entre guillemets. Donc on le fait avec tout le monde, et puis surtout on le fait de manière régulière, systématique en fait. Parce qu'encore une fois, nous on a l'habitude en tant qu'enseignant de ne faire appel aux parents d'élèves qu'en cas de problème. Là l'idée est de banaliser, normaliser en quelque sorte les échanges, puisque à chaque parent, chaque semaine, nous envoyons un petit SMS, que les nouvelles soient bonnes ou qu'elles ne soient pas bonnes, en fait assez rapidement elles deviennent bonnes, parce que quand les élèves voient que les échanges sont réguliers, ils font beaucoup moins de bêtises. Ce que je décris dans le livre, de voir des classes qui prennent feu, et c'est ce qu'on voit à la fois dans le film Le Monde est à eux, qui est sorti au cinéma et qui va sortir en DVD, et puis qu'on voit aussi dans le deuxième documentaire sur les autres profs du collectif, les 200, 350 l'année prochaine, qui à la fois en école primaire, en collège et en lycée, reprennent la méthode, et qui voient que c'est vrai. Comme vous le disiez au tout début, il y a quelque chose d'universel dans le fait que les élèves veulent avoir la tête haute. Il y a aussi quelque chose d'universel dans la mesure où quand les enfants, les adolescents voient que les parents se parlent et s'apprécient, parce que les parents sont très touchés par le fait que nous allions vers eux dès le début de l'année, donc assez rapidement les parents nous aiment bien. Et ça, les élèves, ils se méfient un peu. Les enfants, les adolescents, ils se disent mince, je vais pouvoir moins faire de bêtises que d'habitude Donc c'est désagréable pour eux. Mais rapidement, ils se mettent au travail et du coup, ils progressent. Et du coup, nous, en tant qu'enseignants, on a beaucoup moins à nous battre contre les élèves. Et la bonne volonté des élèves se développant et les parents nous soutenant, on peut enfin faire notre métier.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que tu utilises les SMS plutôt que le fameux Pronote ?

  • Speaker #1

    L'ENT, Pronote par exemple, a quelque chose d'un petit peu froid. officielle, formelle, institutionnelle qui du coup n'est pas très chaleureux par définition alors que le coeur de la méthode c'est de développer un lien plutôt chaleureux une forme d'affection entre parents et professeurs pour que la relation dure justement et donc c'est aussi pour des raisons pratiques qu'on utilise le SMS c'est beaucoup plus efficace, les parents le reçoivent dans leur poche alors qu'ils ne sont pas forcément connectés à l'ENT, qu'il n'y a pas forcément les notifications sur l'ENT ou que l'ergonomie de pronotes et catastrophiques par ailleurs. Donc c'est plus simple avec les SMS, il y a un côté très pragmatique.

  • Speaker #0

    Je suppose qu'on te pose beaucoup la question, mais est-ce que ça ne te prend pas trop de temps d'envoyer régulièrement ces nouvelles aux parents ?

  • Speaker #1

    En fait... Au début, on ne s'est pas beaucoup posé la question du temps parce qu'on essayait de trouver des solutions face aux difficultés qu'on rencontrait. Petit à petit, améliorant la méthode et réussissant à la formaliser, si je puis dire, tel qu'on la transmet aux collègues qui nous rejoignent aujourd'hui. En fait, tous les collègues qui utilisent la méthode aujourd'hui ne travaillent pas plus que les autres collègues. La méthode a comme difficulté non pas d'être chronophage, mais de nous obliger à travailler autrement. Elle n'est pas chronophage parce qu'en début d'année, aller chercher les parents au téléphone et envoyer les premiers SMS prend du temps, parce que la confiance ne se décrète pas et du coup, on passe... beaucoup de temps au téléphone et dans les SMS avec les parents. Les mois de septembre et octobre sont plus chronophages, ça ajoute une charge de travail pour tous les enseignants du collectif. Moi le premier, la méthode depuis plusieurs années, je la fais avec tous les élèves que j'ai. Donc j'en ai 30 en terminale comme on le voit dans le film chaque année, mais j'en ai 200 de seconde. Donc j'appelle 250 familles chaque année au téléphone. Mon mois de septembre est très intense. La méthode implique une surcharge de travail en septembre et octobre. Mais assez rapidement... Les habitudes que l'on crée chez les parents avec le SMS hebdomadaire, le fait que les parents s'impliquent davantage dans le suivi de la scolarité de leur enfant, le fait que les enfants fassent plus d'efforts que d'habitude, tout ça nous fait gagner beaucoup de temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà eu des parents réfractaires à cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un des secrets de la méthode, si je puis dire, même si les véritables secrets, je les garde pour les collègues qui nous rejoignent, qui nous contactent. En fait, l'un des secrets de la méthode, c'est comme je l'ai dit, le fait d'appeler les parents le 30 août ou le 31 août ou le 1er septembre. C'est si précoce, aucun prof ne le fait, on a tellement de choses à gérer à la rentrée qu'appeler tous les parents d'une classe ou appeler tous les parents... De nos élèves, quand on est professeur des écoles, paraît inimaginable. Et donc c'est simple, lorsqu'on le fait, c'est la première fois que les parents se voient appelés par une maîtresse, un maître ou un professeur, une prof. Et donc ils réagissent très positivement, ils le prennent toujours de manière très sympathique. Ils sont surpris de manière très positive de cette initiative-là, d'autant plus que notre discours est assez valorisant pour eux, en leur disant qu'ils ont des forces en tant que parents, en tant qu'éducateurs, que nous enseignants, même si nous sommes compétents, même si nous sommes engagés, et qu'ils peuvent compter sur nous, on ne va pas y arriver sans eux. Donc c'est à la fois une manière de les responsabiliser, de leur mettre la pression en quelque sorte. Le cœur de la méthode c'est, nous profs sommes compétents, il faut que vous, parents, fassiez votre boulot, parce que sinon on ne va pas y arriver.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien maintenant qu'on parle des résultats de cette méthode. Donc j'ai surligné cette phrase dans ton livre, des classes dans lesquelles plus un seul élève ne manque, où les bavardages, le décrochage et l'échec scolaire ont disparu. Comment expliques-tu un tel succès ?

  • Speaker #1

    En fait, l'aspect un petit peu magique de la méthode, c'est que les enfants, les adolescents, donc je parle à la fois à Drancy et puis chez tous les collègues qui se lancent et qui vivent la même chose que nous, lorsque les enfants et les adolescents... se voient prévenir par leurs parents qu'avec la maîtresse, le maître ou tel professeur dans telle matière, les échanges vont être réguliers, que chaque semaine, attention, je vais recevoir un SMS de ton prof ou de ta prof, donc tu as intérêt à faire attention, ou je suis d'accord avec la maîtresse, je suis d'accord avec le prof, je l'aime bien, donc fais ce qu'il te dit. Bref, ce discours des parents est très marquant pour les élèves, parce qu'ils se disent, il va falloir que je fasse plus d'efforts que d'habitude. On le voit à la fois dans le livre, dans le film et dans le documentaire qui est en ligne. En fait, ça s'explique de manière assez simple. Quand les élèves font ce qu'on leur dit... Du coup, ils progressent. C'est vraiment aussi bête que ça. Souvent, nous enseignants, encore une fois, sommes compétents, savons ce que les élèves doivent faire pour y arriver. Et les problèmes viennent du fait que les élèves ne font pas ce qu'on leur dit. C'est l'un des drames, encore une fois, de l'éducation nationale, c'est que tout irait mieux si les élèves faisaient ce qu'on leur dit. Alors bien sûr que nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes pas des pédagogues irréprochables, mais néanmoins, les frustrations, le gâchis de potentiel et les mauvaises notes viennent souvent du fait que les élèves font autre chose que ce qu'on leur a demandé de faire, soit parce qu'ils ont la flemme, Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, des adolescents, souvent ils manquent de confiance en eux, ils ont aussi peur du regard des autres, ils ont peur de passer pour un faillot, ça fait plusieurs années qu'ils n'ont pas des méthodes de travail si fortes que cela, et donc ils se disent pourquoi est-ce que cette année ça changerait, ils sont fatalistes, les enfants, les adolescents comme nous tous je crois, l'existence a tendance à nous rendre fatalistes. Et donc pour toutes ces raisons les élèves ne... ne font pas ce qu'on leur dit. En classe, ils ne sont pas assez concentrés, ils sortent leur téléphone, à la maison, ils ne révisent pas, etc. Et en fait, quand ils voient dès le début de l'année que parents et profs se parlent, en fait, ils se tiennent un peu plus à carreau que d'habitude, ils font un peu plus d'efforts que d'habitude. Et c'est aussi simple que ça. Quand les élèves font davantage ce qu'on leur demande, ils progressent. Et quand ils progressent, ils ont une sorte de déclic, ils se disent mais je ne suis pas nul, en fait, je suis capable d'y arriver Finalement, quand je fais ce que la maîtresse me dit, quand je fais ce que le maître ou le prof, la prof me dit, En fait, c'est pas si dur les maths. En fait, je suis capable d'avoir la moyenne en anglais, je suis capable d'avoir la moyenne dans telle ou telle matière. Et donc, les élèves commencent à avoir l'impression qu'ils sont capables d'y arriver. Donc, ce déclin-là, ce gain de confiance en eux... les pousse à faire davantage d'efforts, donc il y a un cercle vertueux, les efforts entraînent des progrès, qui entraînent des encouragements, qui entraînent de nouveaux efforts, de nouveaux progrès et de nouveaux encouragements. En plus, ce dialogue entre parents et profs, cette communication fréquente, qui au début, on ne va pas se mentir, était faite un petit peu pour intimider les élèves, en disant attention, cette année, il ne faut pas faire de bêtises. En début d'année, il y a ce côté-là. Mais très rapidement, les échanges réguliers entre parents et profs... Comme dans les SMS, il y a les nouvelles de la semaine, les nouvelles deviennent assez bonnes. Et donc du coup, cette alliance parents-profs, qui est un petit peu redoutée par les élèves en début d'année scolaire, devient une source de motivation et d'envie de se dépasser, de rendre fiers ses parents, comme vous le disiez au début. d'être fier de soi, d'être fier de ses camarades aussi. Il y a beaucoup de cohésion au sein des groupes, parce que comme on envoie les SMS à tous les parents d'élèves, ça favorise aussi la cohésion, ça envoie un message de justice. Nous ne stigmatisons personne, c'est le même tarif pour tout le monde, si je puis dire. Et puis du coup, les élèves se rapprochent les uns des autres et ont tous l'impression d'avoir une épée de Damoclès, si je puis dire, au-dessus d'eux. Et donc, du coup, ils s'entraident beaucoup. Donc, l'émergence du groupe... Comme énergie positive, l'émergence de la bonne volonté dans le cœur des élèves, avec cette impression que ça marche, je suis capable d'y arriver, avec les parents qui les encouragent, les profs qui les encouragent, tout ça favorise un cercle extraordinairement vertueux.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu pourrais nous partager une anecdote, un exemple d'un élève dont tu te souviens qui a particulièrement changé grâce à cette méthode ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je ne pourrais pas donner un exemple. Dans la promotion 2024, il y a une élève qui a décroché l'année dernière en première pour des raisons de... Elle a de grosses difficultés de santé qui l'obligent à s'absenter. Il y a des rendez-vous médicaux réguliers pour des raisons lourdes. Et puis il y a des raisons familiales aussi, un contexte familial qui est très compliqué. C'est une élève qui, au cours de l'année de première, a disparu. Elle a décroché. En début d'année, elle est venue à quelques cours et puis elle a commencé à sécher les cours, à disparaître un petit peu, à décrocher. Et du coup, on s'est mis d'accord avec le collègue en SES, puis la direction et l'élève et ses parents, pour qu'elle passe dans la classe avec laquelle j'avais commencé mon année scolaire. Et du coup, l'élève en question, à partir du mois d'octobre, novembre, a fait des efforts prodigieux parce que l'impression... d'entrer dans une classe un peu spéciale ou d'avoir un encadrement un peu spécial. Moi, je ne suis pas plus compétent que mon collègue de SES qui fait du très bon travail et qui avait fait du bon travail avec elle. Mais simplement, c'est vrai que ce lien avec la famille et le fait de voir une classe qui est déjà très au travail parce qu'il y a les parents derrière, a favorisé pour cette élève-là... des efforts extraordinaires qui ont permis de faire des progrès qui sont fous, qui sont impressionnants et qui sont pour moi une source d'admiration vis-à-vis de cet élève-là. Et donc, elle a commencé l'année à 3 sur 20 de moyenne en bac blanc, en SES. Et nous sommes mi-juin, dans deux jours, il y a les épreuves de spécialité. Au dernier bac blanc, elle a 8 sur 20, donc elle est passée de 3 à 8. Je pense qu'elle va avoir 9 ou 10 à l'écrit. Et puis, on va préparer ensemble les oraux de rattrapage, puisqu'elle va être sous la barre des 10 sur 20 à l'issue des épreuves écrites. Mais en prenant SES à l'oral de rattrapage, on a commencé déjà à préparer l'oral aussi dans le cadre de la préparation du grand oral. Et je pense qu'elle va y arriver, qu'elle va avoir 15 ou 16 à l'oral, parce qu'elle est complètement sortie d'elle-même. En début d'année, elle avait un... un sentiment d'impuissance et elle avait une très faible confiance en elle pour des raisons... qui sont liées à son contexte et à la vie très difficile qu'elle a, mais elle a réussi en quelque sorte à... Elle est en train de surmonter ces difficultés-là, et j'en parle au présent, puisqu'on est dedans, et que je la revois demain, et je la croiserai au lycée pour l'épreuve de philosophie. Il y a des transformations d'élèves qui sont extraordinaires, mais aussi des transformations de professeurs, et c'est ce que j'explique dans le livre aussi. Moi, j'étais en souffrance, encore une fois, au tout début, mon collègue aussi, David, et... Puis au bout d'un moment, on a l'impression de marcher sur l'eau parce qu'aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, parce que c'est vrai qu'en début d'année, ils n'aiment pas beaucoup cette alliance, cette méthode, mais assez rapidement, ils se rendent compte que c'est pour leur bien. Aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, qui pensent que ce qu'on leur demande n'est pas forcément agréable, mais que ça vaut le coup, que c'est dans leur intérêt en quelque sorte. Et donc ils acceptent de le faire, ils s'entraident avec les familles qui sont derrière, qui le matin... et puis le soir on dit continue, je suis fier de toi, on va y arriver pour nous enseignants c'est un bonheur c'est une chance extraordinaire et il y a beaucoup de choses qui sont très belles dans ce métier qu'on a assez peu de comptes à rendre C'est aussi quelque chose de dangereux. La gestion des ressources humaines au sein de l'éducation nationale est catastrophique. L'institution dysfonctionne complètement. Il y a beaucoup de soucis. On a même parlé des salaires qui sont scandaleux et des politiques éducatives qui ne sont absolument pas à la hauteur et des incapables qui nous dirigent. Mais simplement, le fait, quand on est en classe, de pouvoir faire comme on veut, en plus avec cette méthode-là qui nous protège contre... Toutes les violences du métier, avec cette liberté qu'on a et puis aussi le temps de vacances scolaires qui changent, parce que beaucoup d'enseignants à l'heure actuelle utilisent les vacances scolaires comme un moyen de se reposer face à l'épuisement pendant les périodes scolaires, et puis préparent la suite. Au bout d'un moment, quand les parents sont avec nous et que les élèves développent leur bonne volonté, il n'y a plus besoin de s'épuiser durant les vacances scolaires. à refaire les cours, à refaire sa progression, à tout recommencer chaque année en espérant que le cours soit meilleur dans l'espoir de faire adhérer les élèves. Beaucoup de collègues du coup arrêtent de s'épuiser et profitent vraiment des vacances scolaires, qui est l'une des chances qu'on a dans notre métier, mais dont trop souvent on ne profite pas parce qu'on a le sentiment d'avoir la tête sous l'eau. Et donc c'est aussi une transformation pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'est déjà arrivé qu'un parent aille trop loin dans le suivi de cette scolarité avec ses enfants ?

  • Speaker #1

    En fait, les parents d'élèves... parfois ont des comportements qui sont toxiques parce que la famille est une cellule qui est une cellule d'amour de transmission de force de construction mais c'est aussi une cellule toxique dans lequel les parents ont hérité de névroses qu'ils transmettent souvent à leurs enfants et moi même je suis le fruit d'une éducation familiale qui est belle vis-à-vis de laquelle j'ai beaucoup de gratitude et de reconnaissance mais j'ai hérité aussi de fantômes du passé des générations précédentes et on est tous meurtri ou handicapé de ce point de vue là. Et donc il arrive bien sûr que des parents d'élèves, parfois parlant des termes trop sévères de leur enfant, dès le premier jour, nous disent je veux bien essayer ce que vous me proposez, mais ma fille c'est incapable ou alors ma fille elle est trop bête ou mon enfant c'est un bon à rien, je ne sais pas si ça servira à quoi que ce soit Donc du coup, ça veut dire qu'à ce moment-là, le papa ou la maman a un positionnement qui est un obstacle à la réussite de l'enfant. Parce qu'avec des parents qui pensent qu'on est bon à rien, l'enfant ne va pas avoir envie d'essayer. Il va probablement intérioriser cette vision-là de lui-même. Et beaucoup d'enfants doutent d'eux, parce que les parents doutent d'eux en tant que parents, ils doutent de leur enfant et ils ont une vision sombre d'eux-mêmes ou de la vie, si je puis dire, qui s'explique par les accidents et les violences de l'existence. Mais donc, simplement, le fait de créer cette relation... qui au début est empreinte d'affection et qui petit à petit devient une relation de confiance, nous permet aussi de rassurer des parents, de leur proposer de faire un pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement, que ce soit de la violence verbale ou parfois de la violence physique. Quand on n'est en contact que de façon ponctuelle avec les parents, on n'a pas les moyens, en quelque sorte, on ne peut pas les pousser à changer. Nous, en tant que professeurs, nous n'estimons pas avoir des leçons à faire aux parents où on respecte leur travail d'éducateur. Mais lorsque parfois, le fait que les parents mettent trop de pression sur les enfants, par exemple au moment de l'orientation, à la fin du collège ou au lycée, moi j'ai des élèves de terminale chaque année avec des parents qui, au sujet de parcours sup, angoissent de façon excessive et qui transmettent leur angoisse aux enfants. Et donc, à ce moment-là, le lien, la relation qu'on a réussi à développer parce qu'elle est précoce et parce qu'elle est régulière, nous permet de mettre à distance les parents. Alors, disons, écoutez, là, ça fait plusieurs fois que je vous le dis gentiment, mais là, vous êtes un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Vous lui transmettez une angoisse, qui est parfaitement compréhensible par ailleurs, mais s'il vous plaît, je vous demande d'arrêter de parler de l'orientation à la maison, et on va s'en occuper, lui et moi, et je vous tiendrai au courant, ne vous inquiétez pas, vous pouvez me faire confiance. Mais ce que vous faites... est un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Et donc, le geste initial de la méthode est de rapprocher les parents. et de faire en sorte que l'enfant voit que les adultes se parlent entre eux, donc l'enfant, l'adolescent doit faire moins de bêtises, mais dans le même temps on adapte complètement les communications, les informations qu'on transmet ou qu'on décide de ne pas transmettre aux familles, et puis petit à petit cette confiance qui naît nous permet d'aider les parents à faire des pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement. Les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est grave, c'est triste, mais souvent ils croient bien faire. ils pensent que ça va aider leur enfant, ce qui est faux, ce qui est dangereux, ce qui est grave. Mais du coup, comme on a créé cette relation et qu'au bout de quelques semaines, on dit aux parents, alors je vous propose qu'on essaye d'une autre manière, moi je vais faire autrement, et puis est-ce que vous vous seriez d'accord pour... Au début, les parents nous disent je ne sais pas, donc on les laisse tranquilles, et puis on revient gentiment, mais fermement à la charge quelques semaines après. Et au bout d'un moment, papa-maman va dire ok. Et puis, à la suite de ce changement chez les parents, ils vont voir que l'enfant est mieux, parce que lever la main sur son enfant, ça ne l'aide pas à grandir, c'est même un obstacle. Et donc, les parents sont pragmatiques, ils se rendent compte que finalement, le fait d'avoir essayé autrement aide leur enfant, et donc ça les aide aussi, parce que dans le fond, ils les aiment. Et ça les interroge aussi sur Tiens, peut-être que ce que je faisais, c'était aussi par habitude, parce que parfois, les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est des parents qui eux-mêmes, enfants, ont été battus. Et donc, du coup, en quelque sorte, sans relation avec les parents, rien de tout cela, ce déplacement, ce changement de vision n'est pas possible. Le cœur de la méthode est de créer cette relation-là pour s'aider collectivement, pour aider les élèves à arrêter de gâcher leur potentiel. Pour aider les parents aussi à ne plus faire ce travail difficile, qui est le travail d'éducateur seul, et pour nous aider, nous aussi enseignants, à ne plus être seuls face à tous les enjeux qu'on a en tant qu'enseignants. Et c'est vrai que comme le cœur de la relation avec les familles, c'est la chaleur humaine, c'est la bienveillance, c'est la gentillesse, la patience. Et donc, du coup, cette relation-là nous permet collectivement de nous déplacer. et de réduire les violences à la fois nous parfois, il y a des choses qu'on fait en tant qu'enseignants, on ne se rend pas compte de l'impact, les parents vont nous aider à nous en rendre compte, et puis de manière réciproque, les parents parfois font des choses qu'ils ne devraient pas faire, et on va les aider à se rendre compte du fait que c'est peut-être mieux de faire autrement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu aurais à dire sur notre système éducatif aujourd'hui, brièvement, qu'est-ce que tu lui reproches, et en même temps qu'est-ce que tu souhaites voir évoluer après toutes ces expérimentations ? extrêmement heureuse que tu as faite ces dernières années.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la méthode qu'on a faite dans notre coin, mon collègue et moi, pendant 10 ans, et qu'on a fait connaître à partir de 2021, maintenant elle est reprise par de plus en plus d'enseignants. Comme vous le disiez, nous on invite tous les enseignants qui sont intéressés, qui se disent pourquoi pas, j'ai envie d'essayer à nous contacter, soit via les réseaux sociaux, soit via une adresse qu'on a créée, qu'on mettra peut-être dans la description du podcast. En fait, ils peuvent nous rejoindre et puis on les accueillera. Ils rejoindront un collectif dans lequel il y a beaucoup d'entraide. Il y a un groupe Facebook, on fait des visios chaque semaine, on fait une rencontre annuelle à Paris avec les professeurs qui viennent de partout en France. C'est d'ailleurs l'argent du livre et du film qui permettent de financer les billets de train des collègues. Nous, on ne voulait pas toucher d'argent à titre personnel, mon collègue et moi, parce qu'on a le sentiment, comme je l'explique dans le livre, qu'on n'a pas beaucoup de mérite dans la création de cette méthode. Elle vient vraiment de Drancy. L'argent du livre et du film permet de financer les billets de train des collègues qui viennent pendant l'année et à la réunion de fin d'année. Et donc que tous les collègues qui le souhaitent nous rejoignent et on les accueillera avec grand plaisir et qu'ils connaîtront cette même libération, si je puis dire, ce sentiment de libération que la méthode favorise pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Et on mettra évidemment tous les liens en description du podcast pour rentrer en contact avec toi mais aussi avec tous les autres collègues, pour tous les enseignants qui sont nombreux et qui nous écoutent. Merci. J'arrive à la dernière question. Alors tu le sais, le podcast s'appelle Les Adults de Demain. Qu'est-ce que tu souhaiterais aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si la liberté existe, je ne sais pas si le libre arbitre existe, je ne sais pas si nous avons les moyens d'influer sur notre existence. Je pense que nous sommes tous le produit de notre environnement, familial, sociétal.

  • Speaker #0

    Mais dans le même temps, j'aime beaucoup la liberté comme illusion, si je puis dire, c'est une illusion dans laquelle je crois, et c'est ce qui me pousse, chaque 30 août, une fois que j'ai récupéré la liste de mes élèves, à appeler les parents en me disant j'espère que les parents vont me suivre, j'espère que ça va marcher, et du coup ça marche plutôt bien et j'en suis heureux Je suis heureux de voir aussi que les collègues font ce même pari. constatent la même chose dans leur classe. Et donc, en fait, je souhaite aux enfants d'aujourd'hui, qui sont les adultes de demain, de croire en la liberté comme illusion, et je nous le souhaite collectivement parce que, c'est pas à vous que je vais l'apprendre, mais il me semble que les enfants d'hier qui sont les adultes d'aujourd'hui continuent de raisonner en nous. J'ai le sentiment que la violence du monde, de notre société française en particulier, a tendance à enfouir cet enfant-là un petit peu naïf, ou qui parfois a de grands espoirs que la violence de l'existence. sa tendance à réduire en miettes. Je souhaite aux enfants d'aujourd'hui de croire en la liberté comme illusion, de rester des enfants. Et je nous souhaite, nous tous, de ne pas être trop fatalistes, de continuer de croire en la liberté et de peut-être davantage écouter l'enfant qui est en nous.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jérémy. Merci. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast et laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général. Ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

Description

Quelle chance j’ai eu de croiser le chemin de Jérémie Fontanieu. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode Réconciliation avec son collègue David Benoit, Jérémie expérimente depuis une dizaine d’années auprès de ces élèves du lycée de Drancy dans le 93 une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l’isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d’enseignants qui s’emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants.


Ressources :


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Speaker #0

    On a une culture, nous, françaises, de la punition. Et on pense que c'est normal.

  • Speaker #1

    Pourquoi est-ce qu'on exclut un enfant de l'école ? Parce qu'il est différent. Des outils comme l'intelligence artificielle, elles ne posent pas réellement de nouvelles questions. Elles posent d'anciennes questions auxquelles on n'a pas répondu depuis longtemps.

  • Speaker #0

    Comme Maria Montessori le disait, l'éducation est la plus belle arme de paix.

  • Speaker #1

    Michel Onfray a cette phrase que j'aime beaucoup, il dit tous les enfants sont des philosophes et certains adultes le demeurent Nos enfants deviennent comme nous les voyons, nos enfants deviennent comme ils nous voient. Prenons le temps de réfléchir à ce qu'on veut pour demain.

  • Speaker #0

    Bienvenue sur le podcast Les Adules de Demain. Je m'appelle Stéphanie Descleves, je suis entrepreneur et surtout une actrice engagée pour l'enfance. Dans ce podcast, je donne la voix à celles et ceux qui changent le monde grâce à l'éducation. Pour en savoir plus sur mes dernières actualités, rendez-vous sur le compte Insta at Les Adules de Demain ou sur mon compte perso LinkedIn. Pour retrouver un condensé des meilleurs moments du podcast, je vous laisse découvrir le livre Offrir le meilleur aux enfants aux éditions Atier, que j'ai co-écrit avec ma mère Sylvie Descleb, que vous entendrez beaucoup dans ce podcast. Allez, je laisse place à un nouvel épisode. Quelle chance j'ai eu de croiser le chemin de Jérémy Fontagneux. Très médiatisé ces dernières années pour la co-création de la méthode réconciliation avec son collègue David Benoît, Jérémy expérimente depuis une dizaine d'années auprès de ses élèves du lycée de Drancy dans le 93, une méthode pédagogique assez extraordinaire. Celle-ci consiste à intégrer pleinement les parents dans le suivi de la scolarité de leurs enfants, pour garantir leur succès mais aussi pour sortir de l'isolement les enseignants. Grâce à un suivi hebdomadaire par SMS auprès des parents, les centaines d'enseignants qui s'emparent à présent de cette méthode garantissent un changement total des résultats scolaires mais aussi des relations des enfants avec leurs enseignants. Vous allez adorer cet épisode, j'en suis certaine. Je vous souhaite une très bonne écoute. Bonjour Jérémy.

  • Speaker #1

    Bonjour.

  • Speaker #0

    Nous enregistrons cet épisode ensemble pour parler d'une méthode que tu as développée. Avec l'aide d'autres personnes, nous y reviendrons, qui s'appelle le projet Réconciliation, qui a démarré en 2012. Tu es professeur de SES dans un lycée de Drancy en Seine-Saint-Denis. Et je te cite parce que j'ai lu ton livre. Alors tu dis dans le projet réconciliation réside quelque chose d'universel qui renvoie simplement au désir profond des enfants d'avoir la tête haute et de rendre leurs parents fiers. Cette méthode est maintenant adoptée par plus de 200 enseignants et on passera à 350 pour la rentrée scolaire prochaine. Tu as écrit un livre et il y a un documentaire qui est récemment sorti au cinéma qui s'appelle Le monde est... T'as eu. Alors est-ce que tu pourrais nous en dire un petit peu plus sur cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait la méthode est née en 2012 d'un constat d'échec ou d'un sentiment d'impuissance que mon collègue David Benoît, prof de maths, et moi partageons et qui est en fait un constat d'impuissance ou un sentiment d'impuissance qui est partagé par beaucoup d'enseignants, pas que en lycée et pas que en Seine-Saint-Denis. En fait l'un des drames de l'éducation nationale c'est que nous les profs sommes compétents, c'est-à-dire qu'on sait à peu près Après, comment faire pour tirer les élèves vers le haut, les faire grandir, parce que c'est notre métier, c'est notre mission, difficile mais qui est belle. Mais en fait, personne n'est au courant du fait que nous sommes compétents. Les élèves nous voient souvent comme des oiseaux de mauvaise augure, où ils ont l'impression qu'on est là pour les embêter en quelque sorte. Et moi-même, à leur âge, j'étais pareil. C'est des ados ou c'est des enfants. Et puis les parents ont souvent une image assez négative de nous. Et donc finalement, on se retrouve dans notre métier. Il y a quelques années, avoir le sentiment de se battre contre les élèves et les parents pour faire réussir les élèves et les parents. Et donc cette solitude-là, en fait, était très difficile à vivre. On avait un sentiment de beaucoup de frustration. Les élèves gâchaient beaucoup leur potentiel, étaient à peu près sérieux en classe, mais ne révisaient pas la maison du tout, par exemple, à Drancy. Et donc, on a essayé, comme tous les enseignants font, de trouver des solutions concrètes face à cette frustration-là, aux difficultés qu'on rencontrait, et est née cette méthode réconciliation. On a eu beaucoup de chance en fait, à la fois de rencontrer certains élèves dont je parle dans le livre, et puis certains parents d'élèves dont je parle aussi dans le livre et qu'on voit dans le film, qui ont été extraordinairement bienveillants, gentils, qui nous ont poussés d'une certaine manière dans cette direction, qui est devenue la méthode réconciliation, qui est en gros de constituer une alliance parents-professeurs, pour protéger les élèves et pour les empêcher de gâcher leur potentiel, et pour nous protéger nous aussi, adultes en quelque sorte.

  • Speaker #0

    En quoi consiste cette alliance ?

  • Speaker #1

    En fait, nous enseignants travaillons rarement avec les parents d'élèves. On nous a toujours formés, dans notre formation et dans nos habitudes pédagogiques, on est assez auto-centrés, c'est-à-dire que, puisqu'on est compétent, on a le sentiment qu'en préparant bien nos cours, nos évaluations, en corrigeant les copies, en faisant le suivi qu'on fait tous, ça va rouler en quelque sorte. Et donc, les parents d'élèves, pour la plupart d'entre nous, y compris mon collègue et moi il y a quelques années, au tout début, On les voyait comme quelque chose d'un peu lointain. et on pensait que c'était à nous de faire le travail seul, et puis éventuellement, ponctuellement, on ferait appel aux parents, souvent quand il y a un souci. Là, l'idée de la méthode, c'est d'arrêter avec cette habitude qui consiste à ne se parler parent-prof qu'en cas de problème, parce que dans le fond c'est un peu malsain, c'est un peu toxique. Forcément, il y a beaucoup plus de tension dans une relation si on ne se parle qu'en cas de souci, que de façon habituelle. Donc le cœur de la méthode, c'est d'aller chercher les parents très tôt, Donc on les appelle individuellement, fin août au moment de la rentrée des profs, ou tout début septembre, 1er, 2 septembre, de façon à aller les chercher avant même que l'année scolaire ait débuté, ce qui surprend les parents. Et ensuite, donc relations précoces avec les parents, chaque parent d'élève. On ne fait pas forcément de réunion de début d'année d'ailleurs, puisque le coup de téléphone est plus efficace en termes de mobilisation des parents qu'une réunion, et puis c'est moins chronophage. Et puis donc relations précoces et relations régulières. Puisque les échanges avec les parents se font à un rythme hebdomadaire, en fait on s'engage auprès des familles à leur envoyer un petit compte-rendu chaque semaine de ce qui s'est passé en classe, pour qu'ils aient des informations régulières et qu'à la maison ils puissent faire un accompagnement, un suivi, qui petit à petit, l'élève voyant que les adultes se parlent entre eux, contrairement à l'habitude, les élèves petit à petit vont faire plus d'efforts, se mettre davantage au travail. Et donc se rendre compte que le travail paye, que quand on est plus sérieux que d'habitude, les résultats s'améliorent, ce qui les pousse à faire de mieux en mieux. Ça déclenche un cercle vertueux.

  • Speaker #0

    Comment tu t'y prends pour être en lien avec les parents ?

  • Speaker #1

    Concrètement, on les appelle fin août, tout début septembre.

  • Speaker #0

    Et après c'est SMS, c'est ça ?

  • Speaker #1

    C'est ça, et semaine après semaine, on envoie des petits comptes rendus chaque semaine. Donc l'originalité de la méthode, si je puis dire, c'est d'appeler tous les parents d'élèves, et pas seulement des parents d'élèves dont les enfants seraient en difficulté ou poseraient problème, entre guillemets. Donc on le fait avec tout le monde, et puis surtout on le fait de manière régulière, systématique en fait. Parce qu'encore une fois, nous on a l'habitude en tant qu'enseignant de ne faire appel aux parents d'élèves qu'en cas de problème. Là l'idée est de banaliser, normaliser en quelque sorte les échanges, puisque à chaque parent, chaque semaine, nous envoyons un petit SMS, que les nouvelles soient bonnes ou qu'elles ne soient pas bonnes, en fait assez rapidement elles deviennent bonnes, parce que quand les élèves voient que les échanges sont réguliers, ils font beaucoup moins de bêtises. Ce que je décris dans le livre, de voir des classes qui prennent feu, et c'est ce qu'on voit à la fois dans le film Le Monde est à eux, qui est sorti au cinéma et qui va sortir en DVD, et puis qu'on voit aussi dans le deuxième documentaire sur les autres profs du collectif, les 200, 350 l'année prochaine, qui à la fois en école primaire, en collège et en lycée, reprennent la méthode, et qui voient que c'est vrai. Comme vous le disiez au tout début, il y a quelque chose d'universel dans le fait que les élèves veulent avoir la tête haute. Il y a aussi quelque chose d'universel dans la mesure où quand les enfants, les adolescents voient que les parents se parlent et s'apprécient, parce que les parents sont très touchés par le fait que nous allions vers eux dès le début de l'année, donc assez rapidement les parents nous aiment bien. Et ça, les élèves, ils se méfient un peu. Les enfants, les adolescents, ils se disent mince, je vais pouvoir moins faire de bêtises que d'habitude Donc c'est désagréable pour eux. Mais rapidement, ils se mettent au travail et du coup, ils progressent. Et du coup, nous, en tant qu'enseignants, on a beaucoup moins à nous battre contre les élèves. Et la bonne volonté des élèves se développant et les parents nous soutenant, on peut enfin faire notre métier.

  • Speaker #0

    Et pourquoi est-ce que tu utilises les SMS plutôt que le fameux Pronote ?

  • Speaker #1

    L'ENT, Pronote par exemple, a quelque chose d'un petit peu froid. officielle, formelle, institutionnelle qui du coup n'est pas très chaleureux par définition alors que le coeur de la méthode c'est de développer un lien plutôt chaleureux une forme d'affection entre parents et professeurs pour que la relation dure justement et donc c'est aussi pour des raisons pratiques qu'on utilise le SMS c'est beaucoup plus efficace, les parents le reçoivent dans leur poche alors qu'ils ne sont pas forcément connectés à l'ENT, qu'il n'y a pas forcément les notifications sur l'ENT ou que l'ergonomie de pronotes et catastrophiques par ailleurs. Donc c'est plus simple avec les SMS, il y a un côté très pragmatique.

  • Speaker #0

    Je suppose qu'on te pose beaucoup la question, mais est-ce que ça ne te prend pas trop de temps d'envoyer régulièrement ces nouvelles aux parents ?

  • Speaker #1

    En fait... Au début, on ne s'est pas beaucoup posé la question du temps parce qu'on essayait de trouver des solutions face aux difficultés qu'on rencontrait. Petit à petit, améliorant la méthode et réussissant à la formaliser, si je puis dire, tel qu'on la transmet aux collègues qui nous rejoignent aujourd'hui. En fait, tous les collègues qui utilisent la méthode aujourd'hui ne travaillent pas plus que les autres collègues. La méthode a comme difficulté non pas d'être chronophage, mais de nous obliger à travailler autrement. Elle n'est pas chronophage parce qu'en début d'année, aller chercher les parents au téléphone et envoyer les premiers SMS prend du temps, parce que la confiance ne se décrète pas et du coup, on passe... beaucoup de temps au téléphone et dans les SMS avec les parents. Les mois de septembre et octobre sont plus chronophages, ça ajoute une charge de travail pour tous les enseignants du collectif. Moi le premier, la méthode depuis plusieurs années, je la fais avec tous les élèves que j'ai. Donc j'en ai 30 en terminale comme on le voit dans le film chaque année, mais j'en ai 200 de seconde. Donc j'appelle 250 familles chaque année au téléphone. Mon mois de septembre est très intense. La méthode implique une surcharge de travail en septembre et octobre. Mais assez rapidement... Les habitudes que l'on crée chez les parents avec le SMS hebdomadaire, le fait que les parents s'impliquent davantage dans le suivi de la scolarité de leur enfant, le fait que les enfants fassent plus d'efforts que d'habitude, tout ça nous fait gagner beaucoup de temps.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu as déjà eu des parents réfractaires à cette méthode ?

  • Speaker #1

    En fait, l'un des secrets de la méthode, si je puis dire, même si les véritables secrets, je les garde pour les collègues qui nous rejoignent, qui nous contactent. En fait, l'un des secrets de la méthode, c'est comme je l'ai dit, le fait d'appeler les parents le 30 août ou le 31 août ou le 1er septembre. C'est si précoce, aucun prof ne le fait, on a tellement de choses à gérer à la rentrée qu'appeler tous les parents d'une classe ou appeler tous les parents... De nos élèves, quand on est professeur des écoles, paraît inimaginable. Et donc c'est simple, lorsqu'on le fait, c'est la première fois que les parents se voient appelés par une maîtresse, un maître ou un professeur, une prof. Et donc ils réagissent très positivement, ils le prennent toujours de manière très sympathique. Ils sont surpris de manière très positive de cette initiative-là, d'autant plus que notre discours est assez valorisant pour eux, en leur disant qu'ils ont des forces en tant que parents, en tant qu'éducateurs, que nous enseignants, même si nous sommes compétents, même si nous sommes engagés, et qu'ils peuvent compter sur nous, on ne va pas y arriver sans eux. Donc c'est à la fois une manière de les responsabiliser, de leur mettre la pression en quelque sorte. Le cœur de la méthode c'est, nous profs sommes compétents, il faut que vous, parents, fassiez votre boulot, parce que sinon on ne va pas y arriver.

  • Speaker #0

    J'aimerais bien maintenant qu'on parle des résultats de cette méthode. Donc j'ai surligné cette phrase dans ton livre, des classes dans lesquelles plus un seul élève ne manque, où les bavardages, le décrochage et l'échec scolaire ont disparu. Comment expliques-tu un tel succès ?

  • Speaker #1

    En fait, l'aspect un petit peu magique de la méthode, c'est que les enfants, les adolescents, donc je parle à la fois à Drancy et puis chez tous les collègues qui se lancent et qui vivent la même chose que nous, lorsque les enfants et les adolescents... se voient prévenir par leurs parents qu'avec la maîtresse, le maître ou tel professeur dans telle matière, les échanges vont être réguliers, que chaque semaine, attention, je vais recevoir un SMS de ton prof ou de ta prof, donc tu as intérêt à faire attention, ou je suis d'accord avec la maîtresse, je suis d'accord avec le prof, je l'aime bien, donc fais ce qu'il te dit. Bref, ce discours des parents est très marquant pour les élèves, parce qu'ils se disent, il va falloir que je fasse plus d'efforts que d'habitude. On le voit à la fois dans le livre, dans le film et dans le documentaire qui est en ligne. En fait, ça s'explique de manière assez simple. Quand les élèves font ce qu'on leur dit... Du coup, ils progressent. C'est vraiment aussi bête que ça. Souvent, nous enseignants, encore une fois, sommes compétents, savons ce que les élèves doivent faire pour y arriver. Et les problèmes viennent du fait que les élèves ne font pas ce qu'on leur dit. C'est l'un des drames, encore une fois, de l'éducation nationale, c'est que tout irait mieux si les élèves faisaient ce qu'on leur dit. Alors bien sûr que nous ne sommes pas parfaits, nous ne sommes pas des pédagogues irréprochables, mais néanmoins, les frustrations, le gâchis de potentiel et les mauvaises notes viennent souvent du fait que les élèves font autre chose que ce qu'on leur a demandé de faire, soit parce qu'ils ont la flemme, Il ne faut pas oublier que ce sont des enfants, des adolescents, souvent ils manquent de confiance en eux, ils ont aussi peur du regard des autres, ils ont peur de passer pour un faillot, ça fait plusieurs années qu'ils n'ont pas des méthodes de travail si fortes que cela, et donc ils se disent pourquoi est-ce que cette année ça changerait, ils sont fatalistes, les enfants, les adolescents comme nous tous je crois, l'existence a tendance à nous rendre fatalistes. Et donc pour toutes ces raisons les élèves ne... ne font pas ce qu'on leur dit. En classe, ils ne sont pas assez concentrés, ils sortent leur téléphone, à la maison, ils ne révisent pas, etc. Et en fait, quand ils voient dès le début de l'année que parents et profs se parlent, en fait, ils se tiennent un peu plus à carreau que d'habitude, ils font un peu plus d'efforts que d'habitude. Et c'est aussi simple que ça. Quand les élèves font davantage ce qu'on leur demande, ils progressent. Et quand ils progressent, ils ont une sorte de déclic, ils se disent mais je ne suis pas nul, en fait, je suis capable d'y arriver Finalement, quand je fais ce que la maîtresse me dit, quand je fais ce que le maître ou le prof, la prof me dit, En fait, c'est pas si dur les maths. En fait, je suis capable d'avoir la moyenne en anglais, je suis capable d'avoir la moyenne dans telle ou telle matière. Et donc, les élèves commencent à avoir l'impression qu'ils sont capables d'y arriver. Donc, ce déclin-là, ce gain de confiance en eux... les pousse à faire davantage d'efforts, donc il y a un cercle vertueux, les efforts entraînent des progrès, qui entraînent des encouragements, qui entraînent de nouveaux efforts, de nouveaux progrès et de nouveaux encouragements. En plus, ce dialogue entre parents et profs, cette communication fréquente, qui au début, on ne va pas se mentir, était faite un petit peu pour intimider les élèves, en disant attention, cette année, il ne faut pas faire de bêtises. En début d'année, il y a ce côté-là. Mais très rapidement, les échanges réguliers entre parents et profs... Comme dans les SMS, il y a les nouvelles de la semaine, les nouvelles deviennent assez bonnes. Et donc du coup, cette alliance parents-profs, qui est un petit peu redoutée par les élèves en début d'année scolaire, devient une source de motivation et d'envie de se dépasser, de rendre fiers ses parents, comme vous le disiez au début. d'être fier de soi, d'être fier de ses camarades aussi. Il y a beaucoup de cohésion au sein des groupes, parce que comme on envoie les SMS à tous les parents d'élèves, ça favorise aussi la cohésion, ça envoie un message de justice. Nous ne stigmatisons personne, c'est le même tarif pour tout le monde, si je puis dire. Et puis du coup, les élèves se rapprochent les uns des autres et ont tous l'impression d'avoir une épée de Damoclès, si je puis dire, au-dessus d'eux. Et donc, du coup, ils s'entraident beaucoup. Donc, l'émergence du groupe... Comme énergie positive, l'émergence de la bonne volonté dans le cœur des élèves, avec cette impression que ça marche, je suis capable d'y arriver, avec les parents qui les encouragent, les profs qui les encouragent, tout ça favorise un cercle extraordinairement vertueux.

  • Speaker #0

    Est-ce que tu pourrais nous partager une anecdote, un exemple d'un élève dont tu te souviens qui a particulièrement changé grâce à cette méthode ?

  • Speaker #1

    Honnêtement, je ne pourrais pas donner un exemple. Dans la promotion 2024, il y a une élève qui a décroché l'année dernière en première pour des raisons de... Elle a de grosses difficultés de santé qui l'obligent à s'absenter. Il y a des rendez-vous médicaux réguliers pour des raisons lourdes. Et puis il y a des raisons familiales aussi, un contexte familial qui est très compliqué. C'est une élève qui, au cours de l'année de première, a disparu. Elle a décroché. En début d'année, elle est venue à quelques cours et puis elle a commencé à sécher les cours, à disparaître un petit peu, à décrocher. Et du coup, on s'est mis d'accord avec le collègue en SES, puis la direction et l'élève et ses parents, pour qu'elle passe dans la classe avec laquelle j'avais commencé mon année scolaire. Et du coup, l'élève en question, à partir du mois d'octobre, novembre, a fait des efforts prodigieux parce que l'impression... d'entrer dans une classe un peu spéciale ou d'avoir un encadrement un peu spécial. Moi, je ne suis pas plus compétent que mon collègue de SES qui fait du très bon travail et qui avait fait du bon travail avec elle. Mais simplement, c'est vrai que ce lien avec la famille et le fait de voir une classe qui est déjà très au travail parce qu'il y a les parents derrière, a favorisé pour cette élève-là... des efforts extraordinaires qui ont permis de faire des progrès qui sont fous, qui sont impressionnants et qui sont pour moi une source d'admiration vis-à-vis de cet élève-là. Et donc, elle a commencé l'année à 3 sur 20 de moyenne en bac blanc, en SES. Et nous sommes mi-juin, dans deux jours, il y a les épreuves de spécialité. Au dernier bac blanc, elle a 8 sur 20, donc elle est passée de 3 à 8. Je pense qu'elle va avoir 9 ou 10 à l'écrit. Et puis, on va préparer ensemble les oraux de rattrapage, puisqu'elle va être sous la barre des 10 sur 20 à l'issue des épreuves écrites. Mais en prenant SES à l'oral de rattrapage, on a commencé déjà à préparer l'oral aussi dans le cadre de la préparation du grand oral. Et je pense qu'elle va y arriver, qu'elle va avoir 15 ou 16 à l'oral, parce qu'elle est complètement sortie d'elle-même. En début d'année, elle avait un... un sentiment d'impuissance et elle avait une très faible confiance en elle pour des raisons... qui sont liées à son contexte et à la vie très difficile qu'elle a, mais elle a réussi en quelque sorte à... Elle est en train de surmonter ces difficultés-là, et j'en parle au présent, puisqu'on est dedans, et que je la revois demain, et je la croiserai au lycée pour l'épreuve de philosophie. Il y a des transformations d'élèves qui sont extraordinaires, mais aussi des transformations de professeurs, et c'est ce que j'explique dans le livre aussi. Moi, j'étais en souffrance, encore une fois, au tout début, mon collègue aussi, David, et... Puis au bout d'un moment, on a l'impression de marcher sur l'eau parce qu'aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, parce que c'est vrai qu'en début d'année, ils n'aiment pas beaucoup cette alliance, cette méthode, mais assez rapidement, ils se rendent compte que c'est pour leur bien. Aller en classe avec des élèves qui ont confiance en nous, qui pensent que ce qu'on leur demande n'est pas forcément agréable, mais que ça vaut le coup, que c'est dans leur intérêt en quelque sorte. Et donc ils acceptent de le faire, ils s'entraident avec les familles qui sont derrière, qui le matin... et puis le soir on dit continue, je suis fier de toi, on va y arriver pour nous enseignants c'est un bonheur c'est une chance extraordinaire et il y a beaucoup de choses qui sont très belles dans ce métier qu'on a assez peu de comptes à rendre C'est aussi quelque chose de dangereux. La gestion des ressources humaines au sein de l'éducation nationale est catastrophique. L'institution dysfonctionne complètement. Il y a beaucoup de soucis. On a même parlé des salaires qui sont scandaleux et des politiques éducatives qui ne sont absolument pas à la hauteur et des incapables qui nous dirigent. Mais simplement, le fait, quand on est en classe, de pouvoir faire comme on veut, en plus avec cette méthode-là qui nous protège contre... Toutes les violences du métier, avec cette liberté qu'on a et puis aussi le temps de vacances scolaires qui changent, parce que beaucoup d'enseignants à l'heure actuelle utilisent les vacances scolaires comme un moyen de se reposer face à l'épuisement pendant les périodes scolaires, et puis préparent la suite. Au bout d'un moment, quand les parents sont avec nous et que les élèves développent leur bonne volonté, il n'y a plus besoin de s'épuiser durant les vacances scolaires. à refaire les cours, à refaire sa progression, à tout recommencer chaque année en espérant que le cours soit meilleur dans l'espoir de faire adhérer les élèves. Beaucoup de collègues du coup arrêtent de s'épuiser et profitent vraiment des vacances scolaires, qui est l'une des chances qu'on a dans notre métier, mais dont trop souvent on ne profite pas parce qu'on a le sentiment d'avoir la tête sous l'eau. Et donc c'est aussi une transformation pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Est-ce que ça t'est déjà arrivé qu'un parent aille trop loin dans le suivi de cette scolarité avec ses enfants ?

  • Speaker #1

    En fait, les parents d'élèves... parfois ont des comportements qui sont toxiques parce que la famille est une cellule qui est une cellule d'amour de transmission de force de construction mais c'est aussi une cellule toxique dans lequel les parents ont hérité de névroses qu'ils transmettent souvent à leurs enfants et moi même je suis le fruit d'une éducation familiale qui est belle vis-à-vis de laquelle j'ai beaucoup de gratitude et de reconnaissance mais j'ai hérité aussi de fantômes du passé des générations précédentes et on est tous meurtri ou handicapé de ce point de vue là. Et donc il arrive bien sûr que des parents d'élèves, parfois parlant des termes trop sévères de leur enfant, dès le premier jour, nous disent je veux bien essayer ce que vous me proposez, mais ma fille c'est incapable ou alors ma fille elle est trop bête ou mon enfant c'est un bon à rien, je ne sais pas si ça servira à quoi que ce soit Donc du coup, ça veut dire qu'à ce moment-là, le papa ou la maman a un positionnement qui est un obstacle à la réussite de l'enfant. Parce qu'avec des parents qui pensent qu'on est bon à rien, l'enfant ne va pas avoir envie d'essayer. Il va probablement intérioriser cette vision-là de lui-même. Et beaucoup d'enfants doutent d'eux, parce que les parents doutent d'eux en tant que parents, ils doutent de leur enfant et ils ont une vision sombre d'eux-mêmes ou de la vie, si je puis dire, qui s'explique par les accidents et les violences de l'existence. Mais donc, simplement, le fait de créer cette relation... qui au début est empreinte d'affection et qui petit à petit devient une relation de confiance, nous permet aussi de rassurer des parents, de leur proposer de faire un pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement, que ce soit de la violence verbale ou parfois de la violence physique. Quand on n'est en contact que de façon ponctuelle avec les parents, on n'a pas les moyens, en quelque sorte, on ne peut pas les pousser à changer. Nous, en tant que professeurs, nous n'estimons pas avoir des leçons à faire aux parents où on respecte leur travail d'éducateur. Mais lorsque parfois, le fait que les parents mettent trop de pression sur les enfants, par exemple au moment de l'orientation, à la fin du collège ou au lycée, moi j'ai des élèves de terminale chaque année avec des parents qui, au sujet de parcours sup, angoissent de façon excessive et qui transmettent leur angoisse aux enfants. Et donc, à ce moment-là, le lien, la relation qu'on a réussi à développer parce qu'elle est précoce et parce qu'elle est régulière, nous permet de mettre à distance les parents. Alors, disons, écoutez, là, ça fait plusieurs fois que je vous le dis gentiment, mais là, vous êtes un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Vous lui transmettez une angoisse, qui est parfaitement compréhensible par ailleurs, mais s'il vous plaît, je vous demande d'arrêter de parler de l'orientation à la maison, et on va s'en occuper, lui et moi, et je vous tiendrai au courant, ne vous inquiétez pas, vous pouvez me faire confiance. Mais ce que vous faites... est un obstacle à l'épanouissement de votre enfant. Et donc, le geste initial de la méthode est de rapprocher les parents. et de faire en sorte que l'enfant voit que les adultes se parlent entre eux, donc l'enfant, l'adolescent doit faire moins de bêtises, mais dans le même temps on adapte complètement les communications, les informations qu'on transmet ou qu'on décide de ne pas transmettre aux familles, et puis petit à petit cette confiance qui naît nous permet d'aider les parents à faire des pas de côté par rapport à ce qu'ils faisaient habituellement. Les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est grave, c'est triste, mais souvent ils croient bien faire. ils pensent que ça va aider leur enfant, ce qui est faux, ce qui est dangereux, ce qui est grave. Mais du coup, comme on a créé cette relation et qu'au bout de quelques semaines, on dit aux parents, alors je vous propose qu'on essaye d'une autre manière, moi je vais faire autrement, et puis est-ce que vous vous seriez d'accord pour... Au début, les parents nous disent je ne sais pas, donc on les laisse tranquilles, et puis on revient gentiment, mais fermement à la charge quelques semaines après. Et au bout d'un moment, papa-maman va dire ok. Et puis, à la suite de ce changement chez les parents, ils vont voir que l'enfant est mieux, parce que lever la main sur son enfant, ça ne l'aide pas à grandir, c'est même un obstacle. Et donc, les parents sont pragmatiques, ils se rendent compte que finalement, le fait d'avoir essayé autrement aide leur enfant, et donc ça les aide aussi, parce que dans le fond, ils les aiment. Et ça les interroge aussi sur Tiens, peut-être que ce que je faisais, c'était aussi par habitude, parce que parfois, les parents qui lèvent la main sur leur enfant, c'est des parents qui eux-mêmes, enfants, ont été battus. Et donc, du coup, en quelque sorte, sans relation avec les parents, rien de tout cela, ce déplacement, ce changement de vision n'est pas possible. Le cœur de la méthode est de créer cette relation-là pour s'aider collectivement, pour aider les élèves à arrêter de gâcher leur potentiel. Pour aider les parents aussi à ne plus faire ce travail difficile, qui est le travail d'éducateur seul, et pour nous aider, nous aussi enseignants, à ne plus être seuls face à tous les enjeux qu'on a en tant qu'enseignants. Et c'est vrai que comme le cœur de la relation avec les familles, c'est la chaleur humaine, c'est la bienveillance, c'est la gentillesse, la patience. Et donc, du coup, cette relation-là nous permet collectivement de nous déplacer. et de réduire les violences à la fois nous parfois, il y a des choses qu'on fait en tant qu'enseignants, on ne se rend pas compte de l'impact, les parents vont nous aider à nous en rendre compte, et puis de manière réciproque, les parents parfois font des choses qu'ils ne devraient pas faire, et on va les aider à se rendre compte du fait que c'est peut-être mieux de faire autrement.

  • Speaker #0

    Qu'est-ce que tu aurais à dire sur notre système éducatif aujourd'hui, brièvement, qu'est-ce que tu lui reproches, et en même temps qu'est-ce que tu souhaites voir évoluer après toutes ces expérimentations ? extrêmement heureuse que tu as faite ces dernières années.

  • Speaker #1

    C'est vrai que la méthode qu'on a faite dans notre coin, mon collègue et moi, pendant 10 ans, et qu'on a fait connaître à partir de 2021, maintenant elle est reprise par de plus en plus d'enseignants. Comme vous le disiez, nous on invite tous les enseignants qui sont intéressés, qui se disent pourquoi pas, j'ai envie d'essayer à nous contacter, soit via les réseaux sociaux, soit via une adresse qu'on a créée, qu'on mettra peut-être dans la description du podcast. En fait, ils peuvent nous rejoindre et puis on les accueillera. Ils rejoindront un collectif dans lequel il y a beaucoup d'entraide. Il y a un groupe Facebook, on fait des visios chaque semaine, on fait une rencontre annuelle à Paris avec les professeurs qui viennent de partout en France. C'est d'ailleurs l'argent du livre et du film qui permettent de financer les billets de train des collègues. Nous, on ne voulait pas toucher d'argent à titre personnel, mon collègue et moi, parce qu'on a le sentiment, comme je l'explique dans le livre, qu'on n'a pas beaucoup de mérite dans la création de cette méthode. Elle vient vraiment de Drancy. L'argent du livre et du film permet de financer les billets de train des collègues qui viennent pendant l'année et à la réunion de fin d'année. Et donc que tous les collègues qui le souhaitent nous rejoignent et on les accueillera avec grand plaisir et qu'ils connaîtront cette même libération, si je puis dire, ce sentiment de libération que la méthode favorise pour nous enseignants.

  • Speaker #0

    Et on mettra évidemment tous les liens en description du podcast pour rentrer en contact avec toi mais aussi avec tous les autres collègues, pour tous les enseignants qui sont nombreux et qui nous écoutent. Merci. J'arrive à la dernière question. Alors tu le sais, le podcast s'appelle Les Adults de Demain. Qu'est-ce que tu souhaiterais aux enfants d'aujourd'hui, les futurs adultes de demain ?

  • Speaker #1

    Je ne sais pas si la liberté existe, je ne sais pas si le libre arbitre existe, je ne sais pas si nous avons les moyens d'influer sur notre existence. Je pense que nous sommes tous le produit de notre environnement, familial, sociétal.

  • Speaker #0

    Mais dans le même temps, j'aime beaucoup la liberté comme illusion, si je puis dire, c'est une illusion dans laquelle je crois, et c'est ce qui me pousse, chaque 30 août, une fois que j'ai récupéré la liste de mes élèves, à appeler les parents en me disant j'espère que les parents vont me suivre, j'espère que ça va marcher, et du coup ça marche plutôt bien et j'en suis heureux Je suis heureux de voir aussi que les collègues font ce même pari. constatent la même chose dans leur classe. Et donc, en fait, je souhaite aux enfants d'aujourd'hui, qui sont les adultes de demain, de croire en la liberté comme illusion, et je nous le souhaite collectivement parce que, c'est pas à vous que je vais l'apprendre, mais il me semble que les enfants d'hier qui sont les adultes d'aujourd'hui continuent de raisonner en nous. J'ai le sentiment que la violence du monde, de notre société française en particulier, a tendance à enfouir cet enfant-là un petit peu naïf, ou qui parfois a de grands espoirs que la violence de l'existence. sa tendance à réduire en miettes. Je souhaite aux enfants d'aujourd'hui de croire en la liberté comme illusion, de rester des enfants. Et je nous souhaite, nous tous, de ne pas être trop fatalistes, de continuer de croire en la liberté et de peut-être davantage écouter l'enfant qui est en nous.

  • Speaker #1

    Merci beaucoup Jérémy. Merci. Merci infiniment d'avoir écouté cet épisode. J'aimerais prendre le temps de remercier tous ceux qui s'abonnent à la chaîne du podcast et laissent des avis et des notes sur Apple Podcast ou Spotify. Ça paraît rien, mais ça fait toute la différence pour faire connaître notre travail qui est complètement indépendant. Pour me retrouver, je vous rappelle que vous pouvez aller sur le compte Instagram des adultes de demain ou sur mon compte LinkedIn perso. N'hésitez pas à me partager vos retours sur cet épisode ou sur le podcast en général. Ça fait tellement du bien de vous lire. Je vous dis à très bientôt pour un nouvel épisode.

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