Speaker #0Les Rendez-vous de l'histoire sont bien, au rythme de rencontres, d'échanges, la grande fête annuelle de l'histoire et des passionnés de l'histoire. Enseignants, chercheurs, le grand lieu d'expression et de débat, lecteurs, amateurs, sur tout ce qui se dit, curieux, rêveurs, sur tout ce qui s'écrit, qui aide à prendre la mesure des choses, à éclairer le présent et l'avenir, dans l'espace et dans le temps. Dans une réunion consacrée au thème de l'argent, en avoir ou ne pas en avoir, il est évident que l'apparition de la monnaie est un phénomène essentiel. Et cette apparition, elle se situe à la fois dans un mouvement de longue durée, et puis elle a été rendue possible par toute une série d'innovations, d'inventions, que je vais essayer d'analyser. Mouvement de longue durée. C'est évidemment l'attrait, l'appât des métaux précieux, la quête des métaux précieux, qui est quelque chose de fort ancien, qui est bien attesté par exemple dans l'Odyssée. Ce qui pousse les Grecs, et sans doute aussi les Phéniciens, à prendre la mer, c'est notamment la possibilité d'aller trouver ailleurs de l'or, de l'argent, et de le rapporter chez soi. C'est tellement évident que lorsque Ulysse, dans la dernière étape de son voyage, après avoir perdu tous ses bateaux et tous ses compagnons, arrive nu dans l'île des Féatiens, eh bien il est impossible dans l'épopée d'imaginer que Ulysse revienne sans or à Ithac. C'est... un héros ne peut pas le faire. C'est pour ça qu'il est parti. Et donc, Alkinos va... très généreusement donner à Ulysse l'or et l'argent que, normalement, son voyage aurait dû lui permettre de rapporter. Bien entendu, c'est un élargissement épique et nul ne croira que tous nos fragés arrivant nus dans une île recueillent comme ça de l'or. Mais c'est très révélateur des mentalités et de ce que représentent le voyage et la recherche de l'or. pour les Grecs. Cela dit, les métaux précieux sont relativement abondants autour de la mer Égée. Le bassin égéen comporte des régions métallifères en Lydie, dans la région en Asie mineure, donc autour de Sardes, et la petite rivière qui arrose Sardes a un nom qui est passé... Dans notre vocabulaire, c'est le pactole, ainsi appelé parce qu'il charriait des paillettes de cet alliage naturel d'or et d'argent qui s'appelle l'électrome et dont je vais reparler. Mais il y a l'électrome de Lydie, il y a aussi des mines d'or en Troade et il y a au moins trois grands gisements d'argent dans le monde grec ou en contact avec le monde grec. l'île de Siphnos, la presqu'île du Lorion, à quelques kilomètres d'Athènes, sur le territoire de la cité d'Athènes, et puis le mont Pangée, au nord, au contact entre le monde grec et le monde Thrace, qui regorge d'or et d'argent. Donc, des trouvailles relativement, enfin, une richesse relativement abondante, et une richesse dont... les fouilles de ces 30 dernières années ont montré qu'elle a été exploitée très tôt. On ne croit plus du tout maintenant à l'origine unique d'un foyer primitif de la métallurgie et il est absolument certain que l'argent de la région du Pangée a été exploité dès le 3e millénaire. De même, les fouilleurs belges de Torricos ont trouvé des traces d'exploitation de la mine dès le deuxième millénaire. Donc une exploitation ancienne, mais qui va prendre, nous le verrons, une importance beaucoup plus grande à partir du 7e siècle. Et donc la monnaie va apparaître dans une société qui échangeait or et argent dans des navigations, dans le cadre des relations d'hospitalité et de ce qu'on appelle... Le don et le contre-don, c'est en réalité des échanges très évalués et très organisés qui constituent la première forme du commerce. Cela dit, dans le développement des navigations, que l'on constate de plus en plus grand à partir du 8e siècle, il se produit une mutation importante qui est la création de la monnaie. Et cette mutation, elle va se produire en Lydie, dans le royaume qui sera plus tard le royaume de Crésus, en association avec les cités grecques d'Asie mineure. C'est le moment où les rois de Sardes... essaient et réussissent à constituer petit à petit une première forme d'empire. J'appelle empire un ensemble de peuples hétérogènes réunis sous l'autorité d'un même monarque. Un empire en agrégeant notamment dans leur pouvoir les cités grecques de la côte et en leur imposant de payer tribu. En même temps, ces rois de Lydie ont besoin des Grecs. car les Grecs maîtrisent la mer, maîtrisent les techniques de la navigation et ils utilisent les ports grecs pour communiquer avec la Méditerranée. Ils emploient des guerriers grecs et ils assoient leur pouvoir, leur autorité, leur prestige dans le monde grec par des cadeaux somptueux. En particulier, les offrandes de Crésus à Delphes, telles que nous les décrit Hérodote. ont été extrêmement célèbres et ont fait beaucoup pour asseoir la réputation de richesse de Crésus. Il s'est donc amorcé, ce qui est indispensable à la monnaie, une circulation du métal précieux sous forme de services rendus ou obligatoires, de paiements, de cadeaux, etc. Cela dit, cette invention de la monnaie qui a été si importante, qui a eu des conséquences si grandes, et j'essaierai de vous montrer, que certains aspects primitifs de la monnaie sont encore pratiqués de nos jours et portent leurs effets, non simplement par l'utilisation de la monnaie, mais tout simplement dans certains détails pratiques. Cette invention de la monnaie nous est très mal connue. Si nous n'avions que les références littéraires, nous serions noyés sous une masse de poussière d'informations contradictoires. qui en réalité ne nous apprennent pas grand-chose et que nous ne pourrons trier qu'avec le complément d'informations, de données apportées par l'archéologie. En effet, c'est par les fouilles, c'est par l'archéologie que l'on a pu ces dernières années préciser les formes d'apparition de la monnaie. D'où de très nombreux flottements sur la date. Les historiens modernes ont eu longtemps tendance... a placé beaucoup trop haut l'apparition de la monnaie. En fait, c'est probablement une offrande faite peut-être par Crésus, pas par Crésus, par un des prédécesseurs de Crésus, c'est une offrande faite au sanctuaire d'Artemis à Éphèse qui nous donne les renseignements les plus précis. La date de ce dépôt de l'Artemision a été longtemps discutée. On est maintenant d'accord pour dire que ce dépôt se situe... peu après 600, ce qui place aux alentours de 600 l'apparition des premières monnaies. La seule chose que nous puissions garder des sources anciennes, c'est que les premiers à grimper monnaie ont été les Lydiens, en rapport avec les cités grecques d'Asie mineure. Il faut attendre la fin du VIe siècle pour avoir d'une part des dates plus sûres et d'autre part... des informations textuelles qui sont utilisables. Et donc, nous allons, pour essayer de comprendre ce phénomène qui se situe entre 80 et 100 ans avant nos premières sources écrites, nous allons être obligés d'employer une méthode régressive, c'est-à-dire de partir de la situation aux alentours de 520-500 et essayer de voir ce qui peut remonter. aux années 600 et ce qui est probablement des ajouts postérieurs. Comment la monnaie apparaît-elle ? Je la vois comme le résultat de trois innovations, de trois créations qui ont été combinées ensemble. La première idée fut d'appliquer à des morceaux de métal précieux une technique qui était connue depuis des millénaires et qui était caractéristique. que du palais du pouvoir, c'est la technique du saut. le seau qui était appliqué sur des matières molles, argile, cire, etc., et qui permettait de râper du seau de l'autorité, littéralement, les versements faits par le palais, c'est-à-dire les rations alimentaires qui étaient dues aux officiers, aux prêtres, aux soldats, les versements faits au palais. c'est-à-dire les impôts, lait, huile, laine, etc. Et puis, également, assez vite, de sceller les lettres, le sceau permettant de reconnaître l'autorité. Les sceaux sont connus depuis le cinquième millénaire. Mais avant de l'appliquer aux monnaies, il faut évidemment une... progrès technique parce que le métal précieux, l'or, l'argent, est beaucoup plus dur que les matières traditionnelles utilisées pour les seaux. Et ceci a été rendu possible grâce au développement, dans le courant du fin du 8e et le courant du 7e siècle, de la métallurgie du bronze. Et on a su de mieux en mieux doser la proportion entre étain et bronze. et cuivre pour obtenir un métal plus malléable, plus coulant, plus dur. Et les seaux sont fabriqués, les matrices des seaux servant aux monnaies, que l'on appelle les coins. Les coins sont fabriqués, en effet, forcément avec un bronze particulièrement dur. L'importance de ce principe du seau se retrouve encore de nos jours dans le grec. moderne où l'argent métal, à la différence de l'argent monnaie, l'argent métal est dit assimi, c'est-à-dire l'argent non frappé. Et donc la langue populaire a gardé l'opposition entre l'argent frappé qui est la monnaie et l'argent non frappé qui est l'argent ordinaire, le métal ordinaire. La deuxième idée fut de diviser les morceaux de métal mis en circulation dans une échelle de valeur qui est indiquée sur la monnaie, sur les premières monnaies, non pas par des chiffres, mais par des formes géométriques. Et à cet égard, notez au passage que nous nous sommes habitués, dans toutes les monnaies du monde, à lire la valeur de la monnaie sur la pièce, sur le billet, sur... Très curieusement, pendant des siècles, les monnaies n'ont pas porté de valeur chiffrée. Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que l'habitude d'indiquer par un chiffre la valeur de la monnaie s'impose. Mais les monnaies grecques antiques, les monnaies romaines, les monnaies médiévales ne portent généralement pas de chiffre indiquant la valeur. Ce qui n'empêchait pas, bien entendu, tous les utilisateurs de savoir cette valeur du premier coup d'œil. Le propre d'un système monétaire bien organisé, c'est qu'on le reconnaît immédiatement. et que aussi bien un esprit un peu faible que quelqu'un pris de boisson peut utiliser la monnaie sans se tromper. La simplicité est évidente. Et là, cette simplicité, elle se constate dans les premières monnaies par le fait que les pièces les plus lourdes du système, les stataires qui pèsent dans les 15 grammes, sont marquées, sont scellées au revers d'un rectangle entre deux carrés. Les pièces qui font le tiers du stataire, car on a un système en base 1, 3, 6. Les pièces qui font le tiers du stataire n'ont que deux carrés et les sixièmes de stataire n'ont qu'un seul carré. Donc, vous pouvez, rien qu'en regardant le revers de la pièce, savoir quelle est sa valeur. Et celle-ci est fixée. Et nous allons trouver une confirmation de l'importance de cette échelle des valeurs. dans un changement, dans un ajout à la législation. Les États anciens contrôlaient très strictement deux catégories de valeurs. Les volumes, que l'on appelle en grec les métras, évidemment nous serions plutôt tentés de voir dans les métras des longueurs, mais pour les anciens, les métras désignaient les volumes, et c'était les volumes notamment qui servaient à mesurer le blé ou l'huile. Et puis... il y avait les poids, les statmoïes, et les statmoïes qui servent à peser toute une série d'objets précieux, métaux, mais aussi l'ivoire, mais aussi toutes sortes d'autres choses que l'on pèse. Eh bien, au METRA et au STATMEUIL va s'ajouter une troisième échelle de valeur, les monnaies. Pourquoi ? Parce que, et ça c'est un phénomène tout à fait majeur, les monnaies ne seront pas, à la différence de ce qui se passe au Moyen-Âge, les monnaies ne seront pas pesées lors des transactions, elles seront simplement comptées. Et nous avons toute une série de textes qui nous montrent qu'en effet, on compte simplement les monnaies, au point que le verbe compter signifie tout simplement payer. Nous n'avons d'attestation de pesée que dans des cas très particuliers, quand on va refondre le métal précieux pour frapper de nouvelles monnaies dans un nouveau système, et oui, effectivement, à ce moment-là, il faut s'assurer du poids du métal. Et ça n'est probablement qu'à partir du IIIe siècle de notre ère, que l'or, devenant la monnaie la plus importante, la monnaie de référence essentielle, se prend l'habitude, qui est attestée alors au Bas-Empire, de peser les monnaies et pas simplement de les compter. Mais jusque-là, on les comptait et c'est pour cela que les textes de loi ajoutent un troisième type de valeur aux Métras et aux Statmoï. J'ai mentionné le nom... utilisé pour les monnaies. Ce nom, en réalité, il y en a deux, mais le plus courant, le plus significatif, c'est le mot « nomisma » . « Nomisma » , c'est un mot, suffixe « ma » indique qu'il s'agit d'un objet matériel, constitué à partir du « nomos » , de la loi. Et littéralement, le « nomisma » , la monnaie, c'est l'objet légal. Pourquoi ? Eh bien parce que dans la Grèce classique, il n'y a pas de monnaie sans loi et il faut une loi pour faire de la monnaie. Et cette constatation permet de comprendre pourquoi il n'y a pas de différence entre les affirmations des juristes de la fin du Moyen-Âge, au moment où les rois cherchent à... s'assurer le monopole de la monnaie, les juristes affirment que frapper monnaie est un droit régalien. La cité grecque n'ayant pas de roi, cela posait un problème, ou bien la monnaie n'était pas un droit régalien, ou le droit régalien avait une autre signification. Et en réalité, c'est cette deuxième explication qui est la bonne. On ne peut pas frapper monnaie, on ne peut pas faire de monnaie, si on n'impose pas la monnaie. par une loi. Et cette loi fondamentale de la monnaie, elle est toujours valable de nos jours. Elle s'exprime de deux manières. D'une part, une pièce vaut une autre pièce du même système. Un stataire vaut un stataire. Ça peut vous paraître une tautologie, mais il est tout de même assez étonnant de constater que de nos jours encore, un billet de 10 euros vaut un autre billet de 10 euros. ou vos deux billets de 5 euros. Je veux dire par là que si je change avec l'un de vous un billet de 10 euros tout neuf, tout craquant, sortant du distributeur de billets, contre deux billets de 5 euros qui sont crasseux, peut-être même déchirés, en Grèce ou en Égypte, on a souvent l'habitude de noter des numéros de téléphone sur les billets. Et donc, vous finissez par avoir à la fin... tout au bout d'un circuit, un billet qui a l'air qui sort mauvais, il faut dire que l'argent n'a pas d'odeur, ça n'est pas vrai du billet de banque qui est passé par des milliers de mains, et d'autre part, un billet qui est tout chiffonné, et bien votre billet, il vaut le billet tout neuf, quelle que soit son apparence matérielle. C'est quelque chose d'absolument unique et de propre à la monnaie. Ça ne vaut pas pour une chemise, ça ne vaut pas pour une voiture, ça ne vaut pas pour tout autre objet de marchandise. Et le deuxième aspect de la loi qui est toujours valable, c'est que le pouvoir impose l'utilisation de sa monnaie dans les transactions dans lesquelles il est impliqué. Supposons, et c'est toujours valable, supposons là encore que je décide, je ne sais pas, d'acheter le chandail rouge de madame qui me séduit. Nous pouvons décider d'acheter ce chandail. contre des euros, mais aussi contre des dollars, contre des billes, contre ce que nous voudrons. À nous d'en convenir, mais à ce moment-là, si nous prenons des billes, Madame vérifiera la rotondité de mes billes, leur qualité, etc. Donc les billes n'auront pas la qualité, la propriété du billet de banque. Mais en revanche, essayer d'acheter avec des billes un timbre-poste ou de régler vos impôts, c'est rigoureusement impossible parce que l'État impose sa monnaie dans toutes les transactions dans lesquelles il est impliqué et il peut aller plus loin que cela. Alors, vous me direz que j'implique ceci dans la création de la monnaie aux alentours des années 600 alors que les premiers textes de loi monnaie... ne nous sont connus que dans les années 525-520. Il y a donc, entre les premières lois connues par les textes et les premières monnaies, un intervalle de 75 ans, qui tient tout simplement aux lacunes de notre information. Cela dit, que l'apparition de la monnaie soit liée à l'adoption de lois, on le constate, par exemple, celui de la cité. de Delphes, le sanctuaire d'Apollon, les inscriptions de Delphes nous ont donné, vers 490, toute une série de lois nouvelles qui impliquaient des paiements en monnaie. Et l'archéologie nous montre que c'est à ce moment-là que la cité de Delphes commence à frapper monnaie. Autrement dit, quand la cité a décidé de commencer à frapper monnaie, elle a adapté sa législation à la monnaie, à ce nouvel instrument. en particulier dans un domaine qui est capital pour l'utilisation de la monnaie, dans le domaine du paiement des taxes, dans le domaine du paiement de l'impôt. Et d'autre part, une particularité des premières monnaies permet de conclure que la loi est en effet présente dès la première utilisation. En effet, les premières monnaies sont faites, je vous le disais tout à l'heure, d'électromes, c'est-à-dire de cet alliage naturel. entre or et argent. Et les géologues nous disent que tout électrome, c'est tellement... Ils sont physiques, je suis incapable de vous expliquer, mais on constate que cet électrome comporte partout entre 60 et 65 % d'or et entre 30 et 35 % d'argent. C'est l'électrome natif, en quelque sorte. C'est celui dont les paillettes étaient charriées par... les eaux du pactole ou que l'on trouvait dans le Tmolos. Eh bien, aucune des monnaies premières que nous avons n'a conservé cette proportion. Dans tous les cas, on peut dire que la proportion est au moins inversée. C'est-à-dire que nous avons au maximum 40% d'or et 60% et plus d'argent. C'est-à-dire, et la conclusion est inévitable, c'est-à-dire... que ces monnaies ont été fabriquées avec un métal décomposé et recomposé en éliminant une partie importante de l'or. Pourquoi ? Pour les fils de l'État, bien entendu, les rois de l'Égypte. Mais ce qui est important de noter, c'est, vous vous rappelez ce que je vous disais tout à l'heure, c'est-à-dire qu'un stataire vaut un autre stataire. Le roi, l'État, le pouvoir ne garantit pas, contrairement à ce que l'on dit, la valeur métallique, la valeur réelle de la monnaie. Il impose la valeur de cours et c'est cette valeur de cours qu'il garantit. Et la différence qu'il y a entre la valeur métallique et la valeur de cours introduit dans les possibilités de l'État un jeu. que celui-ci va utiliser très vite. La première mutation monétaire qui nous soit attestée par les textes nous est connue pour les années 520. Donc les anciens savaient parfaitement que l'on pouvait jouer de cette différence entre la valeur de cours imposée par la loi et la valeur métallique dont on pouvait éventuellement user pour les bénéfices de l'État. Pour passer d'un simple échange entre deux morceaux de métaux, c'est l'autre nom de la monnaie, le créma, c'est-à-dire l'objet en métal précieux, il fallait donc disposer d'objets reconnaissables et étalonnés grâce aux sceaux auxquels la loi impose un cours dans au moins certaines transactions, tout particulièrement les paiements faits aux troupes. du roi ou dans les paiements faits au pouvoir, c'est-à-dire les amendes et les prélèvements fiscaux. Une monnaie doit être reconnaissable et elle doit être reconnaissable de manière simple. C'est la fonction de l'image, ou plutôt des deux images imprimées par les sceaux. Les premières monnaies nous montrent un nombre considérable de ces images, avec toutes sortes de ce que le numismat appelle des types monétaires, en particulier des têtes de lion d'un style un peu particulier, qui sont à peu près certainement les monnaies de roi de Lydie, et toutes sortes... de monnaie alors des animaux des des fleurs des types mythologique etc toutes sortes d'images et qui sont associés pour certainement aux cités grecques on a pensé d'abord que comme ce sera le cas à l'époque ultérieure les types renvoyait à chaque fois à une cité grecque il faut y renoncer Parce que ces types monétaires sont à la fois trop nombreux pour le nombre de cités qui est capable d'avoir frappé monnaie, elles ne sont pas très nombreuses tout de même, et d'autre part, ces types ont servi trop peu de temps. On ne constate pas, c'est différent des lions et des rois de Lydie, on ne constate pas l'utilisation du même type monétaire pendant un certain temps, pendant un certain nombre d'émissions. Et même... Plusieurs types manifestent les mêmes détails techniques et doivent, pour ces raisons pratiques, provenir du même atelier, de la même cité. Donc, les premières images, à la différence de ce qui se passera par la suite, et j'y reviendrai, ne renvoient pas aux cités elles-mêmes. Qu'est-ce qu'elles représentent ? Alors, on pourrait penser aux responsables... administratif, au responsable institutionnel de l'émission, celui que nous appelons ordinairement le monétaire, le maître de la monnaie, même si en réalité les pouvoirs de choix de ces personnes nous est très mal connu. Cependant, il apparaît difficile et anachronique de projeter dans la première moitié du VIe siècle des développements institutionnels que l'on connaîtra surtout à partir du 5e et du 4e siècle, quand la monnaie sera bien implantée dans la cité. Alors on a pensé que ces types pouvaient renvoyer à des marchands. Je reviendrai tout à l'heure sur l'hypothèse de l'origine commerciale de la monnaie. C'est une vision bien moderniste. Il y a dans les cités... incontestablement des gens qui se lancent dans les aventures maritimes pour faire fortune et qui sont intéressés par l'acquisition de monnaie mais la monnaie est un objet trop institutionnel trop lié aux institutions pour qu'on puisse imaginer que ce soit une création de personnes privées on a pensé également aux tyrans alors nous sommes au 7e et au 6e siècle à une époque où du fait des luttes dans les sites lutte entre les aristocrates pour le pouvoir, lutte entre les paysans sans terre et les aristocrates. Ces luttes débouchent souvent vers des essais de monarchie absolue qui ont toujours été rejetés par la cité grecque et que la cité grecque a qualifié de ce nom infamant de tyrannie. Et il est assez étonnant d'ailleurs et assez significatif de constater que nous ne savons pas Quel était le titre que se donnaient ces tyrans eux-mêmes ? Le titre que nous avons, ce titre de tyran, c'est une injure. Et c'est une injure qui a toujours été proférée par les adversaires des tyrans. Ce n'est pas le nom qu'ils se donnent eux-mêmes. Incontestablement, certains tyrans ont joué un rôle dans le développement de la monnaie. Et par exemple, Polycrate, le tyran de Samos dans les années 525, a incontestablement frappé monnaie. Il nous est même connu comme étant le premier faussaire de l'histoire monétaire de la Grèce antique. L'histoire des fausses monnaies de Polycrate a été rapportée par Hérodote, qui nous dit qu'il n'y croit pas beaucoup. Mais on a trouvé dans les feuilles de Samos des monnaies qui correspondent tout à fait à ces faux et qui sont de l'époque de Polycrate. Donc vraisemblablement, la réhabilitation tentée par Hérodote ne peut pas être acceptée et Polycrate a certainement en effet fabriqué de la fausse monnaie. Le tyran est présenté comme un homme très riche, comme, je mets le mot entre guillemets, parce qu'il n'a évidemment pas le même sens dans l'Antiquité que de nos jours, comme un homme moderne, comme un homme de son temps, et donc on peut être tenté d'associer monnaie et tyrannie. Mais comme je vais essayer de vous le montrer, la monnaie dépasse très largement le phénomène de la tyrannie et nous trouverons des monnaies sous des régimes aristocratiques, sous des régimes tyranniques. Et même la grande monnaie du 5e siècle à Athènes est associée à la démocratie athénienne. Donc l'hypothèse du tyran n'est pas non plus acceptable. Alors ces types renvoient bien cependant à des individus. Nous avons même une émission qui porte un nom inconnu par ailleurs, frappée dans une cité que nous ne connaissons pas. Impossible pour l'instant d'identifier ces personnages et de préciser leur rôle. Cependant, si je compare avec ce qui se fera dans la région du Pangée, vous savez cette région minière au nord de la Grèce, à la fin du VIe et au début du Ve siècle, je serais tenté de voir tout de même dans ces personnages, je dirais non pas le maître de la monnaie, mais le maître du métal, celui qui d'une manière ou d'une autre a rassemblé le métal et qui est chargé par la cité de Frappé-Monnaie. En tout cas... Ce qui caractérise les premières monnaies, c'est que, bien que frappées dans les cités grecques d'Asie mineure, elles ne renvoient pas aux cités. Ce premier système monétaire a fonctionné pendant peut-être un demi-siècle, à un rythme naturellement très lent. Frapper monnaie continue à être quelque chose d'exceptionnel. Et d'autre part, la monnaie d'électrum ne circule pas en dehors de l'Asie mineure. On n'en a trouvé qu'en Asie mineure. Plutôt que son rôle commercial, ce qui apparaît, c'est, je dirais, la fonction impériale de la monnaie. Elle sert comme instrument dans les relations politiques et militaires entre le roi de Sardes et les cités semises de la côte qui lui doivent tribut. Et la monnaie est à la fois donnée par le roi de Sardes dans ce type de cité et resserre au paiement du tribut. versé au roi. Vers le milieu du VIe siècle, ce système prend fin à la suite de deux événements. L'un est politique, l'adéu militaire, la destruction du royaume de Lydie par Cyrus, le créateur du tout nouvel empire perse, et l'incorporation du royaume de Lydie à l'intérieur de la sphère impériale perse. Et l'autre est monétaire. C'est l'abandon du système de l'électrome pour un monnayage d'or et d'argent pur. On a longtemps pensé que cet abandon aurait été décidé par Crésus et que les nouvelles pièces, qui sont donc soit en argent, soit en or, avec un lion et un taureau, ces nouvelles pièces auraient été frappées par, seraient donc les stataires de Crésus qui nous sont mentionnés par certains textes. Mais il est certain que... Une partie au moins des pièces nouvelles a été frappée par le satrape perse qui est le gouverneur de l'Asie mineure, jusqu'à l'introduction d'un type proprement perse par Darius, vers 520. Alors à partir de 520, nous sommes maintenant sur des dates solides, et 520 est vrai à quelques mois près, nous ne sommes plus comme auparavant, avec une incertitude de plusieurs années. Mais en même temps... Et c'est ce qui va m'intéresser maintenant. La monnaie connaît une extension considérable en traversant la mer Égée et en passant en Grèce. C'est en effet vers le milieu du VIe siècle que Égine, la petite île d'Égine, dans le golfe saronique tout près d'Athènes, commence à frapper monnaie et qu'elle utilise sa monnaie pour bâtir sa puissance maritime. Égine est connue pour avoir créé le... premier réseau systématique de relations maritimes à travers la mer Égée, réseau que l'on suit par les monnaies. depuis la Thessalie jusqu'à la Crète, depuis le Péloponnèse jusqu'à Rode, donc qui couvre pratiquement toute l'Égée, en tout cas qui a des points un peu partout en Égée. Égide maintient ce réseau grâce à une flotte de guerre qui est à ce moment-là la plus importante en Grèce avant celle d'Athènes. Or, la marine coûte cher, pour deux raisons. D'une part, alors que la cité ne prend pas en charge... L'entretien du guerrier lourd de l'oplite, du fantassin lourd, depuis l'épopée, cela nous est attesté dans l'Odyssée, la cité, ou plutôt le maître du navire, prend en charge l'entretien de ses rameurs. Et il les nourrit en nature ou en argent. L'argent est évidemment plus commode que des rations en nature. La flotte coûte cher parce que le navire doit être construit avec des matériaux d'importation. Il faut des variétés de bois différents. Or, Égide n'avait pas plus de forêts dans l'Antiquité que maintenant. Il faut du chanvre, il faut du lin, chose qui n'existe pas à Égide ni en Grèce centrale en général. il faut toute une série de produits d'importation. Donc il faut pouvoir acheter à l'extérieur pour pouvoir construire des bateaux. Or, à partir de ce milieu du VIe siècle, l'argent est désormais disponible en masse considérable. En effet, peu avant le milieu du VIe siècle, a été découvert, ou en tout cas mis en exploitation, à Sifnos, donc dans une petite île des Cyclades, un gisement d'argent d'une richesse extraordinaire. Sifnos va prodigieusement s'enrichir, elle va construire en particulier le plus beau trésor archaïque, la plus belle chapelle archaïque à Delphes, elle va frapper monnaie, mais en très petite quantité, et dans le sillage des gînes, avec le système monétaire des gînes. En effet, extraire de l'argent est une entreprise difficile, très coûteuse. qui mobilise surtout à l'échelle de la cité archaïque d'énormes moyens en hommes et en capitaux, si vous me permettez l'emploi de ce mot anachronique. Nous n'avons que de vagues indications là-dessus, dans les textes grecs, mais je vous permets d'extrapoler et d'utiliser les informations que nous avons pour les mines du Potosie au XVIe siècle. à un moment où la technologie n'a pas sensiblement changé et où donc on peut, en acceptant un certain degré d'erreur, utiliser ces renseignements. Les chiffres des mines d'hypothésie sont à la fois sidérants et effrayants. Pour extraire une tonne d'argent, ce qui correspond à la monnaie frappée par deux coins de droit, deux matrices de droit, Or nous savons qu'Egin, à ce moment-là, utilise beaucoup plus que deux coins de droit par an. Donc elle utilise plusieurs tonnes d'argent par an. Elle frappe monnaie avec plusieurs tonnes d'argent par an. Extraire une tonne d'argent exige le travail de 500 à 1 000 esclaves par an. Alors je dis esclaves, je sais bien qu'il y avait des hommes libres dans les mines. Mais enfin, l'énorme majorité étaient quand même des esclaves. Et d'autre part... 500 à 1000 esclaves pour une tonne, en sachant que l'espérance de vie d'un Indien envoyé dans les mines des Andes est de l'ordre de 4 à 50, une fois qu'il a commencé à pénétrer dans la ville. Les accidents, respirer les vapeurs de plomb, tout ceci fait que c'est une activité extrêmement dangereuse. D'ailleurs, les sources antiques sont parfaitement claires là-dessus. Donc non seulement il faut une main-d'œuvre importante, mais il faut une main-d'œuvre que l'on remplace très régulièrement. 1000 esclaves à raison de 5 ans d'espérance de vie, ça signifie 200 esclaves par an. C'est, pour la cité antique, un chiffre considérable. Et d'autre part, pour extraire une tonne d'argent, il faut traiter 100 000 tonnes de roches stériles, de scories. et de plomb dont la valeur financière est très faible, sinon nulle. Et il faut également 10 000 tonnes de bois, à la fois pour étayer les galeries des mines et pour le charbon de bois. La purification de l'argent est extrêmement consommatrice en bois, en charbon de bois. Sifnos n'a pas les moyens humains, économiques, de faire face à une telle exploitation. Comme les analyses par les isotopes du plomb nous montrent que l'argent d'Egin est frappé en grande partie avec du minerai de Sifnos, et comme nous savons que Egin a à la fois la flotte et les moyens de pourvoir à ses importations de bois, et d'esclaves, il ne fait aucun doute que les éginètes ont joué un rôle essentiel dans le développement de Siphnos. Et alors, Égine donne à sa monnaie, par rapport aux monnaies anciennes en électron, dont je vous parlais tout à l'heure, une dimension nouvelle et un aspect nouveau. Désormais, alors qu'auparavant c'était probablement l'image des maîtres des monnaies que l'on voyait, c'est la cité. qui prime. Il n'y a que la cité qui apparaissent à travers les types monétaires. Le droit porte l'image d'une tortue de mer qui donne son nom à la fois officiel, nous l'avons dans des textes de loi, nous l'avons dans des comptes, nous savons que c'était le terme officiel utilisé pour ces monnaies, et également le terme populaire pour désigner ces monnaies. Quand on parlait d'une tortue, on savait parfaitement à quoi on avait à faire et Personne ne s'y trompait. Il n'y a plus aucun doute sur l'attribution à la cité, même si le nom de la cité n'apparaît pas. Le nom de la cité n'apparaîtra qu'au IVe siècle, c'est un phénomène secondaire, ça n'a pas d'importance. L'image suffit à identifier parfaitement Égide. Et d'autre part, au revers, il y a un dessin géométrique qui évolue, mais qui s'identifie lui aussi avec la cité. C'est ce que les numismates appellent en général le carré génétique, à la seule exception des Britanniques, qui peut-être pour rendre hommage à ce qui fut la première grande puissance maritime en Méditerranée, appellent ce schéma l'Union Jack. Pourquoi la tortue ? Nous n'avons pas d'explication assurée. Et il ne fait aucun doute qu'il faudrait chercher, qu'il faut chercher l'explication dans la vie religieuse, dans les mythes, dans les traditions de la cité. Et c'est simplement la faiblesse de nos sources concernant les gînes qui ne nous permet pas d'expliquer quelle est la signification précise et d'identifier la divinité à la tortue. Alors j'avais prévu un développement supplémentaire pour le passage aux chouettes. Mais je voudrais vous laisser quelques minutes pour éventuellement poser des questions ou demander des précisions. Et je vais m'arrêter sur les tortues d'Egin en insistant sur deux choses. La monnaie est désormais sortie du temps de ses origines. La monnaie d'Egin, on la trouve de Chypre à la Sicile, on la trouve de la Bulgarie actuelle en Égypte et en Afg... jusqu'en Afghanistan, à travers tout l'Empire Achaéménide, c'est une monnaie qui circule un petit peu partout. J'ai essayé de reconstituer le processus et les mécanismes qui avaient conduit à sa création. Les démarches suivies par les autorités lydiennes, grecques, et en particulier égynes, éclairent à leur tour les motifs qui ont permis, qui ont poussé au développement de l'usage de la monnaie. Je ne reviens pas sur l'appât pour les métaux précieux, c'est quelque chose de trop banal pour que ce soit une originalité, mais je dirais tout de même que la première raison de la monnaie, c'est incontestablement la volonté du pouvoir politique, que ce soit celui du roi de Lydie ou celui des cités grecques, la volonté du pouvoir politique de gérer, de réguler. d'imposer des règles à leur profit à la circulation des métaux précieux. Platon et à sa suite Aristote avaient imaginé, dans une reconstitution que Platon d'ailleurs présente lui-même comme une reconstitution théorique, que la monnaie aurait été créée à la suite d'un accord, d'un symbolone, entre les marchands, en somme une sorte de pacte commercial, pour noter une chose que nous avons d'ailleurs constatée, qu'on n'avait pas besoin de peser, qu'il suffisait de compter la monnaie. Mais tous les autres aspects de la monnaie nous montrent trop fortement la marque de l'État pour que l'on puisse accepter cette hypothèse. Deuxième remarque, la monnaie a d'abord été utilisée comme un instrument d'empires, comme un outil de guerre. Et ceci vaut aussi bien pour le roi de Lydie que pour Athènes au Vème siècle. Et on pourrait aussi le montrer pour Égypte. Elle facilite la levée de l'impôt et la rémunération du guerrier. Elle permet l'accumulation de réserves. Alors, être un instrument de réserve, c'est une des trois fonctions de la monnaie selon la définition des économistes classiques. du XIXe siècle. Mais on n'a pas assez remarqué que cette fonction de réserve de la monnaie, elle avait déjà été notée par Thucydide, mais pour un usage exclusivement militaire. Ce qui fait la force d'Athènes en 432, dit Périclès à ses concitoyens et sa supériorité sur Sparte, c'est que la monnaie lui permet d'avoir des réserves pour tenir dans la guerre et pour entretenir la guerre pendant des années. Cela dit, cet usage militaire de la monnaie n'est très loin d'être simplement de l'ordre du symbolique ou de l'étalage de la munificence. La quête du métal précieux exige le contrôle de la mer, entraîne des importations, développe le commerce et nous retrouvons dans ce développement des navigations et du commerce les marchands de Platon. dans les trafics d'esclaves, de bois et de matériaux précieux qui ont eux aussi entretenu l'usage de la monnaie. Alors il y a toute une fluctuation qui est très complexe entre l'or et l'argent jusqu'à ce qu'on arrive au papier. Les toutes premières monnaies de la première moitié du VIe siècle sont donc en électron, et en un or que l'on peut dire un or appauvri. A partir du milieu... du sixième siècle à la suite notamment de découvertes de minerais d'argent considérable l'argent prend une place prépondérante et l'or ne joue plus dans les cités grecques un rôle secondaire et puis la monnaie d'or est réintroduite en volume important par philippe ii de macédoine et dans la pensée dans l'imaginaire des grecs l'or est la monnaie des rois. Cela dit, même à l'époque hellénistique, l'or est compté en argent. Je veux dire par là que dans les comptes, la valeur d'une pièce d'or est exprimée par sa contrepartie en monnaie d'argent, ce qui montre bien que la monnaie importante est la monnaie d'argent. Il faudrait introduire, mais je n'ai pas le temps, un autre élément qui a été très capital. C'est à partir du début de la fin du 5e siècle. l'utilisation de la monnaie de bronze et le développement de la monnaie de bronze. Mais je continue sur le rapport or-argent. L'argent reste prédominant jusqu'au IIe siècle après Jésus-Christ. Mais les difficultés financières des empereurs romains, les manipulations du denier, le passage à Antoninianus et puis ensuite à Laurelianus font que cette monnaie d'argent se déprécie de plus en plus et que la monnaie d'or... devient prépondérante. À Byzance, la grande monnaie, c'est la monnaie d'or. Alors au Moyen Âge occidental, on revient à l'argent avant que l'or ne reprenne la priorité pendant un certain temps. Et puis alors effectivement, la découverte de l'Amérique va bouleverser les rapports entre les métaux. Mais c'est une histoire assez complexe.